Commission d'enquête Autorités administratives indépendantes

Réunion du 8 juillet 2015 à 14h40

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Nous entendons Mme Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi), créée par la loi du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la création sur Internet, dite Hadopi I, qui la qualifie d'autorité publique indépendante. Cette loi instaure la réponse graduée en matière de lutte contre le piratage sur Internet, en particulier par des outils d'échange peer-to-peer, et en confie l'application à la nouvelle Hadopi. Cette dernière reprend les missions précédemment dévolues à l'Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT) créée sur une initiative sénatoriale par la loi du 1er août 2006 relative aux droits d'auteurs et aux droits voisins dans la société de l'information.

L'Hadopi comprend deux organes distincts. Le collège d'abord, composé de neuf membres nommés par le Conseil d'État, la Cour des comptes, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, les ministères concernés et le Parlement. Il est renouvelé par tiers tous les deux ans et présidé par vous-même, magistrate à la Cour de cassation, élue par le collège. Celui-ci met en oeuvre les missions confiées par la loi à l'institution à l'exception de la réponse graduée. Le deuxième organe est la commission des protections des droits (CPD), présidée par Mme Mireille Imbert-Quaretta, composée de trois magistrats respectivement issus de la Cour de cassation, du Conseil d'État et de la Cour des comptes. Cette commission, indépendante du collège, a la responsabilité de la réponse graduée.

Vous nous exposerez les missions de l'Hadopi définies par la loi du 12 juin 2009 et précisées par la loi du 28 octobre 2009 relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet, dite Hadopi II.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Marie-Françoise Marais prête serment.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Merci de me recevoir. Ces rencontres sont toujours très enrichissantes car elles nous obligent à approfondir la réflexion sur notre institution et à préciser les voies que nous devons explorer.

Tout d'abord, je voudrais revenir sur les raisons qui ont poussé à la création de l'Hadopi. Les pouvoirs publics ont estimé qu'ils ne pouvaient se désintéresser du piratage qui prenait une ampleur sans précédent : ils devaient réagir, mais pas n'importe comment. Une période de maturation était nécessaire. Comment en effet réagir face à un phénomène qui ne concernait pas les délinquants habituels mais des personnes qui, par ailleurs, respectent les lois et qui, pour certaines, n'avaient même pas conscience de les enfreindre ? Il n'y avait à l'époque en droit qu'une seule incrimination pour les sanctionner : la contrefaçon, qui est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende. Ces sanctions n'étaient bien évidemment pas adaptées à la problématique du téléchargement illégal.

La loi de 2006 disait que tout abonné à Internet devait veiller à ce que ses connexions ne serve pas à des usages illicites, mais cette obligation n'était assortie d'aucune sanction. Face à ce vide juridique, le législateur a souhaité confier à une autorité administrative indépendante (AAI) le soin de surveiller les comportements des internautes. Il a alors été envisagé une riposte graduée : cette autorité pourrait prononcer des amendes mais aussi couper l'accès à Internet après trois mises en demeure. Le Conseil constitutionnel en a jugé autrement, estimant que si la propriété intellectuelle était un droit fondamental, ce qui nous réjouis, la liberté d'expression et la liberté d'opinion lui prévalaient : or une coupure d'Internet portait atteinte à ces libertés. Ainsi, seul le gardien naturel des libertés, à savoir le juge, devait avoir le droit de prononcer une telle sanction.

C'est pour cette raison que nous sommes passés d'une « riposte graduée » à une « réponse graduée » et que l'Hadopi a conservé le pré-pénal, et acquis la faculté de renvoyer les dossiers devant le juge. En outre, grâce au Sénat, nous avons reçu la mission d'encourager le développement de l'offre légale, ce qui intéresse nombre d'utilisateurs. Enfin, nous sommes chargés de l'observation étant donné du peu d'informations dont nous disposons. Nous devons également publier des indicateurs et réguler les mesures techniques.

Le 8 janvier 2010, quand j'ai poussé pour la première fois la porte des bureaux que le ministère de la culture mettait à notre disposition, il n'y avait que quelques bureaux, des chaises et un vieil ordinateur. J'étais bien seule. Il a fallu construire cette autorité à partir de rien. La première recommandation que nous avons faite le 1er octobre 2010 représentait un véritable exploit. Il a fallu quatorze décrets et deux années pour être réellement opérationnels. Voilà donc quelle fut la naissance de l'Hadopi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

En quoi l'existence de l'Hadopi est-elle utile ? Pourquoi ne serait-elle pas absorbée par le CSA ? En quoi considérez-vous qu'une autorité indépendante est utile ?

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Je me suis posé cette question à de nombreuses reprises. Cela dit, l'Hadopi existe par la volonté du législateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Et si le législateur décidait de la supprimer, qu'en penseriez-vous ?

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Je n'ai pas d'états d'âme. Notre existence n'a pas été facile. On parlait régulièrement de nous supprimer, de nous transférer, de nous fusionner... Difficile d'avancer dans de telles conditions.

Sommes-nous légitimes ? Tous les présidents des AAI que vous allez auditionner vous répondront par l'affirmative. Chaque autorité a un objet spécifique, un métier particulier. Pour notre part, notre identification est forte. Avant même notre création, certains tiraient à boulets rouges sur cette future autorité. Mais cette identification montre l'attachement des pouvoirs publics au droit de la propriété intellectuelle et il s'agit d'un atout auprès de nos interlocuteurs étrangers.

En outre, nous avons un réel effet bouclier : notre exposition est telle que nous parons les coups pour les administrations centrales. Enfin, nous protégeons les données personnelles des particuliers. La commission de protection des droits (CPD) est totalement indépendante de l'Hadopi afin de protéger les données personnelles sensibles. Je comprends l'obsession de la présidente de la CPD qui veille à une étanchéité parfaite. Les ayants droit qui constatent une infraction n'ont pas accès aux données personnelles. On a craint à une époque une faille lors du recueil des adresses IP : la CPD a demandé une expertise et l'expert auprès de la Cour de cassation a estimé que le système en place était robuste.

Victoria Espinel, conseillère du président Obama, défend une tout autre logique. Aux États-Unis, les intrusions du législateur sont perçues comme une atteinte à la liberté. C'est pourquoi la réponse graduée y est mise en oeuvre par une association. L'approche française est totalement différente : un système privé serait considéré par nos concitoyens comme un petit arrangement entre amis.

Enfin, la lutte contre le piratage et le développement de l'offre légale me semblent complémentaires, mais pourraient néanmoins être dissociés et confiés à d'autres. J'ajoute que l'Hadopi compte 52 personnes, ce qui en fait une très petite administration.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Certes, mais une taille réduite est le gage d'une plus grande réactivité, adaptée aux évolutions de notre temps. Une fusion avec le CSA ne le permettrait sans doute pas. Bien entendu, le législateur peut concevoir d'autres systèmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Vous estimez que l'Hadopi sert de bouclier, mais cet argument est difficilement recevable : chacun doit assumer ses responsabilités. Le délitement de l'État n'est pas une bonne chose pour la République.

Dans de nombreux domaines, l'État est amené à utiliser des données personnelles et il le fera de plus en plus à l'avenir, dans le cadre de ses missions institutionnelles. Faut-il une autorité indépendante pour que les données personnelles de nos concitoyens soient protégées ? Cette question mérite d'être posée.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Je n'ai pas la prétention de dire qu'un service de l'État serait incapable de le faire à notre place. Mais nous sommes confrontés à de forts antagonismes entre les ayants droit, les intermédiaires techniques - fournisseurs d'accès Internet (FAI) et hébergeurs - et les divers utilisateurs. Le législateur a voulu une autorité indépendante mais une autre forme juridique était et reste envisageable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Pour que vive l'Hadopi, il faut des moyens et du personnel. La subvention de l'État a régulièrement diminué. Pouvez-vous nous en dire plus ? Vous avez constitué un bon matelas au départ et vous le consommez depuis quelques années.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Nous avons subi une première diminution de notre budget en 2012, avec 10 % de crédits en moins, ce qui nous a conduits à réduire drastiquement nos dépenses en internalisant des services et en réduisant les frais de communication et de représentation.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Dans votre dernier rapport, il est dit que vous exécutez de manière élevée votre budget, ce qui est positif. Ce n'est pas le cas de toutes les autorités indépendantes.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

L'année 2012 fut bénéficiaire, ce qui a alimenté le fonds de roulement. En 2013, nous avons subi une réduction de 32 % : nous avons connu notre premier résultat déficitaire et il nous a fallu prélever environ 1,6 million d'euros sur notre fonds de roulement. En 2014, les crédits ont encore diminué de 20 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

D'après mes informations, vous avez subi une diminution de 51 % en trois ans.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

C'est exact. En 2014, nous avons eu un deuxième résultat déficitaire et nous avons à nouveau ponctionné notre fonds de roulement à hauteur de 2,5 millions.

Cette année est catastrophique, avec des moyens réduits encore de 20 %.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

J'ai tiré le signal d'alarme. Même les rapporteurs de la loi de finances ont noté que ces réductions ne permettaient plus d'assumer toutes nos missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Il faut dire que des coups de rabot uniformes ne se justifient pas. Bercy pourrait proposer des solutions plus sophistiquées.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Nous avons été contraints de licencier quatre personnes, de ne pas remplacer cinq départs et de ne pas renouveler deux CDD. Nous référant aux préconisations de l'inspection générale des finances, nous disposons de deux mois de fonds de roulement.

Je ne sais pas si vous vous rendez compte des conditions de travail de nos agents. Ils sont extrêmement stressés, ne sachant pas quel sera l'avenir de cet organisme. Pourtant en quarante ans d'activité professionnelle, je n'ai jamais rencontré des agents aussi motivés. Je leur tire mon chapeau. Le travail qu'ils accomplissent mérite le respect.

Pour le budget 2015, nous n'avions pas été associés aux discussions. Pour 2016, nous sommes dans la boucle dès le départ. Nos prétentions sont modestes mais nous devons arriver à faire vivre notre institution.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Pas encore. En revanche, nous envoyons nos comptes financiers au ministère de la culture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Vous êtes indépendants, mais totalement dépendant de la négociation avec l'État.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Je suis très indépendante. Le doyen Gélard disait qu'une autorité administrative doit avoir les moyens d'exercer ses fonctions de façon satisfaisante. Je tire donc le signal d'alarme car 2015 est une année noire pour notre institution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le doyen Gélard estime qu'il faudrait supprimer 80 % des AAI.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

J'espère que l'Hadopi sera dans les 20 % restantes. En parfait accord avec Mme Mireille Imbert-Quaretta, présidente de la CPD, nous avons réduit nos budgets. Mais cette diminution drastique affecte à présent le fonctionnement de l'institution et le moral du personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il est normal que le capitaine se préoccupe de l'équipage. En dépit de votre statut d'autorité publique indépendante, l'État ne vous a pas facilité la tâche puisque la nomination de trois membres de votre collège sur neuf a tardé entre fin 2013 et mi 2014.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

J'ai tiré le signal d'alarme à plusieurs reprises car nous ne pouvions pas fonctionner correctement, malgré le quorum. Nous avons enfin obtenu satisfaction, au bout de six mois, après une alarme vigoureuse pour ne pas dire une mise en demeure avant que d'autres instances interviennent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Si le Gouvernement est convaincu de la nécessité de votre action, c'est une curieuse méthode de réduire régulièrement votre budget et de ne pas nommer les membres de votre collège.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

J'ai bon espoir que les relations s'améliorent à l'avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Quel est le bilan que vous dressez de votre action contre le piratage ? Le mécanisme de la réponse graduée donne-t-il satisfaction ? Où en est le développement de l'offre légale accessible ?

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Les résultats doivent être examinés à l'aune des objectifs fixés. L'Hadopi n'est pas faite pour éradiquer le piratage. D'autres actions sont utilisées, comme la fermeture de sites ou les poursuites en contrefaçon. Indépendamment du peer-to-peer, le téléchargement en direct est monté en puissance. Nous avons été un des premiers à nous en préoccuper et j'ai demandé à Mme Mireille Imbert-Quaretta de se pencher sur la question. Son rapport a donné lieu à un autre rapport commandé par le ministère de la culture pour déterminer les moyens opérationnels à mettre rapidement en place. Des chartes ont été signées pour assécher les ressources publicitaires des plateformes illicites. Une autre charte devrait bientôt voir le jour pour assécher les paiements. Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) présente désormais sur son site les plateformes d'offres légales. Nous avons nous-mêmes créé une plateforme recensant les sites manifestement illicites. Les personnes qui cherchent des oeuvres introuvables peuvent nous interroger : nous leur donnons l'information ou répercutons ces demandes sur les producteurs. Nous regrettons notre peu de pouvoir en matière de mesures techniques de protection (MTP). Nous avons rendu trois avis, mais nous souhaiterions faire plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Vous prononcez plus de quatre millions de premières recommandations : comment faites-vous ? A la dernière étape, après la deuxième recommandation et la délibération, vous ne transmettez que 200 cas au parquet. L'entonnoir est vraiment étroit.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Les ayants droit nous saisissent après avoir constaté une infraction et ils nous transmettent une adresse IP. La CPD traite environ une demande sur deux. Elle demande aux FAI d'identifier la personne qui détient l'adresse IP : dans 88 % des cas nous obtenons une réponse. La CPD envoie alors une première recommandation.

Mme Mireille Imbert-Quaretta a développé pour la réponse graduée une sorte de process pédagogique. La deuxième recommandation ne concerne plus que 10 % des personnes qui ont déjà reçu un mail, ce qui ne veut pas dire que les 90 % restants ont arrêté de télécharger de façon illégale. Mais beaucoup de gens ne savent même pas qu'ils ont recours à des sites illégaux. Leurs enfants le savent, mais se gardent bien de les éclairer...

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

On nous dit qu'il y aurait 70 000 saisines par jour. C'est énorme !

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

C'est bien le cas. J'ai ma liberté de parole ; je vous raconterai donc ma conversation avec la fille d'un ami. Sachant qu'il lui arrive de télécharger, je lui ai dit : cessez de considérer qu'avec Hadopi, c'est « pas vu, pas pris » ! Lorsque l'on aime la création, il faut la défendre, non l'affaiblir. Cet ami m'a dit ensuite que sa fille avait changé de comportement. Ce n'est pas parce que je ne vois pas de gendarme que je roule à plus de 50 kilomètres à l'heure en agglomération. La réponse graduée est efficace.

Certains disent que le piratage augmente. En nombre, oui, mais pas plus vite que le nombre d'internautes. Les Nordiques ne piratent pas ? Chaque peuple à sa façon de réagir et je crains que les Français ne soient pas un modèle en cette matière. Nous essayons de changer cela par tous les moyens, chartes ou développement de l'offre légale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je suis heureux qu'un haut magistrat comme vous n'adhère pas au « pas vu pas pris ».

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

C'est dans mes gènes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mais on peut lutter contre les addictions ou le braconnage sans AAI... La structure bicéphale n'a-t-elle pas occasionné des blocages graves ?

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Il y a eu des périodes difficiles, mais nous arrivons aujourd'hui à des résultats surprenants. J'ai organisé en dehors des cas où elles sont de droit - budget, avis - des réunions avec la CPD, qui montent en puissance. Mais le bicéphalisme a occasionné des frictions, c'est vrai.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Pas totalement.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Nous avons demandé l'accès à des données qui étaient considérées comme une chasse gardée. En matière budgétaire, la CPD voulait réduire le fonds de roulement à zéro.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Les sanctions et les données personnelles sont des domaines extrêmement sensibles. Cela nécessite un système informatique protégé et séparé des autres missions de la Hadopi. Je dois saluer l'expertise de la direction de la protection des droits, qui dépend de la CPD. Ce n'est pas une boîte noire, mais il est arrivé que l'étanchéité soit telle que l'on ne savait pas ce qui s'y passait. Les rapports se sont bien améliorés.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Je vous pose la question comme parlementaire intéressée par le rôle de protection des droits des AAI et comme la mère de deux adolescents qui sont bien au fait de ces questions... De quels moyens disposez-vous pour anticiper ? Quel est la part du temps que la Hadopi consacre à chacune de ses deux missions, répression et sensibilisation ?

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Nous avons des chercheurs en informatique - je n'en fais pas partie... Ce sont des équipes très jeunes qui réalisent des études sur la manière de répondre aux nouvelles technologies, non pour éradiquer mais au moins pour faire diminuer le téléchargement illégal. La pédagogie est essentielle : dans un des ateliers que nous organisons, à l'un de ses camarades qui copiait sur lui, un gamin a dit : « tu me voles mon droit d'auteur ! » C'est déjà bien ! Le droit d'auteur est très délicat à comprendre. J'ai quarante ans de carrière derrière moi, durant lesquelles j'ai beaucoup travaillé sur cette question, mais certains magistrats n'en maîtrisent pas les tenants et les aboutissants. L'observation est très importante pour construire un discours adéquat pour les jeunes. Nous avons lancé une campagne de communication autour de la phrase : « la création de demain se défend aujourd'hui. » Mais cela coûte cher et nous n'avons pas pu la renouveler. Nous ne pouvons tout résoudre en quelques années : si c'était si facile, ce serait déjà fait. Une précision : nous consacrons 60 % de notre budget à la réponse graduée, 25 % à l'observation et 15 % à l'encouragement de l'offre légale.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je me souviens du débat préalable à la création de l'Hadopi : certains voulaient sévir tandis que les autres ne voulaient pas toucher à un Internet d'essence divine. Mon impression, c'est que la configuration de la Haute Autorité, avec son budget faible, son organisation bicéphale, ses contraintes procédurales fortes, a été précisément le moyen trouvé pour ne pas choisir, de s'en tenir à une mesure intermédiaire. Suis-je très éloigné de la réalité ?

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Mon impression est un peu différente : un équilibre a été recherché qui tient parfois du grand écart ! Penser qu'Internet est le lieu de la liberté absolue est dépassé, mais les utilisateurs veulent un accès aux créations bon marché - voire gratuit. Dans le même temps, il faut alimenter la création. Nous avons défriché, tenté des actions, certaines ont fonctionné, d'autres non. Mais nous avons fait avancer la conscience que la création de demain se protège aujourd'hui - sauf chez les geeks invétérés, bien sûr.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je ne critique pas votre travail ; c'est un constat que je fais pour les AAI en général : elles peuvent être un bon moyen de ne pas réellement décider.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

La création d'une AAI se justifiait dans ce cas, où nous avançions à l'aveugle. Tout était tellement nouveau. Il fallait inventer de nouveaux moyens de répression et de sensibilisation, car nous n'avions à notre disposition, dans l'arsenal existant, que la contrefaçon, or je n'ai jamais vu de juge prononcer trois ans fermes pour un téléchargement indélicat. Nous devions comprendre le mécanisme. La loi ne peut pas changer tous les trois mois...

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Oui, vous avez raison. C'est ma pratique à la Cour de cassation qui m'induit en erreur. La loi Hadopi ménage une réelle souplesse, autorise d'autres actions que la répression.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Votre budget a diminué et vous avez réalisé des économies. Vos moyens de départ étaient-ils surdimensionnés ? Proposez-vous des améliorations à la riposte graduée ? À quels audits internes ou externes avez-vous procédé ?

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Des investissements étaient nécessaires au démarrage, notamment pour notre système d'information. Nous ferons un bilan de la riposte graduée dans notre prochain rapport annuel. Vous remarquez que nous continuons à vivre avec beaucoup moins : c'est que nous avons réduit nos actions. Nous avons fait le maximum avec moins ; nous aurions pu faire mieux avec plus. Le budget de départ n'était pas surdimensionné.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

La commission de la culture a présenté ce matin un rapport sur l'Hadopi, dénonçant un taux d'encadrement trop élevé, des parachutages, des recrutements trop politisés, un défaut de management qui explique un turn-over important. Les organisations représentant les auteurs telles que le Bureau de liaison de l'industrie cinématographique (Blic), le Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc), la société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs (ARP) ou l'Union des producteurs de films (UPF) dénoncent, dans une lettre à la ministre, le travail de la Haute Autorité. Quoique circonspect à l'égard de la presse, surtout parisienne, je lis que « le cinéma réclame la peau d'Éric Walter ». Cela peut s'expliquer par la nature même de votre travail ; mais cela mérite une réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Nous parlons du rapport présenté par nos collègues Corinne Bouchoux et Loïc Hervé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le secrétaire général de l'Hadopi ne parlerait plus de téléchargement, mais de partage, considérant presque qu'il faudrait promouvoir cette pratique.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Notre encadrement est surdimensionné parce que nous ne sommes pas assez nombreux : nous lui demandons donc beaucoup. Quant à la lettre dont vous parlez, je suis indépendante : que je sois mal aimée, que mon action déplaise à certains, je le comprends très bien. Les articles de presse, on les lit ; on en tient compte ou non avant de prendre des décisions. Mes décisions déplaisent toujours à quelqu'un : je sers donc de punching ball. Sur le taux d'encadrement, il y a peut-être une disproportion entre les directeurs et les autres agents ; mais nous devons faire beaucoup avec peu. Je ne comprends pas l'accusation de recrutements politisés : nous travaillons avec des gens de tous horizons et je m'inscris en faux contre cette affirmation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Vous avez indiqué que votre indemnisation était de 3 000 euros par mois. C'est peu, sachant que ce n'est pas un emploi fictif ! Vous êtes aussi magistrat à la Cour de cassation. C'est le cas de nombre de vos collègues. Nous voyons de tout, parmi les présidents d'AAI : de forts revenus, mais aussi des faibles. Considérez-vous votre indemnité comme normale ? Que ce serait-il passé si vous n'aviez pas été haut magistrat ? C'est un réel problème. Au train où l'on multiplie les AAI, il va bientôt falloir doubler ou tripler les effectifs de la Cour de cassation et du Conseil d'État !

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Je suis aujourd'hui à la retraite, mais mener les deux fonctions de front a parfois été difficile. Mes 3 000 euros - bruts - vous effraient ?

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Vous me posez une question un peu personnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Si pour être président d'AAI, il faut être conseiller d'État, magistrat de la Cour des comptes ou à la Cour de cassation, c'est un problème.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Je le reconnais.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Même les membres du collège seront difficiles à trouver, même si ces fonctions sont honorifiques.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

En effet.

Debut de section - Permalien
Marie-Françoise Marais, présidente de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet

Au demeurant, j'ai été très heureuse de ces fonctions. J'ai essuyé les plâtres, défriché le terrain. La suite ne m'appartient pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Nous poursuivons nos travaux avec l'audition de Mme Monique Liebert-Champagne, présidente de la Commission des infractions fiscales. Vous êtes Conseiller d'État et membre de la Commission des infractions fiscales depuis 2012 en tant que suppléante, puis titulaire depuis 2014 et vous en êtes devenue présidente depuis le 1er avril 2015.

La commission des infractions fiscales a été créée par la loi du 29 décembre 1977 accordant des garanties de procédure aux contribuables en matière fiscale et douanière et elle a été qualifiée d'autorité administrative indépendante (AAI) par l'étude du Conseil d'État de 2001.

La composition de cette commission a été largement revue par l'article 13 de la loi du 6 décembre 2013 relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et vous nous exposerez dans quel sens.

La CIF constitue une garantie de procédure au bénéfice du contribuable puisqu'elle examine les affaires qui lui sont soumises par l'administration fiscale en vue de porter plainte pour fraude fiscale devant l'autorité judiciaire. L'avis rendu par la CIF lie le ministre car elle l'autorise ou non à porter plainte et il n'est pas motivé - pour ne pas influencer la procédure pénale ultérieure.

Vous nous exposerez dans un propos liminaire les missions de la commission et les procédures suivies.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Monique Liebert-Champagne prête serment.

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

Les manquements aux obligations fiscales sont sanctionnés par des amendes administratives, qui peuvent aller jusqu'à 80 % des droits. Ils peuvent aussi relever de la juridiction pénale et l'article 1741 du Code général des impôts (CGI) autorise les poursuites pénales, dès lors que le contribuable a fraudé sur plus du dixième des droits ou plus de 153 euros. Mais il faut qu'il y ait fraude et l'article vise les contribuables qui se sont « frauduleusement » soustraits aux déclarations ou à l'impôt. Certains comportements sont particulièrement visés, avec des peines maximums plus lourdes : comptes ou contrats à l'étranger, interposition de personnes ou d'organismes établis à l'étranger ; usage d'une fausse identité ou de faux documents, domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l'étranger ou tout autre acte fictif.

C'est à l'administration fiscale qu'il appartient de décider si l'affaire de fraude doit être portée au pénal. Elle peut le faire à tout moment de la procédure, qu'il s'agisse de la procédure de vérification en cours ou bien de la procédure devant le juge de l'impôt. Ni l'administration fiscale, ni le juge pénal n'ont à attendre la décision de la juridiction saisie sur le bien-fondé de l'impôt. Il n'y a qu'une restriction, l'avis favorable de la Commission des infractions fiscales (CIF), prescrit par l'article L. 228 du livre des procédures fiscales (LPF).

Qu'est-ce que la CIF ? C'est une commission administrative, qui comprend huit conseillers d'État, huit conseillers maîtres à la Cour des comptes, huit conseillers honoraires à la Cour de cassation, et quatre personnalités désignées par le Sénat et l'Assemblée nationale. Elle siège en 4 formations de 8 membres, et peut siéger en plénière avec tous les membres. Elle examine de 1 000 à 1 100 affaires par an et son taux d'approbation est de l'ordre de 90 à 95 %. Entre 5 et 10 % des dossiers font ultérieurement l'objet d'une relaxe par le juge pénal.

La CIF est une commission administrative composée de magistrats ou d'anciens magistrats ; la plupart d'entre eux ayant exercé des fonctions dans le domaine fiscal. La Chambre criminelle de la Cour de cassation l'a qualifiée d'AAI dès 1991. La CIF est une AAI très différente des autres, c'est une toute petite commission administrative, comparée notamment aux autorités de régulation.

La CIF est saisie à la suite d'une vérification de comptabilité ou d'un examen approfondi de la situation fiscale des entreprises le plus souvent, mais aussi, depuis 2010, en matière de ce qu'on appelle la « police fiscale ». En cas de présomptions caractérisées d'infraction fiscale, et sans attendre la fin d'un contrôle, l'administration peut saisir la CIF sur la base de ces présomptions caractérisées, et s'il existe un risque de dépérissement des preuves.

Il y a un certain nombre de cas dans lesquels la CIF n'est pas saisie : il s'agit de tous les délits susceptibles d'être poursuivis devant les tribunaux sans plainte de l'administration fiscale comme l'escroquerie en matière de TVA ou la fraude aux contributions indirectes et douanières, car la rédaction de l'article L. 228 du LPF ne mentionne pas ces impôts. La CIF n'est pas non plus saisie en matière de délit de blanchiment puisque l'infraction principale est le blanchiment, c'est-à-dire l'obtention d'argent illicite, et le fiscal n'est en l'espèce qu'une conséquence. Enfin, le faux et l'usage de faux ne sont pas concernés car les fonctionnaires les dénoncent par le biais de l'article 40 du code de procédure pénale (CPP).

Quelle procédure suit la CIF ? D'abord, il faut noter que la CIF est saisie d'une fraude, c'est-à-dire des faits qui lui sont soumis. C'est ce qu'on appelle la saisine « in rem ». Elle ne statue pas expressément sur les personnes mentionnées au dossier et le juge d'instruction peut mettre en cause toute autre personne liée à l'affaire. La saisine est communiquée au contribuable sauf en matière de « police fiscale », qui produit ses observations dans un délai de trente jours, et c'est le cas dans à peu près une affaire sur deux. La procédure est contrôlée par le juge judiciaire, la saisine de la CIF étant indissociable de la procédure pénale.

Quel est le rôle de la CIF et pourquoi son existence a-t-elle pu être remise en cause ? Dans tous les pays, c'est un magistrat qui met en mouvement l'action pénale - dans la plupart des cas, il s'agit du parquet, dans des cas plus rares d'un juge d'instruction, saisi par les parties civiles. En matière fiscale, l'administration fiscale ne fait que saisir le juge pénal, c'est au parquet ensuite de décider de l'opportunité des poursuites. En l'occurrence, il y a au préalable une commission composée de magistrats ou d'anciens magistrats, qui sert de filtre. C'est ce qui a fait dire à certains que la commission pourrait disparaitre car ils estiment que le juge pénal peut décider seul.

En fait, je pense que c'est une garantie pour le contribuable, mais aussi une garantie pour le juge pénal. Pour le contribuable, c'est l'assurance que l'administration ne saisit pas le juge pour tout fait de fraude puisque l'article 1741 du CGI prévoit qu'il faut que le contribuable se soit « frauduleusement soustrait » à ses obligations fiscales. Mais c'est aussi une garantie pour le juge pénal, qui ne doit être saisi que des affaires importantes, car la justice pénale est très encombrée et coûte cher. La CIF s'efforce donc de cerner par sa jurisprudence ce que sont les affaires de fraude méritant le pénal. Enfin, très rarement, le dossier peut être refusé par la CIF dans des cas qui s'avèrent prescrits ou dans le cas de personnes désignées par erreur, en général les enfants d'un contribuable qui, lui, a commis la fraude. C'est une garantie pour l'administration fiscale, pour éviter de présenter au juge pénal des dossiers qui seraient voués à l'échec. De toute façon, le débat sur l'existence ou non de la CIF a été clos par le législateur en 2013, qui a maintenu cette commission en élargissant sa composition.

La jurisprudence de la CIF demeure confidentielle, car nous estimons qu'elle ne doit pas être communiquée aux éventuels fraudeurs. Par ailleurs, la CIF demande d'abord un montant minimal de fraude, fixé aujourd'hui à 100 000 euros de droits poursuivis. Pour les sociétés, le respect des obligations comptables est prédominant, mais la CIF examine aussi l'attitude du contribuable, l'opposition au contrôle fiscal étant particulièrement soulignée. Les dossiers d'opposition au contrôle fiscal sont d'ailleurs nombreux parmi les dossiers qui nous sont soumis. L'utilisation de moyens de fraude fiscale est également soulignée par la commission, par exemple avec l'acquisition de logiciels de fraude fiscale qui effacent les opérations en espèces.

Les « montages », c'est-à-dire l'interposition de sociétés, sont bien sûr considérés comme des éléments forts de fraude fiscale, a fortiori si les sociétés ou les comptes sont à l'étranger, et bien sûr dans des paradis fiscaux. On voit d'ailleurs de plus en plus de dossiers de ce type, sans doute selon les prescriptions des assemblées parlementaires - je pense à la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales. Je dois enfin souligner que la jurisprudence pourrait évoluer concernant le cumul d'une sanction administrative et d'une sanction pénale, à raison des mêmes faits, se soustraire à l'impôt, de la même incrimination, la fraude fiscale. C'est ce qu'on appelle le principe « non bis in idem ». Longtemps le Conseil constitutionnel a accepté ce cumul à condition que la sanction prononcée ne dépasse pas la peine la plus lourde d'une des deux sanctions et que les procédures ne soient pas poursuivies devant la même juridiction. Mais le Conseil constitutionnel a évolué dans une décision récente du 18 mars dernier, en en ce qui concerne le délit d'initié. Et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) risque d'être beaucoup plus sévère dans le cumul des deux sanctions. C'est pourquoi, le rôle de la CIF, qui cantonne la saisine du juge pénal est important. Elle ne résout nullement le problème juridique du cumul des sanctions, qui reste entier, mais elle permettra au moins à la France de justifier du « sérieux » des plaintes de fraude fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Vous ne disposez ni d'un budget propre, ni de personnels spécifiques puisque vous utilisez ceux de la direction générale des finances publiques (DGFiP). En évoquant ces points, je ne remets nullement en cause la qualité de vos travaux ni la nécessité d'une instance chargée d'une mission comme la vôtre. Mais faut-il pour autant disposer d'une autorité administrative indépendante pour ce faire ? À cet égard, vous considérez-vous comme une AAI au sens qu'en donne le Conseil d'État dans son rapport de 2001 ?

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

La Chambre criminelle de la Cour de cassation l'avait évoqué dès 1991. Les personnels et le budget ne font pas partie des critères permettant d'identifier une autorité administrative indépendante. Ainsi, des autorités administratives indépendantes, qui sont d'ailleurs des autorités de régulation, peuvent voir leur budget arrêté par des ministères, à l'instar de la Commission de régulation de l'énergie, dont j'assure d'ailleurs la présidence du comité des sanctions et dont le budget est fixé par le ministère de l'énergie. Il n'y a donc pas de lien entre le budget et l'indépendance. C'est plutôt la qualité et l'autonomie des membres qui fournissent des gages d'indépendance, comme l'atteste la présence de magistrats, en activité ou en retraite. Par ailleurs, celle-ci est également assurée par l'impossibilité pour l'administration de modifier les décisions que ces autorités rendent. Il est ainsi impossible à l'administration fiscale de déroger à l'avis que donne notre commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Certes, mais une telle décision ne pourrait-elle pas émaner directement de la DGFiP ?

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

Si la DGFiP conduisait cette démarche, elle serait à la fois juge et partie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Je ne le pense pas, car une telle démarche n'enlèverait rien aux suites judiciaires auxquelles elle pourrait donner lieu. D'ailleurs, votre commission n'est-elle pas elle-même contournée par le parquet qui a la possibilité d'instruire un dossier de blanchiment, voire de fraude fiscale ? N'est-elle pas, à cet égard, contournée dans le cadre de certaines affaires ?

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

La loi le prévoit dans le cas du blanchiment et la dimension fiscale tend à être considérée, dans ce cadre, comme accessoire. À mon sens, dans un grand nombre de dossiers pénaux, il devrait y avoir un volet fiscal. Quand on pense à la lutte contre le trafic de stupéfiants et aux sommes considérables qu'il génère, tout dossier dans ce domaine devrait comporter un volet fiscal systématique.

Dans tous les autres dossiers qui comportent une affaire juridictionnelle en cours, nous sommes saisis du volet fiscal. Le blanchiment représente ainsi une exception, qui est du reste prévue par le législateur. Les infractions douanières n'ont pas été prévues par la loi, laquelle s'avère relativement ancienne, mais elles peuvent avoir d'importantes incidences, comme en matière de terrorisme. En effet, on sait aujourd'hui que les auteurs des attentats terroristes de janvier dernier se finançaient par le trafic de contrefaçons. La douane est ainsi au premier rang des instances concernées par la perpétration de crimes d'une très haute gravité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Les 42 autorités administratives indépendantes auxquelles nous nous intéressons composent une véritable mosaïque et s'avèrent très différentes les unes des autres. Les trois mots qui vous désignent sont importants : êtes-vous vraiment une autorité ? Êtes-vous aussi administrative ? Je n'en suis pas certaine non plus ! La nature de votre pouvoir n'est pas réglementaire et ce dernier consiste à transmettre un dossier. Votre pouvoir n'est pas, à proprement parler, conféré par le Gouvernement.

Notre commission considère qu'il s'agit là d'un démembrement de l'État qui échappe au Parlement et a abouti à cette myriade d'autorités administratives indépendantes au fonctionnement hétéroclite. Aussi, il nous importe d'introduire de la clarté dans ce dispositif, quitte à préconiser la fusion des autorités aux compétences connexes, voire similaires. Néanmoins, notre démarche ne remet nullement en cause la qualité des travaux qui sont réalisés par ces autorités ! Un tel statut d'autorité administrative indépendante vous apporte-t-il, en définitive, quelque chose ? Je n'en suis nullement certaine ! Certes, mon propos peut vous paraître quelque peu provocateur, mais je me permets d'insister sur cette question.

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

Comme vous l'évoquez, Madame la présidente, l'ensemble des autorités administratives indépendantes a été créé pour ne pas être sous les ordres du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Il arrive cependant que le Gouvernement cherche à se défausser sur tel ou tel sujet qui ne relève d'ailleurs pas nécessairement du domaine qui est le vôtre ! Je pense plutôt au domaine des communications où une AAI a été créée afin de donner une impression d'indépendance...

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

Je ne suis pas compétente pour évoquer le secteur de l'audiovisuel. Une autorité administrative indépendante n'a pas à se conformer à l'avis d'un ministre et c'est là que réside son principal pouvoir.

Le panorama de ces autorités a beaucoup évolué au fil des années et cette évolution me semble loin d'être terminée. Aujourd'hui, les pouvoirs de sanction sont soit entre les mains d'un ministre, d'une autorité administrative indépendante et des juges. Je pense en l'occurrence au retrait d'agrément susceptible d'être infligé aux taxis. Ainsi ceux-ci peuvent se voir retirer leur licence par le ministère, ils peuvent être sanctionnés administrativement ou déférés au pénal, c'est-à-dire être soumis à trois registres de sanction. Certains estiment que le contrôle d'une profession, exercé aujourd'hui par un ministre, devrait être délégué à une autorité administrative indépendante qui s'apparente à une sorte de pré-juridiction et véhicule l'idée qu'un Gouvernement peut être arbitraire. Une telle conception a notamment présidé à l'instauration de la Commission des infractions fiscales en 1977. D'ailleurs, la création des autorités de régulation, impliquant des ouvertures des marchés à l'instar du secteur du transport ferroviaire ou encore de l'énergie, a permis de mettre en oeuvre des ouvertures à la concurrence indépendamment des opérateurs historiques en échappant, d'une certaine manière, à l'autorité du Gouvernement. Dans les domaines qui m'incombent, notamment comme présidente du comité des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, notre indépendance ne fait aucun doute et je ne pense pas que la situation de mes autres collègues, qui président des instances analogues, diffère. Toute tentative d'interférence avec leur travail ne manquerait d'ailleurs pas de susciter leur courroux !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je suis quelque peu surpris. Votre raisonnement semble en effet imparable. Mais le statut de magistrat est-il réellement un facteur d'indépendance, comme vous l'évoquez ? Quelle est, selon vous, l'origine de cette vertu d'indépendance et de son enracinement dans le statut de magistrat ? Ce dernier peut suivre des motivations spécifiques susceptibles de relativiser son indépendance, comme peuvent parfois l'indiquer les conditions qu'on pourrait qualifier de romanesques et qui caractérisent parfois les carrières dans la magistrature. C'est pourquoi la question des conditions matérielles dans lesquelles vous assumez vos missions demeure essentielle. L'indépendance est un combat de tous les jours et implique de réfléchir à la façon dont cette dernière est respectée au quotidien. Et la nomination de magistrats relève également d'un choix bien spécifique qui n'obéit pas nécessairement au principe d'indépendance que vous évoquez !

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

J'imagine que vous n'évoquez pas, dans votre propos, les magistrats du siège, dont l'indépendance est assurée par la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

En tant que magistrats du siège certes, mais sans doute guère dans l'exercice au quotidien de leurs pouvoirs de juge !

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

Si la Constitution garantit l'indépendance des magistrats du siège, tous les magistrats du parquet que j'ai pu rencontrer durant ma carrière ont toujours été des personnes indépendantes. Car l'indépendance de la magistrature est aussi une question de culture et la caractéristique d'un magistrat, recruté par concours et les règles très strictes de nomination impliquent des changements d'affectation strictement encadrés par la loi. Au-delà, une culture d'indépendance demeure, dans les juridictions tant administratives que judiciaires, fût-ce même lorsque les magistrats sont en retraite. Certes, il peut y avoir des déviances liées à des personnalités. Néanmoins, je dois indiquer que cette qualité d'indépendance anime l'ensemble des magistrats que je connais personnellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Ce n'est nullement un problème de personnes, mais c'est une culture, comme vous l'évoquiez, c'est-à-dire un certain point de vue sur les choses de la vie. Et ce qui nous frappe, c'est que cette culture relie ces différentes personnes que vous évoquez et qui ne peuvent par conséquent s'en abstraire !

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

Mais personne n'est indépendant de sa culture !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Tout à fait, mais recruter des personnes ayant en partage la même culture revient à exclure d'autres points de vue ! L'homogénéité du recrutement des membres des AAI me paraît ainsi devoir être questionnée !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mon interrogation, quant à elle, porte sur la structure elle-même : faut-il une AAI ? Pouvez-vous nous préciser les incidences de la nouvelle composition de la commission ? Cette dernière, avec quatre sections, doit-elle changer ?

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

Cette nouvelle composition amène deux changements : d'abord, nous accueillons huit nouveaux membres (honoraires) issus de la Cour de cassation ; en outre, nous rejoignent quatre personnalités issues de la société civile, deux nommées par le Sénat et deux par l'Assemblée nationale. Cette modification a été souhaitée par le Parlement en novembre 2013. Je pense que la Commission aujourd'hui est quelque peu pléthorique, mais les personnalités désignées par le Parlement sont de grande qualité et connaissent tous le droit fiscal. Du fait de la faiblesse des indemnités versées aux commissaires, cette extension des effectifs n'a d'ailleurs engendré qu'un coût marginal infime.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

rapporteur. - Madame la Présidente, je me doute que la question fondamentale du statut de votre commission vous a été posée. Je me souviens du contexte qui avait présidé à sa création. À l'époque, je plaidais des dossiers de fraudes fiscales pour l'un des deux cabinets d'avocats retenus par le ministère des finances. Il y régnait alors une suspicion, selon laquelle le ministère des finances triait les dossiers et déposait certaines plaintes, mais pas d'autres. Une fois votre commission créée, les arbitrages qu'elle a rendu n'ont suscité que peu de débats, soulignant l'assentiment de l'opinion et des professionnels. Certes, nous n'avons pas vocation à passer pour des pourfendeurs du système, mais la composition de votre commission, comme il vous a certainement été rappelé, suscite un certain nombre de questions, du fait notamment de l'homogénéité de son recrutement. Ce qui est important dans votre fonctionnement, c'est que là où vous décidez qu'il n'y a pas matière à poursuite, l'administration est tenue d'obtempérer.

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

C'est en cela que nous sommes une autorité indépendante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

rapporteur. - Certes, mais faut-il disposer du statut pour atteindre ce résultat ? Cela n'est nullement évident ! Qu'il y ait une commission spécifique, comme il avait été décidé en 1977, me paraît amplement suffisant ! Je ne vois pas en quoi l'attribution du statut d'autorité administrative indépendante a modifié votre mode de fonctionnement !

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

La notion d'autorité administrative indépendante a, en fait, deux significations. D'une part, elle désigne une sorte d'administration susceptible de disposer d'un pouvoir réglementaire important, comme c'est le cas pour les autorités de régulation. D'autre part, elle qualifie une structure qui fonctionne épisodiquement, quand bien même celle-ci ne serait pas, à proprement parler, une administration. C'est pourquoi cette notion d'autorité administrative indépendante recoupe deux réalités totalement différentes, à la fois des « administrations » dotées de pouvoirs, à l'instar de l'Autorité de la concurrence ou de la Commission de régulation de l'énergie, qui peuvent aller jusqu'à la structuration d'un marché ou de véritables pouvoirs réglementaires. Mais c'est aussi une sorte de « label » : en ce qui concerne la CIF, ce « label » est lié à l'avis conforme qui lie le ministre. Tant qu'il existera, nous serons qualifiés, par la jurisprudence et la doctrine, d'autorité administrative indépendante. Nous sommes en fait une commission indépendante dont le ministre ne peut passer outre l'avis et il se trouve que la doctrine juridique qualifie cela d'autorité administrative indépendante. Nous ne sommes pas une autorité au sens organique du terme, il s'agit plutôt un label !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

rapporteur. - L'indépendance de cette commission, depuis sa création, ne souffre aucune objection, la qualité de ses avis est reconnue et je n'ai, personnellement, jamais douté de l'indépendance de vos décisions. En revanche, avec un secrétariat dirigé par un fonctionnaire nommé par le président parmi les fonctionnaires de la DGFiP qui met à disposition quatre agents dont elle assure la rémunération, et des locaux mis à disposition par le ministère des finances, votre commission est-elle réellement indépendante de ce dernier ?

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

Comme je l'ai souligné précédemment, le budget n'a jamais fait partie des critères d'indépendance, et nombre d'autorités de régulation dépendent d'un budget fourni par un ministère.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

rapporteur. - Il s'agit des critères du Conseil d'État !

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

Ce sont là des critères généralement admis. J'ai d'ailleurs cité le budget de la Commission de la régulation de l'énergie dont le budget dépend du ministère de l'environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

rapporteur. - Certes, mais votre commission a fonctionné bien avant que n'existe la notion d'autorité administrative indépendante, et ce, de manière indépendante, avec des agents et dans des locaux du ministère des finances. Je veux bien que ce soit une question d'image, mais ce n'est parce que vous êtes reconnue comme une AAI, qu'il s'agit bel et bien d'un label !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

C'est un label qu'il faut décerner avec discernement et il ne faut surtout pas qu'il y ait une inflation d'AAI. Telle est notre idée ! Les exemples étrangers laissent apparaître une moindre profusion. En outre, cette myriade constatée en France échappe au contrôle du Parlement. À ce sujet, votre commission n'échappe pas à cette règle !

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

Le Parlement nous a reconduits.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

En 2013, il est vrai. Mais le Parlement n'a jamais eu de vision globale de ces AAI qui ont pris une place importante dans notre paysage administratif et politique. Or, ces structures sont hors de la tutelle du Gouvernement pas plus qu'elles ne sont soumises au contrôle du Parlement qui ne s'en est jusqu'à présent pas vraiment préoccupé. Il faut regarder avec discernement ce que fait chaque AAI et, je tiens à souligner que cette démarche ne remet nullement en cause la qualité du travail que ces autorités accomplissent dans des secteurs extrêmement différents.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

rapporteur. - Tout à fait ! Et ce d'autant plus, lorsqu'on connaît les rémunérations qui sont celles de vos membres ! Trouver des personnes compétentes et exerçant par ailleurs des fonctions pour une rémunération de l'ordre de 98 euros par séance ...

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

Et il s'agit du montant brut !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

rapporteur. - Tout à fait ! J'espère que vous n'oubliez pas de déclarer de telles rémunérations ! Je vais vous livrer mon avis personnel : je considère que la commission est utile, mais que son statut d'autorité administrative indépendante ne me paraît pas pertinent, si ce n'est peut-être une certaine reconnaissance, mais de la part de quelle instance ?

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

Cela m'apporte beaucoup de travail supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

rapporteur. - Votre interlocuteur naturel demeure le ministère des finances, et nullement les fraudeurs. D'ailleurs, vos décisions font-elles l'objet de recours ?

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

Tout d'abord, un contribuable sur deux fournit des observations à la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

rapporteur. - Ce qui n'était pas le cas lors de la création de la commission.

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

Ces observations portent sur le fond des dossiers et ceux des contribuables qui ne produisent aucune observation sont examinés avec plus de sévérité. Mais la procédure suivie par la suite par la commission relève du dossier pénal et si la commission n'était pas saisie ou venait à délibérer en violation de certaines règles, la procédure pénale pourrait être invalidée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

rapporteur. - Donc il n'y a pas de recours contre vos avis !

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

En effet.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

L'avis est à transmettre à la juridiction pénale, de toute manière !

Debut de section - Permalien
Monique Liebert-Champagne, Présidente de la Commission des infractions fiscales

Tout à fait.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

rapporteur. - La juridiction pénale est saisie par une plainte du ministère s'il y a un avis favorable de la commission des infractions fiscales.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mes chers collègues, je pense que nous sommes désormais assez éclairés sur le fonctionnement de cette commission et nous vous remercions, Madame la Présidente, d'avoir répondu à nos questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Nous poursuivons nos travaux avec l'audition de Mme Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages.

La commission des sondages a été créée par la loi du 19 juillet 1977 pour faire respecter le cadre fixé par cette loi en matière de sondages, tant sur les conditions d'élaboration, que de publication ou de diffusion des sondages électoraux.

La commission des sondages n'est pas consacrée par la loi comme une autorité administrative indépendante mais elle est considérée comme telle à la suite du rapport public du Conseil d'État de 2001.

La commission des sondages est composée de onze membres désignés par décret :

trois membres du Conseil d'État, dont au moins un président de section ou conseiller d'État, président de la commission ;

trois membres de la Cour de cassation, dont au moins un président de chambre ou conseiller ;

trois membres de la Cour des comptes, dont au moins un président de chambre ou conseiller maître ;

deux personnalités qualifiées en matière de sondages et ce depuis 2002.

La commission des sondages exerce un rôle de régulation, dispose d'un pouvoir de vérification et enfin elle peut obliger à des publications. Vous nous détaillerez vos compétences.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Marie-Eve Aubin prête serment.

Debut de section - Permalien
Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages

On peut, de prime abord, s'interroger sur les motifs de l'existence d'une commission chargée des sondages. Comme vous l'avez précédemment indiqué, celle-ci a été créée en 1977 à une époque où l'on craignait que les sondages électoraux, alors fort peu nombreux, n'influent sur la sincérité des scrutins. On le pense d'ailleurs toujours, sans savoir comment s'exerce cette influence car il est impossible d'avoir une élection avec sondage et de la refaire ultérieurement sans sondage, afin d'évaluer les éventuelles différences entre elles. On ne mesure d'ailleurs pas l'influence des sondages sur l'opinion et les électeurs : en effet, ces derniers suivent-ils l'opinion de la majorité des sondés ou, au contraire, se portent-ils au secours des candidats défavorisés par les sondages ? Personne ne le sait ! La prévention des manipulations a ainsi présidé à l'instauration de cette commission laquelle n'était pas, au moment de sa création, une autorité administrative indépendante. Certes, elle en était peut-être une, à l'instar de Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, mais sa date de création est antérieure à l'émergence de la notion d'autorité administrative indépendance dans le paysage juridique français.

On peut s'interroger encore aujourd'hui sur la nécessité de cette commission qui n'a pas, à ce jour, été remise en cause. À cet égard, une proposition de loi d'initiative sénatoriale, qui n'a pas été votée par l'Assemblée nationale, visait à lui conférer davantage d'importance et de compétences et à accroître son coût pour la République.

Vous pourriez penser que je demeure sceptique sur l'utilité de la commission des sondages et ce, bien que je la préside depuis deux mandats et que je viens d'être nommée pour un troisième, soit au total pour une durée de neuf années. Cette commission a joué un rôle très important pour réguler l'activité des instituts de sondage qui sont en faible nombre. En outre, les sondages électoraux et politiques ne constituent, au final, qu'une petite partie des activités de ces entreprises. On constate également une grande volatilité des responsables de ces instituts qui passent d'un institut à un autre et sont clairement identifiés par notre commission. D'ailleurs, les problèmes que rencontre la commission proviennent moins des instituts de sondage que de ceux qui achètent les sondages et de leur interprétation.

Je rappelle que le champ de compétence de la commission est limité et concerne les sondages électoraux, c'est-à-dire ceux qui ont un lien direct ou indirect avec une élection, référendums compris, qui scande la vie politique de notre pays. Nous donnons un sens de plus en plus étendu aux liens indirects et surtout, plus l'élection approche, plus la commission considère qu'un sondage a un lien avec ladite élection. Nous avons ainsi pris l'habitude de contrôler les sondages qui précèdent les élections primaires des partis politiques.

Le nombre de sondages a augmenté de manière significative depuis la création de la commission en 1977. L'élection présidentielle donne lieu, bien évidemment, au nombre le plus conséquent de sondages. Ainsi, l'élection présidentielle de 2002 donna lieu à un peu moins de 200 sondages, tandis que celle de 2012 en a suscité plus de 400, soit plus d'un sondage par jour pendant la période qui a précédé le scrutin. D'autres élections, comme celles européennes, donnent lieu à peu de sondages, tandis que d'autres, comme celles régionales, tendent à générer un flux de sondages de plus en plus important, comme vous avez pu le constater dans la presse.

Le rôle de la commission est de faire respecter un certain nombre de règles par les instituts de sondage qui doivent d'abord se déclarer à la commission. Outre les grands instituts de sondage, d'autres sociétés, de taille plus modeste il est vrai et à l'occasion d'élections plus locales, peuvent être créées. Celles-ci doivent aussi déclarer leur existence à la commission.

S'agissant de la conception des sondages électoraux, notre commission contrôle la qualité des échantillons retenus en appréciant, au niveau sociogéographique leur représentativité : répartition par sexe, par âge, par profession et en fonction du lieu de résidence. Surtout, nous veillons à la représentativité politique des échantillons, qui s'avère une question extrêmement délicate. Les instituts de sondage interrogent leur public sur leur souvenir de votes et ils procèdent à ce que l'on nomme des redressements, c'est-à-dire qu'ils pondèrent les réponses obtenues afin d'affiner la représentativité de leur échantillon. Cette démarche demeure très technique et fournit l'un des objets sur lesquels notre commission exerce son contrôle. Elle veille également à ce que le libellé des questions n'influe pas les réponses qui y sont apportées et que les instituts n'occultent pas les limites de leurs sondages, s'agissant notamment des marges d'erreur. J'ai d'ailleurs été étonnée par un sondage qui a récemment eu lieu en Grèce, et qui a depuis lors été démenti par les résultats du référendum. En effet, celui-ci atteignait un niveau de prévision totalement impossible à obtenir ! Ainsi, les marges d'erreur sont d'autant plus grandes que les scores sont rapprochés.

Quels sont les moyens dont dispose notre commission ? Comme vous l'avez indiqué dans votre intervention liminaire, Madame la Présidente, notre commission compte trois membres titulaires et trois suppléants issus de chacune des hautes juridictions. Son secrétariat général est assuré par l'un de mes collègues du Conseil d'État. En outre, nous disposons d'un secrétariat permanent, assuré par un attaché du ministère de la justice. Hiérarchiquement, nous dépendons - encore faut-il relativiser cette expression puisque nous sommes une autorité administrative indépendante - du ministère de la justice puisque sa nomination procède d'une décision du garde des Sceaux. En outre, trois experts statisticiens assurent l'expertise de chaque sondage. Ainsi, lorsqu'un institut réalise un sondage, il doit adresser préalablement à la commission une notice technique précisant les modalités de sa démarche.

Quelles sont nos méthodes de travail ? Chaque fois qu'un sondage est publié ou sur le point de l'être, nos experts l'analysent afin d'examiner sa conformité avec la doctrine qui est la nôtre. S'il apparaît que le sondage n'est pas conforme, par exemple parce que l'échantillon est trop peu nombreux, ou parce que les questions n'ont pas été posées dans un ordre convenable, ou encore parce que les redressements politiques ne sont pas conformes, notre arme suprême consiste en une mise au point. Nous convoquons l'institut de sondages pour lui demander de s'expliquer et si ses explications ne convainquent pas la commission, nous publions une mise au point, qui est notre arme atomique en quelque sorte. Cette possibilité fait très peur aux instituts de sondages - les organes de presse n'aiment pas cette mise au point non plus, car ils doivent publier un communiqué indiquant que la commission des sondages a estimé que le sondage n'est pas représentatif, pas fiable.

Si la commission rencontre peu de difficultés avec les instituts de sondage, la situation est plus difficile avec les commanditaires, et notamment avec la presse. Après l'effet de choc recherché par un sondage, la commission des sondages se réunit dans l'urgence - les membres sont généralement convoqués le matin pour l'après-midi - mais la mise au point est publiée dans un petit coin du journal... Mais je vous le répète, les instituts de sondage n'aiment pas ça.

Néanmoins, nous faisons très peu de mises au point, nous procédons beaucoup par recommandations, admonestations, lettres de réprimande. Nous disposons de méthodes assez pacifiques de régulation.

Nous ne pesons pas beaucoup sur le budget de la République : le président et le secrétaire général perçoivent une petite rémunération et les experts sont payés à la vacation. Les membres perçoivent également une indemnité lorsque la commission se réunit, dont le montant a été fixé en 1977. Ces sommes sont prélevées sur le budget du Conseil d'État, je ne sais pas pourquoi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je ne dirais pas que tout cela est insondable... Ce ne sont pas les quelque dizaines d'euros d'indemnités qui doivent attirer les candidatures à la nomination.

Debut de section - Permalien
Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages

Encore que ! C'est une commission qui est assez recherchée en raison de l'exotisme de sa mission par rapport au travail habituel des membres des juridictions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je suis heureux de l'entendre ! La composition de la commission est fixée par décret, on y retrouve des membres du Conseil d'État, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation. Heureusement qu'il y a des conseillers à la retraite : s'ils doivent assurer le travail de toutes les autorités administratives indépendantes, il va falloir les multiplier ! La question qui se pose n'est pas celle de l'utilité de la commission, car on sent bien qu'avec l'évolution du métier des sondeurs et de ceux qui commandent les sondages, il est utile qu'il y ait quelque chose.

Debut de section - Permalien
Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages

Un gendarme.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Oui car il s'agit quand même de la sincérité du débat politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mais faut-il pour autant que ce soit une autorité administrative indépendante ?

Deux de vos décisions ont fait l'objet d'un recours, examiné par le Conseil d'État. Il y a de quoi saisir la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) : le Conseil d'État examine les recours contre vos décisions, la commission est logée dans les locaux du Conseil d'État, une partie des membres est issue du Conseil d'État !

Debut de section - Permalien
Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages

L'Europe accepte tout à fait le double rôle du Conseil d'État, qui est à la fois conseiller du Gouvernement et juge de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mais la commission des sondages est-elle indépendante du Conseil d'État ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je ne mets pas en doute l'indépendance des conseillers d'État !

Debut de section - Permalien
Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages

Je comprends bien : il s'agit d'apparence d'indépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Tout à fait. Pour le justiciable qui fait un recours, je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure solution. L'indépendance vis-à-vis du Conseil d'État n'apparaît pas du tout évidente. D'autant qu'il y a peu de fonctions support pour votre commission mais celles qui existent sont partagées avec les services du Conseil d'État.

Debut de section - Permalien
Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages

Il est vrai que nous occupons deux bureaux qui sont mis à notre disposition par le Conseil d'État, mais nous avons notre propre site Internet, nos propres abonnements à la presse - ces postes représentent la majeure partie de nos dépenses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Oui, ce ne sont pas les frais de déplacements qui vous étouffent !

Debut de section - Permalien
Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages

En effet, un de nos membres est un professeur d'université venant d'Aix-en-Provence ; ses frais de déplacement lui sont remboursés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Et vos frais de communication sont réduits au maximum puisqu'ils évoluent entre 889 euros et 3 200 euros par an, alors qu'il y a parfois des communications sur le fonctionnement de certains sondages qui mériteraient une communication plus ample.

Ma question est la suivante : en quoi est-il justifié que votre commission soit une autorité administrative indépendante (AAI) ?

Debut de section - Permalien
Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages

Vous voulez dire qu'elle devrait être moins indépendante ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Non, c'est le statut ! C'est à la suite d'un rapport public du Conseil d'État de 2001 que la commission des sondages a été qualifiée d'AAI. Entre 1977 et 2001, vous n'avez pas bénéficié de ce statut et je ne pense pas que cela ait empêché la commission de travailler.

Debut de section - Permalien
Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages

Non pas du tout, d'ailleurs c'est un statut de pur fait, ce n'est pas juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

En fait, ce statut ne vous apporte rien ? Vous pourriez fonctionner autrement.

Debut de section - Permalien
Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages

Honnêtement d'ailleurs, j'ai présidé une autre commission qualifiée d'AAI par la loi : en dehors de compliquer la vie des gens, je ne vois pas bien le changement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il y a quand même un aspect très important, c'est que vous avez dû envoyer une déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Debut de section - Permalien
Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages

Et j'ai dans un tiroir les déclarations de mes collègues membres de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Vu votre fonction, on aurait pu s'attendre à davantage de techniciens des sondages, de politologues au sein de la commission plutôt qu'exclusivement des juristes. Désormais, commenter la différence entre ce qui est prévu par le sondage et ce qui est arrivé est devenu une figure imposée.

Debut de section - Permalien
Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages

C'est une mauvaise interprétation du sondage : il n'entend pas être prédictif.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Tout à fait mais c'est devenu un élément de communication. Par exemple, lors des dernières élections départementales, le Gouvernement s'est félicité de prendre une « raclée électorale » moins importante que ce qu'annonçaient les sondages. Le principal problème est le suivant : le sondage est-il fabriqué selon les règles élémentaires de la statistique et avec des redressements corrects par rapport à la vie politique ?

Debut de section - Permalien
Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages

La commission de sondages a une composition classique qui était celle des commissions administratives d'un certain niveau à une certaine époque. La proposition de loi que j'évoquais précédemment envisageait plus de techniciens en son sein. Je reconnais que les membres actuels n'ont aucune compétence mathématique ou statistique ; ils s'en remettent à nos experts.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

L'aspect technique de la commission l'emporte sur l'aspect juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Il faudra toiletter le règlement intérieur de la commission pour le mettre en phase avec votre pratique.

Debut de section - Permalien
Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages

À ma honte, j'ai redécouvert le règlement intérieur. Mon expérience au sein de plusieurs commissions est que le règlement intérieur qu'il est demandé de prévoir n'est pas forcément utile.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Pour résumer, la commission des sondages nous apparait utile pour assurer la sincérité du débat politique. Toutefois, son statut d'AAI est-il nécessaire ? Je n'en suis pas convaincue. Qu'un acte règlementaire et non la loi fixe la composition, la durée du mandat des membres est gênant. Autre question : faut-il diversifier sa composition ? Il faut se la poser. Vos liens étroits avec le Conseil d'État ont été soulignés par le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages

C'est la tradition.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Faut-il doter la commission de sondages d'un pouvoir de sanction ? Je n'en suis pas convaincu.

Debut de section - Permalien
Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages

Nous pouvons toujours saisir le parquet. À ses débuts, la commission des sondages a effectué des transmissions au parquet, notamment pour des sondages rendus publics durant le délai avant le scrutin au cours duquel les sondages étaient proscrits qui était, avant une condamnation de la Cour européenne des droits de l'Homme, de 8 jours avant d'être ramené à vingt-quatre heures. La saisine du juge pénal n'a pas réellement de sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Toute personne peut saisir le Procureur de la République dès qu'elle a connaissance d'un délit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Un sondage « bidonné » est-il sanctionnable ?

Debut de section - Permalien
Marie-Ève Aubin, présidente de la commission des sondages

Par une mise au point de la commission, oui. Récemment, un candidat aux élections locales s'était autoproclamé sondeur en allant interroger les gens sur les marchés puis publiait ses sondages. Nous l'avons convoqué et avons procédé à une mise au point pour indiquer que ses sondages ne valaient rien, ce qui, d'ailleurs, ne l'a pas dérangé outre-mesure.

J'ajoute, à propos des deux recours contre les décisions de la commission des sondages, que l'un avait été introduit par M. Jean-Luc Mélenchon qui, après le rejet du Conseil d'État, avait annoncé vouloir saisir les instances européennes. J'ignore s'il l'a fait. Le second recours était introduit par M. Raymond Avrillier, ancien conseiller régional de Rhône-Alpes, requérant d'habitude, que nous avons eu plaisir à retrouver à la commission des sondages.