Mes chers Collègues, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2016, nous accueillons M. Bruno Bézard, directeur général du Trésor.
Monsieur le directeur général, je vous souhaite la bienvenue devant notre commission. Je vous prie d'excuser l'absence du Président Jean-Pierre Raffarin qui conduit une délégation de notre commission à l'Assemblée générale des Nations Unies à New York.
La mission « Aide publique au développement » est composée de deux programmes :
le 209, qui est géré par le ministère des affaires étrangères, regroupe 1,6 milliard d'euros de crédits de paiement dans le PLF pour 2016 ;
le programme 110, dont vous avez la responsabilité, atteint quant à lui environ 988 millions d'euros, soit une baisse de 1,2 % par rapport à 2015, alors que l'ensemble de la mission APD voit ses crédits initiaux diminuer d'environ 6%.
Le programme 110 avait connu une diminution plus sensible l'année dernière (- 4,6 %), mais principalement en raison de l'extinction progressive des opérations d'annulations de dettes : ce phénomène ne se reproduira pas en 2016. Comme les années précédentes, une majorité des crédits du programme 110 sont consacrés à l'aide multilatérale. Ainsi, les crédits consacrés à l'Association internationale de développement (AID) et au Fonds africain de développement (FAD) représentent à eux-seuls près de 50 % des crédits du programme.
L'actualité de l'aide au développement est particulièrement riche cette année avec la 3ème conférence internationale sur le financement du développement à Addis-Abeba en juillet 2015, la conférence de l'ONU du 25 septembre qui a abouti aux 17 objectifs du développement durable, puis la COP 21 dans un mois. Par ailleurs, le Président de la République a annoncé une augmentation des crédits consacrés à la lutte contre le changement climatique. À la conférence internationale pour la relance économique et le développement du Mali la semaine dernière, il a également annoncé une aide de 360 millions d'euros à ce pays entre 2015 et 2017. Pourriez-vous nous indiquer de quelle manière ces annonces vont se traduire dans le budget de l'aide au développement, en particulier dans le programme 110 ?
Peut-être pourrez-vous évoquer également la question du rapprochement entre l'AFD et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), également annoncé par le Président de la République ?
Enfin, l'affectation de la taxe sur les transactions financières a fait l'objet de nombreux débats et de plusieurs amendements à l'Assemblée nationale ; nous aimerions vous entendre à ce sujet.
Je vous remercie et vous laisse la parole.
Je souhaiterais évoquer devant vous à la fois l'aide au développement et la lutte contre le changement climatique. Les orientations politiques et budgétaires sur ce sujet revêtent une importance particulière à un mois de l'accueil par la France de la 21ème Conférence des parties à la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques qui se tiendra du 30 novembre au 11 décembre prochain. Cette échéance mobilise les équipes du ministère des affaires étrangères et de la direction générale du Trésor.
D'importantes annonces ont été faites qui réaffirment notre implication en matière de développement et de lutte contre les dérèglements climatiques, car nous considérons que les deux sujets sont intimement liés.
Le Président de la République a annoncé, lors du Sommet de l'ONU fin septembre, que nous allons augmenter progressivement de 4 milliards d'euros les financements pour le développement durable à horizon 2020. Au sein de ces 4 milliards, 2 milliards seront consacrés à la lutte contre le changement climatique. En 2020, la France consacrera ainsi plus de 5 milliards d'euros par an à la lutte contre le changement climatique.
Il y a quelques jours, le 9 octobre, s'est tenue à Lima la réunion ministérielle sur la finance climat, qui a réuni plusieurs dizaines de ministres des finances et pour laquelle la direction générale du Trésor a été particulièrement mobilisée. Permettez-moi de m'arrêter quelques instants sur ce point très important.
Depuis l'inscription, dans l'accord de Copenhague, de l'objectif de 100 milliards de dollars de flux publics et privés à partir de 2020 en faveur de la lutte contre le changement climatique, il était impératif de crédibiliser l'engagement financier des pays développés. En effet, on ne savait pas très bien jusqu'alors en quoi consistaient ces 100 milliards.
Conjointement avec son collègue péruvien, le ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, a demandé à l'OCDE et à l'organisme CPI (Climate Policy Initiative) de faire un état des lieux de la mobilisation par rapport à l'objectif de Copenhague. Il s'agit d'une question délicate : par exemple, il ne convient pas de prendre en compte les financements privés qui ne sont pas directement suscités par les initiatives publiques. Au total, nous en serions ainsi à 52 milliards en 2013 et à 62 milliards en 2014 sur 100 milliards de dollars. Nous avons maintenant une méthodologie qui peut être discutée mais qui est entièrement transparente.
Le premier acquis de Lima est ainsi d'avoir reçu et analysé le rapport de l'OCDE qui semble faire l'objet d'un relatif consensus. La réunion a aussi permis de faire le point sur les annonces des pays et des banques multilatérales de développement. S'agissant de ces banques, c'est environ une quinzaine de milliards de plus en faveur du climat à horizon 2020 qui ont été annoncés. C'est pour moi un exemple clair d'une articulation efficace des efforts bilatéraux et multilatéraux. Ne nous leurrons pas : ces banques ont naturellement à coeur d'agir contre le dérèglement climatique, mais c'est aussi plus prosaïquement le poids de la France et ses importantes contributions budgétaires, portées par le programme 110, qui ont permis de susciter une telle mobilisation.
Je reviens à notre annonce de 4 milliards d'euros de plus à horizon 2020 dont 2 milliards pour le climat. C'est une cible très ambitieuse qui a des conséquences concrètes, à très court terme, sur le budget 2016 que nous discutons ce jour. En effet, les 4 milliards d'euros de financements supplémentaires se feront sous la forme de prêts de l'Agence française de développement et de Proparco. En outre, le Gouvernement s'engage, je tiens particulièrement à le souligner, à augmenter de façon parallèle son soutien au développement sous la forme de subventions. L'augmentation de l'aide se fera donc non seulement sous forme de prêts mais aussi de subventions : le niveau des dons progressera dans les années à venir afin d'être en 2020 supérieur de 370 millions d'euros à ce qu'il est aujourd'hui. Ce chiffre permettra de préserver l'équilibre actuel entre les prêts et les dons.
Après avoir participé activement aux négociations et réunions internationales sur le développement de l'année 2015 - conférence d'Addis-Abeba en juillet et Sommet de l'ONU adoptant les nouveaux objectifs de développement durable en septembre dernier - la France prend ainsi pleinement en compte les besoins des pays en voie de développement.
Ainsi, des amendements proposés par le Gouvernement sont prévus pour rehausser les moyens en faveur du développement de 150 millions d'euros dans le cadre de la loi de finances par rapport au PLF 2016 initial. Ces moyens supplémentaires concerneront pour 50 millions d'euros des subventions pour répondre à la crise des réfugiés et pour soutenir les organismes internationaux en la matière, au premier rang desquels on trouve le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) et le Programme alimentaire mondial (PAM). Pour les autres 100 millions d'euros, cette hausse conséquente, en termes relatifs, sera consacrée à des dons en faveur des actions d'adaptation des pays les plus vulnérables au changement climatique.
Pour la suite des discussions, je souhaite vous indiquer plus concrètement le contenu de ces amendements.
Un amendement du Gouvernement a été déposé et adopté lors de la séance publique à l'Assemblée nationale le vendredi 16 octobre. Il permet de rehausser le montant de la taxe sur les transactions financières française actuelle (TTF) affectée au développement, pour porter le montant actuellement prévu de 160 millions d'euros à 260 millions d'euros. Cette hausse de 100 millions d'euros via la TTF, qui elle-même abonde le Fonds de solidarité pour le développement (FSD), servira à financer les subventions en faveur de l'adaptation au changement climatique. On passe ainsi de 140 millions d'euros de TTF affectée au développement en 2015 à 260 millions d'euros en 2016, il y a donc une augmentation de 120 millions d'euros de l'affectation du produit de la TTF au développement.
Un autre amendement qui sera discuté prochainement permettra d'abonder de 50 millions d'euros supplémentaires le programme 209 pour contribuer à la réponse à l'importante crise migratoire liée notamment au conflit en Syrie.
Pour tenir compte des annonces du Président de la République en termes d'augmentation de l'activité de prêts de l'AFD, un amendement sera également nécessaire pour augmenter les moyens de l'Agence française de développement dès 2016 (bonification des prêts). Pour réaliser 500 millions d'euros d'engagements de plus dès 2016, première étape vers les 4 milliards d'euros supplémentaires en 2020, des autorisations d'engagement budgétaires supplémentaires seront nécessaires sur les programmes 110 et 853.
Le niveau total de la mission budgétaire « APD », des programmes 110 et 209 et du Fonds de solidarité pour le développement devrait donc s'élever, hors dépenses de personnel, à 2 945 millions d'euros pour 2016 et ainsi être stabilisé par rapport à l'année dernière. C'est, compte tenu de l'équation budgétaire que vous connaissez très bien, un effort considérable.
Je veux maintenant rappeler la décision de la France de participer, sous l'impulsion de Laurent Fabius, à la nouvelle Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures (AIIB). La France est membre fondateur depuis le 2 avril dernier. Cette nouvelle banque sera essentielle pour soutenir le développement de l'Asie par le biais de projets d'infrastructures. Notre implication a notamment permis que le caractère durable du développement soit inscrit dans les statuts de la Banque. Le Royaume-Uni a également adhéré à cette banque, ainsi que l'Allemagne et l'Italie. Pour le moment, les États-Unis et le Japon n'ont pas adhéré.
Enfin, je tenais à vous fournir plus d'information sur un grand chantier lancé fin août sur impulsion du Président de la République : il s'agit de donner à l'Agence Française de développement (AFD), qui est notre opérateur phare en termes de développement, les moyens de mettre en oeuvre le plan ambitieux de hausse de nos financements pour le développement durable que nous prévoyons d'ici 2020.
Pour cela, le Président de la République a décidé de rapprocher l'AFD de la CDC. Cette réforme a pour but de faire bénéficier l'AFD de la puissance financière de la CDC et de lui donner un ancrage local et économique.
Un préfigurateur, le Secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères et du développement international, a été nommé : il travaille avec une task force à laquelle contribue la direction générale du Trésor et est chargé de proposer un schéma de rapprochement d'ici la fin de l'année. Des décisions seront prises en janvier pour une mise en oeuvre dès avril à l'occasion du bicentenaire de la CDC. C'est un gros travail auquel sont associés tous les « corps de métier » de l'administration : le social, le prudentiel (l'augmentation conséquente de l'activité de l'AFD d'ici 2020 nécessitera des apports de fonds propres additionnels), la gouvernance, etc. En termes de gouvernance notamment, un des points importants est de faire en sorte que l'Etat conserve son rôle de définition et de contrôle sur la politique de développement.
Sur le plan technique, plusieurs options existent : une filialisation de l'AFD, une entrée de l'AFD dans le groupe Caisse des dépôts, etc. Il convient d'étudier ces différents schémas techniques qui ont tous leurs avantages et leurs inconvénients. Nous sommes mobilisés sur ce travail avec l'AFD et les équipes du MAEDI et du Trésor.
Vous le voyez, l'année 2015 a été très riche du point de vue du développement : nouveau cadre de financement, nouveaux objectifs, nouveaux acteurs, et demain je l'espère, un accord ambitieux sur le climat. Nous nous efforçons de répondre à ces enjeux malgré le cadre budgétaire contraint.
Il y a donc quelques bonnes nouvelles malgré le contexte budgétaire difficile, notamment le rapprochement de l'AFD et de la CDC qui permettra au nouvel opérateur de se hisser au niveau des organismes de coopération de certains pays voisins.
Pour ma part, j'ai d'abord constaté que les crédits de l'aide publique au développement avaient été fortement diminués au sein du PLF 2016, la baisse étant de 6,3 %. Par rapport aux enjeux actuels et aux déclarations récentes du Président de la République, cela me semblait quelque peu contradictoire. Toutefois, les amendements déposés par le Gouvernement ont permis de ramener les crédits consacrés à l'aide au développement à un niveau proche de celui de l'année dernière. Nous saluons cet effort, ainsi que l'augmentation du plafond de la taxe sur les transactions financières (TTF), les financements innovants devant contribuer à l'aide au développement sans se substituer aux crédits budgétaires. Nous pensons que l'aide au développement constitue une grande politique nationale, nécessaire pour l'avenir du monde, sa paix et sa sécurité.
Il est certes nécessaire que la France s'engage davantage dans la lutte contre le changement climatique, en particulier à travers la COP 21. Toutefois, il faut veiller à ce que ces dépenses utiles ne se substituent pas à l'aide publique au développement classique ! Les efforts financiers annoncés par le Président de la République concernent en effet essentiellement le climat.
Par ailleurs, comment faire pour éviter le « saupoudrage » des crédits du programme 110 qui alimentent de très nombreux fonds ? Les crédits supplémentaires de la TTF affectés à l'aide au développement transiteront par le FSD. Pourrions-nous avoir davantage d'information sur les opérations menées par ce fonds ? Enfin, vous avez indiqué qu'il était nécessaire de maintenir l'équilibre prêts/dons actuel. Nous pensons que les dons devraient occuper une place un peu plus importante, notamment afin que les pays les plus pauvres, qui ne peuvent pas bénéficier de prêts, reçoivent davantage d'aide.
Votre présentation nous montre un budget 2016 économe mais compte tenu des amendements que le Gouvernement a déposés à l'Assemblée nationale, nous nous réjouissons que ce budget, pour la première fois depuis plusieurs années, soit stable par rapport à celui de l'année précédente. Par ailleurs, concernant le rapprochement de l'AFD et de la Caisse des dépôts, permettra-t-il de rendre le nouvel opérateur plus concurrentiel par rapport aux autres grands organismes de développement ?
Le président de la République a annoncé, le 27 septembre à l'ONU, une hausse de 4 milliards d'euros des financements de la France en faveur du développement. Quelle forme prendront ces nouveaux financements ? En outre, l'AFD aura-t-elle la capacité humaine et technique pour faire face à cette forte augmentation d'activité ? Enfin, on a vu à Bonn que les négociations sur le climat restaient difficiles ; êtes-vous confiants sur la possibilité d'obtenir des avancées d'ici l'ouverture de la COP 21 dans trois semaines ?
Plus de climat ne doit pas vouloir dire, en effet, moins de développement. Sur les quatre milliards d'euros supplémentaires, il y a deux milliards pour le climat et deux milliards pour le développement classique. Dans la réalité des choses, il ne faut pas opposer les deux. Ainsi, si vous financez une centrale électrique propre dans un pays en développement, vous faites les deux, mais je vous rejoins totalement. D'accord aussi pour éviter le saupoudrage car on est moins visible politiquement et l'effet de levier est moindre. Nous y veillons et nous nous concentrons sur l'Association internationale de développement (AID) et le Fonds africain de développement (FAD). Votre question sur le Fonds de solidarité pour le développement (FSD), c'est un jeu d'écritures si je puis dire, d'entrées et de sorties d'argent, dont nous pouvons vous fournir les détails. Sur le sujet récurrent des dons et des prêts, nous pensons que l'équilibre actuel est le moins mauvais, compte tenu des fortes contraintes budgétaires. On ne peut pas se permettre dans ce contexte d'augmenter massivement les dons. Personnellement, je n'idéalise pas les dons pour diaboliser les prêts.
Nous nous rejoignons donc. C'est sympathique de faire des prêts mais c'est inutile si c'est pour constater que les pays sont surendettés. La direction du Trésor est attentive au niveau d'endettement des pays et parfois nous disons à nos dirigeants qu'il faut arrêter les prêts à tel pays qui est à la limite du surendettement. Si les conventions de prêt débouchent sur des annulations, alors il vaut mieux faire des dons. D'autres projets dégagent au contraire de la rentabilité et les dons seraient du « gaspillage ». Il y a donc un équilibre à trouver, compte tenu aussi des contraintes budgétaires. La Conférence internationale sur le financement du développement d'Addis-Abeba en juillet 2015 a retenu la pluralité des instruments, le « mixte » entre prêts et dons, comme une bonne chose. Nous essayons de traiter les dossiers au cas par cas, c'est-à-dire d'apprécier la rentabilité de chaque projet. Sur la question de l'adossement de l'AFD à la Caisse des dépôts, nous regardons ce que font les opérateurs de développement concurrents, la banque publique d'investissements allemande, la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW) principalement, mais aussi les opérateurs britanniques et japonais et quelques autres. M. Pierre-René Lemas, directeur général de la Caisse des dépôts, a envoyé ses équipes « benchmarker » auprès de la KfW et nous discutons beaucoup avec cet opérateur pour prendre ce qui est transposable, notamment en matière d'organisation interne. L'objectif du rapprochement entre l'AFD et la Caisse des dépôts, c'est naturellement de renforcer l'AFD. En ce qui concerne l'augmentation des financements prévue à l'horizon 2020, il y a 4 milliards d'euros de prêts auxquels s'ajoutent 370 millions d'euros de dons. La capacité financière, humaine et technique de l'AFD sera-elle suffisante ? C'est un point que nous regardons avec la direction générale de l'AFD. Il ne suffit pas en effet de faire des annonces, la logistique doit suivre et pour ce faire, l'AFD doit avoir des moyens suffisants. Pour que l'AFD fasse des prêts et des dons, il faut qu'elle ait plus de crédits de bonification car ces prêts ne sont pas au taux du marché et il faut qu'elle ait suffisamment de fonds propres. L'AFD est en effet soumise à une réglementation prudentielle qui fixe les niveaux de fonds propres exigés en fonction du montant des prêts octroyés. Si le volume des prêts augmente, il lui faudra plus de fonds propres. Tout ceci est au coeur des discussions avec la Caisse des dépôts. Sur la question du suivi des négociations en vue de la COP 21, je suis moins informé que Mme Laurence Tubiana, la représentante spéciale pour la Conférence Climat Paris 2015, avec laquelle nous travaillons et qui les suit au jour le jour. Il y a des discussions en cours actuellement à Bonn pour préparer la COP 21. Je crois que l'un des sujets les plus importants est d'avoir une bonne entente avec la Chine. Le changement climatique est un problème politique majeur pour ce pays. Nous avons des discussions quotidiennes avec nos homologues chinois pour obtenir leur adhésion et le Président de la République s'y rend en visite d'Etat dans quelques jours pour discuter avec le Président Xi Jinping de la contribution de la Chine à cette dynamique mondiale. Sur la scène internationale, les Chinois ont annoncé la création d'un fonds de 20 milliards de yuans, soit un peu plus de 3 milliards de dollars américains considéré par la Chine comme un don Sud-Sud.
Expertise France, notre agence d'expertise technique internationale issue de la fusion de six opérateurs publics de coopération technique, au conseil d'administration de laquelle Christian Cambon et moi siégeons, constitue un formidable outil pour aider, d'une façon à la fois réactive et concrète, les pays en développement et leurs populations. Depuis sa création, il y a moins d'un an, cette agence est intervenue en République centrafricaine, au Mali, en Afghanistan entre autres ; elle a appuyé plusieurs pays pour la préparation de leur dossier en vue de la COP 21 ; elle enregistre une croissance d'activité de 15 %, tout en maintenant son budget à l'équilibre. Son succès, cependant, tient à la mobilisation exceptionnelle de son personnel, et il est conditionné au soutien financier de l'État. Dans ces premières années décisives pour Expertise France, il est indispensable de pérenniser le niveau de la subvention que lui verse l'État. Je sais que cette demande est partagée par Christian Cambon.
Je le confirme. Expertise France, née d'une initiative sénatoriale, représente un magnifique outil.
L'objectif de l'aide au développement, c'est la lutte contre la pauvreté dans le monde. Mais quels sont les résultats de l'effort consenti par la France en la matière ? Quelle est l'efficacité de nos choix budgétaires ? Comment mesure-t-on cet impact ? Pours quels ajustements ?
Notre commission est traditionnellement attentive à cette évaluation de la politique d'aide au développement, qui constitue un exercice délicat.
Tout en comprenant l'appel au rééquilibrage entre dons et prêts d'aide au développement que formulait tout à l'heure Henri de Raincourt, je crois que les meilleurs dons que nous puissions faire aux pays que nous aidons à se développer, ce sont les prêts à taux bonifié. Ces prêts peuvent avoir un puissant effet de levier sur le développement économique. À cet égard, je note qu'il serait opportun que l'accès aux prêts proposés par Proparco, notamment en Afrique, soit rendu aussi aisé que l'accès à ceux qu'offre l'AFD.
Par ailleurs, le risque démographique qui pèse sur le monde me paraît au moins aussi important que le danger climatique. Si l'Afrique doit voir doubler sa population d'ici 2050, tous les effets du développement s'en trouveront annulés ! C'est un enjeu majeur ; comment notre politique d'aide au développement le prend-elle en compte, en termes de planning familial ?
Nous sommes actuellement en train de négocier avec Expertise France son contrat d'objectifs et de performances. Pour 2016, il est notamment prévu une dotation de 3,85 millions d'euros à l'établissement s'agissant uniquement du programme 110. Tous les opérateurs doivent contribuer à l'effort de redressement de nos finances publiques, mais j'entends bien votre intérêt particulier pour celui-ci...
La mesure de l'efficacité de notre aide publique au développement est un vieux sujet ; il n'en est pas moins essentiel. L'APD constitue sans doute la politique publique dont l'évaluation est la plus difficile à mener. Cependant, les indicateurs mis en place dans le cadre de la LOLF, les évaluations conduites par l'AFD et les mesures d'impact des banques multilatérales financées par la France constituent un ensemble significatif pour cerner cette efficacité. Nous y sommes très attentifs.
Je partage tout à fait le point de vue de M. Joyandet sur les prêts d'aide au développement. Lorsque ces prêts sont pratiqués à bon escient, ils jouent un effet de levier qui maximise l'aide. C'est le développement économique qui permet de faire avancer les pays aidés. La synergie qui existe en ce domaine entre l'AFD et sa filiale Proparco sera préservée dans le projet en cours d'élaboration avec la Caisse des dépôts.
L'évolution démographique est assurément un sujet d'importance. De nombreux programmes de notre aide au développement s'y rattachent, par exemple dans le secteur de l'éducation et de la jeunesse. Pour ce qui est précisément fait en matière de planning familial, il faudrait se rapprocher du ministère des affaires étrangères et de l'AFD. La focalisation actuelle sur les enjeux climatiques, liée à la proximité de la COP 21, ne nous fait pas oublier les autres risques.
Il n'y a pas lieu d'opposer démographie et climat : les risques climatiques ne font qu'amplifier les difficultés. Les pays les plus vulnérables à cet égard sont les pays les plus pauvres. Des mesures d'adaptation sont nécessaires pour répondre aux migrations que le changement climatique risque d'entraîner - on parle de 200 millions de réfugiés climatiques à l'horizon 2050 ; vous avez évoqué la contribution française au dispositif envisagé en la matière. Par ailleurs, compte tenu des dégâts que le changement de climat est susceptible d'occasionner - leur montant pourrait atteindre 1 000 milliards de dollars en 2050 -, une réflexion a-t-elle été entreprise avec les sociétés d'assurances et de réassurance ?
En juillet 2014, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont tenu un sommet au Brésil à l'issue duquel a été décidée la création d'une banque de développement des BRICS. Le 24 octobre 2014, la Chine a pourtant pris tout le monde de court en créant l'AIIB. Cette nouvelle banque est capitalisée à environ 100 milliards de dollars. Or un rapport de l'ancienne banque asiatique de développement chiffrait en 2009 entre 8 000 et 13 000 milliards de dollars pour la décennie à venir les besoins financiers pour assurer le développement des pays asiatiques. La création de la nouvelle banque semble donc être avant tout un geste politique. Elle reflète également la volonté de la Chine de convertir une partie de ses énormes réserves de change en capital politique international sans paraître s'immiscer dans les affaires des autres pays. Cette banque va contribuer à l'internationalisation du renminbi. Avez-vous des informations sur les changements de rapports de force au sein des BRICS ? Savez-vous par ailleurs à quelle échéance le renminbi va devenir une monnaie internationale aux côtés du dollar et de l'euro ?
Je pense qu'il est nécessaire de ne pas perdre de vue l'approche par thème de ces sujets, sur des zones qui dépassent le territoire d'un ou de plusieurs pays. Il en est ainsi, par exemple, de la déforestation ou l'usage abusif du charbon comme source d'énergie. Il faut également citer le développement agricole, la prospection de l'or, la fabrication de sel à partir d'eau en ébullition, etc.
La lutte contre le changement climatique constitue un gisement de créations d'entreprises innovantes et exportatrices en France. Comment associer aide au développement et aide à l'export de ces PME ?
Il est certain que la question du changement climatique doit intéresser les acteurs financiers. Avec Michel Sapin, nous avons engagé une démarche auprès des régulateurs financiers (marchés financiers, banque et assurance) de la planète réunis au sein du conseil de stabilité financière (Financial Stability Board ou FSB), présidé par Mark Carney, gouverneur de la banque d'Angleterre, afin de les sensibiliser à cette question. Sceptiques au début, ces régulateurs ont finalement été convaincus que le changement climatique les concernait directement. Par exemple, une banque ne peut plus financer comme auparavant une centrale à charbon alors que ce type d'équipement devient quasiment « interdit » et perd toute sa valeur. En outre, nous pressons les banques et les assurances de rendre publique leur exposition au risque climat et d'introduire le critère environnemental dans leurs décisions de financement.
Il est clair que l'AIIB constitue pour les Chinois une façon de répondre au fait que la banque asiatique de développement est très influencée par le Japon et que la réforme du FMI marque le pas. Nous encourageons d'ailleurs la Chine à s'investir davantage dans les mécanismes multilatéraux. Quant à la banque de développement des BRICS, elle a bien été créée mais elle ne semble pas très active pour le moment. Elle développera peut-être son activité ultérieurement.
La France place 675 millions de dollars sur cinq ans dans l'AIIB, ce qui en fera un actionnaire important de cette nouvelle banque. Le projet de loi de ratification correspondant vous sera bientôt soumis.
Le renminbi est de plus en plus présent dans les échanges internationaux. Nous sommes favorables à cette évolution car la France s'est toujours prononcée en faveur d'un monde multipolaire, dont le dollar ne soit pas la seule monnaie internationale. La Chine est un acteur majeur du commerce international et doit donc être un acteur monétaire important. En outre, le renminbi n'est plus sous-évalué, comme Christine Lagarde, la directrice générale du FMI, l'a confirmé récemment. Enfin, le FMI devrait prochainement rendre un rapport sur l'entrée du renminbi dans le DTS (droits de tirage spéciaux). Si le rapport du FMI est favorable, la France soutiendra cette entrée qui reflètera une participation accrue de la Chine au système monétaire international.
Les approches sectorielles sont certes nécessaires - l'AFD a d'ailleurs des cadres d'intervention sectoriels - mais en évitant de constituer des « silos ». Il faut avoir une politique de l'eau, de la santé, de l'emploi, des énergies renouvelables, du planning familial. C'est ce que s'efforcent de faire les collaborateurs de l'AFD, dont la qualité est reconnue.
Nous poursuivons nos auditions dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, en accueillant M. Jean-Paul Bodin, Secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense.
C'est un grand plaisir de vous retrouver, Monsieur le Secrétaire général, pour l'examen de ce projet de budget. Nous serons attentifs aux indications que vous allez nous apporter, en particulier sur le programme 212 de « soutien de la politique de défense », qui représente à lui seul 21,2 milliards d'euros. Ce programme centralise depuis cette année l'ensemble des crédits de personnel du ministère de la défense, soit 19 milliards d'euros, afin de permettre aux autres composantes du ministère de se consacrer à leur coeur de métier. Vous nous direz comment vous réalisez ce pilotage des ressources humaines, dans le contexte tendu de l'actualisation de la loi de programmation militaire qui a nécessité de revoir la trajectoire d'évolution des effectifs et de procéder à un recrutement conséquent, notamment au profit de la Force opérationnelle terrestre.
Les rapporteurs de ce programme - nos collègues Robert del Picchia et Gilbert Roger - souhaiteront aussi vous interroger sur les autres politiques dont vous êtes en charge, qu'il s'agisse de la politique immobilière, de l'accompagnement des restructurations ou du pilotage des systèmes d'information qui constitue une source réelle d'inquiétude.
Je suis heureux de vous retrouver pour l'examen du projet de loi de finances 2016.
Les crédits du programme 212, hors titre 2, s'élèvent pour 2016 à 2,327 milliards d'euros en AE (diminution de 270 millions d'euros) et à 2,027 milliards d'euros en CP (augmentation de 66 millions d'euros), rehaussés à 2 306 millions d'euros en CP en raison de l'ajout de 200 millions d'euros de recettes exceptionnelles issues du produit des cessions immobilières ainsi que 79 millions d'euros relatifs au recouvrement des indus Louvois.
Les effectifs relevant du secrétariat général pour l'administration en sa qualité d'employeur représenteront 15 076 emplois en 2016, dont 3 829 militaires (25 %) et 11 246 civils (75 %), soit une réduction de 300 postes par rapport à 2015. Pour autant, suite aux décisions arrêtées en conseil de défense, le SGA a bénéficié de 550 créations de poste sur la durée de la LPM dont 104 au titre de 2015 et 33 pour 2016.
2016 sera la seconde année de la nouvelle gouvernance du titre 2 placée sous la responsabilité du SGA. Les ressources inscrites au titre des dépenses d'effectifs s'élèvent à 11,27 milliards d'euros, soit une augmentation de 340 millions d'euros par rapport à 2015, ce qui traduit notamment la fin de la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre (FOT) à hauteur de 11 000 postes.
En 2016 le ministère se voit attribuer un schéma d'emploi de +2 300 équivalents temps plein (+3 081 militaires et -781 civils), soit 6 800 créations d'emplois et 4 500 suppressions de postes. Le solde positif ne doit pas masquer ces suppressions de postes, qu'il faut accompagner.
Le plafond ministériel des emplois autorisés pour 2016 s'établit ainsi à 271 510 équivalents temps plein travaillé (76 % de militaires et 24 % de civils). Le schéma d'emploi bénéficie essentiellement aux militaires du rang (+2 072) et aux sous-officiers (1 079), la catégorie des officiers restant en légère diminution (-50). Hormis les ouvriers de l'Etat, dont la réduction est globalement maintenue (-1 100), les autres catégories du personnel civil ont bénéficié de l'allégement, notamment les catégories A (+410) et B (+116).
Le plan catégoriel de l'année 2016 s'établit à 33,8 millions d'euros, dont 32,2 millions d'euros pour le personnel militaire et 1,6 million d'euros pour le personnel civil. Ces crédits sont en diminution régulière depuis 2010 et les mesures réellement nouvelles, hors extension de mesures décidées auparavant, représentent en 2016 4,52 millions d'euros, ce qui ne va pas sans comporter d'importants risques en termes d'acceptabilité sociale, sur lesquels j'appelle votre attention.
Je considère que la réforme du titre 2 a commencé à porter ses fruits après une année pleine de fonctionnement. La simplification de l'organisation - un seul programme au lieu de 5 précédemment et 13 BOP au lieu de 22 - réduit le nombre de responsables, facilite le dialogue de gestion et améliore le pilotage par les gestionnaires. Ceux-ci doivent toutefois être vigilants sur certains facteurs d'évolution de la dépense qui ne sont pas directement à leur main, s'agissant de l'engagement des personnels militaires sur le terrain, par exemple dans le cadre de Sentinelle. La bonne gestion du titre 2 repose donc sur un dialogue solide entre employeurs et gestionnaires au travers du comité de direction du titre 2 que je réunis chaque trimestre.
Nous travaillons notamment, à la demande du CEMA, sur la politique RH. L'ambitieux objectif de dépyramidage de la structure des emplois d'officiers qui vise à diminuer la part relative des officiers supérieurs (colonels, lieutenants colonels et assimilés) est en cours et s'est traduit par une baisse des tableaux d'avancement depuis 2012 de 30 % sur ces grades.
S'agissant des effectifs civils, le besoin fonctionnel conduit à une augmentation du taux de personnel civil de catégorie A, qui progressera de 6 points entre 2013 et 2016 (17,5 %), notamment pour répondre aux besoins dans le domaine du Renseignement et de la Cyberdéfense.
J'ai enfin souhaité vous faire un point de situation sur Source Solde, conduit désormais comme un programme d'armement, qui remplacera le système Louvois. La procédure de dialogue compétitif, initiée le 1er février 2014, s'est achevée par la remise des offres finales des candidats le 11 février 2015 et la notification du contrat à la société SOPRA STERIA le 22 avril 2015. En 2016, se poursuivra le développement de la solution technique. Un pilote sera présenté au Ministre dans quelques semaines. À l'issue de la qualification débuteront les phases de solde à blanc et de solde en double au sein de la marine (qui doit rejoindre en premier le nouveau système). La mise en service opérationnel de Source Solde devrait intervenir en 2017 pour la marine, 2018 pour l'armée de terre et 2019 pour le service de santé des armées et l'armée de l'air.
L'année 2015 a permis de constater une atténuation des erreurs du calculateur Louvois et de l'efficacité des mesures de contournement mises en place. Ainsi pour la solde de septembre 2015, on constate sur un ensemble de 174 099 soldes gérées par Louvois, 122 soldes nulles (correspondant à des recrutements en cours de mois non encore intégrés par le système), 3 794 soldes faibles, 2 133 soldes élevées et 4 interventions dans le cadre du plan d'urgence ministériel. Une amélioration du système est donc observable mais le calculateur pose encore des difficultés notamment lorsqu'il faut intégrer de nouvelles indemnités.
342,6 millions d'euros de trop perçus ont déjà fait l'objet d'une notification aux administrés, dont 156,3 millions d'euros étaient déjà remboursés en août 2015.
Quelques mots sur les politiques du programme 212.
En matière de politique immobilière, le PLF 2016 prévoit la poursuite des efforts engagés précédemment avec un niveau d'engagement en investissement en légère baisse à hauteur de 1,6 milliard d'euros (-94 millions d'euros) et celui des crédits de paiement en augmentation de près de 120 millions d'euros pour atteindre 1,17 milliard d'euros (y compris dépenses relatives à la dissuasion). Ce budget intégrera les ressources issues des cessions immobilières à hauteur de 200 millions d'euros en CP, alimentées en grande partie par la cession des emprises parisiennes. En 2016, les grands investissements concerneront toujours les programmes majeurs : MRTT, FREMM, BARRACUDA, SCORPION ainsi que la remontée en puissance de l'armée de Terre, nécessitant des travaux dans 31 régiments, pour permettre l'augmentation des effectifs de la FOT. Concernant la protection défense, la priorité portera tout particulièrement sur les dépôts de munitions pour un montant de 60 millions d'euros.
L'effort concernant l'adaptation de l'offre de logement proposée aux ressortissants du ministère sera poursuivi notamment outremer pour limiter le recours à la prise à bail et en région parisienne notamment par la rénovation de la caserne d'Artois à Versailles (38 logements). Le ministère a un parc d'environ 51 000 logements dont 80 % sont loués. L'État demeure néanmoins propriétaire d'un certain nombre de logements car cela facilite la prise de décision en matière de loyers, et permet des loyers plus bas, notamment en Ile-de-France. Nous souhaitons également augmenter la part de logements domaniaux outre-mer, où les loyers sont très élevés.
Les systèmes d'information, d'administration et de gestion (SIAG) demeurent au coeur du fonctionnement quotidien du ministère et constituent un élément important des chantiers de modernisation. En 2016, près de 111 millions d'euros de crédits de paiement et 138 millions d'euros d'autorisations d'engagement y seront consacrés. Les principaux projets sont ALPHA (modernisation des processus achat), ARCHIPEL pour le déploiement au ministère de la défense de la brique logicielle VITAM, qui fait l'objet d'un projet interministériel de développement de gestion d'archives, CLADE (gestion de bibliothèque numérique), ARES V2 (habillement), le projet de relation soutenants-soutenus (PR2S) pour la simplification de la relation entre services et bénéficiaires auxquels il faut ajouter plusieurs projets de la famille SOURCE dans le domaine RH. Nous réorganisons également la fonction paie du personnel civil grâce au système Alliance qui doit être parfaitement consolidé.
Les plans d'accompagnement aux restructurations (PAR) militaires et civils, inscrits au titre 2, s'élèvent à 179 millions d'euros mais baissent d'environ 10 % par rapport à 2015 en raison de la diminution des restructurations territoriales. Le PAR civil est en diminution de 5,79 millions d'euros, due à une moindre mobilité, tout comme le PAR militaire (-13,60 millions d'euros pour des raisons techniques) qui permettra néanmoins de couvrir le financement de 920 pécules modulables d'incitation au départ (888 attribués en 2015).
En matière de reconversion du personnel, la dotation inscrite en PLF 2016, de 34,93 millions d'euros, est en augmentation de 1,69 million d'euros en AE et de 1,75 million d'euros en CP par rapport au PLF 2015. Elle permet de financer la création d'une « mission de reconversion des officiers » et de maintenir l'effort sur l'accompagnement des sous-officiers et des militaires du rang. En 2015, le taux de reclassement du personnel militaire a été maintenu au niveau constaté en 2014, soit 64 %. La reconversion s'accompagne d'un effort budgétaire engagé en 2015 en faveur de la formation professionnelle qui permet de reclasser les bénéficiaires beaucoup plus rapidement (98 jours avec formation, 268 sans). Celui-ci sera poursuivi en 2016 pour un coût de 16 millions d'euros.
Les crédits titre 2 consacrés à l'indemnisation du chômage augmentent de 5 % en 2016 et s'élèvent à 126,08 millions d'euros. Ils permettront d'indemniser près de 12 500 personnes. Cette progression permet de se rapprocher du besoin réel, estimé à 133 millions d'euros en 2015 pour 13 300 demandeurs d'emploi.
La dotation destinée au financement de la politique d'action sociale reste stable à 85,4 millions d'euros pour 2016 et permettra d'assurer la continuité et la qualité des prestations sociales (« prestation de soutien en cas d'absence prolongée du domicile » en remplacement du CESU défense, dispositif d'aide à l'accueil périscolaire pour les enfants de 6 à 11 ans) et l'aide à la petite enfance (ouverture de 3 crèches, dans l'objectif de disposer d'une crèche par base de défense,). L'institution de gestion sociale des armées (IGeSA) recevra en 2016 une subvention de 56,3 millions d'euros, en augmentation de 2,3 millions d'euros par rapport à 2015. Nous avons renouvelé notre contrat d'objectifs avec cette structure.
Enfin, les crédits consacrés au soutien de l'administration centrale s'élèveront en 2016 à 357 millions d'euros en AE et 442 millions en CP, soit une baisse de 19 % (- 83,5 millions) en AE et 0,5 % en CP (- 2,4 millions) par rapport à 2015. Ces baisses résultent notamment de l'absence d'acquisition de véhicules neufs de la gamme commerciale, de la poursuite de la décroissance des crédits relatifs à l'accompagnement des restructurations, d'une diminution de 13 millions d'euros des crédits de fonctionnement liée à l'évolution favorable des indices économiques, de la baisse de l'entretien du parc immobilier suite au regroupement sur le site de Balard, qui sera achevé mi-novembre.
Je vous remercie. La parole est maintenant aux deux rapporteurs du programme 212.
Pouvez-vous nous indiquer les évolutions nettes d'effectifs par armée, direction et service en 2016, c'est-à-dire la répartition de l'augmentation nette de 2 300 postes prévue ?
Les cessions immobilières doivent rapporter 200 millions d'euros en 2016. Pouvez-vous faire un point sur les cessions réalisées en 2015, celles prévues pour 2016, s'agissant notamment de l'îlot Saint-Germain et de l'Hôtel de l'Artillerie. Où en est la négociation avec la ville de Paris ? Quelles sont les cessions réalisées en province ? Comment devrait évoluer cette ressource exceptionnelle au cours des années à venir ?
Quel bilan peut-on faire des investissements en infrastructures réalisés et en cours de réalisation afin d'accompagner les grands programmes d'armement ? Quelles sont les difficultés rencontrées ?
Est-il satisfaisant de voir des militaires quitter leurs fonctions pour le secteur privé, tandis que des civils sont recrutés pour le renseignement, en l'absence de formation adéquate pour les militaires ? À quel niveau intégrez-vous les civils recrutés ?
Y a-t-il encore des difficultés ou des résistances à la récente réorganisation de la gestion des ressources humaines au sein du ministère de la défense ?
Le déménagement à Balard donne-t-il lieu à des difficultés particulières ? Certains services sont demeurés à Arcueil. Des services resteront-ils localisés en dehors de Balard ?
Quels sont les délais et les modalités de mise en oeuvre des restructurations ? Que se passera-t-il au cours des prochaines années, compte tenu de l'actualisation de la LPM ? Pouvez-vous nous apporter un éclairage supplémentaire sur la décroissance des crédits d'accompagnement aux restructurations ?
Les dysfonctionnements de Louvois donnent lieu à des récupérations de trop-perçus. La totalité de la dette sera-t-elle recouvrée ? La mise en oeuvre et le développement du nouveau système d'information, Source Solde, sont-ils satisfaisants ?
S'agissant des effectifs, je peux d'ores et déjà vous communiquer le tableau des effectifs par armée, et vous ferai parvenir des indicateurs d'évolution ultérieurement.
Nous avons cédé les sites de la Pépinière, pour 119 millions d'euros et de Bellechasse-Pentemont pour 137 millions d'euros, au profit du compte d'affectation spéciale. Nous avons par ailleurs cédé une partie de la caserne Lourcine, tout en conservant une partie du bâtiment comportant des places d'hébergement qui nous seront utiles pour loger les militaires engagés dans l'opération Sentinelle.
Il reste à céder l'îlot Saint-Germain et Saint Thomas d'Aquin. Le ministère de la défense considère que le site de Saint Thomas d'Aquin devrait faire l'objet d'un appel d'offres, comme ce fut le cas, avec succès, pour les sites de Bellechasse et de la Pépinière. SciencesPo a fait une offre sur cet immeuble. La décision de procéder à une cession de gré à gré ou à un appel d'offres n'appartient pas au ministère de la défense. Ce dossier est soumis à l'arbitrage du Premier ministre. La commission relative à la transparence des cessions immobilières doit également être saisie. Nous restons convaincus que l'appel d'offres serait la meilleure formule, sous réserve du classement des bâtiments et de ce qui pourrait être décidé en matière de logement social, dans le cadre de la révision des schémas d'urbanisme du 7ème arrondissement de Paris.
Les discussions sur ces deux sites sont pilotées par le Préfet de Paris. S'agissant de l'îlot Saint-Germain, ces discussions portent sur la part de logement social et sur la surface à prendre en compte pour le calcul de cette part.
Non, aucune décision n'est prise. Les discussions sont en cours.
Ce n'est pas la Mairie du 7ème arrondissement qui est en cause mais la Mairie de Paris. Cet arrondissement est historiquement celui de l'armée. Serait-il envisageable de retenir une partie des logements sociaux créés au profit des familles de militaires ?
Nous sommes à la recherche de logements dans Paris. Nous nous rapprochons, pour ce faire, des bailleurs sociaux. L'hypothèse que vous évoquez pourrait être discutée, en fonction des projets qui seront élaborés.
La partie moderne du Val-de-Grâce fermera en 2017 et entrera alors sur le marché. La partie historique sera conservée par le ministère de la défense. La préfecture de Paris a déjà engagé des discussions avec des repreneurs éventuels. Cet immeuble pourrait être cédé à la fin de 2016 ou en 2017.
Nous espérons 50 millions d'euros de produits de cessions en province. France Domaine bâtit actuellement une convention avec SOVAFIM, dont nous pourrions bénéficier. Il s'agirait d'apporter un ensemble d'immeubles à cette société, à un prix déterminé par le service des Domaines, avec une clause de retour à meilleur fortune, dans le cas où ces immeubles seraient cédés ensuite à des prix plus élevés. La gendarmerie a utilisé ce dispositif pour céder une partie de son patrimoine.
Trois points concernant les grands chantiers d'infrastructures.
Le service d'infrastructure doit répondre à de nombreuses priorités : les grands programmes d'armement, l'hébergement des militaires engagés dans l'opération Sentinelle et le plan de protection des installations de défense. D'un point de vue financier, les besoins sont estimés à 1,4 milliard d'euros en 2016 et nous disposons de 1,2 milliard.
Le résultat des appels d'offres engagés dans le courant de l'année 2015 est néanmoins très positif, traduisant l'évolution du « coût des facteurs ». En matière d'infrastructures, les offres sont aujourd'hui inférieures de 7 %, en moyenne, au coût d'opérations similaires engagées précédemment.
La rénovation des installations électriques portuaires et l'accueil des SNA Barracuda figurent au nombre des très grands chantiers. L'accueil des sous-marins, en particulier, est un dossier complexe, qui doit être géré en coordination avec DCNS.
S'agissant du personnel civil, il est recruté soit sous statut de fonctionnaire, soit sous contrat, par exemple pour le pilotage des grands systèmes d'information. Nous sommes parvenus à bâtir une grille de salaires pour des spécialités juridiques et financières. Nous devons faire de même pour les métiers liés aux systèmes d'information, dans lesquels nous rencontrons de vraies difficultés à recruter. S'agissant en particulier des métiers du Renseignement, nous recrutons principalement des contractuels, et, dans une moindre mesure, des fonctionnaires de catégorie A.
La nouvelle organisation du ministère sur le titre 2 est aujourd'hui bien acceptée. Le dialogue entre DRH est important. Le comité de pilotage se réunit régulièrement. Nous préparons ces réunions avec le major général de l'état-major des armées. Le regroupement à Balard a un effet très positif à cet égard.
Les difficultés que nous rencontrons sur le site de Balard sont des difficultés normales d'appropriation d'un bâtiment de cette taille. Ce rodage se fait en relation avec le groupement Opale. La sécurité du site est un enjeu important, Balard ayant été conçu dans un contexte sécuritaire différent, avec néanmoins d'importants dispositifs de sécurité. Nous envisageons, pour l'avenir, de réorganiser le contrôle d'accès.
L'administration centrale du ministère de la défense est localisée non seulement à Balard mais aussi à Arcueil. Nous conserverons ces deux sites. Les structures de direction et d'état-major sont regroupées à Balard. En revanche, les structures dont le rôle peut être assimilé à de la prestation de services sont maintenues à Arcueil.
Les restructurations continueront d'être annoncées annuellement. L'accompagnement économique est budgété à hauteur de 32 millions d'euros d'AE et de 27 millions d'euros de CP. Les nouveaux contrats qui seront passés localement pour accompagner les restructurations récemment décidées représentent 21 millions d'euros.
J'ai cru comprendre que ces financements seraient désormais inscrits dans les contrats de plan État-région (CPER) ?
Nous conservons les crédits, mais ils viendront, en effet, abonder les CPER.
S'agissant, enfin, de Louvois, notre objectif est bien de récupérer l'ensemble des trop-perçus. Je reste vigilant quant à la mise en place de Source Solde.
Nous avions, en commission mixte paritaire de la loi de programmation militaire actualisée, donc avec l'Assemblée nationale, limité la décote pratiquée sur la valeur des immeubles de la Défense en région parisienne à 30 %. Il semblerait que l'Assemblée nationale vienne de faire tomber cette décote. Nous avons l'intention de la remettre en place au Sénat.
Concernant les crédits du titre 2, les surcoûts liés à l'opération Sentinelle ont été estimés entre 150 et 200 millions d'euros pour 2015. Comment ce surcoût sera-t-il financé ? Le programme 146 en fera-t-il les frais ? En 2016, ce coût sera plutôt de 150 millions d'euros compte tenu de la baisse des effectifs à 7 000. Or vous annoncez un surcoût de 26 millions d'euros pour les opérations intérieures, en augmentation de 15 millions d'euros. On est très loin des chiffres que je viens d'évoquer. Comment l'explique-t-on et comment complète-t-on le financement ?
Concernant les crédits hors titre 2, vous avez annoncé 60 millions d'euros pour sécuriser les sites militaires. Je me suis rendu au premier régiment d'hélicoptères de combat de Phalsbourg : le renforcement de la sécurité de ce seul site est évalué à 60 millions d'euros. Comment fait-on ?
Je partage le point de vue de notre collègue Jacques Gautier concernant la limitation de la décote. Nous déposerons un amendement qui permettra de débattre de ce sujet avec le gouvernement.
Le SIAé connaît une forte activité, notamment due à l'arrivée de l'A400M. Où en sont les négociations avec les syndicats ? Quand et à quelles conditions le SIAé pourra-t-il recruter ?
Je reste dubitatif quant au rattachement des infrastructures liées aux équipements au programme 212, alors qu'elles sont indissociables du programme 146. Cette question doit être reposée.
Quel est le coût consolidé de Louvois aujourd'hui ? Et combien ce système d'information coûtera-t-il encore ?
Existe-t-il une évaluation du coût du rétablissement du service militaire ?
L'actualisation de la loi de programmation militaire va permettre de rattraper une partie des retards constatés tant en matière de maintien en condition opérationnelle qu'en matière d'entretien programmé des matériels. Lors de notre récent déplacement au commandement des forces armées aériennes, à Mérignac, nous avons rencontré les représentants de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense, ainsi que ceux du service industriel de l'aéronautique. Il est apparu que des bâtiments non optimisés pour le maintien en condition opérationnelle pourraient être source d'accidents, de détérioration des matériels, de rallongement des délais. Une évaluation des infrastructures à la charge du programme 212 me semble nécessaire. Pensez-vous pouvoir la mener en 2016 ?
La rationalisation des services de soutien dépendant du programme 178, tels que le service de santé des armées, le service interarmées des munitions, notamment, doit se traduire par la mise en oeuvre des plans de transformation de chaque service, au travers de mesures combinées de fermeture d'emprise, de regroupement du personnel et des moyens sur des sites existants ou construits à cet effet, tels que les « data center ». Dans quelle mesure le programme soutien de la politique de la défense participe-t-il au renforcement de l'efficience des services de soutien ?
Comment gérez-vous les impacts fiscaux, pour les militaires, des décalages de perception et remboursements de trop-perçus, dus aux dysfonctionnements de Louvois ?
Nous avons de coûteux dépôts d'explosifs dans nos départements. Il serait souhaitable que les dépôts militaires soient situés sur le même territoire, afin de réduire les surfaces mobilisées pour ce type de stockage, qui sont importantes. Les armées s'intéressent insuffisamment à ces dépôts d'explosifs, notamment ceux de la société Nobel.
Qu'en est-il de l'hôtel de la Marine ? Et des opérations de Nantes, où l'arrêt complet des opérations militaires libère une surface importante ? A quel prix et à qui ces surfaces seront-elles cédées ?
S'agissant des recettes exceptionnelles (REX), pour des raisons de crédibilité, ne faudrait-il pas inscrire en projet de loi de finances les REX réelles de l'année précédente, plutôt que celles supposées de l'année à venir ?
Le SIAé rencontre des problèmes de recrutement, de même que le service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer). Nous avons obtenu l'autorisation de recruter, en 2016, 82 ouvriers d'État qui seront affectés au SIAé. Nous discutons avec Bercy pour obtenir des recrutements complémentaires. La question du statut des personnels ouvriers d'État se pose.
Les opérations relatives aux infrastructures relèvent du programme 212 parce que c'est le service d'infrastructure de la défense (SID) qui les met en oeuvre et que ce service est rattaché à ce programme. Cependant, quand les opérations d'infrastructure ont un lien fort avec un programme d'armement, le pilotage se fait conjointement dans le cadre d'une opération d'ensemble.
J'apporterai ultérieurement des précisions à Mme Nathalie Goulet, s'agissant du coût consolidé de Louvois. Je ne suis pas certain que le coût du rétablissement du service national ait été évalué. Ce qui est certain, en revanche, c'est que nous ne disposons aujourd'hui ni des effectifs ni des casernes nécessaires à l'accueil d'une classe d'âge entière, c'est-à-dire environ 800 000 jeunes, pendant plusieurs mois.
Sur la question des bâtiments non-optimisés de la SIMMAD, il faudra probablement travailler avec le service des infrastructures et l'armée de l'air. Je regarderai ce qu'il en est.
Le programme 212 participe à l'efficience des services de soutien, dans la mesure où ces services ont besoin de systèmes d'information, d'administration et de gestion. La majeure partie des 110 millions d'euros de crédits prévus pour ces systèmes va aux forces armées et aux services de soutien. Il en est de même pour les dépenses d'infrastructures que nous réalisons par exemple en faveur des hôpitaux ou des dépôts de munitions.
L'enveloppe de 60 millions d'euros que j'évoquais, s'agissant du renforcement de la sécurité des installations, concerne bien les seuls dépôts de munition.
Les questions fiscales en lien avec les dysfonctionnements de Louvois sont traitées, au niveau tant local que central. Le commissariat aux armées a mobilisé des réservistes -avocats, fiscalistes, agents des impôts- pour aider à la résolution de ces problèmes. Le ministre du Budget a, par ailleurs, été saisi de cette question.
L'Hôtel de la Marine va être remis au Centre des Musées nationaux, qui développe un projet incluant une ouverture au public. La dernière cérémonie des couleurs a eu lieu récemment. Un travail de démantèlement de nos installations est en cours.
Les opérations de Nantes ont été suivies par la Cour des comptes. Je vous ferai dès que possible un point précis sur l'état de ces cessions.
S'agissant des REX, il serait effectivement souhaitable de connaître plus précisément leur montant d'une année sur l'autre.
Enfin, nous estimons le surcoût de Sentinelle à 176 millions d'euros en 2015, dont 57 millions d'euros pour le titre 2 et 119 millions d'euros hors titre 2. Nous discutons avec Bercy pour que ce surcoût soit financé, comme le surcoût OPEX, de façon interministérielle.
Je vous remercie pour l'ensemble de ces précisions.
La réunion est levée à 12 h 30