La commission désigne Mme Françoise Dumont rapporteur sur la proposition de loi n° 123 (2022-2023) visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique présentée présentée par Mmes Annick Billon, Martine Filleul, Dominique Vérien et plusieurs de leurs collègues.
La commission désigne Mme Catherine Di Folco rapporteur sur la proposition de loi n° 598 (2021-2022) visant à revaloriser le statut de secrétaire de mairie présentée par Mmes Céline Brulin, Cécile Cukierman, Michelle Gréaume, Marie-Claude Varaillas, Éliane Assassi et plusieurs de leurs collègues.
La commission désigne Mme Agnès Canayer rapporteur sur la proposition de loi constitutionnelle n° 869 rectifiée (2021-2022) visant à créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements et à garantir la compensation financière des transferts de compétences présentée par de M. Éric Kerrouche et plusieurs de ses collègues.
Nous examinons maintenant la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.
La proposition de loi que nous examinons a été déposée par la députée Isabelle Santiago et les membres du groupe Socialistes et apparentés. Elle a été adoptée à l'unanimité, le 9 février dernier, par l'Assemblée nationale, ce qui traduit l'attachement de tous les députés, quelle que soit leur appartenance politique, à améliorer la situation des enfants victimes de violences intrafamiliales.
Le texte proposé entend intervenir ponctuellement sur deux mécanismes : la suspension provisoire de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale, créée par la loi du 28 décembre 2019, et le retrait de l'autorité parentale par les juridictions pénales.
Je me réjouis que le Gouvernement n'ait pas engagé la procédure accélérée, ce qui nous permettra de travailler sur un temps long. Je vous rappelle à ce sujet la recommandation de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes formulée en 2020, dans le cadre de son rapport d'information consacré à la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants au sein de la famille pendant le confinement : elle mettait en garde contre les trop nombreuses interventions législatives et appelait de ses voeux une loi-cadre abordant les violences dans toutes leurs dimensions. Avec raison, elle relevait que, bien souvent en la matière, les nouveaux textes étaient destinés à corriger des imperfections juridiques que des débats parlementaires trop brefs n'avaient pas permis d'anticiper.
La question de l'autorité parentale et de l'exercice de l'autorité parentale est éminemment complexe, et je voudrais que nous nous attachions à clarifier et à améliorer les deux dispositifs dont nous sommes saisis, sans trop nous disperser.
Si nous arrivons à rendre plus lisibles et, surtout, plus opérantes ces dispositions pour les professionnels qui doivent s'en saisir, alors ce serait déjà un grand progrès en faveur de la protection des enfants.
La loi du 28 décembre 2019 a introduit une distinction entre le retrait de l'autorité parentale et celui de l'exercice de cette autorité, afin d'offrir aux juridictions pénales un choix plus large de mesures et de les inciter à prononcer ces mesures de nature civile au moment de la condamnation.
Le retrait de l'autorité parentale prive un parent de l'ensemble de ses attributs, y compris les plus symboliques comme le droit de consentir au mariage ou à l'adoption de son enfant ; c'est donc la titularité qui est remise en cause.
Le retrait de l'exercice de l'autorité parentale revient à confier exclusivement à l'autre parent le devoir de protéger l'enfant dans sa sécurité, sa moralité et sa santé, de fixer sa résidence et de conduire son éducation. Le parent privé de l'exercice de l'autorité parentale en reste cependant titulaire. À ce titre, il conserve le droit d'entretenir des relations personnelles avec l'enfant via les droits de visite et d'hébergement, qui lui sont accordés sauf « motifs graves » appréciés par le juge aux affaires familiales (JAF). Il conserve aussi un droit de surveillance, qui oblige l'autre parent à le tenir informé de tous les choix importants relatifs à la vie de l'enfant.
La loi précitée a également introduit un mécanisme de suspension provisoire de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement en cas de poursuite ou de condamnation, même non définitive, pour un crime commis sur l'autre parent. Il s'agissait principalement de régler les cas où le parent survivant était le meurtrier de l'autre parent afin d'éviter qu'il n'exerce l'autorité parentale.
La proposition de loi vise à modifier ces deux mécanismes afin de les étendre à d'autres cas de mise en danger grave de l'enfant.
L'article 1er prévoit tout d'abord d'étendre la suspension provisoire de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement aux cas de poursuites ou de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis sur l'enfant. Cette suspension courrait jusqu'à la décision du JAF, éventuellement saisi par le parent poursuivi, ou jusqu'à la décision de non-lieu ou la décision de la juridiction de jugement.
Cet article met également en place un régime distinct en cas de condamnation pour des violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de 8 jours sur l'autre parent. Il prévoit dans ce cas une suspension provisoire de l'autorité parentale jusqu'à la décision du JAF, qui devrait être saisi par l'un des parents dans les six mois à compter de la décision pénale, mais seulement lorsque l'enfant a assisté aux faits.
Si je partage sans réserve l'objectif poursuivi d'une meilleure protection de l'enfant, je souhaiterais tout d'abord que nous en restions à la position que la commission avait adoptée en 2020, c'est-à-dire accepter une suspension de plein droit, mais uniquement pour six mois et d'exiger une intervention du juge pour la suite. Il semble en effet disproportionné au regard de la présomption d'innocence et du droit de chacun de mener une vie familiale normale de permettre une suspension automatique tout le temps de la procédure pénale, qui peut durer plusieurs années, et sans intervention obligatoire d'un juge, seul à même d'apprécier l'intérêt de l'enfant. Cette durée maximale de six mois est celle qui est actuellement prévue en cas de crime sur l'autre parent. Nous ne savons d'ailleurs pas comment cette mesure est appliquée, car très peu de cas ont été recensés. Les magistrats du tribunal judiciaire de Lille que nous avons auditionnés ont évoqué trois ou quatre dossiers depuis deux ans.
Par ailleurs, il me semble que le dispositif proposé en cas de condamnation pour violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de 8 jours n'est pas cohérent à cause de la condition liée à la présence de l'enfant et de l'exclusion des violences volontaires sur l'enfant lui-même. Enfin, je rappelle que les juridictions doivent d'ores et déjà se prononcer sur l'autorité parentale en cas de condamnation pour cette infraction. Prévoir une suspension automatique en cas de condamnation n'a donc pas beaucoup d'intérêt pratique.
Je souligne à ce sujet que les pratiques judiciaires changent. Les magistrats sont de plus en plus sensibilisés à l'importance des mesures relatives à l'autorité parentale, et le nombre de mesures prononcées augmente selon les chiffres transmis par la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice.
Compte tenu de cette analyse, je vous proposerai un amendement visant à revenir au régime actuel, tout en l'étendant aux infractions de crimes et agressions sexuelles incestueuses sur l'enfant, comme le souhaite la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Le JAF serait ainsi tenu d'intervenir au bout de six mois pour apprécier la suspension du retrait de l'autorité parentale au regard de l'intérêt de l'enfant et de l'évolution de la procédure pénale.
L'article 2 prévoit ensuite de rendre plus « automatique », sans toutefois l'imposer au juge pénal, le retrait de l'autorité parentale ou de son exercice en cas de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle commise sur l'enfant ou pour un crime commis sur l'autre parent.
Cette disposition a le mérite d'inciter plus fortement les juges à prononcer un retrait d'autorité parentale en cas d'infraction grave contre l'enfant ou l'autre parent, sans toutefois les priver de leur liberté de moduler leur décision au regard de l'intérêt de l'enfant, à charge pour eux de la motiver spécialement.
Je vous proposerai de revoir la rédaction de cette disposition afin de rendre le dispositif plus intelligible, et donc d'en favoriser son application par les juridictions pénales. L'amendement que je vous soumettrai aurait également le mérite de bien poser le principe du retrait total de l'autorité parentale en cas de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle commise sur l'enfant ou pour un crime commis sur l'autre parent et d'obliger les juridictions à se prononcer dans tous les cas de condamnation d'un parent pour crime ou délit commis sur son enfant ou pour crime commis sur l'autre parent.
Dans le prolongement de cette mesure et des dispositions existantes, je vous proposerai d'adopter un nouvel article afin d'instituer un « répit » pour l'enfant en cas de retrait de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement. Celui-ci prévoit qu'aucune demande au juge aux affaires familiales ne puisse être présentée par le parent moins de six mois après le jugement. Une disposition similaire existe en cas de retrait de l'autorité parentale.
L'article 2 bis vise à ajouter un nouveau cas de délégation forcée de l'exercice de l'autorité parentale à un tiers en cas de poursuite, de mise en examen ou de condamnation pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis sur l'enfant par un parent qui est seul titulaire de l'exercice de l'autorité parentale. J'y suis favorable, sous réserve d'un amendement rédactionnel.
L'article 3 procède à diverses modifications dans le code pénal, à des fins de coordination avec l'article 2. Cet article me semble l'occasion de mettre fin au décalage qui existe entre le code civil et le code pénal en matière de retrait de l'autorité parentale. Actuellement, le code pénal ne prévoit pas que les juridictions de jugement aient à se prononcer sur l'autorité parentale à chaque fois qu'elles entrent en voie de condamnation contre un parent pour un crime ou délit commis sur son enfant ou un crime commis sur l'autre parent. Cette obligation repose sur des dispositions spéciales prévues pour certaines infractions uniquement. Je vous proposerai donc d'adopter une disposition générale dans le code pénal visant à remédier à cette incohérence et à procéder à une meilleure coordination avec les dispositions du code civil.
Enfin, l'article 4 concerne une demande de rapport au Gouvernement sur le repérage, la prise en charge et le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales et sur les modalités d'accompagnement parental. Je vous proposerai de le supprimer non seulement du fait de la position constante de la commission sur les demandes de rapport, mais également en raison de son absence de lien avec les dispositions initiales du texte au titre de l'article 45 de la Constitution.
A-t-on une idée du nombre de cas concernés ? Comment sont-ils répartis sur le territoire ?
Vous trouverez ces éléments dans le rapport de Mme Mercier. Les cas sont très peu nombreux.
Je remercie Mme le rapporteur du travail réalisé, car, pour avoir suivi toutes les auditions, la question n'est pas si évidente qu'il n'y paraît. Le vote de cette proposition de loi à l'unanimité par l'Assemblée nationale et son inscription rapide à l'ordre du jour des travaux du Sénat montrent qu'il s'agit d'une vraie problématique : 400 000 enfants vivent dans un foyer où des violences intrafamiliales sévissent et dans plus de 20 % des cas, ils en sont victimes. D'ailleurs, les annonces, hier, de la Première ministre montrent la volonté du Gouvernement de trouver des solutions pour protéger l'enfant.
Sur le plan juridique, notons un changement de paradigme, amorcé par la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste. Je rappelle que notre groupe avait proposé, par amendement, de relever l'âge du consentement à 18 ans, contre 15 ans, en cas de crime pour inceste, mais nous n'avons pas été suivis. De nombreuses associations ont reproché au Parlement de ne pas être allé assez loin, soulevant notamment la question du retrait de l'autorité parentale.
Cette proposition de loi reprend, pour partie, les recommandations de la Ciivise. Les personnes auditionnées ont souligné l'apport de ce texte tout en relevant les insuffisances qui demeurent. Si l'auteur de la proposition de loi préfère un vote conforme, il nous faut cependant procéder à quelques ajustements.
Les amendements proposés par Mme le rapporteur ne répondent toutefois pas totalement à la nécessité de clarifier un certain nombre de points. Nous regrettons en particulier le maintien du caractère provisoire de la suspension de l'autorité parentale jusqu'à la décision du JAF. Derrière la question de l'autorité parentale, n'oublions pas le droit de visite et l'instrumentalisation de l'enfant. Certes, il est extrêmement difficile de faire la part des choses, mais il importe de protéger l'enfant et le parent victime de violences.
Nous regrettons également la disparition pure et simple des dispositions relatives aux violences conjugales. Nous comprenons que ce ne soit pas l'objet de ce texte, mais fragmenter les sujets empêche d'avoir une vision globale et cela peut être de nature à mettre à mal l'application de la loi.
Nous nous abstiendrons sur ce texte ; nous n'avons pas déposé d'amendements, mais nous le ferons en vue de la séance publique.
Je me félicite de l'examen de ce texte. Mais permettez-moi d'exprimer un vif regret. J'avais déposé une proposition de loi sur ce sujet en 2015 et en 2018, et la question du retrait de l'autorité parentale avait été examinée au Sénat dans le cadre d'un espace réservé au groupe Les Républicains fin 2018. L'examen du texte n'avait malheureusement pas pu aller à son terme. Il m'avait alors été rétorqué que les mesures que je proposais n'étaient pas utiles... Je regrette que le Sénat ne les ait pas votées, car la proposition de loi d'Isabelle Santiago en reprend le dispositif. Quoi qu'il en soit, il est essentiel d'examiner ce texte important.
Le seul point innovant du Grenelle des violences conjugales a été de dire qu'un parent violent ne peut pas être un bon parent et qu'il fallait traiter de la question du retrait de l'autorité parentale. Sont aussi évoqués ici le sujet de la suspension provisoire de l'autorité parentale et celui de l'automaticité du retrait. Pour en avoir discuté avec eux il y a quelques années, je puis vous dire que les magistrats sont allergiques au caractère automatique de la mesure, ce que l'on peut comprendre, car les situations visées sont particulièrement compliquées. Mais, peu importe, il faut inscrire dans la loi le principe d'une suspension ou d'un retrait de l'autorité parentale. C'est également une bonne chose qu'Isabelle Santiago introduise la notion d'inceste.
Il est dommage que les juridictions pénales ne se saisissent pas des mesures de nature civile dans les cas visés, car nous sommes face à des situations douloureuses.
Pendant vingt-cinq ans, j'ai été présidente d'un conseil de famille des pupilles de l'État. Nombre d'entre eux ont attendu des années avant d'être pupilles. Comme vient de le souligner Valérie Boyer, en France, un parent reste un parent quoi qu'il arrive. Or, des enfants sont détruits avec cette idéologie ; j'avais constaté qu'on obligeait les enfants à aller voir leur père en prison, contre leur gré, simplement parce qu'il s'agissait de leur père. Concernant l'inceste, beaucoup d'enfants n'ont pas reçu de dommages et intérêts à l'âge adulte.
Il était donc plus que temps que le Sénat légifère sur le retrait de l'autorité parentale, car l'enfant est au coeur de nos réflexions.
Permettez-moi de formuler une observation. Supprimer les liens d'un enfant avec ses parents, c'est aussi envisager la question de l'adoption. Dans ces situations, il faut réagir vite pour permettre à ces enfants de pouvoir se reconstruire et leur offrir un avenir. Je sais que tout le monde ne partage pas cette position, mais c'est mon point de vue.
Je remercie le travail très étayé de Mme le rapporteur. Les violences intrafamiliales sont le lot quotidien de trop nombreuses familles, et c'est un problème que notre société a du mal à reconnaître. Or 400 000 enfants vivent dans un foyer où sévissent des violences conjugales et 160 000 d'entre eux subissent chaque année des violences sexuelles avérées. Plusieurs études ont montré les conséquences de ces violences sur l'enfant : choc traumatique, troubles psychotraumatiques, phénomène de dissociation, troubles de la mémoire et conduite à risques. Certaines de ces conséquences peuvent être réversibles si un traitement psychothérapique spécialisé est mis en place, ce qui plaide pour une mise à l'abri rapide de ces enfants et une prise en charge la plus précoce possible.
Le législateur doit donc réfléchir à la bonne temporalité pour agir et protéger l'enfant en coupant le lien avec le parent violent, de façon temporaire ou définitive, sans perdre de vue l'objectif de protection des victimes et de préservation de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Certes, notre législation progresse depuis quelques années, mais il importe encore d'accroître l'arsenal législatif en matière de suspension et de retrait de l'autorité parentale ou de son exercice, et, surtout, de rendre davantage lisibles et applicables les mesures prévues par le droit en vigueur.
L'introduction d'un retrait de principe de l'autorité parentale ou, à défaut, de son exercice, lorsque le parent est condamné pour crime ou agression sexuelle incestueuse sur l'enfant ou pour un crime sur l'autre parent, ainsi que la suspension provisoire de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement dès le stade des poursuites, dans ces mêmes cas, sont de nature à améliorer le texte. La réécriture de l'article 378-2 du code civil permettra de viser davantage de victimes. Les amendements déposés par Mme le rapporteur contribueront aussi à améliorer le texte. C'est pourquoi le groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) votera cette proposition de loi.
Je remercie Mme le rapporteur pour le travail de dentelle qu'elle a réalisé afin d'améliorer le texte, en redonnant un peu de souplesse au juge, tout en protégeant les enfants. Les choses évoluent : on pensait auparavant qu'il valait mieux laisser un enfant à son parent quand bien même ce dernier le maltraitait, alors que l'on sait aujourd'hui qu'il est préférable de couper les liens, pour le bien de l'enfant.
L'Espagne, qui a beaucoup travaillé sur les violences intrafamiliales, a prévu en 2021 le retrait de l'autorité dès lors qu'une ordonnance de protection est prononcée. Il a été constaté que les féminicides sont systématiquement liés à l'instrumentalisation des enfants par l'auteur. Couper les liens revient donc à protéger l'enfant et la mère.
Les contentieux sont relativement techniques. Il importe de connaître les psychotraumatismes. Récemment, les derniers homicides conjugaux ont montré des erreurs d'appréciation du danger.
Je comprends que certains regrettent que ce texte n'aborde pas l'ensemble des violences intrafamiliales, mais avancer par petites touches permettra in fine de réaliser de grandes avancées. Il conviendra d'ailleurs de parler de la pédopsychiatrie, qui souffre d'un manque de moyens : il n'est pas acceptable d'attendre dix-huit mois pour avoir une première consultation - pour un enfant de 3 ans, cela correspond à la moitié de sa vie ! De même, les administrateurs ad hoc font défaut.
Madame Goulet, pour les crimes, 48 mesures relatives à l'autorité parentale ont été prononcées par les juridictions pénales en 2017, contre 65 en 2021 ; concernant les délits, le nombre de mesures prononcées est passé de 82 en 2017 à 772 en 2021.
Je remercie Laurence Harribey et Dominique Vérien d'avoir assisté aux auditions que j'ai organisées, car celles-ci nous ont permis de mesurer la complexité des choses. Je me suis concentrée sur les dispositions de la proposition de loi, en essayant d'améliorer la lisibilité des deux mécanismes visés, pour que les juridictions se les approprient, et ce, dans l'intérêt de l'enfant. Je comprends que certains regrettent que l'on n'inclue pas d'autres mesures, mais nous progressons : par exemple, l'enfant témoin est maintenant reconnu comme victime. Nous arrivons progressivement à faire évoluer les mentalités.
Nous devrons effectivement rediscuter de l'instrumentalisation de l'enfant.
Madame Boyer, je sais que vous avez beaucoup travaillé sur ce sujet. On peut regretter que ces avancées se fassent à tout petits pas, mais, je le répète, il importe déjà de se concentrer sur les deux dispositifs visés.
Madame Lherbier, je vous remercie de l'avoir souligné : le fait que les juridictions pénales ne prononcent pas les mesures civiles qui s'imposent a des conséquences douloureuses sur les enfants. La situation évolue, cela prend du temps, mais certains commencent à admettre qu'il faut briser un lien quand il est toxique. Nous avons entendu pendant longtemps qu'il valait mieux avoir un parent violent que pas de parent du tout. Or selon les professionnels, cette interprétation des adultes peut être erronée,
Madame Carrère, une mise à l'abri rapide de l'enfant est possible, et c'est heureux lorsque la situation est très grave. C'est l'intérêt de l'enfant qui prime. La question de la temporalité est effectivement importante, le temps de l'enfant n'est pas celui de l'adulte.
Madame Vérien, nous avons essayé d'inciter les juges à motiver leur décision quand ils ne veulent pas retirer l'autorité parentale. Il est toujours intéressant de regarder ce qui se passe en Espagne, mais le système n'est pas tout à fait identique.
Concernant le périmètre de l'article 45 de la Constitution, je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives à la suspension provisoire de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale dans le cadre de procédures pénales et au retrait de l'autorité parentale ou de l'exercice de l'autorité parentale par les juridictions pénales.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement COM-17 vise à limiter l'extension de la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement aux cas de crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de l'enfant, et à maintenir le caractère provisoire de cette suspension dans les conditions actuelles.
Il semble en revanche disproportionné au regard de la présomption d'innocence et du droit de chacun de mener une vie familiale normale de permettre une suspension automatique tout le temps de la procédure pénale.
Est-il possible constitutionnellement qu'une telle mesure s'applique automatiquement, c'est-à-dire de plein droit, sans appréciation du juge ?
Un tel dispositif existe déjà. Il s'agit d'une suspension provisoire de plein droit.
L'enjeu est l'intervention rapide du magistrat au travers de la saisine par le procureur de la République.
Cette mesure, qui s'applique déjà pour les homicides conjugaux, serait étendue aux crimes ou agressions sexuelles incestueuses sur l'enfant.
L'amendement COM-17 est adopté. En conséquence, les amendements identiques COM-9 rectifié sexies et COM-16 rectifié deviennent sans objet.
L'article 1er est ainsi rédigé.
Article 2
L'amendement COM-18 prévoit de réécrire l'article 2 afin de rendre plus intelligible et plus effectif le nouveau dispositif en le coordonnant avec l'obligation de se prononcer sur le retrait de l'autorité parentale, qui existe déjà dans le code pénal.
L'amendement COM-18 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-10 rectifié sexies devient sans objet.
L'article 2 est ainsi rédigé.
Article 2 bis (nouveau)
Après l'article 2 bis (nouveau)
L'amendement COM-19 prévoit qu'aucune demande au JAF ne peut être présentée moins de six mois après que la décision de retrait de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement est irrévocable. Un dispositif similaire existe en matière de retrait de l'autorité parentale.
L'amendement COM-19 est adopté et devient article additionnel.
Article 3 (nouveau)
L'amendement COM-21 permet d'opérer une meilleure coordination entre les dispositions du code civil et celles du code pénal en matière de retrait de l'autorité parentale ou de son exercice par les juridictions pénales.
Il vise à insérer dans le code pénal une disposition générale permettant d'obliger les juridictions pénales à se prononcer sur le retrait de l'autorité parentale ou de son exercice à chaque fois qu'un parent est condamné pour un crime ou un délit commis sur son enfant ou pour un crime commis sur l'autre parent.
L'amendement COM-21 est adopté. En conséquence, les amendements COM-14 et COM-15 deviennent sans objet.
L'article 3 est ainsi rédigé.
Après l'article 3 (nouveau)
Avis défavorable à l'amendement COM-1. Les décisions des JAF en matière de résidence comme de droit de visite et d'hébergement ne doivent être prises que dans l'intérêt de l'enfant. C'est dans ce cadre que le juge prend déjà en compte les violences exercées par un parent sur un autre, qu'elles soient physiques ou psychologiques.
Le principe selon lequel un enfant témoin de violences est aussi victime a été établi par le décret du 23 novembre 2021.
Par ailleurs, les rédactions proposées par notre collègue se focalisent sur les violences exercées par un parent sur l'autre, mais n'évoquent pas les violences physiques ou psychologiques exercées directement sur l'enfant.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
Les amendements COM-2, COM-3, COM-4, COM-5, COM-6, COM-7, COM-11 rectifié sexies et COM-12 rectifié sexies sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
L'amendement COM-13 rectifié bis vise à reprendre le mécanisme de l'article 2 dans le cadre du contrôle judiciaire en l'adaptant. Il s'agirait de faire de la suspension du droit de visite et d'hébergement le principe et d'instituer une obligation de motivation spéciale en cas contraire.
Ce mécanisme existe déjà en matière d'ordonnance de protection en ce qui concerne la jouissance du logement ou le droit de visite et d'hébergement. Il serait mis en oeuvre lorsque le contrôle judiciaire comprend l'interdiction d'entrer en relation, l'interdiction de paraître ou le port d'un bracelet anti rapprochement. Avis favorable.
L'amendement COM-13 rectifié bis est adopté et devient article additionnel.
Article 4 (nouveau)
Intitulé de la proposition de loi
L'amendement COM-23 vise à revoir l'intitulé de la proposition de loi en assurant une meilleure correspondance avec le contenu du texte. Par ailleurs, la notion de « covictimes » ne correspond pas à une réalité juridique.
L'amendement COM-23 est adopté.
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Ce texte entend répondre à un problème réel, qui mérite toute notre attention : les difficultés que rencontrent au quotidien nos compatriotes de Saint-Barthélemy pour accéder à une offre de soins complète et adaptée à l'insularité du territoire.
Le problème est pourtant connu de longue date. L'île de Saint-Barthélemy, située à 25 kilomètres au sud-est de Saint-Martin, à 230 kilomètres au nord-ouest de la Guadeloupe « continentale » et à 6 500 kilomètres de Paris, est très dépendante des territoires voisins de Saint-Martin et de la Guadeloupe pour la prise en charge des cas graves ou complexes. Ainsi, environ 200 évacuations sanitaires sont organisées chaque année.
Les élus locaux et particulièrement les sénateurs de Saint-Barthélemy - notre ancien collègue Michel Magras et aujourd'hui Micheline Jacques - ont régulièrement alerté quant au manque d'adaptation des règles nationales aux réalités locales et à la dégradation de l'offre de soins, préjudiciable aux habitants de l'île.
Lors des auditions que j'ai menées avec Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, nous avons constaté que les difficultés rencontrées par les habitants et les personnels soignants persistaient aujourd'hui encore et qu'elles étaient de quatre ordres.
En premier lieu, certaines prestations et actes, comme le dépôt de sang, ne sont pas réalisés sur l'île alors qu'ils sont indispensables au travail quotidien d'un hôpital.
En deuxième lieu, les services de soins font face à des difficultés techniques et opérationnelles, qui nuisent à la prise en charge optimale des assurés de Saint-Barthélemy. Ainsi, faute d'éclairage des pistes des aérodromes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, les évacuations sanitaires ne peuvent avoir lieu la nuit, ce qui entraine des pertes de chances pour les patients.
En troisième lieu, des obstacles réglementaires empêchent la pleine adaptation de l'offre de soins au territoire, malgré les demandes exprimées de façon répétée par les élus et les acteurs locaux de la santé. Ainsi, en application d'une disposition réglementaire nationale, la pharmacie de l'hôpital Irénée de Bruyn ne peut être gérée que par un pharmacien disposant de la qualification spécifique de pharmacien hospitalier. Toutefois, compte tenu de la raréfaction de ces praticiens et de l'existence d'officines pharmaceutiques sur l'île, le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) souhaiterait déroger à cette règle afin de faciliter le recrutement d'un pharmacien d'officine. Faute d'une telle possibilité, l'activité de la pharmacie hospitalière est aujourd'hui menacée.
En dernier lieu, les services de soins peinent à fidéliser les praticiens hospitaliers, l'attractivité du territoire étant grevée par des contraintes d'exercice et le coût exorbitant des logements. La direction de la sécurité sociale (DSS) le reconnait en ces termes : « l'hôpital de Saint-Barthélemy dispose du personnel dont il a besoin, mais au prix du recrutement de contractuels, qui ne s'investissent pas à très long terme et ne participent de fait pas au projet médical du territoire ».
La présente proposition de loi apporte une première solution pragmatique et équilibrée à cet ensemble de difficultés, en prévoyant de confier à la collectivité de Saint-Barthélemy - plus précisément à son conseil territorial - un pouvoir de proposition dans les domaines de la sécurité sociale et du financement des établissements de santé relevant de la compétence de l'État.
En ce qu'elle confie à la collectivité un nouvel outil, en particulier pour répondre au défaut d'adaptation des règles régissant l'organisation des soins aux spécificités de Saint-Barthélemy, je ne peux qu'être, sur le principe, favorable à cette proposition de loi.
Reposant sur une approche « ascendante », que je sais chère à notre commission, cette proposition de loi trouve un point d'équilibre satisfaisant, entre l'exigence d'une adaptation trop longtemps attendue des normes aux réalités locales et la nécessité de conserver un cadre garant des grands principes de la sécurité sociale, sur l'ensemble du territoire national.
La présente proposition de loi emporte donc mon accord sur le fond. Je vous proposerai néanmoins d'adopter des amendements, auxquels Alain Milon et moi avons travaillé et qui ont reçu l'assentiment de l'auteur de la proposition de loi, Micheline Jacques. Les modifications proposées poursuivent deux objectifs principaux.
D'abord, une telle modification statutaire, bien que d'ampleur limitée, gagnerait à être expérimentée pendant cinq ans afin d'en évaluer les effets avant d'envisager sa pérennisation. D'autre part, la proposition de loi me semble présenter des fragilités juridiques que nous souhaiterions corriger.
Premièrement, m'inspirant de dispositions que nous avions déjà votées en 2018, après présentation du rapport de Mathieu Darnaud lors de l'examen de la proposition de loi déposée par Michel Magras, je propose de conférer un caractère expérimental au dispositif tendant à confier au conseil territorial de Saint-Barthélemy un pouvoir de proposition dans de nouveaux champs de compétences de l'État.
Deuxièmement, il m'apparait souhaitable de restreindre le champ des compétences susceptibles de faire l'objet de propositions de la part du conseil territorial à la seule assurance maladie et aux seules fins de garantir la continuité des soins comme l'adaptation aux particularités et besoins spécifiques de l'offre, liés à l'insularité et à l'éloignement. Ce point me semble très important.
Troisièmement, je propose d'inclure le domaine des services de santé dans cette nouvelle faculté de proposition, corrigeant ainsi un oubli de la proposition initiale, qui visait les seuls établissements de santé.
Quatrièmement, s'agissant des garanties applicables aux propositions d'actes formulés par le conseil territorial, je suggère de les renforcer, en excluant expressément la prise d'actes administratifs individuels et en imposant à ces propositions d'actes le respect des principes définis par la législation relative à la sécurité sociale, en particulier les principes de solidarité nationale, d'égalité de traitement, de non-discrimination et de continuité de la prise en charge.
Par ailleurs, il nous est apparu utile de soumettre pour avis à l'ARS compétente tout projet d'acte du conseil territorial, afin d'assurer la compatibilité d'une telle proposition avec l'organisation existante et régionalisée de l'offre de soins.
Enfin, la proposition de loi ambitionnait d'imposer au conseil territorial la définition d'un objectif annuel de dépenses, pour la couverture des surcoûts des établissements de santé liés à l'insularité et à l'éloignement. Faisant peser une obligation nouvelle sur une collectivité qui ne dispose ni de moyens ni des compétences pour procéder à une telle évaluation, ces dispositions n'apparaissent pas opportunes ; je vous propose de les supprimer.
Pour conclure, ces quelques assouplissements, qui me semblent relever du bon sens, permettraient à la collectivité de disposer d'un nouvel outil pour renforcer la prise en compte par l'État des spécificités de l'île, sans pour autant battre en brèche le principe d'une compétence étatique en la matière. Cet équilibre paraît important.
À ce stade de mon propos, je me dois néanmoins d'être franche : malgré les quelques modifications que je vous propose d'adopter, la présente proposition de loi n'offrira pas de réponse à tout et ne sera pas une panacée. Si ce dispositif marque une première avancée salutaire vers une meilleure prise en compte par l'État des spécificités et des nécessaires adaptations de l'offre de soins à Saint-Barthélemy, il ne saurait régler seul l'ensemble des difficultés rencontrées en raison de la spécificité, de l'isolement et de la taille de ce territoire.
Je déplore en particulier l'inertie de l'État sur ce sujet. À titre d'exemple, l'expérimentation, lancée en 2017, qui visait à accorder aux directeurs généraux d'ARS un pouvoir de dérogation pour adapter certaines normes aux réalités locales de leur territoire, a été menée de façon concluante et le Gouvernement s'est engagé en novembre 2021 à la pérenniser, en généralisant ses dispositions à l'ensemble du territoire national. L'ensemble des élus et des acteurs locaux de la santé que nous avons entendus ont souligné l'importance de ce décret pour améliorer l'offre de soins de Saint-Barthélemy, ainsi que leur souhait de s'en saisir sans plus attendre ; comment expliquer que le Gouvernement n'ait toujours pas pris ce décret ? Cette situation parait incroyable. L'État doit se montrer à la hauteur des enjeux et jouer pleinement le rôle qui lui incombe.
J'en viens pour finir à un point sur lequel je souhaite insister. Nous avons dû mener nos travaux sans disposer des conclusions d'un rapport, demandé par le Parlement il y a plus d'un an, sur l'organisation du système de santé et de la sécurité sociale à Saint-Barthélemy et sans disposer des chiffres de la consommation de soins par les assurés de l'île, que le Gouvernement s'obstine à ne pas publier. Cette façon de faire n'est pas acceptable pour le législateur que nous sommes et illustre le peu de considération que porte le Gouvernement à la situation de cette île, mais aussi à notre endroit.
La présente proposition de loi n'en reste pas moins nécessaire. Le texte que je vous propose d'adopter, travaillé en parfaite coopération avec Micheline Jacques et Alain Milon est équilibré, négocié et consensuel. Il me semble à même d'emporter une large adhésion sur un sujet d'importance pour cette île.
Je prends note avec satisfaction de la mise en oeuvre à Saint-Barthélemy d'une forme de différenciation dans le domaine important de la santé. Il serait sans doute utile de continuer à travailler dans ce sens pour d'autres territoires, qui pourraient avoir des spécificités différentes...
Par ailleurs, j'aimerais en savoir davantage sur le rôle joué par l'ARS. Quelle est sa compétence ? Peut-elle bloquer la prise de décision ou est-elle seulement consultée pour avis ? Je m'interroge notamment compte tenu des propos tenus par la rapporteure en matière de partage d'informations.
Je salue l'exhaustivité de ce rapport qui met le doigt sur plusieurs sujets importants, à commencer par la poursuite de cette évolution statutaire pour les outre-mer, qui nous est toujours apparue comme nécessaire, singulièrement pour des territoires comme Saint-Barthélemy.
Je suis convaincu que les problématiques de désertification médicale et d'accès aux soins ne sont pas seulement liées au territoire métropolitain. Elles sont particulièrement aiguës dans ce cas, en raison de l'isolement et de l'insularité du territoire. À cet égard, nous avions déjà fait évoluer le statut de Saint-Barthélemy il y a six ans.
Cette proposition de loi répond au besoin de prise en compte d'une véritable différenciation territoriale, en lien notamment avec les articles 73 et 74 de la Constitution, et va dans un sens qui correspond aux attentes de nombre de nos collègues ultramarins.
Lors de la crise sanitaire, l'île avait souhaité réaliser des tests sur son territoire, ayant les moyens de le faire. Elle avait appelé de ses voeux un renforcement de ses prérogatives et de ses missions en matière sanitaire. L'évolution statutaire doit se faire de manière différenciée, en tenant compte des problématiques et des spécificités de Saint-Barthélemy. Ce texte est équilibré et va dans le bon sens.
Enfin, je voudrais mettre l'accent sur le recours essentiel à l'expérimentation, qui peut jouer le rôle de juge de paix en permettant de constater si ces évolutions statutaires apportent l'efficience souhaitée. Il s'agit d'une méthode importante et salutaire.
Nous avons particulièrement apprécié le sens de la nuance de Valérie Boyer, dans sa manière d'aborder les enjeux soulevés par ce texte. La préoccupation est ancienne et, lors de précédentes mandatures, des propositions de loi similaires avaient été déposées. Malheureusement, si elles ont été adoptées, elles n'ont pas prospéré, des dispositions ayant été censurées par le Conseil constitutionnel.
Aujourd'hui, la préoccupation de Micheline Jacques apparait tout à fait légitime et nous pouvons toutes et tous partager l'objectif poursuivi, étant confrontés au quotidien aux difficultés rencontrées par nos compatriotes lorsqu'ils sont loin des centres de soins, y compris dans l'Hexagone. L'insularité et l'éloignement géographique accentuent ces difficultés et, à cet égard, on ne peut que souscrire au principe de cette proposition de loi.
Cependant, certains points doivent être précisés. D'abord, les informations que Valérie Boyer n'a pas pu obtenir auraient pu nous éclairer utilement, sur les moyens nécessaires à allouer à ces dépenses. En effet, la collectivité de Saint-Barthélemy compte une population et un budget modestes, et rien ne serait pire que de lui octroyer une compétence qu'elle n'aurait pas les moyens financiers et budgétaires d'exercer. Cela mettrait en difficulté les élus locaux et créerait une distorsion entre ces derniers et les législateurs.
De la même manière, nous avons été surpris de ne pas avoir entendu la collectivité émettre d'avis quant à l'orientation proposée.
Ces éléments nous manquent pour apprécier l'applicabilité de la loi. Je souhaiterais que, d'ici l'examen en séance, la collectivité fasse savoir ce qu'elle souhaite faire et que nous puissions mesurer les moyens nécessaires au partage de cette compétence.
La façon dont les documents n'ont pas été transmis m'interpelle. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pourrait fournir un cadre intéressant pour leur communication et il faudrait s'appuyer sur le rapporteur en charge à la commission des finances ou des affaires sociales, qui peut exercer un contrôle sur pièce et sur place. Nous rencontrons ce même type de problèmes ailleurs et il faut mettre fin à cette mauvaise pratique de l'administration. Le législateur doit être respecté quand il demande des documents.
En ce qui concerne l'ARS, son avis est consultatif et ce n'est pas avec elle que nous avons rencontré des difficultés, mais avec la direction de la sécurité sociale (DSS). Cette direction nous a dit ne pas avoir les données en sa possession alors que l'ARS nous a exprimé le souhait que les choses avancent.
Par ailleurs, il semble incroyable que nous attendions depuis plus d'un an un décret permettant de régler le problème existant entre la pharmacie d'officine et la pharmacie hospitalière. Cette situation empêche de fournir un travail correct, compte tenu de l'isolement géographique. Il suffirait pourtant que le Gouvernement tienne ses engagements en la matière.
L'expérimentation est toujours une bonne chose et nous offre de la souplesse.
Quant à la collectivité, elle n'a pas rendu son avis, mais je pense qu'elle le fera d'ici la séance. Elle souhaite exercer de nouvelles compétences en matière de santé. Il faut surtout, je crois, faire en sorte que l'État tienne ses engagements et parvienne à compenser les difficultés d'un territoire particulièrement isolé et avec une faible démographie, qui dispose toutefois d'atouts puisque une offre de soins existe. Certes, le problème des évacuations sanitaires est lié à plusieurs facteurs comme l'incapacité de certains avions d'atterrir à l'aéroport, la présence d'un seul hélicoptère pour la zone ou l'impossibilité d'organiser des évacuations par bateau, compte tenu des distances. Tous ces problèmes ne pourront être réglés définitivement, mais nous devons exiger d'avoir accès à des informations sanitaires précises pour mener nos travaux. Par ailleurs, je le redis, il n'est pas acceptable de mettre un an pour publier un décret.
Enfin, je tiens à remercier Micheline Jacques, qui soulève une difficulté réelle et permet de faire avancer les choses, pour Saint-Barthélemy et peut-être pour d'autres îles. Je remercie également la direction de l'hôpital, qui gère cette structure avec toutes les difficultés liées à l'éloignement. Ces territoires font aussi partie de la grandeur de la France
Je vous propose de considérer que le périmètre comprend les dispositions relatives aux compétences partagées entre la collectivité de Saint-Barthélemy et l'État en matière de santé.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Les amendements identiques COM-1 et COM-4 visent, à titre principal, à conférer au dispositif un caractère expérimental.
Les amendements identiques COM-1 et COM-4 sont adoptés.
L'article 1er est ainsi rédigé.
Article 2
Les amendements identiques de suppression COM-2 et COM-6 sont adoptés.
L'article 2 est supprimé.
Article 3
Les amendements identiques de suppression COM-3 et COM-5 sont adoptés.
L'article 3 est supprimé.
La proposition de loi organique est adoptée, à l'unanimité, dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais revenir sur l'historique de cette mission d'information. En juin 2020, nous avons été mandatés par le président Bas pour engager nos travaux. L'idée d'un travail sur le thème de la formation dans la police et la gendarmerie nationales avait germé après la remise en cause par le ministre de l'intérieur de l'époque, Christophe Castaner, d'une technique d'interpellation jugée dangereuse et dont il est apparu qu'elle était encore pratiquée par la police nationale alors qu'elle avait été abandonnée par la gendarmerie nationale. Un fait largement médiatisé outre-Atlantique n'avait pas contribué à apaiser ni à clarifier les débats sur cette technique dite « de l'étranglement », qui est aujourd'hui abandonnée.
Plus récemment, lors de la finale de la Ligue des champions de 2022, le recours aux gaz lacrymogènes par la gendarmerie mobile, pour évacuer les abords du Stade de France, a été particulièrement critiqué par les observateurs étrangers. Lors de notre déplacement au Centre national d'entrainement des forces de gendarmerie de Saint-Astier, ce cas a été cité comme un exemple de retour d'expérience (Retex) destiné à s'interroger sur les techniques d'intervention, ainsi que les formations proposées et dispensées par les deux forces de sécurité intérieure.
Ainsi, il importe de s'interroger sur la formation afin de faire face aux évolutions de la délinquance et de la criminalité, à celles des modalités du maintien de l'ordre comme à celles de la procédure et du droit pénal, ou pour tenir compte des changements de la société et des attentes des populations.
Les huit dernières années, la politique en matière de sécurité intérieure a connu des bouleversements, d'abord et principalement du fait de la menace terroriste, mais aussi en raison de la crise migratoire et d'exigences nouvelles en matière de maintien de l'ordre.
Au sein de la police nationale, la formation a fait l'objet de réformes destinées à répondre à ces nouveaux enjeux. Toutefois, celles-ci ont paradoxalement abouti à isoler la gestion de la formation du reste de la police nationale. Le dernier projet en date, dont les contours sont encore incertains et qui prévoit la création d'une Académie de police, reste indépendant de la réforme territoriale de la police nationale. Il n'est donc pas conçu sur le modèle des filières comme le seront sans doute à l'avenir tous les métiers de la police nationale.
C'est parce que la formation est toujours au coeur des débats, mais tend systématiquement à être marginalisée en pratique qu'il convient de déterminer les objectifs qu'on lui assigne et les moyens qu'on lui attribue.
Après avoir entendu les représentants des administrations et du personnel, nous nous sommes déplacées dans les écoles et les centres de formation de la police et de la gendarmerie à Draveil, à Roubaix, à Chaumont et à Saint-Astier. Nous avons échangé avec les formateurs et les élèves, afin de comprendre ce qu'implique concrètement la formation de nos forces de sécurité intérieure, ce que l'on attend d'elles et les difficultés rencontrées.
La comparaison entre police et gendarmerie est éclairante et, au-delà des échanges déjà mis en place entre les deux forces, des mutualisations plus nombreuses pourraient être développées. Néanmoins, je le précise d'emblée, il n'est pas question d'une quelconque fusion, et chaque force doit conserver son identité.
Afin de distinguer au mieux les enjeux, nous traiterons d'abord de la formation initiale puis de la formation continue au sein de ces deux forces.
Cette mission nous a permis de mettre en lumière des différences existant entre les milieux de la gendarmerie et de la police en matière de formation. Les attentats de 2015, la nécessité de maintenir l'ordre public et la volonté de mettre en place une police du quotidien ont entrainé trois vagues importantes de recrutement de policiers et de gendarmes au cours des huit dernières années, dont la dernière a été approuvée par le Parlement dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).
Les ordres de grandeur sont parlants. En 2012, les écoles de police avaient intégré 2 500 élèves gardiens de la paix, policiers adjoints ou cadets de la République. Depuis 2014, elles n'ont jamais intégré moins de 6 000 élèves par an et ont connu un pic à près de 9 400 élèves en 2016. En 2023, elles devraient intégrer 8 238 élèves.
Du côté de la gendarmerie, les écoles ont intégré 6 505 élèves gendarmes et gendarmes adjoints volontaires en 2013, plus de 13 000 en 2016 et plus de 9 500 en 2021.
Or le réseau de formation, largement réduit par la révision générale des politiques publiques (RGPP), ne s'est pas développé en conséquence. Dans le cas de la police nationale, ce réseau comprend à la fois des infrastructures modernes, suffisamment dotées et efficaces, et d'autres devenues vétustes. Nous avons pu le constater à Draveil, où la création d'un stand de tir est envisagée depuis plus de cinq ans sans se concrétiser. Le centre ne peut utiliser une partie de ses bâtiments, qui sont amiantés, et se sert des dortoirs des élèves comme lieux d'entrainement faute de place. Pourtant, tout le monde, y compris la Cour des comptes, convient de la nécessité d'une école de police supplémentaire en Île-de-France.
La variable d'ajustement ayant permis l'intégration rapide des effectifs a été la réduction du temps de formation des élèves en école. Ainsi, le rétablissement du temps de formation des gardiens de la paix et la prolongation de celui des élèves gendarmes renforcent encore la pression s'exerçant sur le réseau de formation, au moment où la police nationale se lance dans un ambitieux programme de constitution et de formation d'une réserve opérationnelle. Ces difficultés, particulièrement visibles du côté de la police nationale, se retrouvent aussi du côté de la gendarmerie, qui bénéficie toutefois d'une meilleure capacité d'anticipation et de mise en oeuvre de ses projets.
Il nous semble donc souhaitable de concevoir un plan triennal de mise à niveau des infrastructures de formation de la police et de la gendarmerie, qui soit susceptible de s'appuyer sur les augmentations de crédits prévues par la Lopmi.
Les formateurs, qu'ils soient policiers ou gendarmes, sont les premiers à subir les conséquences de cette hausse du nombre de recrutements mal corrélée à l'augmentation des capacités. Les difficultés de recrutement doivent conduire à une meilleure prise en compte de l'occupation du poste de formateur dans le déroulement des carrières, dans la police comme dans la gendarmerie. Elles offrent aussi l'occasion d'ouvrir plus largement la formation initiale à des intervenants extérieurs - avocats, magistrats ou universitaires, institutionnels ou associatifs -, pour permettre aux élèves de prendre en compte la diversité des attentes dont ils font l'objet.
Selon l'avis général, l'augmentation des recrutements a conduit à une baisse du niveau des élèves. À cet égard, le constat dressé par les formateurs de la police nationale a été sévère : que ce soit en termes d'aptitude physique, de connaissances basiques ou de savoir-être, le niveau des élèves leur paraît insuffisant. La massification du recrutement a conduit à intégrer des personnes dont les connaissances sont inadaptées, mais dont on déplore aussi les motivations faibles et l'implication limitée. Une hostilité à la police nationale est même exprimée par certains élèves, ce qui conduit à une dégradation nette de l'ambiance et de la capacité d'acquisition des savoirs par une promotion.
Les formateurs de la police nationale ont insisté sur la difficulté à rompre les contrats des policiers adjoints dont le niveau est insuffisant ou l'attitude inadéquate. Il semble en être de même, sauf dans les cas les plus extrêmes, pour les élèves gardiens de la paix. Cette situation n'est pas satisfaisante puisqu'elle tend à faire primer le nombre de recrutements sur leur qualité.
Cette difficulté concerne les deux forces et nous a notamment été signalée lors de notre déplacement à l'école de gendarmerie de Chaumont. Cependant, la capacité de la gendarmerie nationale à créer une culture commune à tous ses membres lui permet de maintenir un niveau d'exigence supérieur. Cette volonté est inscrite dans les textes. Ainsi, l'article 2 de l'arrêté du 23 mai 2016 fixant les conditions de déroulement de la période de formation initiale des militaires engagés en qualité d'élèves gendarmes dispose que « les objectifs de la formation initiale sont de forger l'identité de sous-officier de gendarmerie et de faire acquérir les connaissances et les compétences fondamentales du métier ».
Cette formulation peut être comparée à celle de l'arrêté du 24 juin 2020, portant organisation de la formation statutaire et de l'évaluation des gardiens de la paix, qui dispose que « la formation statutaire des gardiens de la paix prépare l'élève puis le stagiaire à acquérir les compétences et aptitudes professionnelles et personnelles, nécessaires à l'exercice des missions énoncées à l'article 2 du décret du 23 décembre 2004 susvisé, en particulier dans le poste occupé à compter de la première affectation ».
La capacité de la gendarmerie à forger une identité repose sur l'intégration de deux notions : la « militarité » et la « rusticité ». Ces concepts fondent l'adhésion des élèves et nous avons été marquées par l'importance que revêt l'identité de la gendarmerie, ainsi que la perception de son histoire et de ses missions, par les élèves sous-officiers et officiers.
Nous partageons pleinement l'idée que le caractère militaire de la gendarmerie et de ses formations doit être conservé.
La notion de pluridisciplinarité se trouve aussi au coeur de la formation des gendarmes, en lien avec la nécessité de couvrir 96 % du territoire.
Les gardiens de la paix exercent eux aussi des missions multiples, pour lesquelles ils sont formés. Toutefois, cette multiplicité relève davantage de la juxtaposition que de la polyvalence, ce qui tient à la nature même des fonctions exercées. Une évolution de l'approche pourrait être envisagée afin de renforcer l'intégration de l'ensemble des missions.
Par ailleurs, nous avons constaté que les voies destinées à favoriser le recrutement de jeunes n'ayant pas nécessairement acquis un diplôme traversent une crise. C'est le cas pour les cadets de la République, qui ont pour vocation d'exercer des missions opérationnelles en appui des gardiens de la paix et policiers adjoints, tout en étant accompagnés dans la préparation des concours. Leur rémunération, qui se situe à un tiers du Smic alors que les policiers adjoints gagnent le Smic, a considérablement fait baisser l'attractivité de cette voie d'intégration. Une revalorisation paraît nécessaire.
Les difficultés rencontrées dans la formation des policiers sont également liées à l'un des problèmes structurels de la direction générale de la police nationale (DGPN) : le déficit d'encadrement intermédiaire.
Dans le cadre de la RGPP, la majorité des officiers devait être remplacée par des gradés issus du corps des gardiens de la paix. En pratique, le taux important de rotations au sein des services les plus sensibles a rendu ce remplacement très inégal selon les directions.
Prenant acte de ce fait, la Lopmi prévoit de relancer les recrutements d'officiers, ce qui nécessite d'adapter la capacité d'accueil des écoles, de créer des postes de gradés et de fournir un effort en matière de formation des gardiens de la paix, afin de leur permettre d'accéder à des fonctions intermédiaires, en appui des officiers en charge du commandement.
Nous proposons, au moins dans le cas des services affectés par les taux de rotation les plus élevés, de respecter un taux d'encadrement minimal de 35 % dans chaque service de police, en ayant recours à une clef de répartition entre gradés et officiers, ainsi qu'à une identification et à une valorisation spécifiques de postes destinés aux fonctions de maitre de stage et de formation des personnels nouvellement affectés.
- Présidence de M. Philippe Bonnecarrère, vice-président -
J'en viens à la formation continue.
Le rapport annexé à la Lopmi du 24 janvier 2023 prévoit l'objectif d'une « formation continue augmentée de 50 % », afin de « préserver l'adéquation entre les compétences et les missions tout au long de la carrière ».
Nous ne pouvons que saluer cet objectif, tout en notant qu'il paraît particulièrement ambitieux au regard de la situation. Les mentalités doivent évoluer en matière de formation continue et son enrichissement comme sa réorganisation nous paraissent nécessaires.
Malgré des mécanismes d'adaptation aux demandes du terrain et aux orientations données au niveau central, la formation continue reste trop souvent une variable d'ajustement de l'activité opérationnelle des forces. Cette situation semble particulièrement prégnante dans la police nationale. Ainsi, en 2021, plus d'un tiers des policiers actifs n'avaient pas pu effectuer leurs trois séances de tir obligatoires. Quelle que soit la pertinence de cet indicateur, l'impossibilité de faire respecter une obligation et l'absence de sanction prise en la matière montrent l'étendue des progrès à accomplir pour rendre la formation continue véritablement opérationnelle.
Idéalement, formation initiale et formation continue devraient être liées dans le cadre d'une formation « continuée », qui prendrait appui sur les acquis de la formation initiale et les complèterait, tout au long de la carrière.
Face au manque de formation continue dénoncé par les personnels, le rôle et la responsabilité des chefs de service apparaissent essentiels, pour assurer une prise en compte effective, dans le cadre du cycle de travail, de l'accomplissement des formations obligatoires, mais aussi pour imposer aux agents les formations nécessaires pour mettre en adéquation leurs missions à leurs connaissances et à leur savoir-faire.
Pour dynamiser la formation continue, le respect du plan de formation devrait compter parmi les éléments d'appréciation pris en considération lors de l'évaluation professionnelle des chefs de service.
De plus, l'obligation de la formation continue dans l'obtention d'une promotion pourrait constituer un moyen de mettre fin au déficit en matière d'encadrement intermédiaire dans les services d'investigation judiciaire. Ce déficit a été mis en exergue par le récent rapport d'information de Nadine Bellurot et Jérôme Durain, portant sur l'organisation de la police judiciaire.
Toutefois, à ce jour, le passage au grade de brigadier-chef n'impose pas dans la police nationale que le titulaire ait la qualité d'officier de police judiciaire (OPJ). Nous recommandons que le passage à ce grade soit conditionné à la détention de cette qualité, comme c'est le cas dans la gendarmerie, ce qui impliquerait de modifier les conditions réglementaires pour y accéder, mais aussi de renforcer l'offre de formation continue pour obtenir la qualification d'OPJ.
Nous insistons également sur la nécessité de rapprocher la formation continue des équipes de terrain. Le modèle retenu dans la gendarmerie nationale, dans laquelle la formation s'effectue prioritairement au sein des brigades territoriales, paraît particulièrement opérationnel. La police nationale a marqué son intérêt pour le développer en son sein.
Par ailleurs, tant la gendarmerie nationale que la police nationale ont intégré la possibilité de développer la formation à distance. Du côté de la police nationale, une réflexion est menée sur la portée et les limites de ce type de formation, ce qui paraît nécessaire.
Enfin, face à l'ampleur des besoins, la mutualisation de la formation continue entre les deux forces devrait constituer, dans un certain nombre de domaines, un principe qui ne devrait souffrir d'exception que lorsque la spécificité de l'action des forces le justifie.
Dans un contexte marqué par une plus grande violence sur la voie publique, nous insistons en particulier sur l'intérêt d'une approche commune plus développée en matière de formation continue s'agissant du maintien de l'ordre. Il en va de même pour les gestes techniques utilisés lors des interpellations, dès lors notamment qu'après l'abandon par la police nationale de la technique dite de « l'étranglement », les techniques utilisées par les deux forces se sont fortement rapprochées.
Comme l'éducation nationale, la formation est souvent présentée comme la solution à tous les problèmes ; il faut se garder de l'ériger en solution unique et toute puissante. Cependant, elle demeure essentielle et reflète le sens que nous voulons donner à l'action de nos forces de sécurité. Nous souhaitons donc rendre opérationnel ce qui est essentiel et cette volonté donne le titre que nous proposons pour ce rapport.
Je veux remercier les écoles et centres de formation qui nous ont reçues. Ces rencontres ont été très enrichissantes.
En ce qui concerne la formation initiale et continue des forces de police et de gendarmerie, des questions d'organisation, de moyens et de doctrine d'emploi se posent. Les questions ayant suscité la création de cette mission d'information, notamment celle des techniques d'interpellation et de maintien de l'ordre, sont subordonnées à un contexte lié à la doctrine d'emploi des forces de l'ordre. Ainsi, alors que des manifestations importantes ont lieu en ce moment dans le pays, ces sujets sont moins présents. La doctrine d'emploi des forces de sécurité est déterminante dans l'impact qu'elles ont sur la société.
J'en viens à la question des moyens. Mon groupe a voté la Lopmi, qui doit nous offrir un cadre de travail sur le long terme pour apporter des réponses aux questions que votre rapport soulève. À ce titre, la stabilité dans l'usage de ces moyens doit prévaloir. En effet, les errements liés à l'abaissement de la durée de formation à huit mois, puis à son rallongement à douze mois, n'ont pas facilité la réalisation d'un travail de qualité, inscrit dans la durée.
Enfin, les syndicats et représentants, notamment de policiers, indiquent à quel point la faiblesse du niveau de recrutement représente un enjeu. Vous avez présenté une proposition d'exclusion qui parait bienvenue. Il ne faudrait pas que l'enjeu capacitaire l'emporte sur l'enjeu qualitatif, la formation d'aujourd'hui assurant la qualité du service public de demain.
Vos observations concernent tout le territoire national, y compris les outre-mer. Cependant, comme pour de nombreux sujets, la situation ultramarine mériterait qu'une étude complémentaire soit conduite.
Il s'agit notamment de mettre en lumière l'obligation pour les personnes voulant embrasser ces carrières de se déplacer pour se former dans l'Hexagone. Nous les appelons pudiquement « les originaires ». Après leur formation, ils doivent rester ici un certain temps avant d'espérer pouvoir « rentrer au pays ». Il ne se passe pas une semaine sans que les parlementaires des outre-mer soient saisis de demandes de retour. Compte tenu des problèmes sécuritaires que traversent la plupart des territoires d'outre-mer, le recours aux policiers et gendarmes originaires de ces territoires qu'ils connaissent pourrait offrir une bonne solution. À ce titre, ne serait-il pas opportun de mener une réflexion sur la formation des futurs gendarmes et policiers des territoires d'outre-mer ?
Je commencerai par la dernière recommandation du rapport, qui vise à garantir l'accès des policiers et des gendarmes aux infrastructures de formation du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Je suis délégué du CNFPT de la région Occitanie et nous avons la charge de former les policiers municipaux de notre région, mais aussi d'Auvergne-Rhône-Alpes.
Nous mettons en oeuvre un projet de construction de bâtiment, qui doit aboutir dans deux ans, et pour lequel nous nous sommes dotés d'infrastructures adaptées à une pratique du tir suffisante. De nombreuses communes et collectivités envoient leurs policiers s'entrainer dans des salles privées, et les chambres régionales des comptes relèvent de façon systématique le coût de la location de ces lieux. Nous serons en mesure de répondre aux besoins des polices municipales, mais je suis déjà saisi par des syndicats nationaux de policiers, qui me demandent s'ils pourront venir pratiquer au sein de nos équipements. Ce sera le cas, mais il nous faut convaincre la hiérarchie et le ministère de passer contrat avec nous, ce qui coûterait beaucoup moins cher. De plus, les armes seraient dans des lieux destinés à cet usage. La recommandation n° 16 satisfera les organisations syndicales et les responsables des policiers nationaux que j'ai rencontrés, et je vous remercie de l'avoir retenue.
Par ailleurs, on attire souvent mon attention sur la manière dont les femmes ne reçoivent pas toujours un accueil de qualité dans les bureaux de police ou de gendarmerie. Il ne faut pas généraliser, certains font très bien leur travail, accueillent, écoutent et orientent de manière performante. En revanche, dans certaines situations, on se contente d'orienter vers France Victimes alors que, parfois, la déléguée aux droits des femmes présente à la préfecture a passé une convention avec une association offrant une écoute adaptée. Je me permets d'insister sur l'importance de l'accueil, de l'audition, mais surtout de l'orientation. Il faut aller plus loin que ce simple document d'orientation vers l'association d'aide aux victimes, remis avec le procès-verbal d'audition, dont on sait que parfois les victimes ne le reçoivent pas.
Enfin, la formation doit être plus qualitative et optimale en matière de cyberdélinquance et de cybercriminalité. À ce titre, je souhaiterais évoquer le harcèlement scolaire - au sujet duquel la mission d'information conduite par le Sénat a mis en lumière qu'il se transforme souvent en cyberharcèlement -, la pédopornographie et la délinquance en ligne, qui peut prendre la forme d'un piratage de données bancaires ou personnelles. Dans ce domaine, si certains policiers et gendarmes appartenant à la nouvelle génération semblent très aguerris, d'autres n'ont pas suivi de formation continue.
Je vous remercie pour ces interventions qui rejoignent plusieurs des préconisations de notre rapport.
La question des outre-mer mérite certainement un approfondissement. Je voudrais mentionner la proposition de loi envisagée de Mme Tetuanui sur la question de l'affectation des personnels. Se pose aussi celle de leur rotation.
En ce qui concerne la doctrine d'intervention, elle se décline aussi en adaptant les formations. Celles-ci évoluent, même si elles le font peut-être moins vite que les besoins. On observe notamment un renforcement des formations en matière de déontologie, dans la police comme dans la gendarmerie.
De plus, dans le domaine des violences intrafamiliales, des formations importantes se développent, qui ont recours à des formateurs extérieurs. Néanmoins, nous avons demandé leur renforcement.
Nous avons également insisté sur l'accompagnement des policiers et des gendarmes dans leur gestion de leur rapport au stress. Dans ce cas aussi, les centres de formation font appel à des intervenants extérieurs, tels que des psychologues. Il s'agit d'aider policiers et gendarmes à gérer leur stress ou à passer des caps difficiles, quand ils ont été confrontés à des situations compliquées.
Pour répondre à M. Bourgi, la gendarmerie est très en pointe sur les questions liées à la cybercriminalité et elle a développé une direction dédiée au sein de la direction générale. Il s'agit d'un sujet sur lequel la mutualisation pourrait être développée.
Les outre-mer sont aussi particulièrement touchés par la baisse d'attractivité du statut de cadet de la République. Les cadet étaient près de 900 il y a quelques années et ne sont plus que 290. Or les candidats venus outre-mer étaient particulièrement nombreux.
Il faudrait lancer des campagnes de publicité. À Mayotte et en Guyane, la population augmente et elle est de plus en plus jeune, ce qui n'est pas le cas dans d'autres territoires. Il y aurait là des viviers intéressants, mais il faut faire connaitre ces carrières. Cette question de la communication pourrait faire partie des préconisations.
Je vous propose désormais de mettre au vote les recommandations présentées par les rapporteurs.
Les recommandations sont adoptées.
La mission d'information adopte le rapport d'information et en autorise la publication.
La réunion est close à 11 h 50.