La réunion est ouverte à 9 h 30.
Mes chers collègues, nous examinons ce matin, en nouvelle lecture, le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Après l'échec de la commission mixte paritaire réunie le lundi 16 juillet dernier, l'Assemblée nationale a achevé l'examen du texte en nouvelle lecture hier soir. Le Sénat examinera pour sa part le projet de loi en séance publique le lundi 30 juillet prochain, ce qui explique le calendrier très contraint de notre réunion.
Je salue le travail des rapporteurs qui n'ont disposé que de très peu de temps pour préparer leur rapport de ce matin. Je leur laisse la parole.
Monsieur le Président, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, compte tenu de l'échec de la réunion de la commission mixte paritaire (CMP) lundi 16 juillet dernier et de l'adoption du texte hier soir par l'Assemblée nationale.
Avant de rappeler dans quel contexte s'est tenue cette CMP, je voudrais exposer brièvement les griefs que nous avions adressés au Gouvernement dès le 20 juin quant à la méthode retenue pour élaborer son projet de loi.
Tout d'abord, aucune évaluation d'ensemble de la formation professionnelle et de l'apprentissage n'a été réalisée par un organisme indépendant à la demande du Gouvernement, tandis que la loi du 5 mars 2014 n'a jamais fait l'objet d'une évaluation globale, impartiale et publique.
Ensuite, l'annonce par la ministre du travail d'un « big bang » en matière de gouvernance et de financement de la formation professionnelle, remettant en cause le contenu d'un accord national interprofessionnel conclu le même jour, a été particulièrement mal vécue par les partenaires sociaux.
En outre, la plupart des mesures d'application sur les dispositifs emblématiques du texte, comme le périmètre des dépenses retenues pour définir le coût d'un contrat d'apprentissage, la gouvernance de France compétences ou encore la durée des sanctions en cas de manquement du demandeur d'emploi à ses obligations, n'ont pas été précisées par le Gouvernement dans l'étude d'impact et elles n'ont été que parcimonieusement dévoilées pendant nos débats dans l'hémicycle.
Plus grave, le Gouvernement a déposé tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat un grand nombre d'amendements substantiels sur des sujets aussi divers que l'emploi des travailleurs handicapés, l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou encore le travail détaché. Peu soucieux d'achever les concertations avant l'adoption du projet de loi en conseil des ministres, le Gouvernement a choisi de distiller ses amendements en cours d'examen parlementaire, se dispensant de la rédaction d'une étude d'impact et de l'avis du Conseil d'État, empêchant les rapporteurs d'organiser des auditions sur les thèmes concernés. Ainsi, le Gouvernement après avoir abandonné le recours à une ordonnance sur les travailleurs détachés, a finalement renoncé au Sénat à son projet d'accords bilatéraux pour assouplir les obligations déclaratives des prestataires qui détachent des salariés dans des zones transfrontalières, au profit d'une procédure administrative spécifique. Au total, il se dégage une impression d'improvisation et de fébrilité alors que le Gouvernement a disposé d'une année de réflexion pour élaborer son texte.
J'en viens maintenant au calendrier d'examen du texte, qui a été fixé de telle manière qu'il rendait impossible le dialogue entre nos assemblées avant la tenue de la commission mixte paritaire. Peut-on raisonnablement espérer trouver un accord entre le Sénat et l'Assemblée nationale quand la CMP a lieu sept heures après le vote de la loi en première lecture au Sénat et que le texte examiné compte presque deux cents pages ?
Enfin et surtout, l'annonce du Président de la République devant le Congrès le 9 juillet dernier d'anticiper l'ouverture de la négociation de la convention d'assurance chômage a réduit à néant les démarches que nous avions engagées avec les rapporteurs de l'Assemblée nationale pour rechercher un accord.
Nous avions clairement indiqué à nos homologues de l'Assemblée nationale notre volonté de conclure un compromis en réexaminant tous les sujets de désaccord entre nos deux assemblées.
Toutefois, ceux-ci n'ont donné aucune suite à notre proposition et la CMP a été expédiée en moins de trente minutes, sans aucune considération pour le travail de fond réalisé par notre assemblée. Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : nous avons organisé une soixantaine d'auditions en l'espace de cinq semaines, soit plus de 70 heures d'échanges, plus de 350 amendements ont été examinés en commission et 771 en séance publique, donnant lieu à quatre journées et demie de débats dans l'hémicycle. Le rapporteur de l'Assemblée nationale a mis en avant pendant la CMP plusieurs désaccords entre nos deux assemblées pour expliquer l'impossibilité de trouver un accord, mais cette justification a posteriori ne reflète pas la réalité des événements. C'est la décision du Président de la République de rouvrir la négociation de la convention d'assurance chômage et l'imposition par le Gouvernement d'un calendrier parlementaire très contraint qui ont rendu impossible l'obtention d'un accord en CMP.
Pratiquement tout le travail du Sénat a été écarté d'un revers de main par les députés en nouvelle lecture, avec parfois des justifications lapidaires, erronées voire biaisées. Seuls quelques apports substantiels ou des modifications rédactionnelles ou de coordination ont été conservés à l'Assemblée nationale, la quasi-totalité de nos travaux ayant été supprimée.
En premier lieu, les députés se sont opposés au renforcement de la place des régions en matière d'apprentissage. En accord avec les représentants des régions, nous avions en effet souhaité leur donner davantage voix au chapitre en matière d'apprentissage, compte tenu du rôle qui leur avait été confié depuis plusieurs décennies et de leur compétence en matière de développement économique, sans remettre en cause le coeur de la réforme qui attribue de nouvelles missions aux branches professionnelles et aux entreprises.
Le Sénat, représentant des collectivités territoriales, avait ainsi voulu inscrire dans la loi le principe de compétences partagées entre les régions et les branches professionnelles. Nous avions également souhaité que les régions élaborent une stratégie pluriannuelle des formations en alternance, et qu'elles puissent conclure des conventions d'objectifs et de moyens avec les centres de formation d'apprentis qu'elles soutiendront au titre de leur compétence en matière d'aménagement du territoire.
Nous souhaitions que les régions puissent créer avec l'État un comité régional de l'orientation, chargé de coordonner les interventions des organismes participant au service public régional de l'orientation. Nous avions en outre attribué aux régions un volume de vingt heures par an imputées sur le temps scolaire pour réaliser des actions d'information sur les professions et les formations dans toutes les classes de quatrième et de troisième. Nous souhaitions donc, en quelque sorte, une mobilisation générale.
Notre assemblée avait également souhaité améliorer l'orientation des élèves, apprentis et étudiants, renforcer la formation des enseignants au monde professionnel, valoriser la fonction de maître d'apprentissage et moderniser le statut de l'apprenti.
Tous ces apports du Sénat ont été supprimés en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.
Le second objectif poursuivi par le Sénat était de préserver le rôle des partenaires sociaux et des régions en matière de formation professionnelle.
Malgré nos doutes sur l'efficacité de la monétisation du CPF, confirmés par les personnes que nous avons entendues, nous avions souhaité créer les conditions d'un accord avec l'Assemblée nationale en en acceptant le principe. Nous avions en revanche tenté de limiter les effets pervers de la monétisation du compte en créant notamment une période de transition pour la conversion en euros et en prévoyant des règles d'actualisation régulière des droits acquis. L'Assemblée nationale est revenue sur ces mesures.
Le Sénat avait par ailleurs modifié la composition du conseil d'administration de France compétences afin de garantir le respect du quadripartisme et éviter que cette structure se mue en un simple opérateur de l'État. L'Assemblée a fait davantage que revenir à son texte, puisqu'elle a précisé que le président de France compétences sera nommé par le Président de la République parmi les personnalités qualifiées.
L'Assemblée nationale a également rétabli la désignation de l'opérateur régional du conseil en évolution professionnelle par France compétences plutôt que par la région elle-même comme nous le souhaitions.
Sur ces sujets, comme sur le compte personnel de formation ou les opérateurs de compétences, de nombreux amendements de la rapporteure, du Gouvernement ou de la majorité présidentielle ont introduit des dispositions nouvelles, qui n'avaient été adoptées par aucune des deux chambres en première lecture. Cette méthode de travail nuit à la clarté et à la sincérité des débats parlementaires et le Conseil constitutionnel aura, s'il est saisi, à se prononcer sur la conformité de ces ajouts à la règle de l'entonnoir.
Surtout, le fait que de nouvelles précisions soient apparues nécessaires à ce stade de la procédure parlementaire démontre une fois de plus l'impréparation et l'improvisation permanente qui entoure ce texte examiné en procédure accélérée. Si le texte n'était abouti ni au moment de son dépôt ni à l'issue de la première lecture, on est en droit de se demander s'il l'est aujourd'hui et s'il le sera au moment de son adoption définitive, a fortiori si celle-ci doit avoir lieu avant la fin de la session extraordinaire.
J'en viens au troisième objectif du Sénat, qui était de renforcer les droits et les devoirs du demandeur d'emploi.
Nous avions considéré qu'il revenait à la loi, et non au pouvoir réglementaire, de fixer les principes de la radiation et de la suppression du revenu de remplacement en cas de manquement du demandeur d'emploi à ses obligations.
Nous avions précisé les règles de l'offre raisonnable d'emploi pour favoriser le retour à l'emploi des allocataires, et nous avions relevé le plafond de la pénalité administrative en cas de fraude.
Le Sénat avait supprimé la possibilité pour le Gouvernement d'imposer un bonus-malus pour moduler la contribution des employeurs à l'assurance chômage, considérant que ce dispositif était complexe, mal ciblé et peu efficace pour lutter contre le recours excessif aux contrats courts.
Tout en acceptant les nouvelles règles relatives à la négociation de la convention d'assurance chômage, notre assemblée avait souhaité que le Gouvernement communique au Parlement le projet de document de cadrage au plus tard quatre mois avant la fin de validité de la convention.
Tous les apports du Sénat ont derechef été supprimés en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, qui a en revanche adopté à l'article 33 l'amendement du Gouvernement qui ouvre immédiatement la renégociation de la convention d'assurance chômage.
Notre analyse sur cet amendement n'a pas varié depuis nos débats en séance publique. Nous estimons que le motif lié à la lutte contre le chômage de longue durée, s'il est bien d'intérêt général, n'est peut-être pas suffisant pour justifier la remise en cause de l'intégralité de la convention d'assurance chômage signée avec difficulté le 14 avril 2017, après l'échec de sa renégociation en 2016. La situation économique n'a pas été bouleversée depuis un an et les changements intervenus à la tête de plusieurs organisations patronales et syndicales ne sauraient justifier à eux seuls une telle atteinte au principe constitutionnel de la liberté contractuelle. En outre, cet amendement ne prévoit pas la communication du projet de document de cadrage au Parlement, entérinant un peu plus encore sa mise à l'écart au profit du Gouvernement.
En quatrième lieu, le Sénat avait accueilli favorablement toutes les demandes d'expérimentations relatives à l'emploi et à l'insertion professionnelle proposées ou soutenues par le Gouvernement. A l'initiative de vos rapporteurs, la commission avait souhaité que le comité scientifique ad hoc mis en place dans le cadre de l'expérimentation « zéro chômage de longue durée » en réalise une évaluation intermédiaire avant le 30 juin 2019, afin d'examiner l'opportunité de sa généralisation. L'Assemblée nationale a supprimé en nouvelle lecture cette disposition, tout en conservant les expérimentations approuvées par le Gouvernement.
L'emploi des travailleurs handicapés est le seul champ du projet de loi dont le Sénat peut aujourd'hui se féliciter qu'un nombre substantiel de ses apports ait été conservé. Attentif à ce que les parcours professionnels des personnes handicapées soient aussi fluides que possible entre milieu protégé et milieu adapté ou milieu dit « classique », le Sénat a apporté plusieurs modifications importantes dont l'Assemblée nationale a tenu compte, notamment la possibilité pour une personne au handicap irréversible de se voir attribuer de façon pérenne la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Il s'est également montré soucieux des conséquences non anticipées de la réforme des entreprises adaptées portée par le Gouvernement, et a tenté d'en endiguer les effets de bord en matière notamment de transfert conventionnel des contrats de travail en cas de reprise ou de cession d'un marché, recueillant ainsi l'assentiment de l'Assemblée nationale. J'ajoute que ce point particulier du projet de loi, qui devrait donner lieu à des engagements plus précis lors du prochain budget, a entraîné le dépôt de plusieurs amendements substantiels du Gouvernement quelques jours seulement avant la séance, sans pour autant que notre vigilance soit prise en défaut.
Le Sénat avait par ailleurs veillé à ce que les nouvelles modalités de calcul de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) ne portent pas préjudice aux entreprises dotées de plusieurs établissements et il avait réhabilité l'accord agréé comme possible voie d'acquittement de l'OETH. Ces deux dispositifs pragmatiques introduits par le Sénat n'ont néanmoins pas été retenus par l'Assemblée nationale.
S'agissant de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le Sénat avait surtout souhaité préserver l'équilibre originel du texte, en conciliant au mieux l'impératif d'égalité salariale et l'autonomie de gestion des entreprises.
Enfin, le Sénat avait recentré le projet de loi sur ses objectifs initiaux. C'est pourquoi il avait rejeté l'article qui traite de la responsabilité sociale des plateformes numériques à l'égard de leurs collaborateurs, ainsi que tous les articles relatifs à la réforme du régime de la disponibilité des fonctionnaires et à l'élargissement des recrutements par voie directe, qui sont dépourvus de lien avec l'objet du texte. Le Sénat s'était opposé à la réforme de la disponibilité des fonctionnaires en raison du coût qu'elle engendrerait pour les personnes publiques, en particulier les collectivités territoriales.
Tous ces articles ont été rétablis en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.
L'article 40 A sur les plateformes n'a été modifié qu'à la marge en commission pour prévoir que la charte devra également traiter de la protection sociale complémentaire de leurs collaborateurs. En séance publique, deux amendements ont été adoptés pour préciser les garanties accordées aux collaborateurs en cas de rupture des relations commerciales avec la plateforme et simplifier les règles d'alimentation de leur CPF. Toutefois, cet article a conservé la disposition selon laquelle l'existence de la charte et son respect par la plateforme ne sauraient à eux seuls caractériser l'existence d'une relation salariale. Cette disposition est dangereuse, car elle pourrait de fait empêcher, ou du moins rendre malaisée, la requalification d'une relation commerciale en relation salariale, dans la mesure où la plateforme pourra facilement sanctuariser a posteriori son modèle économique actuel dans une charte qu'elle imposera unilatéralement. Nous pensons que la question des plateformes numériques mérite mieux que des amendements adoptés à la cantonade, déposés en cours d'examen parlementaire et dépourvus de vision globale car ils pourraient s'avérer à terme contre-productifs.
En tant que rapporteurs, nous éprouvons évidemment un sentiment de déception car le lien de confiance que nous pensions avoir tissé avec la ministre du travail et les députés a été rompu à leur initiative, en dépit des efforts que nous avions déployés depuis deux mois. Notre commission avait prouvé depuis un an qu'elle était capable de bâtir des accords avec les députés lors de l'examen du projet de loi d'habilitation à réformer par ordonnances le code du travail puis à l'occasion du projet de loi de ratification. Alors que le Président de la République a été élu sur un programme de rassemblement, force est de constater que le Gouvernement considère que le Sénat n'est pas un partenaire qui compte à ses yeux. Ces derniers mois, plusieurs CMP ont échoué pour des raisons peu justifiables selon nos collègues sénateurs. Ce nouvel échec démontre clairement que le Gouvernement entend dorénavant faire adopter ses principales réformes en s'appuyant uniquement sur l'Assemblée nationale, sans se préoccuper du Sénat, quand bien même ce dernier adopte une attitude pragmatique.
Cette situation doit interpeller toutes les sénatrices et les sénateurs, indépendamment de nos orientations politiques et de l'appréciation que nous portons sur le texte examiné aujourd'hui. C'est la place du Sénat au sein de nos institutions qui se trouve ainsi interrogée pendant ce quinquennat. Nous devrons garder en mémoire le sort réservé à nos travaux lorsque nous examinerons la réforme de nos institutions car le bicamérisme doit être préservé aussi bien dans la lettre de la Constitution que dans son esprit.
Afin de marquer nettement notre opposition au Gouvernement et notre rejet de la version du projet de loi adoptée en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, nous vous proposerons d'adopter une question préalable déposée au nom de notre commission. Je vous remercie.
Je veux à nouveau saluer le travail extraordinaire des rapporteurs qui avait permis d'enrichir le texte avec pragmatisme, comme le Sénat le fait toujours. Aujourd'hui, les apports du Sénat sont mis à mal et cette attitude d'ouverture n'est pas accueillie favorablement. Les commissions d'enquêtes créées il y a quelques jours dans nos deux chambres illustrent bien la sérénité des débats qui règne au Sénat quelles que soient les divergences de fond. A contrario, le contexte actuel me conduit à avoir des inquiétudes sur l'avenir de notre démocratie.
Notre groupe s'abstiendra sur cette motion tendant à opposer la question préalable en raison du travail considérable accompli par nos rapporteurs sur ce texte, ainsi que par l'ensemble des groupes politiques de notre assemblée. Toutefois, je ne partage pas la position selon laquelle le fonctionnement de notre démocratie serait atteint. Il y des désaccords de fond sur le texte. Il faut dès lors accepter que le travail accompli par le Sénat n'aboutisse pas toujours et que la majorité à l'Assemblée nationale reprenne la main. C'est le fonctionnement de nos institutions.
Lors de la première lecture nous sommes intervenues, avec ma collègue Laurence Cohen et les autres membres de mon groupe, pour dénoncer les régressions contenues dans ce projet de loi pour la liberté de choisir un avenir professionnel.
Alors que nous examinons en nouvelle lecture un texte intégralement réécrit par la majorité des députés, nous avons le sentiment que nos critiques sont toujours d'actualité.
Dans l'hémicycle, nous avons dit notre opposition à la vision court-termiste et adéquationniste du Gouvernement en matière de formation professionnelle.
Ce texte, censé donner la liberté aux salariés de choisir leur avenir professionnel, donne en réalité la liberté aux entreprises de choisir les formations proposées aux salariés pour développer leur employabilité et leur flexibilité.
Le Gouvernement pense-t-il sérieusement que la mobilité professionnelle va progresser en confiant aux salariés la responsabilité de leur formation, tout en réduisant leurs droits et en monétisant le compte personnel de formation ?
En première lecture, notre groupe avait déposé une question préalable pour s'opposer à la marchandisation de la formation professionnelle prévue par le texte ainsi que la mise sous tutelle de l'apprentissage par le patronat.
Le financement des centres de formation d'apprentis (CFA) selon le nombre d'inscrits va être favorable aux CFA les plus importants et néfaste aux 700 petites structures qui sont menacées de fermeture.
Pour nous, l'élévation du niveau des qualifications, la construction d'esprits cultivés et critiques, la formation d'individus, de citoyennes et de citoyens qui s'épanouissent dans leur travail sont les véritables objectifs de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
Le Président de la République a annoncé aux organisations syndicales et patronales l'ouverture de négociations sur l'assurance chômage. Cette annonce rend caduques les dispositions du texte concernant la refonte de l'assurance chômage et notamment la taxation des contrats courts qui sera une nouvelle fois reportée.
La majorité sénatoriale semblait prête à accepter les nouvelles missions confiées aux branches professionnelles si le Gouvernement acceptait de renforcer le rôle des régions en matière d'apprentissage.
Il semble que le Gouvernement n'était favorable ni à l'élaboration d'une stratégie régionale pluriannuelle des formations en alternance, ni à la conclusion de conventions d'objectifs et de moyens entre les régions et les CFA.
Pour notre part, nous refusons la régionalisation de la formation professionnelle et défendons une organisation reposant sur un service public national de l'enseignement avec des déclinaisons régionales, permettant aux salariés d'acquérir des qualifications.
Ce sont les raisons pour lesquelles nous ne sommes pas favorables à la motion de la majorité sénatoriale, sans pour autant soutenir le texte de la majorité gouvernementale. Par conséquent, notre groupe s'abstiendra.
La situation que nous vivons n'est pas seulement due au fait majoritaire, elle est très préoccupante pour le bon fonctionnement de nos institutions.
Je tiens à remercier les rapporteurs pour la grande qualité de leur travail qui s'avère finalement assez peu utile, au regard du texte adopté en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale qui ne reprend que très peu des apports du Sénat.
Il y a une tendance aujourd'hui à contourner le travail du Parlement et les partenaires sociaux. C'est à mon sens très grave, ces choix ouvrant la porte aux extrémismes. Les partenaires sociaux vont tomber de haut pendant la prochaine négociation de la convention d'assurance chômage, lorsqu'ils s'apercevront que le Gouvernement a déjà tout décidé. La même situation risque de se produire lors des négociations sur la réforme des retraites, où les partenaires sociaux ne pourraient tenir qu'un rôle de figurant. Au total, il s'agit d'une remise en cause subreptice de nos institutions. Cette déstabilisation s'illustre aujourd'hui par une affaire qui fait la une de l'actualité mais qui reste d'ordre secondaire. Je crois toutefois que les causes et les difficultés sont plus profondes.
Concernant l'examen du projet de loi, je reste sur ma faim et je m'interroge sur l'opportunité d'adopter une question préalable tendant au rejet du texte qui nous est soumis. Est-ce la bonne orientation à adopter ? Il aurait peut-être fallu marteler davantage nos positions, notamment sur le rôle des régions. Le passage brutal à un pilotage par les branches professionnelles présente des risques non négligeables car le paysage conventionnel est trop peu structuré aujourd'hui. En adoptant cette question préalable, notre commission reviendrait à capituler et, de fait, à accepter que soit adoptée la version du texte issue des travaux de l'Assemblée nationale.
Je rejoins les rapporteurs s'agissant de la méthode de travail utilisée par le Gouvernement. Je crois que nous pouvons unanimement dénoncer les conditions d'examen de ce texte qui ont été exécrables. Je tiens à mon tour à féliciter les rapporteurs pour leurs travaux.
Nous délibérons aujourd'hui sur un texte dont nous n'avons qu'une vision imparfaite. L'examen en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale s'est achevé hier soir et de nombreuses dispositions nouvelles ont été introduites par le Gouvernement et les rapporteurs. Nous n'avons donc pas eu le temps d'en prendre connaissance et d'apprécier l'opportunité de ces nouveaux dispositifs. Nous dénonçons également l'impréparation du Gouvernement dans l'élaboration de ce texte, à moins que ce ne soit une stratégie pour troubler les débats parlementaires.
Notre groupe partage l'avis de la majorité sénatoriale sur le renforcement du rôle des régions en matière d'apprentissage et sur l'amendement présenté par le Gouvernement pour anticiper la négociation de la convention d'assurance chômage. Nous avons également défendu nos propres positions, que je ne détaillerai pas de nouveau, notamment sur l'assurance chômage. Il est fort regrettable d'en arriver là au terme des travaux menés par notre assemblée.
S'agissant de la question préalable, on peut légitimement s'interroger sur son opportunité. Ce n'est pas la première fois que nous nous trouvons dans cette situation et on ne peut que regretter l'absence de dialogue entre nos deux assemblées. Par conséquent nous nous abstiendrons sur la motion présentée par les rapporteurs.
Cette situation révèle les difficultés entourant l'examen d'un texte en nouvelle lecture à la suite d'un désaccord en commission mixte paritaire. Elle n'a en réalité pas beaucoup d'utilité, car rares sont les cas d'une adoption conforme de nos deux assemblées en nouvelle lecture après l'échec d'une CMP. Si cette nouvelle lecture pose question, qui plus est en procédure accélérée, la navette parlementaire reste toutefois le seul moyen de garantir que les positions de Sénat imprègnent le texte définitivement adopté.
Je partage vos positions mais il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre. Il y a donc des moments où il est vain de poursuivre le dialogue.
Je félicite à mon tour le travail des rapporteurs. Nous souhaitions également renforcer le rôle des régions en matière d'apprentissage. Je rappelle toutefois que cette loi est très attendue par les entreprises, en particulier en matière de formation professionnelle et d'apprentissage. Le texte va quand même dans le bon sens. Il n'était certes pas souhaitable de retirer autant de prérogatives aux régions, au regard de leur compétence relative au développement économique mais malheureusement la majorité des apports du Sénat n'a pas été retenue par l'Assemblée nationale. Concernant le compte personnel de formation, on peut avoir des divergences mais je considère que la réforme proposée par le Gouvernement va dans le bon sens. On peut regretter que le conseil en évolution professionnelle ne reste pas dans les compétences de la région, comme le Sénat l'avait proposé. Sur tous ces éléments, il y a donc des regrets et des déceptions légitimes. Je ne peux pas croire que le Gouvernement ne s'intéresse pas au travail du Sénat. On aurait bien fait de continuer à dialoguer car je regrette que l'examen de ce texte, qui je le répète va globalement dans le bon sens, s'achève sur une question préalable. C'est pourquoi je m'abstiendrai sur la motion présentée par les rapporteurs.
Outre la frustration très légitime que peuvent ressentir nos rapporteurs face à l'escamotage de leur travail, je ne suis pas franchement surprise par l'issue de cette discussion, que j'avais en partie anticipée. Sur un texte de cette importance, il ne pouvait de toute façon être de bonne méthode d'engager une procédure accélérée.
La volte-face spectaculaire du Gouvernement en séance publique au Sénat, qui s'est manifestée par le dépôt de l'amendement sur l'assurance chômage, traduit son intention d'agir selon sa seule volonté et je puis vous assurer qu'il bénéficie à ce titre du soutien sans faille des députés de la majorité. Notre parole doit pourtant être entendue : nous n'avons d'autre ambition que de nous appuyer sur les expériences réussies, comme en Pays de la Loire, où l'implication du conseil régional dans la politique de l'apprentissage donne de très bons résultats.
Je reste néanmoins favorable à l'adoption de la question préalable car en l'état actuel de nos travaux, la sagesse commande plutôt leur interruption.
Pour ma part, je déplorerai le machiavélisme grandissant de notre démocratie parlementaire, où le Sénat est écouté lorsque son soutien sert les intérêts du Gouvernement -comme la récente réforme de la SNCF nous l'a prouvé- mais écarté lorsque sa voix devient dissonante.
Nous nous sommes érigés contre la captation de la compétence relative à l'apprentissage et à la formation professionnelle par un organisme où le rôle des régions ne sera plus que résiduel. Nous nous étions appliqués à rendre aux régions les moyens de participer au pilotage et au développement des formations en alternance sur leurs territoires, sans remettre en cause la liberté de création des CFA, afin d'éviter les effets de concentration dans les pôles urbains qu'entraînerait la seule compétence des branches professionnelles. Le Gouvernement refuse de nous entendre, et je voterai donc la question préalable.
Je constate avec regret que le sujet numérique n'a été que très partiellement abordé dans ce texte. Nous assistons aujourd'hui à l'émergence d'une main d'oeuvre fortement qualifiée dans les nouvelles technologies, et qui ne souhaite pas travailler dans le cadre d'un lien de subordination. Alors que leur nombre ne semble pas en passe de diminuer, ils ne constituent que 10 % de l'emploi en France, contre 40 % aux États-Unis. C'est bien la preuve que notre droit n'est pas adapté et ne leur offre pas le statut qu'ils réclament. Je crains fort que le texte dont nous avons discuté ne passe à côté de ce sujet majeur, et je ne peux qu'encourager nos rapporteurs à s'en saisir à la faveur d'une prochaine proposition de loi.
Pour ma part, compte tenu des explications de nos collègues, je voterai finalement la question préalable.
C'est un sentiment de colère qui m'anime. Je comprends tout à fait l'insatisfaction que peut susciter le dépôt d'une question préalable, mais elle est le seul moyen de ne pas alourdir un travail dont nous avons compris qu'il n'aurait pas d'issue. Contrairement à ce qui a été dit, nous ne proposions pas de modifier le texte initial dans le sens d'une régionalisation de la compétence d'apprentissage et de formation professionnelle, mais dans celui de sa territorialisation. L'entretien de cette confusion n'a certainement pas servi nos intentions.
Je vous rejoins sur la nécessité de penser un nouveau statut pour les personnes qui souhaitent travailler sans lien de subordination mais notre souci doit d'abord être celui de les protéger d'une exploitation dissimulée par des gens mal intentionnés. Le droit du travail est certes contraignant à maints égards, mais en définissant dans quelles conditions un lien de subordination existe, il donne des garanties indispensables aux individus. L'idée de codifier un statut qui emprunte à la fois au salariat et au travail indépendant me paraît donc la bonne.
Je terminerai en exprimant mon inquiétude quant à la préservation de l'équilibre des pouvoirs dans notre modèle institutionnel, dont notre texte en est hélas une illustration.
Je suis en plein accord avec mon collègue rapporteur. Je tenais à porter à votre connaissance quelques éléments sur l'ambiance de la CMP : avant même le début de la discussion, la présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale augurait défavorablement de son résultat. La discussion était certes ouverte, mais la négociation n'était plus envisageable. Au-delà du respect auquel notre institution a droit, c'est de l'expression de toutes les personnes auditionnées, dont nous avons tenu à relayer les inquiétudes, qu'il n'est pas tenu compte.
Nous nous sommes visiblement mépris sur la bonne entente avec la ministre du Travail et nos homologues députés que nous avons cru déceler au début de nos travaux. J'ai été personnellement très étonnée du revirement total exprimé par le Gouvernement lors de la discussion générale à l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. Un tel changement à un stade aussi avancé de la discussion n'est à mon sens pas acceptable.
Examen de la motion
Nous allons passer à l'examen de la motion COM-1. Je mets aux voix la motion COM-1.
La commission adopte la motion COM-1.
En conséquence, la commission n'a pas adopté de texte et le débat en séance publique portera sur le texte transmis par l'Assemblée nationale.
La commission désigne M. Jean Sol en qualité de rapporteur sur la proposition de loi n° 489, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la désignation aléatoire des comités de protection des personnes.
La commission désigne M. Olivier Henno en qualité de rapporteur sur la proposition de loi n° 565 présentée par Mme Jocelyne Guidez et plusieurs de ses collègues visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants : un enjeu social et sociétal majeur.
La séance est close à 10 h 45.