Madame la présidente, monsieur le directeur général, je suis heureuse de vous accueillir dans le cadre de notre suivi attentif de la mise en place de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT). J'avais parlé de « filature », de la mise en place de l'ANCT.
Vous savez combien l'agence suscite d'espoirs et il est important que nous puissions vous entendre régulièrement.
Nos rapporteurs, Charles Guené et Josiane Costes, avaient exprimé quelques « points de vigilance » sur les modalités d'intervention de l'agence, et dans ce cadre, ils avaient souhaité que l'agence puisse communiquer régulièrement des indicateurs retraçant l'accompagnement des projets locaux. J'ai moi-même rappelé l'importance de ce suivi sous la forme d'un tableau de bord, par département, lors du débat en séance publique du 18 novembre 2020, en présence de M. Joël Giraud, secrétaire d'État chargé de la Ruralité.
Je vous sais gré de nous avoir transmis ce document que j'ai partagé avec tous nos collègues de la délégation.
Vous nous direz, madame la présidente, si vous considérez que l'agence a atteint son rythme de croisière ou si vous attendez de nouvelles évolutions structurelles.
Dans la suite de notre mission d'évaluation, nous souhaitons entendre, à un rythme annuel, les dirigeants de l'ANCT.
C'est un plaisir pour moi de me retrouver devant vous, j'apprécie votre état d'esprit à la fois constructif et vigilant. Pour cette audition, je suis accompagnée par Yves Le Breton, préfet et directeur général de l'agence, que je tiens à saluer pour son action ; j'associe à mes remerciements l'ensemble des collaborateurs de l'agence, ainsi que Florence Rognard qui fait toujours le lien avec les élus.
Cette audition fait suite à notre première rencontre, en juin 2020, et au rapport d'information Les collectivités et l'ANCT au défi de l'ingénierie dans les territoires de Mme Josiane Costes et M. Charles Guené. Depuis sa naissance, l'ANCT s'est implantée dans tous les départements de métropole et d'outre-mer grâce à ses délégués territoriaux. Sans dresser un bilan exhaustif des actions conduites, je souhaite insister sur deux points, en mettant en parallèle ces actions avec les propositions formulées dans le rapport de Mme Costes et de M. Guené : l'accompagnement sur mesure, qui fonctionne et se développe largement ; et puis, le rôle déterminant des préfets.
L'accompagnement sur mesure est au coeur du rapport d'information sur l'ingénierie territoriale. Un certain nombre de propositions concrètes ont été formulées ; par nos actions, nous y apportons des réponses - je pense, en premier lieu, à la question budgétaire.
La proposition n° 20 du rapport nous incitait à pérenniser et renforcer l'enveloppe budgétaire dédiée à l'ingénierie sur mesure. Cette préconisation était l'une des conditions de notre réussite et de notre efficacité. À ce titre, notre budget spécifique pour l'ingénierie est passé de 10 millions d'euros en 2020 à 20 millions d'euros en 2021. Je saisis l'occasion qui m'est donnée ce matin pour demander votre soutien, et souhaite vivement que cette enveloppe reflète durablement la montée en puissance de l'agence.
Votre rapport nous incitait à affecter les crédits de l'agence pour le soutien à l'ingénierie sur mesure aux projets initiés par les collectivités qui en ont le plus besoin, et à créer une offre d'ingénierie de conception de projets pour les territoires qui présentent des potentialités inexploitées.
La semaine dernière, nous vous avons transmis le tableau de bord de nos interventions sur mesure, ainsi qu'une liste de projets accompagnés dans ce cadre entre février et mai 2021. Depuis sa création, l'agence a ainsi accompagné 513 projets sur mesure ; chaque semaine, ce sont des dizaines de demandes d'accompagnement que les préfets nous transmettent, puisqu'ils sont les délégués territoriaux de l'agence. Notre méthode d'intervention mérite d'être encore mieux connue de nos élus locaux, mais je constate qu'elle se diffuse.
Parmi ces 513 projets, 91 concernent des projets de revitalisation commerciale ou artisanale ; et, parmi les communes ayant le plus recours à un accompagnement renforcé, 75 % ont entre 3 500 et 50 000 habitants, ce qui correspond bien à la demande d'ingénierie dans les endroits où elle fait défaut. Les plus petites communes sont moins nombreuses, car elles trouvent, pour un certain nombre d'entre elles, davantage réponse à leurs demandes d'accompagnement auprès des délégations territoriales ; l'agence intervient en complément de l'offre d'ingénierie locale et à la seule condition qu'il n'existe pas d'offres satisfaites localement. Notre conseil d'administration a également voté favorablement la proposition de gratuité de l'ingénierie pour les communes de moins de 3 500 habitants.
J'insiste sur le rôle de l'agence dans l'aide à l'élaboration des contrats de relance et de transition écologique (CRTE). Il s'agit, là aussi, d'un accompagnement destiné aux territoires les moins dotés en ingénierie, en s'appuyant majoritairement, mais pas exclusivement, sur les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Comme vous le suggériez dans la proposition n° 17 du rapport, nous adaptons la doctrine d'intervention de l'agence aux spécificités du maillage territorial. L'ANCT accompagne directement un peu plus de 400 CRTE, avec une aide concrète à la réalisation, soit par le recours au marché d'ingénierie, soit par une subvention directe. Environ 55 CRTE sont accompagnés en partenariat avec le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Pour rappel, nos principaux partenaires sont le Cerema, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), la banque des territoires et l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru).
Le coeur de mission de l'agence est d'accompagner les collectivités dans l'élaboration d'une démarche intégratrice, en les aidant à écrire leur projet ; nous sommes bien là dans le service d'ingénierie de conception que vous appelez de vos voeux.
Cette montée en puissance de l'accompagnement en ingénierie de l'ANCT sera croissante en 2021. Les équipes sont mobilisées pour délivrer une réponse rapide et agile, en lien avec le réseau déconcentré de l'État. Hors période de confinement, j'ai eu le plaisir d'effectuer des déplacements sur le terrain. Il y a peu, je suis allée notamment en Haute-Marne. Dans ce département, l'agence s'engage en accompagnant des projets marquants pour le territoire ; je pense à la reconversion d'une partie de la citadelle de Langres. Toujours en Haute-Marne, j'ai confirmé l'aide de l'ANCT à l'élaboration de 5 CRTE. Je suis également allée en Ardèche, où le préfet avait réuni l'ensemble des maires pour un échange autour des actions de l'ANCT.
Le deuxième point sur lequel je souhaite insister concerne les préfets et leur rôle déterminant de délégués territoriaux de l'ANCT. Malgré le contexte, nous avons pu adopter une feuille de route ; nous avons consolidé un organigramme, défini une méthode d'intervention et mis en oeuvre notre marché d'ingénierie à travers des lots thématiques et géographiques, pour lesquels nous avons reçu plus de 1 600 offres. Pour réussir ce pari d'implantation de l'ANCT sur le terrain, l'appui des préfets a été fondamental.
Le rapport formulait une proposition sur la méthodologie d'intervention de l'ANCT qui a retenu notre attention ; celle-ci affirmait le rôle du préfet du département en qualité de délégué territorial de l'ANCT, comme interlocuteur unique pour la mobilisation des moyens d'ingénierie, et comme facilitateur en ce qui concerne le recours à l'ingénierie publique locale. Même si l'activité des préfets a été largement absorbée par le contexte sanitaire, nous avons pu mesurer leur forte implication pour favoriser l'implantation locale de l'ANCT.
Pour faciliter l'action des préfets, nous avons mis en place une communication adaptée aux attentes des élus. En plus des contacts bilatéraux réguliers avec ses collègues préfets, notre directeur général organise au moins une rencontre par webinaire par trimestre, afin de répondre à leurs questions et de prendre en compte leurs retours du terrain ; nous avons également créé une newsletter mensuelle qui leur est spécifiquement destinée.
La quasi-totalité des comités locaux de cohésion territoriale, qui regroupent des élus, des représentants des administrations et des partenaires, sont aujourd'hui installés.
Lors de notre première audition, vous nous aviez interrogés sur notre relation de travail avec la Direction générale des collectivités locales (DGCL). Celle-ci assure, en effet, la tutelle de l'ANCT, et je me réjouis d'une collaboration constructive et de plus en plus affirmée. Afin de clarifier les rôles respectifs et de partager nos perspectives et notre méthode d'intervention, je présenterai la semaine prochaine au conseil d'administration un contrat d'objectifs et de performance, sous la forme d'un document synthétique répondant à la proposition n° 21 de votre rapport.
J'aurais pu aussi vous parler de la politique de la ville à travers les nombreux dispositifs mis en oeuvre, comme les cités éducatives, les quartiers d'été, le numérique ou le développement des tiers-lieux ; je suis à votre disposition pour répondre à vos questions. Avant de conclure cette intervention, je tiens à saluer vos deux représentants au sein du conseil d'administration de l'ANCT, Mme Maryse Carrère et M. Louis-Jean de Nicolaÿ, toujours très présents pour porter la voix de la Haute assemblée.
Nous sommes extrêmement sensibles à votre volonté de rendre compte de votre activité. J'ai une pensée pour Mme Josiane Costes, qui a beaucoup accompagné M. Charles Guené dans l'élaboration de ce rapport, dont vous avez repris beaucoup de propositions.
À l'origine, notre rapport était nourri d'inquiétudes et de recommandations. Nous sommes heureux de constater que du chemin a été parcouru. En dépit de la pandémie, l'agence a largement occupé le terrain, comme chacun a pu l'apprécier. Par ailleurs, elle a « conquis » les préfectures, alors que ce n'était pas gagné au départ et que cela ne l'est toujours pas complètement. Nous devons faire ce travail ensemble. Dans les départements, les réunions sont souvent impulsées par des collègues parlementaires qui ont compris la nécessité de mettre en rapport les préfets et l'ANCT. Nous disposons d'une sorte de plateforme, et tous les acteurs semblent en être satisfaits.
Vous avez essayé de déminer les critiques, notamment concernant les Pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR). En réalité, avec le rôle prépondérant des préfets sur le terrain, il n'y a pas de véritables obstacles.
Certains éléments peuvent être encore améliorés. Vous avez évoqué les CRTE, qui sont au coeur de l'ingénierie sur nos territoires ; ceux-ci représentent encore une vaste nébuleuse pour beaucoup d'élus et même des techniciens de l'ingénierie. Ne faudrait-il pas, en plus de l'ingénierie dispensée sur le terrain, engager des formations sous forme de modules ? Le jargon est assez complexe, et il ne faudrait pas que l'on retrouve les défauts des premiers financements européens.
On peut également améliorer l'ingénierie de projet. Beaucoup de territoires ruraux ont peut-être besoin d'un financement de postes pour mettre en place ce type d'ingénierie. Nous avions fait en sorte qu'une part des dotations d'équipement des territoires ruraux (DETR) puisse être affectée à cela ; on devrait pouvoir ouvrir le débat au Parlement.
Pour répondre à M. Charles Guené, certains territoires sont déjà aidés par des programmes comme Petites villes de demain ou Action coeur de ville ; dans ces programmes, on trouve une aide substantielle pour recruter des managers de centre-ville ou des chefs de projet. Il s'agit d'une proposition de subvention directe correspondant à 75 % d'une somme qui peut aller jusqu'à 45 000 euros, voire 55 000 euros si le projet est particulièrement complexe.
Il faudrait voir comment aider les territoires démunis à réaliser ce recrutement qui leur permettrait de réfléchir de manière globale. L'ADN de l'agence, c'est le cousu main à la disposition des élus. Je précise que nous ne nous substituons pas aux élus ; avec l'ingénierie, nous accompagnons et nous aidons.
Je souhaite évoquer l'article concernant le contrat de cohésion territoriale dans le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS. Plutôt qu'un empilement de contrats qui se succèdent, nous aurons une sorte de contrat territorial. Notre souhait est que ce contrat parte bien du projet de territoire, et que l'État contractualise avec les élus locaux. L'idée est de permettre un accompagnement dans la durée, avec un projet qui peut être celui d'un mandat. Il ne s'agit pas non plus de figer les choses et si, par nécessité, les projets doivent s'accélérer, une clause de révision doit être envisageable.
Pour prolonger la remarque de Mme Gatel, nous avons connu hier un moment de flottement lors de l'audition de Mme Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, concernant ce fameux contrat de cohésion territoriale. Nous n'avons pas compris l'articulation de ce contrat avec les CRTE ; ces derniers, en effet, ont vocation à porter les projets municipaux sur la durée du mandat. Mme Gourault nous a indiqué qu'il s'agissait de la même chose ; nous aurons donc deux noms différents pour un même objet.
Ma question porte sur l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca). L'outil a perdu de sa visibilité. Créé, à l'origine, pour accompagner la transformation d'activités artisanales et commerciales dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), l'Epareca sortira-il du cadre de la politique de la ville pour mutualiser sa part d'ingénierie avec l'ANCT ?
Allez-vous également mutualiser votre ingénierie avec la banque des territoires ? Comment peut-on fluidifier les relations entre l'ANCT et la banque des territoires ?
Nous sommes sur la bonne voie concernant l'ingénierie, avec des crédits doublés et un apport en externe et aussi en interne, point faible des intercommunalités rurales. Sur la question des contrats, tout se complique ; on change les noms, on fixe des cadres parfois rigides ; il s'agit d'inscrire davantage les choses dans la durée.
Au-delà de l'ingénierie, l'action de l'agence reste pour les élus très compliquée à appréhender et peu lisible. Quelle est la plus-value apportée par l'ANCT ? Enfin, comment s'applique la gratuité pour les communes de moins de 3 500 habitants, lorsque les opérations sont portées par les intercommunalités ?
La plus-value de l'ANCT, monsieur Delcros, c'est l'écoute et le cousu main dans la réponse. Chaque territoire peut venir consulter le préfet pour présenter ses projets ; les collectivités sollicitent elles-mêmes les préfets pour savoir comment mettre en oeuvre leurs projets.
La gratuité pour les communes de moins de 3 500 habitants a été décidée en conseil d'administration. Pour les intercommunalités, celles de moins de 15 000 habitants sont concernées.
Monsieur Houllegatte, l'ingénierie de l'Epareca continue ; elle est mutualisée au profit de tous les territoires, sans abandonner les QPV. Quant à la banque des territoires, il s'agit de notre premier partenaire et nous travaillons en étroite coordination avec elle.
Vous nous confirmez bien que le CRTE et le contrat de cohésion territoriale parlent de la même chose ?
Le CRTE est un contrat d'opportunité, lié à la volonté du Gouvernement d'activer un plan de relance. Je souhaite donc qu'il soit conjoncturel. Si nous inscrivons dans la loi un contrat de cohésion territoriale, cela lui donne une force particulière ; on indique que l'État va contractualiser de manière pérenne avec les collectivités.
Je sens une lassitude de la part des élus concernant les appels à projets. Souvent, vous mobilisez votre population et, in fine, le projet n'est pas retenu. Cela met les élus en difficulté. Nous demanderons à la ministre de se prononcer sur ce sujet. On sait que les gouvernements aiment bien lancer des appels à projets, souvent plus visibles pour le grand public ; il s'agit de trouver un équilibre.
Comment interviendra l'ANCT dans la révision des documents d'urbanisme ou de planification (schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires- Sraddet -, schéma de cohérence territoriale - SCOT -, plan local d'urbanisme intercommunal - PLUi -, contrats de cohésion territoriale...) qui devront être révisés dans un temps très court ? Quel doit être son rôle ? Doit-elle intervenir si on la sollicite ou doit-elle être un interlocuteur des collectivités, au même titre que les services de l'État qui accompagnent les collectivités dans la rédaction des documents de planification, ce qui la conduirait à intervenir en amont, dans une vision prospective, et non plus en aval ?
Mon autre question porte sur sa capacité à développer des choix stratégiques. Ainsi, avec la loi Climat, la question de la sobriété foncière devient centrale. L'ANCT a-t-elle identifié des objectifs sur lesquels elle pourrait être fortement sollicitée ? Je pense par exemple à la réhabilitation des friches minières ou industrielles, car on manque d'expertise sur ces sujets dans les territoires. On pourrait aussi évoquer les problématiques des communes littorales, qui doivent concilier les impératifs de la loi Littoral tout en trouvant les moyens de se développer pour faire face à l'arrivée de nouvelles populations. Ces communes auront besoin d'expertise pour les aider.
L'agence s'inscrit-elle en priorité dans le suivi d'orientations nationales définies par le Gouvernement et le ministère, ou peut-elle s'inscrire dans des stratégies locales, comme les contrats de territoire, voire proposer des programmes ad hoc ?
Certaines collectivités auraient été intéressées par certains appels à projets dans le cadre du plan de relance, mais elles n'ont pu formuler de réponse dans les temps. Comment les aider ?
En ce qui concerne la révision des documents d'urbanisme, le rôle de l'ANCT n'est pas d'être en contact directement avec les collectivités locales pour les aider à les rédiger ; c'est le rôle des services territoriaux de l'État. Notre rôle est de faciliter l'accès à l'ingénierie. L'ANCT n'est pas la seule pourvoyeuse d'ingénierie au sein de l'État. Il faut savoir par exemple que le ministère du Logement dispose de crédits pour financer la rédaction des documents d'urbanisme. Nous intervenons donc plutôt en second niveau, dans une logique de subsidiarité.
Sur la mise en oeuvre de la norme législative qui sera issue de la loi Climat, nous avons voulu être pilotes : par exemple, en ce qui concerne la sobriété foncière, nous menons, dans Action Coeur de ville, une action Territoires pilotes de sobriété foncière, qui vise à montrer concrètement comment on peut articuler les objectifs de politique publique définis par le législateur et les stratégies des collectivités locales. Il ne s'agit pas ici d'appels à projets. On s'appuie sur des collectivités qui souhaitent s'engager plus avant sur certaines thématiques, susceptibles d'intéresser toutes les autres communes. Pour les communes littorales, on peut envisager des actions du même type. La question du recul du trait de côte sera aussi une question importante.
Le plan de relance s'inscrit dans différents programmes de l'agence - Territoires d'industrie, Action coeur de ville, Petites villes de demain, etc. - auxquelles peuvent participer les collectivités en fonction de leurs projets. Dans le cadre de Territoires d'industrie, ce sont ainsi déjà plus de 1 500 projets qui ont été lancés par les acteurs du territoire, qui bénéficient d'ingénierie, d'investissements de la banque des territoires, ou d'un fonds d'accélération des investissements industriels dans le cadre du plan de relance. On part toujours des besoins des élus et des besoins exprimés par les territoires. Certes, cela passe par des appels à projets et les élus n'arrivent pas toujours à y répondre, mais l'agence constitue un interlocuteur susceptible de les aider.
Je partage les propos de Mme Gatel sur les appels à projets : trop d'appels à projets tuent les projets ! Et cela crée de l'iniquité. Les élus des petites communes sont dépassés. Ils n'ont pas toujours la possibilité de répondre. Je préfère la notion de contrat, où l'on part des projets des territoires pour les accompagner dans la durée.
J'ai toujours défendu les contrats de territoire, qui permettent de se concerter pour élaborer des stratégies territoriales et les mettre en oeuvre dans la durée, avec de la visibilité. Les élus ont l'habitude de recourir à la DETR, car la procédure est très souple. Il ne faut pas que ces crédits soient préemptés par les besoins des contrats. Il faut veiller à garder la souplesse du mécanisme pour des projets communaux ou intercommunaux qui peuvent surgir au fil de l'eau. Les élus des petites communes sont très inquiets à cet égard.
Les crédits de DETR et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ont souvent déjà été pillés pour financer des contrats. Ainsi, les contrats de ruralité n'étaient pas financés par des crédits supplémentaires, mais par des crédits de DETR ou de DSIL. La ministre dit que l'enveloppe de la DETR et de la DSIL a augmenté, c'est vrai en valeur absolue, mais comme on a aussi augmenté le nombre de projets éligibles, les crédits disponibles pour l'équipement des territoires ruraux n'ont pas augmenté. Il faut que le dispositif soit clair. La DETR doit rester fidèle à sa vocation.
On ressent une inquiétude sourde au travers des questions que l'on vous pose. Il faut prendre garde à ne pas identifier l'ANCT avec le plan de relance. Les missions de l'agence vont bien au-delà.
La contractualisation s'est développée. Mais il ne faudrait pas que cela conduise les collectivités à changer de stratégie en permanence, en fonction des nouveaux dispositifs mis en place. Elles doivent poursuivre leur stratégie. Il importe de conserver la déclinaison locale de l'ANCT au niveau des préfectures, pour que les préfets puissent aider les collectivités à assurer la cohérence de leur stratégie, aider à orienter les financements, etc. Si j'ai une inquiétude, c'est sur la pérennité des moyens consacrés à l'ingénierie au-delà du plan de relance. Ne pourrait-on pas envisager de consacrer une part de la DETR pour l'ingénierie de projet dans certains territoires ?
Cette question sera certainement abordée par la mission d'évaluation des services préfectoraux et déconcentrés de l'État que notre délégation a lancée. La loi 4D comprend un volet important sur la déconcentration. Le bon fonctionnement de l'État suppose qu'il soit incarné dans les territoires, afin de raccourcir la chaîne de commandement ou d'assurer l'harmonisation entre les différentes politiques. Beaucoup de politiques de l'État sont des politiques partagées entre l'État et les collectivités, dont l'efficacité dépend de la capacité des personnes à se parler ! Or, souvent, c'est une logique de fonctionnement en silo qui prévaut. M. Bussereau nous expliquait ainsi que pendant la crise sanitaire certains présidents de départements ont appris par la presse l'existence d'un cluster dans un Ehpad de leur département, car le président de l'Agence régionale de santé (ARS) avait oublié la double tutelle et ne les avait pas informés. Le préfet doit être le garant de ce dialogue entre l'État et les collectivités. Enfin, le Cerema est un corps d'ingénieurs précieux et reconnu. Sans doute, le temps venu, sera-t-il pertinent qu'il travaille de manière étroite avec l'ANCT.
Je partage votre analyse sur la DSIL et la DETR : l'avantage de la DETR, c'est qu'elle est répartie par une commission d'élus. Avec les projets gérés par l'ANCT, il me semble qu'il est toujours possible aux collectivités de réaliser les objectifs qu'elles poursuivent. Je ne pense pas qu'elles puissent perdre la main si elles n'ont pas une capacité d'analyse ou une concertation avec le préfet. Mon but est de répondre rapidement aux demandes des territoires. La raison d'être de l'agence est d'être un ensemblier des politiques publiques, pour les mettre en oeuvre de manière plus rapide et agile.
L'ANCT ne se confond pas avec le plan de relance. Elle fournit des outils pour aider à sa déclinaison. On a d'ailleurs obtenu que l'on puisse glisser un peu sur le dernier trimestre de l'année pour achever les études pré-opérationnelles et signer les contrats. Nous écouterons, en tout cas, vos recommandations.
Les contrats dans le cadre du programme Petite ville de demain sont prévus pour durer jusqu'en 2026. Enfin, je me battrai aussi pour prolonger Action coeur de ville jusqu'en 2026, mais cela dépendra des choix que feront les parlementaires sur les crédits.
Je vous remercie. Nous avions des doutes lors de la création de cette agence, nous craignions la création d'un nouveau « machin ». Nous nous demandions comment ce nouvel outil allait s'articuler avec ceux déjà existants, notamment les agences d'ingénierie que certains départements avaient pu mettre en place. Nous avions aussi des doutes sur son utilité pour les petites collectivités. Je veux souligner que vous avez su vous déployer de manière rapide. Vous intervenez en priorité là où il y a des urgences et là où vous êtes sollicités. Vous intervenez notamment sur des sujets qui requièrent une expertise et un accompagnement particuliers, comme les friches industrielles. Vous ne visez pas à remplacer les élus, mais à leur apporter une aide précieuse pour décider, grâce à votre méthodologie, votre expérience et votre souci du service public, ce qui vous distingue des offres de certains cabinets qui ressemblent parfois à du copier-coller... Nous ferons connaître à nos collègues l'existence des tableaux de bord que vous nous avez transmis. Chacun d'entre nous pourra ainsi servir de relais auprès des élus dans son département, et pourra apprécier ce qui a été fait ou non dans son département et interroger le préfet. Nous nous félicitons qu'une créature administrative sur laquelle nous avions bien des doutes soit devenue un appui aux collectivités.
Merci pour votre accueil. Nous avons édité une brochure qui a été adressée à tous les maires. Nous nous efforçons de faire en sorte que l'agence soit utile pour les élus locaux. Ancienne élue moi-même, j'entends y veiller !
Nous présentons aujourd'hui le rapport sur les métropoles, dont les rapporteurs ne sont pas paritaires, puisque nous sommes quatre femmes, mais ce n'est qu'un hasard :
- Sylvie Robert, sénatrice d'Ille-et-Vilaine, en visioconférence ;
sénatrice du Nord, présente avec nous ;
- Dominique Estrosi Sassone, sénatrice des Alpes-Maritimes ;
- Et moi-même, Françoise Gatel.
Il existe dans notre pays deux catégories juridiques de métropoles, celles de catégorie générique et celles à statut particulier, comme Paris, mais aussi Aix-Marseille-Provence et Lyon. Nous avons exclu ces métropoles à statut particulier, entre autres parce que notre calendrier de travail a dû être revu, la loi 4D arrivant d'une manière inattendue, et pour que notre rapport nourrisse la réflexion sur celle-ci.
Les métropoles sont considérées aujourd'hui comme l'expression la plus aboutie de l'affirmation de l'intercommunalité. Elles répondent à un fait urbain que nul ne peut ignorer. La question de savoir si la métropole est un bien ou non n'est pas notre sujet. Elle a été créée et reprise par des gouvernements successifs, et elle possède une fonction particulière de rayonnement et de capacité sur un territoire, qui doit lui permettre d'agir à armes égales avec des organisations d'autres pays aux régions très puissantes, comme en Allemagne.
À l'intérieur de la métropole générique, des métropoles de catégories différentes ont été créées et la différence est nette entre une métropole née d'une communauté urbaine où l'agrégation est très forte et une métropole née d'une communauté d'agglomération où prévaut davantage l'esprit de coopération que d'intégration. Le rapport de la Cour des comptes montre que toutes les métropoles éprouvent parfois des difficultés à se conformer à l'esprit extrêmement intégrateur, et c'est dans ce sens qu'iront nos propositions.
La volonté des rapporteurs était de parvenir à une évaluation de ces métropoles à partir du critère de l'efficacité de l'action publique et de l'adéquation entre la métropole telle qu'elle a été définie par le législateur et sa mise en oeuvre, sachant que certaines subtilités sont liées à l'étape précédente d'intercommunalité et à la taille de ces intercommunalités, parfois XXL.
Nous avons donc abordé deux questions :
- Les métropoles ont-elles répondu au besoin d'efficacité jusqu'au dernier kilomètre ?
- Les métropoles ont-elles répondu à cette définition, et donc à cette obligation que la loi leur intimait, d'être non seulement des avions de chasse fulgurants pour le territoire métropolitain, mais aussi une structure qui dynamise tout un territoire : la métropole regarde-t-elle aussi son environnement, qu'on appelle son hinterland ?
Un certain nombre d'auditions ont été conduites et nous avons envoyé un questionnaire aux métropoles et à toutes les communes membres, soit un total de 675, à l'exception des grandes métropoles.
Je laisse la parole à mes collègues, avant que nous ayons un échange.
Merci beaucoup, madame la présidente, et bonjour à toutes et à tous. Effectivement, notre rapport s'articule autour de cinq recommandations principales dans le but d'étendre le champ de l'intérêt métropolitain et de favoriser ce que nous avons appelé une relation gagnant-gagnant entre les métropoles et leurs territoires voisins.
L'intérêt métropolitain est une notion-clé pour la répartition des compétences entre les métropoles et les communes. Or il n'est pas toujours bien identifié.
Six blocs de compétences énoncés dans le CGCT sont exercés de plein droit aujourd'hui par les métropoles, en place et lieu des communes membres :
- le développement et l'aménagement économique, social et culturel ;
- l'aménagement de l'espace métropolitain voirie ;
- la politique locale de l'habitat ;
- la politique de la ville ;
- la gestion des services d'intérêt collectif ;
- l'environnement et la politique du cadre de vie.
À ces compétences obligatoires s'ajoutent des compétences facultatives, dont le périmètre demeure relativement flou et varie selon les métropoles.
L'exercice de certaines compétences obligatoires de la métropole est néanmoins subordonné à la reconnaissance de l'intérêt métropolitain, qui marque la reconnaissance d'une plus-value métropolitaine dans l'exercice de ces compétences. Déterminé par le conseil de la métropole à la majorité des deux-tiers, l'intérêt métropolitain est défini au plus tard deux ans après l'entrée en vigueur du décret prononçant la création de la métropole. À défaut, la métropole exerce l'intégralité des compétences transférées. Cette définition permet de distinguer, pour l'exercice de certaines compétences obligatoires par la métropole, les actions, les services et équipements qui relèvent de manière pertinente, soit de la commune, soit de la métropole.
D'après le rapport de la Cour des comptes publié en décembre 2020, les métropoles ont éprouvé des difficultés à définir clairement ce qui relève de l'intérêt métropolitain ou de leurs communes membres. Il apparaît ainsi que la définition de l'intérêt métropolitain a le plus souvent été arrêté de manière quelque peu empirique, voire opportuniste, sans réelle vision stratégique.
Par ailleurs, la répartition des compétences entre métropole et communes peut parfois présenter certaines difficultés. La Cour des comptes a ainsi estimé dans certaines métropoles que le dispositif des conventions de gestion, permettant d'assurer une transition en atténuant provisoirement les effets de transferts de compétences des communes vers les métropoles, ont été dévoyés, s'apparentant de facto à de véritables délégations de compétences.
Cette critique de la Cour des comptes plaide pour une plus grande adaptation des compétences en fonction des réalités locales, et donc par un élargissement du champ de l'intérêt métropolitain, dans l'exercice des compétences de la métropole. Une telle évolution répondrait, nous semble-t-il, aux aspirations légitimes des élus locaux à une plus grande différenciation territoriale, alors que les métropoles présentent une forte hétérogénéité, tant en termes de taille, de poids démographique que de caractéristiques sociales ou économiques. La consultation qui a été menée auprès des élus locaux en février 2021 nous a enseigné que 94 % des élus locaux interrogés sont favorables à une adaptation des compétences communes/intercommunalités en fonction des caractéristiques propres à leur territoire.
Par exemple, la politique de l'habitat relève de la seule compétence métropolitaine, puisqu'il s'agit d'une compétence obligatoire. Cette politique recouvre le programme local de l'habitat, la politique du logement avec les aides financières au logement social, les actions en faveur du logement social, les actions en faveur du logement des personnes défavorisées, mais aussi l'amélioration du parc immobilier bâti, sa réhabilitation, et la résorption de l'habitat insalubre. Or cette compétence ne va pas toujours de soi. Se pose alors la question de l'articulation avec les compétences des communes, dont certaines sont soumises à l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000, dite loi SRU en matière de logements sociaux. Des améliorations seraient nécessaires, car les métropoles sont aujourd'hui de fait les chefs de file de toutes les politiques de l'habitat. L'article 55 continue à décliner commune par commune, dès qu'elles ont plus de 3 500 habitants, sans enlever les obligations qui doivent rester commune par commune.
En ma qualité de rapporteur dans le projet 4D sur la réforme de la loi SRU, j'essaierai de proposer une expérimentation au niveau intercommunal, sur la base du volontariat, car les intercommunalités ne sont pas toutes au même stade de maturité. Nous devons une articulation pour devenir plus efficients. Les métropoles ont aussi leur rôle à jouer, avec leurs obligations en termes d'habitat et d'objectifs pour respecter la loi SRU au niveau des communes.
Je vous remercie et je laisse la parole à Michelle Gréaume.
Merci beaucoup. Tout d'abord, je tenais à remercier madame la présidente Gatel, ainsi que mes collègues, pour l'excellent travail effectué ensemble. J'ai été très contente de pouvoir partager avec eux mon expérience. Je remercie également les collaborateurs et les administrateurs du Sénat qui nous aident dans nos missions.
J'interviendrai sur l'intérêt métropolitain, qui doit être élargi et mieux défini, pour permettre une répartition efficace des compétences. Comme tout EPCI, la métropole doit être considérée avant tout comme un outil de coopération au service des communes membres. Il doit donc démontrer concrètement la plus-value qu'il leur apporte, sans présumer de l'intérêt métropolitain. Élargir le champ de l'intérêt métropolitain apporterait davantage de justesse et de fondement réel au dispositif de répartition des compétences entre les communes membres et la métropole.
Un tel élargissement ne mettrait nullement à mal l'uniformité de l'organisation territoriale des compétences entre métropoles et communes. Il permettrait de ne pas automatiquement dessaisir les communes de certaines compétences et d'entretenir la proximité que permet l'échelon communal, contrairement à l'échelon métropolitain, dont la pertinence est régulièrement mise en doute.
Concernant les compétences facultatives, nous recommandons que le transfert volontaire de compétences aux métropoles repose uniquement sur l'intérêt métropolitain. Promouvoir l'intérêt métropolitain, c'est faire confiance à l'intelligence territoriale et à l'expérience locale pour garantir une action publique efficace, car proche de ses citoyens.
Dans le domaine du développement économique, l'échelon métropolitain peut être plus adéquat et il peut stimuler une dynamique territoriale de réduction des inégalités. Nous avons donc préféré en l'état l'élargissement de l'intérêt métropolitain.
Par ailleurs, cet intérêt métropolitain nécessite d'être défini à partir de critères préalablement discutés et permettant de rendre compte concrètement de la nécessité ou non de transferts de compétences et de leur impact sur les communes.
En l'état actuel des textes, le conseil métropolitain dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation, avant de déterminer l'intérêt métropolitain. Il pourrait être opportun de donner une définition dans le CGCT de l'intérêt métropolitain en conformité avec le principe de subsidiarité. Pour caractériser l'intérêt métropolitain, le conseil métropolitain examine si la compétence peut être mieux mise en oeuvre à l'échelon de la métropole qu'à celui de ses communes membres. Rappelons en effet que l'application du principe de subsidiarité implique d'organiser les politiques publiques à l'échelon le plus proche des citoyens, la commune devant être en principe préférée à l'intercommunalité.
Cette définition pourra être complétée par un faisceau de critères non exhaustifs, à l'aune desquels cet intérêt métropolitain devra être apprécié :
- l'efficacité et la réactivité de l'action métropolitaine au regard de celles des communes membres ;
- la technicité et l'ampleur des compétences considérées ;
- la capacité de la métropole à engendrer des mutualisations et des économies d'échelle ;
- la capacité de la métropole à contribuer à la stratégie, à la structuration et au rayonnement du territoire métropolitain ;
- la capacité de la métropole à réduire la fracture urbaine du territoire métropolitain ;
- les besoins de la population ;
- les caractéristiques économiques, sociales et géographiques du territoire métropolitain.
Cette liste ne serait pas limitative. Nous songeons par exemple à d'autres critères tels que la proximité nécessaire à l'exercice des compétences concernées, l'évaluation du fonctionnement de la compétence exercée par les communes ou encore la capacité de la métropole à prendre en compte les particularités de chaque commune membre dans l'exercice des compétences concernées.
Je laisse maintenant la parole à ma collègue Mme Robert.
Bonjour madame la présidente et bonjour à mes collègues, que je souhaite moi aussi remercier pour avoir travaillé sur ce rapport très intéressant, avec l'aide des services de la délégation, que je souhaite également remercier.
J'évoquerai un état des lieux et la question de l'alliance des territoires. Nous nous sommes en effet aperçues, et cela fera l'objet d'une recommandation présentée par Françoise Gatel dans la dernière partie, que cet état des lieux sur l'alliance des territoires, qui est un objectif des métropoles fixé par la loi, amène à un bilan nuancé, en demi-teinte.
La loi Maptam a assigné aux métropoles l'objectif de concourir à un développement durable et solidaire du territoire régional. La métropole doit donc s'inscrire dans une logique de solidarité et de partage, au-delà de ses frontières administratives. Les contrats de réciprocité ville-campagne, et les contrats de coopération métropolitaine soulignent la nécessité de sortir de cette image « paternaliste » du ruissellement des effets positifs de la métropole sur son hinterland, comme le disait Françoise Gatel, pour s'intéresser particulièrement aux bénéfices mutuels obtenus de leur coopération, dans une logique de complémentarité.
Cette logique « gagnant-gagnant » montre que le dynamisme et l'attractivité d'une métropole dépendent en effet aussi, et c'est très important de le souligner, de ceux des communes voisines. Nous constatons ainsi l'importance pour les métropoles de regarder leur hinterland et de travailler avec eux.
Néanmoins, si les objectifs et les outils sont explicites, nous avons constaté que le bilan est assez décevant et en demi-teinte. Des travaux universitaires mettent en avant le fait que toutes les métropoles n'ont pas eu l'effet d'entraînement escompté sur leur périphérie. France Urbaine a même évoqué l'« assèchement du territoire alentour ».
Nous avons toutefois relevé de bonnes pratiques, comme 17 contrats de réciprocité signés par certaines métropoles. Ceux-ci se focalisent souvent sur le développement économique, l'environnement, la santé, l'agriculture, la mobilité ou l'alimentation. Ils ont permis aux élus de mieux se connaître, de découvrir les potentialités de coopération entre leurs territoires et de mettre en oeuvre des échanges d'informations.
Ces exemples réussis tiennent selon nous à une combinaison de facteurs favorables, une forte volonté politique bien évidemment, portant sur un projet de territoire et capable de fédérer les acteurs locaux sur le long cours, mais s'appuyant aussi sur la conviction que ces initiatives sont mutuellement, et je souligne cet adverbe, profitables. En effet, le contrat permet d'institutionnaliser les relations et de faciliter les contrats.
Nous avons pris comme exemple Nantes-Métropole et sa politique de coopération avec sa périphérie, en particulier avec le PETR du Pays de Retz, soit 4 EPCI, 38 communes et 154 000 habitants. Tous ont travaillé sur cette coopération dans le domaine de l'alimentation, et particulièrement sur le circuit court avec les agriculteurs pour alimenter les cantines en produits bio. Ce projet alimentaire territorial du Pays de Retz a connu un très fort développement, ce qui n'était pas le cas il y a vingt ans, et est reconnu comme étant une expérience extrêmement profitable pour l'ensemble de la métropole.
Je laisse la parole à Françoise Gatel, puisque cet état des lieux nous permet aussi de formuler une recommandation sur cette question capitale pour l'avenir de l'ensemble des territoires des alliances métropole-hinterland.
Merci beaucoup, chère Sylvie. La recommandation émise par les quatre rapporteurs est sans aucun doute une proposition audacieuse et je ne doute pas qu'elle stimulera la curiosité, l'intérêt ou parfois l'agacement de certains de nos collègues.
La loi charge les métropoles de contribuer au rayonnement et au développement d'un territoire, et nous savons que les métropoles sont dans un rapport de réciprocité entre leur territoire et ce qu'on appelle les hinterlands. L'hinterland bénéficie certainement de la puissance de feu de la métropole et cette dernière ne peut se développer que si elle est en lien étroit avec ses territoires.
Beaucoup de travailleurs métropolitains doivent habiter dans des territoires voisins, soit par choix, soit parce que l'habitat est moins cher. Cette arrivée de population est une chance pour les communes périphériques, mais elle rend nécessaire certains équipements. L'arrière-pays peut aussi accueillir des industries qui ne peuvent l'être dans les métropoles et il peut fournir l'alimentation et de la ressource en eau. Il ne s'agit pas d'être dans un rapport de charité et la métropole ne doit pas être considérée comme une dame-patronnesse devant aider ses voisins. Nous sommes bien dans des territoires qui sont contributeurs à la fertilité d'un territoire plus large que celui de la métropole.
Nous pensons qu'il faut inviter, inciter : l'homme est bon par nature, mais s'il est encouragé, cela peut éviter les amnésies. Nous osons proposer une reconnaissance ou une obligation pour les métropoles de faire, d'agir, avec un impact financier.
Les contrats de plan État-Région (CPER) comprennent un volet sur la coopération métropole-voisins, et nous connaissons des métropoles où cela est effectif, d'autres où cela est beaucoup plus léger, où ce qui est réalisé ne l'est que par obligation. Nous nous interrogeons sur la possibilité d'intégrer dans les critères de dotation globale de fonctionnement (DGF) une sorte de modulation qui serait liée à l'existence ou non d'un véritable contrat de partenariat entre les métropoles et leur hinterland.
Nous savons que cette recommandation est audacieuse, mais la délégation est là pour faire preuve d'audace, en tout cas pour stimuler et réfléchir. Chaque année, au moment de la loi de finances, certaines audaces s'affirment. Rappelez-vous la taxe de 1 % métropole qui avait été proposée à deux reprises. Nous ne pouvons pas ne pas parler aujourd'hui du développement durable et solidaire du territoire régional, parce qu'il y va de la cohésion nationale. Il faut lutter contre ce décrochage ou cette idée d'une France à deux vitesses telle qu'elle est ressentie par les territoires périphériques. Il ne s'agit en aucun cas d'opposer la ruralité à la métropole et de plaider pour que les métropoles soient revues. Sylvie Robert l'a dit précédemment, tout comme France Urbaine : l'un des enjeux de ce mandat est de voir les métropoles travailler en intelligence avec les territoires. Nous nous sommes longtemps placés dans une logique d'intégration plutôt que de coopération. On peut toujours intégrer, mais la dimension devient telle à un moment donné qu'il n'est plus possible de gérer, puisque on n'est plus dans la proximité et que de toutes façons il y aura toujours des territoires frontaliers. L'heure est donc plus à l'intelligence territoriale et aux coopérations.
Nous allons ouvrir le temps des questions. Je suis très heureuse de sa proposition fort pertinente de notre collègue Dominique Estrosi Sassone sur le logement. Elle constitue un excellent exemple de la manière dont on doit pouvoir traiter à l'échelle des métropoles et d'une manière apaisée l'action de la commune et la cohérence au sein d'un territoire plus large. Je suis très heureuse que ce rapport se conjugue avec celui que vous avez mené avec Valérie Létard sur le logement et que nous ayons cette opportunité avec 4D, qui contient un volet logement important, d'introduire cet aspect.
Je remercie à nouveau mes collègues de ce quatuor et les administrateurs à qui un train d'enfer a été imposé.
Je ne m'étonne pas que la première demande de parole soit celle de M. Dallier, qui aime les métropoles et qui est très intéressé ou stimulé par ma dernière recommandation.
Oui, je suis toujours très intéressé par les métropoles, mais je suis aussi un peu perturbé par ce que je viens d'entendre. Vous avez effectivement brossé un bilan en demi-teinte. Ma première question serait de demander s'il n'est pas encore un peu tôt pour porter un jugement. Avant, nous avions les communautés urbaines et les communautés d'agglomération, et les problèmes auxquels ces territoires au sens large étaient confrontés existaient déjà. Nous avons voulu dénommer « métropole » ces territoires, et on se souvient dans quelles conditions cela s'est passé : tout le monde voulait devenir métropole, ce qui nous a conduit à donner cette dénomination à un certain nombre de territoires qui ne sont pas exactement des métropoles au sens des urbanistes et des géographes. En tout état de cause, les problèmes, et notamment ceux de l'hinterland, se posaient déjà, et ce n'est pas le fait d'avoir dénommé ces territoires « métropoles » qui a changé la donne.
Pour autant, je suis tout de même un peu perturbé par la proposition qui consisterait à agir sur la DGF pour contraindre certains à aller dans la bonne direction. Nous parlons toujours de l'intelligence territoriale, de décentralisation, du poids de la règlementation qui vient d'en haut : n'allez-vous pas trop loin dans ce domaine ? Les élus sont responsables : soit ils regarderont la réalité en face et s'engageront dans cette politique de coopération que vous appelez de vos voeux, soit ils ne le feront pas et ils seront battus aux prochaines élections. Sur quels critères allez-vous faire tomber d'en haut des contraintes nouvelles, et notamment en allant jusqu'à une modulation de la DGF ? Ce sera extrêmement compliqué. Je suis certes un peu perturbé par cette proposition, mais cela ne signifie pas qu'il n'existe pas de problèmes à régler. Pour terminer, un mot à l'attention de Dominique Estrosi Sassone : elle a tout à fait raison de poser la question de la politique du logement qui, à l'évidence, devrait être dans le périmètre de la métropole. C'est aussi le cas dans la métropole du Grand Paris, avec la complexité des établissements publics territoriaux (EPT), et je regrette que le futur texte 4D ne puisse proposer des solutions que pour les métropoles qui ne sont pas celles à statut particulier. Nous constatons bien les difficultés des politiques du logement avec l'effondrement de la construction : il y aurait tout intérêt à porter ces politiques de manière générale sur les périmètres les plus pertinents, qui sont à l'évidence ces métropoles.
En écho, cher Philippe, nous ne doutions pas du grand succès de notre provocation, mais il faut avoir de l'audace, à un moment. Nous ne portons pas de jugement, mais tu as raison : les métropoles sont des créatures encore un peu jeunes et très différentes. Il est difficile de parler de la métropole, et il faut bien distinguer la métropole née d'une communauté urbaine et qui avait déjà une intégration très forte de celles qui sont nées de communautés d'agglomération. Mais la loi est la même pour tout le monde et j'entends bien qu'il faut que nous soyons vigilants.
Ce qui nous intéressait était de porter un regard et d'émettre un certain nombre de constats parce qu'il s'agit d'un sujet dont nous n'arrêtons pas de parler depuis la loi Engagement et Proximité. Nous en avons reparlé dans les 50 propositions du Sénat. Dans la consultation des élus effectuée par la délégation, nous n'avons cessé de parler de cela. L'intérêt métropolitain est la proposition qui a recueilli le plus d'assentiments, à plus de 90.
Nous ne parlons pas de « grand soir », pas de révolution ou de détricotage des métropoles, mais nous voyons bien que ces dernières sont un peu bloquées et que, pour avoir des métropoles apaisées et heureuses, il faut qu'elles fonctionnent bien. Voilà ce que nous proposons. Nous sommes plutôt dans l'encouragement à la réflexion et au progrès.
En ce qui concerne le terme hinterland, Michelle Gréaume a constaté que ce mot est beaucoup utilisé par des géographes. Quant à nous, nous gardons ce mot pour nous faire comprendre des techniciens. Nous pourrions utiliser l'expression « arrière-pays », mais il a une connotation négative. Après avoir essayé plusieurs mots, nous avons choisi hinterland tout en limitant ses occurrences.
Sur la provocation que constitue notre réflexion financière, nous nous sommes engagées à formuler une proposition qui n'arrivera pas de manière sauvage dans le projet de loi de finances. Nous souhaitons qu'un dialogue et un échange aient lieu avec la commission des finances sur ce sujet. Il est vrai que les élus sont responsables et des esprits éminents ont soutenu que l'homme était bon et vertueux, mais certaines métropoles ne regardent jamais autour d'elles, au point de ne pas desservir les territoires extérieurs où habitent pourtant leurs travailleurs. Nous ne sommes pas dans un rapport de charité, mais dans un rapport contributif de chacun pour réussir. Des actions vertueuses sont menées en certains endroits, parfois naturellement, mais les autres doivent faire de même, parce que cela répond à la mission initiale des métropoles.
Je n'aime pas pénaliser, je préfère encourager, mais lorsqu'on ose aller jusqu'à dire que ce pourrait être un critère de la DGF, ce n'est pas un caprice de la délégation : la loi définit les métropoles comme des structures ayant pour mission d'assurer le rayonnement de leur territoire, qui n'est pas qu'administratif.
Nous ouvrons donc le débat, la discussion, sachant que cela est difficile en restant à DGF constante, mais cher Philippe, je rappellerai ce que j'ai dit avec gravité au moment de la loi de finances, lorsque nous avons parlé des communes nouvelles qui au bout de trois ans perdaient brutalement des dotations : lors de la révision de la DGF, l'écart de dotation entre différentes catégories d'intercommunalités n'était pas forcément juste, c'est-à-dire qu'une communauté de communes avait une dotation largement inférieure par habitant à une métropole ou à une communauté urbaine, sachant qu'il faut défendre le fait qu'il y a des fonctions de centralité qui sont importantes.
Pour que les métropoles gardent leur niveau de dotation, nous avons changé leurs critères. Pour faire simple, afin qu'une intercommunalité ait une dotation de 100, il fallait qu'elle possède par exemple un coefficient d'intégration fiscal de 50 ou 60. Pour avoir 100, avec la réforme de la DGF, la métropole n'avait plus besoin que d'un critère d'intégration de 35 ou de 40. Nous avons donc bien parfois révisé certains aspects.
Je laisse la parole à Jean-Michel Houllegatte.
Je tiens en premier lieu à féliciter les auteurs de ce rapport, qui permet de se poser les bonnes questions. À travers celles-ci, c'est le modèle d'aménagement du territoire que l'on souhaite qui est en jeu. Le scénario auquel nous assistons actuellement, celui du « fil de l'eau » ou du « laisser-faire », est celui de l'hyper-concentration, souvent présentée comme la solution. Nous assistons en matière économique au départ des fonctions tertiaires supérieures d'un certain nombre de pôles locaux comme les préfectures, pour rejoindre les nouvelles préfectures de région, et pour se concentrer dans les métropoles. Nous voyons ainsi disparaître des sièges sociaux, et il nous est dit que c'est le développement du futur. Ce qui m'intéresse dans le rapport, c'est aussi son titre, qui consiste à organiser des dynamiques territoriales, c'est-à-dire qu'il n'y a plus de hiérarchie territoriale, avec d'un côté l'« élite » des organisations territoriales que sont les métropoles et de l'autre les territoires de relégation. C'est pourquoi je n'aime pas le ruissellement, qui suppose un mouvement du haut vers le bas. Sans reprendre la parabole de Lazare qui se contente des miettes de la table du riche, cela veut dire qu'il faut que nous ayons d'autres formes d'organisation.
Dans ce rapport, vous mettez le doigt sur un point qui me semble tout à fait intéressant : la contractualisation, et peut-être avant, la planification. Nous avons les schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII), les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), et il est peut-être intéressant de mettre l'accent dessus, en précisant dans la planification des régionales qu'il ne faut pas oublier qu'il doit y avoir une coopération entre les différentes formes de territoires, parce que les uns et les autres sont complémentaires. Donc, contractualisation oui, planification également, et il me semble intéressant de repenser ou de revisiter l'organisation des relations entre les territoires infrarégionaux.
Dominique, Michelle ou Sylvie, si vous souhaitez intervenir pour répondre, je vous en prie.
Ce n'est pas forcément une réponse à Philippe Dallier ou à Jean-Michel Houllegatte, mais je voulais juste rappeler l'esprit dans lequel nous avons essayé de formaliser ce rapport. Nous ne nous sommes pas placées dans cette notion que certains qualifient de « métropole-bashing », même si le rapport de la Cour des comptes nous semble particulièrement sévère. Comme le disait Philippe, nous pensons que c'est encore prématuré, que les métropoles sont encore jeunes, et que tous les rendez-vous ne peuvent pas être tenus aussi vite. Tout ne doit pas être remis en question et il ne faut pas considérer que les métropoles ont été, dans l'organisation territoriale de notre pays, un échec. Concernant la définition de l'intérêt métropolitain, nous pensons que nous pourrions aider à une meilleure réflexion. L'intérêt métropolitain ne nous semble en effet pas assez identifié, en tout cas pas sur l'ensemble des territoires concernés par une métropole. Il faut peut-être privilégier la souplesse, que l'on trouve dans les territoires, et non pas un retour en arrière, ou un détricotage de ce qui est aujourd'hui avéré et qui marche plus que convenablement sur un certain nombre de territoires métropolitains.
Ce que présente Dominique est extrêmement important. Nous voyons bien en effet la sensibilité de certaines grandes institutions, comme l'Assemblée des communautés de France (ADCF) ou France Urbaine, qui considèrent que, dès que l'on touche, on détricote. Mais nous ne détricotons pas, nous constatons que le tricot précédent était tellement serré, normé et uniformisé que ce qui était vrai ici ne l'était pas là-bas. Dans les préconisations que nous pourrons formulées et qui seront certainement reprises dans 4D, car c'est une position cohérente du Sénat, il ne s'agit pas dire que nous reprenons toutes les compétences obligatoires et que nous obligeons à redéfinir l'intérêt métropolitain. Pas du tout : nous proposons qu'en cas de constatation par la métropole que la totalité d'une compétence a du mal à être exercée, elle ait la possibilité, au moment où elle en aura besoin, de dire que telle compétence relèvera de la commune.
J'ai entendu une remarque hier : tout cela peut se réaliser par le biais de conventions. Mais la responsabilité reste au détenteur de la compétence. Quand la métropole conclut une convention pour déléguer des compétences à une commune, c'est la métropole qui garde la responsabilité. Nous l'avons vu quand nous avons parlé de la compétence « eau et assainissement » dans des communautés de communes où il y a une subdélégation. Nous pouvons prendre comme exemple la communauté Marseille-Aix, totalement atypique mais tout de même intéressante : 205 conventions de délégation correspondent à cet intérêt métropolitain. Si cela était défini ainsi, cela mettrait chacun à l'abri de risques.
Nous donnons donc juste une possibilité. Si les élus ne souhaitent pas l'utiliser, ils ne le font pas. Mais il faut sortir des situations bloquées durant trois ou quatre ans. Le rapport de la Cour des comptes pointe des conventions de délégation qui deviennent illégales et que des préfets refusent d'acter. Les élus sont donc obligés d'inventer. Notre idée est de sécuriser sans lourdeur par la loi. Comme le dit Philippe, les élus sont responsables, nous leur faisons confiance et nous souhaitons leur donner des outils efficaces.
Je souhaitais intervenir pour préciser que ce qui m'a vraiment beaucoup intéressée dans ce rapport est son positionnement absolument pas manichéen. Les métropoles ne sont pas noires et le reste blanc, et la vertu ne se pose pas qu'à l'extérieur des métropoles, même si nous avons vu que le constat est assez nuancé en termes de coopération. L'intérêt est d'être parti des territoires de vie de nos habitants. Il y a une évolution significative de la société en termes de temps, de nouvelles mobilités, de logement. Nous voyons bien que cela va très vite. C'est pour cela que les géographes, les sociologues, les philosophes s'intéressent à ces questions. Aujourd'hui, la coopération territoriale doit se fonder aussi sur l'appréhension de ces nouvelles dispositions qui se font d'abord sur des territoires de vie. Je trouve comme vous que le terme d'hinterland est difficile à traduire et complexe à appréhender, les hinterlands étant très divers en fonction des métropoles et difficilement définissables administrativement : cela peut être un bassin de vie, un département, etc. Ce qui est intéressant, c'est de démontrer que tout le monde a à y gagner, en considérant que les territoires qui composent ces territoires de vie à l'extérieur de la métropole ont une vraie valeur ajoutée qui peut, en termes de coopération, permettre à ce que chacun s'y retrouve.
Effectivement, ce sont des leviers d'incitation, voire d'accompagnement, mais je crois qu'il faut inciter pour permettre une prise de conscience que certaines métropoles, comme nous l'avons dit dans les auditions, ont asséché les territoires alentours. L'idée était de trouver cet équilibre et de montrer que, par des leviers incitatifs, peut-être un peu audacieux comme le disait Françoise, nous pouvions permettre cette prise de conscience que chacun a à y gagner en termes de coopération, et que tous les territoires peuvent avoir une vraie valeur ajoutée par rapport aux autres et pour les autres. C'est un peu la philosophie qui est défendue par ce rapport.
Merci, Sylvie. Tu as raison de dire que ce terme que nous n'aimons pas est un terme de géographe. C'est cet espace de vie qui est très différencié selon les thématiques. Une famille qui a des enfants dans un lycée possède une aire de vie qui n'a rien à voir avec celle d'une personne âgée, mais celle-ci doit parfois aller à l'hôpital.
Nous voyons bien que ces échelles de vie sont des échelles de temps et des échelles de connexion. Nous avons trop souvent raisonné par frontières administratives, en disant que c'est à l'intérieur d'un pré carré administratif que les gens devaient vivre : la frontière est là parce qu'on en a besoin, mais tout cela est très poreux.
Notre idée repose vraiment sur cette notion de gagnant-gagnant. Ceux qui sont autour d'une métropole ont à gagner, tout comme la métropole elle-même.
Les situations sont très différentes selon la structuration urbaine d'un département, par exemple. L'impact métropolitain est très différent dans un département constitué autour d'une grande ville et composé seulement de petites villes et dans un département où l'armature urbaine est plus articulée.
À Lyon, nous avons une adéquation département-métropole. À Aix-Marseille-Provence, nous voyons aujourd'hui des réflexions très intéressantes. Quand vous avez une commune à 100 kilomètres du centre de la métropole, l'exercice, même avec la visioconférence, est un peu compliqué. Quand la métropole possède tous les pouvoirs, à l'exemple de la ville de Marseille, dont beaucoup de compétences sont transférées à la métropole, il est intéressant de s'y attarder.
Encore une fois, la métropole existe et c'est très bien. L'idée est qu'avec ces observations, nous regardions, nous parlions, mais à la fin, ce sont les élus qui sont effectivement responsables.
Lorsque la métropole de Lyon a été créée, il a fallu considérer qu'il y avait deux entités dans le même département : la métropole et le reste. Le préfet avait alors parlé de Rhône résiduel pour nous qui n'étions pas dans la métropole. Vous imaginez le nom, c'est pire qu'hinterland. Donc, mesurons nos propos. Heureusement, cela n'a pas duré trop longtemps, car nous, élus, avons réagi en parlant de Rhône rural, de Rhône vert, ce qui était tout de même plus joli.
La métropole de Lyon a un statut particulier puisqu'elle possède la compétence du département. Le problème qui se pose et qui a été soulevé par les maires des communes composant la métropole est qu'ils n'ont pas voix au chapitre, contrairement à l'époque où la métropole était la communauté urbaine de Lyon. Chacun avait alors sa place à l'intérieur de la gouvernance, ce qui n'est plus le cas maintenant et qui soulève un très gros problème de démocratie.
Il faudra un jour ou l'autre se pencher sur cette question très particulière du statut de la métropole de Lyon.
On parle souvent de la légitimité de la métropole, qui gère aujourd'hui des budgets considérables. En Bretagne, la métropole de Rennes a un budget quasiment équivalent à celui de la région et des compétences très importantes. Nous avons beaucoup entendu dire que l'importance de ces compétences et de ce budget légitimerait une élection au suffrage universel direct. Cela existe par le biais du fléchage, mais il faut le rappeler.
Les propos de Mme Catherine Di Folco sont très intéressants et doivent nous amener à nous interroger. Les communes ne sont pas représentées à la métropole de Lyon en tant que telles.
Voire pire, puisque leurs opposants sont présents, car sur une autre liste. Et voir l'opposant d'un maire siéger à la métropole est ce qu'il y a de plus terrible.
Absolument. C'est extrêmement important : comment peut-on avoir une action publique efficace quand il y a l'opposant du maire dans la métropole ? On marche sur la tête. Si nous sommes favorables à un suffrage universel direct, cela veut dire que l'intercommunalité n'est plus un espace de coopération, mais une collectivité, et dans ce cas, quid de la pertinence d'une survivance des communes ? Nous avons le choix, pour moi, entre deux modèles : l'un consisterait à dire que les communes sont trop nombreuses, trop petites et que pour être intelligent il faut forcément être très grand. L'intercommunalité devient une collectivité, ce qui est un choix. L'autre choix, privilégié en France, est celui de la coopération : l'intercommunalité est alors l'émanation de la commune. Il est fort heureux que ce ne soit pas l'opposition qui soit représentée à l'intercommunalité. Je trouve intéressant que l'on regarde ça à un moment. Aujourd'hui, l'idée du suffrage universel direct n'est plus trop d'actualité, même pour les grandes associations qui y sont traditionnellement favorables. Choisir entre deux modèles n'est pas gênant, mais il faut être lucide sur le résultat.
Le modèle particulier de la métropole de Lyon doit vraiment être étudié. Il faut faire attention à tous les problèmes qui sont posés, que l'on découvre en marchant et qui n'avaient pas été bien étudiés au moment de la loi, notamment par les maires qui composaient à l'époque le Grand Lyon. Je pense que l'on découvre des choses aujourd'hui en termes de fonctionnement qui sont délicates.
En effet, la métropole de Lyon n'est pas un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), puisqu'elle a les compétences du département.
Voilà, chers collègues, merci beaucoup pour ces échanges extrêmement stimulants et intéressants. Merci aux collègues pour leur implication, la qualité de nos relations pendant ce rapport, et merci à vous de ne pas avoir été trop bousculés mais juste stimulés.
Autorisez-vous la publication du rapport ? À part M. Mouiller, qui réfléchit, je crois que tout le monde est d'accord.
La délégation autorise à l'unanimité la publication du rapport.
Nous avons conférence de presse à 11 heures 45. Merci à tous et prochain rendez-vous le 24 juin 2021.
La séance est levée à 11 heures 20.