La mission commune d'information a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), et de M. Pascal Labet, directeur des affaires économiques.
A titre liminaire, M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), a observé que l'approvisionnement électrique était un sujet stratégique pour les entreprises françaises, y compris les petites et moyennes entreprises représentées par la CGPME, même si la dépendance électrique de celles-ci doit être abordée de manière comparable à celle des particuliers. Puis, après avoir souligné que la question de l'approvisionnement électrique se posait surtout au moment des pics de consommation liés au froid ou à la chaleur, il a estimé qu'elle était de nature différente de celle des approvisionnements en gaz ou en pétrole, qui dépendent essentiellement de l'extérieur, et non de capacités de fourniture nationales, et que pour garantir la sécurité de cet approvisionnement, il était essentiel qu'EDF demeure non « opéable ».
S'agissant de la composition du bouquet énergétique national, M. Jean-François Roubaud a souligné les avantages, comparativement aux autres pays, résultant du choix du nucléaire qui, en fournissant 78 % des besoins en électricité, limite fortement la dépendance énergétique de la France et contribue utilement à la politique de réduction des émissions de CO2. Aussi a-t-il estimé indispensable de ne pas remettre en cause la production d'électricité nucléaire, tout en convenant de l'impératif de développer les sources d'énergie renouvelables.
Puis, abordant la question du prix de l'électricité, il a insisté sur la nécessité d'informer et d'éduquer les consommateurs à la réalité du « juste prix » en la matière. A cet égard, observant que l'électricité était actuellement bon marché, il a jugé indispensable de sensibiliser les consommateurs, en particulier les entreprises, à une augmentation de son prix, qui ne saurait rester durablement aussi bas. Il a toutefois précisé que cette évolution ne saurait être admise sans qu'EDF fasse, conformément à ce que demande depuis longtemps la CGPME, la transparence sur les coûts de production et la formation des prix de l'électricité vendue, afin notamment que les entreprises puissent obtenir une lisibilité des prix à moyen terme dès lors que ces prix constituent un de leurs coûts de production.
a ensuite abordé la question des sources d'énergie renouvelable (éolien, solaire...), estimant que le coût encore trop élevé du kilowattheure demeurait un obstacle à leur utilisation massive et, s'agissant plus particulièrement de l'éolien, que ce moyen de production était générateur de nuisances sonores et esthétiques. Toutefois, prenant pour exemple les dispositions prises pour économiser l'énergie après les deux chocs pétroliers des années soixante-dix, il a fait valoir que des incitations fiscales ou des aides directes aux entreprises soucieuses de recourir aux énergies renouvelables pourraient favoriser leur plus large utilisation et leur développement, et seraient en tout état de cause nécessaires pour atteindre l'objectif de 20 % fixé pour 2020 par le récent Conseil européen.
Complétant l'intervention du Président Roubaud, M. Pascal Labet, directeur des affaires économiques de la CGPME, a souligné que la notion de « prix de l'électricité » et son renchérissement dans les années à venir n'étaient sans doute pas totalement assimilés par les chefs de PME et de TPE. Il a ajouté que si la CGPME ne s'opposait pas à la Commission européenne sur le principe de la libéralisation des marchés, effective pour les entreprises depuis le 1er juillet 2004, elle restait en revanche attentive à l'encadrement de la déréglementation et aux possibilités pour les entreprises de faire valoir le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TRTAM). A cet égard, il a estimé que bien plus que la sécurité d'approvisionnement en électricité, c'était le problème de la sécurité de l'évolution du prix de l'électricité qui se posait pour les PME, leurs coûts de fonctionnement dépendant largement de l'augmentation du prix de l'énergie.
A l'issue de cette intervention, M. Gérard César, soulignant les risques d'augmentation brutale du prix de l'énergie consécutifs à la croissance de la demande sur le marché mondial et prenant à cet égard l'exemple de la demande d'uranium pour les centrales nucléaires, a souhaité savoir si la question des prix n'allait pas devenir une donnée fondamentale de la sécurité d'approvisionnement. Reconnaissant qu'il y avait un lien indubitable entre les quantités demandées et les prix de l'énergie, M. Pascal Labet a néanmoins considéré qu'actuellement, les risques d'augmentation brutale des prix étaient limités grâce à la passation de contrats de long terme sécurisant justement les approvisionnements en matière de quantité et de prix.
a souhaité savoir, d'une part, si la CGPME ne regrettait pas l'existence d'un marché de l'électricité complètement réglementé, et, d'autre part, si, en cas de variation incontrôlée des prix, certaines entreprises ne chercheraient pas à produire elles-mêmes leur électricité au moyen de techniques décentralisées. Estimant qu'il ne fallait pas regretter le temps de l'économie contrôlée, M. Jean-François Roubaud a indiqué que les priorités des entreprises, aujourd'hui, étaient la lisibilité des prix de l'électricité et la prévisibilité des coûts de production à moyen terme, afin que celles-ci puissent être réactives par rapport aux prix de revient. Reconnaissant que l'économie contrôlée faisait sens à l'époque où les entreprises finançaient l'énergie par l'impôt, notamment à travers la compensation pour charges de subventions publiques (CCSP), M. Pascal Labet a en outre indiqué que tout en organisant la libéralisation du secteur de l'électricité, la directive communautaire de 2003 permettait aux Etats membres d'adopter des mesures spécifiques pour, selon les termes mêmes de la directive, « prendre en compte la vulnérabilité des plus petites entreprises ».
A M. Bruno Sido, président, qui l'interrogeait sur la qualité des réseaux de transport d'électricité en France, M. Jean-François Roubaud a répondu qu'ils étaient parfaitement bien entretenus et que le principal risque de dégradation provenait de l'aléa climatique. M. Pascal Labet a pour sa part considéré que l'interconnexion dépendait largement de la qualité du transport, de ce point de vue satisfaisante avec le Benelux, l'Allemagne ou l'Italie, à la différence des interconnexions avec la Grande Bretagne ou l'Europe de l'Est, pour lesquelles il existe d'importantes congestions.
Puis, répondant à Mme Elisabeth Lamure qui souhaitait connaître la démarche des PME/TPE en matière d'économies d'énergie, M. Jean-François Roubaud a fait observer que tout en réagissant dans ce domaine comme les particuliers, ces entreprises étaient intéressées par tout ce qui était de nature à diminuer leurs coûts de revient. M. Pascal Labet a précisé que la CGPME incitait les TPE à se regrouper pour se fournir en énergies renouvelables et pour réaliser les investissements favorables à cette fourniture, rappelant que les coûts restaient prohibitifs. Puis, indiquant qu'une PME sur deux était labellisée dans le cadre de l'éco-labellisation, ce qui illustrait selon lui une prise de conscience des entreprises, il a plaidé pour le développement d'une fiscalité incitative aux économies d'énergie en direction des PME/TPE.
a ensuite estimé paradoxale la position de la CGPME qui, à la fois, demande que le prix de l'électricité servie aux PME évolue progressivement et sur un rythme connu à l'avance, et soutient la déréglementation alors même que, d'une part, le jeu du marché conduit à une augmentation des prix au niveau européen qui met fin à l'avantage comparatif que la France tirait du nucléaire et que, d'autre part, le renforcement des interconnexions suppose des investissements lourds qui pèsent automatiquement sur les prix. Soulignant que la déréglementation était un état de fait qui s'imposait aux acteurs et qu'il fallait la prendre en compte, M. Jean-François Roubaud a jugé nécessaire que celle-ci soit encadrée par des garanties compensant pour les entreprises la fin des tarifs réglementés, et rappelé que la directive européenne de 2003 prévoyait, à cet effet, des mesures spécifiques pour les TPE afin qu'elles puissent planifier, grâce à des contrats de long terme, leurs coûts sur plusieurs années. Puis, M. Pascal Labet a fait part de ses inquiétudes quant aux risques d'explosion des prix de l'électricité en Europe, alors que, précisément, la France devrait, selon lui, être épargnée en raison de l'avantage qu'elle tire de son parc nucléaire, qui produit 78 % de l'électricité consommée.
voquant plus largement la question de l'approvisionnement des entreprises françaises en matières premières, M. Gérard César s'est interrogé sur la part que représentait l'énergie dans le total des intrants, intégrés au processus de production. Suggérant que celle-ci était restée stable, M. Jean-François Roubaud a estimé que le véritable problème pour les entreprises n'était pas tant la part de l'énergie dans les intrants, mais la maîtrise de son prix. Il a ajouté que, de son point de vue, l'électricité ne pouvait pas être considérée comme un intrant, puisqu'à la différence de tous les autres, ce bien n'était pas stockable. Puis, à M. Bruno Sido, président, qui faisait valoir l'impossibilité pour les consommateurs individuels ou professionnels de connaître la provenance de l'électricité qu'ils consomment, M. Pascal Labet a déploré que les prix de marché ne soient pas calés sur les coûts de production réels. Il a ainsi regretté que ni EDF, ni les pouvoirs publics, ne consentent à expliquer clairement comment était formé le prix de l'électricité, s'étonnant à cet égard du flou dans lequel était maintenue la notion de facturation au coût marginal.
Puis, à M. Jean-Marc Pastor, rapporteur, qui souhaitait comprendre les attentes précises de la CGPME dans un marché européen désormais libre et déréglementé, M. Jean-François Roubaud a jugé que la transparence et la lisibilité des prix de l'électricité à moyen terme, c'est-à-dire à un ou deux ans, constituaient les priorités pour les PME/TPE soucieuses de disposer d'outils de prévisibilité. Il a ainsi estimé que l'augmentation de 48 % du prix de l'électricité entre avril 2005 et avril 2006, d'une part, ne répondait à l'évidence pas à cette attente et, d'autre part, témoignait du manque de clarté dans la formation des prix, puisqu'elle se justifiait difficilement lorsque 78 % de l'électricité est d'origine nucléaire. M. Bruno Sido, président, a pour sa part relevé qu'il ne lui semblait pas étonnant que 80 % de l'électricité consommée sur le marché européen étant non nucléaire, les prix de marché évoluent en fonction des variations des coûts du pétrole et du gaz.
La mission commune d'information a ensuite procédé à l'audition de M. Gérard Mestrallet, président-directeur général de Suez, et de M. Jean-Baptiste Séjourné, directeur général des opérations d'Electrabel France.
a tout d'abord brièvement présenté les activités de son groupe en matière d'électricité, indiquant qu'il se situait, avec 60.000 mégawatts (MW) de puissance installée et en construction dans le monde, au troisième rang européen, avec 32.000 MW dont plus de 13.000 en Belgique. Il a ensuite souligné l'originalité que constitue la diversification de l'entreprise, tant au plan géographique (Europe mais aussi Etats-Unis, Amérique latine, Moyen-Orient, Thaïlande...) que du point de vue des modes de production (cycle combiné à gaz, nucléaire, hydraulique...), le groupe étant par ailleurs actif dans les domaines du gaz et du gaz naturel liquéfié (GNL), ainsi que des services énergétiques. Il a ensuite expliqué que Suez disposait de 7 % de la puissance installée en France, essentiellement par les 17 barrages hydroélectriques de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et les 49 de la Société hydro-électrique du midi (SHEM), particulièrement utiles pour satisfaire les besoins de pointe.
Orientant ensuite son propos vers la sécurité d'approvisionnement électrique de la France ainsi que de la « plaque continentale » dont elle fait partie et qui comprend également l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, il a qualifié de « périodes critiques » :
- d'une part, l'horizon 2010, pour lequel le déficit de production prévisible au regard des besoins de pointe et de semi-base avait vocation à être comblé par des centrales à cycle combiné ;
- d'autre part, les années 2015 et suivantes, à partir desquelles des besoins supplémentaires de production de base apparaîtraient nécessaires, ce qui devrait justifier la mise en service sur le sol national, à cette échéance, de deux centrales nucléaires de type réacteur pressurisé européen (EPR).
De manière générale, M. Gérard Mestrallet a insisté sur le « besoin criant d'investissements » dans le secteur énergétique (électricité et gaz) en Europe, rappelant que l'Agence internationale de l'énergie avait estimé à 1.000 milliards d'euros le montant des besoins en la matière d'ici à 2030, dont 750 milliards pour l'électricité : 650 milliards pour la génération et 100 milliards pour les réseaux de transport. Il a illustré son propos en montrant que, si la « plaque électrique » définie précédemment semblait relativement bien intégrée, l'Espagne, l'Italie et les pays de l'est de l'Europe restaient en revanche encore à l'écart de cet ensemble en raison du manque d'interconnexions des réseaux, et que le réseau européen, dans sa globalité, se caractérisait par la saturation permanente ou à 75 % d'un nombre significatif de points d'interconnexion transfrontalière.
Il a ensuite déclaré que la sécurité de l'approvisionnement électrique de l'Europe supposait le respect de quatre conditions :
- une meilleure intégration des réseaux et une coordination de leurs gestionnaires, ce qu'il a lié à la création d'un régulateur européen doté de pouvoirs contraignants en matière de régulation des questions binationales ou internationales, en particulier les interconnexions électriques, et capable de favoriser une harmonisation des règles et normes de gestion des régulateurs nationaux ;
- une anticipation suffisante des besoins d'investissement, se félicitant, à cet égard, de la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) française et souhaitant qu'un tel outil soit disponible à l'échelle européenne, assorti de la mise en place d'une déclaration d'utilité publique communautaire pour les projets d'infrastructures d'intérêt européen. Il a en outre estimé, la prévision étant par nature incertaine et, s'agissant particulièrement de la fourniture d'électricité, le coût de l'erreur considérable, qu'il convenait de formaliser des estimations prudentes, c'est-à-dire qui garantissent la satisfaction des hypothèses de demande les plus élevées ;
- la disponibilité de moyens de production de pointe suffisants, soulignant notamment le rôle que pourraient jouer les unités de cogénération ainsi que la multiplication des stations hydroélectriques de transfert d'énergie par pompage (STEP) ;
- la préservation d'un cadre favorable à l'investissement, insistant sur la nécessité que les prix de l'électricité couvrent bien les besoins d'investissement à long terme de l'unité marginale à construire et incitent, de plus, les consommateurs à économiser l'énergie. Il a ainsi jugé important que le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TRTAM), introduit par la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, n'ait bien qu'un caractère provisoire, comme l'a souhaité le législateur. Puis il a conclu en expliquant que les producteurs, qui doivent réaliser des investissements sur le long, voire le très long terme, ont avant tout besoin de stabilité et de prévisibilité de leur environnement, par exemple sur la problématique des rejets de CO2.
Un large débat s'est ensuite instauré.
a tout d'abord demandé à l'intervenant son analyse de la tendance au regroupement des énergéticiens européens au regard de la sécurité de l'approvisionnement électrique de l'Europe. Estimant ces mouvements naturels, M. Gérard Mestrallet a en outre considéré qu'ils étaient de nature à renforcer cette sécurité dès lors que celle-ci nécessite d'importants investissements de la part d'acteurs privés dont la grande taille constitue un atout. Faisant valoir qu'il en allait de même dans le domaine du gaz, dont la part dans le bouquet électrique européen a vocation à croître, puisque des entreprises plus fortes disposent d'une meilleure capacité de négociation avec les producteurs et sont mieux à même de diversifier leur portefeuille d'approvisionnement, il a rappelé que ce constat constituait un élément central du projet de fusion entre Gaz de France et Suez.
Indiquant que, lors d'un déplacement à Bruxelles les 5 et 6 mars 2007, une délégation de la mission commune d'information a constaté que certaines directions de la Commission européenne ne considèrent pas nécessaires l'élaboration d'une PPI européenne et l'installation d'un régulateur européen, M. René Beaumont a demandé à l'intervenant de réagir à ce propos. Il l'a interrogé, d'autre part, sur les possibilités de développement de la filière hydraulique en France et sur le niveau d'équipement hydroélectrique des Alpes centrales et orientales. Soulignant enfin que l'harmonisation des prix de l'électricité au niveau européen était difficile à admettre d'un point de vue français, les prix nationaux étant traditionnellement plus bas que la moyenne européenne grâce aux investissements consentis par le pays dans la filière nucléaire, il s'est interrogé sur les mécanismes de régulation des prix d'un bien dont l'origine, et donc les coûts de production, peuvent être très divers.
a, en premier lieu, expliqué qu'un éventuel régulateur européen n'aurait pas vocation à remplacer les régulateurs nationaux, tout au moins dans l'immédiat, mais à prendre en charge les questions transfrontalières touchant aux infrastructures de transport d'électricité, et indiqué que tous les opérateurs européens souhaitent cette étape, qu'ils estiment indispensable.
Il a ensuite établi une distinction entre les activités de transport et de distribution, monopoles naturels ayant vocation à demeurer régulés et à fonctionner sur la base de tarifs d'usage fixés par une autorité publique, et les activités de production et de vente d'électricité, pour lesquelles le jeu du marché et de la concurrence doit, selon lui, trouver à s'appliquer. Ayant rappelé que l'ouverture à la concurrence s'est traduite, dans un premier temps, par des baisses de prix de l'ordre de 20 à 30 % dont ont bénéficié les industriels les plus consommateurs d'électricité, il a regretté que la coïncidence entre l'ouverture totale des marchés et des facteurs externes tels que la hausse du prix des hydrocarbures et l'introduction des contraintes du protocole de Kyoto rende, aux yeux des consommateurs, la libéralisation du marché de l'électricité responsable de l'augmentation de ses prix. Il a jugé normal, en outre, que, dans un tel contexte, les gouvernements se montrent soucieux d'intervenir de sorte que la transition ne soit pas trop brutale pour les consommateurs.
A M. Bruno Sido, président, qui faisait part de l'incompréhension exprimée, lors de son audition, par M. Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), quant aux raisons expliquant l'augmentation de 48 % du prix de l'électricité entre avril 2005 et avril 2006, M. Gérard Mestrallet a répondu que le marché se calait nécessairement sur le coût marginal de l'unité à construire, c'est-à-dire aujourd'hui une centrale fonctionnant au gaz, puis souligné qu'après une forte hausse jusqu'à 60 euros, le prix du mégawatheure (MWh) était à présent retombé à environ 48 euros.
Il a ensuite rappelé que tant les directives européennes concernant l'électricité que les orientations données par le Conseil européen, réuni à Bruxelles les 8 et 9 mars 2007, pour l'élaboration d'une troisième directive sur ce sujet, ont clairement fait le choix d'abandonner la vision ancienne de marchés nationaux juxtaposés et fonctionnant de manière indépendante en Europe pour, au contraire, favoriser une intégration d'un marché européen. S'il a reconnu que cela pouvait présenter un caractère agaçant pour les Français, qui ont investi dans la filière nucléaire, il a fait valoir qu'ils ont déjà largement bénéficié de prix bas de l'électricité et, surtout, que le choix de profiter instantanément de cet effort sans permettre aux opérateurs d'investir dans des capacités futures serait égoïste pour les générations à venir. A cet égard, il a estimé nécessaire que les tarifs régulés tendent, « à moyen et à long termes », vers les prix du marché.
S'agissant enfin de la « pointe » électrique, il a considéré que la France disposait encore d'un potentiel hydraulique non exploité de l'ordre de 7 TWh d'ici à 2015, soit une capacité supplémentaire d'environ 10 % par rapport à la situation présente, déclarant que Suez était candidat à son installation et à son exploitation, tout comme à celles du potentiel de 2000 MW de STEP qu'il a estimées très adaptées aux besoins de la France en matière de pointe (notamment eu égard au fait qu'elles consomment de l'électricité de base pendant la nuit).
Puis, à M. Marcel Deneux, rapporteur, qui l'interrogeait sur le renouvellement des concessions du groupe Suez pour les stations hydrauliques qu'il exploite, M. Gérard Mestrallet a répondu que l'expiration desdites concessions serait, à compter de l'an prochain, étalée, selon les ouvrages, pour la SHEM, et interviendrait en 2023 pour la CNR, et que son groupe préparerait activement sa candidature aussi bien pour le renouvellement des concessions de ses filiales que pour l'attribution des concessions exploitées par EDF arrivant à expiration, rappelant à cet égard la question, qui lui paraît rester ouverte, de l'opportunité, en terme d'optimisation, de l'intégration des concessions situées sur un même fleuve.
Puis, en réponse à M. Marcel Deneux, rapporteur, qui l'avait questionné sur la compétitivité de la France pour attirer les investissements de production électrique, il a expliqué que son groupe et l'ensemble des producteurs potentiels faisaient le pari que les tarifs régulés et le TRTAM n'étaient que transitoires. Il a estimé, par ailleurs, que le facteur environnemental était important, mais difficile à prévoir, jugeant nécessaires que les « graves déséquilibres » en la matière entre les Etats ne perdurent pas, citant, à titre d'exemple, les allocations gratuites dont disposait l'Allemagne du fait de l'arrêt des usines les plus polluantes de l'ancienne République démocratique allemande (RDA) qui, en raison des permis d'émission en résultant, rendaient plus profitable de construire une centrale à charbon en Allemagne qu'une centrale à gaz en France, pourtant moins émettrice de CO2.
a confirmé que les opérateurs avaient avant tout besoin de règles claires et stables sur le long terme, par exemple au sujet de la ventilation de la réserve de CO2 ou des modalités de reprise du personnel d'un site dont le concessionnaire changerait.
a ensuite souhaité savoir quelle était la stratégie de Suez concernant la filière de production nucléaire, puis demandé à l'intervenant de préciser sa position dans le débat relatif à la libéralisation du marché de l'électricité.
Sur le premier point, M. Gérard Mestrallet, PDG de Suez, a souligné que la filière nucléaire était, avec la filière hydro-électrique, la seule à donner une vision claire des coûts de production à long terme permettant de garantir la rentabilité de l'investissement. Il a indiqué que Suez cherchait, dès lors, à augmenter la part de cette filière dans son portefeuille de production, en particulier en développant des réacteurs de type EPR. Il a précisé que son groupe devrait prendre des décisions à ce sujet en 2008 et 2009 pour d'éventuelles mises en service sur la période 2015-2020, en Belgique, si ce pays devait revenir sur son moratoire concernant la construction de centrales nucléaires, ou dans des pays comme la France ou les Pays-Bas. Ayant fait valoir que Suez s'était porté candidat pour prendre une part de 15 à 20 % dans la centrale de Flamanville, les négociations ayant été rompues contre son gré, il a déclaré que son groupe avait récemment recruté 700 ingénieurs spécialisés dans le nucléaire pour venir renforcer l'important savoir-faire en ingénierie comme en exploitation nucléaires déjà développé par les 3.500 ingénieurs et techniciens actuels, et assurer sa transmission future.
A propos de la libéralisation, il a de nouveau souscrit à la logique des directives européennes devant aboutir à une forte régulation des activités de transport et de distribution et à une libéralisation de la production et de la fourniture d'électricité. Convaincu que le consommateur bénéficierait, à terme, de ce mouvement, il a considéré que les pays européens ne pouvaient imposer aux opérateurs de vendre l'électricité à un tarif inférieur à leur prix de revient, sauf à faire payer aux générations suivantes les conséquences du sous-investissement en résultant nécessairement.
ayant rappelé les vives inquiétudes exprimées par les plus importants consommateurs industriels d'électricité regroupés au sein de l'Union des industries utilisatrices d'énergie (UNIDEN) au sujet de l'évolution des prix de l'électricité et du risque de disparition de certaines activités industrielles en France et en Europe, a souhaité savoir ce que l'intervenant pensait du système de tarification en vigueur au Canada, destiné à protéger des fluctuations du marché l'acquis historique de l'hydroélectricité. Il l'a également interrogé sur la volonté de la Commission européenne de procéder à une séparation patrimoniale entre les producteurs d'électricité et les gestionnaires de réseaux de transport.
a demandé quelle contribution pourraient apporter les producteurs dans la prise en charge des coûts des nouvelles capacités de production à réaliser, estimant que les consommateurs et les contribuables ne doivent pas assumer l'ensemble de ces coûts. Elle a souhaité savoir, de plus, si M. Gérard Mestrallet était, à titre personnel, favorable à une véritable intégration européenne en matière d'énergie, comparable à ce que la CECA a organisé dans les années cinquante pour le charbon et l'acier.
Enfin, après lui avoir demandé de préciser le calendrier des décisions d'investissement de Suez eu égard au calendrier politique français, M. Ambroise Dupont l'a en outre interrogé sur la part que représentait le Yémen dans le portefeuille des fournisseurs de gaz de son groupe.
Indiquant comprendre les préoccupations des plus gros consommateurs d'énergie, M. Gérard Mestrallet, PDG de Suez, a relevé que son groupe avait travaillé avec eux sur des offres de contrats à long terme déconnectées des prix de marché et ajouté avoir envisagé la possibilité d'en faire participer certains à des infrastructures de production électrique, soulignant toutefois la complexité de ce type de solution. Puis, après avoir mis en exergue la nécessité pour la France de disposer d'une énergie compétitive, il a réaffirmé que cet objectif serait atteint en créant un cadre incitatif pour les investisseurs, tout en convenant de l'obligation de bien gérer la délicate période de la transition du système régulé au système de marché. Par ailleurs, il a souhaité répondre par écrit à la question précise du rapporteur concernant le modèle canadien, faute de connaître exactement le fonctionnement de celui-ci.
Il a ensuite jugé inutile la séparation patrimoniale préconisée par la Commission européenne, estimant, en tant que concurrent d'EDF en France, que RTE agissait de façon réellement indépendante. Il a lié cette attitude à la gouvernance du gestionnaire du réseau de transport français, saluant le rôle personnel de M. André Merlin, président de RTE, ainsi qu'à la puissance conférée par la loi au régulateur.
Puis M. Gérard Mestrallet a répondu à Mme Nicole Bricq que les risques liés aux investissements dans de nouvelles capacités de production seraient, en tout état de cause, supportés par les investisseurs eux-mêmes. Il a rappelé que tel avait été le cas d'EDF, avec toutefois la garantie de l'Etat pour ses emprunts, et des entreprises belges à présent intégrées au sein de Suez, sur l'existence desquelles avaient directement pesé ces charges d'emprunt. Se tournant vers l'avenir, il a déclaré que son groupe ne réclamait pas d'aides publiques, mais simplement un environnement clair et stable, afin de pouvoir décider de ses investissements en toute connaissance de cause, même s'il a admis, une nouvelle fois, que l'Etat pouvait légitimement accompagner la période transitoire.
Puis il a relevé que l'énergie, bien qu'étant un sujet de préoccupation majeure pour l'Europe, ne figurait pas parmi les compétences reconnues à l'Union européenne par les traités, sauf de façon incidente par le biais d'autres politiques, telle que la politique de concurrence. Il a souhaité que cela change, à la fois à titre personnel et en tant qu'acteur du secteur, estimant que des orientations fixées à un niveau européen seraient de nature à davantage stabiliser le cadre du marché de l'énergie.
Enfin, après avoir affirmé que Suez n'avait pas arrêté de calendrier précis quant à ses futures décisions d'investissements productifs, M. Gérard Mestrallet a déclaré que le Yémen avait décidé de construire une importante usine de liquéfaction de gaz, réalisée par Total pour le compte de l'Etat yéménite. Il a précisé que Suez achèterait 2 millions de tonnes de GNL par an à cette usine, soit le tiers de sa production, pendant 20 ans, et, qualifiant le Yémen de fournisseur significatif, mais pas aussi déterminant qu'un pays comme le Qatar, il a indiqué que la Russie, le Qatar et l'Iran détenaient à eux trois 60 % des réserves mondiales de gaz.
La mission commune d'information a enfin procédé à l'audition de M. Bernard Laponche, expert en politiques de l'énergie, polytechnicien, docteur ès sciences, ancien directeur général de l'Agence française pour la maîtrise de l'énergie et ancien conseiller au cabinet de Mme Dominique Voynet, ministre de l'environnement.
Observant à titre liminaire qu'il n'existait pas de solution miracle aux problèmes énergétiques ni de réponse simple aux différentes questions qu'ils soulèvent, M. Bernard Laponche, expert en politiques de l'énergie, a suggéré que, dans son rapport, la mission commune d'information mette en évidence les contradictions entre divers objectifs, expose les difficultés de mise en oeuvre des politiques et, surtout, souligne que les réponses apparemment les plus logiques ne sont pas toujours applicables, en toutes situations. Il a également mis en garde contre la focalisation sur une problématique particulière qui négligerait le contexte plus général dans lequel elle s'inscrit : à cet égard, il a estimé que le problème le plus important étant la sécurité énergétique, bien plus que la sécurité électrique, la question la plus aigue est la dépendance des économies occidentales, et singulièrement de la France, vis-à-vis du pétrole.
Il a ainsi fait valoir que, malgré l'alerte donnée dans les années soixante-dix par les deux chocs pétroliers et les inflexions légères qui les avaient suivis, la consommation de produits pétroliers n'avait guère varié entre 1970 et 2005, avoisinant les 87 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) par an, et qu'elle représentait toujours quelque 50 % de la consommation d'énergie finale du pays, en particulier en raison de la dépendance majeure des transports vis-à-vis des produits pétroliers (ce secteur est alimenté à 97 % par ces produits et représente 57 % de leur consommation totale). Aussi, après avoir relevé que la France est, avec 1,51 tonne de pétrole consommée par habitant chaque année, dans une situation comparable à celle de ses grands voisins européens (1,48 tonne en Allemagne, 1,44 au Royaume-Uni et 1,39 en Italie), M. Bernard Laponche a estimé que cette dépendance était lourde de dangers à la fois en termes tant économiques, de durabilité que géopolitiques. Aussi a-t-il estimé que la réaction européenne, qui vise à agir sur la demande d'énergie pour dégager des marges de manoeuvre, ouvre deux pistes intéressantes pour autant qu'elles soient suivies, à savoir :
- l'objectif d'améliorer l'efficacité énergétique de 20 % d'ici à 2020, bien que non contraignant, permettrait à la France d'économiser annuellement 40 Mtep en énergie finale, ce qui représenterait près de la moitié de sa consommation en produits pétroliers ;
- l'objectif de faire passer la production d'énergies renouvelables à 20 % du bouquet énergétique en 2020 autoriserait quant à lui une substitution aux produits pétroliers à hauteur de 32 Mtep par an en énergie finale.
Puis, abordant plus particulièrement le thème de la sécurité électrique M. Bernard Laponche a considéré qu'il devait être examiné sous trois angles :
- le premier, d'ordre interne, concerne la sécurité de la fourniture d'électricité au consommateur : observant que l'adéquation de la fourniture à la demande nécessite, outre une bonne configuration des réseaux de transport et de distribution, leur sécurité, il a rappelé que, depuis vingt ans, toutes les difficultés rencontrées sur le réseau français ont exclusivement résulté de problèmes climatiques, qu'il s'agisse de grands froids, de tempêtes ou de canicules ;
- le deuxième, d'ordre externe, touche à la sécurité de l'approvisionnement électrique, c'est-à-dire à la problématique des importations d'électricité ;
- le troisième, également d'ordre externe pour l'essentiel, relève de la sécurité de la production d'électricité, à savoir les sources d'énergie primaire, leur origine géographique, les techniques utilisées...
A cet égard, il a souligné que l'électricité avait pour spécificités :
- d'être instantanément fournie par le producteur au consommateur, l'absence de possibilité de la stocker interdisant, selon lui, de discuter de l'électricité dans les mêmes termes que des autres énergies, voire de tout autre bien ;
- de connaître d'importantes variations saisonnières et journalières de consommation, exprimées par les notions de « base » et de « pointe », cette seconde contrainte étant au demeurant aggravée par la première ;
- de pouvoir être produite par de nombreuses sources d'énergie et techniques, cette diversité présentant, quant à elle, un très grand avantage, puisqu'elle autorise des choix politiques et économiques.
S'agissant de la consommation finale d'électricité, qui s'est élevée à 419 terawatts heures (TWh) en 2005, M. Bernard Laponche a rappelé que l'industrie n'en représentait que 31 % et souligné que les deux autres secteurs les plus importants étaient le tertiaire (29 %) et surtout le résidentiel (36 %), indiquant à cet égard que leur part ne cessait d'augmenter et que le chauffage domestique consommait à lui seul quatre fois plus que l'ensemble du secteur des transports, limité pour sa part à seulement 3 %. Puis, il a estimé que la balance des échanges d'électricité témoigne, avec 90 TWh d'exportations d'électricité en base et 28 TWh d'importations en pointe en 2006, de la mauvaise adaptation du parc électrique national aux besoins du pays. Il a ainsi relevé qu'à compter des années quatre-vingt, la part du nucléaire n'avait cessé de croître jusqu'à atteindre aujourd'hui près de 80 % de la production brute d'électricité, le solde étant pour l'essentiel constitué par l'hydraulique, les énergies fossiles étant réduites à la portion congrue et les énergies renouvelables encore embryonnaires. Il a considéré que ce déséquilibre, qui résultait d'une surévaluation des anticipations de consommation électrique lors du lancement du programme électronucléaire français (en 1975, on avait estimé que cette consommation atteindrait 1 000 TWh par an en 2000, alors qu'en réalité elle est restée largement inférieure à 500 TWh), surévaluation sur le caractère volontaire de laquelle il ne s'est pas prononcé, suscitait deux types de fragilités pour le système électrique français :
- une insuffisante capacité de production en pointe qui entraînait une grande vulnérabilité aux aléas climatiques (tempêtes, pointes de froid ou canicules) et un recours trop important aux importations, elles-mêmes aléatoires si les pays fournisseurs sont eux-mêmes soumis à des difficultés. Citant un récent article de M. Marcel Boiteux qui dénonce, au regard de la sécurité, l'obligation d'importer de l'électricité de pointe, il a souligné que le modèle électrique français était unique au monde, tous les autres grands pays nucléaires n'ayant recours à cette énergie que dans des proportions bien moindres : 40 % pour la Corée du Sud, 35 % pour le Japon, 25 % pour les Etats-Unis ou 15 % pour la Russie... ;
- une dépendance excessive à une seule énergie et, plus encore, à une seule technique, qui accroît le risque de panne en mode commun et, une centrale nucléaire étant coûteuse en investissement comme en fonctionnement, ne permet pas d'atteindre l'optimum économique, puisqu'elle n'est rentable qu'en production de base.
Suggérant enfin des pistes pour accroître la sécurité de l'approvisionnement électrique, M. Bernard Laponche a préconisé d'agir à la fois sur la demande et sur l'offre. S'agissant de la demande, il a évoqué :
- une amélioration de 20 % de l'efficacité énergétique qui permettrait, au plan global, de déplacer quelque 425 TWh de demande énergétique finale sur le gaz en 2020 ;
- une réduction de la demande vulnérable, en agissant en particulier sur le chauffage électrique, notamment en milieu rural, dont le coût exorbitant est aujourd'hui masqué par la péréquation et qui pourrait être considérablement réduit par le recours à la biomasse et aux réseaux de chaleur.
Quant aux actions sur l'offre, M. Bernard Laponche a cité :
- la substitution entre énergies, par exemple en doublant l'utilisation de l'électricité dans les transports (passage de 12 à 24 TWh), ce qui permettrait d'économiser des énergies fossiles ou de les utiliser pour produire de l'électricité de pointe ;
- le renforcement des capacités nationales de production en pointe afin de satisfaire la demande nationale en diminuant le recours aux importations ;
- la diversification des modes de production afin d'opérer un rééquilibrage du bouquet électrique favorisant les énergies renouvelables, le recours à la cogénération et au cycle combiné au gaz naturel, et la diminution du nucléaire de base à un niveau plus opportun au regard de l'optimum économique, et qui se situe probablement, a-t-il estimé, autour de 50 % du total de la production nationale d'électricité.
A l'issue de cet exposé, M. Bruno Sido, président, a souhaité approfondir les pistes ouvertes par l'intervenant pour écrêter la consommation de pointe, jugeant comme lui aberrante la politique d'installation « tout électrique » menée depuis trente ans dans les bâtiments, en milieu rural comme en milieu urbain, et supposant que le développement technologique, notamment dans l'électronique, devrait pouvoir conduire à de substantielles économies qui permettraient, en partie, de limiter le nécessaire renforcement des moyens de production de pointe et des réseaux de transport.
Confirmant que tous les spécialistes du secteur électrique, de M. Marcel Boiteux à M. Jean Syrota, convergeaient sur cette analyse, M. Bernard Laponche a affirmé que la France était le seul pays au monde à avoir autant favorisé le chauffage domestique par l'électricité. Condamnant cette politique, il a relevé qu'elle s'avérait finalement problématique pour EDF elle-même car, même si elle permet d'assurer la consommation en base, elle aggrave les difficultés structurelles de la pointe en période de froid. Puis, observant que la saison estivale posait également des problèmes désormais en raison de développement de la climatisation, il a préconisé un renforcement des normes européennes d'efficacité énergétique dans ce secteur, qui ne sont pas aussi élevées que dans les pays à forte tradition de climatisation, comme le Japon ou les Etats-Unis. Enfin, estimant qu'il existait toute une batterie de mesures à prendre dans l'électroménager pour diminuer la consommation électrique et suggérant à la mission d'entendre sur ce point M. Olivier Sidler, ingénieur conseil spécialiste de l'efficacité énergétique, il a notamment souhaité la mise en place par EDF d'un mécanisme incitant les ménages à acheter les équipements domestiques les plus économes, le surcoût engendré par ces achats devant être progressivement compensé par la diminution de la facture électrique.
Puis, à M. Marcel Deneux, rapporteur, qui, après avoir évoqué les économies d'énergie susceptibles de résulter d'un emploi généralisé des ampoules à basse consommation, demandait quelle était aujourd'hui la filière de production électrique la plus efficace et s'interrogeait sur la perspective d'atteindre en 2020 l'objectif de 21 % que s'est fixé la France en matière de recours aux énergies renouvelables, M. Bernard Laponche a répondu :
- que le cycle combiné à gaz était aujourd'hui la filière la plus performante et que l'industrie française devrait s'intéresser davantage à ce créneau, très porteur au plan européen et international, mettant en garde contre la répétition de l'erreur commise dans le courant des années soixante-dix et ayant consisté, sous prétexte de développer la filière nucléaire, à abandonner l'avantage comparatif dont bénéficiait incontestablement alors l'ingénierie française de l'hydroélectricité, et qui n'a jamais été retrouvé depuis alors même que la filière hydraulique est, elle aussi, appelée à un grande développement dans le monde ;
- qu'au regard de la proportion actuelle des énergies renouvelables dans le « mix » énergétique, de l'ordre de 7 %, il semblait extrêmement improbable d'atteindre l'objectif des 21 % dans moins de quinze ans, en particulier parce qu'aucune industrie des énergies renouvelables n'a été sérieusement développée en France du fait, là encore, de l'exclusivité donnée à la filière nucléaire.
ayant ensuite souhaité savoir si la multiplication des moyens de production décentralisés ne constituait pas un facteur de vulnérabilité pour la sécurité de l'approvisionnement électrique, comme la panne du 4 novembre 2006 semble l'avoir démontré, et M. Marcel Deneux, rapporteur, ayant demandé comment peut être assurée la substitution, dans le secteur des transports, de l'électricité à une partie des produits pétroliers, M. Bernard Laponche a indiqué :
- que l'argument selon lequel la multiplication des moyens de production décentralisés était strictement propre à la France et que le développement de l'éolien en Norvège, en Espagne ou en Allemagne démontrait à l'évidence son inanité ;
- que la filière éolienne avait un potentiel de développement très important eu égard à ses très nombreux avantages (la ressource est gratuite, la production ne suscite aucun déchet et peut être interrompue à tout moment), que sa compétitivité tarifaire ne serait pas longue à atteindre, surtout si le coût du démantèlement des centrales était correctement pris en compte dans le prix de l'électricité d'origine nucléaire, et, se référant aux origines de la production d'électricité nucléaire, dont le coût de revient était extrêmement élevé à ses débuts, qu'il n'était pas anormal qu'un nouveau procès de production soit un peu onéreux à son démarrage ;
- qu'il était anormal que d'autres sources d'énergie gratuite ne soient pas valorisées, estimant par exemple que l'installation de chauffe-eau solaire devrait, comme en Catalogne et désormais dans toute l'Espagne, être rendue obligatoire dans les régions du sud de la France ;
- que tous les spécialistes, y compris les tenants de la filière nucléaire eux-mêmes, s'accordaient à considérer que le bon ratio de cette filière dans le bouquet électrique national est de l'ordre de 50 %.
- que le ferroutage pouvait constituer un des moyens d'accroître la part de l'électricité dans le secteur des transports.
Enfin, MM. Bruno Sido, président, Marcel Deneux, rapporteur, et Bernard Laponche, expert en politiques de l'énergie, ont débattu de la politique tarifaire d'EDF, regrettant que cette entreprise répugne à installer des dispositifs techniques incitant les consommateurs à réguler leur consommation en fonction des périodes de la journée et qu'elle agisse toujours dans une logique économique poussant à la consommation électrique, notamment par le mécanisme de rémunération de ses agents commerciaux.