La réunion est ouverte à 9h30.
Dans le cadre de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, j'ai le plaisir d'ouvrir notre table ronde avec des représentants d'organisations non gouvernementales : Mme Maryse Arditi, responsable du réseau énergie de France Nature Environnement ; Mme Anne Bringault, chargée de la coordination des activités sur la transition énergétique pour les ONG ; M. Marc Jedliczka, vice-président du Comité de liaison pour les énergies renouvelables ; Mme Armelle Le Comte, chargée de plaidoyer climat et énergies fossiles à Oxfam France. Chacun de vous a suivi de près l'élaboration de ce projet de loi puis le débat commencé à l'Assemblée nationale, merci de nous présenter votre analyse et vos propositions éventuelles d'amélioration.
L'analyse que France Nature Environnement fait de ce texte peut se résumer ainsi : les objectifs à long terme sont les bons - et il est bon d'avoir des objectifs à long terme pour la transition énergétique -, mais l'étape qu'il fixe à 2030 est sous-dimensionnée et les mesures de court terme sont insuffisantes pour atteindre même cette étape. Dès lors, nous vous suggèrerons trois modifications et je ferai deux remarques d'ensemble.
Les députés ont prévu que les bâtiments « énergétivores », c'est-à-dire consommant plus de 330 kWh d'équivalent primaire par mètre carré, devront avoir été rénovés d'ici à 2030, mais ils n'ont assorti cette obligation d'aucune sanction ; nous vous proposons que cette rénovation devienne une condition pour la vente du bien à partir de 2030 : les propriétaires auraient ainsi une quinzaine d'années pour s'organiser et ils sauraient en avance que s'ils veulent vendre leur bien, il leur faudra l'avoir mis aux normes.
Deuxième proposition, celle qu'un débat public national soit organisé pour autoriser le prolongement de fonctionnement de toute centrale nucléaire au-delà de quarante années de service. Les cuves de nos centrales ont été conçues pour cette durée d'exploitation, elles sont de conception homogène, ce qui est un atout pour notre production - en particulier pour les coûts -, mais qui peut devenir une grande faiblesse en cas de problème technique lié au vieillissement. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) reconnait elle-même que le passage des quarante ans d'exploitation est sensible, des études en profondeur sont conduites pour voir comment rénover les installations en toute sécurité. Nous savons que nous n'aurons pas les moyens de les rénover toutes, qu'il nous faudra faire des choix si nous ne voulons pas sacrifier la sécurité. Dès lors, un débat public national, sous la houlette de l'ASN et de l'IRSN, aurait toute sa justification et donnerait aux commissions locales d'information (CLI) les éléments nécessaires au choix publics.
Troisième proposition, le rétablissement d'un débat public pour toute ligne à très haute tension ; le Gouvernement nous assure que le texte nous donne satisfaction, mais nous savons bien qu'il n'en est rien dès lors que le porteur de projet se voit confier l'organisation du débat public.
Ma première remarque, ensuite, portera sur l'ouverture du capital des porteurs de projet en matière d'énergie renouvelable. Le projet de loi précise que le porteur de projet « peut » ouvrir son capital : précision inutile, puisque c'est déjà le cas ; en revanche, la loi pourrait utilement prévoir que le porteur de projet doive chercher des partenaires, avant de monter effectivement son projet.
Enfin, je crois que le passage des énergies renouvelables au système européen de la vente au « marché plus prime » requiert toute notre vigilance ; parce que si des industriels sont prêts à un tel système dans des pays où les énergies renouvelables ont atteint une certaine maturité et représentent déjà une bonne part de la production électrique, comme en Allemagne, ce n'est pas le cas chez nous, où elles plafonnent, hors hydroélectricité, à 4 % de notre production électrique : nous avons déjà perdu, sans qu'on en parle nulle part, des milliers d'emploi dans le photovoltaïque, attention à ce que nous allons faire en la matière !
Pourquoi faut-il une transition énergétique ? La notion n'a rien d'évident : un sondage récent montre que seulement un Français sur cinq sait ce qu'elle recouvre et un débat a eu lieu sur l'intitulé même de ce texte. Parmi les nombreuses raisons qui justifient la transition énergétique, il y a l'augmentation des prix de l'énergie, alors que notre pays compte déjà onze millions de précaires énergétiques, il y a l'épuisement des ressources fossiles et il y a le changement climatique. Le GIEC vient de décrire les impacts du changement climatique qui se produira si nous ne changeons pas nos modes de consommation : un réchauffement moyen de 5 degrés, avec une montée du niveau de la mer de un mètre environ. Les conséquences en sont très nombreuses, sur notre territoire même : des vins dont la qualité se dégrade, des stations de ski sans neige, quelque 5 000 kilomètres de route et 2 000 kilomètres de rail impraticables, une canicule 40 jours par an en région parisienne, la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes comme les tempêtes... L'impact sur les pays du sud est bien plus grand encore, avec le déplacement forcé du dixième de la population de ces pays, une production des céréales en baisse, la raréfaction de l'eau, de la ressource halieutique, de nouveaux conflits.
Ces perspectives dramatiques nous incitent à tout faire pour en rester à un réchauffement de 2 degrés, ce qui implique de laisser les deux-tiers des ressources fossiles dans le sol. Concrètement, nous devons tenir un objectif de facteur 4 d'ici 2050, c'est-à-dire diminuer par quatre nos émissions de gaz à effet de serre, et tous les scénarios autour de la table conviennent que cela nécessite de réduire de moitié notre consommation d'énergie d'ici 2050 ; or, les objectifs que ce projet de loi fixe pour 2030 ne permettent pas de tenir le rythme. Il faut pourtant bien mesurer l'intérêt économique même de la transition énergétique : il y aurait au moins 630 000 emplois à créer d'ici 2030, notamment dans l'efficacité énergétique.
Sur les énergies renouvelables, ce projet de loi demeure insuffisant, puisqu'il revient à freiner le rythme entre 2020 et 2030, alors même que ces énergies deviennent compétitives.
Sur la rénovation du bâtiment, ce texte apporte des éléments intéressants. Les financements actuels sont nombreux, complexes et loin d'être toujours cohérents, les ménages ne s'y retrouvent guère ; nous demandons la création d'un fonds souverain à taux très bas, pour flécher des crédits vers la rénovation performante.
Pour tenir nos objectifs, également, il faut donner un prix au carbone, c'est la contribution climat énergie ; elle va progresser, mais pas au-delà de 2016, alors que nous avons besoin d'une trajectoire plus longue pour changer les comportements, par exemple avec un objectif de 56 euros la tonne de CO2 en 2020 et de 100 euros en 2030.
Nous souhaitons également un élargissement des zones d'information des riverains de centrales nucléaires : le périmètre est actuellement de dix kilomètres, alors que l'accident de Fukushima a occasionné l'évacuation des populations dans un rayon de cinquante kilomètres. Il faut informer les populations sur les consignes en cas d'accident, c'est nécessaire.
Enfin, nous aurons des propositions pour renforcer le dialogue environnemental et sur la gouvernance de la transition énergétique, tant le dialogue de la société civile et des administrations nous paraît une condition même de réussite.
Ce projet de loi marque une évolution des consciences, que nous avons constatée déjà au sein du Conseil national de la transition énergétique - où un débat a eu lieu entre la société civile, les administrations, le Parlement, un débat fructueux puisque si nous avons constaté nos divergences, nous avons aussi partagés des constats, en particulier celui qu'il nous faudrait réduire collectivement notre consommation d'énergie et que la transition énergétique est une opportunité économique, comme nous le montrent l'Allemagne, le Danemark ou encore la Grande-Bretagne.
La France doit investir pour l'efficacité énergétique, d'abord parce que notre parc nucléaire ne peut rester en l'état : quel que soit le scénario retenu, avec des EPR ou la rénovation des centrales actuelles, nous devrons investir des dizaines de milliards d'euros les prochaines années pour faire face à nos besoins - c'est le bon moment pour une réflexion stratégique sur l'utilisation de ces moyens, mais aussi sur les leviers pour le développement de notre pays et de ses territoires. Il faut le souligner devant le Sénat : les territoires ont été les grands absents de nos politiques énergétiques, alors qu'ils sont aujourd'hui indispensables pour réussir la transition énergétique.
Sur les énergies renouvelables, il faut porter la plus grande attention aux mesures visant les tarifs d'achat. On peut douter, d'abord, que le changement de notre système vienne d'Europe. Mais surtout, nous devons partir de ce constat simple : l'air, l'eau et le soleil sont partout, dans les territoires, pourquoi leur exploitation devrait-elle revenir seulement à quelques multinationales ? Le recours au marché risque très fort d'exclure les PME, les collectivités locales, il faut préserver ce tissu, ce qui suppose, à tout le moins, de prévoir la réversibilité du mécanisme de marché dans lequel on s'engage.
L'ouverture des projets à l'investissement citoyen, ensuite, va dans le bon sens, je le vois dans mon département où nous avons une société publique d'investissement dans les énergies renouvelables, cette participation est utile en particulier pour l'acceptation des projets par la population. Nous souhaitons aller plus loin, en autorisant le crowdfunding pour financer la dette des projets en matière d'énergies renouvelables.
Les garanties d'origine, dont le droit européen nous impose la création, ne devraient pas aller exclusivement à l'acheteur unique - EDF ou les entreprises locales de distribution -, parce qu'elles ont potentiellement une valeur et qu'il est probable qu'elles feront l'objet d'un marché ; il serait souhaitable de partager cette valeur entre le producteur et la contribution au service public de l'énergie (CSPE).
Nous vous proposerons des amendements sur la régulation des marchés. La France est en retard pour l'ouverture de son marché et nous souhaitons une plus grande séparation entre les activités de production et celles de gestionnaire de réseau, c'est nécessaire pour que les collectivités locales reprennent la main sur la gestion des réseaux dont elles sont propriétaires. De même, il faut bien distinguer les métiers de l'efficacité énergétique et ceux des fournisseurs d'énergie, la confusion règne par exemple dans les offres de type « bleu ciel » ; je le sais par mes fonctions à la tête d'un espace info énergie, où nous passons beaucoup de temps à décrypter avec les consommateurs les nombreuses offres, qui sont souvent de la publicité - nous jouons le rôle d'un véritable service public de l'information indépendante.
Concernant la gestion des réseaux, il conviendrait de revenir sur le traitement différencié, voire discriminatoire, qui existe en France entre consommateurs et producteurs d'électricité et ce au mépris du droit européen, en particulier de la directive de 2009 sur les réseaux. Ces dispositions pénalisent les producteurs qui n'ont pas droit, par exemple, à la réfaction : une demande de raccordement au réseau d'une installation photovoltaïque est ainsi payée à 100 % par le producteur alors que le consommateur ne paie lui que 60 % du coût de raccordement, les 40 % étant mutualisés via le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe). C'est une anomalie totale qui date de la mise en place du moratoire sur le photovoltaïque. Autre illustration de cet effet de balancier qu'a connu le photovoltaïque après la gestion pour le moins erratique, par l'État, de ses tarifs d'achat : lorsque vous investissez dans une installation photovoltaïque qui ne fait pas appel au tarif d'achat, vous ne pouvez pas déduire ces sommes de vos impôts alors que c'est possible pour les autres investissements dans les PME. Le photovoltaïque subit donc désormais une triple peine, sans même parler des quotes-parts fixées dans les schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR) qui font échouer de nombreux projets.
Nous sommes également pour la clarification des règles pour les réseaux fermés, qui n'ont pas accès, par exemple, aux tarifs nationaux.
Nous vous proposerons encore des mesures pour faciliter l'accès aux données détenues par les opérateurs et qui sont indispensables aux collectivités locales, pour connaître précisément leur territoire sur le plan énergétique, donc établir en conséquence les documents de programmation. Nous sommes également favorables à ce que l'obligation des plans climat-énergie territoriaux (PCET) couvre l'ensemble du territoire, mais aussi à ce que les divers documents qui existent soient mieux articulés, qu'il y ait une cohérence entre les plans portant sur des échelles géographiques différentes ; le Sénat nous paraît, à cet égard, le mieux à même de redéfinir cette architecture, pour une véritable gouvernance territoriale de la transition énergétique.
Enfin, là où le texte met en place un « service public de l'efficacité énergétique », nous pensons qu'il faudrait aussi, ou plutôt, un service public de l'information sur l'énergie, ce n'est pas la même chose ; les espaces d'information énergie, comme celui que je préside, montrent déjà tout l'intérêt d'une information indépendante, transparente ; bien des forces vives sont prêtes à se mobiliser davantage sur l'ensemble du territoire, il faut aller dans ce sens.
A Oxfam France, où nous travaillons beaucoup sur le financement de la transition énergétique - au Nord comme au Sud -, nous partageons l'analyse qui vient de vous être présentée : les objectifs de moyen terme fixés par ce projet de loi ne permettent pas d'atteindre ceux qui sont affichés pour 2050. La transition énergétique demanderait 20 à 30 milliards d'euros par an et, selon l'Agence internationale de l'énergie, 500 milliards de dollars à l'échelle mondiale pour tenir l'objectif d'un réchauffement limité à 2 degrés. Or, ce projet de loi ne comporte guère de volet financier, hormis le fonds prévu à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Pire, ce texte n'entreprend rien pour limiter le financement des énergies polluantes par le secteur privé : entre 2005 et 2014, les investissements bancaires français dans le charbon ont bondi de 218 %, alors qu'il reste le plus polluant, avec 43 % des émissions de CO2, devant le pétrole et le gaz. Il faudra également bien plus de transparence sur les investissements, publics comme privés, pour piloter la transition énergétique, ou bien nous ne ferons que suivre les évolutions du marché, sans pouvoir orienter les milliards d'euros nécessaires à la transition. Les investisseurs privés sont prêts à des actions d'envergure : à New-York, en septembre dernier, 350 investisseurs institutionnels et bancaires, représentant une capitalisation de quelque 24 000 milliards de dollars, se sont prononcés pour la « décarbonisation » de leurs investissements et ont appelé les gouvernements à légiférer dans ce sens pour réduire l'empreinte carbone globale. L'ONU et la Commission européenne vont dans le même sens - cependant, sans action concrète des États, ces engagements manquent d'effectivité, les acteurs se mobilisent sans disposer de standards communs.
Oxfam France proposera quatre améliorations de ce projet de loi. Deux concernent, au titre VIII, l'empreinte carbone : d'abord rendre obligatoire, pour chaque investisseur, l'évaluation de l'empreinte carbone de ses investissements, c'est-à-dire leurs émissions de gaz à effet de serre, mais aussi leur « part verte », c'est-à-dire les investissements qui diminuent ces émissions ; ensuite, étendre les obligations de reporting environnemental liées à la transition énergétique. Deux autres concernent la prise en compte du risque climatique : nous souhaitons que les entreprises prennent explicitement en compte les risques de long terme de leur activité : aucune information n'apparaît aujourd'hui sur ces risques, alors qu'ils sont bien souvent connus, identifiables, en particulier les risques physiques liés au changement climatique ; nous souhaitons que ces risques soient également pris en compte par les banques, parmi les critères de leurs activités.
Ce texte peut apporter bien plus de transparence, indispensable à la transition énergétique. La France peut cesser de soutenir le charbon, François Hollande, lors de la conférence environnementale, a dit son intention que les crédits à l'exportation ne soutiennent plus le charbon : nous demandons que cette mesure de bon sens soit effective dès l'an prochain, ce sera un gage d'exemplarité pour la France, qui organisera en décembre la Conférence mondiale sur le climat.
Merci pour vos exposés clairs et concis. J'examinerai toutes vos propositions avec la plus grande attention, j'en reprendrai certaines, d'autres le seront par mes collègues ; merci de me dire, en me les transmettant par écrit, quelle a été la teneur du débat à l'Assemblée nationale sur chacune d'elle : nos collègues députés n'ont eu que très peu de temps pour débattre, les comptes rendus attestent qu'il n'y a parfois eu aucun débat, nous avons plus de temps au Sénat et j'entends bien faire vivre le débat.
Je suis très intéressé par l'ouverture du capital des projets en matière d'énergies renouvelables, y compris au crowdfunding ; même chose pour l'élargissement de la zone d'information autour des centrales nucléaires, quoique un périmètre de 50 kilomètres paraîtra peut-être difficile à tenir. Cependant, je ne pense pas proposer de revenir sur la séparation des métiers de producteur et de fournisseur d'énergie, telle que nous l'avons établie dans la loi relative à la nouvelle organisation du marché de l'électricité. En tout état de cause, comptez sur moi pour vous répondre rapidement, afin que chacun sache à quoi s'en tenir.
Madame Arditi, une question sur les relations de FNE avec l'ASN : tenez-vous compte des avis de l'ASN ? Il semble que votre organisation s'en dispense, qu'elle critique systématiquement l'ASN, alors que cette Autorité est indépendante, bien plus que d'autres institutions comparables de par le monde, et que ses avis font l'objet d'études approfondies.
L'ASN progresse effectivement depuis sa création, à mesure du vieillissement des centrales et de l'accroissement des risques. Je respecte ses avis, mais lorsqu'elle dit qu'il faut doubler l'épaisseur d'installations à Fessenheim, puis qu'elle se range finalement à l'avis d'EDF qui ne projette pas davantage que des renforcements ponctuels, on mesure que l'ASN doit encore grandir pour tenir tête à EDF ! Un débat public national l'y aidera, nous ne contestons pas les autorités puisque nous demandons que ce débat soit préparé par l'ASN et l'IRSN.
Chacun sait, dans les milieux informés, que l'accident nucléaire majeur est une hypothèse de travail : la France dispose d'un comité directeur pour la gestion de la phase post accidentelle d'un accident nucléaire ou d'une situation d'urgence radiologique, le Codirpa, pourquoi ne pas en parler davantage au public ? Nous savons bien que l'information est primordiale, mais aussi qu'il y a de quoi s'inquiéter pour nos centrales au-delà de quarante années de service, que leur rénovation est un enjeu national. Sur les quatre grandes puissances nucléaires civiles, les trois autres que nous ont chacune connu un accident nucléaire grave : pourquoi devrions-nous faire comme si nous étions au-dessus des risques ? Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de visiter des territoires touchés par une catastrophe nucléaire : à Fukushima, des personnes âgées reviennent, mais aucun parent ne se risque à se réinstaller avec des enfants ; un accident nucléaire, c'est la mort assurée des territoires où les centrales sont implantées. Quel que soit le scénario retenu, nous n'aurons pas les moyens de rénover convenablement toutes nos centrales, il faut choisir lesquelles vont fermer - ce qui est cohérent avec l'objectif de diminuer la part du nucléaire dans notre consommation énergétique. Le débat public national est donc tout à fait légitime.
Une précision : lorsque l'on parle de 30 milliards d'euros annuels pour la transition énergétique, il s'agit bien de tous les moyens confondus, y compris ceux qui sont déjà mobilisés, et non pas seulement de moyens nouveaux.
Une demande de précision également : je suis surpris d'entendre que le soutien privé au charbon aurait doublé ces dernières années, merci de m'en communiquer les chiffres.
Vous partagez l'idée que les objectifs de ce texte à 2030 ne permettront pas d'atteindre ceux de 2050, que nous serions en dessous de la trajectoire voulue, mais ne manque-t-on pas d'une étude d'impact sérieuse pour en juger ? Une telle étude n'est-elle pas nécessaire à la transparence du débat sur la transition énergétique ?
Une question d'ensemble, ensuite : aurons-nous les moyens de compenser la baisse du nucléaire sans recourir davantage au thermique et au charbon, donc sans polluer davantage l'atmosphère ? On voit comment l'Allemagne peine sur ce chemin, n'est-il pas contradictoire ? Et quel est le coût d'une telle transition énergétique ?
On parle d'une quinzaine de milliards d'euros annuels pour rénover 500 000 logements par an, est-ce réalisable ? N'est-on pas dans une impasse ? En quoi ce texte nous fait-il avancer ?
Je suis très intéressé, enfin, par ce que vous dites de la production locale d'énergie : les énergies renouvelables sont partout, leur production est un atout pour les territoires, contre la désertification rurale, il faut traduire ces intentions par des mesures concrètes.
Il faudrait une volonté politique pour attirer les financements vers la transition énergétique. Par ailleurs, à l'horizon 2010, nous avions fixé un certain nombre d'objectifs qui semblent avoir été oubliés. Pensez-vous que l'actuelle trajectoire nous permettra d'atteindre le seuil de 23 % d'énergie renouvelable à l'horizon 2020 ? Surtout, quelles conditions faudra-t-il remplir pour atteindre l'objectif de 32 % à l'horizon 2030 ?
Baisser à 50 % la part du nucléaire à l'horizon 2025 nécessitera une forte augmentation des énergies renouvelables ainsi que des économies d'énergie. À quelles conditions peut-on y parvenir ?
En outre, les méthaniseurs sont alimentés en Allemagne par des cultures dédiées tandis qu'ils le sont en France par le traitement des déchets dont le caractère méthanogène est très inférieur. Le projet de loi qui nous est bientôt soumis offre la possibilité de cultures intermédiaires à vocation énergétique et l'on pourra, par dérogation, autoriser certaines cultures dédiées. Quelle est votre position sur cette question ? Faut-il aller plus loin ?
Enfin, s'agissant de la conjonction entre effet de serre et réchauffement climatique, un problème me tient particulièrement à coeur ; c'est celui de l'acidification des mers et des océans. Ce phénomène frappe la Méditerranée déjà polluée par la fragmentation des plastiques qui ne sont pas biodégradables. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Nous avions, avec l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPESCT), auditionné fin septembre un ensemble de spécialistes de l'environnement, dont vous-même, Mme Arditi, pour évoquer l'expérience allemande en matière de transition énergétique. À cette occasion, je m'étais d'ailleurs étonné du fait que vous soyez peu loquace sur le sujet. Il semble bel et bien que nous allons débuter une démarche analogue à celle des Allemands sans disposer toutefois des mêmes moyens.
L'objectif qui doit désormais guider toute politique environnementale est de limiter la hausse des températures à deux degrés, voire même moins si c'est possible. En Allemagne, l'arrêt anticipé de l'énergie nucléaire a conduit à un développement de sources intermittentes, éolien et photovoltaïque, qui implique notamment, dans la mesure où la production est au nord et la consommation au sud, la construction de nouvelles lignes à haute tension pour assurer la distribution de l'énergie à travers le pays dont le citoyen allemand ne veut pas. Surtout, l'abandon du nucléaire a conduit au redémarrage des centrales au charbon mais pire encore, au lignite dont les conséquences sur l'environnement s'avèrent désastreuses. Le charbon importé des États-Unis, dont le prix s'est effondré avec l'exploitation du gaz et du pétrole de schiste, permet aux Allemands d'interrompre l'exploitation de leurs centrales au gaz qui sont pourtant moins polluantes !
Il est manifeste que des moyens de substitution s'avèrent nécessaires pour pallier l'intermittence des énergies renouvelables et qui, in fine, pourraient aboutir à doubler la puissance installée. Comme le souligne une récente étude publiée par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), dans les endroits considérés comme les plus venteux, la charge d'une éolienne se limite à 30 %, ce qui implique de trouver, dans 70 % du temps restant, des moyens alternatifs de production de l'électricité. J'aurai ainsi une question adressée plus particulièrement à Mme Arditi : que pensez-vous des échanges que nous avons eus, et notamment de ce que nous ont dit nos invités allemands, lors de la table ronde que nous avons organisée avec l'OPECST et quelles leçons doit-on tirer de l'expérience allemande en matière de transition énergétique ?
Répondre aux nombreux défis suscités par le réchauffement climatique implique de mobiliser la société civile aux côtés des pouvoirs publics. À cet égard, les organisations non gouvernementales (ONG) sont appelées à jouer un rôle essentiel. Un récent rapport de l'ONU vient de réévaluer le montant des investissements nécessaires au bon déroulement de cette transition énergétique qui nécessite près de 500 milliards d'euros d'ici à 2050. C'est donc une question vitale qui engage l'avenir de notre civilisation et dont la réponse nous oblige à revoir nos modes de production. À cet égard, le Royaume-Uni, le Danemark et les Pays-Bas viennent, en basculant leur fiscalité sur le carbone, de prendre une décision destinée à trouver les moyens d'assurer leur transition énergétique. Quelles seront les prochaines filières professionnelles et industrielles qui permettront une meilleure économie de l'énergie ? Les ONG conduisent-elles une réflexion en ce sens ? Les filières du bâtiment peuvent également être mises en péril en fonction des choix opérés dans ce domaine et le sort des travailleurs détachés est un motif légitime de préoccupation.
La production d'énergie est certes essentielle, mais son stockage et son transport sont tout aussi importants et il importe de mobiliser les capacités d'ingénierie, au travers notamment de la commande publique, pour que soit orientée la logistique existante vers la production d'énergie plus douce et l'optimisation de son acheminement. Enfin, il me paraît important de soutenir la société EDF, dont certaines activités sont actuellement remises en cause mais sans laquelle la bataille climatique ne sera pas remportée !
Une question demeure : peut-on atteindre le seuil de 50 % d'énergie nucléaire d'ici à 2025 ? Derrière un tel chiffre, l'objectif fondamental est d'obtenir une réduction de la quantité d'énergie nucléaire produite de manière à obtenir un mix plus équilibré. Nous ne disposons pas d'étude d'impact sur cette réduction, mais je souhaitais vous rappeler que celle-ci a fait l'objet d'une demande unanime exprimée par le groupe de travail sur les scenarii, que je co-présidais avec le président de l'Union française de l'électricité. Une telle demande s'est trouvée bloquée au niveau politique.
S'agissant du nombre de réacteurs à rénover, les taux de disponibilité des réacteurs français se situent aux alentours de 77 % contre 90 % dans les autres États qui disposent de l'énergie nucléaire. Si nos réacteurs fonctionnaient de manière optimale, on pourrait alors fermer environ 7 à 8 réacteurs, sans induire une baisse du niveau de production.
L'Europe se trouve d'ailleurs en situation de surcapacité électrique. Les économies d'énergie constituent l'enjeu fondamental de la transition énergétique et un consensus existe globalement sur ce point. Cette démarche donne lieu à deux attitudes distinctes : d'une part, assurer des économies d'énergie de l'ordre de 10 à 15 % à partir des équipements existants et en privilégiant une certaine forme d'automatisation pour assurer une rentabilité de court terme et, d'autre part, enclencher une vision de plus long terme, d'ici à 2050, qui conduise l'ensemble du parc à atteindre un niveau correct de consommation énergétique. Une telle vision conduit à une rénovation, étape par étape, de l'ensemble des installations. Nous sommes, quant à nous, en faveur de la vision d'un parc bâtiments rénové.
Certaines situations demeurent également insupportables, à l'instar de l'attente, depuis le Grenelle de l'Environnement, d'un « décret tertiaire » destiné à préciser les modalités de rénovation des bâtiments du tertiaire. Un tel retard freine les initiatives des secteurs public et privé dans la rénovation des bâtiments !
Il importe avant tout d'enclencher une décroissance du nucléaire. Il faut enfin reconnaître la nécessité de fermer certains réacteurs et d'en rénover d'autres pour atteindre un taux de disponibilité de 90 %.
J'ai en effet participé à la séance organisée par l'OPECST qui a accueilli près de dix-neuf intervenants et a duré près de quatre heures. La brièveté des propos que j'y ai tenus était à mettre au compte de mon ordre de passage comme dernière intervenante et à la durée des interventions qui me précédaient !
Le seuil de 30 % de taux de fonctionnement des éoliennes en milieu venteux me paraît devoir être contesté à l'aune d'exemples que je connais dans le département de l'Aude. Et l'idée de doubler la puissance des installations pour combler les 70% évoqués ne résiste pas à l'épreuve des faits ! En effet, entre 18h et 19h, la consommation évolue de près de 10 %. Nous avons trois types de vent en France et l'ensemble des installations éoliennes et photovoltaïques représente 4 % de notre consommation nationale. Il n'est pas nécessaire d'installer, dans les dix années qui viennent, de nouvelles installations pour compenser l'arrêt du photovoltaïque et de l'éolien ! En revanche, à moyen terme, je plaide en faveur d'une méthode de stockage de l'énergie qui conférera un avantage absolu sur le pays qui en sera le bénéficiaire ! Les pays qui ont le plus d'avance en matière d'énergies renouvelables risquent d'en profiter les premiers et il est essentiel que la France s'y emploie !
À ce sujet, j'ai pu, dans le cadre d'une étude réalisée en partenariat avec l'ADEME, faire le point sur les recherches conduites notamment en Allemagne et au Danemark en matière d'exploitation de l'hydrogène. Certes, ces deux pays conduisent des projets distincts. Ainsi, en Allemagne du Nord, la société Audi a investi dans une ferme éolienne offshore et l'électricité qui y est produite est transformée en hydrogène puis en méthane par capture du CO2 dans une unité de méthanisation qui est proche. L'énergie qui est ainsi recréée permet ainsi d'alimenter l'équivalent de près de 1 300 véhicules dont le carburant est du méthane (GNP) produit par électrolyse. D'autres projets, développés notamment par une start-up basée à Stuttgart, sont également en cours dans ce domaine. En 2025, il est prévu que l'Allemagne atteigne 30 % de production d'énergies fluctuantes et non intermittentes.
Le Danemark se consacre aux recherches sur les énergies issues de la technologie bio-gaz. Celle-ci intéresse d'ailleurs l'Union européenne, qui a lancé des appels à projets pour mettre au point des démonstrateurs. L'ADEME commence à s'y intéresser et devrait communiquer une étude, au moment du débat sur la transition énergétique au Sénat, portant sur l'ensemble des incidences de la mise en oeuvre d'un réseau électrique qui soit totalement alimenté par des énergies renouvelables. Ce réseau devrait ainsi intégrer les technologies de transformation et de stockage de l'hydrogène et du méthane sans lesquelles il n'est pas viable. Ainsi, le réseau de gaz en France serait susceptible d'assurer le stockage des molécules d'hydrogène et de méthane puisque les capacités actuelles sont en mesure de stocker jusqu'à quatre mois de la consommation nationale de gaz ! Il ne s'agit pas d'une rupture technologique : la réaction de méthanation a été découverte par un scientifique français, Paul Sabatier auquel le Prix Nobel de chimie fut décerné, en 1912, pour cette avancée. Puisque l'industrie utilise, de manière quotidienne, ces procédés de transformation, il s'agit de lui adresser un signal clair pour qu'elle investisse pleinement dans la recherche en matière d'énergies renouvelables.
Faute d'objectifs ambitieux et clairs, la France risque d'être distancée par d'autres pays qui travaillent dans ce domaine !
En outre, l'interconnexion entre les réseaux, qui sont la propriété des collectivités locales, est essentielle. Ceux-ci sont actuellement gérés de manière verticale et concurrentielle au niveau local. Cette situation est insensée : il faut, au contraire, que sous l'égide des territoires, la gestion des réseaux optimise les ressources locales et l'implication de leurs différents acteurs, plutôt que de laisser libre-cours à une concurrence obérant leur développement.
J'aurai plusieurs remarques et deux questions. D'une part, en matière d'obligations, notamment de travaux, qui seraient exigibles lors de la vente d'immeubles, quel peut être le retour sur investissement généré à cette occasion ? Cette question fait débat et pourrait être de nature à entraver durablement l'accès à la propriété.
D'autre part, s'agissant du mix énergétique, il faut faire preuve de réalisme. À titre personnel, en tant qu'exploitant agricole, j'ai moi-même investi dans le photovoltaïque. En décembre dernier, je n'ai pu produire d'électricité, du fait des intempéries, et pourtant, la consommation au niveau local ne s'arrêtait pas ! Cette sujétion aux aléas climatiques rend nécessaire l'exploitation d'autres sources énergétiques. Il y a là une question de fond : certes, la France a des capacités d'exposition solaires intéressantes, mais il importe d'arbitrer entre plusieurs options qui ont chacune leurs propres externalités. L'exemple de la pose de panneaux solaires est révélateur : mieux vaut-il les poser au sol, au risque de raréfier les surfaces cultivables et nourricières ? Est-ce que l'évaluation des conséquences induites par ces choix technologies a été conduite ?
Enfin, je partage votre préoccupation quant à l'évolution des réseaux qui est l'une des problématiques de l'aménagement du territoire. Il faut trouver une cohérence qui assure l'égalité de traitements entre producteurs et distributeurs. Cette question d'ordre stratégique conduit à s'interroger sur les capacités contributives de chacun.
À la lueur de vos propos et du contenu du projet de loi que nous allons discuter, je pense qu'il faut se prémunir contre le risque de tourner le dos au progrès. Je prendrai un exemple : l'un des débats aujourd'hui consiste à faire haro sur le diesel alors que, quelques années auparavant, certaines études avaient démontré que son utilisation était moins polluante que celle de l'essence. Il faut faire confiance avant tout aux capacités de progrès. La France dispose également, avec sa forêt notamment, de fortes capacités pour produire de la biomasse et il convient d'innover dans ce domaine. La méthanisation représente également une question essentielle pour nos territoires et nos surfaces agricoles. Notre pays dispose ainsi de nombreux atouts comme ses côtes et sa pluviométrie. Malheureusement, le projet de loi sur la transition énergétique ne semble pas accorder aux capacités hydrologiques la place qui leur revient.
En outre, la question de l'acceptabilité de l'ensemble des programmes se pose : certes l'existence d'une ligne directrice proposée aux industriels est importante, mais l'aval des populations est également important.
Enfin, je ne peux que m'inscrire en faux contre l'idée selon laquelle l'énergie est consommée sans se soucier de son prix. À l'heure où les chefs d'entreprises préparent leur budget pour 2015, je peux vous assurer que l'énergie est le troisième poste de leurs dépenses et que toute économie dans ce domaine induit une baisse notable des coûts qui est constamment recherchée.
J'aurai une première question concernant la gestion des risques par les investisseurs, que ce soit des particuliers ou des collectivités locales, dans des sociétés de production d'énergie renouvelable. Trouvez-vous que les mécanismes du marché de l'énergie, s'agissant notamment de la fixation des prix, permettent une gestion du risque acceptable pour l'investisseur ? En effet, j'ai pu constater, dans ma circonscription, que de nombreux investisseurs qui s'étaient lancés dans la mise en oeuvre d'installations photovoltaïques n'ont pas pu lancer la production d'énergie ou rentabiliser leur investissement initial. La visibilité des investisseurs quant au prix de rachat représente ainsi un problème crucial et la mobilisation de l'ensemble des investisseurs, citoyens compris, exige bel et bien une meilleure appréhension de la question des risques.
S'agissant de la contribution des zones rurales à très faible densité d'habitat à la production d'énergies renouvelables, que ce soit photovoltaïques ou encore géothermiques, il convient en effet d'éviter que des terres nourricières disparaissent. Mais cette question des relations entre ces surfaces et la production énergétique a-t-elle été envisagée ?
Je souhaitais vous évoquer les difficultés que j'ai éprouvées dans mon département, le Jura, en matière de projets. Les besoins en matière d'électricité vont s'amplifier, avec notamment l'augmentation du nombre de voitures électriques impliquant la pause de bornes de rechargement et celle des instruments électriques dont l'utilisation nous est quotidienne. Disposons-nous des études qui projettent notre consommation électrique à moyen et long termes ?
Par ailleurs, dans mon département, aucun projet de déploiement d'éolienne n'a pu être conduit à son terme du fait des agissements de diverses associations. Le Jura vient également d'accueillir un premier parc photovoltaïque dont la surface, initialement fixée à 13 hectares, a dû être réduite de moitié, pour des motifs de préservation de la nature.
Dans mon département se trouvent également 1 300 retenues sur les rivières qui furent, il y a un siècle, l'unique source énergétique. Or, toute tentative de produire de l'électricité à partir de ces retenues se heurte à une opposition des milieux associatifs qui dissuade tout investisseur de s'y lancer ! Au bilan, à l'exception de quelques installations photovoltaïques sur les toits, je demeure sceptique quant à la réalisation des objectifs auxquels, certes, je souscris mais qui se heurte à de récurrentes difficultés. Je ne reviendrai pas sur la question de la pollution par le chauffage au bois, alors que la forêt représente près de 45 % de la superficie de mon département !
Je suis très favorable aux ressources locales, mais qu'attendez-vous de l'agriculture française alors que les agriculteurs allemands tirent autant de revenus de leur production énergétique que de leurs produits. Nos exploitants agricoles en auraient bien besoin, même si la superficie de leurs terres ne permet peut-être pas d'atteindre le même niveau que celui de nos voisins d'Outre-Rhin. N'oublions pas que les terres agricoles doivent être protégées alors que la population mondiale ne cesse d'augmenter !
Je souhaiterais obtenir plus d'éléments sur la décision d'arrêter la distribution de sacs plastiques d'ici à 2016 susceptible de fragiliser certaines entreprises reconnues pour leur excellence à l'exportation. Avons-nous estimé les conséquences, à court terme, d'une telle décision ? Je souhaite d'ailleurs que notre commission se saisisse de cette question.
S'agissant de notre capacité à changer de modèle énergétique, il ne s'agit bien évidemment pas de substituer à l'usage du nucléaire celui du charbon ! D'ailleurs, des marges de progrès en matière de recherche sur les énergies alternatives demeurent énormes en France et il faut les mobiliser au plus tôt pour respecter l'objectif d'un réchauffement de deux degrés. C'est pourquoi Oxfam salue l'initiative du Président de la République de porter un terme aux subventions de la Coface qui bénéficiaient jusqu'alors au charbon. Cette décision reflète une tendance de fond puisque la Banque européenne d'investissement ou encore les différentes banques multilatérales de développement ont opéré le même choix, tout comme d'ailleurs les États-Unis depuis l'année dernière. Cette tendance devrait d'ailleurs se poursuivre tout au long de l'année 2015 et au-delà.
Oxfam France est préoccupée par le caractère inefficace des investissements qui se portent en priorité vers les énergies fossiles, notamment le charbon, sans prendre en considération les risques climatiques, faute d'un encadrement législatif suffisant. Une « bulle carbone » existe bel et bien ! Certes, ces investissements dans ces énergies fossiles sont voués à disparaître et la prochaine Conférence internationale sur le climat fournira l'occasion de s'interroger sur leur pérennisation. Faute de mesures en ce sens, le réchauffement climatique connaîtrait alors une augmentation de l'ordre de 4 à 6 degrés, aux conséquences désastreuses pour la planète, sans parler des conséquences humaines et économiques. En ce sens, Oxfam France promeut une certaine forme de transparence de ces capitaux, dont les montants réels demeurent inconnus, afin d'en assurer le fléchage vers la transition énergétique.
S'agissant du soutien de l'État aux investissements des particuliers, un coût de 15 milliards a été évoqué. Il ne s'agit nullement d'une dépense, mais d'un investissement permettant des économies d'énergie qui en apportent pleinement la justification. D'ailleurs, les estimations réalisées corroborent ce point et permettent de préciser les délais assurant ce retour sur investissement.
La mobilisation de la population est un enjeu prioritaire et ne peut être assurée qu'en déployant des campagnes de proximité susceptibles de sensibiliser et d'informer les particuliers. Certes, il existe déjà les espaces info énergie, mais ceux-ci sont encore trop peu nombreux et nous espérons que la prochaine loi de transition énergétique permettra de les démultiplier et de renforcer leurs moyens.
Le Réseau Action Climat ne souhaite pas non plus que l'Allemagne soit en tout point imitée par la France ni, d'ailleurs, qu'un choix s'opère en faveur du charbon. Ce n'est qu'en tirant le bilan de la politique énergétique de notre voisin d'outre-Rhin que nous serons en mesure de proposer des modalités, qui tiennent compte des spécificités de nos territoires, de production d'énergie renouvelable. En Allemagne, comme il a été précédemment signalé, c'est plutôt le charbon qui remplace le gaz, du fait de la modicité de son coût. Une telle situation souligne les risques de laisser au seul marché l'organisation du secteur énergétique !
Sur les filières professionnelles, il faut également ajouter aux emplois créés par le développement des énergies renouvelables ceux générés par la baisse de la facture énergétique nationale. Ainsi, réduire à la fois la facture et les consommations énergétiques permet de mobiliser plus de moyens et d'agir en faveur de l'emploi.
Enfin, s'agissant de l'acceptabilité des énergies renouvelables, l'Allemagne fournit, sur ce point, un indicateur intéressant. La moitié du parc éolien appartenant à des particuliers et parmi ceux-ci, des agriculteurs, est un fait qui a largement contribué à l'acceptabilité de cette forme d'énergie. D'ailleurs, l'ensemble des sondages démontre que la très grande majorité des Français demeurent favorables aux énergies renouvelables.
Il importe de mutualiser les moyens pour assurer la méthanisation à l'usage des sols. Je vous renvoie ainsi à l'étude réalisée par l'ADEME portant sur les scenarii volontaristes à l'horizon 2030-2050 qui concerne également l'optimisation de l'usage de la biomasse. Ainsi, il n'y a pas de problème de l'usage des sols en France et il est important de stopper l'intégration systématique du bâti. Un équilibre est possible entre production énergétique et préservation des surfaces agricoles. D'ailleurs, la France dispose certainement du territoire où se trouvent les plus importants gisements d'énergie renouvelable. Notre potentiel est gigantesque mais, malheureusement, l'État n'a pas été apte à l'exploiter, s'agissant notamment de l'énergie photovoltaïque, secteur dans lequel la parole de l'État a été dévoyée. Moyennant un certain nombre de précautions, il est manifestement possible de faire beaucoup mieux !
Sur la question de la méthanisation, France Nature Environnement est défavorable aux cultures dédiées, sauf ponctuellement, pour des installations de taille modeste sur des petites exploitations qui y trouvent un complément nécessaire à leur survie.
L'acidité des océans représente un sujet majeur de préoccupation que nous partageons d'ailleurs avec les pêcheurs et qui touche notamment la reproduction des espèces. À force d'absorber le CO2, les océans s'acidifient et on constate des phénomènes préoccupants d'accélération de stockage de la molécule CH4 dans les océans dont la fuite serait catastrophique pour l'écosystème ! De façon analogue, l'évolution du climat est susceptible de connaître des ruptures de seuils : si le permafrost se mettait à fondre, des millions de tonnes de CH4 seraient ainsi relâchées dans l'atmosphère. Un autre risque de rupture réside dans la fin du Gulf Stream qui aurait des conséquences climatologiques immédiates sur les côtes françaises de l'Atlantique et de la Manche qui connaîtraient alors une baisse considérable de leurs températures.
Sur les temps de retour dans le bâtiment, il faut avoir à l'esprit l'existence de deux types d'investissement en fonction de leur durée. Ainsi, une chaudière, qui fonctionne pendant 15 ans, représente un investissement rentable à l'issue d'une décennie, tandis qu'une isolation, conduite à terme sur 35 ans environ, devient rentable au bout de vingt ans. Il est donc nécessaire de trouver les investisseurs de long terme comme on y parvient en Allemagne. Il importe ainsi que la Banque européenne d'investissement assure le financement des systèmes bancaires nationaux à des taux très bas pour permettre, en retour, aux établissements bancaires de consentir des crédits aux particuliers et aux entreprises à des taux très bas pour conduire les travaux d'isolation de manière globale.
Arrêtez en outre d'intégrer le photovoltaïque sur les toits ! Cette démarche est catastrophique car elle conduit à remplacer des toitures en bon état et à augmenter le risque de fuites dans les bâtiments ! D'ailleurs, nos voisins allemands ne s'y risquent pas !
Le label « énergie renouvelable » ne décerne pas, à lui seul, un satisfecit aux investissements vers les installations qui s'en réclament, car des projets peuvent s'avérer funestes, à l'instar de la transformation de la centrale au charbon de Gardanne en centrale biomasse sans cogénération qui est une catastrophe et ce, de l'avis de tous, y compris du Gouvernement !
Qu'attendons-nous de l'agriculture ? Des produits de qualité. Comment se fait-t-il que nos producteurs de poulets fournissent en priorité le Moyen-Orient tandis qu'il nous faut importer des poulets d'Allemagne, dont la taille répond davantage aux attentes des consommateurs français ? Cette situation est proprement incompréhensible !
La commission entend M. Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER) dans le cadre de l'examen du projet de loi n° 16 (2014-2015), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
La réunion est ouverte à 14 heures 30.
Monsieur le Président, nous vous avions déjà entendu avant l'été à la suite de la Conférence énergétique et avons aujourd'hui l'occasion de vous entendre de nouveau, cette fois sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Dans votre propos liminaire, vous nous direz si le texte adopté par l'Assemblée nationale vous satisfait ou si vous avez des propositions pour l'améliorer, puis le rapporteur et ceux de nos collègues qui le souhaitent vous interrogeront.
Merci Mme la Présidente. Nous portons une appréciation positive sur le texte issu des travaux de l'Assemblée, ce qui ne nous empêche pas de formuler des propositions pour l'améliorer encore. En premier lieu, l'objectif de porter la part des énergies renouvelables (EnR) à 32 % de la consommation finale brute d'électricité en 2030, qui se situe dans la continuité de nos engagements européens pour 2020 tels que sanctuarisés par les lois « Grenelle », soit 23 % en 2020 en partant de 9 % en 2005, cet objectif nous semble à la fois raisonné et responsable. Raisonné, d'abord, car il reflète la mobilisation d'un potentiel et de gisements qui existe et que d'un point de vue économique, les coûts des principales EnR ont fortement décru et avoisinent désormais ceux des technologies traditionnelles. Responsable, ensuite, car il concourt de façon décisive à la réduction de 30 % de la consommation d'énergies fossiles en 2030 et donc à la baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre à cette même date. Il y a donc là une véritable cohérence.
Nous apprécions également que la loi prévoit des instruments de pilotage de ces objectifs, au premier rang desquels figure la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) qui devra décliner ces objectifs par filière - électricité, chaleur et transport - et qui fixera en particulier des plafonds financiers d'engagements publics : c'est un point essentiel sur lequel nous serons très attentifs.
Le texte prévoit de confier au gestionnaire du réseau de transport d'électricité l'établissement d'un registre des installations de production dont nous pensons qu'il s'agit là encore d'un très bon outil.
Nous nous félicitons encore de la présence d'un objectif sur la chaleur qui vise à multiplier par cinq la chaleur renouvelable et de récupération livrée par les réseaux de chaleur à l'horizon 2030 car on a toujours tendance à limiter nos réflexions aux seules énergies électriques.
En matière de bâtiment, plusieurs aspects positifs figurent dans le texte et devraient notamment faciliter l'introduction d'instruments de production d'EnR dans les bâtiments, en particulier dans les constructions neuves mais pas seulement. Je citerai aussi la possibilité pour les collectivités territoriales de bonifier leurs aides financières en fonction des critères de performance énergétique des bâtiments, le fait que toute nouvelle construction sous maîtrise d'ouvrage public soit, chaque fois que possible, à énergie positive et à haute performance environnementale ou encore la réflexion sur l'opportunité d'aides fiscales à l'installation de filtres à particules sur les chauffages au bois.
S'agissant des transports, nous adhérons aux principales dispositions du texte mais il faudrait selon nous les compléter par un objectif de 15 % d'EnR dans les transports en 2030, ce qui peut être atteint grâce aux biocarburants de toutes générations et à l'électricité d'origine renouvelable.
Concernant le titre V relatif aux EnR, je souhaiterai insister sur deux sujets : le cadre économique, d'une part, le contrôle des installations d'EnR électriques, d'autre part. Sur le cadre économique, le texte introduit une nouveauté importante avec le complément de rémunération qui s'additionnera au produit de la vente directe sur le marché et a vocation à se substituer aux tarifs d'achat déterminés après appel d'offres ou en guichet ouvert. Il s'agit là de transposer les nouvelles lignes directrices de la Commission européenne qui encadrent les aides d'État.
Nous serons particulièrement attentifs à ce que la transition vers ce nouveau système soit progressive, en particulier pour sécuriser toutes les demandes antérieures au 1er janvier 2016. En outre, la forme que prendra ce complément de rémunération, selon qu'il s'agira d'une prime versée en début ou en fin de période, est essentielle : une prime ex post ou contrat pour différence, comme cela existe en Allemagne, permettra en effet de sécuriser les producteurs, c'est ce que nous recommandons et c'est ce vers quoi la ministre a dit s'engager.
S'agissant du renforcement des contrôles et du durcissement des sanctions, nous y sommes favorables sur le principe mais avons néanmoins deux interrogations, d'abord sur le fondement juridique qui sous-tend la création d'un lien entre le manquement constaté et la sanction prononcée et, ensuite, sur le respect du principe de proportionnalité entre l'infraction au code du travail ou la non-conformité aux dispositions du code de l'énergie et la décision de résiliation du contrat d'achat : cette dernière nous semble en effet excessive dès lors que cette infraction ou cette non-conformité sont déjà sanctionnées par ailleurs.
Le chapitre consacré à la simplification administrative est aussi important. Nous apprécions en particulier la généralisation de l'expérimentation de l'autorisation unique et nous pensons que nous pourrions aller encore plus loin.
Enfin, nous saluons l'engagement d'une dynamique territoriale, et notamment en outre-mer.
Parmi nos propositions d'améliorations, je citerai l'exclusion de la biomasse de l'élargissement de la part carbone dans la fiscalité énergétique ; l'incorporation de biométhane dans les réseaux de gaz naturel à hauteur de 10 % à l'horizon 2030 ; la fixation d'un objectif de 15 % d'EnR dans les transports en 2030 ; le retour au principe d'une prise en charge par le producteur des frais du contrôle des installations uniquement en cas de constat d'une infraction ou d'une non-conformité ; la préservation des demandes complètes de raccordement lors du passage au complément de rémunération ; la fixation du montant de la sanction pécuniaire selon les modalités prévues au code de l'énergie et non pas en fonction de la puissance électrique installée de l'installation dans la limite de 100 000 euros par mégawatt ; la suppression de l'obligation de permis de construire pour les éoliennes dès lors que les dispositions du code de l'urbanisme sont déjà prises en compte dans le code de l'environnement et dans le régime des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) ; de même, pour l'hydroélectrique, l'intégration du permis de construire dans l'autorisation unique expérimentée, également délivrée par le préfet ; la simplification de l'autorisation des réseaux de chaleur géothermiques ; enfin, l'exonération du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) pour les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) lorsqu'elles sont en soutirage et rendent donc service au réseau.
Monsieur le Président, j'ai bien entendu votre satisfaction sur l'objection de porter la part des EnR à 32 % de la consommation finale brute d'énergie en 2030. Dans l'étude d'impact, cet objectif est décomposé par secteur : 40 % de la production d'électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur et 15 % de la consommation finale de carburants ; quel est votre avis sur ces chiffres, en particulier celui sur la chaleur, et seriez-vous favorables à l'ajout de cette déclinaison dans le texte même du projet de loi ?
S'agissant du complément de rémunération, ses modalités concrètes, de même que son financement, restent encore largement à préciser. Pourriez-vous revenir sur la forme que vous souhaiteriez lui voir prendre ?
Quant à vos propositions d'amendements, je les examinerai avec attention et vous remercie de bien vouloir m'indiquer, pour chacun d'entre eux, quel accueil leur a été fait à l'Assemblée nationale, par le co-rapporteur concerné comme par le Gouvernement.
Concernant la répartition de l'objectif des 32 % par secteur, nous avions effectivement proposé que ces objectifs figurent dans le projet de loi lui-même mais il nous a été répondu que ce serait l'objet de la PPE et non de la loi. Nous en prenons acte mais maintenons notre souhait d'ajouter un objectif de 15 % pour les transports et de 10 % de biométhane incorporé dans le réseau de gaz naturel en 2030. Les trois objectifs déclinés dans l'étude d'impact nous semblent raisonnables même si les 38 % pour la chaleur sont ambitieux puisqu'il s'agira pour l'essentiel de mobiliser la biomasse. C'est possible car nous avons le gisement nécessaire mais il est, d'une part, toujours compliqué d'aller chercher le bois en forêt et, d'autre part, le bois énergie n'est qu'un co-produit d'autres productions comme le bois d'oeuvre. Il faudra donc mobiliser la filière bois dans son ensemble. Le potentiel est là et c'est un défi à relever ; c'est la raison pour laquelle nous proposons la mise en place d'une véritable stratégie pour la biomasse.
Concernant le complément de rémunération, nous sommes favorables à une prime déterminée en fin de période qui permette de s'ajuster aux variations du marché et d'intégrer les EnR au marché tout en garantissant aux investisseurs un prix cible fixe. À l'inverse, une prime d'investissement octroyée par appel d'offres inciterait les investisseurs à demander une prime plus élevée et coûterait in fine plus cher au consommateur.
Nous avions déjà fixé des objectifs pour 2010. Par rapport à ceux fixés pour 2020, la trajectoire actuelle est-elle suffisante pour les atteindre, notamment les 23 % d'EnR à cette date ? Que faudra-t-il pour atteindre ensuite les 32 % d'EnR visés en 2030 - plus de volonté politique, plus de simplification, plus de visibilité ? Et seront-ils à leur tour suffisants pour atteindre ceux de 2050 ? Ne faudrait-il pas fixer la barre plus haut en 2030 ?
L'objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % à l'horizon 2025 nécessitera d'augmenter considérablement la part des EnR et de favoriser les économies d'énergie. Pensez-vous que cela soit réalisable et si oui à quelles conditions ?
L'annonce d'un financement accru du fonds chaleur est une excellente nouvelle mais est-ce suffisant pour faire émerger des projets nouveaux alors que les plus simples et les moins coûteux ont déjà été réalisés ?
En matière de biomasse, comment mobiliser la ressource ? Chaque année, 50 % de la surface supplémentaire gagnée par la forêt est déjà exploitée. L'exploitation en zone de montagne est particulièrement difficile or, si nous disposons d'une ressource abondante, encore faut-il pouvoir aller la chercher. Si nous exploitons davantage le bois d'oeuvre, nous disposerons de sous-produits pour l'énergie.
Enfin, la participation des communes et de leurs groupements au capital des sociétés de production d'EnR va-t-elle selon vous dans le bon sens ?
Le projet de loi prévoit la fin de l'exigence d'un permis de construire pour les éoliennes lorsque le document d'urbanisme couvrant une commune permet ce type d'installation. Je pense, au contraire, comme beaucoup d'élus, qu'un permis de construire reste nécessaire pour installer des éoliennes.
Pouvez-vous nous indiquer la part dans la production d'énergie des réseaux de chaleur ? Dispose-t-on d'une estimation des possibilités d'alimenter les réseaux de chauffage urbain à partir des réseaux de chaleur ? L'incinération de déchets ménagers permet l'alimentation de tels réseaux. Le raccordement à de tels réseaux a des effets positifs pour les ménages logés en logements collectifs, dont les charges locatives baissent. Comment pourrait-on inciter les réseaux de chauffage urbain à se connecter aux réseaux de chaleur ?
La loi de programmation fixant les orientations de la politique énergétique (POPE) de 2005 avait fixé à 21 % la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité à l'horizon 2010. Elle prévoyait de faire passer la part du renouvelable dans la production d'énergie primaire de 6 % à 10 %. Aucun de ces objectifs n'a été atteint. Alors que nous en étions à 9 %, la loi Grenelle de l'environnement a fixé à 23 % la part des énergies renouvelables dans la production d'énergie primaire à l'horizon 2020. Aujourd'hui, la part du renouvelable est de 14 %. Le Grenelle de l'environnement a eu un effet de stimulation, mais la tendance n'est désormais plus la bonne pour atteindre les objectifs fixés en 2020 : au rythme de progression actuelle des énergies renouvelables, leur part dans la production d'énergie sera de 17 à 18 % à cet horizon et non pas de 23 %.
Dans ces conditions, atteindre un objectif plus ambitieux en 2030 nécessite de lever plusieurs freins à la production d'énergies renouvelables. Le premier frein réside dans le manque de continuité des dispositifs de soutien. Les investisseurs ont besoin de visibilité. S'il doit y avoir des évolutions des tarifs d'achat, il faut qu'elles se fassent progressivement. Cela n'a pas été le cas ces dernières années. La plainte de l'association « Vents de colère » a ajouté de l'incertitude.
Un autre frein consiste en la complexité de l'encadrement réglementaire sur la quasi-totalité des énergies renouvelables. Des mesures de simplification sont nécessaires, par exemple pour ramener la durée d'un projet d'implantation d'éoliennes actuellement de 8 à 9 ans, à 3 ou 4 ans, notamment en encadrant les durées des recours, ou en supprimant un niveau de juridiction dans l'examen de ces recours.
L'atteinte de l'objectif de production d'énergies renouvelables en 2030 passe aussi par la mobilisation de la biomasse, qui peut couvrir la moitié du besoin de production supplémentaire. Cette mobilisation de la biomasse est difficile mais possible : elle passe moins par les acteurs du secteur de l'énergie que par ceux de la filière bois dans son ensemble, qui s'est organisée à travers le contrat de filière du secteur du bois. Le secteur du bâtiment doit aussi être mobilisé, car il peut être un gros consommateur de bois d'oeuvre.
La participation des collectivités territoriales au capital des sociétés de production d'énergie renouvelable est plutôt positive car cela mobilise les collectivités et les populations sur la réussite de ces projets. Des sociétés d'économie mixte ou des syndicats d'électricité portent déjà des projets de production d'énergie renouvelable. Ces projets réussissent mieux que la moyenne. La participation des collectivités territoriales au capital d'entreprises portant de tels projets doit être encouragée mais pas rendue obligatoire.
Les permis de construire sont aujourd'hui obligatoires pour installer une éolienne. Ils sont accordés par le préfet. Or, le dossier de permis de construire comporte des redondances avec le dossier d'autorisation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Il faut supprimer ces redondances, portant par exemple sur les études de commodité, de voisinage, de sécurité, de conservation des sites et des monuments, car cela permettrait d'accélérer les projets. Supprimer le permis de construire ne diminue en rien la protection de l'environnement.
Les réseaux de chaleur desservent environ 1,5 millions d'équivalents logements. Les énergies de récupération, comme celles résultant d'incinération de déchets ménagers, représentent 35 % de l'énergie délivrée. Il est possible de faire davantage. La mise en place du fonds chaleur a été très utile depuis cinq ans pour permettre l'utilisation des énergies fatales, par exemple en raccordant davantage de logements aux réseaux de chaleur. Ce type d'action n'est pas la plus difficile à mener pour atteindre les objectifs de production d'énergie renouvelable. L'amortissement des raccordements s'effectue sur une durée assez courte. L'extension d'un réseau de chaleur reste une opération administrativement compliquée. Le syndicat des énergies renouvelables est favorable à l'objectif de multiplier par cinq l'énergie fournie par les réseaux de chaleur.
C'est bien d'avoir un objectif, et encore mieux de s'en donner les moyens. Le Grenelle de l'environnement a fixé des objectifs ambitieux mais a pêché sur les moyens. L'objectif de développement des énergies renouvelables s'est heurté au changement des politiques publiques en la matière, ce qui a créé des difficultés majeures. Ne faut-il pas accompagner les nouveaux objectifs concernant les énergies renouvelables de nouveaux moyens ? Tel est l'enjeu de ce projet de loi.
Il faut dépasser les clichés concernant les énergies renouvelables, qui veulent que celles-ci soient forcément chères et très subventionnées. Le développement des énergies renouvelables est une nécessité pour atteindre le bouquet énergétique du 21ème siècle. L'Allemagne a décidé depuis 2013 de ne subventionner le photovoltaïque qu'avec batterie, pour faire face au problème de l'intermittence qui est la faiblesse majeure des énergies renouvelables. Ne faudrait-il pas en France suivre cet exemple ?
Enfin, la connexion aux réseaux intelligents ne doit pas être une politique sectorielle mais une politique nationale.
La Somme, dont je suis l'élu, dispose de la ferme des mille vaches et d'éoliennes, dont les implantations se sont multipliées. Le risque n'est-il pas de se mettre les populations à dos ?
Par ailleurs, dispose-t-on d'une analyse précise du bilan carbone des chaufferies bois dans les territoires où il n'y a pas de forêts ? Le fonds chaleur a permis de développer de telles chaufferies sur tout le territoire, alimentées par des norias de camions qui parcourent des centaines de kilomètres pour apporter le bois. La Commission des affaires économiques ou celle du développement durable devrait demander le bilan carbone des chaufferies bois dans notre pays.
Il n'y a pas eu de cohérence concernant les possibilités offertes aux particuliers de s'équiper. En matière de photovoltaïque, les changements de tarification ont généré des difficultés économiques pour certains ménages. Il y a eu un défaut de conseil public. Par ailleurs, dans certaines régions, des éoliennes individuelles ont été installées chez des particuliers, ce qui les met en difficulté financière. Il faudrait que les initiatives individuelles soient mieux encadrées pour éviter les aberrations financières.
On est trop timide en France en matière de biomasse. La biomasse a permis de découvrir qu'on pouvait développer la sylviculture. Notre pays a des atouts formidables avec abondance d'eau et de surfaces. Dans les Vosges, nous avons expérimenté la mise en place de tiges à croissance rapide, qui permettent de développer les capacités de production énergétique.
Les objectifs en matière d'économies renouvelables doivent être assortis de moyens, mais les moyens financiers ne sont pas les seuls : il faut aussi du conseil et de l'accompagnement technique. Par ailleurs, les moyens financiers nécessaires ne sont plus aussi élevés que par le passé car la filière éolienne ou photovoltaïque ont fait d'énormes progrès de productivité. Les énergies renouvelables ont surtout besoin de visibilité réglementaire.
Les clichés sur les énergies renouvelables ne sont pas justifiés : si le coût de production du MwH est de 100 à 110 € pour les réacteurs nucléaires de type EPR, qui produisent l'énergie la plus décarbonnée, le coût pour l'éolien dans les régions propices à ces équipements est de 85 € et de moins de 100 € pour le photovoltaïque dans le Sud de la France. On peut donc produire de l'énergie décarbonnée à un prix compétitif.
Plus la part des énergies renouvelables est faible, plus l'intermittence peut être gérée facilement. Mais on peut encore progresser sans souci technique : l'intermittence ne deviendra un problème que lorsque les énergies renouvelables atteindront une part de 45 % dans la production. Le réseau français de stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) peut être développé pour assurer la gestion de l'intermittence. Le photovoltaïque sur batterie coûte trop cher en métropole et ne se développera qu'à long terme, mais peut être diffusé dans les outre-mer, où les énergies renouvelables ont un taux de pénétration immédiat déjà supérieur à 30 %.
Les zones de développement des éoliennes (ZDE) ont été supprimées lorsqu'ont été créés les schémas régionaux éoliens. Si le syndicat des énergies renouvelables propose de supprimer les permis de construire sur les éoliennes, les communes resteront partie prenante dans le cadre de l'instruction des dossiers ICPE. Et elles resteront responsables de la planification spatiale des installations dans les documents d'urbanisme. Dans la Somme, la plupart des actuelles éoliennes ont été installées dans les ZDE et l'acceptabilité sociale de tels projets est constante dans le temps, d'après les études de l'ADEME. Elle est même plus forte à proximité des éoliennes.
Le bilan carbone des chaufferies bois reste très positif, d'après l'ADEME, même si le bois est transporté sur longue distance, ce que nous ne conseillons pas. Un plan d'approvisionnement doit être présenté lorsque les dossiers des chaufferies bois sont instruits.
Les changements de réglementation ont pesé négativement sur les projets d'équipements individuels de production d'énergie renouvelable. Il faut cependant renforcer les points info-énergie. Le secteur éolien a souffert de vendeurs peu scrupuleux qui ont présenté de manière trop favorable le crédit d'impôts. De tels équipements ne sont pas très intéressants car, en général, les habitations sont installées à l'abri du vent et les permis de construire sont obligatoires pour les équipements de plus de 12 mètres.
Concernant la sylviculture, la nécessité de son développement ne fait pas de doute.
Je remercie le président de la commission Jean Claude Lenoir et le rapporteur Ladislas Poniatowski de nous avoir invités à présenter notre rapport avant que le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte ne soit examiné par le Sénat en séance publique.
La rédaction de ce rapport, remis le 9 juillet 2014, résulte d'une saisine de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) par le Bureau de l'Assemblée nationale le 27 mai 2013. Au cours de nos travaux, nous avons auditionné quelque 200 acteurs du secteur du bâtiment et nous sommes rendus dans différentes régions - Franche-Comté, Alsace, Lorraine, Rhône-Alpes - et à l'étranger - Allemagne, Suède, Finlande, Autriche.
Nous avons pu constater que l'Europe est en mouvement pour conquérir d'immenses marchés dans le domaine de la rénovation énergétique. La France risque de perdre la bataille de l'emploi qui y est associée si nous négligeons l'innovation dans la physique des bâtiments. La situation dans notre pays est peu satisfaisante : les aides sont mal ciblées et les critères qui les fondent s'avèrent complexes. Les annonces politiques sur les performances visées manquent de cohérence et perdent de leur crédibilité. Les entreprises n'ont plus confiance en un système opaque, bureaucratique et trop centralisé. Le système relationnel entre les prescripteurs et les prestataires en matière de réglementation énergétique du bâtiment est extrêmement confus : la recherche, l'évaluation, le conseil, l'expertise et le contrôle ne font pas l'objet d'une réelle séparation. Le manque de recherches et d'innovations ainsi que l'endogamie des acteurs décisionnels avec les responsables industriels montrent que le bâtiment est aujourd'hui considéré comme une discipline subalterne.
Il serait irresponsable de gérer la transition énergétique dans l'immobilisme technique. Nous sommes aujourd'hui face à un formidable défi scientifique, technologique et économique qui doit relancer notre économie et stimuler sa capacité à créer, à inventer et à innover pour conquérir des parts de marché. Cette vision dynamique de la transition énergétique donne toute sa légitimité à notre étude sur les freins à l'innovation. Un calcul sommaire indique que le marché français de la rénovation est de l'ordre de 900 milliards d'euros, c'est-à-dire trois fois le coût du renouvellement à neuf du parc d'électricité. Un effort d'innovation dans le domaine de la physique du bâtiment doit donc être mené pour ne pas perdre la bataille.
Deux recommandations majeures résultent de nos travaux. D'une part, il est nécessaire d'affirmer le besoin d'un nouvel élan, dans notre pays, en faveur de la physique du bâtiment, particulièrement au service des progrès de la mesure de la performance réelle. Il ne suffit pas de distribuer des aides pour changer les choses : il faut que celles-ci soient octroyées en fonction de la performance réelle et non de la performance théorique. Des moyens existent pour effectuer ces mesures. D'autre part, un contrôle renforcé du Parlement doit être institué sur la gouvernance et l'activité du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB).
L'objet de notre étude était d'examiner les freins réglementaires à l'innovation en matière d'économies d'énergie dans le bâtiment.
Si nous prenons un peu de recul à l'égard des dispositifs complexes qui régulent l'insertion sur les marchés des composants de la construction, qu'il s'agisse des matériaux ou des équipements, on s'aperçoit que les procédures d'évaluation de la sécurité et de la qualité des produits, en France, sont gérées dans la perspective de la responsabilité décennale mise en place par la loi « Spinetta » de 1978. C'est un régime de présomption de responsabilité de tous les acteurs de la construction vis-à-vis du maître d'ouvrage. Les procédures de contrôle interviennent à plusieurs étapes du cycle de vie du produit, depuis les premiers contrôles techniques jusqu'au repérage des sinistres qui surviennent a posteriori, une fois le produit en place dans la construction. Elles sont prises en charge successivement par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), les organismes de certification, comme, par exemple, l'ACERMI pour les isolants, et l'Assurance Qualité Construction (AQC).
Le deuxième domaine pouvant produire des freins réglementaires à l'innovation est celui des aides publiques. Cela peut paraître paradoxal de considérer les aides comme un frein, mais la mise en place d'aides s'accompagne de la fixation des règles définissant leurs conditions d'octroi. Or, par définition, les innovations ne sont pas connues au moment où ces règles sont fixées. Les produits innovants sont donc naturellement désavantagés par rapport aux produits mûrs. De plus, les industriels fabriquant des produits mûrs font tout, nous l'avons constaté, pour conserver leurs aides et empêcher les nouveaux venus d'en obtenir. Nous avons décompté 14 aides nationales et 347 aides locales ; personne, dans l'administration, n'a une vision globale de cette « jungle ».
Enfin, le troisième domaine d'apparition potentielle de freins à l'innovation touche aux règles de la construction en général et à la réglementation thermique en particulier, aujourd'hui la RT 2012. Les prescriptions quantitatives de cette réglementation sont intégrées dans un outil de simulation appelé le « moteur de calcul ». La conception de toute nouvelle construction doit être soumise à un test de validation permettant de vérifier, dès sa conception, si le bâtiment pourra se conformer à la RT 2012. Or, tout composant nouveau doit être préalablement référencé puis techniquement décrit dans le « moteur de calcul » pour pouvoir ensuite être utilisé. La procédure à suivre pour l'intégration dans le « moteur de calcul » est dite procédure du « titre V ». Elle est gérée formellement par la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) mais, en réalité, c'est le CSTB qui a la main sur le « moteur de calcul ».
Ce sera sans doute un apport important de notre étude d'avoir essayé de mettre un peu de lumière sur cet univers complexe. Dans leurs plaintes, les industriels mélangent les différents aspects et sont de ce fait difficilement compréhensibles.
Ce n'est plus possible de continuer à fonctionner ainsi, car le sujet des économies d'énergie est devenu trop important. C'est pourquoi nos recommandations sont ambitieuses.
Notre rapport s'ouvre sur deux affaires qui ont provoqué l'indignation de plusieurs de nos collègues, députés ou sénateurs : l'affaire de la ouate de cellulose, qui montre qu'une enquête parlementaire peut, dans une certaine mesure, modifier le cours des choses, et l'affaire des couches minces d'isolants.
La ouate de cellulose est un isolant écologique tiré du bois dont la fabrication a été abattue en plein envol par une triple alerte réglementaire : d'abord, sur l'utilisation des sels de bore comme fongicides et ignifugeants ; ensuite, sur les risques importants d'incendie en cas de proximité avec des spots lumineux encastrés ; enfin, sur les conditions d'octroi des certificats d'économies d'énergie.
La première alerte réglementaire a été déclenchée par un groupe spécialisé de la commission en charge de formuler les avis techniques (CCFAT). Dans ce premier cas, la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) a sur-réagi à l'égard des évolutions de la réglementation européenne, notamment de la directive REACH, selon laquelle les sels de bore sont dangereux. Nous avions alerté les ministres du logement successifs du danger d'aller trop vite. Sans concertation, les sels de bore ont dû être remplacés par des sels d'ammonium qui, au bout de six mois, ont dégagé de l'ammoniac. Une nouvelle autorisation a alors été délivrée aux sels de bore.
La deuxième alerte réglementaire, celle relative aux risques d'incendie en cas de proximité avec des spots encastrés, a été déclenchée par l'Agence Qualité Construction (AQC) ; la troisième, concernant l'accès aux certificats d'économies d'énergie, résulte d'un hiatus dans la gestion d'une certification gérée par le CSTB.
On nous a fait entendre beaucoup de choses invérifiables : certains continuent de croire à une préméditation par un jeu d'influences bien calculé. On constate néanmoins que la moitié des entreprises concernées ont aujourd'hui fait faillite et que le CSTB n'a pas su jouer son rôle et donner un avis technique.
Quant à l'affaire des couches minces, elle résulte de la revendication d'une entreprise de l'Aude concernant une performance de son produit, justifiée par sa facilité de mise en oeuvre. La rénovation des bâtiments anciens doit souvent s'accommoder de la géométrie imparfaite des surfaces ; dans ce cas, des films souples permettent de réaliser beaucoup plus facilement l'étanchéité qu'avec des blocs massifs d'isolants qu'il faut ajuster aux jointures.
Le conflit entre le CSTB et l'entreprise en question porte depuis une dizaine d'années sur la valeur qu'on peut accorder à une mesure in situ, dans des chalets expérimentaux, pour rendre compte de la performance du produit. L'entreprise concernée n'a pas fait faillite. Néanmoins, avec le label RGE (Reconnu Garant de l'Environnement) de l'ADEME, un certain nombre de formateurs reviennent aux mono-produits et refusent des évolutions techniques, comme les couches minces, qui sont des produits complémentaires.
Les leçons que nous retenons de ces deux affaires sur l'organisation de l'évaluation technique sont de deux ordres :
- D'abord, le CSTB, pour ses tâches d'évaluation technique via la CCFAT, est en situation de prescripteur-prestataire ; il est dépendant de ses prestations techniques pour son financement, et il est en position de réclamer aux industriels des tests techniques qu'il va ensuite leur facturer.
- Ensuite, le CSTB, pour ce qui concerne ses analyses scientifiques comme celles relatives à la mesure de la performance réelle, n'est pas assez immergé dans le monde de la recherche et n'a pas suffisamment développé de moyens d'évaluation dans ses laboratoires de Champs-sur-Marne. Nous avons a posteriori appris que le producteur de matériaux de construction de couches minces avait mené des expériences très intéressantes sur ce sujet au Royaume-Uni, en s'appuyant sur les infrastructures techniques des universités de Salford et Leeds.
C'est pourquoi nous avons préconisé de séparer le CSTB en deux entités. D'une part, le CSTB lui-même resterait en charge de l'évaluation technique, mais aussi de l'expertise auprès du Gouvernement et de l'information. D'autre part, tous ses moyens techniques seraient regroupés dans un établissement juridiquement distinct : « Les laboratoires de la physique du bâtiment », chargé de la recherche et du contrôle, qui serait immergé dans la communauté scientifique correspondante.
Le Gouvernement ne l'a pas souhaité. Néanmoins, l'examen du projet de loi en première lecture à l'Assemblée nationale nous a permis d'obtenir un contrôle renforcé du CSTB par le Parlement, en prévoyant notamment la nomination de son président après avis des commissions permanentes compétentes du Parlement. Il faudra cependant profiter d'une prochaine loi organique pour intégrer la nouvelle procédure de désignation du président du CSTB au mécanisme prévu à l'article 13 de la Constitution, une loi simple ne suffisant pas à compléter la liste des instances concernées.
En outre, l'idée de se fixer annuellement un rendez-vous avec le CSTB sous forme d'audition a été retenue, ce qui nous satisfaisait.
Je l'ai évoqué précédemment, les aides aux produits, qu'il s'agisse de matériaux ou d'équipements, constituent une véritable barrière à l'entrée pour les produits innovants qui sont exclus de leur champ. Le calage de ces aides sur les avis techniques et les certifications accroît d'ailleurs la tension sur l'obtention de ces signes de qualité.
Mais les aides aux produits ne constituent pas seulement un frein pour l'innovation. Elles ont aussi pour conséquence un gaspillage des ressources publiques d'appui à la rénovation, pour deux raisons : tout d'abord, les intermédiaires relèvent leurs prix, cela a été prouvé ; ensuite, les intermédiaires utilisent les aides publiques comme argument commercial, ce qui provoque au coup par coup des décisions d'investissement qui ne sont pas forcément pertinentes.
Ainsi, la France, déjà à la peine pour mobiliser des ressources publiques, disperse de plus en plus ses efforts avec son système d'aides aux produits. L'analyse des aides montre en effet qu'elles sont, à hauteur de 60 % au moins, des aides ciblant des produits.
Notre principale recommandation, en ce qui concerne ces aides, consiste donc à demander qu'elles soient affectées aux projets de rénovation, et non plus aux produits. Révolutionnaire en termes de procédure, l'idée est que, pour chaque bâtiment à rénover, soit utilisée la technologie la plus adaptée, et non la technologie la plus aidée. Il faut rechercher au cas par cas l'utilisation la plus efficace possible des ressources publiques affectées à la rénovation.
Dans cette approche, une difficulté surgit : comment définir la solution la plus efficace ? De fait, l'ADEME a déjà esquissé la réponse à cette question en imaginant le label « RGE », entré en vigueur au mois de juillet dernier. Mais si le principe de labellisation des professionnels pour le conseil en rénovation nous semble pertinent, la cible choisie nous semble inadaptée : les 385 000 artisans sont très enclins à vendre avant tout leurs propres services. Les retours que nous avons eus sur les stages permettant d'obtenir ce label indiquent du reste qu'ils sont assez superficiels, et un reportage de l'émission Capital sur M6 l'a confirmé.
Notre recommandation est donc plus ambitieuse : nous proposons de certifier un groupe d'environ 3 000 à 4 000 conseillers en rénovation, qui rempliraient cette fonction d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, à la fois qualifiée et indépendante, dont on a besoin pour gérer de la manière la plus efficace possible chaque cas de rénovation. L'accès aux aides serait conditionné par l'élaboration d'un plan de rénovation conçu avec l'un de ces conseillers certifiés, qui seraient des acteurs privés, payés pour leur prestation.
Nous avons découvert à Berlin que ce modèle rejoignait certaines réflexions en cours au sein de la DENA, l'équivalent allemand de l'ADEME.
Notre idée est que la certification devrait être assurée par l'université. Elle s'appuierait sur une formation initiale pour les étudiants, une formation continue pour les ingénieurs thermiciens et les architectes candidats et une formation professionnelle pour les artisans souhaitant se consacrer à ce nouveau métier. Des filières pouvant délivrer ce genre de compétence hybride se mettent déjà en place, à Grenoble par exemple. La certification serait perdue en cas de refus d'effectuer les efforts de mise à niveau.
Vous le savez, mes chers collègues, l'article 40 de la Constitution s'oppose à un réaménagement du système d'aides par voie d'amendement parlementaire. À la faveur de la discussion à l'Assemblée nationale, Jean-Yves Le Déaut a néanmoins obtenu, au paragraphe VI de l'article 5 du projet de loi, l'inscription d'une remise d'un rapport par le Gouvernement au Parlement sur la globalisation des aides et leur octroi sur validation des projets complets de rénovation par un conseiller à la rénovation.
C'est une avancée modeste, mais qui permettra une prise de conscience progressive de l'inefficacité du système d'aide actuel. Ce système est en effet conçu plus comme un soutien économique aux artisans que comme un véritable outil au service d'une politique efficace de rénovation énergétique des bâtiments. La globalisation de ces aides permettrait d'avoir une politique de performance énergétique plus efficace, sans remettre aucunement en cause ce même soutien économique, puisque le volume financier globalement distribué devrait rester le même. Il suffit simplement d'avoir la volonté politique d'un meilleur ciblage.
Les artisans ne sont pas les seuls concernés : des études menées sur différents appareils commercialisés en Belgique, en Allemagne et en France ont montré que la différence des prix de vente correspondait au montant de l'aide accordée par chaque pays. C'est la preuve que l'argent injecté ne profite pas au consommateur.
Nous nous sommes intéressés aux problématiques de financement, dont le besoin global est de 900 milliards d'euros, et qui concernent plus particulièrement les « taudis énergétiques ». Le montant des aides à la rénovation est de 6 000 à 7 000 euros en moyenne.
Le diagnostic énergétique initial n'est pas toujours réalisé, ou de façon imparfaite. En Allemagne, on dénombre 7 000 conseillers à la rénovation énergétique provenant d'horizons divers et possédant de réelles compétences techniques.
Ce diagnostic coûtant de 500 à 1 000 euros par bâtiment, des aides d'un montant de 7 000 euros avant le début des travaux seraient très appréciables, surtout avec l'appui du carnet d'entretien du bâtiment. Il faut mettre en cohérence tous ces dispositifs, et permettre ainsi à des personnes ayant de faibles moyens d'initier des travaux dans la durée.
Nous avons soutenu le tiers-financement, pour lequel des règles prudentielles doivent être mises en place.
Nous avons également appuyé l'extension du prêt viager hypothécaire, qui existe déjà dans la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation. S'il n'a bénéficié qu'à 7 000 clients en France, dont l'âge moyen est de 76 ans, il est toutefois très utile. En le mettant en place pour la rénovation des logements, il permettrait de ne payer que les intérêts ; lors de la mutation du bien, le principal serait remboursé. Une personne n'ayant pas de moyens bénéficierait ainsi d'une baisse de charges, et donc d'un allègement de sa facture énergétique.
Il est un point sur lequel le moteur de calcul n'a pas évolué : c'est la prise en compte des émissions de CO2. Pourtant, c'est là un des objectifs premiers de la politique énergétique de notre pays.
Le rapport de nos collègues Claude Birraux et Christian Bataille en 2009 avait soulevé le problème de l'ajout d'un plafond d'émission de CO2 dans la réglementation thermique, à côté du critère de consommation en énergie primaire. Lorsque nous sommes allés à Bruxelles, les fonctionnaires de la Commission européenne nous ont confirmé que rien, dans le droit européen, ne s'opposait à cet ajout, contrairement à ce que l'administration française avait indiqué à l'époque. La loi Grenelle 2 a prévu que ce plafond serait un des éléments de la prochaine réglementation thermique de 2020, et des discussions se tiennent depuis plusieurs mois autour de l'idée de tester un tel plafond dans le cadre d'un nouveau label plus exigeant que la règlementation thermique 2012.
Le débat achoppe sur le calcul des émissions de CO2 de l'électricité, à cause de la thèse consistant à prendre en compte, non pas les émissions moyennes sur l'année, mais les émissions dites « marginales », celles de la pointe de consommation d'hiver. Cela revient pratiquement à considérer que le contenu en CO2 de l'électricité française est égal à ce qu'il serait, si celle-ci était produite à 100 %, tout au long de l'année, par les plus mauvaises centrales au charbon d'Europe.
Manifestement, ce raisonnement n'est pas très cohérent. Il est d'ailleurs invalidé pour les années aux hivers doux, qui devraient se multiplier avec le réchauffement climatique.
Mieux vaut donc sortir de ce débat en calculant les émissions réelles tout au long de l'année, y compris en tenant compte des appels de puissance supplémentaires adressés à nos voisins à certains moments.
Par ailleurs, comme l'avait indiqué un rapport de nos collègues Bruno Sido et Serge Poignant en 2010, il faut traiter la question de la pointe de consommation par une politique spécifique jouant notamment sur les réserves d'effacement de la demande, la suppression, grâce à des relogements prioritaires, des taudis énergétiques équipés de « grille-pain », et la mise en place d'une politique tarifaire dissuasive de type EJP (option effacement des jours de pointe).
Le gaz a toute sa place dans le chauffage des bâtiments, notamment parce qu'il possède cet avantage déterminant de pouvoir être stocké. Sur le plan du stockage, l'électricité ne pourra pas offrir de solution économiquement viable, au moins jusqu'au milieu du siècle.
Cela n'empêche pas de coupler l'électricité avec des formes innovantes de stockage d'énergie. Nous avons visité à Crailsheim, dans le Bade-Wurtemberg, un système de stockage d'énergie à l'échelle d'un quartier, basé sur un ballon d'eau chaude de plusieurs millions de litres, et une dizaine de sondes souterraines enterrées à plus de 60 mètres. Ce système permet de restituer en hiver, par des pompes à chaleur, l'énergie solaire thermique accumulée durant les saisons plus clémentes. Il illustre la vitalité innovante de nos voisins.
Le réseau de gaz présente un inconvénient : il n'est pas accessible partout en France. En conséquence, nous avons proposé une modulation de la réglementation thermique créant une incitation à étendre les zones géographiques donnant accès au gaz, et favorisant l'installation d'un chauffage relais pour les jours de pointe : chaudière à bois ou système local de stockage d'énergie.
Cette approche d'aménagement très ciblée n'a pas prévalu lors de la discussion à l'Assemblée nationale. C'est un amendement de François Brottes, revenant à l'intention initiale de Claude Birraux et Christian Bataille en 2009, qui a prévalu, avec un plafond de CO2 imposé à partir de 2018. D'une certaine façon, « qui peut le plus, peut le moins » : nos propres idées d'aménagement sont ainsi satisfaites. Mais elles conservent leur pertinence, même avec un plafond général de CO2, car elles créent des incitations à élargir la couverture du réseau de gaz et à développer des technologies de stockage d'énergie.
L'intégration de toutes ces normes dans la règlementation thermique est un problème. En 2012, cette règlementation représentait 1 377 pages. Un moteur de calcul règlementaire, dont on ne sait pas vraiment qui s'en occupe, permet de déterminer si une innovation satisfait aux normes en vigueur dans ce domaine.
En première lecture, alors qu'il était prévu un conseil supérieur de la construction, nous avons rajouté une compétence en matière d'efficacité énergétique ; il doit réaliser toutes les évaluations techniques permettant à une innovation d'être prise en compte. Nous avons par ailleurs, dans un amendement, indiqué que le code source devait en être librement accessible.
La qualité des prestations de construction joue un rôle essentiel dans l'atteinte de la performance énergétique. Le moindre trou, le moindre défaut dans un raccord constitue une source de déperdition de chaleur. En contrepartie, le système de ventilation doit lui aussi être installé avec un très grand soin pour conserver l'équilibre entre confort et performance.
Nos investigations nous ont donc naturellement amenés à nous pencher sur les diverses manières de favoriser cette qualité indispensable. Jean-Yves Le Déaut évoquera la voie pratique de la formation. Je vais évoquer la voie juridique de la mise en jeu de la responsabilité des prestataires.
Cette question est devenue prégnante, car les consommateurs sont de plus en plus agacés de constater que les promesses de performance énergétique portées par le discours public ne se traduisent pas dans les faits, notamment en ce qui concerne les constructions.
Cette pression des consommateurs s'est traduite par l'adoption de deux amendements dans le projet de loi qui étendent la responsabilité décennale au cas de la défaillance sur le plan de la performance énergétique, par un paragraphe IV à l'article 5, et par un article 8 bis A.
C'est l'article 1792 du code civil, introduit par la loi Spinetta du 4 janvier 1978, qui a créé la responsabilité décennale. Dans le cadre de notre rapport, concernant la responsabilité des prestataires, nous avons plutôt retenu, en lien avec les réflexions des juristes de l'UFC-Que choisir, une approche de nature purement contractuelle.
C'est ainsi que l'article 5 bis A du projet de loi, adopté avec l'accord du Gouvernement, cale cette responsabilité contractuelle sur le régime de l'abus de faiblesse dans le code de la consommation. Il s'agit de protéger les consommateurs contre des démarchages faisant miroiter des possibilités de performance énergétique ou environnementale, sans aucun engagement réel de la part du prestataire.
Le dispositif prévoit ainsi que le prestataire soit s'engage sur un résultat - qu'il doit alors préciser -, soit qu'il ne s'engage pas sur un résultat - le consommateur est alors loyalement informé. Le second cas n'empêche en rien la conclusion du contrat, ni l'amélioration de la performance ; la mention permet seulement que cette conclusion s'effectue sur une base de confiance.
Concernant l'extension de la responsabilité décennale à une défaillance en matière d'efficacité énergétique, voici nos réflexions.
D'un côté, il faut faire attention à ne pas oublier que la performance réglementaire est exprimée en termes conventionnels ; d'un autre côté, il faut s'interdire de considérer que toute dérive de consommation est nécessairement causée par un comportement aberrant des utilisateurs. Il faut donc à la fois éviter les contestations exagérées et le blocage abusif des contestations parfaitement justifiées.
La solution proposée consiste à invoquer un écart manifeste dans la performance constatée au regard de la performance à laquelle on aurait pu s'attendre compte-tenu des conditions d'utilisation. Il s'agirait de compléter dans cet esprit l'article 1792 du code civil par l'alinéa suivant : « l'ouvrage est considéré comme impropre à sa destination lorsqu'un vice de sa conception ou de sa réalisation entraîne un dépassement manifeste de la consommation énergétique conventionnelle telle qu'elle résulterait d'une utilisation conforme à celle sur la base de laquelle la réglementation thermique a été établie ».
C'est une formulation positive, cernant le cas dans lequel la responsabilité peut être mise en jeu, à l'inverse de certaines formulations négatives dont nous avons eu connaissance, qui visent à bloquer toute tentative pour invoquer une défaillance de la construction sur le plan énergétique en se mettant à l'abri de la prescription décennale.
Il y a un important problème de formation dans le secteur du bâtiment. Tous les acteurs intervenant à ce titre - lycées professionnels, centres de formation des apprentis - ont un rôle à jouer en la matière, et doivent être davantage mis en relation.
Deux cents chercheurs seulement travaillent dans ce domaine, soit beaucoup moins qu'en Allemagne. Ils sont très dispersés, même si une alliance de coordination de la recherche au niveau de l'énergie a été créée pour les fédérer.
Ce grand enjeu économique concerne 1 100 000 personnes salariées dans le secteur du bâtiment, auxquels s'ajoutent 385 000 artisans. La règlementation thermique 2012 a représenté un progrès, mais il nous faut évoluer par rapport aux différents points que nous avons abordés.
L'OPECST a ouvert un certain nombre de pistes. On y voit que le secteur de la formation et l'université sont trop éloignés du secteur du bâtiment, et gagneraient à s'en rapprocher. Il faut davantage de transparence, même si cela a évolué au CSTB et au Gouvernement. La transition énergétique constitue un grand défi scientifique, technologique et social qui doit transformer notre vie au quotidien.
Je voudrais enfin citer rapidement deux sujets très importants. La qualité de l'air intérieur, qui constitue pour moi une bombe à retardement. Et la maison de demain, une construction passive qui sera capable de récupérer de la chaleur et de la restituer.
Merci et bravo pour ces travaux et propositions, dont vous avez fait passer certaines dans la loi.
J'aimerais cependant que vous nous en disiez davantage sur ce Conseil supérieur de la construction, et notamment le partage de ses compétences avec l'Agence de la qualité de la construction, mais aussi sur le partage des compétences de ces deux structures avec celles du CSTB, qui me satisfait en l'état.
Vous n'avez pas réussi à intégrer dans le texte le Haut conseil de l'efficacité énergétique, qui figure toutefois dans le rapport. Quelles seraient les relations entre ces trois structures ?
Vous avez également évoqué la proposition de créer des conseillers à la rénovation scientifique et des passeports à la rénovation. Au moment où l'on cherche à faire des économies et à simplifier, cela est-il réellement opportun ?
En matière d'économie d'énergie, qu'êtes-vous parvenus à faire passer dans le texte, et quelles préconisations n'ont pas été retenues ?
Comment s'est terminée l'aventure de l'entreprise de ouate de cellulose ? Dispose-t-on de techniciens suffisamment compétents pour assurer le contrôle des performances énergétiques ?
La France est plutôt en avance avec son système d'assurance décennale, il n'y aurait pas intérêt à mon avis à le modifier pour la performance énergétique. La jurisprudence l'a d'ailleurs élargi de telle sorte qu'il puisse jouer pour la performance des bâtiments.
Le Conseil supérieur de la construction avait été annoncé, avant la publication de notre rapport, par la ministre au mois de juin. Nous n'avons pas créé de nouvelle instance, nous avons simplement étendu ce conseil aux problématiques d'efficacité énergétique. Il doit regrouper des professionnels de tous les secteurs concernés, et valider toutes les décisions règlementaires concernant le bâtiment. Aujourd'hui, une grande partie de ces décisions relèvent du « titre V », soit une commission très secrète fonctionnant de façon peu satisfaisante. Là, l'idée est au contraire d'avoir auprès du Premier ministre un conseil regroupant tous les acteurs, se saisissant de certains dossiers et demandant au Centre scientifique et technique du bâtiment de l'éclairer.
L'Agence de la qualité de la construction rassemble des professionnels qui vérifient si les techniques nouvelles utilisées sont fiables. Le Centre scientifique et technique du bâtiment est quant à lui un organisme de recherche devant évaluer des solutions techniques.
Nous n'avons donc pas rajouté de nouvelle strate, nous avons simplement essayé de mettre de l'ordre dans celles existantes.
Nous ne souhaitons pas supprimer l'assurance décennale. Mais il y a un taux de malfaçons dans le bâtiment supérieur à celui d'autres secteurs de l'économie, et que l'assurance couvre. Va-t-on mettre la garantie de performance énergétique d'un bâtiment dans un tel système assurantiel, et qui va s'engager ? Nous n'avons fait que poser la question ...
Globalement, les recommandations les plus importantes sont passées.
L'idée des conseillers à la rénovation, qui sont en fait des personnes habilitées à intervenir, n'est pas accueillie favorablement par le Gouvernement, ni par la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), ni par la Fédération française du bâtiment (FFB). Mais si l'on ne dépense pas dès le départ 500 à 1 000 euros, on le fera après...
C'est bien vous, M. Le Déaut, qui êtes à l'origine de l'article 8 bis A ? Cette garantie, rajoutée dans le texte, ne fait-elle pas doublon avec la garantie décennale, dont le champ d'application est déjà très large ?
En effet, cela pourrait être simplifié dans le projet de loi, en conservant la garantie décennale, mais en précisant dans votre rapport le taux global de malfaçons relevé dans les secteurs couverts par ce type de garantie par rapport à d'autres secteurs n'en possédant pas.
J'ai beaucoup auditionné sur ce point : l'intention qui a présidé à l'introduction de cet article 8 bis A était bonne, mais tel qu'il est rédigé, il pose problème ...
Ce n'était pas notre rédaction, mais celle du groupe socialiste ; nous en avons une autre.
Je souhaiterais revenir sur le problème de compétences des artisans du bâtiment en matière de rénovation. On peut aller jusqu'à 30 % de pertes énergétiques du fait d'une mauvaise pose des matériaux, nous a-t-on dit. Il faudrait, dans les aides accordées à ces produits, intégrer la notion d'efficacité.
Juridiquement, lorsque l'on agrée un matériau nouveau, la notice d'utilisation est également visée. Or, dans les magasins détaillants, cette dernière n'est jamais incluse. Si c'est un artisan qui le pose, il le fera peut-être de façon correcte. Si c'est un particulier en revanche, ce ne sera pas le cas ; c'est une véritable gabegie car les aides publiques sont tout de même attribuées.
C'est dans ce cadre qu'il faut appréhender l'augmentation générale du niveau de qualification, objectif qui ne concerne d'ailleurs pas uniquement le secteur du bâtiment, mais plus largement le réseau des 400 000 artisans de notre pays. La rénovation est un art nouveau en matière de construction. Dans une quarantaine d'années, une maison sera une construction à énergie passive. Nous avons pris du retard dans la conception même de l'habitat, avec la généralisation du chauffage électrique, source de déperditions énergétiques.
Trop de gens se plaignent de ne pas constater d'améliorations notables alors qu'ils ont appliqué la règlementation thermique 2012. Il faut voir, en fait, la façon dont elle est appliquée. Alors qu'en Allemagne, la moindre fuite est traquée, c'est loin d'être le cas en France.
Vous avez proposé la création de 3 000 à 4 000 postes de conseillers à la rénovation certifiés, ce n'est pas rien !
Les architectes n'ont pas suffisamment investi en la matière. Si certains artisans se sont formés au label RGE, ce n'est pas forcément le cas de leurs employés. Il y a là un réel problème de formation.
La commission a entendu M. Jacques Chanut, président de la Fédération Française du Bâtiment (FFB) dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.
Monsieur le Président, j'ai entendu que le secteur du bâtiment avait le sourire avec le projet de loi « Macron », peut-être est-ce aussi le cas avec le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. On annonce en effet que ce texte permettrait de développer très fortement l'activité et l'emploi dans votre secteur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de me recevoir. On aimerait retrouver le sourire mais vous le savez tous, notre secteur connaît actuellement une grave crise. Notre chiffre d'affaires a baissé de 20 %. Nous attendons beaucoup des mesures proposées pour le logement neuf mais aussi pour le marché de la rénovation. Ce dernier représente plus de 55 % de notre activité.
Plusieurs éléments nous satisfont : l'amplification du financement des travaux par le renforcement de l'éco-PTZ, les mesures liées à l'écoconditionnalité, le crédit d'impôt pour la transition énergétique qui atteint 30 %. D'autres mesures vont également dans le bon sens : l'assouplissement des règles d'urbanisme ou encore les dispositions relatives au tiers-financement.
Nous avons toutefois plusieurs craintes. La première de nos craintes concerne un volontarisme déclaré qui peut freiner ou inquiéter les maîtres d'ouvrage public. Je donnerai l'exemple des BEPOS (bâtiment à énergie positive). Nous sommes inquiets à l'idée qu'on impose des obligations en la matière. Il faut être conscient du surcoût qu'entraîne le choix d'avoir un bâtiment à énergie positive. Or dans un contexte de contrainte budgétaire, je ne suis pas sûr qu'imposer une telle obligation permette de relancer l'investissement au niveau local. Il faut être vigilant par rapport aux annonces qui pourraient être faites en la matière.
Notre seconde crainte concerne les « travaux embarqués » qui conduisent, à l'occasion de travaux importants, à réaliser des travaux de rénovation énergétique. Notre crainte c'est qu'en imposant une obligation, nous bloquions le marché, les particuliers n'ayant en effet pas les moyens financiers d'assumer le coût de travaux de rénovation en plus des travaux initiaux. Il y a bien sûr des exceptions parmi lesquelles l'existence d'un surcoût disproportionné mais il ne faut pas aller trop loin. J'ajouterai que si l'obligation de travaux est ciblée sur la rénovation énergétique, on risque de connaître un transfert des travaux. Très concrètement, le particulier fera les travaux de rénovations énergétiques au lieu de refaire sa salle de bain !
Enfin, l'article 5 du projet de loi, qui est notre préoccupation majeure sur ce texte, prévoit que l'entreprise est responsable au titre de la garantie décennale des résultats en matière de performance énergétique. Lorsque vous réalisez des travaux, vous avez une obligation conventionnelle par rapport aux matériaux. Il est pour nous inimaginable de garantir par la garantie décennale le montant de la facture d'électricité. Nous ne maîtrisons pas le comportement de l'utilisateur. Si la garantie décennale est mise en jeu dès que la facture est trop importante, on assistera à une augmentation du contentieux juridique et des primes d'assurance.
Cet article 5 est d'ailleurs en contradiction avec l'article 8 bis A du projet de loi qui prévoit des garanties pour le consommateur. L'idée n'est pas de se dégager de cette responsabilité mais de l'encadrer en ayant recours à des critères objectifs.
Je vous remercie pour votre présentation. Vous nous avez indiqué que 55 % de votre activité était consacré à la rénovation. Pourriez-vous nous préciser quelle est la part pour le logement, le tertiaire et les bâtiments publics ? D'autres personnes que j'ai auditionnées ont également attiré mon attention sur les problèmes de rédaction posés par les articles 5 et 8 bis A du projet de loi sur la garantie décennale. Comment améliorer ces dispositions ? Enfin, l'article 5 ter prévoit d'inscrire pour les marchés privés de bâtiment portant sur des travaux d'un montant inférieur à 100 000 euros, une règle d'absence de solidarité juridique en cas de cotraitance. Comment justifiez-vous une telle exclusion de solidarité ?
60 % à 70 % du marché de la rénovation concerne les logements. C'est un marché très diffus, massif, très sensible. La valeur verte d'un logement, c'est-à-dire le fait pour un bâtiment d'être vertueux sur le plan énergétique, n'est pas encore ancrée dans les esprits. Pour le tertiaire, c'est différent. En effet, la consommation d'énergie est prise en compte dans les charges des sociétés. En outre, ces dernières sont attentives à leur image, le choix des bâtiments qu'elles occupent entre en ligne de compte dans la défense de cette image. En pratique, on constate d'ailleurs que les bureaux les moins énergivores sont très rapidement occupés.
Il faut accompagner le financement de la rénovation des logements. Un retour sur investissement sur 40 ans envisageable pour une société est inimaginable pour un particulier.
Je reçois demain M. Claude Turmes, député européen, qui va me dire qu'il ne faut pas se limiter aux logements et qu'il faut étendre les objectifs aux bâtiments du secteur tertiaire et aux bâtiments publics !
Il a sans doute raison. Pour le financement de la rénovation des bâtiments publics, le plan Juncker est une solution. En effet, ce type d'investissement n'entraîne pas de frais de fonctionnement, puisqu'au contraire on réalise des économies. On est, me semble-t-il, dans le champ d'application de ce plan. En résumé, il faut des financements pour la rénovation énergétiques des logements, le secteur tertiaire peut se réguler de lui-même et enfin, pour les bâtiments publics, le plan Juncker est une solution.
Sur l'article 5 du projet de loi, on recherche une solution d'équilibre. Il faut rassurer le consommateur et mettre en place un dispositif simple et efficace pour que le marché de la rénovation énergétique démarre.
Sur le recours à la cotraitance et la question de la solidarité, les clients aiment avoir une forme de garantie ; pour les artisans, prévoir une solidarité juridique est un engagement fort. La solidarité juridique freine le développement de marché en cotraitance. Il faut cependant faire attention à ce que le client ne se méprenne pas sur ces dispositions. En pratique, soit il y a sous-traitance, soit il y a des marchés séparés. Le recours à la cotraitance est peu répandu aujourd'hui. Cette disposition pourrait peut-être l'aider à se développer.
Je vous remercie d'avoir attiré notre attention sur les difficultés que pose l'intégration de la notion de performance énergétique dans le champ de la garantie décennale. À partir du moment où cette performance ne dépend pas seulement de la qualité du travail fourni par l'entreprise mais également du comportement des occupants des locaux, rendre l'entreprise responsable de l'insuffisance éventuelle de cette performance ne va pas de soi.
Au cours de notre travail d'auditions, certains chiffres ont été portés à notre connaissance. On parle de près de trente millions de bâtiments susceptibles de faire l'objet d'une rénovation énergétique. Compte tenu de ce volume, compte tenu aussi du rythme du progrès technique dans le domaine de la rénovation thermique, pensez-vous que la formation professionnelle des artisans du bâtiment et de leurs salariés soit suffisamment bien organisée pour répondre aux besoins. Ce facteur ne risque-t-il pas de bloquer la transition énergétique ?
Enfin, je voudrais exprimer une préoccupation. Comment faire en sorte que la main d'oeuvre résidente profite pleinement du marché de la rénovation thermique des bâtiments ? Nous avons déjà eu l'occasion de discuter ici de la question du recours de plus en plus massif aux travailleurs détachés dans le secteur de la construction. Il y a aussi la question des entreprises de travail intérimaire dont le siège social est à l'étranger et qui, semble-t-il, de ce fait là échapperait au droit social du pays d'accueil.
Je reviens moi-aussi sur la question essentielle de la formation des professionnels du bâtiment. Il y a de nouvelles normes, peut-être d'ailleurs y en a-t-il trop. Les enjeux de la rénovation thermique et de la transition énergétique sont-ils suffisamment pris en compte dans la formation ? L'éducation nationale a-t-elle adapté ses programmes en conséquence ?
Je partage les craintes concernant l'obligation des nouveaux bâtiments publics d'être à énergie positive. Il y a un surcoût pour réaliser ce type de construction. Que les collectivités qui en ont les moyens le fassent si elles le souhaitent. Mais imposer cette obligation risque de bloquer des projets, avec pour conséquence une difficulté à fournir les services publics pour lesquels ces bâtiments doivent être construits.
Je confirme l'importance considérable du marché de la rénovation. Il y a un besoin de construction, un besoin de rénovation. C'est pour cela que, malgré les difficultés qu'il traverse, le secteur de la construction garde malgré tout un certain optimisme. Il est vrai que, jusqu'à présent, ce marché, dont on prédit l'essor depuis des années, n'a pas encore décollé.
L'éco-conditionnalité des outils de financement constitue une réponse à la question de la formation. Le label RGE (Reconnu Garant de l'Environnement) des entreprises du secteur, qui conditionne l'accès aux dispositifs de financement public, rassure les consommateurs et incite les professionnels à acquérir les compétences nécessaires. Les chiffres montrent que cette éco-conditionnalité fonctionne et qu'il y a une vraie prise de conscience des professionnels du secteur qu'ils doivent se former. Avant l'été, on dénombrait deux cents entreprises qualifiées RGE par mois. Depuis la rentrée, ce nombre est passé à deux mille. À la fin de l'année, vingt-cinq mille entreprises auront obtenu la qualification. Pour être en mesure de répondre aux besoins du marché, nous pensons qu'il faudrait atteindre un total de trente à trente-deux mille entreprises. On s'en rapproche !
Concernant l'innovation, notamment des matériaux, je souligne qu'il n'y a pas d'innovation révolutionnaire impliquant l'émergence de nouveaux métiers, mais plutôt une adaptation des métiers existants. La révolution qui attend les professionnels du bâtiment, c'est d'apprendre à travailler ensemble, parce que la mise en oeuvre des techniques et des matériaux de la transition énergétique suppose une coordination plus poussée des interventions de chaque corps de métiers -sans quoi la performance énergétique n'est pas au rendez-vous. Les industriels nous aident d'ailleurs beaucoup à nous former, car ils sont conscients que leurs matériaux n'ont d'intérêt que s'ils sont bien posés.
Sur la question du détachement des travailleurs, il est vrai qu'elle nous préoccupe. Mais nous ne combattons pas le détachement des travailleurs européens lui-même, nous combattons la fraude au détachement : fraude sur le nombre d'heures effectuées pour un salaire fixe, sur les tarifs horaires, etc. Des mesures ont déjà été prises. La décision européenne de faire évoluer la directive sur le détachement des travailleurs va dans le bon sens ; la loi Savary visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, qui permet la responsabilisation des maîtres d'ouvrage, également. Pour avoir un dispositif complet, il manque cependant encore deux choses. La première devrait être apportée par la loi Macron, grâce à la carte d'identification professionnelle pour les salariés du secteur, résidents ou non. C'est indispensable pour pouvoir réaliser des contrôles simplement et efficacement. Il est aujourd'hui très difficile de savoir qui fait quoi sur un chantier. Avec la carte, demain, nous pourrons le savoir. La seconde chose est la mobilisation des moyens de contrôle de l'État. L'inspection du travail n'est pas en capacité de les conduire. Il faudrait pouvoir réaliser des contrôles à toute heure, même le week-end. Associer les services des douanes permettrait d'aller beaucoup plus loin dans les contrôles, notamment en permettant de contrôler les matériels en même temps que les personnes. Je regrette que M. Michel Sapin ne se montre pas davantage réceptif à cette demande. Si l'on se demande comment utiliser les cent cinquante douaniers qui étaient prévus pour faire fonctionner le dispositif Ecomouv, nous aurions quelques idées... L'idée n'est pas de faire la chasse aux travailleurs détachés, mais d'enrayer la fraude au détachement. Il y a une hypocrisie des entreprises, des maîtres d'ouvrage, des architectes, des clients... Il faut y mettre un terme en faisant respecter les règles.
Concernant la formation des professionnels du secteur je ferai quelques remarques. Il est vrai qu'il y a trop de labels en matière de qualité et de performance des constructions, avec des exigences en matière de qualification qui ne sont pas harmonisées. On s'y perd. Les professionnels du secteur sont en partie responsables de cette situation, il est vrai. Pour ce qui est du rôle de l'éducation nationale dans le processus de formation, il n'est pas encore optimal, mais je tiens à dire que l'image des métiers du bâtiment s'améliore et que la difficulté principale aujourd'hui n'est pas d'orienter en nombre suffisant les jeunes vers ces filières de formation : elle est de trouver des entreprises et des artisans pour les accueillir en formation. Le nombre d'apprentis dans les CFA est en recul de 25 % !
La séance est levée à 17h30.