La commission entend M. Christian de Perthuis, président du comité pour la fiscalité écologique.
Nous entendons Christian de Perthuis, président du comité pour la fiscalité écologique. L'actualité est brûlante : l'écotaxe poids lourds ; la TVA sur les travaux de rénovation thermique, l'eau, le traitement des déchets ; la fiscalité automobile, etc. Quelles sont les pistes d'évolution que vous suggérez pour introduire la transition écologique dans notre système fiscal ?
Merci de me recevoir. Je me sens en très bonne compagnie : les sénatrices Evelyne Didier et Laurence Rossignol sont deux membres éminents du comité pour la fiscalité écologique.
Cette audition prolonge la réflexion amorcée depuis six mois. Une mesure de fiscalité écologique doit être précédée d'un travail de réflexion, d'information et de consultation des acteurs ; puis vient le temps de la décision, du débat au Parlement et des arbitrages. En tant que président du comité pour la fiscalité écologique et professeur d'université, mon rôle est de travailler en amont, pour fournir une information fondée sur une expertise impartiale.
Notre comité a constitué plusieurs groupes thématiques. Un comité étudie la fiscalité sur l'énergie, qui représente trois quarts des 40 milliards des recettes dites écologiques. Le groupe sur les déchets, auquel appartient Evelyne Didier, réfléchit à une remise à plat d'une fiscalité que l'accumulation des dispositifs - la fiscalité sur la collecte des ordures, la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), les taxes sur le recyclage etc. - a rendue très complexe. L'ensemble n'est pas lisible aux yeux du citoyen et n'envoie pas d'incitations claires. Un autre groupe, auquel je vais me consacrer, a pour objet l'artificialisation des sols et la fiscalité locale. Le développement urbain consomme toujours plus de sols, notamment agricoles ou forestiers. Il s'agit de réfléchir à une meilleure occupation des sols déjà artificialisés, aux modalités de la taxe d'aménagement ou du versement pour sous-densité. Un groupe sur l'eau se met en place. Il analysera les enjeux liés à la tarification de l'eau et les problématiques nouvelles liées au respect de la biodiversité. Les agences de bassin doivent être revues à cette aune.
Conformément au souhait des cabinets des ministres, nous n'avons pas travaillé sur l'écotaxe poids lourds, afin de ne pas perturber l'aboutissement d'un mécanisme proposé par le gouvernement précédent. Nous mettrons sur pied un groupe sur les transports, en partenariat avec le laboratoire d'économie des transports de Lyon pour étudier l'effet des péages urbains ou les liens entre pollution et transports. La pollution liée au CO2 est la plus simple à aborder : comme la quantité de CO2 émise dans l'atmosphère correspond à la quantité de carbone contenue dans le combustible, il suffit d'asseoir la taxation sur cette dernière. En revanche, la taxation du carbone est impuissante pour résoudre les pollutions locales liées aux particules fines car le volume émis dépend des véhicules. Il convient alors de tarifer l'usage des véhicules, par exemple leur utilisation en ville.
Avant d'avancer des propositions sur la fiscalité de l'énergie dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, nous avons souhaité établir un diagnostic. La fiscalité énergétique représente 75 % des 40 milliards de recettes considérées comme écologiques en France. Or cette fiscalité sur l'énergie n'a aucun caractère écologique, mais résulte plutôt d'une sédimentation de dispositifs au fil de l'histoire. Ainsi la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), quatrième ressource fiscale de l'Etat, et bientôt troisième, est l'héritière de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), créée en 1928 pour compenser la baisse de rendement de l'impôt sur le sel, créé par Saint-Louis. De même, si nous taxons fortement les carburants, bien que moins que l'Allemagne ou la Hollande, notre fiscalité sur les combustibles, notamment le gaz naturel, est très modérée. En 1951, après la découverte du gisement de Lacq, la France avait en effet mis en place une fiscalité de soutien à la production de gaz naturel.
Notre comité a adopté deux avis qui ont fait l'objet de consensus. Le premier est qu'il n'y a pas compatibilité entre notre objectif de diminuer par quatre nos émissions de carbone et de gaz à effet de serre d'ici à 2050 et l'absence de composante carbone dans notre fiscalité énergétique. Si l'industrie et l'énergie sont sur des trajectoires compatibles avec le respect de l'objectif, les transports, le bâtiment et l'agriculture en sont loin. Deuxième avis : nous constatons que l'écart de taxation entre l'essence et le diesel, au profit de ce dernier, est parmi les plus élevés d'Europe, tandis qu'hors d'Europe - ainsi qu'au Royaume-Uni - le diesel est davantage taxé que l'essence. Cet écart de taxation n'est pas pertinent d'un point de vue écologique mais s'explique par des raisons historiques : il y a vingt ans l'essence était considérée comme plus nocive à cause du plomb qu'elle contenait et nous connaissions mal les nuisances provoquées par les microparticules. De plus, la taxation du diesel constitue un instrument de soutien sectoriel à l'égard notamment des agriculteurs, des chauffeurs de taxis, du transport routier ou des marins-pêcheurs. Il ne nous appartient pas de porter un jugement sur l'opportunité d'un tel soutien ; toutefois d'autres mesures, sans incidence écologique néfaste, seraient envisageables. Pour le transport routier par exemple, le carburant n'est qu'un élément du coût de production : n'oublions pas que le coût du chauffeur français est supérieur de 20 % à celui de l'allemand... sans parler de celui du bulgare !
Ces avis ont été adoptés en avril, deux mois avant les arbitrages sur le projet de loi de finances. Comme le délai était court après cette phase de diagnostic, j'ai présenté, en mon nom, des propositions au comité. J'ai préféré recueillir l'intégralité des réactions plutôt que procéder à un vote : sans doute auraient-elles été adoptées, mais notre comité n'a pas vocation à se substituer aux instances représentatives. C'est pourquoi je les ai présentées sous ma responsabilité ; elles n'engagent pas le comité. Vous les trouverez sur notre site.
Ces propositions visent, dans un cadre pluriannuel, à augmenter progressivement la composante carbone de notre fiscalité énergétique, à réduire progressivement l'écart de taxation entre l'essence et le diesel, d'un centime par an jusqu'en 2020, à fixer la taxe sur le carbone à 7 euros par tonne, soit approximativement le prix du marché sur les quotas de CO2.
Comme le Président de la République a annoncé qu'il ne créerait pas d'impôts nouveaux en 2014, il a fallu réduire la composante hors carbone pour compenser l'effet de l'introduction de la composante carbone. Ainsi, dans le projet de loi de finances, le montant de la TICPE ne change pas mais son mode de calcul intègre une composante carbone à 7 euros la tonne et une diminution équivalente de la part hors carbone. Le même mécanisme vaut pour les combustibles. Le prix de ceux dont la composante carbone est inexistante ou faible, comme le gazole, le gaz ou le fioul lourd, augmentera, ce qui représente une hausse globale de 300 millions d'euros en 2014 selon Bercy. Je proposais une montée en régime progressive jusqu'en 2020, soit au-delà du terme du quinquennat actuel, car il importe de fixer une échéance de moyen terme pour envoyer des signaux clairs aux acteurs économiques. Le gouvernement a choisi de ne pas modifier l'écart de fiscalité entre l'essence et le diesel, mais il se montre plus ambitieux sur la montée en régime de la composante carbone qui passe de 7 euros la tonne en 2014 à 14,5 euros en 2015 et 22 euros en 2016, pour un rendement de 4 milliards.
La compensation a pris une part importante de nos discussions, au détriment parfois de l'écologie, comme cela est souvent le cas dans les instances de décision et de réflexion. Ma lettre de mission indiquait que la fiscalité écologique devait rapporter 3 milliards d'euros en 2016 pour financer le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en faveur des entreprises. Ma proposition de retrait des vieux véhicules n'a pas été retenue. Pour les ménages j'ai proposé d'instaurer une compensation dégressive en fonction du revenu, corrigée seulement par la composition du ménage et calculée en fonction de l'ensemble des dépenses énergétiques, carburant inclus. Je ne souhaitais pas prendre en compte la localisation géographique, même si les ménages péri-urbains risquaient d'être pénalisés car l'instauration d'une compensation multicritères se heurte à des difficultés pratiques insurmontables et constitue une mauvaise incitation. Le gouvernement a préféré affecter le surplus de recettes au financement de la baisse de la TVA sur les travaux de rénovation thermique. Mais ces dépenses ne sont pas de même nature et ne permettront pas aux ménages modestes de compenser la hausse du coût de l'énergie.
De plus, le projet de loi ne fait pas de distinction entre le gaz fossile et le biogaz ou les bio-énergies, au bilan carbone neutre car le CO2 qu'elles émettent a préalablement été stocké dans des plantes. Il s'agit d'une erreur de conception car la réforme vise à renchérir le coût des énergies fossiles pour rendre les autres énergies rentables. Il faut de la cohérence. En Suède la taxe sur le CO2 est de 100 euros : il n'est plus rentable de recourir à des énergies fossiles ; tel doit être l'objectif. Bercy craint que cela ne réduise le rendement de la mesure. Mais le but d'une fiscalité écologique est d'envoyer de bonnes incitations, non de remplir les caisses.
J'ai beaucoup appris en participant à ce comité. La méthode de travail, fondée sur l'échange, évite les oppositions stériles et permet d'aboutir à des diagnostics partagés, même si les opinions divergent.
Il faut donner du temps au temps. Ainsi la TGAP a été modifiée à plusieurs reprises alors que l'on manquait de recul. Cessons cette logorrhée législative qui nous conduit à changer de cap sans cesse !
Les politiques publiques se juxtaposent. Il faut les croiser pour atteindre des objectifs clairement définis. En croisant la politique de l'eau et la politique en faveur de la biodiversité, nous parviendrons à améliorer à la fois la qualité de l'eau et la biodiversité.
Notre pays a d'abord une politique fiscale avant d'avoir une politique écologique. Bercy décide. Or la fiscalité doit rester un outil au service d'objectifs clairs et non une finalité. Les prélèvements obligatoires ont atteint un niveau élevé. Trop de richesses produites s'évaporent dans ce casino qu'est la bourse. Cessons de taxer les salariés, véritable richesse de notre pays.
Quelle est la marge de manoeuvre ? Comment instaurer une fiscalité environnementale sans augmenter la pression fiscale ? Vu le contexte budgétaire, il est difficile d'avoir une vision claire. Le lien entre le CICE et la fiscalité écologique témoigne de cette confusion.
La contribution climat-énergie introduite aujourd'hui remplace la taxe carbone que Lionel Jospin et François Fillon ont successivement tenté de mettre en place. Quelles sont les différences ?
Votre mission consiste à définir les outils de fiscalité les plus pertinents au regard de leurs effets sur l'environnement, non de faire rentrer de l'argent dans les caisses.
Absolument !
Quelle solution prônez-vous en matière de traitement des déchets ? Envisagez-vous une alternative à l'incinération ? Travaillez-vous sur l'impact des plastiques d'origine minérale, qui ne sont pas biodégradables ?
Vous avez évoqué vos travaux sur l'artificialisation des sols. L'heure est à l'urbanisme concentré. Mais quel est le bilan écologique des embouteillages aux portes des villes, alors que des voies ferrées sont abandonnées ? Ce sujet donne lieu à bien des affirmations gratuites. Parfois plus les mensonges sont gros, plus ils passent !
Enfin, les biocarburants, au bilan carbone neutre, sont-ils moins taxés que les autres combustibles ?
Merci de votre franchise, notamment sur l'absence de stratégie de l'État. Ses choix fiscaux ne sont pas cohérents avec ses politiques sectorielles, d'investissement, ou de redistribution. Ce problème est ancien, même si je salue la volonté du gouvernement de revenir à un État stratège, notamment en matière d'aménagement du territoire. Je défends l'instauration d'une fiscalité écologique. Sans doute me qualifiera-t-on de libéral : il faut que le prix d'un bien intègre le coût des externalités négatives. Le marché libre et non faussé éliminera spontanément les aberrations. La difficulté réside dans la conciliation de cette politique fiscale écologique et des politiques industrielles ou sociales.
N'aurait-il pas été préférable d'éviter que le comité pour la fiscalité écologique ne travaille isolément ? Il aurait fallu associer Bercy, pour éviter la tentation d'utiliser la fiscalité environnementale comme un simple complément de recettes, ou le ministère de l'industrie, pour que les préconisations en matière de fiscalité automobile correspondent à une stratégie industrielle. En tant que rapporteur pour avis du budget des transports routiers, je sais par exemple que nous ignorons tout des effets du bonus-malus. En isolant la fiscalité écologique, on la rend moins lisible et on fait le jeu des conservatismes préoccupés par une perspective de court terme, comme en témoignent les réticences sur l'écotaxe. Il faut de la pédagogie et de la cohérence. Comment améliorer l'articulation du travail du comité avec les autres politiques de l'État ?
Le comité a réalisé un travail remarquable, cherchant à établir un diagnostic partagé puis à dégager, sur chaque sujet, des consensus, avec une patience de brodeuse. En la matière, chaque consensus constitue une avancée. Ce travail s'est révélé difficile, ce qui ne constitue pas une surprise.
J'espère que le développement de la judiciarisation de la vie politique conduira notre génération devant les tribunaux pour son inaction, due à la démagogie ou au manque de courage.
Certains me disent droit dans les yeux qu'ils ne croient pas au dérèglement climatique, ou qu'il n'est pas anthropique. Et d'ajouter qu'il ne faut rien entreprendre, aucun travail politique, pédagogique ou diplomatique. La position est cohérente. Mais je n'y crois pas. À l'étude des rapports du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), on constate que chaque rapport confirme les pires prévisions du rapport précédent : nous atteindrons 3 ou 4 degrés de réchauffement climatique bien avant les prévisions de Kyoto. En niant cette réalité nous flattons nos concitoyens et nous participons au mensonge : nous sommes coupables individuellement et collectivement.
Nous avons abordé le problème de la fiscalité écologique dans le mauvais sens : il ne faut pas commencer par la fiscalité écologique, mais par la compréhension collective des enjeux écologiques et de la transformation des modes de vie ; la fiscalité n'est qu'un outil de cette transformation. Et que pensera le citoyen moyen des écologistes, qui lient leur maintien au gouvernement à une simple question de fiscalité ? Quelle image donne-t-on quand on augmente la TVA sur les transports collectifs de 10 %, tout en refusant de diminuer l'avantage fiscal du diesel, alors même que nous pourrions, de cette façon, financer de nouveaux investissements pour la transition écologique ? Avec 2 centimes d'augmentation du diesel nous n'augmenterions pas la TVA sur les transports collectifs et nous pourrions financer de nouveaux équipements. Quant à l'écotaxe poids lourds, je crains beaucoup pour son avenir.
Moins on en fait, plus on renforce l'idée que la transition énergétique n'est pas possible. Par notre description démagogique du monde dans lequel on vit, et le maintien de fausses exigences en termes de niveau de vie, de compétitivité, de protection sociale, de services publics, sans augmentation d'impôt, nous n'allons nulle part et sommes collectivement des irresponsables.
C'est effectivement une erreur d'offrir, comme seule solution à un problème qui touche l'humanité entière, une punition fiscale. Parler de fiscalité écologique est contre-productif : parlons de protection et de sauvegarde de l'humanité. Nous avons raté politiquement la nécessaire prise de conscience, dans les filières, les territoires et auprès des populations, de la gravité de la situation du réchauffement climatique et de la nocivité de notre économie très carbonée.
Mais ne croyez-vous pas, Monsieur le Président, qu'il faut aller plus vite sur la taxe carbone ?
Il ne faut pas que l'écologie se résume à des pénalisations. Nous n'avons pas besoin d'une pénalisation supplémentaire.
J'aimerais prendre un peu de hauteur. Je trouve les propos de Madame Rossignol sur la judiciarisation de la vie politique dangereux ; ils pourraient se retourner contre elle ou son mouvement politique. Je parle ici en tant qu'ancien rapporteur du principe de précaution. Ma famille politique est parfaitement consciente des problèmes environnementaux, nous sommes d'accord sur le constat, mais différons sur les méthodes à adopter. Vous êtes pour la décroissance, nous sommes pour les sauts technologiques. C'est pourquoi je salue le gouvernement qui encourage le projet ITER : le passage de la fission à la fusion nucléaire est une évolution considérable, qui offrira au monde une énergie renouvelable et sans déchet.
Pour revenir aux travaux de M. de Perthuis, je retiens le mot de cohérence, qui seul peut entraîner l'acceptation sociétale. Vous êtes dans une écologie punitive, nous voulons une écologie prospective. Je vous rappelle que le principe de précaution a été difficile à faire accepter, et que nous sommes avec l'Équateur les deux seuls pays au monde à avoir une charte de l'environnement adossée à notre constitution. Toutefois, dans la lecture de cette charte, la population n'est pas allée jusqu'aux articles 7, 8 et 9, qui traitent du rapport coût/bénéfice ; elle s'est arrêtée à l'article 5, où elle voit un prétexte pour ne rien remettre en cause. Nos citoyens sont braqués, il faut leur parler différemment ; la fiscalité ne doit pas être confiscatoire, mais éducative. Les ministres de l'environnement qui se sont succédé ne nous ont pas beaucoup aidés pour lutter contre cette crispation de la société
Je suis favorable une fiscalité écologique si elle est totalement destinée à financer la transition écologique. Il est vrai que deux difficultés surgissent : l'application est techniquement difficile, et la crise environnementale est incluse dans la crise des modèles socio-économiques à l'échelle mondiale - nous savons par exemple que la Chine, en achetant l'Afrique pour assurer sa souveraineté alimentaire, prépare les conflits de demain. Dans une logique productiviste, traditionnelle et consumériste, la fiscalité écologique est perçue comme un moyen de soutirer de l'argent ! Nous ne pourrons convaincre nos concitoyens de l'utilité de la fiscalité écologique que si elle soutenue par une volonté globale de transition écologique. La fiscalité est un outil, et non un but.
Vous souhaitez financer la transition écologique par un transfert de fiscalité sans augmenter globalement cette fiscalité. Or elle a déjà beaucoup augmenté ! Ensuite, une fiscalité est bonne si elle est comprise et admise. Enfin, la fiscalité écologique doit être pédagogique et incitative. Il faut donner envie aux citoyens, à un moment de rejet fiscal. En abordant la question de la transition écologique par le biais fiscal, vous voulez réaliser la quadrature du cercle. J'admire votre ténacité et votre courage pour relever ce défi.
J'apprécie vos propos directs et non convenus. Globalement, je suis convaincu que s'occuper sérieusement et simultanément de l'écologie et de l'économie n'est pas contradictoire. Le meilleur moyen de retrouver la croissance est d'intégrer dans notre réflexion économique l'écologie. La doxa chez les responsables politiques en Europe et dans le monde est de traiter d'abord la question économique, puis, une fois l'économie réparée, de s'occuper de l'écologie. Je l'ai vécu au sommet climatique de Copenhague en 2009. Quant au marché du carbone, je constate que l'on transfère sans difficulté 40 ou 50 milliards à la Grèce, alors que l'on ne parvient pas à prendre une décision pour réanimer ce marché moribond. Si votre commission peut faire passer le message que l'intégration correcte de l'écologie dans l'économie est un levier de croissance, je lui en serai très reconnaissant ; je vous renvoie sur ce point à mon dernier ouvrage Le Capital vert.
Je partage l'opinion de Mme Didier : dans une société où entre un quart et un tiers des ménages ont du mal à boucler leur facture énergétique, alourdir, par la fiscalité, la facture énergétique aggrave la fracture sociale. C'est pourquoi j'ai proposé que l'augmentation de la taxe carbone s'accompagne d'une mesure compensatrice liée au revenu, qui n'a malheureusement pas été reprise par le gouvernement dans le projet de loi de finances. Il faut une compensation, sinon on reculera, ou on ouvrira la boîte de Pandore des exonérations et le Conseil constitutionnel annulera le dispositif.
Monsieur Teston, je ne résiste pas au plaisir de vous lire un extrait du courrier que j'ai envoyé au ministre en marge des propositions : « Les membres du comité considèrent que leur travail serait facilité s'ils avaient une vision plus claire de l'évolution de l'ensemble des prélèvements obligatoires (en masse et en structure) visée par le gouvernement. Cette question se cristallise notamment sur les liens entre fiscalité écologique et financement du CICE. » J'ai accepté la mission parce que je travaille depuis huit ans à l'université sur les questions de tarification de l'environnement, et parce que le comité travaille en totale liberté. Vous parlez de contribution climat-énergie. Dans le projet de loi de finances, il s'agit d'une composante carbone incorporée dans le droit d'accise existant. Le Conseil constitutionnel ne devrait pas la censurer car deux différences majeures existent par rapport aux projets des gouvernements Jospin et Fillon : premièrement, nous ne faisons que modifier une taxe existante ; deuxièmement nous n'incluons aucun système d'exemption.
Quant à la prise en compte des bioénergies, c'est une précision très importante pour la réussite du projet à moyen terme. Il faut un critère rationnel pour ce qui émet du CO2 et le mieux est de retenir la comptabilisation carbone, reconnue par les Nations Unies et appliquée sur les marchés européens. Tout écart par rapport à cette comptabilisation me paraît dangereux.
Pour répondre à Charles Revet, sur la question du lien entre la fiscalité déchets et le recyclage des produits végétaux, je constate que le monde agricole a beaucoup évolué. Nous devons aller vers une agriculture qui recycle tout, vers 100 % de déchets organiques recyclés. Il faut espérer aussi une plus grande efficacité dans l'usage des infrastructures, notamment pour le fret agricole.
Concernant les biocarburants, les prélèvements se feront sur chaque énergie au prorata de sa composante carbone, avec la règle de comptabilisation internationalement reconnu selon laquelle les bioénergies, qui sont dans un cycle court du carbone, n'émettent pas de CO2 net.
À Ronan Dantec je dirai qu'évidemment la fiscalité écologique doit être un élément d'une stratégie globale. Sur les liens entre politique fiscale et politique industrielle : sur les points sensibles, nous avons travaillé avec les pouvoirs publics ; des membres des cabinets du ministère du redressement productif, de Matignon ou de L'Élysée ont assisté à nombre de nos discussions.
En ce qui concerne le prix du diesel et de l'essence, c'est parce que nous avons fermé les yeux sur le prix du diesel depuis vingt ans qu'un grand constructeur est maintenant en difficulté. Nous devons accompagner les constructeurs vers les règles qui seront celles de demain : le diesel ne sera pas le support de la mobilité urbaine des particuliers, ne nous voilons pas la face ; PSA le sait, nous ne pourrons les soutenir avec une fiscalité favorable sur le diesel. C'est ainsi dans le monde entier, et les Allemands font de même. Une bataille industrielle très importante est en cours ; l'alliance Renault-Nissan est une chance, car les Japonais et les Coréens sont les mieux préparés à la mobilité durable.
Je retiens dans les propos de Laurence Rossignol - même si je ne partage pas sa vision très noire de la situation - que la fiscalité environnementale sera mieux comprise si elle sert à financer la transition énergétique. Mais dans ce cas, comment ne pas augmenter les prélèvements obligatoires ? Le choix sera un compromis entre les deux positions.
Effectivement, Monsieur le président, nous avons un problème de pédagogie : la vraie question est l'incitation publique en faveur de l'environnement. Il faut étudier aussi les dépenses de l'État qui sont favorables ou défavorables à l'environnement. Il faut améliorer la dépense publique ; certaines de nos dépenses en faveur de l'environnement ne sont budgétairement pas tenables dans le temps, comme le soutien à certaines énergies renouvelables par des tarifs de rachat élevés. Combien de temps l'Irlande subventionnera-t-elle la tourbe ?
Je rends hommage, Monsieur Bizet, au principe de précaution. Mais ce principe est parfois mal compris par nos concitoyens. C'est un principe d'action, pas d'inaction.
Monsieur Capo-Canellas, vous posez une question essentielle, mais il faudra nous aider à trouver une réponse ! Le basculement d'une fiscalité sur le travail et le capital vers une fiscalité écologique est un message important à faire passer. Ce ne sera pas facile dans un contexte d'augmentation de la pression fiscale, qui n'a d'ailleurs pas commencé avec ce gouvernement. J'ai le sentiment que nous sommes dans la même situation qu'en 1913, lors des débats sur la création de l'impôt sur le revenu. Beaucoup pensaient alors, en toute bonne foi, que cet impôt ne serait jamais créé...
- Présidence de M. Michel Teston, vice-président -
La commission examine le rapport et le texte de la commission sur la proposition de résolution européenne contenue dans le rapport n° 38 (2013-2014), présentée en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur la révision des lignes directrices concernant les aides d'Etat aux aéroports régionaux.
Nous examinons la proposition de résolution transmise par la commission des affaires européennes, sous l'impulsion de Bernard Saugey et du rapporteur Jean Bizet dont je salue le travail, qui l'adoptée le 3 octobre dernier.
Comme vous le savez, les PPRE, prévues à l'article 88-4 de la Constitution, permettent depuis 1992, à l'Assemblée nationale comme au Sénat de donner un avis sur les projets ou propositions d'actes européens qui leur sont transmis. Ce dispositif répond à la volonté de ne pas écarter les parlements nationaux des sujets traités à l'échelle européenne. La PPRE de la commission des affaires européennes devient, au bout d'un mois, position du Sénat dans son ensemble, sauf si la commission au fond s'en saisit et parvient à un accord pour la modifier.
J'en viens au contenu de cette PPRE. La Commission européenne a entrepris un vaste chantier de modernisation du contrôle des aides d'État à finalité régionale, parmi lesquelles figurent celles à destination des aéroports. Depuis 2011, un processus de révision des lignes directrices sur les aides d'État aux aéroports et compagnies aériennes est donc engagé. Après une première phase de consultation, la Commission a présenté une proposition de révision des lignes directrices le 3 juillet dernier.
A quoi servent ces lignes directrices ? Elles permettent de clarifier la doctrine de la Commission en matière d'aides d'État à destination des aéroports et des compagnies aériennes. Elles ne sont pas créatrices de droit. Il s'agit bien d'une doctrine administrative et non pas d'un cadre juridique stricto sensu.
Sont applicables actuellement les lignes directrices de 1994 et de 2005. Les lignes directrices de 1994 ont été adoptées dans le contexte de la libéralisation du marché des services de transport aérien pour mettre en place des conditions de concurrence équitable. Elles contiennent surtout des dispositions sur les aides à la restructuration des grandes compagnies. Elles ont été complétées en 2005 par des lignes directrices sur le financement public des aéroports et les aides d'État au démarrage de services de transport aérien au départ d'aéroports régionaux.
L'évolution profonde du marché observée au cours de la dernière décennie a incité la Commission à lancer un processus de révision de ces lignes directrices car elles ont été rédigées à une époque où le modèle du transport aérien était celui des grandes compagnies de « hub », aujourd'hui fortement concurrencées par les compagnies low cost, notamment sur les liaisons régionales. Le développement des acteurs low cost s'accompagne de nouvelles relations financières entre les aéroports régionaux et les compagnies aériennes. La question est de savoir si ces relations financières risquent de fausser les équilibres concurrentiels.
Or, non seulement le contexte a changé depuis les lignes directrices de 1994 et 2005, mais en plus ces lignes directrices sont en pratique peu ou pas appliquées. Il s'ensuit que la Commission est aujourd'hui saisie d'un nombre important de plaintes. Ces plaintes sont surtout déposées par d'anciennes compagnies nationales contre les compagnies à bas coûts. Sept dossiers français font actuellement l'objet d'investigations approfondies, mais la plupart des procédures formelles n'ont pas été instruites et sont encore à venir.
De ce point de vue, même s'il suscite des craintes, le projet de révision des lignes directrices peut contribuer à donner un cadre clarifié. Encore faut-il négocier les modalités de cette clarification. Si nous y parvenons, cela pourra mettre fin au climat d'impunité et de laissez-faire que les compagnies low-cost utilisent, et sécuriser les montages financiers de nos aéroports. Par ailleurs, contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, ce projet de révision pose un cadre plus souple que le précédent.
L'idée est en effet moins de contraindre le développement des lignes régionales low cost que de définir un cadre, acceptable et appliqué, pour éviter les disparités. Définir un cadre commun est utile. Il faut que les mêmes règles s'appliquent sur tout le territoire français, et dans toute l'Europe. Car nos aéroports sont en concurrence directe avec ceux situés de l'autre côté des frontières, comme celui de Gérone en Espagne.
Ces nouvelles lignes directrices distinguent trois régimes.
Les aides aux investissements dans les infrastructures aéroportuaires sont autorisées s'il existe un réel besoin en matière de transport et si l'aide publique est nécessaire pour garantir l'accessibilité d'une région. Alors que les lignes directrices de 2005 laissent ouverte la question du montant d'aide à l'investissement, le projet de règles révisées fixe des niveaux maximum en fonction de la taille de l'aéroport : les possibilités d'octroi d'aides sont plus élevées pour les petits aéroports que pour les grands.
Les aides au fonctionnement des aéroports ne sont pas autorisées par les lignes directrices de 2005. Dans le projet de révision, la Commission propose d'autoriser ce type d'aides de façon dégressive, pendant une période transitoire de 10 ans pour les aéroports de moins de 3 millions de passagers annuels, afin de leur laisser le temps d'adapter leur modèle d'exploitation.
Les aides au démarrage, octroyées aux compagnies aériennes pour lancer une nouvelle liaison aérienne, sont quant à elles déjà autorisées par les lignes directrices de 2005 et plafonnés à 30% pendant 3 ans. Le projet de nouvelles lignes directrices simplifie les conditions de compatibilité de ces aides et les plafonne à 50% sur 2 ans.
Le sujet qui nous concerne aujourd'hui porte moins sur ce contenu, que sur ce que ces nouvelles lignes directrices ne contiennent pas.
Le projet présenté par la Commission européenne le 3 juillet dernier recherche un équilibre entre la lutte contre les distorsions de concurrence et l'accessibilité de certaines régions. Cet équilibre est d'autant plus délicat que notre pays est, avec l'Allemagne, celui qui comporte le plus d'infrastructures aéroportuaires. La France hérite en effet d'un maillage aéroportuaire historique particulièrement dense, avec de nombreuses petites plateformes peu rentables. Il s'agit par conséquent de concilier la nécessaire rationalisation économique de ce tissu d'aéroports, avec une légitime préoccupation d'aménagement du territoire. Ces petits aéroports régionaux sont en effet source de développement économique, touristique et d'emplois.
Or le projet de lignes directrices ne prévoit aucune disposition spécifique pour les aéroports de moins d'un million de passagers annuels qui sont alors soumis aux mêmes règles de concurrence que d'autres aéroports plus gros, dont les paramètres d'exploitation ne sont pas comparables. Il s'agit certes d'une compétence exclusive de la Commission européenne. Néanmoins, de nombreuses voix se sont élevées à Bruxelles en faveur d'un assouplissement du cadre pour les petits aéroports régionaux. La Commission s'est alors déclarée ouverte à des propositions d'aménagements techniques et a ouvert une consultation publique qui s'est achevée le 26 septembre ; les Gouvernements ont eu la possibilité de répondre jusqu'au 3 octobre.
Des négociations sont désormais engagées avec les États membres, la Commission espérant adopter le nouveau texte en début d'année 2014. Dans ce contexte, il est important que le Sénat se prononce sur cette question qui revêt une importance particulière pour certaines de nos collectivités locales.
La PPRE que nous examinons vient appuyer la position déjà transmise par le Gouvernement à la Commission et est globalement en phase avec celle-ci.
Il s'agit de demander la création d'une nouvelle catégorie d'aéroports dont le trafic est inférieur à 500 000 passagers annuels. Les possibilités d'aides à l'investissement leur seraient étendues à hauteur de 90% des coûts éligibles, tandis que les aides au fonctionnement ne seraient pas limitées dans le temps et inscrites dans le cadre d'un régime défini et contrôlé par les États membres, afin d'éviter un lourd processus de notification auprès de la Commission. Ce point est important, car l'impact d'une telle charge administrative n'est pas neutre.
La PPRE demande également que les coûts éligibles aux aides au démarrage des nouvelles lignes soient précisés. À l'heure actuelle, les lignes directrices font en effet état d'une définition quelque peu tautologique : « Les coûts éligibles aux aides au démarrage sont les coûts de démarrage ». La PPRE insiste pour que les contrats de marketing et de publicité soient inclus dans la définition de ces coûts lorsqu'ils sont liés à l'arrivée d'une compagnie aérienne. En effet, depuis que le tribunal administratif a jugé illégale l'aide financière versée par la CCI de Pau à Ryanair en 2004, la compagnie irlandaise a mise en place un dispositif de contournement. Une partie du financement transite désormais par sa filiale AMS (Air Marketing Service), les collectivités devant alors financer des pages de publicité, ce qui constitue une aide cachée qu'il convient d'inclure dans le montant global des aides.
Je suis d'accord avec l'équilibre général de cette PPRE. Je vous propose cependant un certain nombre d'amendements, la plupart d'ordre technique.
Je vous propose de rendre les coûts de mise aux normes explicitement éligibles aux aides à l'investissement, à fortiori lorsque ces mises aux normes sont imposées par les autorités européennes.
Je vous propose ensuite de clarifier le régime des coûts liés aux grosses opérations d'entretien ou de réparation nécessitant un amortissement sur plusieurs années, en précisant explicitement qu'ils sont éligibles aux aides à l'investissement plutôt qu'aux aides au fonctionnement.
Je vous propose également d'exempter les aides à l'investissement et au fonctionnement des très petits aéroports de moins de 200 000 passagers de l'examen au titre des aides d'État. Cette proposition me paraît d'autant plus justifiée que la Commission elle-même n'aura pas les moyens d'instruire tous ces dossiers. En outre, des garde-fous sont prévus puisque ces aides ne peuvent servir à financer un développement de capacité de l'aéroport, ni à soutenir le démarrage d'une nouvelle ligne.
Enfin, il serait approprié de préciser que les contrats de marketing et de publicité inclus dans le décompte des aides au démarrage sont ceux financés, totalement ou partiellement, sur fonds publics.
Je vous propose également de supprimer l'alinéa faisant référence à l'hypothèse d'une réduction ciblée des redevances aéroportuaires comme aide possible au démarrage d'une nouvelle ligne. Concrètement, c'est déjà le cas et il est inutile voire dangereux de le préciser. En effet, la modulation des redevances aéroportuaires est réglementée à l'article R. 224-2-2 du code de l'aviation civile. Il ne s'agit pour le moment pas d'une aide d'État, mais le risque est grand que la Commission européenne en vienne à une telle requalification à l'occasion de l'examen d'une plainte. Il semble donc peu approprié d'attirer délibérément l'attention de la Commission sur ce point. Quant à en faire l'unique modalité d'aide au démarrage, cela serait contradictoire avec la nécessité d'inclure les coûts de marketing et de publicité.
Je vous invite aussi à supprimer l'alinéa relatif à la gouvernance des aéroports régionaux. La PPRE demande au Gouvernement de désigner la région comme collectivité pilote dans la gestion des aéroports, ce qui perturbe l'équilibre actuellement défini à l'article 28 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales. Le droit en vigueur laisse en effet aux collectivités une possibilité souple, celle de s'entendre pour définir la collectivité pilote. Ce n'est qu'en l'absence d'accord que le préfet peut désigner un chef de file, sachant que, sous certaines conditions, la région est prioritaire si elle est candidate. Je pense qu'il est préférable de s'en tenir à cette solution équilibrée, qui paraît mieux adaptée à la prise en compte des contextes locaux. Quant à établir un schéma cohérent de rationalisation de notre parc d'aéroports, cela relève davantage d'une réflexion à l'échelle du territoire national et ne concerne pas la Commission européenne. Le sujet est par conséquent trop éloigné de l'objet de cette PPRE, mais je reconnais volontiers que cette question mérite d'être approfondie.
Dans le même ordre d'idées, il faudra se pencher sur le transfert de la propriété du sol, de l'État aux collectivités, en retenant un mécanisme similaire au compromis de la loi du 13 août 2004, pour définir la collectivité concédante, mais ce point dépasse le cadre de cette PPRE et relève davantage des prochains projets de loi de décentralisation que nous aurons à examiner.
Le sujet des aéroports régionaux est à la fois technique et politique, et bien sûr éminemment stratégique pour l'aménagement du territoire. Sans doute serait-il souhaitable que notre commission s'y intéresse davantage dans un avenir proche, par exemple à l'occasion d'une mission d'information.
J'ai déposé cette PPRE devant la commission des affaires européennes, après avoir été moi-même interpellé par Bernard Saugey, confronté à des difficultés sur son territoire. Je me réjouis que la commission du développement durable se soit saisie de cette PPRE, avec une grande réactivité. Sur le fond, je voterai la nouvelle rédaction, car les modifications proposées conservent l'esprit de notre proposition initiale.
En ce qui concerne l'alinéa 24, nous avons été frappés dans certaines régions par le manque de cohérence géographique du parc d'aéroports. C'est pourquoi, nous avions demandé que la région soit explicitement désignée comme chef de file pour rationaliser ce maillage territorial Vous proposez de le retirer, mais au moins le débat a eu lieu. De toute façon, les départements devront se mettre en cohérence.
Quant à l'alinéa 25 sur la réduction ciblée des redevances aéroportuaires, nous étions restés prudents en demandant « que soit étudiée l'hypothèse d'une réduction ciblée des redevances aéroportuaires comme aide possible au démarrage ». Il y a en effet le risque d'une requalification en aide d'État, ce que je ne souhaite évidemment pas. Ici encore, l'essentiel est que le débat ait été ouvert.
L'important c'est de bien prendre conscience que certains territoires ont besoin d'être accompagnés par des fonds publics pour maintenir leurs infrastructures. Je reste attaché à la notion de service d'intérêt économique général, lorsque cela répond à une logique d'aménagement du territoire, de qualité de vie et de développement économique.
Je vais m'abstenir sur le vote de cette résolution. Il y a certes un consensus pour dire que certains territoires ont aujourd'hui besoin d'aides publiques pour soutenir leur offre de mobilité grande vitesse. Mais cette résolution n'entre pas vraiment dans toute la complexité du sujet. En particulier, les petits aéroports ne sont pas tous dans la même situation. Pourquoi l'aéroport de Rennes, avec ses 450 000 passagers, bénéficierait-il d'un soutien important ? Il n'y a aucun enjeu pour cet aéroport, puisque Rennes sera à 1h15 de Paris grâce au TGV.
Je suis en désaccord avec l'amendement de suppression de l'alinéa 24. Je pense que la dimension régionale est importante. Cela permet d'aller vers davantage de planification et moins de compétition entre les territoires. Je soutiendrais même un schéma interrégional si c'était possible.
Cette PPRE ne règle pas davantage le problème du dumping des compagnies low-cost. Certains territoires s'en satisfont largement, dans la mesure où cela attire les touristes et permet de développer une offre de transport. Mais c'est tout à fait inacceptable sur le plan social et environnemental. Le transport aérien, qui est un transport polluant, se trouve ainsi avantagé par rapport à d'autres modes de transports. Il l'est d'autant plus que nous ne voulons pas mettre de taxe sur le kérosène, ce qui est une aberration. La PPRE ne sort pas de la totalité des contradictions du système.
Mon abstention a donc pour but de faire passer ce message, même si je reconnais que sortir de l'ensemble des contradictions ne sera pas une mince affaire.
En ce qui concerne le débat sur la collectivité pilote, je pense qu'il faut surtout un cadre national. Nous ne pourrons pas faire l'économie, à terme, d'un schéma national des infrastructures aéroportuaires. Cela permettra de mettre fin à certaines inefficiences. Lorsqu'il y a une bonne desserte TGV, la nécessité du transport aérien est par exemple moindre. Cela permettra également d'éviter les redondances, à l'instar de Dijon et Dôle qui sont très proches mais font partie de deux régions différentes.
La tentation de l'État face à ce problème est de dire aux régions « c'est trop compliqué pour moi, débrouillez-vous ». Mais il est impossible d'imaginer qu'un président de région décidera de lui-même de fermer tel ou tel aéroport. Il se retrouvera aussitôt mis en difficulté face à ses électeurs.
En outre, pourquoi privilégier l'échelon régional plutôt que l'échelon métropolitain ? L'aéroport de Lyon Saint Exupéry a bien été intégré au débat métropolitain. De manière générale, les grandes métropoles considèrent que l'aéroport est un sujet métropolitain. Et que dire aux départements qui, à l'instar de l'Oise, ont accompagné le développement d'aéroports représentant parfois plusieurs millions de passagers ? Ce débat sur le chef de file est purement franco-français, il n'a rien à voir avec une PPRE qui s'adresse à l'Union européenne. Mais il faudra sans doute y revenir ultérieurement.
Sur la question des redevances aéroportuaires, je remercie Jean Bizet de sa compréhension. Le débat sur ce point est complexe, et nous ne pouvons espérer le clore dans le cadre de cette PPRE. Certes, les grandes compagnies sont en apparence favorables à ce que la modulation des redevances devienne l'unique modalité d'aide au démarrage. Mais en réalité, elles jouent un double jeu, en développant parallèlement des filiales low cost qui bénéficieront de ces aides.
Par rapport aux lacunes soulevées par Ronan Dantec, je reconnais que le dumping n'est pas une question simple à traiter. Parfois les territoires sont entrés d'eux-mêmes dans cette logique car les grandes compagnies ont abandonné leur desserte. Je ne veux pas entrer dans la polémique sur la comparaison du financement public entre l'aérien et le ferroviaire. Cette PPRE ne vise pas à refonder toute la politique de déplacement et de transition écologique. Elle porte sur le point particulier des aides aux aéroports régionaux et aux compagnies aériennes. Restons dans le cadre fixé par la Commission européenne, il sera toujours temps de se saisir ultérieurement des autres sujets.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Alinéas 8 à 14
L'amendement n° 1 est un amendement rédactionnel qui vise à donner plus de lisibilité au raisonnement.
L'amendement n° 1 est adopté.
Alinéa 15
L'amendement n° DEVDUR.2 corrige une erreur matérielle. Le texte initial de la PPRE laisse entendre que le seuil d'un million de passagers, abaissé à 200 000 en 2011, correspond au niveau maximal en-dessous duquel un aéroport reconnu comme SIEG peut bénéficier d'aides publiques sans que celles-ci puissent être qualifiées d'aides d'État. En réalité, il ne s'agit que d'une exemption de notification. Certes, la Commission est moins regardante pour les petits aéroports, mais ce n'est pas juridiquement exact malgré tout.
L'amendement n° 2 est adopté.
Alinéas 16 à 20
L'amendement n° 3 reformule et clarifie le texte de la PPRE sans en modifier l'esprit.
L'amendement n° 3 est adopté.
Alinéa 21
L'amendement n° 4 propose que l'assouplissement relatif aux aides à l'exploitation pour les petits aéroports ne constitue pas simplement un prolongement du délai transitoire de dix ans, mais bien une pérennisation, sous réserve que l'aéroport n'utilise pas ces aides au profit d'un projet de développement de capacités nouvelles qui constituerait alors une distorsion de concurrence.
Je suis tout-à-fait d'accord avec cette idée de pérennisation.
L'amendement n° 4 est adopté.
Après l'alinéa 21
L'amendement n° 5 demande la création d'une exemption générale - et non uniquement une exemption de notification - de l'examen au titre des aides d'État des aides à l'investissement et au fonctionnement pour les aéroports de moins de 200 000 passagers. Il demande également une clarification d'ordre général sur les coûts éligibles aux aides à l'investissement.
L'amendement n 5 est adopté.
Alinéas 22 et 23
L'amendement n° 6 propose des aménagements rédactionnels et précise que les contrats marketing ou publicitaires à inclure dans les coûts éligibles aux aides au démarrage sont ceux financés totalement ou partiellement par des fonds publics. Cette précision m'a été suggérée au cours des auditions.
L'amendement n° 6 est adopté.
Alinéas 24 et 25
L'amendement n° 7 et l'amendement n° 8 suppriment respectivement les alinéas 24 et 25. Nous en avons déjà débattu.
Le but de ces alinéas est atteint, puisqu'ils visaient avant tout à ouvrir le débat.
Compte tenu du fait que les prochains projets de loi de décentralisation seront l'occasion de débattre des libertés et responsabilités locales, il me semble logique de s'en tenir pour l'instant à la loi du 13 août 2004 en matière de collectivité pilote pour la gestion des aéroports.
Nous aurons l'occasion d'y revenir bien évidemment et de faire prospérer ce débat.
L'amendement n° 7 est adopté.
L'amendement n° 8 est adopté.
La résolution européenne est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La commission décide de se saisir pour avis du projet de loi n° 115 (2013-2014), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation et l'exploitation d'une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.
André Vairetto est désigné rapporteur pour avis.