La commission a entendu Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi de finances pour 2008 (mission « Justice »).
a rappelé que plusieurs affaires récentes avaient mis en lumière les failles de notre organisation judiciaire, imposant de la réformer en profondeur, notamment s'agissant de la carte judiciaire. Elle a noté les attentes fortes des Français à l'égard de leur justice. Ils la souhaitent compréhensible, rapide, ferme à l'égard des délinquants et humaine vis-à-vis des victimes.
Elle a souligné la participation du Parlement au renforcement de l'efficacité de la justice, comme en témoigne l'adoption de trois textes récents : la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive, la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté et plus récemment la loi tendant à renforcer la lutte contre la corruption, adoptée définitivement par le Sénat le 31 octobre dernier.
Elle a affiché la priorité du gouvernement accordée à la Justice au travers d'un effort budgétaire important, le budget de la mission « Justice » -dont les crédits s'élèveront en 2008 à 6,52 milliards d'euros- progressant plus que celui de l'Etat (+ 4,5 %, contre 1,6 %). Elle a ajouté que cette enveloppe permettrait de financer 1.615 créations d'emplois, alors même que l'Etat ne remplace pas 22.900 départs en retraite dans l'ensemble des ministères.
La garde des sceaux a mis en avant les trois axes prioritaires du mouvement de modernisation qui doit être engagé en 2008 : l'amélioration de l'organisation judiciaire, la modernisation du système pénitentiaire pour mieux enrayer la récidive et le renforcement de la prise en considération des victimes par l'institution judiciaire.
Elle a indiqué qu'un renfort de 400 emplois supplémentaires permettrait aux juridictions de fonctionner dans de meilleures conditions : outre le remplacement des départs en retraite, les juridictions bénéficieront de 187 emplois supplémentaires de magistrat et d'un nombre équivalent de greffiers supplémentaires. Elle a noté que ces emplois seront notamment localisés dans les pôles de l'instruction appelés à être mis en place à compter du 1er mars 2008. Elle a précisé que la promotion de 149 fonctionnaires de catégorie C et la création de 26 emplois de secrétaire administratif de catégorie B sont en outre prévues.
a salué le dévouement des personnels sur lesquels s'appuie l'institution judiciaire, ce qui impose de leur donner les moyens de leur action.
Elle a précisé qu'une enveloppe de 121 millions d'euros est inscrite au projet de budget pour permettre la rénovation de certains tribunaux, ainsi que la mise aux normes de sécurité incendie et d'accessibilité pour les handicapés. Afin d'éviter que des évènements dramatiques, comme ceux survenus récemment aux tribunaux de grande instance de Metz et de Laon, ne se reproduisent, elle a rappelé qu'une somme de 20 millions d'euros avait été débloquée en juin pour lancer un plan de sécurisation. Ainsi, grâce à cet effort, l'objectif d'équiper la plupart des juridictions de portiques de sécurité et de prévoir des personnels de surveillance est presque atteint. Elle a relevé que pour poursuivre cet effort, une dotation de 39 millions d'euros est inscrite au projet de budget pour 2008.
Elle a noté les moyens financiers notables consacrés au développement des nouvelles technologies, précisant que la numérisation des procédures pénales sera opérationnelle en 2008 et celles des procédures civiles en 2009. Elle a mis en avant les avantages de cette « révolution technologique » qui facilitera d'une part la communication électronique avec les auxiliaires de justice, qui pourront suivre ou consulter un dossier à distance, et permettra d'autre part aux greffes de gagner un temps précieux pour se consacrer à des travaux plus utiles que la reprographie des dossiers.
Elle a indiqué que la visioconférence laisse espérer un meilleur fonctionnement des tribunaux. La garde des sceaux a valorisé les résultats prometteurs des expérimentations actuellement conduites dans des sites pilotes. Elle a relevé que plus de 67 millions d'euros sont consacrés en 2008 aux programmes informatiques de la justice.
Abordant la réforme de la carte judiciaire inchangée depuis 1958, la garde des sceaux en a souligné l'obsolescence. Elle a fait valoir que le maintien d'une justice de proximité n'impose pas forcément de disposer d'un tribunal à une distance proche du domicile, mais qu'elle suppose plutôt de rendre des décisions rapidement et de les faire appliquer correctement, tout en sanctionnant les délinquants et en accueillant les victimes.
La garde des sceaux a rappelé que malgré la volonté de ses prédécesseurs de réformer la carte judiciaire, ce chantier n'avait pu être engagé en raison des résistances qu'il suscite, notamment au niveau local. Elle a expliqué qu'une évolution paraissait désormais possible pour répondre aux dysfonctionnements constatés de l'institution judiciaire, chacun s'accordant sur sa nécessité. Elle a fait valoir les inconvénients d'une organisation judiciaire dont les moyens sont disséminés dans 1.200 tribunaux, implantés sur 800 sites, après avoir mis en avant que pour être efficace, la justice doit tendre vers une spécialisation accrue. A cet égard, elle a souligné l'impact positif des pôles économiques financiers et des juridictions interrégionales spécialisées, qui démontre les avantages du regroupement des moyens, garantie d'une meilleure efficacité de la justice.
Elle a plaidé pour le regroupement des plus petits tribunaux au siège d'une juridiction ayant une activité suffisante pour assurer un service permanent de qualité. Après avoir rappelé que dans le cadre de la concertation engagée depuis le 27 juin, cette réforme avait été largement débattue dans le ressort des cours d'appel, elle a précisé que, sur la base des propositions recueillies, un schéma d'organisation prenant en compte, région par région, l'impératif d'équilibre des territoires avait été défini.
La garde des sceaux a annoncé qu'elle achèverait dans quelques jours le tour des régions de France entamé au début du mois d'octobre pour entendre les observations des élus et des acteurs du monde judiciaire, ajoutant que dans la mesure du possible, les remarques formulées à cette occasion avaient été prises en compte. Elle s'est défendue d'avoir décidé un schéma préétabli. Elle a mis en avant que la concertation avait été permanente, ajoutant que tous les syndicats des personnels de la justice, les représentants des barreaux avaient été entendus et que les propositions des élus, des professions et des organisations représentatives avaient largement nourri la réflexion du ministère.
Elle a précisé que la réforme, étalée sur trois ans, commencerait en 2008 par la mise en place des pôles de l'instruction, se poursuivrait en 2009 avec le regroupement des tribunaux d'instance et des tribunaux de commerce pour s'achever en 2010 avec la nouvelle carte des tribunaux de grande instance.
a noté l'impact immobilier de ce chantier, certains bâtiments devant être restructurés ou agrandis, de nouveaux palais de justice construits, avant de souligner qu'il s'agissait d'un processus au long cours.
Elle a évoqué le rôle des magistrats et des fonctionnaires, qui seront les acteurs de cette réforme, soulignant que ces personnels bénéficieraient, dans le cadre de sa mise en oeuvre, d'un accompagnement individuel et social pour faciliter les transports, les déménagements et le relogement de ceux qui choisiront de se déplacer. Elle a annoncé que ces dispositifs feraient l'objet d'une vaste concertation avec les organisations syndicales. Elle a souligné que le projet de budget pour 2008 prévoit une provision d' 1,5 million d'euros au titre de l'accompagnement social des personnels des juridictions.
La ministre a ensuite évoqué le système pénitentiaire en soulignant qu'une politique pénale n'était légitime que si elle reposait sur le strict respect de la personne humaine en détention. Elle a relevé à cet égard que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté disposerait d'un budget de 2,5 millions d'euros (2,05 millions d'euros en crédits pour les personnels et 450.000 euros en crédits de fonctionnement). Elle a ajouté que le futur projet de loi pénitentiaire améliorerait la prise en charge des détenus et les conditions de travail des personnels.
Par ailleurs, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué qu'en 2008, 1.100 postes supplémentaires seraient créés dans l'administration pénitentiaire et sept nouveaux établissements ouvriraient leurs portes, dont trois spécialement conçus pour les mineurs. Elle a souligné sa volonté de développer des mesures d'aménagement de peine en observant notamment que 5,4 millions d'euros seraient consacrés au financement des bracelets électroniques fixes ou mobiles.
S'agissant des mineurs, elle a estimé que les centres éducatifs fermés avaient montré leur efficacité, puisque 61 % des sortants ne récidivaient pas. Elle a indiqué que dix nouveaux centres ouvriraient en 2008, qui permettraient de porter à quarante-trois, le nombre total de ces structures. Par ailleurs, cinq centres à dimension pédo-psychiatrique seraient opérationnels afin d'assurer une prise en charge plus spécifique des mineurs atteints de troubles mentaux. Elle a ajouté que cent emplois supplémentaires permettraient de renforcer l'action de la protection judiciaire de la jeunesse dans les centres fermés et dans les établissements pour mineurs.
a enfin souligné l'attention particulière accordée aux victimes. Elle a relevé les progrès déjà accomplis avec la mise en place des bureaux de l'exécution des peines. Elle a estimé néanmoins que de nouvelles mesures devaient être prises en 2008 afin de garantir l'exécution des peines prononcées et d'améliorer les conditions d'indemnisation. Elle a indiqué qu'un juge délégué aux victimes serait créé -la fonction en étant confiée au président de la Commission des victimes d'infractions- afin de donner aux victimes un interlocuteur pour assurer leurs droits et coordonner les différents dispositifs existants. De même, un service d'assistance au recouvrement des indemnisations allouées aux victimes non éligibles à la commission d'indemnisation serait mis en place. Elle a précisé également que les crédits consacrés aux associations augmenteraient de près de 15 %.
Soucieuse d'améliorer le fonctionnement du système de l'aide juridictionnelle et d'en stabiliser le coût pour l'Etat, elle a indiqué que les suggestions de M. Roland du Luart présentées dans son récent rapport d'information sur l'aide juridictionnelle seraient examinées.
Elle a conclu que la réforme de la justice demanderait encore de grands efforts, mais qu'à ce prix la justice pourrait être rapprochée de nos concitoyens.
Après avoir souligné deux des principales avancées du projet de budget pour 2008, à savoir la refonte de la carte judiciaire et le renforcement des effectifs des juridictions, à parité pour les magistrats et les fonctionnaires des greffes, M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis des crédits de la justice et de l'accès au droit, a souhaité savoir si le décrochage constaté ces dernières années entre les créations de postes de magistrat et celles de fonctionnaire serait rattrapé. Il a demandé à la garde des sceaux si des recrutements en plus grand nombre interviendraient pour compenser les départs à la retraite des fonctionnaires des greffes, dont le rythme allait s'accélérer à compter de 2008.
Notant la modicité de la provision inscrite au projet de budget pour 2008 destinée à financer la réforme de la carte judiciaire (1,5 million d'euros), il a demandé à la garde des sceaux si des moyens supplémentaires seraient mobilisés pour financer la montée en puissance de cette réforme, notamment s'agissant des mesures statutaires et d'accompagnement social.
Il a souhaité savoir si la garde des sceaux comptait concrétiser les propositions du groupe de travail publiées en février dernier sur le recrutement et la formation des chefs de juridiction présidé par M. Guy Canivet, alors premier président de la Cour de cassation.
En réponse, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a reconnu que la réalisation de la loi d'orientation et de programmation pour la justice adoptée en 2002 s'est révélée décevante en termes de créations d'emplois de fonctionnaires des greffes, alors que le renforcement des effectifs de magistrats est, lui, plus satisfaisant. Elle a annoncé l'arrivée de 250 greffiers dans les juridictions en 2008, qui compenserait largement les 230 départs à la retraite prévisibles. Elle a plaidé pour une stricte parité entre les créations de postes de magistrats et celles de fonctionnaires, expliquant que sans greffier, une décision de justice n'est pas notifiée et ne peut donc être appliquée. Elle a assuré que tous les départs à la retraite des greffiers en chef en 2008 seraient remplacés par des recrutements en nombre équivalent.
Elle a souligné que de nombreuses réformes récentes (mise en place du juge des libertés et de la détention, création d'une procédure de rétablissement personnel) avaient été mises en oeuvre à moyens constants, ce qui avait alourdi les tâches des greffes. Elle a toutefois estimé que la pénurie actuelle des effectifs serait compensée par la réforme de la carte judiciaire qui permettra des économies d'échelle grâce au regroupement des moyens et les gains de productivité que pouvait laisser espérer le développement des technologies nouvelles. Elle a également affirmé son intention de combler tous les postes vacants d'ici à la fin de l'année prochaine.
A propos de la carte judiciaire, elle a annoncé que le ministère de la justice s'inspirerait des mesures d'accompagnement social déjà mises en oeuvre par le ministère de la défense qui avait connu une mutation comparable ces dernières années -la provision prévue pour 2008 correspondant à la première tranche de financement qui avait été inscrite à l'époque pour ce ministère. Elle a ajouté que les véritables changements n'interviendraient pas avant la fin de l'année prochaine, le premier semestre devant encore être consacré aux négociations.
La garde des sceaux s'est déclarée attachée à la formation des magistrats, chantier essentiel de modernisation, précisant qu'elle avait chargé le directeur de l'Ecole nationale de la magistrature récemment nommé de réfléchir à la mise en place d'une formation au management et à la gestion tant au stade de la formation initiale qu'à certaines autres étapes de la carrière, comme la nomination à la tête d'une juridiction. Les propositions du groupe de travail présidé par M. Guy Canivet devraient donc être largement reprises.
Elle a évoqué les efforts d'adaptation de l'Ecole nationale de la magistrature en faveur d'une plus grande ouverture sur le monde, précisant que le corps enseignant s'est diversifié pour accueillir des magistrats en poste dans les juridictions ou des professionnels extérieurs au milieu judiciaire (médecin légiste, psychologue). Elle a annoncé que le directeur de cet établissement devait lui remettre en janvier prochain un rapport sur la formation dressant le bilan des réformes engagées.
Après s'être félicité de l'apurement de la dette de l'Etat à l'égard du secteur associatif habilité en 2007 et avoir relevé le ralentissement en 2008 de la progression des crédits alloués à la protection judiciaire de la jeunesse, M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, a souhaité savoir si les instructions données en 2005 aux juges des enfants de réduire le nombre des mesures de protection judiciaire des jeunes majeurs avaient été suivies d'effet et si les services de l'aide sociale à l'enfance avaient pris le relais pour assurer la prise en charge de ces jeunes.
Notant que la création d'un panel des mineurs, destiné à évaluer l'efficacité de la protection judiciaire de la jeunesse, était intervenue en 2007 après avoir été décidée en 2000, il a interrogé la ministre sur les premiers enseignements pouvant en être tirés.
Enfin, il a souligné la nécessité, évoquée par la ministre, de renforcer les moyens de prise en charge psychiatrique des mineurs faisant l'objet de mesures de protection judiciaire.
a indiqué que la loi du 5 mars 2007 renforçant la protection de l'enfance avait confirmé la compétence des départements pour assurer la prise en charge des jeunes majeurs qui ne sont ni délinquants, ni en danger. Elle a précisé que le panel des mineurs était effectivement exploitable depuis le début de l'année 2007 et s'est engagée à communiquer au rapporteur pour avis les premiers résultats de son exploitation.
a par ailleurs marqué sa volonté de définir une politique pénale à l'égard des mineurs délinquants, indiquant qu'une circulaire avait été diffusée dans les juridictions pour qu'une réponse soit rapidement apportée à chaque infraction.
Elle a également annoncé que l'organisation territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse serait réformée en janvier 2008 pour faire coïncider ses périmètres régionaux, ainsi que ceux de l'administration pénitentiaire, avec les ressorts des cours d'appel et mobiliser davantage d'agents sur le terrain.
a mis en exergue l'intérêt du maintien de directions départementales de la protection judiciaire de la jeunesse compte tenu de l'indispensable coopération entre les services de l'Etat et ceux des conseils généraux.
a demandé à la ministre de dresser un premier bilan des établissements pénitentiaires pour mineurs récemment ouverts et de préciser le sort réservé aux quartiers mineurs existant au sein des établissements pénitentiaires. Il l'a également interrogée sur l'appareil statistique pénitentiaire, et plus particulièrement sur les conditions dans lesquelles les taux de récidive pourraient être évalués en fonction des grandes catégories d'établissements pénitentiaires où la peine d'emprisonnement pour la condamnation précédente a été exécutée. Il a observé que ces données permettraient d'apprécier plus précisément l'impact des conditions de détention sur la réinsertion des détenus. Enfin, il a souhaité des précisions sur l'état actuel de la concertation conduite avec le ministre de la santé sur l'évolution du nombre de psychiatres dans les prisons, ainsi qu'avec le ministre du travail sur les moyens budgétaires dévolus à la formation des détenus.
a relevé que l'outil statistique dont disposait le ministère de la justice était encore insuffisant et qu'il convenait de se doter d'une source unique afin de disposer de critères d'évaluation totalement homogènes, ce qui n'était pas actuellement le cas. Elle a relevé cependant qu'il n'était pas envisagé d'établir des éléments statistiques par grandes catégories d'établissements pénitentiaires. Elle a rappelé, s'agissant des établissements pénitentiaires pour mineurs, que les normes d'encadrement prévoyaient 120 agents pour 60 détenus. Elle a relevé que sur 75 quartiers mineurs, 21 devaient fermer et 9 l'étaient déjà. Elle a estimé que des quartiers mineurs restaient nécessaires pour assurer un maillage territorial suffisant et permettre le maintien des liens familiaux. Evoquant alors la concertation avec le ministère de la santé, elle a relevé que les relations étaient facilitées par la nomination, depuis l'été 2007, d'un directeur de projet au sein de ce ministère afin de traiter des questions communes aux deux administrations. Les demandes de la justice, a-t-elle ajouté, portaient plus particulièrement sur l'augmentation du nombre des psychiatres et leur meilleure répartition sur le territoire. Elle a également précisé que les premières unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) réservées aux détenus présentant des troubles mentaux entreraient en service en 2009 à Lyon et à Rennes. Enfin, elle a ajouté que la concertation avec le ministre du travail avait permis un accord sur le montant des crédits de formation professionnelle, fixé à 10 millions d'euros pour 2008.
Relayant M. Pierre Fauchon, M. Jean-Jacques Hyest, président, a fait observer qu'en 1958, la carte judiciaire n'avait subi que quelques ajustements ponctuels et qu'en réalité notre organisation judiciaire résultait d'un schéma plus ancien, proche de ce qui prévalait au XIXè siècle.
Après avoir dénoncé la méthode -autoritaire- retenue par la garde des sceaux pour mener la réforme de la carte judicaire et l'absence de concertation préalable, M. Michel Dreyfus-Schmidt a souhaité savoir quel serait le montant des économies liées au regroupement des juridictions et si le Parlement ne devrait pas se prononcer. Il a demandé à la ministre si la mise en place des procédures numérisées ne se traduirait pas en pratique pour un alourdissement des tâches incombant aux avocats. Après avoir regretté que le Sénat, à la différence de l'Assemblée nationale, n'eut pas constitué une commission d'enquête sur les dysfonctionnements constatés dans l'affaire d'Outreau, il a souligné que le problème soulevé à cette occasion lui semblait moins résider dans les méthodes de travail des juges d'instruction et des chambres de l'instruction que dans la durée excessive des détentions provisoires. Avant de demander à la garde des sceaux de faire le point sur cette question de la détention provisoire. M. Michel Dreyfus-Schmidt a indiqué que préalablement à l'adoption de la réforme du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, une expérimentation portant sur les pôles de l'instruction aurait dû être conduite.
Surpris de l'importance des moyens mis à la disposition des établissements pour mineurs, M. Michel Dreyfus-Schmidt a souhaité connaître le coût de ce dispositif. Il s'est enquis des intentions de la ministre sur la situation faite aux détenus atteints de troubles mentaux, après avoir estimé que la prison n'était pas un lieu adapté pour l'intervention des psychiatres. Il a jugé discutable le principe selon lequel les mineurs devaient être rapidement sanctionnés, faisant valoir que certains procureurs de la République jugeaient opportun d'attendre de voir comment le mineur se comporte avant de prendre une sanction. Il a regretté que la future réforme de la protection judiciaire de la jeunesse annoncée pour janvier prochain soit engagée par le ministère de la justice, souhaitant que le Parlement se prononce.
a fait remarquer qu'il revenait à l'Etat de piloter ses réformes de structures administratives, y compris la carte judiciaire, de nature réglementaire. Il a donc jugé légitime que ce chantier soit conduit par le ministère de la justice. Il a en outre considéré qu'il n'y avait qu'à se féliciter des moyens considérables alloués aux établissements pour mineurs.
s'est interrogé sur la proportion de postes qui seraient ouverts l'année prochaine au titre du premier concours d'entrée à l'Ecole nationale de la magistrature. Afin de permettre une meilleure information des étudiants des facultés de droit sur les débouchés qui s'offraient à eux, il s'est demandé si le ministère ne pourrait pas annoncer, plusieurs années à l'avance, le nombre de places ouvertes à ce concours. Il s'est interrogé sur l'avenir des juges de proximité à la lumière de la refonte de la carte judicaire. Il s'est enquis du calendrier retenu pour la réforme de la carte des conseils de prud'hommes. Il a souhaité connaître les liens entre le ministère de la justice et les établissements de la seconde chance.
Qualifiant les services pénitentiaires d'insertion et de probation de parents pauvres de l'administration pénitentiaire, M. Richard Yung a souhaité savoir s'ils bénéficieraient de créations d'emplois en 2008.
Enfin, évoquant les travaux de la mission d'information de la commission des lois du Sénat sur l'état civil des Français nés, résidant ou ayant vécu à l'étranger, publiés au mois de septembre 2007, il a jugé nécessaire de créer des postes supplémentaires de greffier en chef et de greffier au service de la nationalité des Français nés et établis hors de France du tribunal d'instance du premier arrondissement de Paris afin de réduire les délais de délivrance des certificats de nationalité française. Le délai minimum pour obtenir un tel document, a-t-il souligné, est actuellement de dix-huit mois, ce qui est inacceptable.
Abondant en ce sens, MM. Jean-Jacques Hyest, président, et Christian Cointat ont rappelé que la mission d'information recommandait également le transfert à Nantes de ce service, afin d'y constituer un grand pôle compétent en matière de droit international de l'état des personnes.
Rappelant l'insuffisance du nombre de psychiatres, M. François Zocchetto s'est étonné que le décret d'application prévu par la loi sur le traitement de la récidive du 12 décembre 2005 autorisant la participation de psychologues à la mise en oeuvre du suivi socio-judiciaire n'ait pas encore été adopté. Il s'est interrogé également sur le montant de la dotation destinée à rémunérer psychiatres et psychologues. Par ailleurs, il a demandé à la ministre de préciser l'état d'avancement du casier judiciaire européen, ainsi que les moyens financiers consacrés à Eurojust. Enfin, il a souhaité connaître les perspectives de création de nouveaux postes de magistrats de liaison.
a tenu à rendre hommage au travail des magistrats de liaison, soulignant le travail remarquable qu'ils accomplissent et leurs compétences précieuses en droit comparé.
a pleinement souscrit à ces propos, appelant l'attention de la ministre sur l'insuffisance des moyens alloués à ces magistrats, citant l'exemple du magistrat de liaison en poste en Espagne qui ne disposait pas d'un secrétariat avec un volume d'affaires contentieuses très important, au surplus dans des domaines sensibles tels que le terrorisme.
a apporté son plus grand soutien à la ministre s'agissant de la redéfinition des contours de la carte judicaire, avant de rappeler que la mission d'information sur les moyens de la justice, constituée en 1996 au sein de la commission des lois, considérait déjà que ce chantier était un préalable indispensable à toute nouvelle réforme. Il a souligné que le souci d'assurer une meilleure spécialisation s'était manifesté plus récemment mais qu'à l'époque, l'argument principal avancé pour justifier cette réforme, et au demeurant toujours d'actualité, résidait dans le décalage entre l'implantation des juridictions sur le territoire national et le volume de l'activité contentieuse. Il a estimé que ce chantier méritait une concertation avec les principaux acteurs concernés, jugeant sa mise en oeuvre impérative compte tenu du caractère obsolète de la répartition des moyens alloués aux juridictions. Il a souhaité que la réflexion conduite en la matière prenne en compte les nouvelles voies alternatives aux jugements telles que la médiation civile.
s'est demandé à quelle date le Parlement serait saisi de la désignation du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Elle a souhaité savoir si une évaluation quantitative et qualitative des juges de proximité avait été récemment conduite.
a insisté sur la nécessité de favoriser la réinsertion des détenus à travers le maintien des liens familiaux et souligné, à cet égard, l'utilité du rôle des unités de vie familiale. Evoquant une visite récente à la maison centrale de Clairvaux, elle a déploré les conditions d'accueil des familles dans cet établissement. Elle s'est demandé quelles étaient les perspectives d'extension des unités de vie familiale au sein des établissements pénitentiaires.
s'est interrogé sur les conditions financières d'élaboration du projet de loi de finances. Il a demandé à la ministre de préciser les secteurs qui pourraient faire l'objet d'éventuelles mesures de régulation budgétaire.
En réponse aux commissaires, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a apporté les précisions suivantes :
- la réforme de la carte judiciaire ne générera pas d'économies substantielles en termes immobiliers, les tribunaux d'instance appelés à être regroupés étant installés dans des locaux mis à la disposition de la justice par les collectivités territoriales. En revanche, la valeur ajoutée de cette refonte est moins à rechercher dans les économies budgétaires attendues que dans les gains d'efficacité qu'elle peut laisser espérer. Actuellement, la dispersion des moyens alloués aux juridictions nuit au bon fonctionnement des juridictions. Dans les tribunaux d'instance, en matière de tutelles, magistrats et greffiers ont d'ores et déjà la possibilité de se déplacer hors du tribunal ; ainsi, il ne reste à ces juridictions que le traitement du contentieux de la consommation et du surendettement, ce qui représente parfois un volume d'affaires très faible, de sorte que cet échelon judiciaire est devenu surtout un lieu d'information pour les justiciables. Il faut regrouper les juges d'instance, et rendre possible l'organisation d'audiences foraines ;
- la réforme de la justice de proximité est poursuivie, comme en atteste la récente nomination de 150 juges de proximité. Les points d'accès au droit seront développés et prendront appui sur les maisons de justice et du droit qui rassemblent des médiateurs, des délégués du procureur, des avocats, et apportent un précieux relais d'information aux justiciables. La réforme de la carte judicaire actuellement menée, loin de remettre en cause la justice de proximité, la conforte au contraire. Ce chantier favorisera en outre le recentrage des magistrats sur leur fonction de jugement et permettra une plus grande spécialisation ;
- à propos des mesures compensatoires susceptibles d'être proposées aux avocats des barreaux situés dans le ressort des tribunaux de grande instance appelés à être regroupés, trois pistes sont à l'étude : créer un poste de vice-bâtonnier dans le cadre de la restructuration des barreaux, faciliter l'accès à la magistrature et ouvrir la possibilité de postuler dans le ressort de plusieurs tribunaux de grande instance ;
- la numérisation des procédures ne fera peser aucune charge supplémentaire sur les avocats ou les justiciables, lesquels seront destinataires des pièces du dossier par la voie d'un courrier électronique. L'intérêt de la numérisation est de permettre aux avocats de disposer, sans se disperser, de la totalité du dossier et sans pour autant avoir l'obligation d'imprimer toutes les pièces ;
- le nombre des détentions provisoires entre 2006 et 2007 a baissé de 6 % revenant de 20.000 en 2004 à 17.000 ; en application de l'article 137 du code de procédure pénale, la règle est toujours la liberté, la détention provisoire l'exception ;
- le coût de fonctionnement d'une place dans un établissement pour mineurs s'élève à 85 euros par jour ; le renforcement des moyens destinés à ces structures relève d'une volonté délibérée de favoriser une meilleure réinsertion des mineurs délinquants ;
- dès lors qu'elles ont été condamnées à une peine d'emprisonnement, les personnes détenues ont été reconnues responsables de leurs actes même si, par ailleurs, elles peuvent souffrir de troubles mentaux ; en outre, l'intervention des psychiatres dans les établissements pénitentiaires dépasse le strict champ de la maladie psychiatrique pour viser une prise en charge de l'ensemble des détenus qui, à un moment ou un autre, peuvent être en souffrance ;
- la protection judiciaire de la jeunesse est une structure administrative dont la réforme relève du pouvoir réglementaire ;
- la proportion de postes ouverts au titre du concours étudiant pour intégrer la magistrature devrait représenter en 2008 les deux tiers des recrutements d'auditeurs de justice. Il est difficile d'annoncer les recrutements par anticipation, les places offertes dépendant des besoins constatés sur le terrain, toujours délicats à anticiper sur le long terme ;
- la liste des conseils prud'homaux appelés à être regroupés sera prochainement diffusée ;
- le ministère de la justice n'a aucun lien particulier avec les établissements de la seconde chance ;
- une classe préparatoire intégrée destinée à préparer des étudiants en droit issus de milieux défavorisés au premier concours d'entrée à l'Ecole nationale de la magistrature a été mise en place. Ce dispositif -organisé par cette école- vise à ouvrir le corps judiciaire à des profils plus diversifiés ;
- il incombe au ministère de la santé de prendre le décret fixant les conditions dans lesquelles des psychologues peuvent être associés au suivi socio-judiciaire ;
- l'interconnexion des casiers judiciaires actuellement réalisée entre six pays européens et progressivement destinée à s'étendre a déjà porté ses fruits, notamment dans la lutte contre la pédophilie ; actuellement, cependant les demandes transmises à un autre Etat doivent porter sur un acte précis ; aussi les discussions se poursuivent-elles à l'échelle européenne pour assouplir les conditions de délivrance du casier judiciaire ;
- la relance d'Eurojust sera l'une des priorités de la présidence française de l'Union européenne en 2008 ;
- la mission des magistrats de liaison doit être redéfinie et leur rôle renforcé afin qu'ils ne soient pas seulement des intermédiaires entre juridictions nationales et étrangères ;
- aucune évaluation des juges de proximité n'a été menée depuis la dernière étude conduite en 2005 ; la ministre a annoncé que les services du ministère de la justice pourraient conduire prochainement une nouvelle évaluation ;
- les unités de vie familiale sont actuellement au nombre de sept et ont vocation à être implantées dans les établissements pour peines qui seront prochainement ouverts ; il existe par ailleurs actuellement au sein des maisons centrales des parloirs familiaux ;
- la totalité des crédits dévolus par le projet de loi de finances à la justice a vocation à être consommée et, en tout état de cause, les priorités définies dans le cadre de la politique pénitentiaire seront préservées.