La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux (texte de la commission n° 644 rectifié, rapport n° 643).
La parole est à Mme la rapporteure.
Monsieur le président, mes chers collègues, la semaine dernière, nous sommes parvenus à un accord unanime au sein de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.
Nous pouvons nous féliciter de cet accord, qui est inédit à plusieurs titres : il s’agit du premier texte de loi sur l’influence commerciale examiné et voté en France comme en Europe ; cette initiative parlementaire a bénéficié d’un authentique consensus politique et du soutien du Gouvernement ; enfin, cette proposition de loi répond aux attentes fortes de nos concitoyens et à leur demande de protection face aux fraudes, aux arnaques, à la promotion de faux traitements médicaux au trading douteux, bref, à ce qui est aujourd’hui perçu comme un Far West de la consommation, dans lequel les plus vulnérables sont ciblés et l’impunité semble demeurer la règle.
Dans un contexte de fortes dénonciations des pratiques d’influenceurs peu scrupuleux, et face à l’agitation médiatique suscitée par les déclarations de diverses personnalités publiques, le Sénat a tenu à travailler en toute indépendance, en entendant toutes les parties prenantes, sans stigmatisation ni préjugés.
Nous avions deux objectifs : mieux comprendre le secteur de l’influence commerciale, afin de déterminer le niveau de régulation adéquat pour une activité commerciale en plein développement, et offrir aux internautes et consommateurs, notamment aux plus jeunes d’entre eux, un niveau de protection suffisant. Le Sénat a été particulièrement ambitieux sur ce point.
En tant que rapporteure pour la commission des affaires économiques, je m’étais donné une feuille de route que je puis aujourd’hui me féliciter d’avoir tenue.
Ce texte devrait permettre aux autorités publiques de mieux réguler l’activité d’influence commerciale. Une définition consensuelle de cette notion a été trouvée, assez vaste pour englober tous les influenceurs commerciaux, quels que soient les bénéfices et contreparties qu’ils reçoivent en échange de leurs publications, tout en distinguant leur activité des autres formes de publicité plus traditionnelles.
Ces influenceurs seront désormais obligés d’afficher le caractère publicitaire ou commercial d’une publication, en indiquant clairement les mentions « publicité » ou « collaboration commerciale », afin d’éviter la publicité dissimulée et de lutter plus efficacement contre les pratiques commerciales trompeuses.
L’objectif est clair : inciter les influenceurs à faire preuve de plus de sincérité dans leurs publications et envers leur communauté.
Nous avons aussi opté pour la prise en compte de la situation des influenceurs résidant à l’étranger, qui s’adressent à un public français tout en demeurant hors de notre cadre légal national. La coopération avec les autorités administratives et judiciaires devrait être simplifiée : les acteurs concernés seront tenus de désigner un représentant légal au sein de l’Union européenne à cette fin. C’est un acquis du Sénat dont nous pouvons nous féliciter.
Un cadre légal défini représente une avancée importante, mais il doit être respecté. Pour cela, nous avons insisté sur la nécessité d’asseoir les moyens de contrôle des autorités régulatrices.
L’action des pouvoirs publics devra ainsi être consolidée par le renforcement des pouvoirs de police administrative de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et par l’accroissement des moyens d’action de l’Autorité des marchés financiers (AMF), concernant, en particulier, les promotions d’offres illicites sur les réseaux sociaux. Dans ce Far West de la consommation, les shérifs sont multiples et doivent être dotés des outils nécessaires pour mener à bien leur travail. Nous y veillerons dès le prochain projet de loi de finances.
Ce texte clarifie le cadre légal applicable, dans une démarche pédagogique à l’égard des acteurs de l’influence commerciale, en expliquant sans stigmatiser, afin de soutenir le développement d’un secteur économique encore récent et pourtant bien imbriqué dans notre économie à différents niveaux.
Il était indispensable de ne pas pénaliser, par exemple, les acteurs du commerce en ligne ou la filière française des crypto-actifs. Les corrections apportées par le Sénat sur ces sujets ont toutes été conservées.
Enfin, ce texte permet, de manière inédite et significative, de renforcer la protection des consommateurs, des internautes, des épargnants, de nos jeunes et de la santé publique.
C’était là l’une de mes principales priorités, et toutes les contributions de la commission en ce sens ont été conservées et adoptées. J’ai en particulier à l’esprit l’interdiction de la promotion des conseils ou prestations de pronostics sportifs, l’obligation d’afficher une mention d’interdiction aux personnes de moins de 18 ans pour promouvoir des jeux d’argent et de hasard, l’obligation d’afficher la mention « images virtuelles » lorsqu’il y a eu recours à un procédé d’intelligence artificielle, …
… ainsi que l’interdiction de la promotion de l’abstention thérapeutique.
Il me semble que les régimes d’interdiction, de régulation et de sanction contenus dans cette proposition de loi sont désormais bien équilibrés. Pour toutes ces raisons, je voterai ce texte avec enthousiasme.
Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, comme j’ai eu l’occasion de le dire nuitamment à vos collègues de l’Assemblée nationale, mes propos seront brefs : merci de l’engagement des parlementaires et bravo pour la qualité de ce travail !
Il y a quelques mois, des parlementaires de différents groupes politiques exprimaient leur souhait de travailler ensemble sur l’encadrement de l’influence commerciale.
Dans le même temps, Bruno Le Maire lançait une vaste concertation, offrant un cadre de travail pour réfléchir avec les acteurs du secteur sur les besoins de cet écosystème en évolution.
Deux députés que rien ne rassemblait commençaient ainsi à élaborer une proposition de loi dans ce qu’ils appelaient leur « bulle de paix ».
Il y a quelques semaines, le Sénat accueillait ce texte dans le même état d’esprit. Ce travail conjoint a permis de donner naissance à une proposition de loi précise, ambitieuse et sans précédent en Europe.
Sans entrer dans le détail de ce texte, tâche dont Mme la rapporteure s’est acquittée à l’instant, je me réjouis des débats que celui-ci a suscités, tant au Parlement qu’au sein du public, lesquels ont permis à tous nos concitoyens, notamment aux 150 000 Français exerçant une activité d’influence commerciale, de prendre la mesure de ce phénomène. Les acteurs concernés disposent désormais d’un cadre clair, qui leur permet d’exercer leur profession en toute sécurité juridique.
À cette fin, je vous fais une proposition, qui bien sûr ne contrevient en rien à l’encadrement de l’influence commercial : mettons rapidement à jour, à l’aune des contributions de votre texte, le guide de bonne conduite qui a été présenté à la fin du mois de mars dernier à Bercy. Ainsi, les influenceurs pourront trouver des informations complètes et précises dans un seul et même document.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, au nom de Bruno Le Maire et en mon nom propre, je tenais à vous remercier de la qualité des échanges et de l’état d’esprit constructif, tant sur la forme que sur le fond, qui a permis à cet excellent travail, porté par les parlementaires, d’aboutir à une régulation équilibrée de l’influence commerciale.
Applaudissements au banc des commissions. – MM. Bernard Buis et Serge Babary applaudissent également.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte, en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
TITRE Ier
De la nature de l’activité d’influence commerciale par voie électronique et des obligations afférentes à son exercice
Chapitre Ier
Dispositions générales relatives à l’activité d’influence commerciale par voie électronique
Les personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public par voie électronique des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d’une cause quelconque exercent l’activité d’influence commerciale par voie électronique.
I. – L’article L. 7124-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° À la fin du 5°, les mots : « de partage de vidéos » sont remplacés par les mots : « en ligne au sens du i de l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) » ;
2° À la fin de la première phrase du dernier alinéa, les mots : « de partage de vidéos » sont remplacés par les mots : « en ligne mentionnée au 5° du présent article ».
II. – La loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa du I de l’article 3 et au premier alinéa de l’article 4, les mots : « de partage de vidéos » sont remplacés par les mots : « en ligne au sens du i de l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques) » ;
1° bis À la première phrase du IV de l’article 3 et au 2° de l’article 4, les mots : « partage de vidéos » sont remplacés par les mots : « en ligne au sens du i de l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité » ;
2° L’article 3 est complété par un V ainsi rédigé :
« V. – Le contrat unissant l’annonceur, la personne exerçant une activité d’influence commerciale par voie électronique, au sens de l’article 1er de la loi n° … du … visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, ou le représentant légal de cette personne lorsque celle-ci est mineure est soumis à l’article 2 bis de la même loi. »
III. – Au premier alinéa de l’article 15-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les mots : « de partage de vidéos » sont remplacés par les mots : « en ligne, au sens du i de l’article 3 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques), ».
Chapitre II
Dispositions spécifiques relatives à la promotion de biens et de services dans le cadre de l’activité d’influence commerciale par voie électronique
Section 1
Des interdictions de promotion relatives à certains biens et services
Les dispositions législatives, réglementaires et prévues par des règlements européens relatives à la diffusion par voie de services de communication au public en ligne de la publicité et de la promotion des biens et des services sont applicables à l’activité d’influence commerciale définie à l’article 1er. Un décret en Conseil d’État précise, en tant que de besoin, les modalités d’application du présent article.
Sont notamment applicables à l’activité d’influence commerciale par voie électronique :
1° Le règlement (CE) n° 1924/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires ;
2°
Supprimé
3° Les articles L. 2133-1, L. 3323-2 à L. 3323-4, L. 3512-4 à L. 3512-5, L. 3513-4, L. 5122-1 à L. 5122-16, L. 5213-1 à L. 5213-7 et L. 5223-1 à L. 5223-5 du code de la santé publique ;
4° Le 9° de l’article L. 121-4 et les articles L. 222-16-1 et L. 222-16-2 du code de la consommation ;
5° Les articles L. 341-1 à L. 341-17 du code monétaire et financier ;
6° Les articles L. 333-10 et L. 333-11 du code du sport.
La promotion de boissons avec ajouts de sucres, de sel ou d’édulcorants de synthèse ou de produits alimentaires manufacturés par les personnes mentionnées à l’article 1er de la présente loi est soumise aux dispositions prévues à l’article L. 2133-1 du code de la santé publique.
Lorsque l’activité définie à l’article 1er de la présente loi est réalisée par une personne âgée de moins de seize ans, l’employeur est soumis à la loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.
I. – Est interdite aux personnes exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique toute promotion, directe ou indirecte, des actes, procédés, techniques et méthodes à visée esthétique mentionnés à l’article L. 1151-2 du code de la santé publique, et des interventions mentionnées à l’article L. 6322-1 du même code.
I bis A. –
Supprimé
I bis. – Est interdite aux personnes exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique toute promotion, directe ou indirecte, de produits, actes, procédés, techniques et méthodes présentés comme comparables, préférables ou substituables à des actes, protocoles ou prescriptions thérapeutiques.
I ter. – Est interdite aux personnes exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique toute promotion, directe ou indirecte, des produits considérés comme produits de nicotine pouvant être consommés et composés, même partiellement, de nicotine.
I quater
II. – Est interdite pour les personnes exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique la promotion, directe ou indirecte, des services, offres, produits et activités suivants :
1° Les produits et services financiers suivants :
a) Les contrats financiers définis à l’article L. 533-12-7 du code monétaire et financier ;
b) La fourniture de services sur actifs numériques, au sens de l’article L. 54-10-2 du même code, à l’exception de ceux pour la fourniture desquels l’annonceur est enregistré dans les conditions prévues à l’article L. 54-10-3 dudit code ou agréé dans les conditions prévues à l’article L. 54-10-5 du même code ;
c) Les offres au public de jetons, au sens de l’article L. 552-3 du même code, sauf lorsque l’annonceur a obtenu le visa prévu à l’article L. 552-4 dudit code ;
d) Les actifs numériques, à l’exception soit de ceux liés à des services pour la fourniture desquels l’annonceur est enregistré dans les conditions prévues à l’article L. 54-10-3 du même code ou agréé dans les conditions prévues à l’article L. 54-10-5 du même code, soit dans le cas où l’annonceur n’entre pas dans le champ des articles L. 54-10-3 et L. 54-10-5 du même code ;
2° et 3°
Supprimés
Les manquements aux dispositions du présent II sont passibles des sanctions prévues au cinquième alinéa de l’article L. 222-16-1 et à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 222-16-2 du code de la consommation.
II bis. –
Supprimé
II ter. – Est interdite aux personnes exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique toute promotion, directe ou indirecte, en faveur d’abonnements à des conseils ou à des pronostics sportifs, sous peine de la sanction prévue à l’article L. 132-2 du code de la consommation.
III. – Les communications commerciales par voie électronique réalisées par les personnes mentionnées à l’article 1er de la présente loi relatives aux jeux d’argent et de hasard définis aux articles L. 320-1 et L. 320-6 du code de la sécurité intérieure sont autorisées uniquement sur les plateformes en ligne offrant la possibilité technique d’exclure de l’audience dudit contenu tous les utilisateurs âgés de moins de dix-huit ans et si ce mécanisme d’exclusion est effectivement activé par lesdites personnes.
Ces communications commerciales sont accompagnées d’une mention signalant l’interdiction dudit contenu aux moins de dix-huit ans. Cette mention est claire, lisible et identifiable, sur l’image ou sur la vidéo, sous tous les formats, durant l’intégralité de la promotion.
Les mécanismes d’exclusion prévus au présent III sont conformes à un référentiel élaboré par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique après consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Les contrats de promotion avec les opérateurs de jeux d’argent et de hasard comportent une clause par laquelle les personnes définies à l’article 1er de la présente loi attestent avoir pris connaissance des lois et des règlements applicables aux communications commerciales relatives aux jeux d’argent et de hasard et s’obligent à les respecter.
Les manquements aux dispositions du présent III sont passibles de l’amende prévue à l’article L. 324-8-1 du code de la sécurité intérieure.
III bis. – Après le 2° de l’article L. 6323-8-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Est également interdite toute vente ou offre promotionnelle d’un produit ou toute rétribution en échange d’une inscription à des actions mentionnées à l’article L. 6323-6. »
IV. – La violation des dispositions du présent article est punie de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende, sous réserve des sanctions prévues à l’article L. 132-2 du code de la consommation, au cinquième alinéa de l’article L. 222-16-1 du code de la consommation, à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 222-16-2 du même code, au dernier alinéa de l’article L. 6323-8-1 du code du travail et à l’article L. 324-8-1 du code de la sécurité intérieure.
Est également encourue la peine d’interdiction, définitive ou provisoire, suivant les modalités prévues à l’article 131-27 du code pénal, d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ou l’activité d’influence commerciale par voie électronique définie à l’article 1er de la présente loi.
V. –
Supprimé
VI
« 32° Du II de l’article 2 B de la loi n° … du … visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. »
(Supprimé)
Section 2
Des obligations d’information afférentes à la promotion de certains biens et services
I. – La promotion de biens, de services ou d’une cause quelconque réalisée par les personnes mentionnées à l’article 1er doit être explicitement indiquée par la mention « Publicité » ou la mention « Collaboration commerciale ». Cette mention est claire, lisible et identifiable sur l’image ou sur la vidéo, sous tous les formats, durant l’intégralité de la promotion.
L’absence d’indication de la véritable intention commerciale d’une communication, réalisée dans les conditions prévues au premier alinéa du présent I par les personnes mentionnées à l’article 1er de la présente loi, constitue une pratique commerciale trompeuse par omission au sens de l’article L. 121-3 du code de la consommation.
La violation des dispositions prévues au présent I est punie de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende, dans les conditions prévues aux articles L. 132-1 à L. 132-9 du code de la consommation.
I bis. – Les contenus communiqués par les personnes mentionnées à l’article 1er de la présente loi comprenant des images ayant fait l’objet :
1° D’une modification par tous procédés de traitement d’image visant à affiner ou à épaissir la silhouette ou à modifier l’apparence du visage sont accompagnés de la mention : « Images retouchées » ;
2° D’une production par tous procédés d’intelligence artificielle visant à représenter un visage ou une silhouette sont accompagnés de la mention : « Images virtuelles ».
Les mentions figurant au présent I bis sont claires, lisibles et identifiables sur l’image ou sur la vidéo, sous tous les formats, durant l’intégralité du visionnage.
II. – Lorsque la promotion est réalisée par les personnes mentionnées à l’article 1er de la présente loi et porte sur l’inscription à une action de formation professionnelle mentionnée à l’article L. 6313-1 du code du travail, financée par un des organismes mentionnés à l’article L. 6316-1 du même code, la mention prévue au I du présent article comporte les informations liées au financement, aux engagements et aux règles d’éligibilité associés, à l’identification du ou des prestataires responsables de cette action de formation ainsi que du prestataire référencé sur le service dématérialisé mentionné à l’article L. 6323-9 du code du travail.
II bis et III à V. –
Supprimés
VI. – La violation des dispositions prévues aux I bis à II du présent article est punie d’un an d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende.
VII. – Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État.
(Supprimé)
Les personnes mentionnées à l’article 1er de la présente loi dont l’activité est limitée à la seule commercialisation de produits et qui ne prennent pas en charge la livraison de ces produits, celle-ci étant réalisée par le fournisseur, sont responsables de plein droit à l’égard de l’acheteur au sens de l’article 15 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
Ces personnes communiquent à l’acheteur les informations prévues à l’article L. 221-5 du code de la consommation, ainsi que l’identité du fournisseur, et s’assurent de la disponibilité des produits et de leur licéité, notamment du fait qu’il ne s’agit pas de produits contrefaisants.
Chapitre III
Dispositions générales relatives à l’activité d’agent d’influenceur, aux contrats d’influence commerciale par voie électronique, à la responsabilité civile solidaire et à l’assurance civile professionnelle
Section 1
(Division supprimée)
I. – L’activité d’agent d’influenceur consiste à représenter, à titre onéreux, les personnes physiques ou morales exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique définie à l’article 1er avec des personnes physiques ou morales et, le cas échéant, leurs mandataires, dans le but de promouvoir, à titre onéreux, des biens, des services ou une cause quelconque.
II. – Les personnes exerçant l’activité définie au I du présent article prennent toutes les mesures nécessaires pour garantir la défense des intérêts des personnes qu’ils représentent, pour éviter les situations de conflit d’intérêts et pour garantir la conformité de leur activité à la présente loi.
I. – Le contrat passé entre une personne physique ou morale exerçant l’activité d’influence commerciale définie à l’article 1er par voie électronique et une personne physique ou morale exerçant l’activité d’agent d’influenceur définie à l’article 2 ou l’activité d’annonceur ou, le cas échéant, leurs mandataires est, sous peine de nullité, rédigé par écrit et comporte notamment les mentions et les clauses suivantes :
1° Les informations relatives à l’identité des parties, à leurs coordonnées postales et électroniques ainsi qu’à leur pays de résidence fiscale ;
2° La nature des missions confiées ;
3° S’agissant de la contrepartie perçue par la personne exerçant l’activité définie à l’article 1er, la rémunération en numéraire ou les modalités de sa détermination, le cas échéant la valeur de l’avantage en nature ainsi que les conditions et les modalités de son attribution ;
4° Les droits et les obligations qui incombent aux parties, le cas échéant, notamment en termes de droits de propriété intellectuelle ;
5° La soumission du contrat au droit français, notamment au code de la consommation, au code de la propriété intellectuelle et à la présente loi, lorsque ledit contrat a pour objet ou pour effet de mettre en œuvre une activité d’influence commerciale par voie électronique visant notamment un public établi sur le territoire français ;
6°
Supprimé
II
III. – L’annonceur, le cas échéant son mandataire, et la personne exerçant l’activité définie à l’article 1er et, le cas échéant, l’activité définie à l’article 2 sont solidairement responsables des dommages causés aux tiers dans l’exécution du contrat d’influence commerciale qui les lie.
I A. – Lorsqu’elles exercent l’activité définie à l’article 1er et qu’elles ne sont pas établies sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne, de la Confédération suisse ou de l’Espace économique européen, les personnes morales ou les personnes physiques exerçant une activité indépendante sous le statut défini aux articles L. 526-6 à L. 526-21 du code de commerce ou aux articles L. 526-22 à L. 526-26 du même code désignent par écrit une personne morale ou physique pour assurer une forme de représentation légale sur le territoire de l’Union européenne.
La personne désignée pour assurer une forme de représentation légale est chargée de garantir la conformité des contrats ayant pour objet ou pour effet la mise en œuvre d’une activité d’influence commerciale par voie électronique visant notamment un public établi sur le territoire français. Cette personne est également chargée de répondre, en sus ou à la place des personnes mentionnées au premier alinéa du présent I A, à toutes les demandes émanant des autorités administratives ou judiciaires compétentes visant à la mise en conformité avec la présente loi.
Les personnes mentionnées au même premier alinéa donnent à la personne ainsi désignée les pouvoirs nécessaires et les ressources suffisantes pour garantir une coopération efficace avec les autorités compétentes pour se conformer à la présente loi.
Les personnes mentionnées audit premier alinéa communiquent, sur demande, aux autorités administratives compétentes le nom, l’adresse postale, l’adresse de courrier électronique et le numéro de téléphone de la personne ainsi désignée en application du même premier alinéa.
Cette désignation ne constitue pas un établissement dans l’Union européenne.
I et II. –
Supprimés
III. – Est tenue de souscrire, auprès d’un assureur établi dans l’Union européenne, une assurance civile garantissant les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle la personne exerçant l’activité définie à l’article 1er qui est établie en dehors de l’Union européenne, de la Confédération suisse ou de l’Espace économique européen lorsque cette activité vise, même accessoirement, un public établi sur le territoire français.
IV. – Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État.
TITRE II
DE LA RÉGULATION DES CONTENUS PUBLIÉS PAR LES PERSONNES EXERÇANT L’ACTIVITÉ D’INFLUENCE COMMERCIALE PAR VOIE ÉLECTRONIQUE ET DES ACTIONS DE SENSIBILISATION DES JEUNES PUBLICS
Chapitre Ier
De la régulation des contenus diffusés par les personnes exerçant l’activité d’influence commerciale par voie électronique
I. – Après l’article 6-4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, il est inséré un article 6-4-1 ainsi rédigé :
« Art. 6 -4 -1. – I. – Les fournisseurs de services d’hébergement mettent en place des mécanismes permettant à toute entité ou à tout particulier de leur signaler la présence au sein de leur service d’éléments d’information spécifiques que le particulier ou l’entité considère comme du contenu illicite, y compris au regard de la loi n° … du … visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, dans les conditions prévues à l’article 16 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques).
« Les fournisseurs de services intermédiaires mettent à la disposition du public des rapports sur leurs éventuelles activités de modération des contenus dans les conditions prévues à l’article 15 du règlement précité.
« II. –
Supprimé
II. – Le présent article entre en vigueur à la date d’application prévue à l’article 93 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité.
I. – Après l’article 6-4 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, il est inséré un article 6-4-2 ainsi rédigé :
« Art. 6 -4 -2. – I. – Les fournisseurs de plateformes en ligne prennent les mesures nécessaires pour veiller à ce que les notifications soumises par des signaleurs de confiance soient traitées prioritairement, dans les conditions prévues à l’article 22 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques).
« Le coordinateur pour les services numériques compétent attribue le statut de signaleur de confiance aux entités qui remplissent les conditions fixées par l’article 22 du règlement précité et qui agissent notamment contre la violation des dispositions de la loi n° … du … visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, du code de la consommation, du code de la santé publique ou du code de la propriété intellectuelle.
« II. – (Supprimé) »
II. – Le présent article entre en vigueur à la date d’application prévue à l’article 93 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité.
I. – Après l’article 6-5 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, il est inséré un article 6-6 ainsi rédigé :
« Art. 6 -6. – I. – Les fournisseurs de services intermédiaires prennent les mesures nécessaires pour donner suite, dans les meilleurs délais, aux injonctions d’agir émises par les autorités judiciaires ou administratives nationales compétentes, dans les conditions prévues aux articles 9 et 10 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (règlement sur les services numériques).
« Les autorités nationales compétentes mettent à disposition des fournisseurs de services intermédiaires, au moins tous les six mois, la liste des sites internet faisant la promotion de biens ou de services considérés comme illicites au regard de la loi n° … du … visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.
« II. –
Supprimé
II. – Le présent article entre en vigueur à la date d’application prévue à l’article 93 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 précité.
Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° L’article L. 521-1 est complété par huit alinéas ainsi rédigés :
« Toute injonction prononcée en application du présent article peut être assortie d’une astreinte journalière ne pouvant excéder un montant de 3 000 euros.
« Le total des sommes demandées au titre de la liquidation de l’astreinte ne peut excéder 300 000 euros.
« Lorsque l’infraction constatée est passible d’une amende d’au moins 75 000 euros, l’astreinte prononcée en application du présent article peut être déterminée en fonction du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos de la personne morale contrôlée, sans pouvoir excéder 0, 1 % de celui-ci.
« Le total des sommes demandées au titre de la liquidation de l’astreinte ne peut excéder 5 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos. Si l’injonction est adressée à une personne morale dont les comptes ont été consolidés ou combinés en application des dispositions applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de la personne morale consolidante ou combinante.
« L’injonction précise le montant de l’astreinte journalière encourue.
« L’astreinte journalière court à compter du jour suivant l’expiration du délai imparti au professionnel pour déférer à l’injonction.
« En cas d’inexécution totale ou partielle ou d’exécution tardive, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut procéder, dans les conditions prévues à l’article L. 522-5, à la liquidation de l’astreinte.
« Elle tient compte, pour déterminer le montant total de l’astreinte liquidée, des circonstances de l’espèce. » ;
2° L’article L. 521-2 est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« En cas d’inexécution par le professionnel de la mesure de publicité prévue au premier alinéa du présent article dans le délai imparti, l’autorité administrative peut le mettre en demeure de publier la décision sous peine d’une astreinte journalière de 150 euros à compter de la notification de la mise en demeure et jusqu’à publication effective.
« L’autorité administrative chargée de la concurrence peut procéder à la liquidation de l’astreinte dans les mêmes conditions et suivant les mêmes modalités que celles définies à l’article L. 521-1.
« Le montant total des sommes demandées au titre de la liquidation de l’astreinte ne peut excéder 50 000 euros.
« Lorsque l’injonction mentionnée au même article L. 521-1 est assortie d’une astreinte, elle peut faire l’objet, en cas d’inexécution totale ou partielle ou d’exécution tardive, d’une mesure de publicité, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Dans ce cas, le professionnel est informé, lors de la procédure contradictoire préalable au prononcé de l’injonction, de la nature et des modalités de la mesure de publicité encourue. La publicité est effectuée aux frais du professionnel qui fait l’objet de l’injonction. »
I. – L’article L. 621-13-5 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
A. – Le I est ainsi modifié :
1° Au 1°, après le mot : « opérateurs », sont insérés les mots : « et les personnes physiques ou morales » ;
2° Après le même 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Les opérateurs offrant des services d’investissement ou de gestion de placements collectifs en ligne non agréés en application de l’article L. 532-9 et n’entrant pas dans le champ d’application des articles L. 532-20-1 à L. 532-21-3 ; »
3° Au 2°, les mots : « de titres financiers » sont remplacés par les mots : « d’instruments financiers au sens de l’article L. 211-1 » ;
4° Après le 6°, sont insérés des 7° et 8° ainsi rédigés :
« 7° Les opérateurs fournissant une activité de conseil au sens de l’article L. 541-1 qui ne respectent pas les conditions mentionnées aux articles L. 541-2 à L. 541-7 ;
« 8° Les personnes physiques ou morales faisant la promotion en ligne d’offres prévues aux 1° à 7° du présent article. » ;
5° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi rédigée : « La mise en demeure rappelle les sanctions encourues par les opérateurs mentionnés aux mêmes 1° à 7° et par les personnes mentionnées au 8° au titre des chapitres II et III du titre VII du livre V et du II du présent article. » ;
b) À la seconde phrase, le mot : « huit » est remplacé par le mot : « cinq » ;
B. – À la seconde phrase du II, le mot : « huit » est remplacé par le mot : « cinq » ;
C. – Le premier alinéa du III est ainsi modifié :
1° Après le mot : « fond, », sont insérés les mots : « aux fins d’ordonner » ;
2° Sont ajoutés les mots : « ou la cessation de toute promotion en ligne d’offres prévues aux 1° à 7° du I du présent article ».
II. – Le chapitre II du titre VII du livre V du code monétaire et financier est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Promotion d’offres d’investissement en ligne
« Art. L. 572 -28. – Le fait pour toute personne de promouvoir une offre d’investissement en ligne méconnaissant l’une des interdictions prescrites aux articles L. 573-1, L. 573-7, L. 573-9, L. 573-12, L. 573-15, L. 572-23, L. 572-24, L. 572-27 et L. 573-8 est puni d’un an d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. »
I. – Les opérateurs de plateforme en ligne adoptent un protocole d’engagements visant à favoriser la collaboration entre l’État et lesdits opérateurs dans le secteur de l’influence commerciale, qui a notamment pour objet :
1° De favoriser la mise à disposition du public, en lien avec les autorités publiques et les organismes d’autorégulation, de toute information utile portant sur les droits et les devoirs des personnes exerçant les activités définies aux articles 1er et 2 et visant à prévenir tout manquement aux dispositions de la présente loi ;
1° bis De favoriser la mise à disposition du public, en lien avec les autorités publiques et les organismes d’autorégulation, de toute formation utile à destination des personnes exerçant les activités définies aux mêmes articles 1er et 2 et visant à prévenir tout manquement aux dispositions de la présente loi ;
2° De favoriser auprès de leurs utilisateurs le signalement de tout manquement aux règles sectorielles commis par les personnes exerçant l’activité définie à l’article 1er ;
3°
Supprimé
II
Chapitre II
Des actions de sensibilisation du public face aux contenus relevant de l’influence commerciale par voie électronique
(Supprimé)
Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation comportant notamment des éléments relatifs à l’évolution :
1° De l’application de la présente loi ;
2° Des compétences et des moyens financiers et humains des autorités administratives contribuant à la régulation de l’influence commerciale, en particulier la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, de l’Autorité des marchés financiers, de l’Autorité nationale des jeux et de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ;
3° Du périmètre du régime d’interdiction de la promotion et de la publicité de certains biens et services prévu à l’article 2 B ;
4° Du périmètre du régime d’encadrement spécifique de la promotion et de la publicité de certains biens et services prévu à l’article 2 C.
(Supprimé)
Les dispositions prévues au sein des articles 3, 3 bis, 4 et 4 ter de la présente loi entrent en vigueur à une date qui ne peut être antérieure à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer le dispositif législatif lui ayant été notifié comme conforme au droit de l’Union européenne.
Nous allons maintenant examiner l’amendement déposé par le Gouvernement.
Sur les articles 1er à 2 A, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Après le mot :
consultation
insérer les mots :
de l’Autorité nationale des jeux et
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Le présent amendement tend à compléter l’article 2 B, pour inclure l’Autorité nationale des jeux (ANJ) au sein du processus d’élaboration par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) du référentiel que devront respecter les mécanismes mis en place par les plateformes, afin de soustraire les publics mineurs aux publicités relatives aux jeux d’argent et de hasard.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’ANJ est le principal acteur public chargé de la régulation de ce secteur d’activité. Il est donc utile de prévoir sa consultation au sein de l’article 2 B, afin de bénéficier de son expertise sur le sujet.
Sur les articles 2 CA à 9, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Le vote est réservé.
Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement du Gouvernement, je vais donner la parole, pour explication de vote, à un représentant par groupe.
La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Applaudissements au banc des commissions.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire conclusive concernant la proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux nous permet enfin de fixer précisément le cadre dans lequel la profession encore naissante d’influenceur va devoir évoluer.
Sans porter de jugement moral sur ce métier, dont les praticiens respectent dans leur grande majorité les règles actuellement en vigueur, nous devons admettre que l’absence de cadre clair a donné lieu à des pratiques qui ont choqué nos concitoyens.
Cela étant, en légiférant de cette manière, nous ne stigmatisons pas les influenceurs. Au contraire, nous permettons la restauration de la confiance dans ce secteur, qui a connu des déboires importants ces derniers mois.
Le Gouvernement, singulièrement le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, s’est déjà saisi de cette question afin de protéger les consommateurs, et je tiens ici à saluer le travail effectué par la DGCCRF.
Nous mettons aujourd’hui en place un cadre précisant les droits et les devoirs des 150 000 influenceurs français tout en protégeant les consommateurs. Rappelons que, chaque année, plus de 40 millions de nos compatriotes effectuent au moins un achat en ligne.
La confiance n’exclut pas le contrôle : les influenceurs, ainsi que le secteur dans son ensemble, ne pourront que bénéficier d’un tel assainissement.
Cette proposition de loi transpartisane avait pour mission de résoudre l’équation suivante : comment encadrer et accompagner l’évolution d’une activité économique en pleine expansion, quoi que l’on en pense, s’exerçant dans notre monde, lequel est, qu’on le veuille ou non, ultraconnecté ?
Si des ajustements seront sans doute nécessaires en fonction des évolutions très rapides du secteur dans les années à venir, nous avons trouvé un bon équilibre à l’issue de la commission mixte paritaire.
Tout d’abord, la définition de l’influenceur retenue me paraît claire ; elle utilise des critères compréhensibles de tous : quiconque mobilisant « à titre onéreux » sa « notoriété auprès de [son] audience pour communiquer au public par voie électronique des contenus visant à faire la promotion […] de biens, de services ou d’une cause quelconque exerce l’activité d’influence commerciale. »
La définition de l’activité d’agent d’influenceur, affinée en commission mixte paritaire, me semble fondamentale à bien des égards : elle permet d’introduire un représentant sécurisant l’influenceur comme les annonceurs recourant à ses services.
De plus, grâce à la suppression de la notion de « mise en relation », nous évitons les effets délétères d’une définition trop large. Nous reconnaissons ainsi leur rôle, alors que la structuration du secteur semble actuellement passer par une organisation cavalière des agents et des agences d’accompagnement des influenceurs.
Ensuite, la précision des règles applicables, notamment les rappels formulés à l’article 2 A, ainsi que les interdictions spécifiques à l’influence commerciale, définies à l’article 2 B, viennent répondre aux imprécisions et aux angles morts que quelques influenceurs malhonnêtes ont pu exploiter, aux dépens de leur audience.
Je ne mentionnerai pas toutes ces interdictions, mais j’en retiendrai deux : d’une part, celle qui concerne la promotion de la chirurgie esthétique, alors que de plus en plus de jeunes y ont recours ; d’autre part, celle qui s’attache à la promotion de l’abstinence thérapeutique, à une époque où la parole des médecins est remise en question par des ignares à forte notoriété en ligne, dans le pays même de Pasteur.
Enfin, avec ce texte, nous renforçons l’information du consommateur : la réglementation à venir protégera la jeunesse des publicités agressives pour les jeux d’argent, tandis que l’obligation d’apposer des mentions telles que « publicité » ou « collaboration commerciale » permettra de mettre les points sur les i.
(Sourires.) Le groupe RDPI votera donc en faveur du texte issu de la commission mixte paritaire.
Applaudissements au banc des commissions.
Mes chers collègues, cette proposition de loi transpartisane apporte la preuve qu’il est possible de construire un consensus dans l’intérêt des Français… §
La parole est à M. Rémi Cardon, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous, membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, nous réjouissons de l’aboutissement de cette proposition de loi lancée par notre collègue socialiste à l’Assemblée, M. Arthur Delaporte, ainsi que par M. Stéphane Vojetta. Nous tenons à saluer de nouveau leur travail et la démarche transpartisane qui a caractérisé l’élaboration de ce texte.
À l’issue de cette séance, les associations de victimes, de consommateurs, de protection de la santé, de lutte contre la contrefaçon et contre les addictions disposeront enfin d’un cadre sur lequel s’appuyer pour combattre plus activement les dérives de l’influence commerciale. En effet, en encadrant l’activité des influenceurs, nous protégeons mieux les consommateurs.
Face à l’influence croissante des créateurs de contenus, en particulier auprès des jeunes, nous avons souhaité répondre aux préoccupations légitimes suscitées par certaines dérives, telles que la promotion de produits dangereux ou trompeurs, ou simplement de produits ne respectant pas certaines règles éthiques. Notre objectif est de faire passer le message suivant : sur les réseaux sociaux, tout n’est pas permis !
Si nous pouvons regretter que la droite sénatoriale et le Gouvernement aient abordé ce texte sous l’angle de la simple régulation économique, je tiens à saluer cette volonté commune de réguler l’influence commerciale, ainsi que les avancées que nous avons obtenues à l’issue de la commission mixte paritaire.
Le texte final contient plusieurs avancées majeures : l’interdiction de la promotion de la chirurgie et de la médecine esthétique, une pratique largement dénoncée ces derniers mois ; l’obligation d’afficher la mention « publicité » sur les contenus issus de partenariats rémunérés, pour davantage de transparence ; l’inscription dans la loi d’un cadre très strict régulant la promotion des produits de santé ; enfin, le rappel de l’obligation d’afficher les normes qui s’appliquent aux boissons et aux produits alimentaires trop gras, trop salés, trop sucrés – une mesure à laquelle notre collègue socialiste, Dominique Potier, a contribué et que nous étions nombreux à défendre sur ces travées.
À l’heure de conclure nos débats, rappelons que l’aboutissement de ce texte doit constituer une incitation pour le Gouvernement à fournir les moyens de contrôle nécessaires, afin que cette proposition de loi joue pleinement son rôle. Nous y veillerons.
Je saisis d’ailleurs cette occasion pour interpeller Mme la ministre au sujet de la liste d’influenceurs n’ayant pas respecté les règles, dont M. Bruno Le Maire avait annoncé le mois dernier la publication imminente. À ce jour, elle n’a toujours pas été diffusée… S’agissait-il simplement d’un effet de communication, voire d’une déclaration destinée à attirer l’attention des médias sur cette question ? Quoi qu’il en soit, nous attendons ce document avec impatience.
Cette proposition de loi constitue une première étape de régulation, qui sera complétée par la transposition du Digital Markets Act (DMA) et du Digital Services Act (DSA) dans le droit français au cours des prochaines semaines, notamment par le biais du projet de loi sur la régulation de l’espace numérique. Celui-ci nous permettra d’aborder de nouveau les sujets du harcèlement et des arnaques en ligne, ainsi que, plus généralement, de la sécurisation de l’espace numérique.
En attendant, nous pouvons nous féliciter collectivement de créer le premier cadre en Europe pour réguler l’influence commerciale. C’est la raison pour laquelle les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain voteront le texte issu des conclusions de la commission mixte paritaire, laquelle a été rondement menée.
Applaudissements au banc des commissions.
La parole est à M. Fabien Gay, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre économie connaît de nombreuses évolutions, intensifiées par l’essor du numérique et des réseaux sociaux. De nouvelles formes d’activités émergent, et avec elles de nouvelles habitudes de consommation et de publicité.
Nos logiciels de régulation et de contrôle des pratiques commerciales, pensés pour les activités physiques, doivent évoluer et s’adapter à ces nouvelles configurations, sous peine de devenir obsolètes.
L’activité d’influence sur les réseaux sociaux s’est développée à une vitesse fulgurante, prenant de multiples formes et touchant de nombreux domaines : mode de vie, cuisine, mode, jeux vidéo, sport ou encore musique. Tous ces secteurs ont vu émerger des créateurs de contenus, qui sont devenus de véritables supports publicitaires pour les marques qui les sollicitent.
L’intérêt commercial est évident : ces influenceurs fidélisent des communautés d’abonnés qui les suivent au quotidien, qui les considèrent parfois comme des modèles et qui, de fait, se fient à leurs propos, tiennent compte de leurs conseils et adoptent leurs comportements.
Cette confiance est un excellent levier pour transformer l’abonné en consommateur, plus efficace encore que la bonne vieille publicité entre deux dessins animés ou au milieu d’un film. C’est désormais dans les contenus de votre influenceur préféré que le produit vous est vanté !
C’est là que réside tout l’enjeu de la régulation de ce secteur : un besoin de clarté, de lisibilité et d’information, toutes qualités qui sont loin d’être la norme dans le milieu de l’influence sur les réseaux sociaux. Certains de ses acteurs font preuve d’exemplarité et mentionnent systématiquement leurs partenariats rémunérés ; d’autres, au contraire, omettent de le préciser et font passer cet acte commercial pour un conseil de bonne foi sans intention particulière.
Dans cette dernière catégorie, certains influenceurs agissent délibérément, afin d’utiliser la confiance de leur communauté pour booster leurs ventes ; d’autres n’ont tout simplement pas connaissance des obligations du code de la consommation. Sans statut, sans activité clairement encadrée par la loi, il est difficile pour ces acteurs de connaître leurs devoirs. Et pour ceux qui nourrissent des intentions peu scrupuleuses, il est aisé de s’y soustraire.
L’encadrement ne doit donc pas être perçu comme une punition prononcée contre l’ensemble des influenceurs, mais, au contraire, comme une nécessité pour protéger les publics d’abonnés, souvent très jeunes et donc plus influençables.
Cette réglementation est également nécessaire pour aider les créateurs de contenus eux-mêmes à se prémunir de contrats qui leur porteraient atteinte, que ceux-ci proviennent de leur agence ou des marques qui les sollicitent.
Nous saluons donc le texte issu de la CMP, dont plusieurs points nous semblent essentiels : l’introduction d’une responsabilité solidaire entre les influenceurs et leurs agents en cas de dommages causés aux tiers ou encore la soumission de leur relation à un contrat de droit français, dès lors que le public ciblé réside sur le territoire français.
Il s’agit d’un point important, dans la mesure où nombre d’influenceurs choisissent de s’installer à l’étranger pour échapper à l’impôt en France, alors que notre pays reste leur terrain commercial.
De même, l’instauration d’une représentation légale sur le territoire européen apparaît comme un moyen efficace de mettre un terme à l’impunité qui, jusqu’ici, permettait à certains de multiplier les abus et les pratiques déloyales.
Cela dit, nous souhaitons rappeler l’importance de doter ce texte des moyens nécessaires à son application. Les effectifs de la DGCCRF seront au cœur du contrôle de la régulation des activités d’influence. Or, en l’état, cette proposition de loi risque de ne pas pouvoir se concrétiser. Nous l’avons dit durant les débats et nous le répétons ici : dix agents pour environ 150 000 influenceurs recensés en France, ce n’est pas suffisant.
Nous déposerons donc de nouveau, au moment de l’examen du budget, notre amendement visant à renforcer vos équipes, et nous sommes confiants quant à son adoption…
Exclamations amusées.
De plus, nous devrons revenir sur le sujet, afin de mieux contrôler, encadrer, voire interdire certaines activités, telles que le copy trading ou la promotion indirecte de la chirurgie esthétique et des filtres photo, qui causent des dégâts physiques et psychiques à une partie de nos jeunes, en leur faisant miroiter l’espoir de devenir riche sans travailler ou l’opportunité de modeler leur corps selon un standard fantasmé.
Enfin, je vous livre une dernière piste de réflexion : à plusieurs reprises, dans cet hémicycle, il a été mentionné que des restrictions sur la promotion de produits trop gras, trop salés ou trop sucrés auraient du sens, mais qu’elles pourraient constituer une rupture d’égalité avec les autres canaux publicitaires.
Il est temps désormais de réfléchir à la publicité dans son ensemble et d’interdire enfin la promotion de ces produits alimentaires sur l’ensemble des supports. Nous sommes prêts à travailler sur cette question. Dans cette attente, nous voterons en faveur des conclusions de cette CMP.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi qu ’ au banc des commissions. – MM. Bernard Buis et Serge Babary applaudissent également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste se félicite que ce texte ait pu prospérer et qu’un accord ait été trouvé entre les deux chambres.
Nous devons en grande partie ce succès au travail acharné de notre rapporteure, Amel Gacquerre, sous l’autorité de Sophie Primas.
Je tiens à saluer ce qui a été accompli.
Le groupe Union Centriste n’est pas favorable à la législation à outrance. Toutefois, il estime qu’il faut autant de liberté que possible et autant de régulation que nécessaire. De fait, le développement des usages d’internet nous a contraints à prendre en compte un certain nombre de pratiques.
Le nombre d’influenceurs n’a cessé de croître, atteignant la quantité significative de 150 000, preuve qu’il était nécessaire d’agir. Il s’agissait donc de garantir que les usagers d’internet ne soient pas dupés par les messages dont ils sont les cibles. À ce titre, les interdictions posées dans ce texte vont dans le bon sens pour assurer leur respect.
Il est impératif de ne pas laisser se propager n’importe quel message, en particulier publicitaire. Nos concitoyens en sont régulièrement inondés, et il était important qu’ils puissent identifier clairement qu’un message appartient à cette catégorie, notamment lorsqu’il est partagé par un influenceur. Je tiens donc à saluer ce travail au nom du groupe Union Centriste.
En réponse à Fabien Gay, j’ajoute que, bien que l’on y trouve des mesures répressives nécessitant le recours à des agents, la véritable vertu de ce texte est de fixer des limites à ceux qui exercent le rôle d’influenceur, afin qu’ils sachent comment bien se comporter pour éviter tout problème.
Ce texte marque un cap : il établit un cadre dans lequel les influenceurs peuvent évoluer et qu’ils doivent respecter. Sa dimension répressive ne se manifestera que s’ils s’en affranchissent.
Le groupe Union Centriste votera donc cette proposition de loi avec enthousiasme.
Applaudissements au banc des commissions. – MM. Bernard Buis et Serge Babary applaudissent également.
La parole est à M. André Guiol, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que les innovations numériques des dernières années ont complètement bouleversé le monde du travail, toutes les composantes de l’ère 2.0 ne sont pas forcément bonnes à prendre.
Sur les réseaux sociaux, des dérives parfois dangereuses pour les internautes font surface
L’expansion de l’espace numérique permet en outre l’apparition de personnalités dites publiques qui méconnaissent ou ne respectent pas les règles commerciales.
Émergeant des milieux de la téléréalité ou des réseaux sociaux comme YouTube, Instagram ou TikTok, et atteignant parfois des degrés de célébrité comparables à ceux de personnalités issues du monde du sport, du cinéma ou de la chanson, cette nouvelle génération d’influenceurs nage en eaux troubles.
La popularité que ces influenceurs ont acquise leur permet d’avoir un nombre élevé de followers, souvent encore très jeunes. Leur notoriété leur permet de bénéficier de partenariats rémunérés en contrepartie de la promotion d’une marque, d’un produit, d’un site ou d’une prestation, et ce sans aucune préoccupation éthique ou civique.
Les influenceurs promeuvent tout, et bien trop souvent n’importe quoi, auprès de leur public. Les jeunes sont plus perméables aux influences, et ils ne sont pas toujours en mesure d’évaluer les risques que celles-ci leur font courir.
Ces promotions, parfois anodines et attractives, peuvent très vite devenir dangereuses pour la santé où se révéler être de véritables escroqueries.
Comme cela a été rappelé durant les débats en première lecture, des pratiques néfastes pour la santé sont promues sans le moindre encadrement. Elles concernent, entre autres, les produits de beauté, la chirurgie esthétique ou encore des pratiques visant à perdre du poids, tout cela sans l’avis d’un professionnel de santé.
Le champ des dangers est vaste. On peut y ajouter les incitations à jouer à des jeux vidéo, à des jeux d’argent ou les conseils relatifs à l’entrepreneuriat et à la finance. Certains influenceurs se retrouvent ainsi vecteurs de l’addiction ou de l’escroquerie.
Derrière ces dérives, une rémunération, souvent excessive, atteignant parfois des dizaines, voire des centaines de milliers d’euros, fait oublier à l’influenceur, consciemment ou non, les conséquences de ses actes.
Au regard d’un tel phénomène, les mesures législatives actuelles sont bien trop limitées et inadaptées pour prévenir et sanctionner les abus. Une régulation s’impose donc rapidement afin de préciser la responsabilité de l’influenceur dans sa pratique commerciale et de protéger les internautes.
De fait, le RDSE salue l’initiative des auteurs de la proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur tous les réseaux sociaux, au même titre qu’il se réjouit que la CMP fût conclusive.
À l’issue des travaux, je tiens à souligner le choix de la rédaction commune, qui permet de clarifier l’activité commerciale de l’influenceur et de la rendre plus transparente par l’ajout, sur chaque contenu, des mentions « publicité » ou « collaboration commerciale ».
Souhaitons que cela couvre totalement les contenus proposés par ces influenceurs.
La rédaction de compromis de l’article 1er, qui définit l’activité d’influenceur, inclura bien les avantages accordés en nature ; c’était l’un des souhaits de mon collègue Henri Cabanel.
Le renforcement de l’encadrement des publicités autour de la santé publique, notamment l’intégration des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, est également une bonne chose.
Enfin, attentifs à la lutte contre les addictions, nous sommes favorables au compromis trouvé par nos deux assemblées concernant l’interdiction, pour les personnes exerçant une activité d’influence commerciale par voie électronique, de faire la promotion d’abonnements à des conseils ou à des pronostics sportifs, ainsi que des jeux d’argent ou de hasard.
Mon collègue Henri Cabanel l’a rappelé en première lecture, l’influence est devenue un métier sans état d’âme.
Compte tenu de la réalité alarmante des dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, le RDSE confirme son souhait de voir aboutir ce texte, qui encadrera la profession afin de mieux protéger nos concitoyens, en particulier les plus jeunes et les plus fragiles.
M. Bernard Buis et Mme la rapporteure applaudissent.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, chère Amel, mes chers collègues, je me félicite à mon tour de l’accord historique qui a été trouvé la semaine dernière en commission mixte paritaire sur cette proposition de loi.
Je souhaite également saluer la qualité des travaux préparatoires, transpartisans et concertés menés par l’Assemblée nationale, qui ont été largement enrichis par le Sénat comme par l’Assemblée nationale, où le texte a été adopté à l’unanimité.
Cet accord n’aurait pas été possible sans la mobilisation et l’engagement de notre rapporteure, Mme Gacquerre, que je tiens à saluer pour la qualité de son travail, sans l’écoute de Stéphane Vojetta et Arthur Delaporte, rapporteurs de ce texte pour l’Assemblée nationale, sans le travail de qualité de nos administrateurs, que je remercie, et sans les échanges que nous avons eus avec vous, madame la ministre, ainsi qu’avec vos collaborateurs.
Un tel accord est inédit, car c’est la première fois que les parlementaires que nous sommes légifèrent sur le sujet. C’est aussi la première fois – il importe de le rappeler – qu’un pays de l’Union européenne s’apprête à adopter une loi en la matière. J’espère que la loi française contribuera à inspirer nos homologues européens, car si le droit s’arrête parfois aux frontières, les activités numériques s’affranchissent de celles-ci et les traversent avec aisance et rapidité, de manière parfois déconcertante pour les législateurs que nous sommes.
Nous devons donc tous œuvrer pour un meilleur encadrement de nos usages et de nos pratiques numériques.
Lors de l’examen du texte en commission, nous avons adopté une logique claire, dont je me félicite qu’elle ait été conservée, consistant à accompagner le développement d’un secteur en pleine croissance – l’ensemble des orateurs l’ont souligné –, à clarifier le cadre légal et les obligations applicables, à faire preuve de pédagogie sans stigmatiser, mais en responsabilisant l’ensemble des acteurs de l’influence sans exception.
Nous sommes parvenus à un accord équilibré – les intervenants précédents l’ont déjà évoqué –, dont j’estime qu’il reprend le meilleur de nos deux assemblées et qu’il permettra de mettre fin à l’illusion de la dérégulation du secteur de l’influence commerciale en France.
Pour autant, ce texte n’est, à mon avis, que le premier d’une longue série. D’autres permettront d’introduire de nouvelles dispositions, afin d’encadrer le numérique sans jamais interdire. Notre pays doit pouvoir profiter des possibilités que ce nouveau secteur économique offre – je pense notamment à la régulation probable qu’il faudra apporter en matière d’intelligence artificielle –, tout en respectant les valeurs sociales et environnementales, si précieuses à notre Nation.
Le groupe Les Républicains votera ce texte.
M. Serge Babary et Mme la rapporteure applaudissent.
La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre pays compterait aujourd’hui 150 000 influenceurs.
Ces créateurs de contenus sont omniprésents sur les réseaux sociaux. Au niveau mondial, le marché de l’influence est estimé à plus de 32 milliards de dollars. C’est vertigineux !
Le Parlement a souhaité réguler cet emploi naissant, sujet à toutes les dérives.
Instagram est le réseau social de référence, mais d’autres réseaux en accueillent chaque jour davantage, à l’image de TikTok.
Ces influenceurs nouent parfois des partenariats avec des marques, et ils publient alors des contenus promotionnels.
Si l’immense majorité des influenceurs respectent la loi et ont connaissance du cadre réglementaire, certains, en échange de contreparties en nature ou financières, peuvent abuser de la confiance de ceux qui les suivent, en particulier les plus jeunes. Ces créateurs de contenus malhonnêtes, qui sont parfois appelés « influ-voleurs », pénalisent l’ensemble de la profession.
Cette proposition de loi s’attelle à ce vaste chantier et apporte un encadrement bienvenu.
Le texte a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 30 mars 2023, puis par le Sénat le 3 mai dernier. Il s’agit d’une proposition de loi transpartisane, un indicateur positif dont nous pouvons nous réjouir. Il témoigne du vaste consensus qui entoure la régulation de ces activités naissantes.
Je me réjouis que la commission mixte paritaire soit parvenue à une rédaction commune sur l’ensemble des dispositions de cette proposition de loi restant en discussion.
À titre d’exemple, la définition du métier d’influenceur retenue dans le texte allie une partie de la rédaction proposée par le Sénat et une partie de la rédaction issue de l’Assemblée nationale. Ce compromis montre bien l’esprit de collaboration qui a animé les échanges depuis le début. C’est une bonne chose.
Je félicite les auteurs de cette proposition de loi et ses rapporteurs, ainsi que votre engagement, madame la ministre.
Les activités nouvelles des influenceurs et les dérives qui en résultent doivent faire l’objet d’un contrôle strict, afin de protéger les consommateurs, a fortiori les mineurs. Nous devons conforter et « muscler » le cadre réglementaire.
La proposition de loi rappelle le cadre juridique existant. Elle permet de l’expliquer avec pédagogie et de le contrôler pour éviter les dérives.
Les modifications issues des échanges en commission mixte paritaire vont dans le bon sens.
Nous l’avons rappelé, ce travail est inédit au sein de l’Union européenne. Par ce texte unique en son genre, nous ouvrons une voie nouvelle. Nous pouvons être fiers de cette première pierre apportée au défi de la régulation des activités numériques.
Pour ces différentes raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires se félicite de l’accord obtenu en commission mixte paritaire.
Le sujet de la régulation de l’influence commerciale est délicat, avec des enjeux pluriels, mais essentiel. Aujourd’hui, le Parlement y apporte une réponse équilibrée et à la hauteur des enjeux.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Bernard Buis applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous saluons le travail accompli ces derniers mois par les auteurs du texte et les rapporteurs des deux chambres. Nous votons aujourd’hui un texte attendu, qui vise à réguler l’influence commerciale et à responsabiliser un secteur en voie de structuration.
Le marché mondial du marketing d’influence a atteint 15, 5 milliards d’euros en 2022, soit +20 % en un an. Instaurer un cadre réglementaire et fixer un certain nombre de règles pour réguler cette activité en pleine expansion était donc nécessaire.
Si une grande part des acteurs exercent leur activité avec honnêteté, certains ignorent, voire s’affranchissent des règles de base du commerce et de la publicité. Des abus, et parfois des escroqueries ont bien lieu.
La France sera ainsi – cela a été dit – un pays précurseur en la matière. Il convient de le saluer. Nous ne sommes pas loin de la surtransposition honnie par certains !
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires n’a pas varié dans ses positions. En établissant une définition et un cadre, cette proposition de loi va dans le bon sens.
Nous regrettons toutefois fortement que la promotion d’un certain nombre de produits ou de pratiques, qui nous paraissent particulièrement nocifs pour la santé physique et mentale de la jeunesse, ne soit pas interdite ou, tout du moins, drastiquement encadrée. Je pense aux produits alimentaires et aux boissons trop riches en sucre, en sel et en matière grasse. Cela a fait l’objet de débats nourris dans l’hémicycle lors de l’examen de ce texte en première lecture.
Nous déplorons que l’encadrement de la promotion de tels produits, qui figurait dans le texte initial et qui nous paraissait être un minimum, n’ait pas été rétabli.
Nous restons convaincus par les alertes des scientifiques et des organismes de santé comme l’OMS ou Santé publique France. Au regard des risques cardiovasculaires, de surpoids et de diabète qu’induit une alimentation basée sur des produits de faible qualité nutritionnelle, une meilleure régulation de la publicité alimentaire, qui joue un rôle fondamental, s’impose.
L’impact des influenceurs sur les enfants et les jeunes adultes étant aujourd’hui supérieur à celui des médias traditionnels, à défaut d’une interdiction, il était essentiel de faire un premier pas en assignant à ses acteurs un cadre de promotion strict pour ces produits.
Mon groupe est consterné par le maintien de la suppression de l’article 2 CA, qui visait à interdire aux enfants de moins de 16 ans exerçant l’activité d’influence commerciale de faire la promotion de ces produits alimentaires et des boissons trop riches en sucre.
Nous déplorons que le maintien de la suppression de cet article relève moins d’un souci de ne pas introduire de rupture d’égalité avec d’autres plateformes, argument qui a été avancé pour justifier ce maintien, que d’une position politique consistant à refuser un niveau élevé de régulation, afin de favoriser l’activité économique, parfois au détriment de la santé de nos concitoyens et, de facto, des plus jeunes.
Je souscris aux propos de notre collègue Fabien Gay : pour remédier à ce problème de rupture d’égalité que vous avez pointé, madame la ministre, à quand une grande loi-cadre prévoyant une réelle régulation de la publicité ? Celle-ci envahit nos imaginaires, incite à surconsommer, greenwash des produits polluants. La réclame a sa part de responsabilité dans la crise écologique et dans cette forme de malaise et de frustration qui peut imprégner notre jeunesse. Elle devrait être enfin mieux encadrée.
Nous sommes ouverts à un travail transpartisan et constructif sur ce sujet très important. Nous savons que sur l’ensemble des travées de cette assemblée, de nombreux collègues y sont sensibles.
Pour en revenir plus spécifiquement au texte qui nous occupe, si certains dispositifs adoptés au Sénat n’ont pas été retenus, car ils étaient apparemment satisfaits dans le droit existant – je pense à l’encadrement de la promotion de contrats d’abonnement –, nous regrettons la suppression, à l’article 2 B, de l’interdiction de la promotion de traitements médicaux, médicamenteux ou chirurgicaux sur les réseaux sociaux, car il s’agissait de l’une des avancées notables adoptées par le Sénat.
Il nous paraît primordial d’interdire l’exposition de nos adolescents à la promotion de traitements, hors contexte médical, qui ne leur conviennent pas nécessairement et peuvent avoir des conséquences graves, parfois irréversibles, sur leur apparence physique et leur santé.
Malgré ces points problématiques, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ce texte. Si ce dernier manque un peu d’ambition, il a le mérite de poser une première pierre pour que cet écosystème assez hétérogène agisse de manière responsable, éthique et respectueuse de son public.
Je souhaite également saluer votre engagement, madame la ministre, car il s’agit d’un enjeu majeur, à consacrer des crédits plus importants à la DGCCRF dans le prochain projet de loi de finances. Nous serons vigilants pour que ces crédits permettent de déployer les moyens humains indispensables pour faire appliquer la loi.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Bernard Buis et Mme la rapporteure applaudissent également.
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 293 :
Nombre de votants342Nombre de suffrages exprimés342Pour l’adoption342Contre 0Le Sénat a définitivement adopté.
Applaudissements.
J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Par ailleurs, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
En conséquence, la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire est retirée de l’ordre du jour du jeudi 8 juin, en accord avec le Gouvernement.
L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, l’examen de la proposition de résolution, en application de l’article 34-1 de la Constitution, visant à interdire l’importation de produits issus du travail forcé de la population ouïghoure en République populaire de Chine, présentée par Mme Mélanie Vogel, M. Guillaume Gontard et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 242).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la proposition de résolution.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur l’initiative de notre collègue Mélanie Vogel, qui regrette de ne pouvoir être parmi nous aujourd’hui et qui vous prie de bien vouloir l’en excuser, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires propose que le Sénat s’exprime à son tour sur l’horreur, sur l’indicible crime contre l’humanité opéré méthodiquement depuis plus de dix ans dans l’ouest de la Chine.
Pour compléter la résolution portant sur la reconnaissance et la condamnation du caractère génocidaire des violences politiques systématiques ainsi que des crimes contre l’humanité actuellement perpétrés par la République populaire de Chine à l’égard des Ouïghours, votée par l’Assemblée nationale, nous vous proposons, de manière plus opérationnelle, de stopper l’importation des produits issus du travail forcé des Ouïghours, en France comme en Europe.
Grâce à la mobilisation de tous les instants de la diaspora ouïghoure, relayée notamment par notre collègue député européen Raphaël Glucksmann, nous savons beaucoup du traitement inhumain dont est victime la minorité ouïghoure de Chine.
Permettez-moi néanmoins de rappeler une nouvelle fois l’ampleur de l’horreur qui est à l’œuvre dans le Xinjiang.
Depuis le début des années 2010, et surtout depuis l’accession au pouvoir de Xi Jinping, la République populaire de Chine mène une stratégie d’assimilation culturelle violente envers les groupes minoritaires, particulièrement envers la minorité musulmane ouïghoure dans la région autonome du Xinjiang.
Cette politique d’épuration ethnique se traduit par l’interdiction de pratiques religieuses et culturelles, la destruction de lieux de culte et de cimetières religieux ou encore la surveillance de masse.
Les autorités chinoises font tout ce qui est en leur pouvoir pour diminuer la présence de l’islam, transformant le Xinjiang en laboratoire de la politique d’assimilation répressive du parti communiste chinois.
Sous couvert de lutte antiterroriste, le gouvernement chinois criminalise toute expression des traditions.
Sous couvert de lutte contre l’extrémisme religieux, le gouvernement chinois s’octroie le droit d’incarcérer dans des camps de rééducation toute personne qui pratique la religion musulmane.
La pratique du ramadan, la consommation de nourriture halal, une apparence jugée trop religieuse ou encore l’enseignement coranique suffisent à vous envoyer dans un camp de rééducation, où les détenus sont forcés d’abandonner leur religion. Et pour le prouver, les autorités chinoises forcent les détenus à boire de l’alcool, à manger du porc ou encore à prêter allégeance au parti communiste chinois.
D’autres témoignages issus de ces camps, notamment de femmes kazakhes ou ouïghoures, font froid dans le dos. Il y est fait état d’abominables contrôles des naissances se traduisant par la pose contrainte de contraceptifs, des avortements et des stérilisations forcées. Les femmes récalcitrantes sont menacées de sanctions et de détention.
Aux termes de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, qui a formulé en 1948 la première définition juridique internationale du génocide, ces mesures visant à entraver les naissances au sein d’un groupe constituent un élément caractérisant une entreprise génocidaire.
Au milieu des années 2010, les arrestations préventives et les placements dans des camps se multiplient, sous des prétextes de plus en plus dérisoires, comme une simple discussion avec un résident étranger. Les incarcérations se font, naturellement, en dehors du système judiciaire.
Des dispositifs de surveillance massive sont mis en place pour traquer les musulmans. Des fonctionnaires sont envoyés vivre dans les familles musulmanes pour surveiller leur mode de vie, ce qu’elles mangent ou la manière dont elles éduquent leurs enfants.
Une vaste politique de délation, qui rappelle les heures les plus sombres de l’histoire de l’humanité, est promue par les autorités chinoises.
Les Ouïghours sont également traqués à l’étranger, les autorités chinoises leur demandant des informations sur le reste de la diaspora et les menaçant de s’en prendre à leur famille restée en Chine s’ils refusent de répondre.
C’est en 2017 que les premières preuves de l’existence de ces camps émergent et que les premières réactions internationales se font entendre.
Amnesty International et l’Organisation des Nations unies estiment qu’il existe 1 200 camps de rééducation au Xinjiang, et que 1 million de prisonniers y sont incarcérés, soit un musulman sur six.
Quelques mois plus tard, l’on découvre que le gouvernement chinois organise un système de travail forcé des Ouïghours. Dans un rapport des autorités chinoises datant de 2020, nous apprenons que 2, 6 millions de citoyens ouïghours du Xinjiang ont été placés dans des fermes et des usines. Un système organisé au plus haut niveau permet aux industriels de passer des commandes de travailleurs aux autorités locales. Des recruteurs sont désignés et des quotas de travailleurs à atteindre, fixés. Ils se rendent au sein des foyers pour recruter des travailleurs.
Tous les habitants turciques de plus de 16 ans sont susceptibles d’être forcés d’aller travailler et sont menacés de détention. Pendant quelques jours, ils sont formés à des tâches répétitives, puis ils sont envoyés dans les usines. Ils sont entassés dans des dortoirs, ne peuvent pas démissionner, travaillent pendant un nombre incalculable d’heures en contrepartie de très bas salaires.
Ces dernières années, on a vu se construire dans la région du Xinjiang, parfois au sein même des camps de rééducation, d’immenses complexes industriels. Le secteur du textile est le plus concerné, notamment les marques Adidas, Zara, Nike, Uniqlo et bien d’autres. D’autres secteurs sont également mis en cause : l’automobile, les jouets ou encore les panneaux solaires.
Disons-le clairement : c’est toute une partie de l’appareil industriel chinois auquel nous avons délégué la production de tant d’objets de notre quotidien qui repose sur le travail forcé, comme en son temps, la production industrielle soviétique. Notre attitude était alors tout autre.
Tous ces agissements ont une qualification : ce sont des crimes contre l’humanité. C’est ce que Michelle Bachelet, alors haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, a confirmé le 31 août 2022, dans un rapport accablant, résultat de sa visite dans le Xinjiang. Les conclusions de ce rapport sont sans appel : elles confirment toutes les révélations des associations de défense des droits de l’homme.
Malgré les nombreuses réactions internationales, très peu des marques mises en cause ont répondu aux accusations, et celles qui ont arrêté de faire appel aux usines du Xinjiang se comptent sur les doigts d’une main.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, les indignations ne suffisent plus. Leur coût politique et économique est bien trop faible. En 2021, le commerce direct entre le Xinjiang et l’Union européenne a même augmenté de 13, 6 %.
C’est tout un système économique mondial fondé sur le profit et l’exploitation de la vie humaine qu’il faut combattre. Aujourd’hui, on sait qu’un vêtement sur cinq porté sur la planète peut être entaché de travail forcé ouïghour. C’est vertigineux !
L’Europe doit prendre ses responsabilités. Nous avons le devoir de nous doter d’une politique commerciale exigeante respectant les droits humains les plus basiques. Les initiatives dans ce sens se multiplient, et la France, qui se veut le phare de la promotion des droits partout dans le monde, doit produire son effort et son effet.
En 2021, les États-Unis ont interdit d’importer des produits fabriqués dans la province chinoise du Xinjiang. Tout produit fabriqué, même partiellement, dans le Xinjiang, est considéré comme étant issu du travail forcé et ne peut être importé, sauf si les entreprises sont en mesure de fournir des preuves claires et convaincantes du contraire.
Dans le même esprit, la Commission européenne a présenté au mois de septembre dernier un projet qui permettrait, à terme, d’interdire certains produits d’entrée sur le marché européen. En cas de soupçons sur un produit, les organismes chargés de la surveillance des marchés pourront lancer une enquête préliminaire au terme de laquelle le produit soupçonné pourra être banni du marché européen.
Comme nous l’expliquons dans l’exposé des motifs de cette proposition de résolution, nous souhaiterions que la France et l’Europe adoptent une position proche de celle des États-Unis. Nous pensons en effet que la charge de la preuve doit être inversée : ce sont les industriels qui doivent prouver de manière convaincante qu’ils ne se fournissent pas dans des usines faisant appel au travail forcé des Ouïghours. Ce ne sont pas aux pouvoirs publics ou aux lanceurs d’alerte d’en apporter les preuves.
Je précise au passage qu’adopter la position américaine en la matière n’est pas du tout synonyme, dans notre esprit, d’un alignement complet avec les positions américaines dans la guerre commerciale, parfois quelque peu manichéenne, engagée contre la Chine.
Au regard des bouleversements géopolitiques majeurs que nous connaissons ces dernières années, l’Europe et la France sont dans la nécessité impérieuse de redéfinir leurs relations avec la Chine et de construire une politique chinoise qui nous soit propre. Compte tenu des valeurs portées par notre pays et notre union continentale, la fermeté absolue vis-à-vis des crimes contre l’humanité doit à nos yeux constituer une composante essentielle de notre relation avec Pékin.
Alors que l’Assemblée nationale a adopté au mois de janvier 2022 une proposition de résolution portant sur la reconnaissance et la condamnation du caractère génocidaire des violences politiques systématiques, ainsi que des crimes contre l’humanité actuellement perpétrés par la République populaire de Chine à l’égard des Ouïghours, comment pouvons-nous continuer à importer, vendre et consommer des produits qui sont fabriqués dans des conditions de travail forcé n’ayant pas grand-chose à envier au goulag ?
Aujourd’hui, il est plus que logique et cohérent de demander au Gouvernement d’adopter des mesures efficaces pour cesser, selon les mots de notre collègue Mélanie Vogel, « d’offrir un débouché commercial aux crimes contre l’humanité ».
En mettant en place une politique qui rejette tout produit issu du travail forcé des Ouïghours, la France ferait peser une vraie chape de plomb sur la Chine, qui mise énormément sur le développement du Xinjiang, région qui est au cœur du projet de nouvelle route de la soie du fait de sa situation géographique, au croisement de routes commerciales entre les continents européen et asiatique.
Le seul rapport de force que comprend la Chine est économique, et c’est à son portefeuille qu’il faut s’attaquer pour tenter de retrouver le sens de notre humanité.
Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE. – M. Serge Babary applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe GEST.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remplace pour notre groupe ma collègue Mélanie Vogel, qui est à l’origine de la proposition de résolution.
Depuis 2017, des millions d’Ouïghours et membres d’autres minorités musulmanes ont disparu dans un vaste réseau de camps de rééducation dans la région du Xinjiang. Il s’agit d’un véritable programme de génocide culturel mené par le gouvernement chinois : des femmes subissant des stérilisations forcées ; des détenus soumis à un endoctrinement politique, contraints de renoncer à leur religion, à leur culture, soumis à la torture.
Cela fait maintenant trois ans que l ’ Australian Strategic Policy Institute a rendu son rapport sur le travail forcé de la population ouïghoure, trois ans que la « liste de la honte », recensant quatre-vingt-trois marques dans les secteurs de la technologie, de l’industrie et, surtout, de la mode, a mis au jour l’utilisation massive par de grandes marques du système concentrationnaire mis en place au Xinjiang par la République populaire de Chine.
Que s’est-il passé depuis ? Quelques marques, comme Adidas ou Nike, ont annoncé avoir cessé de s’approvisionner au Xinjiang ; certaines, comme Zara ou Hugo Boss, ont condamné ce système, avant de revenir sur leurs déclarations pour ne pas froisser en Chine ; beaucoup d’autres sont simplement restées silencieuses.
Dans les faits, rien n’a changé. Les associations, comme Sherpa ou l’Institut ouïghour d’Europe, ont déposé de nombreuses plaintes, mais 20 % du coton mondial est toujours produit dans la région autonome du Xinjiang.
Ainsi, au sein même de cet hémicycle, aujourd’hui, les vêtements que nous portons, les téléphones dans nos poches, les écrans sont très certainement produits en partie au prix de la liberté d’un peuple réduit en esclavage.
Le système de traite des êtres humains mis en place contre les Ouïghours est un moteur de la politique industrielle de la République populaire de Chine, le carburant sanglant de la stratégie commerciale des nouvelles routes de la soie du gouvernement de Pékin.
Un million, ou plus probablement deux millions de personnes sont enfermées dans des camps de travail, enfermées et torturées, parfois simplement pour avoir parlé leur langue dans la rue ou pour avoir appelé quelqu’un à l’étranger. On parle ici de 10 % de la population ouïghoure.
Aujourd’hui, les sénateurs peuvent regarder les yeux grand ouverts la réalité que le régime chinois veut masquer, étouffer, nier : nous sommes face à la plus grande campagne d’internement d’une population depuis la Seconde Guerre mondiale.
Alors, que fait concrètement la France ? Trop peu, hélas ! Bien sûr, symboliquement, l’Assemblée nationale a reconnu par une résolution l’année dernière qu’il s’agissait d’un crime contre l’humanité, et nous le saluons.
Mais après ? Rien ne fait vraiment obstacle à la circulation en Europe des produits issus du travail forcé.
Aujourd’hui, nous vous invitons à avancer sur cette question fondamentale en demandant au Gouvernement français de travailler à l’échelle européenne, le plus grand marché mondial, pour mettre en place un véritable mécanisme de contrôle des produits issus du travail forcé en Chine.
Nous souhaitons ici nous inspirer de ce que font déjà les États-Unis et le Canada, entre autres États, en inversant la charge de la preuve.
Oui, aux États-Unis, depuis l’an dernier, si un produit a été fabriqué, en tout ou partie, dans le Xinjiang, il est considéré a priori comme issu du travail forcé, à charge ensuite aux entreprises de prouver le contraire.
Résultat : une baisse remarquée des importations en provenance de Chine aux États-Unis, qui, malheureusement, s’est accompagnée dans le même temps d’une augmentation des importations chinoises en Europe.
Il nous faut donc désormais, nous aussi, demander aux entreprises souhaitant accéder au marché commun européen de prouver que la traçabilité de leurs produits est sans reproche.
En ce moment même, à Bruxelles, on s’apprête malheureusement à mettre en place le processus inverse, c’est-à-dire un processus long et compliqué, difficilement lisible, qui impose aux États membres de fournir eux-mêmes la preuve du travail forcé pour interdire les produits incriminés. C’est un processus absurde et inefficace : tout le contraire de ce qu’il faudrait faire !
À l’inverse, cette résolution que nous vous proposons d’adopter aujourd’hui relève du bon sens.
La représentation nationale a déjà condamné le « caractère génocidaire » des violences à l’encontre des Ouïghours. Soyons cohérents et logiques en traduisant ces intentions dans les actes.
Comment dénoncer un crime contre l’humanité sans interdire sur notre sol les fruits de ce crime ?
Il y va de l’honneur de la France d’être le moteur, à l’échelle européenne, d’une initiative claire, nette, qui ferait véritablement obstacle à la circulation des produits de l’esclavage moderne. Ce serait un message puissant envoyé à Pékin, mais qui aurait aussi un caractère universel.
Le travail forcé et l’esclavage moderne ne doivent pas seulement être dénoncés : ils doivent également être, dans les faits, rendus impossibles.
C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de déposer cette proposition de résolution, que le groupe GEST va bien évidemment voter.
Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. André Gattolin applaudit également.
M. Guillaume Gontard applaudit.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier le groupe GEST, à l’origine du texte que nous étudions aujourd’hui.
En effet, c’est la première fois – je dis bien la première fois – que notre Haute Assemblée est amenée à débattre de l’abominable tragédie qui frappe la population ouïghoure. Disons-le tout net : il était temps !
Quand, voilà dix ans, j’ai pris l’initiative d’inviter les représentants du Congrès mondial ouïghour dans nos murs, j’avoue avoir ressenti un grand moment de solitude, car rares étaient à l’époque les parlementaires un tant soit peu informés de cet effroyable drame.
Depuis, la coercition massive exercée à l’encontre de cette minorité ethnique n’a cessé de s’intensifier, et il aura fallu l’incroyable persévérance de quelques associations et chercheurs pour parvenir à documenter ce que d’aucuns osent désormais appeler un véritable processus génocidaire.
Même si le travail forcé ne constitue qu’une des multiples exactions mises en œuvre par le régime de Pékin à l’encontre des Ouïghours, cette proposition de résolution est aussi l’occasion de parler de cette forme d’esclavage moderne qui est aujourd’hui en forte résurgence en Chine, mais aussi ailleurs dans le monde.
La lutte contre ce fléau remonte à 1930, puisque la convention visant à combattre le travail forcé fut parmi les premières adoptées par l’Organisation internationale du travail (OIT) créée en 1919. S’en est suivie l’adoption d’une seconde convention pour l’abolition du travail forcé en 1957.
Sur le papier, nous pourrions nous réjouir que la quasi-totalité des États de la planète aient aujourd’hui ratifié ces deux conventions.
Très récemment, le 12 août 2022, la République populaire de Chine a, à son tour, fini par les ratifier, et leur entrée en application dans ce pays est supposée intervenir d’ici à deux mois et demi.
Si nous étions naïfs, nous pourrions croire l’affaire pliée et l’objet de la présente résolution nul et non avenu. Mais les faits sont têtus, et la réalité terriblement coriace. Loin de régresser, le travail forcé connaît une recrudescence très inquiétante depuis le milieu des années 2010. L’OIT estime à 28 millions le nombre de personnes qui en sont victimes dans le monde en 2021, un chiffre en progression de près de 3 millions par rapport à 2016.
Pour des raisons très politiques, l’OIT publie non pas des données par pays, mais seulement des agrégats régionaux. Heureusement, nous en savons davantage grâce à la Walk Free Foundation, qui vient de publier son dernier rapport voilà tout juste une semaine.
Son index mondial, qui agrège travail forcé, mariage forcé et traite humaine, fait apparaître que la Chine, avec 5, 8 millions de personnes soumises à ces formes scandaleuses d’esclavage moderne, se situe au deuxième rang mondial, derrière l’Inde. En Chine continentale, ce chiffre a même connu une progression de 70 % au cours des cinq dernières années.
Au contraire de l’Inde, où le travail forcé est plus diffus sur l’ensemble du territoire, le phénomène en Chine est davantage concentré dans des régions comme le Xinjiang ou le Tibet, et il est, comme en Corée du Nord, le fruit d’une politique délibérée de l’État, et non le fait d’acteurs privés, comme dans la plupart des autres pays.
Il serait illusoire de croire que la ratification des deux conventions de l’OIT changera les choses en Chine, et au Xinjiang en particulier. Qui sera autorisé à aller sur le terrain vérifier leur application ?
Rappelons-nous, mes chers collègues, la tragicomédie de la mission d’inspection de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en janvier-février 2021, au laboratoire de virologie de Wuhan. Rappelons-nous le fiasco du déplacement de Michelle Bachelet au Xinjiang en mai 2022.
Il y a dix ans, quand la Chine a officiellement aboli la rééducation par le travail, le seul véritable changement a été la requalification sémantique des « camps de rééducation » en « centres de formation professionnelle ». En réalité, cette ratification par la Chine des conventions de l’OIT est une tentative de fournir un alibi à la Commission européenne pour rouvrir la ratification de l’accord global sur les investissements Union européenne-Chine. Signé en catimini le 30 décembre 2020, celui-ci a été suspendu après le tollé provoqué par les sanctions imposées par Pékin à plusieurs eurodéputés défendant la cause ouïghoure.
Pour ne pas perdre la face devant l’opinion publique européenne, la Commission tente actuellement de finaliser un règlement interdisant l’importation de produits issus du travail forcé. Mais, en l’état, elle n’est pas dotée des moyens nécessaires pour en assurer la traçabilité effective. La grande faiblesse du texte de la Commission, c’est de faire peser la charge de la preuve sur le régulateur, un régulateur qui a déjà bien du mal à assurer un suivi systématique des accords commerciaux dont il a la responsabilité.
L’intérêt majeur de la résolution ici en discussion est précisément de faire porter la charge de la preuve sur les entreprises responsables de l’introduction de ces produits sur le marché européen.
Il ne s’agit en rien d’une mesure d’exception. Elle est conforme au droit européen et s’applique déjà dans plusieurs domaines.
Pour en terminer, je rappelle que les produits issus du travail forcé consommés en France représentent un chiffre d’affaires annuel de près de 12 milliards de dollars, dont 8 milliards pour ceux en provenance de Chine.
Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera en faveur de cette résolution.
Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est des moments où notre chambre a l’occasion de se grandir en laissant une trace dans l’Histoire.
Ce fut le cas récemment, avec l’adoption, le 23 mai dernier, du projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites entre 1933 et 1945, ou encore avec l’adoption de la résolution relative à la reconnaissance du génocide des Assyro-Chaldéens au mois de février. Cela aurait également pu être le cas lors de l’examen de la proposition de loi relative à la commémoration de la répression d’Algériens le 17 octobre 1961 et les jours suivants à Paris, que j’avais eu l’honneur de déposer.
Une occasion se présente de nouveau aujourd’hui.
Je veux ici remercier Mélanie Vogel et le groupe GEST d’avoir déposé cette proposition de résolution. Je veux aussi rendre hommage aux Ouïghours eux-mêmes qui, au risque de leurs vies et de celles de leurs familles, témoignent et informent le monde de ce crime contre l’humanité que subit leur peuple.
Alors que nous nous apprêtons à voter, ou du moins je l’espère, pour une proposition de résolution visant à interdire l’importation de produits issus du travail forcé, je ne peux m’empêcher d’avoir à l’esprit un triste parallèle : voilà à peine trois semaines, le 10 mai, nous étions réunis pour la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions. Une autre journée de commémoration a eu lieu le 23 mai un hommage aux victimes de l’esclavage.
Je ne peux non plus omettre de souligner que la France est le premier État, et demeure le seul, à avoir déclaré la traite négrière et l’esclavage crimes contre l’humanité.
Aussi, mes chers collègues, qui mieux que notre pays peut faire évoluer les choses de manière concrète ?
Commençons par les faits. Ils sont documentés et incontestables. Selon une enquête réalisée par le chercheur allemand Adrian Zenz et révélée en 2020, au moins un demi-million d’habitants du Xinjiang issus des minorités ethniques sont envoyés dans les champs de coton pour y travailler de force.
Selon l’Organisation internationale du travail : « Le travail forcé fait référence à des situations dans lesquelles les personnes sont contraintes de travailler par l’utilisation de la violence ou de l’intimidation, ou des moyens plus subtils comme l’accumulation de dettes ». Or, au Xinjiang, les 11 millions d’Ouïghours, de Kazakhs et autres peuples musulmans sont bel et bien soumis à un contrôle policier totalitaire et à un travail forcé.
Depuis 2017, des centaines de milliers d’entre eux ont été envoyés en camps de rééducation. Plus récemment, les Xinjiang Police Files ont permis de mettre des visages et des noms sur les victimes de ces horreurs. La plus jeune détenue s’appelle Rahile Omer et n’a que 14 ans ! Dans le seul canton rural de Konasheher, plus de 12 % de la population adulte ouïghoure, soit un adulte sur huit, se trouvait dans un de ces camps ou dans une prison au cours des années 2017 et 2018.
Fin 2018, après avoir longuement nié, la Chine a reconnu l’existence de ces camps, les présentant comme des lieux « sympathiques » de formation professionnelle. Une véritable honte ! De nouveaux documents viennent confirmer visuellement les récits des témoins emprisonnés dans des camps où règnent la torture, les viols, la violence, les mauvais traitements ou encore le lavage de cerveau.
Un rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) publié le 31 août 2021, à la fin du mandat de Michelle Bachelet – chacun se souvient du blocage de la Chine à l’époque –, et consacré à la région autonome ouïghoure du Xinjiang concluait que de « graves violations des droits de l’homme » étaient commises à l’encontre des Ouïghours et d’« autres communautés majoritairement musulmanes ».
Déjà, à l’époque, ce rapport affirmait que « les allégations de pratiques de torture ou de mauvais traitements, notamment de traitements médicaux forcés et de mauvaises conditions de détention, étaient crédibles, tout comme les allégations d’incidents individuels de violences sexuelles et sexistes ».
Les Ouïghours subissent donc à la fois les conséquences d’un libéralisme fou, où il faut produire beaucoup moins cher, et un emprisonnement numérique, qui en fait des cobayes du gouvernement chinois en matière de surveillance grâce aux nouvelles technologies. Pire, ils subissent une éradication organisée de leur culture, de leur religion et de leur peuple à travers la stérilisation de nombreuses femmes.
L’Assemblée nationale a d’ailleurs adopté en janvier 2022 une résolution portant sur la reconnaissance et la condamnation du caractère génocidaire de ces violences. La France peut en être fière.
En juin 2022, le Parlement européen adoptait deux résolutions : l’une sur la situation des droits de l’homme au Xinjiang, y compris les fichiers de la police du Xinjiang, et l’autre sur un nouvel instrument commercial visant à interdire les produits issus du travail forcé. Preuve, s’il en fallait, que ces initiatives démocratiques ne laissent pas de marbre le régime de Pékin, celui-ci avait, en représailles, sanctionné une dizaine de ressortissants européens, dont des parlementaires, comme Raphaël Glucksmann. Je veux ici rappeler que ces sanctions contre des élus, qui font tout simplement le travail pour lequel ils ont reçu mandat, sont parfaitement inacceptables et doivent être condamnées systématiquement.
Cette seconde résolution européenne du mois de juin 2022 a conduit la Commission à présenter une proposition visant à interdire aux fabricants, producteurs et fournisseurs de mettre sur le marché européen ou d’exporter vers des pays tiers des produits issus du travail forcé.
Il appartiendra aux autorités de chaque État d’apporter la preuve de ce qu’ils soupçonnent. Les marchandises en question seront alors saisies et retirées du marché européen. Si je salue cette avancée, force est de constater, comme les orateurs précédents, qu’elle n’est pas suffisante.
Le texte que nous examinons aujourd’hui, lui, va dans le bon sens, puisqu’il invite les instances européennes à réviser cette proposition en s’inspirant des dispositions mises en œuvre par les États-Unis, qui interdisent les produits a priori et font peser la responsabilité sur les entreprises, celles-ci devant démontrer qu’elles n’utilisent pas et ne vendent pas de produits issus du travail forcé. Cette mesure aurait pour vertu de s’appliquer bien plus rapidement et, au regard des obligations en matière de traçabilité, ne devrait normalement pas poser de problèmes aux acteurs concernés, aujourd’hui quatre-vingt-trois entreprises.
Il faut le savoir, chacune et chacun d’entre nous, chaque personne qui porte un vêtement ou un accessoire qui comprend, à un moment ou à un autre de sa chaîne de production, une fibre de coton produite en Chine, doit envisager la forte probabilité d’être bénéficiaire, à son insu, du travail forcé d’Ouïghours.
Mes chers collègues, il faut réaffirmer haut et fort que le seul responsable de ces exactions est le gouvernement chinois. C’est ce que notre assemblée s’apprête à faire, je l’espère, en votant cette résolution, grâce à laquelle nous allons condamner les actes des autorités chinoises et soutenir la population ouïghoure.
En outre, selon les données de l’OIT, près de 30 millions de personnes dans le monde sont actuellement soumises au travail forcé, pour 86 % des cas dans l’économie privée et pour 14 % dans un cadre imposé par l’État. Cette situation n’est acceptable nulle part, pas plus en Chine que dans d’autres pays. Vous l’aurez compris, le groupe SER votera en faveur de cette proposition de résolution. Je remercie une nouvelle fois nos collègues du groupe GEST et Mme Mélanie Vogel.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. André Gattolin applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux commencer en remerciant le groupe GEST de la proposition de résolution visant à interdire l’importation de produits issus du travail forcé de la population ouïghoure du Xinjiang. À notre tour, sans réserve et fermement, nous condamnons les crimes de masse commis à l’encontre de cette population.
Le rapport issu de l’enquête du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU présente des éléments probants : travail forcé, séparation des familles, camps de travail, application brutale et discriminatoire de la politique de contrôle des naissances jusqu’à la stérilisation forcée, torture, viols.
Il n’utilise cependant pas encore le qualificatif « génocidaire », contrairement à la résolution que nous examinons aujourd’hui. Vous connaissez nos réserves quant à l’utilisation de ce terme tant que l’ONU n’a pas statué officiellement.
Il n’en reste pas moins que ce rapport et les nombreuses enquêtes journalistiques suffisent à conforter notre condamnation de la répression de masse conduite à l’encontre de la population ouïghoure. Nous appelons d’ailleurs la Chine à permettre une enquête indépendante sur son territoire au plus vite.
Si ces crimes sont à examiner dans le cadre de l’ONU, les États ne doivent pas pour autant rester silencieux. Cette résolution s’attaque à un volet qui peut être décliné aux échelons national et européen : l’interdiction de produits issus du travail forcé de la population ouïghoure en Chine.
Mes chers collègues, dans la fraternité humaine et la solidarité, il ne peut y avoir ni tri ni deux poids, deux mesures. Notre groupe, comme toujours, condamne toutes les oppressions, violences ou crimes commis contre un peuple ou une minorité : non seulement les exactions commises à l’encontre des populations ouïghoures, mais aussi celles qui sont infligées aux Palestiniens par la colonisation israélienne, aux Sahraouis, toujours niés par le pouvoir marocain, au peuple cubain, qui subit un blocus américain insupportable, aux Rohingyas, victimes de persécutions en Birmanie. Nous condamnons enfin le régime dictatorial en Corée du Nord et l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Poutine.
Si nous partageons l’objectif de la présente résolution, à savoir interdire l’importation des produits issus du travail forcé, nous ne comprenons pas la demande de révision du projet de règlement européen pour réduire son objet au seul cas des Ouïghours, alors que, sans être parfait, il a actuellement un champ d’application potentiellement plus large.
De plus, la référence à la résolution américaine promulguée par Biden en 2021, dans la foulée des sanctions de Trump, est problématique. Les décisions états-uniennes s’inscrivent dans une logique de guerre économique bien éloignée des droits humains, qu’ils ne se privent pas de fouler en bien d’autres occasions, partout sur la planète, et notamment au Moyen-Orient.
La lutte contre le travail forcé ne doit ni connaître de frontières ni devenir l’instrument à géométrie variable des guerres économiques.
Le travail forcé n’advient pas uniquement dans les camps du Xinjiang. D’après les chiffres de l’OIT, il concerne plus 27 millions de personnes, hommes, femmes et enfants, sur la planète.
Par ailleurs, trop de populations sont exploitées pour des salaires de misère, qui ne suffisent pas à vivre dignement. Ainsi, 50 millions de personnes vivent dans des situations d’esclavage moderne. Aucune région du monde n’est épargnée. L’Asie et le Pacifique comptent plus de la moitié du total mondial, avec 15 millions de travailleurs forcés, mais l’Europe et l’Asie centrale ne sont pas en reste, avec près de 4 millions, et 3, 8 millions de personnes sont concernées en Afrique.
Depuis 2017, la situation mondiale se dégrade. La pandémie de covid-19, les conflits armés, le changement climatique, les atteintes graves aux droits humains exposent les populations au risque d’exploitation débridée.
Surtout, il ne faut pas oublier que trop de multinationales s’en rendent coupables. Attirées par la logique du profit maximal, elles trouvent leur compte dans les États autoritaires et dans le moins-disant social et environnemental. Dénonçons dès lors toutes les situations de travail forcé, qui font système dans un monde ravagé par l’argent-roi et qui apparaissent avec les traités de libre-échange inspirés par nos logiques commerciales.
Dénonçons à raison ce qui se passe non seulement en Chine, mais aussi au Moyen-Orient, singulièrement au Qatar, ainsi que l’enfer des 40 000 enfants travaillant dans les mines de cobalt en République démocratique du Congo. Interrogeons nos modes de production et de consommation, socialement et écologiquement irresponsables.
Pour lutter efficacement contre le fléau du travail forcé, exigeons des certifications des entreprises sur leurs chaînes d’approvisionnement. Des secteurs sont cités avec insistance dans le rapport de l’OIT : agriculture, mines, industrie manufacturière ou construction.
Mes chers collègues, même si nous avons une divergence sur l’évolution restrictive du règlement européen, qui en réduirait la portée potentiellement universelle, le groupe CRCE, à l’exception de deux de ses membres, votera en faveur de cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France est un pays très attaché aux droits de l’homme. N’oublions pas que Victor Schœlcher, qui a siégé ici, au Sénat, a permis l’abolition de l’esclavage voilà un peu moins de deux siècles. Soyons-en fiers !
N’oublions pas non plus que la Déclaration universelle des droits de l’homme a été signée en France au siècle dernier. Aux termes des articles 4 et 5 de celle-ci : « Nul ne sera tenu en esclavage […] » et « Nul ne sera soumis à la torture […] ».
Il nous faut faire en sorte que cette Déclaration universelle des droits de l’homme, porteuse de valeurs fondamentales pour notre pays, soit respectée à travers le monde.
La France est aussi attachée à l’expression de l’ensemble des minorités, notamment les minorités régionales. Je suis pour ma part élu de Bretagne, donc attaché au respect des libertés de conscience et d’aller et venir, en Bretagne comme dans d’autres régions françaises et du monde. Nous devons en permanence œuvrer pour faire en sorte que ces libertés soient effectives partout sur notre planète.
Notre collègue Rachid Temal a rappelé que l’OIT recensait 30 millions de personnes soumises au travail forcé. Nous, qui sommes attachés aux valeurs de liberté, ne pouvons pas l’accepter, et nous devons le dénoncer et nous indigner.
Par ailleurs, notre collègue Fabien Gay a proposé qu’une commission d’enquête internationale puisse se rendre en République populaire de Chine, afin de savoir réellement ce qu’il s’y passe et pouvoir apporter les preuves irréfutables de comportements que nous réprouvons. Mais nous devons aussi être sensibles à la situation de toutes les minorités de par le monde.
Des conflits armés sont malheureusement toujours en cours. Nous avons tous en tête la guerre en Ukraine. Hier, dans cet hémicycle, nous évoquions également la situation de l’Arménie et du Haut-Karabagh, où nous devons aussi dénoncer les privations de liberté.
Force est de reconnaître que nous nous sentons parfois démunis. Pour autant, il faut agir, et les sanctions économiques, que nous avons utilisées contre la Russie pour son agression de l’Ukraine, me semblent être un bon moyen pour exprimer notre réprobation face à certains comportements, dans un monde où l’échange des biens et des marchandises est de plus en plus important.
Le groupe Union Centriste est particulièrement attaché aux valeurs humanistes, libérales, sociales et européennes. Chaque fois que ses membres en ont l’occasion, notamment dans le cadre des groupes d’amitié, ils n’ont de cesse de faire valoir notre tradition française de défense des droits de l’homme.
J’en viens plus précisément au texte déposé par nos collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. Si nous n’avons pas grand-chose à y redire sur le fond, nous regrettons deux choses sur la forme.
Premièrement, la charge de la preuve pour l’instauration des sanctions proposées sera très difficile à établir. Cela doit nous amener à être prudents. Certains diront que des faits sont irréfutables, mais nous considérons pour notre part que le doute persiste. La mise en œuvre nous apparaît donc particulièrement difficile.
Deuxièmement, nous pensons que, sur les textes relatifs aux droits de l’homme comme celui que nous examinons, une approche transpartisane a beaucoup plus de poids qu’une initiative isolée d’un groupe dont la vision des choses n’est pas unanimement partagée. Cela aussi doit nous amener à la prudence.
Les membres du groupe Union Centriste sont attachés aux valeurs qui fondent notre République et souhaitent les partager. Néanmoins, pour les raisons que je viens d’évoquer, ils s’abstiendront sur ce texte, à l’exception de trois d’entre eux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez certainement entendu parler de Shein, allégorie de la fast fashion : t-shirts à 2 euros, robes à 9 euros et accessoires de mode défiant toute concurrence. Tel est le prix de l’esclavage moderne.
Le 5 mai, cette enseigne chinoise a ouvert en plein cœur de notre capitale, et pour la seconde fois, une boutique éphémère, où des milliers de Français se sont précipités pour effectuer des achats.
À qui pouvons-nous jeter la pierre ? Au consommateur, qui, faisant face à l’inflation, souhaite acheter à moindre coût, ou au Gouvernement, qui permet que ce géant chinois exploitant les Ouïghours comme main-d’œuvre forcée s’installe librement sur notre sol en toute impunité ?
La marque Shein enregistre un chiffre d’affaires de 30 milliards d’euros. Pourtant, elle ne rémunère ses employés ouïghours qu’une poignée de centimes, cela bien entendu sans contrat de travail et dans des conditions on ne peut plus exécrables.
Le 9 juin 2022, la veille de la Journée nationale de commémoration de l’abolition de l’esclavage, le Parlement européen a cherché à protéger le peuple ouïghour en interdisant l’import de produits issus de leur travail forcé, mais sans s’en donner véritablement les moyens.
Si la réalité des persécutions que subit ce peuple ne fait plus débat, si la nature même d’un génocide se profile, l’effectivité limitée des mesures européennes nous invite à vouloir aller plus loin pour défendre le respect des droits de l’homme.
Trop d’enseignes de géants de la mode que nous avons tous fréquentées au moins une fois font des profits colossaux en vendant ces articles produits en Chine au mépris des droits de l’homme. Au mois d’avril dernier, le combat des ONG contre ces pratiques a été classé sans suite. Le besoin de nouveaux instruments apparaît évident.
La proposition de résolution dont nous débattons aujourd’hui vise à assurer une meilleure traçabilité, afin qu’il soit démontré que ces produits importés ne sont pas issus du travail forcé ouïghour et que l’industrie textile, pour ne citer qu’elle, ne puisse plus se cacher derrière son ignorance.
Mes chers collègues, puisque tout reste à faire, puisque des textes ambitieux sont nécessaires, apportons notre soutien à cette cause juste. Pour que l’histoire ne puisse pas, plus tard, nous juger pour notre inaction, adoptons aujourd’hui cette résolution. Ne disons pas, plus tard, que nous ne savions pas.
Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – M. André Gattolin applaudit également.
M. Michel Canévet applaudit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires de leur initiative, qui permet la tenue de ce débat sur le triste sort de la population ouïghoure.
Au lendemain des crimes contre l’humanité commis dans des camps de concentration par les régimes totalitaires d’Hitler ou de Staline, on croyait avoir tourné la page d’une telle barbarie. Eh bien non : au XXIe siècle, nous devons encore déplorer des tragédies humanitaires !
Depuis maintenant plusieurs années, la République populaire de Chine bafoue les droits humains de la population ouïghoure et d’autres peuples turciques, et ce dans une certaine indifférence de la communauté internationale.
Les auteurs de la proposition de résolution l’ont rappelé, les Ouïghours représentent la population chinoise musulmane, originaire du Xinjiang, une vaste région historiquement connue comme point de contact entre la Chine et le Moyen-Orient.
Les faits sont très documentés : les Ouïghours sont soumis à des arrestations arbitraires, à la déportation, au travail forcé et à des violences morales et physiques.
Dans les centres d’internement et d’endoctrinement où ils sont enfermés, ils subissent les pires supplices, parmi lesquels, de façon systématique, des flagellations, des électrifications, des stérilisations et avortements forcés, des viols.
Comme si cela ne suffisait pas, pour que soit bien marquée la raison de cet acharnement, les Ouïghours se voient infliger des pratiques allant à l’encontre du libre exercice de leur culte, comme l’ingestion forcée de porc ou d’alcool et l’interdiction de prier. Les autorités chinoises font preuve d’une imagination terrifiante et sans borne.
J’ajoute que ces atrocités n’ont pas de limite d’âge ou de genre. On dénombre, dans ces camps, environ 1 million à 2 millions de femmes, d’hommes, mais également des enfants. Séparés de leurs familles, ceux-ci sont soumis aux mêmes conditions de vie que leurs aînés, notamment en matière de travail forcé.
Si ces crimes se déroulent très loin de nous, gardons à l’esprit que chaque Ouïghour de la diaspora vivant en France compte au moins un proche dans les camps de concentration, les prisons ou les usines de travail forcé du régime chinois.
Selon un groupe d’avocats et d’experts des droits humains, il s’agit d’un véritable génocide, car les autorités chinoises, comme on le sait, souhaitent éradiquer une population en raison de sa confession et la rééduquer aussi bien culturellement que politiquement.
Face à cela, que pouvons-nous faire ? Sans aucun doute, dénoncer et boycotter les multinationales, comme le groupe français SMCP, qui détient Sandro, Maje et Claudie Pierlot, l’espagnol Inditex, avec Zara et Bershka, ou encore Shein, qui a été évoqué à l’instant. Ces groupes profitent du travail forcé de cette population dans une démarche de profits à tout prix.
Leurs succès commerciaux ont le goût du sang, tant ils nient les principes de l’OIT, qui condamnent l’esclavage, le travail forcé, le travail des enfants, toutes formes de discrimination raciale, de torture et de châtiments cruels.
Faut-il rappeler aussi l’article 33 de la Constitution de la République populaire de Chine, qui énonce que l’État « respecte et garantit les droits de l’homme » ? Au mépris de son propre texte fondamental et des textes fondateurs du droit humanitaire international, l’État chinois commet en toute impunité ces crimes, avec la complicité des grandes multinationales.
La communauté internationale, dont la France, toujours écoutée en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, a le devoir de protéger la population ouïghoure.
Cela fera bientôt deux ans que les États-Unis ont promulgué un texte de loi interdisant l’achat de produits qui seraient fabriqués en partie ou totalement dans le Xinjiang.
De son côté, l’Europe avance timidement, ménageant la Chine – disons-le – pour les raisons économiques et diplomatiques que nous connaissons. Toutefois, regardons comment la Russie nous rend la bienveillance que nous avions toujours eue à son égard jusqu’à la veille de son agression contre l’Ukraine… La peur de contrarier n’évite pas le danger !
Dans ces conditions, la France doit s’impliquer pour la mise en place d’un embargo européen strict sur les produits issus du travail forcé. Le dispositif de la Commission européenne doit être revu en faveur d’un dispositif clair et opérationnel, bloquant aux frontières les importations entachées de sang ouïghour.
Ainsi, le groupe RDSE approuve la proposition de résolution et la votera.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – M. André Gattolin applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en dépit de ses dénégations obstinées, malgré la chape de plomb qu’il fait peser sur tout un pays, et spécialement sur ses provinces situées à l’ouest, le régime chinois ne parvient plus à dissimuler la nature de ses agissements contre la minorité ouïghoure.
Depuis plusieurs années, en effet, les témoignages de persécutions qui nous parviennent de la région du Xinjiang sont à la fois de plus en plus nombreux, de plus en plus précis, mais aussi de mieux en mieux étayés par une pluralité d’enquêtes et de rapports internationaux.
Surveillance généralisée, restrictions religieuses et linguistiques, arrestations arbitraires, internements de masse, travail forcé, viols systématisés, stérilisations, torture : la gravité des accusations qui pèsent sur Pékin est accablante.
À ce jour, leur qualification exacte fait encore l’objet de nombreux débats d’experts. Mais, qu’on la nomme « violations graves des droits fondamentaux », « crimes contre l’humanité » ou bien « génocide », la réalité du supplice vécu par les Ouïghours, elle, ne peut plus raisonnablement être mise en doute.
Face à ce constat, qui s’impose chaque jour avec davantage de force, la réaction internationale se distingue pourtant par sa retenue. Le récent rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a matérialisé une prise de conscience réelle sur le sujet.
Mais la polarisation du monde, conjuguée à la prépondérance croissante de la Chine dans toutes les dimensions des relations internationales, risque d’entraver encore longtemps la réponse des instances multilatérales.
D’autres moyens d’action doivent donc être explorés. L’Union européenne a ainsi décidé, en 2021, conjointement avec d’autres pays occidentaux, de hausser le ton et d’adopter des mesures restrictives. Ces sanctions, les premières visant la Chine depuis Tiananmen, ont constitué un signal politique et diplomatique majeur, qu’il ne faut pas sous-estimer.
Mais, en se contentant de geler les avoirs d’une poignée de responsables chinois et de leur interdire de pénétrer sur le territoire européen, leur ampleur apparaît, il est vrai, bien modeste au regard des faits incriminés. Il était donc important que la réponse européenne puisse franchir une nouvelle étape, mais aussi qu’elle dépasse le seul terrain diplomatique, pour viser également le champ des échanges commerciaux, fondement de la puissance chinoise.
Nous savons tous combien notre relation à la Chine, et tout particulièrement notre relation commerciale, est un sujet délicat, sur lequel les sensibilités et les intérêts des États membres ne s’alignent pas spontanément.
Très attendue, la proposition de règlement européen sur l’interdiction des produits issus du travail forcé est donc, à ce titre, une initiative qui mérite d’être saluée et soutenue.
Certes, le projet de texte ne vise pas spécifiquement la Chine, puisqu’il prévoit que tous les biens issus du travail forcé devront être bannis du marché européen, et ce quelle que soit leur provenance. Et pour cause : l’Organisation internationale du travail nous rappelait encore récemment que près de 28 millions de personnes, sur les cinq continents, étaient touchées par cette forme d’esclavage moderne.
Néanmoins, ce large cadre géographique ne devrait pas empêcher l’Europe de cibler ses efforts contre le travail forcé. En effet, les autorités chargées d’appliquer la législation devront adopter une approche fondée sur les risques. En d’autres termes, elles devront orienter leurs investigations en priorité vers les zones et les secteurs présentant les plus forts risques de travail forcé.
Pour ce faire, elles devront prendre en compte les informations émanant de nombreuses sources, telles que les témoignages individuels, les éléments communiqués par les ONG ou encore les données recueillies auprès des entreprises, notamment dans le cadre de l’exercice de leur devoir de vigilance.
Les autorités pourront en outre s’appuyer sur les travaux de leurs homologues européens, réunis au sein d’un nouveau réseau contre les produits issus du travail forcé, ainsi que sur les orientations fournies par la Commission européenne au travers des lignes directrices, des indicateurs de risques et de la base de données qu’elle publiera.
Ainsi, dans la pratique, et au vu de la somme d’informations déjà collectées à ce jour, l’application de ce dispositif aboutira inévitablement à placer le Xinjiang et ses exportations au sommet de la liste des enquêtes à mener par les autorités nationales.
La proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui suggère néanmoins une approche différente de celle que préconise la Commission.
Dans un premier temps, ses auteurs invitent l’Union européenne à renforcer ses sanctions contre les auteurs des crimes perpétrés contre la communauté ouïghoure. Je crois que nous pouvons tous, sur ce point, nous retrouver et considérer que les mesures actuellement en place méritent d’être à la fois approfondies et élargies.
Dans un second temps, il est proposé d’introduire, au sein du projet de règlement européen, un régime spécifique à la région du Xinjiang. Selon les termes de l’exposé des motifs, il s’agirait de mettre en place un embargo sur les produits issus du travail forcé de la population ouïghoure. Comment, là encore, ne pas souscrire à un tel objectif ?
Le système proposé par nos collègues me laisse, en revanche, plus dubitative. En effet, celui-ci s’inspirerait du mécanisme qui est mis en œuvre depuis un an par les États-Unis et qui prévoit que les marchandises en provenance du Xinjiang sont automatiquement réputées enfreindre l’interdiction de travail forcé, sauf à ce que l’importateur puisse prouver le contraire d’une manière « claire et convaincante ».
Dès lors, avec le texte qui nous est proposé, il appartiendrait non plus aux autorités de prouver une infraction, mais aux entreprises de démontrer son absence, qui plus est « hors de tout doute ». Disons-le d’emblée : dans le labyrinthe des chaînes d’approvisionnement modernes, éliminer ce doute sera quasiment impossible, tant il est complexe pour une entreprise, et spécialement pour une PME, de connaître l’ensemble des acteurs participant à la fabrication d’un produit.
À ce titre, il est important de souligner que si l’enchevêtrement des chaînes de valeur peut se révéler un obstacle infranchissable pour les entreprises, la proposition de règlement européen fait en sorte qu’il n’en soit pas de même pour les autorités. En effet, celles-ci pourront interdire la commercialisation d’un produit même si tous les éléments prouvant qu’il est issu du travail forcé n’ont pas pu être réunis.
Dans ce contexte, une inversion de la charge de la preuve n’apparaît pas véritablement indispensable. Surtout, en raison de la responsabilité exorbitante et des risques de non-conformité qu’elle ferait peser sur les entreprises, une telle mesure risque de les inciter à se désengager de toute activité en lien avec le Xinjiang.
L’exemple américain nous fournit d’ailleurs un précédent instructif, puisque nombre d’entreprises, américaines ou non, ont d’ores et déjà annoncé qu’elles cesseraient purement et simplement de s’y approvisionner, afin de maintenir leur accès au marché américain et d’éviter tout risque de sanction.
À la lumière de cet exemple, il est à craindre que l’embargo proposé par nos collègues sur les produits du travail forcé des Ouïghours ne se transforme en embargo tout court, privant ainsi toute la province d’une grande partie des débouchés sur lesquels repose actuellement son activité économique. Je crois donc qu’il faut aussi et peut-être avant tout mesurer pleinement les effets secondaires que pourrait avoir un tel embargo sur la population du Xinjiang, donc sur les Ouïghours eux-mêmes.
Plus largement, chacun a pris conscience ces dernières années que la traçabilité et la responsabilisation des chaînes d’approvisionnement étaient désormais des impératifs incontournables. Mais il m’apparaît essentiel sur ce sujet d’éviter les ruptures et d’avancer pas à pas. Il est également essentiel d’adopter une logique partenariale entre des États légitimement de plus en plus exigeants et des entreprises de plus en plus mises à contribution, mais aussi – il faut le souligner – de plus en plus engagées.
C’est pourquoi, même si nous comprenons l’objectif de ce texte, le dispositif proposé ne nous semble pas le plus opportun. Le groupe Les Républicains s’abstiendra donc sur cette proposition de résolution.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec son développement économique spectaculaire et ses prouesses technologiques, nous pourrions presque oublier que la Chine est communiste. L’enfer des camps nous le rappelle.
Depuis la fin du XXe siècle, et plus encore depuis 2014, le parti communiste chinois emploie les grands moyens pour régler son problème ouïghour. Cette minorité ethnique de 11 millions de personnes est la cible d’une persécution génocidaire.
Sous couvert de lutte contre l’islamisme, les dirigeants chinois enferment à grande échelle cette population. Dans la droite ligne totalitaire communiste, le parti organise la rééducation des individus à travers un système concentrationnaire.
Avec sa discipline de fer, il tente de briser les consciences et la croyance religieuse par l’endoctrinement. Le marxisme n’ayant jamais été très convaincant
M. Fabien Gay s ’ exclame.
La rééducation, criminelle en elle-même, n’est cependant qu’une façade. Pour régler le problème, les autorités chinoises entreprennent de le faire disparaître. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU les accuse ainsi de procéder à des campagnes de stérilisation forcée. L’objectif est d’effacer la culture ouïghoure, la langue ouïghoure, mais aussi la minorité ouïghoure dans son ensemble.
Ces actes portent atteinte à l’humanité et déshonorent la Chine millénaire. Ils appellent la plus ferme condamnation. C’est le sens du présent texte déposé par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. Sans se contenter de saluer l’initiative de nos collègues, notre groupe a cosigné cette résolution à l’unanimité.
Le martyre des Ouïghours n’est – hélas ! – pas un cas isolé. Avant eux, il y a déjà eu tous ceux qui furent décrétés nationalistes, contre-révolutionnaires, comme les militants des droits humains ou encore les Tibétains. On dénombre 50 millions de personnes qui sont passées par les camps du parti ; 20 millions de personnes y sont mortes.
Ce n’est pas un hasard si la Chine a toujours eu recours à l’emprisonnement de masse. Comment pourrait-il en être autrement quand hors de la majorité ne peuvent se trouver que les ennemis du peuple ?
La réalisation du bien commun implique la surveillance et le contrôle des individus. Il faut s’assurer de leur obéissance et les priver des moyens de s’opposer. Ainsi disparaissent le droit de propriété et la liberté.
Un tel système carcéral coûte cher. Pour le maintenir, les autorités chinoises équilibrent les finances en recourant au travail forcé. Aujourd’hui comme hier, les détenus travaillent sans relâche entre les séances de torture et d’autocritique.
Les marchandises issues du travail forcé sont souillées du sang des victimes du régime communiste. Défenseurs de la liberté, nous ne pouvons pas commercer avec ses fossoyeurs. La résolution propose que ces biens ne franchissent pas nos frontières ; nous ne pouvons que l’approuver.
Par sa cosignature et par son vote à l’unanimité, le groupe Les Indépendants affirme son opposition à toutes les oppressions. Les Ouïghours, comme toutes les minorités, comme tous les individus, ont droit au respect de leur liberté.
Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDSE. – Mme Esther Benbassa et M. André Gattolin applaudissent également.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je mesure la gravité du sujet qui m’amène aujourd’hui à prendre la parole devant vous à l’occasion de l’examen de cette proposition de résolution visant à interdire l’importation des produits issus du travail forcé de la population ouïghoure en République populaire de Chine.
Depuis plusieurs années, la situation des droits de l’homme au Xinjiang fait l’objet des plus vives préoccupations. Des témoignages et des rapports étayés ont notamment fait état d’internements de masse et de détentions arbitraires, de disparitions forcées, de violences sexuelles, de surveillance généralisée ainsi que de travail forcé, sujet au cœur de la proposition de résolution examinée aujourd’hui.
Ces informations ont été confirmées par les conclusions du rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme au Xinjiang, publié en août 2022. Celui-ci souligne également que l’ampleur de la détention arbitraire et discriminatoire subie par les personnes ouïghoures et d’autres groupes à prédominance musulmane pourrait être constitutive de crimes internationaux, en particulier de crimes contre l’humanité.
S’agissant des allégations de travail forcé, il est fait état dans le rapport du HCDH d’éléments de coercition dans les programmes de travail et d’emploi au Xinjiang, ce qui rejoint les conclusions de M. Tomoya Obokata, rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences.
M. Obokata estimait en juillet 2022 pouvoir raisonnablement conclure que des Ouïghours, des Kazakhs et des membres d’autres minorités ethniques avaient été soumis au travail forcé dans des secteurs tels que l’agriculture et l’industrie manufacturière dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, en Chine.
Face à la gravité de la situation au Xinjiang, la France est pleinement mobilisée à tous les niveaux.
Tout d’abord, dans le cadre du dialogue étroit et exigeant qu’elle mène avec la Chine, la France évoque les droits de l’homme en Chine, en particulier au Xinjiang, lors des entretiens bilatéraux jusqu’au plus haut niveau. Nous relayons auprès des autorités chinoises nos préoccupations, partagées par l’opinion publique française, quant à l’ampleur et à la gravité des violations au Xinjiang, et appelons à y mettre fin. Le Président de la République s’est lui-même à plusieurs reprises exprimé publiquement avec force à ce sujet. L’ambassade de France en Chine poursuit, en dépit d’un contexte difficile, son action de soutien à la société civile et aux militants des droits de l’homme.
S’agissant de notre territoire national, les autorités françaises sont très attentives au respect des droits fondamentaux des Ouïghours établis en France, ainsi qu’à leur sécurité, comme elles le sont pour toutes les personnes présentes sur notre territoire, qu’elles soient de nationalité française ou étrangère.
Au niveau européen, notre action a pris une dimension nouvelle avec l’adoption de sanctions, le 22 mars 2021, au titre du régime transversal de sanctions de l’Union européenne en matière de droits de l’homme. Parmi les personnes et entités sanctionnées, quatre individus et une entité ont été désignés pour leur responsabilité dans les violations des droits de l’homme perpétrées au Xinjiang. Ces mesures constituaient une première depuis les sanctions adoptées en 1989.
Le Xinjiang a également été l’objet d’échanges approfondis à l’occasion de la 38e session du dialogue Chine-Union européenne sur les droits de l’homme du 17 février 2023. Quant à la réunion trilatérale du 6 avril dernier entre la présidente de la Commission européenne, le président de la République française et le président Xi Jinping, elle a porté sur la situation des droits de l’homme en Chine et au Xinjiang.
Il convient également de mentionner l’accord global sur les investissements entre l’Union européenne et la Chine. L’Union s’était attachée à y introduire des engagements formels de respect des conventions fondamentales de l’OIT, notamment celles relatives au travail forcé. Cette vigilance européenne a eu des résultats, avec la ratification par la Chine des conventions fondamentales n° 29 et 105 de l’OIT sur le travail forcé.
Bien entendu, au-delà de la ratification, la question de la mise en œuvre de ces conventions est toujours présente dans nos échanges avec Pékin. Par ailleurs, comme vous le savez, le processus de ratification de l’accord sur les investissements est interrompu depuis que la Chine a sanctionné des élus et des parlementaires, en particulier des parlementaires européens.
Pour ce qui concerne les enceintes internationales, la France y soutient systématiquement les déclarations et les résolutions dénonçant la situation au Xinjiang, prononcées au sein de la Troisième Commission de l’Assemblée générale des Nations unies et du Conseil des droits de l’homme (CDH).
Ainsi, le 6 octobre dernier, lors de la 51e session du CDH, la France a appelé à tenir un débat à la suite de la publication du rapport du HCDH sur la situation des droits de l’homme dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang.
Après vous avoir exposé les différents piliers de notre politique en matière de droits de l’homme au Xinjiang, je voudrais en revenir au sujet de la lutte contre le travail forcé et au devoir de vigilance des entreprises. L’engagement de la France dans ce domaine est, vous le savez, pionnier. Notre pays est en effet le premier au monde à s’être doté, dès 2017, d’une loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.
Cette loi vise à identifier les risques liés aux activités des entreprises et à leurs chaînes de valeur afin de prévenir et d’atténuer les atteintes graves aux droits fondamentaux, y compris le travail forcé et les atteintes à l’environnement, et d’y remédier. Elle impose aux entreprises d’établir un plan de vigilance, inclus dans le rapport de gestion de l’entreprise. Nous conduisons à cette fin des actions de sensibilisation, afin de veiller à ce que le secteur privé prenne sa part de responsabilité pour lutter contre le travail forcé.
Notre objectif aujourd’hui est que l’Union européenne prenne des mesures à la hauteur des enjeux. C’est pourquoi la France a fait du capitalisme responsable une des priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne au premier semestre 2022. Dans ce cadre, elle a pris une part active à l’élaboration du projet de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, présenté par la Commission en février 2022.
La France continue de mettre son expérience, accumulée grâce à sa loi nationale, au service de la négociation en cours. Elle participe également activement aux travaux menés en vue d’adopter un règlement pour interdire à tous les opérateurs économiques la mise sur le marché européen de produits issus du travail forcé, qu’ils soient fabriqués sur le territoire de l’Union européenne ou importés, ainsi que l’exportation de tels produits depuis l’Union européenne.
La France sera donc attentive à ce que le projet de règlement soit davantage clarifié pour garantir son opérationnalité et sa prévisibilité, tant pour les entreprises que pour les autorités chargées de son application. Nous appelons à ce que les discussions européennes s’accélèrent aujourd’hui sur le sujet.
En outre, notre pays déploie son action à l’échelle mondiale et multilatérale pour lutter contre le travail forcé. Il promeut le développement, la ratification et l’application effective des normes internationales pour interdire le travail forcé. L’entrée en vigueur pour la Chine des conventions fondamentales n° 29 et 105 de l’OIT sur le travail forcé, cet été, déclenchera les mécanismes de suivi et de contrôle qui sont prévus pour ces conventions.
La vigilance du Gouvernement s’exerce aussi en matière de financement du développement. Nous contestons tout financement, y compris par l’intermédiaire des banques de développement, de projets susceptibles de contribuer au travail forcé ou à la répression, notamment dans la région du Xinjiang.
La France tient aussi un rôle moteur au sein de l’Alliance 8.7, partenariat mondial pour l’éradication du travail forcé, de l’esclavage moderne, de la traite des êtres humains et du travail des enfants dans le monde.
Dans le cadre du G7, la France a signé plusieurs déclarations politiques visant à réaffirmer son engagement à lutter contre le travail forcé à l’échelle mondiale, la plus récente étant celle signée à Hiroshima le 20 mai 2023.
La France est aussi très active dans la négociation et les discussions relatives à la conduite responsable des entreprises au sein de l’OCDE, qui est l’enceinte de référence en la matière, ayant permis d’élaborer des bonnes pratiques et des outils concrets à l’intention des entreprises.
Ces différents exemples témoignent de l’engagement de la France sur la thématique du travail forcé au niveau tant national, européen qu’international. Vous aurez constaté une grande convergence entre l’action du Gouvernement et les recommandations contenues dans cette proposition de résolution parlementaire.
Le travail forcé constitue toutefois un problème d’ampleur mondiale que l’on ne saurait circonscrire à une seule région. C’est pourquoi nous défendons le principe d’une réponse mondiale. C’est aussi la raison pour laquelle la France privilégie, comme l’Union européenne, une approche transversale qui soit garante à la fois d’efficacité et de conditions de concurrence équitables.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la France continuera de mener avec ses partenaires européens un dialogue exigeant et – disons-le – difficile avec la Chine sur le respect des droits de l’homme, notamment au Xinjiang, en appelant en particulier la Chine à ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies.
Nous poursuivrons par ailleurs, sans relâche, notre engagement afin que soient bien pris en compte les objectifs fixés au niveau européen en matière de respect des droits de l’homme en Chine, en particulier au Xinjiang et dans le cadre de la politique commerciale et d’investissement.
Dans les instances internationales, nous demeurerons pleinement mobilisés afin de défendre le caractère universel et inaliénable des droits de l’homme et d’exhorter la Chine à respecter ces libertés fondamentales, conformément à ses obligations découlant du droit national et international.
La discussion générale est close.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu la Charte des Nations unies du 26 juin 1945,
Vu la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948,
Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies le 16 décembre 1966, notamment son article 8 qui interdit l’esclavage et les travaux forcés, signé, mais non ratifié par la République populaire de Chine,
Vu la Convention (n° 029) de l’Organisation internationale du travail (OIT) de 1930 sur le travail forcé et le Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930,
Vu la Convention (n° 182) de l’Organisation internationale du travail (OIT) de 1999 sur les pires formes de travail des enfants,
Vu la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale des Nations unies du 4 janvier 1969,
Vu la Convention relative aux droits de l’enfant adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies le 20 novembre 1989,
Vu la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies le 10 décembre 1984,
Vu la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies le 18 décembre 1979,
Vu l’article 33 de la Constitution de la République populaire de Chine, qui dispose que « l’État respecte et garantit les droits de l’homme »,
Vu la promulgation du Uyghur Forced Labor Prevention Act par le président américain Joseph Biden le 23 décembre 2021,
Vu le règlement d’exécution (UE) 2022/2374 du Conseil du 5 décembre 2022 mettant en œuvre le règlement (UE) 2020/1998 concernant des mesures restrictives en réaction aux graves violations des droits de l’homme et aux graves atteintes à ces droits,
Vu la résolution du Parlement européen du 9 juin 2022 sur un nouvel instrument commercial visant à interdire les produits issus du travail forcé (2022/2611(RSP)),
Vu la résolution n° 758 (quinzième législature) adoptée par l’Assemblée nationale le 20 janvier 2022, portant sur la reconnaissance et la condamnation du caractère génocidaire des violences politiques systématiques ainsi que des crimes contre l’humanité actuellement perpétrés par la République populaire de Chine à l’égard des Ouïghours,
Vu le rapport sur le Xinjiang du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme publié le 31 août 2022,
Considérant le caractère génocidaire des violences politiques systématiques et les crimes contre l’humanité perpétrés par la République populaire de Chine à l’encontre des Ouïghours, et reconnus comme tels par huit parlements nationaux, dont l’Assemblée nationale française ;
Considérant les nombreux témoignages faisant état d’arrestations sommaires, de torture et de viols systématiques à l’encontre de la population ouïghoure ;
Constatant l’internement de masse des Ouïghours et d’autres minorités turciques présentes dans la région autonome du Xinjiang ;
Considérant les politiques de stérilisation massive et forcée, de sinisation et d’éradication de l’identité, de la culture et du peuple ouïghours, ainsi que la séparation des enfants de leurs familles ;
Constatant le recours massif au travail forcé des Ouïghours par la République populaire de Chine ;
Considérant par ailleurs que le fruit de ce travail forcé constitue l’un des axes de développement du commerce extérieur de la République populaire de Chine, notamment en France et en Europe ;
Considérant que le développement économique de la région autonome du Xinjiang, une région vitale dans la mise en place des nouvelles « routes de la soie » déployée par la République populaire de Chine pour accroître son influence, repose en grande partie sur le travail forcé de la main-d’œuvre ouïghoure ;
Invite l’Union européenne à renforcer les sanctions contre les auteurs de ces crimes et contre les complices de ces atrocités ;
Invite le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne à réviser en profondeur le projet de règlement présenté le 14 septembre 2022 par la Commission européenne, afin de mettre en place un nouvel instrument commercial, compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce, visant à interdire l’importation de produits fabriqués en recourant au travail forcé et issus, même en partie, de la région autonome du Xinjiang, sauf si les entreprises concernées peuvent prouver hors de tout doute – et charge à elles seules d’en faire la preuve – que leur production n’implique pas de travail forcé ;
Invite le Gouvernement à plaider au niveau européen en faveur de cet instrument commercial visant à interdire l’importation de produits issus, en tout ou en partie, du travail forcé de la population ouïghoure.
Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explications de vote.
Je vais mettre aux voix la proposition de résolution.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 294 :
Le Sénat a adopté.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 6 juin 2023 :
À neuf heures trente :
Questions orales.
À quatorze heures trente :
Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (procédure accélérée ; texte de la commission n° 661, 2022-2023) et projet de loi organique relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire (procédure accélérée ; texte de la commission n° 662, 2022-2023).
À vingt et une heures trente :
Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à la politique étrangère de la France en Afrique.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à seize heures trente-cinq.
Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.
MM. Jean-Michel Arnaud, Julien Bargeton, Mmes Nadine Bellurot, Annick Billon, Florence Blatrix Contat, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, MM. Jean-Marc Boyer, Rémi Cardon, Patrick Chaize, Mmes Nathalie Delattre, Patricia Demas, MM. Thomas Dossus, Jérôme Durain, Rémi Féraud, Bernard Fialaire, Mme Pascale Gruny, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Xavier Iacovelli, Mme Micheline Jacques, M. Pierre Antoine Levi, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Anne Catherine Loisier, Marie Mercier, Catherine Morin-Desailly, Laurence Muller-Bronn, Sylviane Noël, MM. Pierre Ouzoulias, Cyril Pellevat, Christian Redon-Sarrazy, André Reichardt, Mmes Sylvie Robert, Laurence Rossignol, Elsa Schalck, MM. Laurent Somon et Pierre-Jean Verzelen.