La mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Christophe Blanchard-Dignac, ancien directeur du budget.
a rappelé que ses fonctions de directeur du budget, de juin 1995 à octobre 2000, l'avaient conduit en priorité à travailler pour la qualification de la France à l'euro dans le respect des critères imposés par le traité de Maastricht.
Il a indiqué avoir suivi le dossier de l'amiante via son sous-directeur chargé des affaires sociales et les réunions interministérielles auxquelles participaient ses collaborateurs, qui ont abouti à l'interdiction de l'amiante et à la mise en place des dispositifs de prévention, d'indemnisation des victimes et de préretraite des salariés ayant été exposés à l'amiante.
Il a rappelé que la mise en oeuvre du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) et du fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) avait, pour l'essentiel, des implications sur les comptes sociaux, alors que le dossier du désamiantage du campus de Jussieu avait des incidences budgétaires directes.
A cet égard, il a indiqué que compte tenu des enjeux de santé publique, la discussion n'avait jamais porté sur le principe même de ces dépenses, mais seulement sur les modalités et les sources de financement.
Concernant le campus de Jussieu, il a rappelé que les caractéristiques et les dimensions du site accueillant les deux plus grandes universités scientifiques françaises et l'Institut de physique du globe de Paris, avec une population très importante d'étudiants, d'enseignants-chercheurs et de personnels divers, avaient conduit à choisir un désamiantage en site occupé, décision à laquelle la direction du budget n'a pas été associée, mais qui recueillait l'adhésion des personnels et semblait répondre à l'objectif de réduire la durée des travaux, initialement fixée à trois ans.
Il a reconnu que les administrations concernées avaient rencontré des difficultés pour conduire le projet, faute d'une programmation financière et technique, en dépit de la création d'un établissement public spécifique en 1997 qui n'a pas été en mesure d'imposer des priorités, notamment s'agissant du déménagement rationnel des laboratoires.
Il a indiqué par ailleurs que le projet avait subi des transformations, en même temps que s'exerçait une pression médiatique et judiciaire qui a récemment abouti à la mise en examen des personnes morales concernées.
La transformation du chantier de désamiantage en projet de rénovation des bâtiments universitaires, menée indépendamment du plan U3M (Université du 3e millénaire), s'est traduite par des reports successifs de la date d'achèvement des travaux, prévue initialement en 1999 et aujourd'hui, sans aucune certitude, repoussée à 2007 pour la libération des locaux amiantés, ainsi que par une explosion des coûts, l'enveloppe initiale de 900 millions d'euros, prévue en 2001, devant être dépassée de plusieurs centaines de millions d'euros.
Il a estimé que l'absence de contrainte financière, ce choix résultant d'une attitude de précaution des administrations ayant été confrontées lors des années passées à une succession de crises sanitaires et de sinistres, avait en fait constitué un handicap pour la bonne réalisation de l'opération.
s'est demandé si la direction du budget avait été représentée au sein du comité permanent amiante (CPA) et s'est interrogé sur l'influence éventuelle du lobby de l'amiante au sein du ministère.
a indiqué qu'il n'était pas en mesure de répondre sur le premier point, et que la lecture des comptes rendus interministériels montrait que le Gouvernement avait ignoré les démarches de certains intérêts concernant l'amiante-ciment par exemple, avant la décision d'interdiction de 1997. Les discussions se focalisèrent sur la répartition du financement des dépenses entre les différentes entités susceptibles d'être concernées.
a demandé si ces « bleus » interministériels pouvaient être transmis à la mission.
a rappelé que le dossier de l'amiante avait fait l'objet d'une communication en Conseil des ministres à la fin de l'année 1995, avant les mesures réglementaires de 1996, le rapport d'expertise de l'INSERM de 1997 et le rapport demandé au professeur Claude Got par les ministres en charge du travail et de la santé.
Il a noté que les comptes rendus interministériels traduisaient la détermination du Gouvernement à agir, les arbitrages financiers ne portant que sur les modalités concrètes de financement et qu'il convenait, s'agissant du désamiantage de Jussieu, de regretter l'absence de contrainte budgétaire, celle-ci ayant conduit à aller très vite sans prendre toutes les précautions requises.
s'est demandé si la solution consistant à réaliser le désamiantage de Jussieu en site occupé avait fait l'objet d'un débat et si un déménagement préalable n'aurait pas été préférable.
a répété que la direction du budget n'avait pas été associée à ce choix, qui a sans doute été une erreur, mais qui était motivé par le souci d'aller vite en tenant compte des intérêts des personnels et des diverses disciplines universitaires implantées sans souci de cohérence sur le campus.
Il a estimé que l'on aurait sans doute pu procéder à un déménagement complet avant désamiantage et désigner une autorité disposant de moyens plus étendus que ceux de l'Etablissement public du campus de Jussieu.
La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Pascal Clément, ministre de la justice, garde des sceaux.
a tout d'abord indiqué qu'il partageait l'émotion des victimes et de leur famille et assuré que le Gouvernement était déterminé à soulager leur douleur. Rappelant que l'amiante n'avait été interdit dans notre pays qu'à partir du 1er janvier 1997, il a souligné à quel point l'attente des victimes était grande, notamment en matière d'indemnisation, laquelle repose à la fois sur l'existence d'un fonds et sur la reconnaissance d'une responsabilité civile, administrative et pénale.
a consacré la première partie de son propos à la question de la responsabilité civile. Il a souligné que la création du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), qui apporte une réparation matérielle immédiate dans le cadre d'une procédure non juridictionnelle, devait faciliter l'indemnisation d'un grand nombre de victimes de l'amiante, mais qu'un contentieux important subsistait pourtant devant les juridictions civiles, 7.000 dossiers étant aujourd'hui en instance de traitement.
Ce nombre important de recours s'explique par le fait que la reconnaissance, quasi systématique, par les tribunaux, de la faute inexcusable de l'employeur permet souvent aux victimes de bénéficier d'une indemnisation supérieure à celle accordée par le FIVA. L'indemnisation vise à assurer une réparation intégrale du préjudice subi, mais la multiplicité des paramètres devant être pris en compte pour l'évaluer - taux d'incapacité, situation personnelle de la victime, niveau de revenu - rend difficilement évitable l'apparition de différences de traitement entre requérants, sauf à remettre en cause le pouvoir d'appréciation du juge.
Pour rendre la voie juridictionnelle financièrement moins attractive, la Cour des comptes propose d'augmenter le montant de l'indemnisation allouée par le FIVA. M. Pascal Clément a indiqué que des discussions interministérielles étaient en cours à ce sujet, tout en notant qu'elles entraîneraient évidemment de nouveaux engagements financiers.
Puis il a évoqué une autre proposition de la Cour, celle consistant à centraliser le contentieux auprès d'une cour d'appel unique afin d'aboutir à une homogénéisation des niveaux d'indemnisation. Actuellement, les recours sont portés devant la cour d'appel du domicile de la victime, ce qui rend la justice facilement accessible, mais aboutit à des divergences de jurisprudence. Il a toutefois estimé qu'il était encore prématuré de se prononcer sur cette question, dans la mesure où des discussions interministérielles sont en cours.
a ensuite abordé le thème de la responsabilité pénale. Rappelant qu'il appartenait aux juges de se prononcer souverainement en application de la loi, il a indiqué que peu de procédures pénales avaient abouti à des condamnations dans des affaires concernant l'amiante. Il a ajouté que sur les 17 informations judiciaires en cours, 2 avaient été ouvertes en 1996, 4 en 1997, 2 en 1998, 1 en 1999 et 8 depuis 2000 et expliqué la longueur des procédures par plusieurs facteurs, notamment l'ancienneté des faits, l'ampleur des investigations à réaliser et la complexité des expertises médicales. Il s'est engagé à ce que ces procédures soient menées à leur terme dans des délais raisonnables.
Il a rappelé qu'il avait été décidé de regrouper les procédures pénales relatives à l'amiante au sein des pôles de santé publique de Paris et Marseille, afin d'améliorer la rapidité des procédures en les confiant à des magistrats spécialisés. Ces deux pôles disposent d'une compétence concurrente de celle des autres juridictions dans le domaine de la santé publique, notamment environnementale. Dès 2003, les besoins de ces juridictions ont fait l'objet d'une évaluation et leurs moyens ont été renforcés. Une circulaire du directeur des affaires criminelles et des grâces, du 12 mai 2005, demande aux procureurs généraux de prendre les réquisitions nécessaires pour assurer le transfert des dossiers aux deux pôles santé.
a demandé si d'autres mesures étaient envisageables pour homogénéiser les décisions, par exemple la définition d'un barème d'indemnisation opposable aux tribunaux. Il a fait observer que le Conseil d'Etat avait condamné l'Etat, en mars 2004, pour sa carence fautive à prendre les mesures de prévention nécessaires contre les dangers de l'amiante, et a souhaité savoir si cette jurisprudence risquait d'entraîner de multiples condamnations de l'Etat sur le terrain de la responsabilité administrative, susceptibles d'inciter les juridictions civiles à minorer la responsabilité des employeurs. Il a également souligné que les associations de victimes de l'amiante reprochaient à la « loi Fauchon » de faire obstacle à la mise en cause pénale des responsables de la contamination et a demandé si le ministère partageait ces critiques.
Sur la question de l'harmonisation de la jurisprudence, M. Pascal Clément a indiqué qu'il était possible de fixer un barème indicatif, à condition de ne pas empêcher une appréciation au cas par cas par le juge. Evoquant la décision prise par le Conseil d'Etat, il a noté qu'elle ne s'était pas accompagnée, jusqu'à présent, d'un accroissement du contentieux devant les juridictions administratives. Les tribunaux civils continuent de condamner les employeurs, qui peuvent ensuite choisir de se retourner contre l'Etat. Il a jugé qu'il n'était pas opportun de modifier la « loi Fauchon » et rappelé que la Cour de cassation était saisie d'un pourvoi contre un arrêt de la cour d'appel de Douai, qui lui donnera l'occasion de donner son interprétation de ce texte.
a souligné que les victimes et leurs avocats, de même que certains magistrats, jugeaient insuffisants les moyens mis à la disposition des deux pôles de santé publique.
a assuré que la décision de regroupement du contentieux autour de ces deux pôles allait permettre d'accélérer les procédures. Il a précisé que le pôle de Paris comptait six magistrats du parquet, trois juges d'instruction et quatre assistants spécialisés pour traiter quinze procédures, tandis que le pôle de Marseille, qui est dans une phase de montée en puissance, compte un magistrat spécialisé et s'est vu transmettre une procédure.
a demandé pour quelles raisons un si faible nombre de plaintes aboutissait à des mises en examen et si le ministre donnait des instructions aux procureurs généraux pour engager des poursuites dans les affaires de santé publique.
a attribué le faible nombre de mises en examen d'une part à la « loi Fauchon », qui pose, selon lui, un principe général d'exonération de responsabilité pour les auteurs indirects d'un dommage, et, d'autre part, à la complexité des enquêtes. Il a ajouté que vingt-sept procédures aujourd'hui en cours avaient été engagées sur la base d'un réquisitoire introductif du procureur.
a rappelé la sensibilité de la population, dans sa région du Nord-Pas-de-Calais, au drame de l'amiante, ce dont atteste la mobilisation des « veuves de Dunkerque » et a dit attendre avec intérêt la décision de la Cour de cassation.
a souligné que les victimes de l'amiante souhaitaient que des responsables soient clairement désignés.
a considéré qu'il serait difficile de désigner précisément des responsables, dans la mesure où la faute est collective et s'explique, en grande partie, par une ignorance scientifique.
La mission a ensuite procédé à un large échange de vues sur les orientations du rapport, au cours duquel sont intervenus MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Gérard Dériot, rapporteur, Jean-Pierre Godefroy, rapporteur adjoint, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Roland Muzeau, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Marie-Christine Blandin et Catherine Procaccia.
La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités.
a d'abord noté que l'ampleur du drame sanitaire de l'amiante dépassait largement le seul cadre national, puisqu'environ 100.000 personnes dans le monde décèdent, chaque année, d'une pathologie liée à cette fibre. Il a rappelé que les dangers liés à l'amiante avaient été identifiés de façon progressive en fonction de connaissances scientifiques qui se sont affinées avec le temps. Il a indiqué que la France était passée d'une interdiction partielle à une interdiction généralisée de l'usage de l'amiante. Rappelant que la première réglementation d'ensemble concernant l'amiante datait de 1977, il a précisé qu'elle avait été progressivement durcie au cours des années 1980 sur la base des données scientifiques disponibles à cette époque. Il a ainsi souligné l'interdiction de l'emploi des formes les plus nocives d'amiante, ainsi que de certains procédés d'utilisation de cette fibre. Il a indiqué que la France avait rompu avec la politique de « l'usage contrôlé » de l'amiante en 1996 et qu'elle avait opté pour une interdiction généralisée à partir du 1er janvier 1997. Il a fait observer que les connaissances scientifiques sur l'amiante se sont précisées à partir du milieu des années 1990 et a rappelé qu'à cette époque, l'Organisation internationale du travail (OIT) préconisait encore l'usage contrôlé. Il a mentionné les travaux effectués par des experts français et britanniques, qui ont mis en évidence l'apparition de mésothéliomes pour un niveau d'exposition beaucoup plus faible que ce que la réglementation communautaire considérait alors comme dangereux. Il a également cité un rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) de juillet 1996 sur l'ensemble des risques liés à l'amiante et a noté que cette étude avait conclu, notamment, à la nécessité de rompre avec l'usage sécuritaire de l'amiante. Il a noté que la France présentait aujourd'hui une situation comparable à celle de ses voisins européens, même si la Grande-Bretagne avait adopté les premières mesures de restriction dans les années 1930 et si l'Allemagne avait interdit l'amiante à la fin des années 1980. Il a toutefois rappelé que d'autres pays industrialisés continuaient d'utiliser ce matériau, de manière contrôlée, notamment les Etats-Unis, le Canada et la Russie.
a présenté les estimations relatives au nombre de mésothéliomes, indiquant que 1500 à 2000 cas par an apparaissaient en France et en Allemagne, et 2500 à 3000 cas au Royaume-Uni. Il a fait observer que les Etats-Unis, qui utilisent toujours l'amiante, présentent un nombre de cas de mésothéliomes inférieur à celui observé en Europe, relativement à leur poids démographique. Il a rappelé que seuls 40 pays, dont les 25 Etats membres de l'Union européenne, avaient interdit l'usage de l'amiante. Il a fait état du décès de 35.000 personnes en France, entre 1965 et 1995, du fait de pathologies liées à l'amiante et estimé que, d'après des études médicales, le nombre de ces décès s'établirait entre 60.000 et 100.000 au cours des vingt prochaines années. Il a également précisé que le coût complet de la prise en charge des victimes pourrait s'établir, selon un rapport remis au Parlement en octobre 2003, entre 27 et 37 milliards d'euros.
Il a ensuite présenté les différents dispositifs de prise en charge des victimes. Il a rappelé que le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) avait été institué en 1999 au profit des salariés et anciens salariés d'entreprises fabriquant des matériaux contenant de l'amiante, et a noté que ce dispositif avait été progressivement étendu à d'autres catégories. Il a rappelé que plus de 1500 établissements et 11 ports sont inscrits sur les listes ouvrant droit à ce dispositif de préretraite. Il a ajouté que, depuis la création du FCAATA, plus de 36.000 personnes, dont 4000 malades, avaient bénéficié du dispositif et que 29.059 personnes percevaient une allocation de cessation anticipée d'activité, soit un effort financier total de 2,84 milliards d'euros pris en charge par la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale. Il a ensuite évoqué le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Il a indiqué que ce fonds, qui permet une réparation rapide, intégrale et équitable de l'ensemble des victimes, avait versé, depuis sa création, 1,238 milliard d'euros pris en charge à la fois par la branche accidents du travail et maladies professionnelles et par le budget de l'Etat. Il a précisé que plus de 22.000 demandes d'indemnisation avaient été présentées au FIVA qui a proposé 16.000 offres, dont 95 % sont acceptées par les victimes ou leurs ayants droit, pour un montant de 723 millions d'euros. Il a noté que l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) avait été chargée, sur la base du rapport de la Cour des comptes remis à la commission des affaires sociales du Sénat, de réfléchir aux réformes possibles du FCAATA et qu'elle devait remettre ses conclusions à la fin du mois d'octobre prochain. S'agissant du FIVA, il a précisé qu'une réflexion était en cours sur l'évolution du dispositif afin d'assurer une meilleure cohérence entre les indemnisations accordées par le Fonds et celle des tribunaux.
a réaffirmé le caractère prioritaire, en termes de santé publique, de la prévention des risques liés à l'amiante, notamment du fait de la présence d'amiante résiduel dans les bâtiments. A ce titre, il a rappelé que la Direction générale de la santé (DGS) avait largement participé à la rédaction de la réglementation de 1996 concernant les bâtiments, en collaboration avec le ministère du logement. Il a cité les mesures successives prises pour limiter le risque d'exposition, par exemple, l'obligation de réaliser, depuis 2001, un diagnostic technique amiante afin de gérer le risque dans le bâtiment. Il a estimé que le risque d'exposition passive à l'amiante était encore réel, comme l'avaient récemment montré les 19 cas de maladies professionnelles observés à l'hôpital Saint-Louis de Paris.
Le ministre a ensuite présenté les trois axes de travail du ministère de la santé en termes de prévention du risque « amiante ». Au titre du diagnostic, il a rappelé que, d'après une enquête réalisée par la SOFRES en mars 2005 sur 1986 établissements de santé, sur les 4.000 existants, 73 % d'entre eux ne présentaient plus d'amiante dans leurs locaux. Quant aux autres, 81 % déclaraient que l'amiante encore présent était dans un bon état de conservation. Au total, 79 % des établissements ont réalisé un diagnostic technique amiante. 3 % d'entre eux ont détecté des situations classées 3, c'est-à-dire requérant une intervention de mise en sécurité, ce qui est actuellement en cours dans 87% des cas. 3% des établissements de santé ont déclaré avoir eu des cas de maladies professionnelles liées à l'amiante dans leurs établissements. 12 % de ces maladies liées à l'amiante sont des mésothéliomes, essentiellement contractés par les personnels travaillant dans les locaux techniques. Il a ensuite abordé le cas des 25.000 établissements sociaux et médico-sociaux, qui vont faire l'objet de tableaux de bord régionaux de suivi de l'application de la réglementation amiante. Une enquête exhaustive sur tous les points de la réglementation leur sera très prochainement adressée. Puis il a évoqué la mission confiée à l'Institut de veille sanitaire (InVS) du suivi épidémiologique des pathologies liées à l'amiante dans 21 départements, qui a révélé l'existence de 606 cas de mésothéliomes.
Il a rappelé que la responsabilité de l'application de la réglementation incombait aux propriétaires mais que l'Etat avait pour mission de s'assurer du respect de sa réglementation. Les pouvoirs juridiques de l'Etat en matière de contrôle restent faibles. Néanmoins les tableaux de bord régionaux des établissements de santé contribueront à définir une politique de contrôles ciblés.
Enfin, pour l'avenir, il a indiqué que le ministère de la santé avait saisi l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement (AFSSE) sur les risques des fibres courtes d'amiante. Il a estimé que la question de l'amiante devait également être abordée d'un point de vue prospectif en définissant la manière de gérer les risques résiduels à long terme. Quoiqu'il en soit, l'objectif doit rester la protection de la santé des populations.
rappelant que la DGS avait participé aux travaux du comité permanent amiante (CPA), s'est interrogé sur l'existence éventuelle d'une influence significative du CPA sur les décisions du ministère dans le dossier de l'amiante et s'est demandé si l'on pouvait considérer que le CPA avait comblé un « vide » en termes de prévention du côté des pouvoirs publics. Il s'est interrogé sur l'interdiction tardive de l'amiante, en 1996 seulement, alors que sa nocivité sur la santé, son caractère cancérogène en particulier, était connue de longue date. Il s'est enquis de la date à partir de laquelle la DGS avait pris la mesure de la crise sanitaire provoquée par l'amiante. Enfin, il a voulu savoir si, selon le ministre, les dirigeants des grandes entreprises du secteur pouvaient ignorer, avant 1997, la nocivité de cette fibre sur la santé.
a rappelé que le CPA avait été créé en 1982 à l'initiative du directeur général de l'INRS de l'époque et qu'il s'agissait d'un lieu d'échanges et de dialogue entre représentants des industriels, des syndicalistes, des scientifiques et des administrations, mais qu'il n'était pas un organisme scientifique indépendant. Il a indiqué que, pendant la période d'activité du CPA, les discussions et décisions relatives à la protection des travailleurs contre l'amiante, en particulier des directives de 1983 et 1991 se tenaient au niveau européen. Il a également cité des directives de 1983, 1985 et 1991 concernant la protection des consommateurs et a précisé que les textes pris en France l'avaient été en transposition de ces directives. Il a estimé que le CPA avait contribué à l'information et à la mise en oeuvre de mesures concrètes, notamment par l'élaboration de brochures sur le diagnostic et le traitement des flocages en 1985 et 1990. Il a toutefois rappelé qu'un certain nombre de mesures de préventions, telles que l'arrêté de 1977 et le décret de 1978 interdisant les flocages, avaient été mises en oeuvre avant la création du CPA.
Il a rappelé que la France avait décidé l'interdiction généralisée de l'amiante à compter du 1er janvier 1997 et que la directive 99/77/CE avait généralisé l'interdiction de cette fibre seulement à compter du 1er janvier 2005. Il a fait observer que cette interdiction généralisée était venue compléter une série d'interdictions successives de différents produits et usages au cours du temps, celle-ci ayant été prononcée suite aux conclusions de l'expertise collective de l'INSERM demandée par la DGS et la direction des relations du travail en février 1995, selon lesquelles toutes les variétés de fibres d'amiante étaient cancérogènes, y compris à faible dose.
Le ministre a indiqué que la question de la nocivité de l'amiante relevait de la médecine du travail, qui n'est pas placée sous la tutelle de la DGS, mais sous celle du ministère du travail. Il a ajouté que la DGS ne recevait pas d'informations de la médecine du travail sur les situations rencontrées dans les entreprises. Il a fait observer que la classification de l'amiante comme substance cancérogène par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) en 1979 avait conduit la DGS à se pencher sur le vieillissement des matériaux fragiles contenant de l'amiante à l'intérieur des bâtiments, auxquels la population générale pouvait être exposée. Il a précisé que la DGS avait également engagé une étude de faisabilité concernant l'identification des bâtiments floqués à partir des données d'archive et à l'initiative des collectivités territoriales. Il a noté que ce n'est qu'en 1996, avec la publication des projections du professeur britannique Julian Peto sur la population britannique que la DGS avait réellement pris conscience de l'ampleur du problème concernant les travailleurs, par seulement ceux de la transformation de l'amiante, mais également ceux qui fabriquaient des matériaux contenant cette fibre.
a fait remarquer que de nombreuses personnes auditionnées avaient présenté différemment le rôle du CPA qui aurait cherché à prolonger le plus possible la politique de « l'usage contrôlé » de l'amiante afin de repousser au maximum son interdiction.
a estimé qu'il était difficile de répondre à cette question, l'appréciation du rôle exact du CPA relevant de la subjectivité.
a souhaité obtenir des informations sur les conséquences sanitaires et financières de l'utilisation de l'amiante en France pour les 20 années à venir. Il s'est interrogé sur les raisons de la passivité des médecins du travail qui n'ont pas joué leur rôle d'alerte sur les dangers de l'amiante, et s'est demandé si leur indépendance vis-à-vis des employeurs, souvent mise en cause, ne paraissait pas devoir être mieux garantie. Enfin, il s'est enquis des leçons qui avaient été tirées du drame de l'amiante en matière d'organisation et de méthodes de travail de la médecine du travail.
a indiqué que la médecine du travail relevait du ministère chargé du travail. Il a toutefois noté que cette question avait fait l'objet d'une réflexion commune entre les deux ministères afin de rapprocher les points de vue et d'échanger des informations. Il a estimé qu'à l'époque, les médecins du travail ont privilégié l'optique d'un suivi individuel des salariés, et a noté que leur formation négligeait les outils épidémiologiques et l'approche en termes de population.
Il a rappelé que toutes les variétés d'amiante étaient classées comme substances cancérogènes avérées et qu'elles étaient à l'origine de cancers du poumon et de la plèvre, essentiellement dans le cadre d'une exposition professionnelle. Il a indiqué qu'en 1999 plus de 2000 nouveaux cas de cancer du poumon étaient attribuables à une exposition professionnelle à l'amiante, et que les estimations relatives au mésothéliome étaient comprises entre 660 et 810 cas pour l'année 1998, et entre 600 et 808 cas pour l'année 1999. Il a mis en évidence l'augmentation, au cours des prochaines années, du nombre de ces cancers, et a rappelé que les projections, notamment celles effectuées par le professeur Marcel Goldberg, de l'INSERM, estimaient la mortalité totale due à l'amiante à 100.000 décès d'ici à 2025.
S'agissant de l'indemnisation des victimes, le ministre a rappelé qu' 1,13 milliard d'euros avaient été consacrés directement à l'indemnisation en 2004, et a noté que le rapport du Gouvernement au Parlement d'octobre 2003 estimait le coût de la prise en charge des victimes de l'amiante, au titre du FIVA, du FCAATA et de la sécurité sociale, entre 1,3 et 1,9 milliard d'euros par an, soit entre 27 et 37 milliards d'euros pour les 20 prochaines années, dont la moitié serait consacrée à la retraite anticipée des personnes exposées à l'amiante.
s'est interrogé sur l'adéquation des moyens du département santé au travail de l'InVS aux missions de surveillance des risques professionnels et d'alerte des pouvoirs publics. Il a souligné la prédominance des épidémiologistes sur les toxicologues au sein de l'InVS. Il s'est demandé si le dispositif de prévention des risques sanitaires était de nature à empêcher la répétition d'une crise de l'ampleur de celle de l'amiante. Il s'est enquis de l'évaluation des risques de l'exposition professionnelle aux produits de substitution, en particulier aux fibres céramiques réfractaires (FCR). Il s'est interrogé sur le rôle du ministère de la santé dans l'élaboration du plan « Santé au travail » et a voulu savoir comment celui-ci contribuerait à une meilleure prévention des risques professionnels. Il s'est également inquiété de l'organisation du suivi médical des anciens salariés de l'amiante. Il a voulu savoir si les salariés exposés à des matériaux cancérogènes étaient aujourd'hui correctement informés et protégés. Il a voulu connaître les initiatives prises par le ministère de la santé en matière de prévention des cancers professionnels. Enfin, il s'est enquis des réflexions en cours relatives à la réforme de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles et au passage à une réparation intégrale.
a noté que le département santé au travail de l'InVS avait pâti, après sa création en 1998, d'un manque certain de moyens, puisqu'il n'employait que cinq personnes fin 1999, cette équipe disposant aujourd'hui de trente personnes. Il a expliqué la difficulté des recrutements par des problèmes budgétaires, mais aussi par la rareté des compétences sur le marché du travail. Il a estimé que la prédominance des épidémiologistes à l'InVS découlait des missions que la loi lui a fixées. Il a précisé que l'InVS avait toutefois décidé de s'appuyer sur les compétences extérieures en toxicologie et a salué la reconnaissance dont le département santé au travail bénéficie. Il a fait observer que l'Etat avait décidé de renforcer très sensiblement son expertise en matière de sécurité sanitaire, l'AFSSE, créée en 2001, devant se voir adjoindre une nouvelle compétence en santé au travail.
Il a indiqué que les ministères de la santé, de l'environnement et du travail avaient saisi, le 20 juillet 2004, l'AFSSE afin de procéder à l'évaluation de l'exposition de la population générale et des travailleurs aux fibres de substitution à l'amiante, en particulier aux FCR, qui sont assimilées à des substances cancérogènes. Il a précisé que l'utilisation et la mise sur le marché des FCR, tant au niveau national qu'européen, était actuellement réglementé, et que le plan national « santé environnement » de juin 2004 recommandait de réduire les expositions professionnelles à ces fibres et prévoyait que la France prenne l'initiative de proposer l'interdiction de mise sur le marché à destination du public des produits contenant des FCR.
Le ministre a fait observer que si le plan « Santé au travail » relevait de la responsabilité du ministre du travail, le ministère de la santé avait néanmoins contribué à sa préparation. Il a ajouté que cette thématique était également traitée par le plan cancer, par la loi relative à la politique de santé publique, par un contrat cadre spécifique à la prévention des cancers en milieu professionnel et par le plan national « santé environnement ». Il a fait observer que le plan « Santé au travail » reposait sur le principe d'une meilleure prévention et qu'il comportait en particulier quatre volets novateurs : la création prochaine d'une agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, une capacité de contrôle pour l'inspection du travail en santé au travail, la mise en place d'une commission interministérielle d'orientation stratégique de la protection contre les risques professionnels, placée auprès du Premier ministre, l'encouragement des entreprises à être plus actives en matière de protection de la santé. Il a indiqué que le suivi médical des anciens salariés de l'amiante était placé sous la responsabilité du ministre du travail. Il a précisé que les anciens salariés exposés devaient se voir délivrer, lors de leur départ de l'entreprise, une attestation d'exposition signée par le chef d'établissement et le médecin du travail. Par ailleurs, le chef d'établissement devrait établir et tenir à jour une liste des travailleurs employés indiquant la nature de l'activité, les niveaux et la durée de l'exposition afin de permettre à la médecine du travail de faire un suivi des personnes en situation post-professionnelle. Il a également rappelé qu'une expérimentation était en cours dans quatre régions depuis 2002 pour améliorer ce suivi, le bilan devant en être présenté à l'automne.
a cité plusieurs dispositions du code du travail visant à protéger les travailleurs contre les substances cancérogènes et a estimé que le ministère de la santé n'était pas en mesure de savoir si ces dispositions étaient correctement appliquées. Il a donc insisté sur la nécessité de renforcer ces contrôles et a annoncé, pour 2006, la poursuite des efforts entrepris. Il a ensuite présenté les deux principaux axes du contrat-cadre du 13 février 2004 conclu entre le ministère de la santé et celui du travail en matière de prévention des cancers professionnels : l'amélioration des connaissances scientifiques et une meilleure identification des cancers d'origine professionnelle, et l'amélioration de la prévention de ce type de cancer.
Il a fait observer que le système de réparation des risques professionnels n'avait pas évolué dans ses principes depuis le compromis instauré par la loi de 1898 entre la présomption d'imputabilité et la réparation forfaitaire, bien que des efforts appréciables aient cependant été accomplis récemment pour améliorer la réparation des victimes de l'amiante. Il a estimé que l'indemnisation proposée n'était pas fondée sur un principe de réparation intégrale des préjudices subis, celle-ci n'allant d'ailleurs pas de soi puisque en cas de faute inexcusable de l'employeur, l'indemnisation accordée est parfois supérieure à une réparation intégrale. Il a indiqué que les modalités d'évolution de la réparation dépendent largement des partenaires sociaux avec qui une négociation est engagée. Il a fait part de la position favorable du ministère de la santé à une réforme de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles ayant pour objectif de fonder la tarification sur le principe de prévention, celle-ci n'étant pas suffisamment prise en compte dans le système actuel, comme l'a d'ailleurs rappelé l'IGAS en 2004. A cet égard, il a appelé de ses voeux l'accélération des négociations engagées entre les partenaires sociaux.
s'est interrogé sur la possibilité, pour les salariés des entreprises de désamiantage de bénéficier d'un suivi médical spécifique. Il s'est enquis de la possibilité de rattacher la médecine du travail au ministère de la santé.
a insisté sur le lien de dépendance existant entre les médecins du travail et leurs employeurs et a rappelé que cette situation pouvait avoir des conséquences dramatiques, comme l'avait montré l'exemple de Condé-sur-Noireau. Il a souhaité obtenir des informations complémentaires sur le rôle du CPA.
a fait part de son inquiétude quant à certains produits qui demeurent actuellement utilisés, rappelant que de nombreux biens importés contiennent de l'amiante. Elle s'est également interrogée sur les difficultés rencontrées pour la délivrance des attestations d'exposition par les entreprises.
a indiqué que les salariés du désamiantage ne seraient pas pris en compte différemment des autres salariés en matière de suivi médical. Il a estimé que son information concernant le rôle véritable du CPA était sans doute moins exhaustive que celle des membres de la mission. Il a rappelé qu'il avait souhaité que le dossier médical personnel ne soit pas rendu accessible aux médecins du travail afin précisément que les chefs d'entreprise ne puissent connaître les informations qu'il contient. Il a reconnu l'existence de réticences chez certains chefs d'entreprise à fournir une attestation qui pourrait être utilisée devant un tribunal, mais il a rappelé que la délivrance de cette attestation était obligatoire car elle permet une meilleure prise en charge des salariés. Il a indiqué qu'il saisirait le ministre du budget, dont relève l'administration des douanes, de la question des produits importés susceptibles de contenir de l'amiante.