Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 5 juillet 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ACCIS
  • assiette
  • consolidée

La réunion

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La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport d'information de M. Philippe Marini, rapporteur général, préparatoire au débat d'orientation des finances publiques (DOFP) pour 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Le débat d'orientation des finances publiques est cette année particulièrement crucial.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Jusqu'au programme de stabilité 2010-2013, les programmations de finances publiques n'ont quasiment jamais été respectées. L'objectif du Gouvernement est de ramener le déficit public, de 7,1 points de PIB en 2010, à 5,7 points de PIB en 2011, 4,6 points en 2012, 3 points en 2013 et 2 points en 2014.

Jusqu'à la publication par l'Insee, le 13 mai dernier, de la croissance du PIB du premier trimestre, la prévision de solde public pour 2011 pouvait sembler quelque peu optimiste. Du fait de la forte croissance observée, l'objectif de déficit de 5,7 points de PIB en 2011 voit sa crédibilité renforcée. Les principales incertitudes concernent le déficit à partir de 2012.

Historiquement, le non respect des programmations s'explique par des hypothèses de croissance du PIB trop optimistes, mais également par le dépassement des objectifs de dépenses. Or, le rapport du Gouvernement préalable au présent débat d'orientation des finances publiques confirme un dérapage des dépenses publiques en 2011 : leur montant serait supérieur de 2,5 milliards d'euros à celui ayant servi à élaborer la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (« LPFP 2011-2014 »). Par ailleurs, le montant des dépenses serait supérieur de 7 milliards à celui résultant de l'application de l'article 4 de cette loi. Cet article prévoit en effet que les dépenses publiques ne peuvent être supérieures en 2011 de plus de 6 milliards d'euros à leur montant de 2010. Or, les dépenses ont été en 2010 inférieures de 4,5 milliards d'euros à la prévision. Par conséquent, le plafond de 6 milliards d'euros s'applique à un montant plus faible. La combinaison de ces différents facteurs aboutit à une progression des dépenses par rapport à 2010 qui ne serait pas de 6 milliards comme le prévoit la LPFP, mais de 6 milliards + 2,5 milliards de dérapage + 4,5 milliards dus à l'exécution 2010 meilleure que prévue, soit une augmentation de 13 milliards d'euros (ou 7 milliards de plus que prévu). L'objectif de solde devrait donc être atteint en 2011, mais pas l'objectif de dépenses.

Une incertitude fondamentale pour l'année 2012 est de savoir si les dépenses publiques augmenteront bien de seulement 0,75 % en volume. Dans le cas de l'année 2011, le dérapage attendu de 2,5 milliards d'euros conduirait à une croissance des dépenses publiques de 0,9 % en volume. Mais sans la révision à la hausse de l'hypothèse d'inflation (passée de 1,5 % à 1,8 % dans le programme de stabilité), ce taux serait de 1,2 %.

En ce qui concerne l'effort supplémentaire nécessaire en 2012, il convient de distinguer deux questions :

- celle de l'application de l'article 9 de la LPFP 2011-2014, qui prévoit que les mesures nouvelles sur les recettes de 2012 doivent être d'au moins 3 milliards d'euros, et que le Gouvernement s'est explicitement engagé à respecter ;

- celle de la nécessité éventuelle d'aller au-delà, en matière d'augmentation des recettes et de maîtrise des dépenses. Les commissions des finances des deux Assemblées et la Cour des comptes considèrent en effet que le Gouvernement devrait réaliser un effort supplémentaire de plusieurs milliards d'euros en 2012.

La LPFP 2011-2014 préfigure la règle constitutionnelle à venir : elle comporte, dans son article 9, une trajectoire de mesures nouvelles sur les recettes (au moins 11 milliards d'euros en 2011, et 3 milliards chacune des années suivantes). L'impact en 2012 des mesures votées en loi de finances et en loi de financement de la sécurité sociale initiales pour 2011 permet de réaliser environ 80 % du chemin prévu : 2,4 milliards sur 3. Les deux collectifs de juin 2011 comportent des mesures nouvelles négatives qui dégradent un peu cette performance. Au total, pour atteindre l'objectif 2012 de la LPFP, il est nécessaire de prévoir dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2012 des mesures nouvelles sur les recettes à hauteur d'environ 870 millions d'euros.

Dès lors, la question qui se pose est la suivante : pourra-t-on respecter l'objectif de solde de - 4,6 points de PIB en 2012 ? Et, même si tel était le cas, cet ajustement correspondrait-il à un effort structurel suffisant ? Cela renvoie à la question de la prudence, ou de la neutralité, des hypothèses économiques qui sous-tendent les objectifs de la programmation.

Pour passer d'un déficit de 5,7 % du PIB en 2011 à 4,6 % en 2012, il faut « trouver » 1,1 point de PIB, soit environ 20 milliards d'euros. Selon la décomposition que nous avons effectuée, ces 20 milliards proviendraient, dans le cas de la programmation, pour environ 6 milliards de la conjoncture et du dynamisme des recettes, et 14 milliards de l'effort structurel (et notamment de la maîtrise des dépenses : 11 milliards sur 14). Cependant, si l'on retient pour 2012 une hypothèse de croissance « neutre » de 2 %, correspondant à la croissance potentielle de longue période (et non de 2,25 %, comme celle retenue par la programmation), et une hypothèse d'élasticité des recettes publiques au PIB égale à 1, la contribution de la conjoncture à la réduction du déficit est nulle, et tout doit reposer sur l'effort structurel de 14 milliards d'euros. Dans ce schéma, il « manque » 6 milliards d'euros pour parvenir aux 20 milliards nécessaires.

Ce chiffre est cohérent avec ceux publiés par la Cour des comptes et par la commission des finances de l'Assemblée nationale. Le rapport écrit détaille les différences méthodologiques entre ces approches.

Si, outre l'hypothèse de croissance de 2 %, on suppose également que la programmation est trop optimiste s'agissant de la maîtrise des dépenses, en considérant qu'environ 5 milliards d'euros d'économies restent non documentées, la maîtrise des dépenses contribuera à l'effort structurel non pas pour 11 milliards, mais pour 6 milliards d'euros. Dans ce schéma, il manquerait 11 milliards d'euros pour parvenir aux 20 milliards nécessaires (6 au titre de la conjoncture et 5 au titre de la moindre maîtrise des dépenses). Par conséquent, pour respecter l'objectif de déficit de 4,6 points de PIB en 2012, il faudrait inscrire dans les textes financiers de l'automne prochain entre 6 et 11 milliards d'euros d'économies ou de mesures de recettes supplémentaires.

Après ce cadrage général, qui sera complété par l'analyse de la commission des affaires sociales, il faut se concentrer sur l'examen des seuls éléments du budget 2012 déjà connus au stade du présent débat d'orientation des finances publiques : les plafonds des missions du budget de l'Etat, et donc la norme d'évolution des dépenses de celui-ci.

La budgétisation 2012 respecte la norme de dépenses. De 2011 à 2012, la norme « zéro volume et zéro valeur » est respectée. Les dépenses au sens de la norme élargie s'élèveront à 363,3 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2012 et à périmètre constant, soit 6,2 milliards d'euros et 1,75 % de plus qu'en loi de finances initiale pour 2011. Cette progression étant égale à l'inflation prévisionnelle, la norme « zéro volume » est respectée. Hors charge de la dette et pensions et à champ constant, les dépenses soumises à la norme sont stabilisées à 275,6 milliards d'euros entre 2011 et 2012. La norme « zéro valeur » est également tenue. Par rapport à l'annuité 2012 de la loi de programmation, le respect de l'épure est permis par la baisse des prélèvements sur recettes (- 0,8 milliard d'euros) et de la charge de la dette (- 0,5 milliard d'euros), qui autorise une augmentation à due concurrence des autres dépenses du budget général (+ 1,3 milliard d'euros).

Ces 1,3 milliard d'euros d'économies sont absorbées :

- par des charges de pensions supérieures de 0,4 milliard d'euros à la prévision du budget triennal. Cette révision tient au ressaut d'inflation constaté en 2010 (1,5 % réalisé au lieu de 1,2 % anticipé) et prévu en 2011 (1,75 % au lieu du 1,5 % initialement attendu) ;

- par des dépenses de personnel hors pensions supérieures de 0,3 milliard d'euros à cette même prévision ;

- par des « autres dépenses » dépassant de 0,6 milliard d'euros l'estimation du budget triennal.

Les plafonds par mission sont globalement dépassés de 671 millions d'euros (+ 0,3 %) :

- deux missions affichent une dotation inférieure aux plafonds : « Engagements financiers de l'Etat » (- 376 millions d'euros) et « Economie » (- 31 millions d'euros) ;

- seize missions sont en ligne avec la prévision ;

- onze missions dépassent les plafonds (+ 1 078 millions d'euros).

Les dépassements résultent pour moitié de dépenses inéluctables et pour moitié de dépenses discrétionnaires :

- 545 millions d'euros sont dus à des dépenses inéluctables (interventions de guichets, dépenses indexées sur l'inflation, résorptions de sous-budgétisations) ;

- 533 millions d'euros sont imputables à des décisions discrétionnaires ou à des réformes qui n'apparaissent pas toujours urgentes, et en tout état de cause pas plus urgentes que ne l'est le rétablissement de la situation budgétaire de l'Etat. Cela conduit à s'interroger. Les mesures suscitant ces dépassements de plafond sont-elles importantes au point de justifier que l'on s'affranchisse en partie de la trajectoire de convergence ? Sommes-nous en train de renouer avec le « double langage » ?

Le rapport du Gouvernement préparatoire au présent débat d'orientation des finances publiques prévoit 30 401 suppressions de postes - soit le respect de la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Ces évolutions, combinées aux effets du « gel » du point de la fonction publique en 2011 et en 2012, devraient permettre une « baisse inédite » en valeur de la masse salariale hors pensions, qui fléchirait de 0,2 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2011, à périmètre constant. Cette inflexion est d'autant plus remarquable que, jusqu'à présent, les suppressions d'effectifs n'avaient permis que de ralentir la progression de la masse salariale, sans la diminuer (en 2010, la masse salariale hors pension progressait encore de 0,7 %).

La baisse des dépenses de fonctionnement et d'intervention reste peu tangible. Ces objectifs d'économies (- 10 % sur 2011-2013) sont calculés sur des assiettes étroites : 10,3 milliards d'euros de fonctionnement courant au lieu de 44 milliards d'euros de fonctionnement au sens du titre 3, et 59,5 milliards d'euros d'interventions sur 66 milliards d'euros d'interventions au sens du titre 6. En 2011, les objectifs n'ont pas été tenus : les économies sur les dépenses de fonctionnement et d'intervention ont été de seulement 0,2 et 0,6 milliard d'euros (pour des objectifs de respectivement 0,5 et 0,8 milliard d'euros). Pour 2012, le rapport du Gouvernement préparatoire au présent débat d'orientation des finances publiques ne précise pas les modalités de budgétisation retenues pour tenir ces objectifs.

Il est nécessaire de limiter « l'agencisation de l'Etat », autrement dit, de soumettre les opérateurs de l'Etat à la « toise ». La prohibition de l'endettement des organismes divers d'administration centrale par l'article 12 de la LPFP 2011-2014 a déjà produit des effets vertueux, comme le montre l'exemple des programmes de rénovation immobilière de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). L'objectif de diminution des emplois sous plafond de 1,5 % par an a été tenu en 2011, mais il ne porte que sur 42 % des emplois des opérateurs, en raison de l'exonération des opérateurs de la recherche et de l'enseignement supérieur, et la baisse des emplois sous plafond est plus que compensée par la hausse des emplois hors plafond (+ 23 % en 2010 et + 9 % en 2011). Le respect de l'objectif de 10 % de baisse des dépenses de fonctionnement des opérateurs est invérifiable à ce stade, faute de données agrégées.

Pour discipliner les opérateurs de l'Etat, il faut ouvrir le chantier de la fiscalité affectée. Trente opérateurs principaux dépendant de treize missions budgétaires se voient affecter, en 2011, 8,7 milliards d'euros de recettes fiscales (+ 7 % entre 2009 et 2011). Les affectations ont de nombreux effets pervers : elles incitent les opérateurs à thésauriser ou à rendre leurs dépenses aussi dynamiques que leurs ressources ; elles soumettent l'Etat à la tentation d'externaliser la dépense budgétaire vers les opérateurs « prospères » pour mieux tenir sa propre norme ; elles contreviennent au principe d'universalité budgétaire, nuisent à l'analyse consolidée des moyens consacrés à une politique publique et affaiblissent l'autorisation parlementaire sur les recettes et les dépenses. Il faut donc revenir sur ces mécanismes de « sanctuarisation » - comme dans le cas de la rebudgétisation du financement du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) -, qui tendent à constituer autant de « baronnies ».

Il serait utile de prévoir dans la loi que si une recette affectée dépasse un certain montant, le supplément de recettes est reversé au budget général de l'Etat. La commission a ainsi adopté, lors de l'examen du récent projet de loi de finances rectificative, un amendement tendant notamment à instaurer un prélèvement annuel sur les recettes du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), égal à 10 % du montant des ressources affectées à cet organisme. J'ai toutefois dû retirer cet amendement en séance publique.

Les lois financières initiales pour 2011 comportent des dispositions qui accentuent l'imbrication entre les finances de l'Etat et celles de la sécurité sociale. Les deux collectifs du mois de juin dernier comportent également des dispositions en ce sens. Il est utile de revenir, « à froid », sur ces évolutions complexes, avant la préparation des lois financières pour 2012. La réforme des retraites a été financée par un « panier » de recettes affecté à l'Etat, qui reverse une fraction de TVA à l'assurance maladie, laquelle reverse à son tour au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) le produit de la contribution additionnelle à la contribution sociale de solidarité des sociétés et une partie du forfait social. En conséquence de la réforme du financement de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), la branche famille reverse à celle-ci une fraction de cotisation sociale généralisée (CSG) et perçoit en contrepartie le produit des mesures « assurances » de la loi de finances initiale pour 2011. La prime de partage de la valeur ajoutée est créée par le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011, mais se traduira surtout par d'importantes pertes de recettes fiscales pour l'Etat. Le projet de loi de finances rectificative pour 2011 comporte un dispositif d'indemnisation des victimes du Médiator, qui pourrait avoir une incidence sur les dépenses de l'assurance maladie via la dotation à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). Enfin, il faut mentionner la suppression de la compensation automatique des allègements de charges dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, qui suscite un risque de non compensation intégrale pour la sécurité sociale, mais entraîne également la disparition de mouvements complexes et neutres sur le solde maastrichtien.

Ce manque d'intelligibilité pourrait poser de réels problèmes. La seule bonne solution serait de fusionner les parties recettes des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il faut davantage fiscaliser la sécurité sociale, en remplaçant au moins partiellement les cotisations sociales par des recettes de TVA.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je remercie le rapporteur général pour cette belle contribution au débat. A la veille d'échéances électorales importantes, cette présentation sans concession est fidèle à notre philosophie et à notre vocation d'éclaireur de la vie publique.

J'ai rencontré récemment un élu mayennais qui s'était entretenu avec les maires de communes allemande et britannique jumelées à sa ville. Il en a tiré la conclusion que Français, Anglais et Allemands ne vivaient probablement pas dans le même monde, et que les mesures d'économies drastiques prises par nos voisins étaient sans commune mesure avec les nôtres. Nous n'avons pas amorcé la réduction des dépenses et nous sommes à la veille des vrais arbitrages.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Je souhaite enrichir la réflexion du rapporteur général en tenant la « main courante » de toutes les nouvelles dispositions que nous votons et qui accroissent nos dépenses. J'avais, il y a peu, attiré l'attention du ministre du budget sur les conséquences qu'aurait sur les budgets locaux la proposition de loi en navette sur les sapeurs pompiers volontaires. J'ai fait procéder à des simulations qui montrent que ce texte engendrera une augmentation de 50 % de la dépense de retraite de ces personnels dans mon département !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Dans le même esprit, j'ai appris récemment que le label de scène nationale était retiré aux structures pour lesquelles il était dépensé moins de 2,5 millions d'euros par an. Cela n'encourage guère à être économe. Nous sommes chez les fous...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Heureusement que nous permettrons au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) de faire quelques économies. Quel sens y a-t-il à localiser cet établissement au coeur de Paris ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Le rapporteur général l'a souligné, beaucoup d'interrogations persistent, sur 2011 comme sur 2012, qui sera l'année de tous les dangers. Je regrette qu'il n'ait pas davantage fait place à la question de la dépense fiscale, dont de récents articles de presse montrent qu'elle est très dynamique, notamment outre-mer. Lorsque notre commission avait consacré des travaux à ces questions, le Gouvernement nous avait annoncé un rapport pour la fin du mois de juin : où est-il ? Ce sont des informations dont nous devrions disposer pour un débat d'orientation des finances publiques !

S'agissant du solde public, je remarque que les collectivités territoriales ont contribué à son amélioration pour 800 millions d'euros en 2010. Par ailleurs, on a coutume de considérer qu'un point de déficit public en moins entraîne 0,5 point de moindre croissance. Compte tenu des incertitudes qui pèsent sur l'hypothèse de croissance en 2012, un pilotage fin s'impose !

Le rapporteur général déplore les effets pervers des affectations aux opérateurs, mais l'Etat signe des contrats d'objectifs et de moyens avec eux, dans lesquels il suffirait d'inscrire des règles plus contraignantes.

Enfin, je souhaiterais connaître le chiffrage du coût pour l'Etat de la mesure dite de « prime de partage de la valeur ajoutée ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

L'inflation risque de majorer la charge de la dette en 2012 ; il conviendra d'être attentif à cette question, et ce d'autant plus que les modalités de comptabilisation de la charge d'indexation sont assez subtiles : elles sont inscrites pour ordre dans le tableau de financement de l'Etat, sans donner réellement lieu à décaissement budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je souhaite également connaître les conséquences qu'aura l'inflation en 2012, à l'heure où l'OCDE annonce un indice des prix en hausse de 3,2 % au mois de mai dans la zone. Le rapporteur général regrette que les économies de fonctionnement et d'intervention soient mal documentées : qu'en a dit Bruxelles ? Il estime également que, pour l'heure, le respect des objectifs d'économies assignés aux opérateurs de l'Etat est invérifiable. Quelle est donc la portée de l'exercice auquel nous nous livrons ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

La Cour des comptes certifie bien les comptes tout en déplorant les défaillances des systèmes d'information financière et comptable !

S'agissant du texte sur les sapeurs pompiers, la dépense supplémentaire pourrait avoisiner 400 millions d'euros pour les collectivités territoriales, et la semaine dernière, j'ai dû déclarer une quinzaine d'amendements irrecevables sur un texte relatif à l'exercice du mandat local ! Je ne suis pas fanatique de l'article 40...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

mais nous avons collectivement un problème d'addiction à la dépense ! Les conférences sur les déficits avaient annoncé des économies de fonctionnement et d'intervention de 10 %. Quand on les examine dans le détail, on s'aperçoit que c'est impossible... Il faudrait que nous-mêmes puissions dire quels sont les crédits que nous allons comprimer !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Les collectivités locales ne votent que très rarement des exonérations fiscales ! Et ici, en tant que sénateurs, certains de nos collègues en demandent ! Gelons ces exonérations !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

De surcroît, ce sont souvent les mêmes personnes qui votent les exonérations en tant qu'élus nationaux et les subissent en tant qu'élus locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

N'y a-t-il pas un conflit d'intérêt entre mandat national et mandat local ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ce sont des rôles différents qui ne se jouent pas sur la même scène...

Je suis en mesure d'apporter quelques éléments de réponse aux questions posées par nos collègues. Je renvoie Nicole Bricq au rapport d'information de la commission sur la méthodologie d'évaluation des dépenses fiscales. Il est vrai que nous aurions dû disposer d'un rapport de l'inspection générale des finances sur cette question, mais il semble qu'il ait pris du retard ! Je ne me suis pas appesanti sur la dépense fiscale en 2012 dans mon exposé, mais vous trouverez des développements sur ce sujet dans le rapport écrit. En tout état de cause, il va falloir accroître l'effort et la réduction des niches est un gisement d'économies ! On nous avait prédit une catastrophe après la réduction de l'avantage fiscal sur l'emploi à domicile... je constate qu'elle ne s'est pas produite. Je persiste à croire que le rabot doit être le plus large possible : si la contrainte n'est pas partout, elle n'est nulle part !

S'agissant du bon dosage entre résorption du déficit et encouragement de la croissance, personne ne dispose de la vérité révélée. Ce qui est certain, c'est qu'un écart trop important par rapport à la trajectoire affaiblirait la confiance des investisseurs. Le point de basculement entre confiance et défiance n'est pas chiffrable, mais la sanction serait immédiate et, en définitive, préjudiciable à la croissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

De votre question, madame Bricq, faut-il déduire que pour obtenir cinq points de croissance, il faille faire dix points de déficit supplémentaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je n'ai pas dit cela, il faut à la fois rétablir les comptes publics et soutenir la reprise qui s'amorce !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Compte tenu des fondamentaux de notre économie, il y a de quoi s'inquiéter...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

La prime de partage de la valeur ajoutée devrait coûter environ 600 millions d'euros à l'Etat, faire économiser environ 300 millions d'euros à la Sécurité sociale et avoir un impact négatif d'environ 300 millions d'euros sur le solde des administrations publiques. Dans ces conditions, et à titre personnel, je m'abstiendrai sur le projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale.

Mes dernières réponses intéressent le solde des administrations publiques locales, pour lesquelles la programmation n'est pas exagérément optimiste (avec une prévision de déficit de 0,2 points de PIB en 2011 et en 2012). S'agissant des opérateurs, il n'est pas certain que la modification des contrats de performance suffise à endiguer la progression des ressources affectées, celles-ci étant régies par la loi. L'inflation aura bel et bien un effet expansionniste sur les prestations indexées, les pensions et la charge de la dette.

Enfin, en réponse aux observations de François Marc, je précise que nos remarques sur le caractère insuffisamment documenté des mesures d'économies du Gouvernement avaient été reprises par la Commission européenne, et que le commissaire Semeta avait salué la qualité de nos travaux, auxquels la Commission prête la plus grande attention. Nous nous efforcerons, dans le questionnaire budgétaire relatif au projet de loi de finances pour 2012, d'obtenir les détails que l'on ne nous fournit pas spontanément... selon l'adage « Cachez ce sein que l'on ne saurait voir ! ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

C'est une forme de pudeur...

A l'issue de ce débat, la commission, à l'unanimité, donne acte de sa communication à M. Philippe Marini, rapporteur général, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

La commission examine ensuite, en application de l'article 73 quinquies, alinéa 3, du Règlement, le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur, sur la proposition de résolution européenne n° 580 rectifié (2010-2011), présentée par M. Pierre Bernard-Reymond, au nom de la commission des affaires européennes, sur la directive du Conseil concernant une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) (E 6136).

EXAMEN DU RAPPORT

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le 16 mars dernier, la Commission européenne a présenté une proposition de directive concernant une assiette commune et consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS). Nous avions évoqué cette proposition lors de nos déplacements du printemps, notamment à La Haye et à Bruxelles. A l'excellente initiative de notre collègue Pierre Bernard-Reymond, la commission des affaires européennes du Sénat a adopté, le 7 juin dernier, une proposition de résolution portant sur cette proposition de directive. Il faut se féliciter de l'occasion qui est donnée au Parlement français, notamment au Sénat, de s'exprimer sur cette question, alors même que plus de la moitié des Parlements nationaux se sont déjà exprimés sur la proposition de la Commission européenne, que cela soit pour la soutenir ou pour la critiquer.

Saisie au fond, votre commission examine la proposition de résolution rédigée par la commission des affaires européennes. Elle peut l'amender et le texte qu'elle adoptera deviendra la résolution du Sénat sous un délai de trois jours à moins qu'un débat en séance publique ne soit demandé.

L'idée d'une assiette commune pour l'impôt sur les sociétés n'est pas nouvelle. Il s'agit même d'un vieux serpent de mer de la Commission européenne qui, semble-t-il, a été évoqué pour la première fois en 1962. Elle revient sur le devant de la scène, poussée tout à la fois par la Commission européenne et par le Conseil européen.

Toutefois, ces deux institutions ne poursuivent pas exactement les mêmes objectifs. Le Conseil européen, dans le cadre du « Pacte pour l'euro Plus », a invité les Etats membres à une « coordination pragmatique des politiques fiscales », élément nécessaire à une « coordination renforcée des politiques économiques dans la zone euro ». Il s'agit de lutter contre une concurrence fiscale déloyale qui peut se révéler coûteuse pour les ressources budgétaires des Etats, notamment dans un contexte de crise de la dette. La Commission européenne, quant à elle, vise à renforcer le marché intérieur, alors même que le paysage fiscal européen apparaît aujourd'hui fragmenté. Une telle fragmentation empêcherait les entreprises de profiter pleinement de la liberté d'établissement. En effet, les investissements réalisés dans d'autres pays de l'Union européenne (UE) impliquent de supporter des coûts de mise en conformité aux règles fiscales des autres Etats membres, des coûts inhérents aux phénomènes de double imposition, ainsi que des coûts résultant de l'impossibilité de compenser les bénéfices réalisés dans un Etat avec les pertes subies dans un autre.

Après plusieurs échecs, la Commission européenne a créé un groupe de travail ACCIS qui s'est réuni entre 2004 et 2008, aboutissant à l'élaboration de la proposition de directive qui nous est transmise.

Il convient tout d'abord de préciser que l'ACCIS est une assiette optionnelle. En effet, les entreprises ont le choix d'opter pour ACCIS. Deux catégories d'entreprises coexisteraient alors, selon qu'elles optent pour ce régime ou non. Il s'agirait par conséquent d'un vingt-huitième régime d'impôt sur les sociétés (IS), existant en parallèle de ceux des vingt-sept Etats membres. A ce titre, la Commission européenne estime qu'une ACCIS obligatoire n'aurait pas été conforme au principe de subsidiarité, argument que nous sommes en droit de contredire. En outre, cette nouvelle assiette est commune : les entreprises calculent l'assiette imposable à l'IS de l'ensemble de leurs établissements ou filiales dans l'UE sur la base de règles communes. Néanmoins, la définition de cette assiette est sujette à débat, notamment en ce qui concerne les règles d'amortissement qui nous paraissent simplistes. Par ailleurs, l'assiette est consolidée. Cela implique que soit faite la somme arithmétique de l'ensemble des pertes et profits réalisés au sein de l'UE afin d'établir le résultat fiscal imposable. Cet aspect du dispositif est sans doute le plus important dans la mesure où la consolidation permet d'éliminer la « double imposition économique » et de contourner les problèmes liés aux prix de transfert : les transactions intragroupes ne sont pas prises en compte dans le calcul du résultat fiscal. Dans de telles conditions, peut-on croire que les groupes qui rapatrient leurs bénéfices dans les Etats à la fiscalité plus favorable opteront pour l'assiette consolidée ? Enfin, la proposition de directive prévoit que le bénéfice fiscal des groupes soumis à l'ACCIS ne serait déclaré qu'auprès de l'administration fiscale de l'Etat membre où est installée la société mère.

Une fois consolidée, l'assiette doit être répartie entre les membres du groupe et imposée au taux applicable dans leur Etat d'établissement. En effet, l'harmonisation proposée par la Commission européenne ne concerne que l'assiette et aucunement les taux. Par suite, la proposition de directive établit une clef de répartition reposant sur trois facteurs, chacun affecté d'une pondération égale à un tiers : la main d'oeuvre, le chiffre d'affaires et les immobilisations.

Ces critères de répartition paraissent a priori favorables aux Etats industriels et défavorables aux Etats dont l'économie serait essentiellement tournée vers l'immatériel.

Le facteur « chiffre d'affaires » repose sur le principe de la « vente par destination ». A ce titre, le chiffre d'affaires est localisé dans l'Etat membre où le bien a été livré, à condition toutefois que le groupe concerné y détienne un établissement. Ainsi, si d'autres possibilités d'optimisation ne subsistaient pas, le principe de la « vente par destination » pourrait ouvrir des perspectives intéressantes en matière de re-territorialisation de l'assiette imposable résultant du commerce électronique. Les profits de Google ne s'échapperaient plus vers l'Irlande...

Quels impacts macroéconomiques pouvons-nous attendre de l'adoption de la directive ? L'étude d'impact réalisée par la Commission européenne tend à montrer que sa proposition aurait pour conséquence de « rendre » 3 milliards d'euros aux entreprises à raison de :

- 700 millions d'euros au titre de la diminution des coûts de mise en conformité ;

- 1 milliard d'euros du fait des économies réalisées lors d'investissements transfrontaliers ;

- 1,3 milliard d'euros du fait de la consolidation des bénéfices et des pertes.

Mais, on peut estimer que, dans le même temps, les Etats membres subiraient, collectivement, une perte de recettes fiscales d'au moins 1,3 milliard d'euros. La Commission européenne explique que ces recettes n'ont pas lieu d'être dans le marché intérieur car elles n'existeraient pas dans un contexte purement national. Elles résultent de situations de double imposition ou de surimposition.

La directive aurait toutefois pour effet de stimuler l'investissement transfrontalier mais aussi l'investissement direct étranger dans l'Union européenne. D'après la Commission européenne, son adoption pourrait se traduire par une hausse du PIB positive mais faible, de l'ordre de 0,02 % à 0,06 %. Néanmoins, ces chiffres doivent être pris avec la plus grande circonspection, les modèles de prévision utilisés n'étant pas assez fins pour appréhender tous les effets dynamiques qu'entraînerait la mise en oeuvre de l'ACCIS.

En ce qui concerne la France, les premières simulations laissent penser qu'elle serait gagnante tant d'un point de vue économique que de celui des finances publiques. L'ACCIS pourrait stimuler notre compétitivité fiscale en nous permettant d'afficher un taux plus faible que le taux nominal de 33,1/3 %, étant précisé que nous pourrions disposer de deux taux, l'un pour l'ACCIS, l'autre pour notre assiette nationale. Compte tenu de l'ensemble des critères de localisation extra-fiscaux que nous pouvons faire valoir, la France pourrait pleinement bénéficier d'une hausse de l'investissement.

Par ailleurs, la clef de répartition de l'assiette imposable devrait conduire à une augmentation de nos rentrées fiscales. Par exemple, le facteur « chiffre d'affaires » nous est favorable compte tenu de la forte consommation française, du principe de la « vente par destination » et de notre démographie.

Malheureusement, il ne s'agit pour l'instant que de supputations non chiffrées mais le Gouvernement nous a indiqué que la direction générale du Trésor s'était attachée à réaliser des simulations.

Au-delà de ces aspects séduisants, nous devons relever que plusieurs questions restent en suspens. Ainsi, force est de constater que de nombreuses imprécisions demeurent dans le texte présenté par la Commission européenne, en particulier s'agissant des concepts comptables. Or l'imprécision en matière fiscale conduit inexorablement à l'optimisation et à la perte de recettes budgétaires.

De même, l'adoption de l'ACCIS nous conduirait à forger, à vingt-sept, une doctrine et une jurisprudence fiscales propres. Cela serait d'autant plus nécessaire que la directive prévoit un système de guichet unique géré par les administrations fiscales nationales. Or tout point de divergence entre elles sera à nouveau source de difficultés pour les entreprises ou une opportunité d'échapper à l'impôt !

Enfin, je relève que la directive n'élimine pas, loin de là, toute possibilité de concurrence fiscale. En premier lieu, chaque pays resterait libre de fixer ses propres taux et même de fixer un taux pour l'ACCIS et un pour son assiette fiscale nationale. Au total, il pourrait donc exister jusqu'à 54 taux normaux dans l'UE, voire plus si l'on compte les taux dérogatoires, par exemple pour les PME. En second lieu, les réductions et les crédits d'impôt, qui portent sur l'impôt dû et non sur l'assiette, seraient compatibles avec la directive. Le crédit d'impôt recherche (CIR) sous sa forme actuelle pourrait tout à fait être maintenu dans le cadre de l'ACCIS.

Toutes ces raisons me conduisent à suggérer une approche plus mesurée que celle de la Commission européenne. A ce jour, près d'un tiers des Parlements nationaux ont fait valoir leur opposition à la proposition de la Commission, soit par hostilité de principe à l'idée d'une harmonisation en matière fiscale (Royaume-Uni, Irlande, notamment), soit en raison des risques de déplacement de matière fiscale préjudiciables à leurs recettes. Nous savons, au vu des récents débats sur la territorialisation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), combien il est difficile de territorialiser une assiette dont le mode de calcul repose sur des facteurs qui ne sont pas localisés.

La coexistence de deux assiettes et d'au moins deux taux dans chaque Etat ne serait pas réellement une simplification administrative. L'assiette consolidée est au surplus illusoire car les entreprises qui exploitent le mieux aujourd'hui la combinaison des législations nationales n'opteront jamais pour l'ACCIS.

Par conséquent, serait-il réaliste - et même opportun - de réaliser une assiette consolidée au niveau de l'Union européenne ? Il me semble également que le Gouvernement français n'a pas intérêt à s'isoler de ses partenaires en défendant un projet - certes qui nous est favorable - au risque de faire échouer toute discussion sur ces sujets.

Ne faudrait-il mieux pas tenter de se mettre d'accord sur une règle commune pour le calcul de l'assiette d'IS ? En un mot, de disposer d'une assiette unique et obligatoire d'IS dans l'UE. Le « Pacte pour l'euro Plus » que je citais au début de ma présentation fait référence à une « assiette commune » et non pas à « une assiette commune et consolidée ».

Il me semble que la Commission a cherché à relativiser l'hostilité de principe des Etats les plus anglo-saxons par l'intérêt que trouveraient certaines très grandes entreprises à cette proposition. Il ne faut pas s'y tromper, l'approche de la Commission n'est pas seulement technique mais bien politique.

Pour ma part, j'estime qu'il faut disposer d'un seul et même thermomètre pour comparer les taux d'IS de telle sorte que la concurrence se poursuive de manière disciplinée dans le cadre d'un système qui soit le plus neutre possible.

L'assiette commune et obligatoire procurerait d'ores et déjà des gains substantiels pour les entreprises en éliminant une partie des coûts de mise en conformité.

En revanche, l'adoption d'une assiette commune ne règlerait pas la question des prix de transfert intra-européen, ni celle de l'imposition des bénéfices résultant du commerce électronique. Sur ces deux voies, l'Union européenne devrait pouvoir progresser sans pour autant recourir à une assiette consolidée d'IS.

S'agissant des prix de transfert, je note que l'absence de coopération entre administrations fiscales conduit à la fois à des abus et à des doubles impositions. Il serait souhaitable que la Commission sensibilise plus encore les Etats à ce sujet et s'engage dans la voie ou, à tout le moins, encourage une coordination administrative plus approfondie pour que les optimisations liées à une insuffisante maîtrise des prix de transfert perdent un peu de terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je vous remercie de cette présentation sur un beau projet qui néanmoins, en l'état, me semble largement relever de la chimère.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Le projet d'ACCIS est une histoire ancienne mais ne semble pas pour autant près d'aboutir. Il eut été regrettable que le Parlement français, notamment le Sénat, ne se prononce pas sur cette proposition de directive. La commission des affaires européennes a voté la proposition de résolution qui vous a été transmise à l'unanimité, malgré quelques remarques formulées lors des débats, portant notamment sur le caractère facultatif de l'ACCIS et sur le fait qu'il était institué un vingt-huitième régime d'impôt sur les sociétés. A cet égard, le rapporteur a bien souligné toutes les difficultés restant à résoudre lors des négociations ultérieures, même si un aboutissement rapide de celles-ci n'est pas à espérer.

Il est nécessaire de s'interroger sur la pertinence d'un tel projet. A ce titre, il convient d'être pragmatique ; c'est pourquoi, sous réserve de ce qui a été avancé par le rapporteur, il est souhaitable de donner un avis favorable sur la suite de la négociation. Toutefois, les simulations réalisées par la Commission européenne demeurent insuffisamment précises. Cette dernière explique que la diminution des recettes fiscales, induite par l'instauration de l'ACCIS dans certains pays, pourrait être compensée par une légère hausse des taux. La hausse potentielle des taux ainsi avancée devrait faire l'objet d'une analyse plus approfondie par la Commission afin de s'assurer qu'il ne s'agit pas, dans les faits, d'une politique relative aux taux d'imposition. Une telle perspective provoque chez certains de nos partenaires européens des craintes quant à un lissage éventuel des écarts de taux et l'institution d'un « serpent fiscal », à l'image du « serpent monétaire européen », même si cette évolution peut être souhaitée par d'autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

La fin du « dumping » fiscal n'est pas envisageable à courte échéance dans l'Union européenne. A ce titre, lors du déplacement de notre commission à Bruxelles, il avait été souligné que le projet d'ACCIS visait plus à permettre une simplification en faveur des entreprises qu'à lutter contre le « dumping » fiscal. L'ACCIS ne permet en rien l'instauration d'un impôt unique européen, qui semblait pourtant envisagé voici une dizaine d'années.

J'estime que la proposition comporte deux défauts majeurs : le régime prévu est optionnel et n'institue pas de taux minimal, contrairement à ce qui existe pour la TVA.

Par ailleurs, l'ACCIS était supposée faire disparaître les niches fiscales ; qu'en est-il réellement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Le mérite de la proposition de directive est de marquer une volonté d'avancer sur un sujet important. De surcroît, il apparaît que la collaboration entre la commission des affaires européennes et la commission des finances est particulièrement fructueuse. L'invocation du principe de subsidiarité par la Commission européenne est éclairante : elle met en évidence le fait que la proposition de directive constitue une tentative de mutualisation des politiques fiscales des Etats membres, et non de mise en place d'une politique fiscale européenne à proprement parler. Il en résulte un système complexe et inabouti, voire inapplicable, qui reste au donc milieu du gué. Toutefois, un tel projet va dans le bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Il est nécessaire d'appréhender la dimension tactique de la proposition de directive. Afin de rendre celle-ci acceptable par tous, écarter la question des taux était impératif. En outre, un accord à vingt-sept Etats membres n'était pas envisageable si l'ACCIS n'était pas optionnelle. Enfin, la Commission européenne souhaitait maintenir un possible recours à la coopération renforcée en cas de désaccord de certains Etats. Ces options tactiques induisent de la complexité. C'est pourquoi, il doit être trouvé un juste équilibre entre la stratégie consistant à rendre le projet acceptable et la volonté de présenter un dispositif raisonnablement complexe.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il faut prendre garde à ne pas « jeter le bébé avec l'eau du bain ». Le projet d'ACCIS comporte de nombreuses qualités et doit permettre un renforcement du marché intérieur, notamment en instituant une concurrence fiscale plus saine. Il répond à la nécessité pour un marché de disposer d'une information neutre, sincère et homogène. Dès lors, l'instauration d'une assiette commune est un objectif louable. Son caractère consolidé et optionnel est toutefois plus discutable, décevant même. Les discussions intervenues avec les responsables de la direction générale de la fiscalité de la Commission européenne lors du déplacement de notre commission à Bruxelles ont, à cet égard, révélé qu'un changement d'orientation était intervenu. Une telle évolution a certainement résulté d'une prise de conscience par la Commission qu'un soutien de la part des groupes multinationaux était nécessaire pour faire avancer ce projet.

A notre collègue Nicole Bricq, je souhaiterais dire que le projet d'ACCIS doit bien faire disparaître certaines niches fiscales mais pas toutes les niches. Certes, les niches « d'assiette », tels que les régimes dérogatoires concernant les amortissements, les provisions ou bien les charges déductibles, sont éliminées. Cependant, demeurent les niches portant sur le paiement de l'impôt : les crédits d'impôt, notamment le crédit d'impôt recherche, ou encore les réductions d'impôt. Il faut aussi rappeler que les objectifs du Conseil européen et de la Commission européenne sont différents. Le Conseil, suivant sans doute une inspiration franco-allemande, tend vers une convergence des politiques fiscales. La Commission, quant à elle, est guidée par une approche microéconomique, encline à faire bénéficier les entreprises de simplifications et de moindres coûts, notamment afin d'attirer les investissements dans l'Union européenne.

Pierre Bernard-Reymond évoquait les coopérations renforcées, mécanisme qui implique la participation d'au moins neuf Etats membres et l'accord unanime du Conseil de l'Union européenne. A ce titre, ma proposition consiste à ce que soit relancée la négociation autour de la notion d'assiette commune, si nécessaire à partir d'une coopération renforcée.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

L'amendement n° 1 a deux parties : la première est rédactionnelle et la seconde tend à ajouter une référence au « Pacte pour l'euro Plus » dans lequel les Etats membres s'engagent à une « coordination pragmatique des politiques fiscales ». Il convient de souligner notre volonté de poursuivre la convergence des politiques en matière de fiscalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Une telle mention pourrait constituer un repoussoir pour les pays hostiles à une convergence des politiques fiscales et particulièrement des taux d'imposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il n'est pas demandé d'engagements supplémentaires à des Etats qui ont déjà souscrits au « Pacte pour l'euro Plus ».

L'amendement n° 1 est adopté à l'unanimité.

La résolution fait un parallèle avec la « société européenne » ; malheureusement, la mise en place de cette dernière n'a pas rencontré le succès escompté. C'est pourquoi, une référence à la « société européenne » paraît peu valorisante. L'amendement n° 2 propose sa suppression de la proposition de résolution. Néanmoins, je m'en remets à l'appréciation de votre commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Cela n'engage à rien...

L'amendement n° 2 est retiré.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

L'amendement n° 3 rappelle que la proposition de directive ACCIS ferait inévitablement perdre aux Etats membres des ressources fiscales. Cette perte serait d'autant plus grande que le régime est optionnel puisque seules les entreprises y ayant intérêt feraient le choix d'opter pour l'ACCIS.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Il serait nécessaire de pouvoir estimer cette perte de recettes fiscales, notamment parce que celle-ci peut entraîner une hausse des taux...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Légère !

La perte de recettes s'élèvera à au moins 1,3 milliard d'euros. Cependant, nous ne disposons pas d'éléments sur la répartition de cette perte entre les Etats membres. Une demande de précision sur ce point a été adressée au ministère en charge du budget qui ne semble pas en mesure d'apporter des réponses pour le moment.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

La suppression des niches fiscales devrait compenser ces pertes de recettes...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Je suis réservée quant au fait de préciser que la proposition de directive ACCIS ferait inévitablement perdre aux Etats membres des ressources fiscales, dès lors que de nombreuses incertitudes entourent l'évaluation de la perte de recettes et surtout les pays concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il s'agit d'une perte de ressources publiques pour l'ensemble des Etats européens s'ils ne relèvent pas leurs taux.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

S'il n'est pas institué de taux minimal, la directive conduira nécessairement à ce qu'il y ait des gagnants et des perdants. Je ne suis pas favorable à l'amendement et ce d'autant plus que la proposition de directive peut conduire à la suppression de niches fiscales.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il n'est pas possible d'amender la directive dont nous sommes saisis.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Ne serait-il pas opportun de rectifier l'amendement et d'ajouter que notre commission s'interroge sur l'impact de la proposition de directive ainsi que sur la répartition de cet impact entre les Etats.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Dès lors que l'adoption de la directive doit conduire à la suppression de niches fiscales, pourquoi est-il prévu une diminution des recettes fiscales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Parce que l'ACCIS est optionnelle : les entreprises sont des agents économiques rationnels et choisiront la situation la plus conforme à leurs intérêts.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Tout laisse à penser qu'aucune entreprise n'optera pour ce régime qui élargit l'assiette et supprime des niches fiscales.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En réalité, l'ACCIS n'est pas dénuée de tout intérêt pour des entreprises à qui il est ouvert un nouvel espace d'optimisation, notamment par la localisation des pertes et des profits réalisés. Mais peut-être est-il possible de rectifier l'amendement et de préciser que la proposition de directive ACCIS risquerait de se traduire par une perte de recettes publiques.

L'amendement n° 3 ainsi rectifié est adopté.

La proposition de directive ACCIS n'a pas pour objet d'harmoniser les taux d'imposition. Ceux-ci doivent demeurer de la pleine et entière souveraineté des Etats membres. L'amendement n° 4 rappelle toutefois que la zone euro ne sera viable à long terme que si les structures économiques et fiscales des Etats membres convergent. Par ailleurs, il proposé de supprimer l'alinéa 13 relatif aux conséquences de la proposition de directive sur le taux d'IS français. En effet, la France, comme tous les Etats membres, resterait libre de fixer deux taux d'IS, l'un pour l'assiette nationale, l'autre pour l'ACCIS. Ainsi, la proposition de directive n'aura pas pour résultat de conduire à une diminution du taux actuel de 33,1/3 %. Cet alinéa semble superfétatoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

En effet, l'alinéa 13 contredit les observations faites précédemment.

L'amendement n° 4 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

L'amendement n° 5 souligne tout d'abord les inquiétudes de la plupart de nos partenaires vis-à-vis de la proposition de la Commission européenne, compte tenu des pertes de ressources fiscales qu'elle est susceptible de causer. A ce titre, il convient de regretter qu'elle ne soit pas accompagnée par des simulations plus précises sur la taille et la répartition de l'assiette imposable entre les différents Etats membres, compte tenu des caractéristiques de leur tissu économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bernard-Reymond

Cet amendement est contradictoire avec l'amendement n° 3 rectifié qui précise que la proposition de directive ACCIS risquerait de se traduire par une perte de recettes publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En effet, il conviendrait de modifier le présent amendement et de supprimer la mention faite aux inquiétudes de la plupart de nos partenaires vis-à-vis de la proposition de directive, compte tenu des pertes de ressources fiscales qu'elle est susceptible de causer.

L'amendement n° 5 ainsi rectifié est adopté.

Le texte de la proposition de directive se réfère à plusieurs notions qui ne sont pas suffisamment précises. Par conséquent, en vue d'éviter toute possibilité d'optimisation, l'amendement n° 6 vise à ce que la Commission européenne et les Etats membres poursuivent le travail technique sur la définition de l'assiette imposable. Par ailleurs, compte tenu de la réticence de nombreux Etats membres à progresser dans la voie de l'adoption d'une assiette commune et consolidée d'impôt sur les sociétés, le présent amendement invite le Gouvernement français à défendre l'idée d'une assiette commune, obligatoire mais non consolidée. L'assiette commune aurait vocation à se substituer aux vingt-sept assiettes existantes dans l'Union. En conséquence, faute d'une assiette consolidée, l'épineuse question de l'encadrement des prix de transfert doit devenir une priorité pour l'Union européenne, tant pour les transactions à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Union.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Dans la mesure où chaque Etat peut maintenir ses propres taux d'imposition, il semble difficile de lutter efficacement contre les pratiques d'optimisation fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Un renforcement du contrôle et de l'encadrement des prix de transfert constituerait déjà une avancée notable.

L'amendement n° 6 est adopté.

La proposition de résolution est alors adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission, le groupe socialiste s'abstenant.

Enfin, la commission examine les amendements du Gouvernement au texte n° 694 (2010-2011) de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011 (M. Philippe Marini, rapporteur général).