Déposé le 28 janvier 2021 par : M. Leconte, Mmes de La Gontrie, Jasmin, MM. Jomier, Vaugrenard, Mme Meunier, M. Devinaz, Mmes Rossignol, Artigalas, MM. Assouline, Joël Bigot, Mmes Blatrix Contat, Bonnefoy, MM. Bouad, Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne, Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Durain, Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme Martine Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, Patrice Joly, Kanner, Kerrouche, Mmes Le Houerou, Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou, Michau, Mme Monier, MM. Montaugé, Pla, Mmes Poumirol, Préville, MM. Raynal, Redon-Sarrazy, Mme Sylvie Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, Vallini, Mme Van Heghe.
Supprimer cet article.
Cet article 4 bis est un cavalier législatif qui encoure l’inconstitutionnalité en ce qu’il ne présente aucun lien avec le présent projet de loi relatif à la bioéthique.
Il accentue l’insécurité juridique des enfants français conçus par GPA à l’étranger, en contradiction avec les arrêts de la CEDH condamnant la France à de nombreuses reprises. Selon la Cour, il relève de l’intérêt supérieur des enfants français de voir leur filiation intégrale reconnue (et par conséquent leur nationalité) avec « célérité » et de façon « effective ». L’artifice du passage par une procédure d’adoption d’un parent de son propre enfant, tel que posé à l’article 4 bis, ne permet en rien de respecter ces deux critères, accentue l’insécurité juridique dont seront victimes ces enfants si cet article venait à être adopté, et sera rendu tout simplement impossible dans certaines situations (notamment concernant les mères seules, séparées ou veuves, qui ne pourront pas adopter leur enfant ni à l’étranger – puisqu’elle figure déjà comme unique parent à l’acte de naissance de l’enfant-, ni en France où il est prohibé d’adopter de façon plénière l’enfant de son choix, hors cas d’adoption de l’enfant du conjoint). Contrairement à ce que prétendent les auteurs de l’article 4 bis, la réforme en cours de l’adoption ne changera strictement rien à ces dernières situations (en ce qu’elle n’ouvre de nouvelles possibilités d’adoption qu’aux couples non mariés, et ne résoudra pas les difficultés insurmontables qui seront celles des mères seules et de leurs enfants). Cela a été admis lors de la réunion plénière de notre commission spéciale. Cet article crée donc une discrimination à l’égard des femmes et de leurs enfants : seule la filiation paternelle sera transcrite à l’acte de naissance, et non la filiation maternelle (même lorsqu’il s’agit de leur enfant biologique, car conçu avec leurs gamètes). Ainsi, il fait peser uniquement sur les femmes et leurs enfants la « sanction » du recours à la GPA dans un État où cela est pourtant autorisé, les hommes eux voyant automatiquement leur qualité de père portée à l’acte français.
Si l’article 4 bis était adopté, il ferait encourir à la France une nouvelle condamnation par la CEDH, alors que depuis l’examen du présent projet de loi en première lecture au Sénat, notre droit a évolué concernant la préoccupation des auteurs de cet article 4 bis, annoncée comme ayant pour but d’empêcher la transcription intégrale « automatique » des actes de naissance des enfants français nés hors de France par GPA, et donc de voir leur filiation établie à l’égard des parents portés à l’acte de naissance étranger (acte pourtant régulièrement dressé par les autorités locales !). Aujourd’hui, il n’en est rien, et notre droit positif rappelle bien depuis des instructions du Procureur de Nantes en date de mars 2020, qu’en aucun cas il n’est procédé à une transcription « automatique ». Nous sommes désormais face à un système équilibré, permettant à la fois d’éviter la fraude et de respecter l’intérêt exclusif des enfants à voir leur filiation intégrale établie, dans le respect de la CEDH et conformément à une jurisprudence devenue constante de la Cour de cassation. Un « retour en arrière » opéré par l’adoption de l’article 4bis serait dramatique pour ces enfants.
En effet, la CEDH impose, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, une procédure respectant les critères de « célérité » et « d’effectivité » dans son (énième) arrêt de condamnation de la France à ce sujet, en date du 10/04/2019. Or, le recours à une procédure d’adoption longue et fastidieuse (et impossible dans certaines configurations familiales) de son propre enfant prévu à l’article 4 bis ne respecte en rien ces critères, et surtout placera l’enfant dans une situation d’insécurité juridique insupportable.
Pourtant, la Cour de Cassation a bien tiré les conséquences de cet arrêt de la CEDH, par des arrêts du 4/10/2019 et deux arrêts du 18/12/2019, étendant l’exigence d’une transcription intégrale à l’ensemble des configurations familiales tout en l’encadrant strictement pour les enfants français nés à l’étranger d’une GPA. Suite à ces arrêts, le Procureur de la République de Nantes a pris le 11/03/2020 de nouvelles instructions. Elles ont donné lieu à une note diplomatique de la Sous Direction de l’état civil et de la nationalité du MAEE en date du 24/04/2020, adressée à nos postes consulaires. Aujourd’hui, la transcription intégrale des actes de naissance de ces enfants français n’est possible que si et seulement si certaines conditions sont réunies, afin d’éviter toute fraude, tout en répondant aux critères de « célérité » et « d’effectivité » posés par la CEDH, et ce dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Cette note diplomatique précise bien « il ne résulte pas de ces arrêts une validation automatique et générale des demandes de transcription intégrale des actes de naissance étrangers des enfants nés de GPA, de sorte que plusieurs situations sont à distinguer. », et elle les distingue sur 9 pages !
Depuis, plusieurs centaines d’enfants français ont déjà obtenu une transcription intégrale de leur état civil étranger après un contrôle rigoureux sous l’autorité du Procureur de Nantes qu’il s’agissait bien d’une GPA conforme au droit local, et non d’une fraude à l’adoption ou d’un trafic d’enfants « déguisé » en GPA.
L’état actuel du droit ne doit donc pas être modifié dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
Par conséquent, l’article 4bis reviendra in fine à stigmatiser et punir les enfants conçus par GPA via des procédures judiciaires incertaines, en imaginant à tort que cela puisse dissuader des couples ou des parents seuls d’avoir recours à la GPA à l’étranger. Or, cet argument n’est pas pertinent, puisque les États qui (comme l’Allemagne ou l’Autriche) ont été les premiers à reconnaitre intégralement la filiation des enfants nés d’une GPA (en appliquant les critères posés par les arrêts de la CEDH) n’ont pas vu d’augmentation des recours à la GPA hors de leur pays parmi leurs ressortissants.
Enfin, ce projet de loi relatif à la bioéthique prévoit que le second parent (mère qui n’accouche pas) sera inscrite à l’acte de naissance des enfants nés en France par PMA sans qu’elle n’ait besoin d’adopter son propre enfant, et c’est heureux. Dès lors que le droit français prévoira cette possibilité d’un acte de naissance intégral pour un enfant, indiquant la filiation de sa mère d’intention, et donc en inscrivant à son état civil comme mère une femme qui n’accouche pas de l’enfant, cela est particulièrement incohérent de fonder sur cela l’opposition du Gouvernement et de la majorité sénatoriale à la transcription intégrale des actes de naissance des enfants nés hors de France par GPA.
Donc, une transcription totale d’acte de naissance d’enfant français né de GPA à l’étranger étant désormais possible en droit positif, sous certaines conditions et strictement encadrée par des instructions du Parquet, l’article 4 bis n’a donc pas lieu d’être – et ce bien entendu y compris dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale- et doit être supprimé.
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