La réunion est ouverte à 9 h 30.
Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin M. Patrick Pouyanné, président-directeur général de Total, accompagné de MM. Jean-François Lassalle, directeur des affaires publiques France et ONG, François Tribot Laspière, adjoint au directeur des affaires publiques, et Damien Steffan, attaché de presse.
En mars dernier, monsieur Pouyanné, vous avez présenté, dans le cadre de votre nouveau projet d'entreprise baptisé « One Total », vos ambitions pour le groupe à l'horizon 2035. Considérant que « le XXIe siècle sera électrique », vous avez en particulier annoncé votre volonté de développer fortement vos activités dans l'électricité et dans les énergies renouvelables, qui devraient représenter à terme 20 % du portefeuille du groupe.
Déjà initiée avec le rachat, en 2011, de la société américaine de production de panneaux solaires SunPower, cette orientation a trouvé une nouvelle traduction la semaine dernière avec l'acquisition du fabricant français de batteries Saft, qui doit vous permettre de répondre au défi majeur du stockage de l'électricité.
D'un point de vue opérationnel, la diversification de vos activités sera matérialisée par la création d'une nouvelle branche regroupant l'aval gaz - vous produisez depuis 2014 un peu plus de gaz naturel que de pétrole - ainsi que les énergies renouvelables et les métiers de l'efficacité énergétique, dans lesquels vous entendez également vous développer. Vous nous en direz certainement plus sur votre ambition de devenir un leader de l'énergie responsable.
Dans votre coeur de métier historique, les hydrocarbures, comment voyez-vous évoluer le marché mondial dans les prochaines années, tant en termes de prix que de structure de marché ? Le prix du baril semble repartir à la hausse.
L'exploitation des hydrocarbures non conventionnels aux États-Unis bouleverse les grands équilibres énergétiques mondiaux : deux grandes entreprises, EDF et Engie, achètent du gaz naturel dont une partie, selon certains, est du gaz de schiste, modifiant ainsi les conditions dans lesquelles le marché mondial s'organise. Enfin, la taxe carbone joue un rôle essentiel dans l'équilibrage du marché au profit du renouvelable. Nous écouterons vos réponses avec intérêt.
L'énergie est un métier de court terme et de moyen et long terme : elle requiert des investissements dans le temps long, mais la matière première se caractérisant par des prix très volatils, on ne peut ignorer le court terme. Nous investissons des dizaines de milliards d'euros sans maîtriser le prix de notre produit...
Je ne suis pas en mesure de dire quel sera le prix du pétrole demain ; je ne suis pas sûr, pour ma part, qu'il reparte à la hausse. Nous sommes en surcapacité au regard de la demande. D'abord, nous avons passé plusieurs années avec un baril entre 80 et 100 dollars. Cela a touché, on le dit peu, la demande en libérant des espaces pour des politiques d'efficacité énergétique et de report vers des énergies concurrentes ; la croissance de cette demande n'a ainsi été que de 500 000 barils par jour en 2014 contre un million pour une année moyenne. Cela affecte également l'offre puisqu'à de tels prix tout devient possible, et de plus en plus d'acteurs s'intéressent à ce marché. Le budget d'investissement de Total est ainsi passé de 10 à 25 milliards d'euros en cinq à six ans. Conséquence : beaucoup de cash-flow et beaucoup - peut-être trop - de projets.
À cela s'ajoute la révolution technologique des hydrocarbures non conventionnels, rendue possible par le prix élevé : en réalité, c'est l'application d'une technologie bien connue aux roches dites mères, très compactes, lancée par les entreprises américaines lorsque le prix est passé de 20 à près de 60 dollars. Cela nécessite beaucoup de puits de forage car chaque puits a une production très faible. Une fois la technologie mise en place, grâce à de rapides améliorations, elle est devenue rentable à un prix entre 30 et 40 dollars. En 2008, on croyait qu'il serait impossible de remonter le pétrole emprisonné dans ces roches ; mais dès 2010-2012, les entreprises ont pu s'attaquer à la zone intermédiaire gaz-pétrole où la mobilité est suffisante. La production pétrolière américaine a augmenté de 3 millions de barils par jour en deux ans, ce qui correspond à une absorption en totalité de la hausse de la demande mondiale. Il n'y a aucune perte de qualité ; le pétrole de schiste est même meilleur car plus léger.
Ces facteurs ont contribué à un bouleversement du marché, qui s'est renversé en 2014 : le baril est passé de 100 à 55 dollars. Fin 2015, la surcapacité de production était de 2 millions de barils par jour par rapport à la demande, soit 2 %. Incidemment, nous sommes loin de la situation de 1985, quand la surcapacité était de 10 %. Dès lors s'est enclenché le cycle inverse, marqué par un effondrement des investissements. Aux États-Unis, la baisse des forages se traduit par une baisse de la production. Dans un gisement, la productivité va décroissant avec la pression : sans investissements, la production mondiale baisserait naturellement de 5 % par an. Mais la baisse de production américaine, entre 500 000 et 600 000 barils par jour, est concomitante avec une hausse de la production des pays de l'Opep : l'Iran et l'Arabie saoudite, en particulier, accompagnent la croissance de la demande pour préserver leurs parts de marché.
En matière de prévisions - par nature hasardeuses dans notre activité - nous nous appuyons sur les scénarios de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). L'offre devrait peu augmenter cette année, alors que la demande, très sensible au prix, notamment en Inde, a fortement progressé en 2015 (1,8 million de barils par jour supplémentaires) et devrait encore gagner 1,2 à 1,4 million de barils en 2016. Le marché semble se rééquilibrer mais gardons-nous des prédictions. Contre toute attente, les prix ont rebondi après le récent sommet de l'Opep, où aucune baisse de production n'a pourtant été décidée - effet, sans doute, des grèves au Koweit, de l'incendie en Alberta, de l'insécurité au Nigeria. Dans ce marché très sensible, la notion de prix stable n'a pas cours. De plus, les projets décidés entre 2012 et 2014 viennent en production après trois ou quatre ans - j'en ai inauguré un aux Shetland hier, lancé en 2011.
Le premier réflexe d'une compagnie devant la baisse des prix - Total a ainsi vu disparaître 10 milliards d'euros de cash-flow dans un temps très bref - est de renoncer aux nouveaux projets. Les investissements sont passés de 700 à 400 milliards d'euros en 2014, ce qui devrait se traduire par un contrechoc de marché en 2019 ou en 2020. Il y a des réserves de capacité en Arabie saoudite et en Iran ; mais pour un maintien de la production au cours des cinq dernières années, une capacité supplémentaire de 20 millions de barils par jour est nécessaire. Cet effort n'est pas consenti en ce moment, ce qui se traduira par un déficit de 5 millions de barils par jour à l'horizon 2019-2020.
Cette perspective impose une discipline sévère sur les dépenses. Total est un groupe intégré, de l'extraction à la distribution en passant par le raffinage. La marge perdue sur une activité peut être reprise ailleurs, ce qui explique notre bonne résistance : au deuxième trimestre, nous affichons les meilleurs résultats du secteur derrière Exxon. Au lieu de nous séparer des activités aval, nous avons décidé de les restructurer, en complément d'un programme d'économies importantes. Nos ressources considérables nous ont permis de traverser cette crise : nos investissements, en fort recul certes, s'élèvent tout de même à 19 milliards d'euros. En un an, nous avons réalisé 1,5 milliard d'économies sur les coûts opérationnels. Avec un bilan de 140 milliards d'actifs et une dette à 30 % du capital, nous souffrons moins que nos concurrents.
À moyen et long terme, nous faisons face à trois défis. La population mondiale va passer de 7 à 9 milliards de personnes en vingt ans. 1,5 milliard de personnes n'ont toujours pas accès à l'énergie ; comment leur apporter une énergie abordable et sécurisée ? Le deuxième défi est le changement climatique qui, en 2015, ne fait plus débat. 195 pays ont signé les accords de Paris. Le monde pétrolier, responsable d'une grande partie des émissions, est naturellement concerné. Fort de ses capacités technologiques et financières, Total compte prendre ce défi comme une opportunité. Enfin, nous sommes confrontés à une forte évolution des clients qui, de consommateurs, deviennent producteurs grâce à l'énergie décentralisée, plus facile à gérer avec la numérisation. Nous n'échappons pas à l'uberisation : sur fioulmarket.fr, les clients peuvent se procurer du fioul Total par internet. Nous qui vendons un produit très peu différencié, nous devons veiller à ne pas perdre notre clientèle.
Les besoins en hydrocarbures n'auront pas disparu dans vingt ans. Le scénario de l'AIE où le réchauffement climatique est contenu à 2° C à l'horizon 2100 implique une consommation d'énergie en augmentation de 10 % avec une population passée de 7 milliards - dont 1,5 milliard n'ont pas accès à l'énergie - à 9 milliards. Le mix énergétique doit passer de 80 % d'énergies fossiles actuellement (30 % pour le charbon, 30 % pour le pétrole et 20 % pour le gaz) à 60 % dans vingt à vingt-cinq ans. La part du gaz est appelée à augmenter, car une centrale électrique au gaz émet deux fois moins de CO2 qu'une centrale au charbon. Mais le charbon, dont la part, dans ce même scénario, serait réduite à 17 ou 18 %, reste de loin l'énergie la moins chère au monde. À eux seuls, la Chine, l'Inde et les États-Unis - le troisième grand pays charbonnier - seront responsables de 60 % des émissions dans 25 ans. L'Europe, qui contribuera alors à 10 % des émissions, ne règlera pas la question à elle seule...
Le solaire et l'éolien représentent à eux deux 1 % du mix énergétique. Les estimations optimistes de 15 % incluent la biomasse traditionnelle, notamment en Afrique. Or l'utilisation du bois de biomasse implique une déforestation, ce qui n'est guère vertueux. Solaire et éolien devraient arriver à 7 ou 8 % dans vingt ou vingt-cinq ans. Quant au nucléaire, il ne m'appartient pas de me prononcer ; Total ne prévoit pas de s'y engager.
Historiquement, des compagnies comme les nôtres ne recherchent pas le gaz, ce qui explique les réserves importantes aujourd'hui : le gaz est plus difficile à transporter que le pétrole. Conformément à notre stratégie de présence sur l'ensemble de la chaîne de valeur, nous détenons 20 % du marché britannique de distribution de gaz aux entreprises industrielles ou commerciales ; nous sommes aussi implantés au Benelux. À l'inverse, dans le scénario de l'AIE, le marché du pétrole sera mature, voire déclinant. Il faut par conséquent se détourner de l'exploitation du pétrole à coût élevé. Si Total a choisi de ne pas s'intéresser à l'Arctique, c'est avant tout pour des raisons de rentabilité... Cherchons d'abord le pétrole le plus facilement accessible.
Dans le domaine des énergies renouvelables, nous avons récemment acquis SunPower, deuxième producteur mondial de panneaux solaires, avec pour objectif de nous développer sur l'ensemble de la chaîne et, à terme, produire de l'électricité. Nous construisons au sein de Total une nouvelle branche « Gaz, renouvelables et électricité », non pour faire concurrence à EDF mais pour évaluer nos possibilités d'intervention dans le secteur. Nous avons lancé une OPA sur Saft, leader technologique dans la production de batteries et le stockage d'énergie, dont la valorisation est de 1,25 milliard d'euros. Au-delà de la recherche-développement, nous voulons devenir un véritable acteur industriel en soutenant Saft. L'enjeu technologique central est le stockage de l'énergie : même la plus grande centrale solaire, située en Californie, subit des intermittences dans le cours d'une journée. Longtemps, cette question - qui n'est pas encore réglée, quoi que l'on en dise - a été un obstacle à l'investissement dans le secteur. Désormais, le développement des énergies renouvelables est incontournable.
Le raisonnement est le même pour les biocarburants : plutôt que de nous y opposer, accompagnons leur développement. Nous le faisons en transformant la raffinerie de La Mède, à Marseille, en bioraffinerie. Dans deux ans, nous serons les leaders du secteur. L'énergie est un domaine en évolution technologique constante.
30 000 de nos 100 000 salariés travaillent en France. Dans le monde très géopolitique du pétrole et du gaz, nous sommes perçus comme la major française - la seule non anglo-saxonne, la seule aussi dépourvue de ressources domestiques. Nos partenaires moyen-orientaux, même privés, voient à travers nous la France, c'est-à-dire un membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU.
Grâce à la restructuration de nos raffineries en France, nous avons dégagé des bénéfices en 2015 - et nous verserons cette année, je tiens à le souligner, 200 millions d'euros d'impôt sur les sociétés. Saft fait travailler 1 500 personnes sur notre territoire. Enfin, nous avons des centres de recherche. La domiciliation du siège d'un groupe est fondamentale ; la nationalité des décideurs influence fortement le comportement de l'entreprise. Nous avons des actifs en France et investissons 450 millions d'euros dans la modernisation. La raffinerie de La Mède deviendra un outil offensif. Au total, nos marges sont en progression.
Enfin, un mot sur nos 3 500 stations-service. En 2012, nous avons lancé Total Access, un réseau de 700 établissements proposant de l'essence à un prix très compétitif : notre part de marché est remontée face aux grandes surfaces, pour atteindre 21 à 22 %. La stratégie est simple : un prix plus bas pour des volumes plus hauts. À l'instar des grandes surfaces, nous jouons sur le reversement des taxes de l'État qui représentent 65 % du chiffre d'affaires des stations-service ; avec pour résultat une multiplication par quatre ou cinq des volumes vendus.
La vocation n'est pas la même que dans notre réseau classique. Nous allons aussi développer Total Contact, avec la Poste et d'autres services publics, pour que nos stations deviennent des lieux de vie. Enfin, nous allons mettre en place des stations automatisées dans les communes rurales, en accompagnant ces dernières dans leur investissement. Le sujet, je le sais, est d'importance pour les élus que vous êtes.
Mon salaire, fixé par le conseil d'administration, est légèrement inférieur à celui de M. Tavares : 1,4 million d'euros de fixe, et une part variable plafonnée à 185 %. Je reçois également des actions de performance dont les critères sont stricts et le montant inférieur à 100 % du fixe. J'assume ces émoluments, qui font pâle figure à côté de ceux de mes collègues anglo-saxons...
Malgré des économies de près d'un milliard, vous avez réalisé 19 milliards d'euros d'investissements en 2015. Pouvez-vous les détailler ? Je songe à l'Angola, au Kazakhstan, à l'Australie, ou encore au projet Yamal dans l'Arctique russe.
La loi vous interdit d'explorer en France et d'exporter le gaz de schiste, mais pas de l'importer. Mme Royal a pourtant fait savoir qu'elle s'y opposait ; mais comment le distinguer du gaz naturel ? Engie a reconnu que ses méthaniers transportaient une part de gaz de schiste, évaluée à 40 % au terminal méthanier de Dunkerque. Qu'en est-il de Total ?
Les pics de production de pétrole et de gaz ont-ils été atteints ?
En 1900, Rudolf Diesel a présenté un moteur à l'huile d'arachide. En 1903, la Gobron-Brillié roulant à l'éthanol battait le record de vitesse automobile. Ensuite, il a fallu attendre la crise pétrolière de 1973 pour que les biocarburants redeviennent d'actualité. Une baisse longue du prix du pétrole va-t-elle à nouveau compromettre leur développement ?
Total est engagé, avec notamment l'Inra et IFP Énergies nouvelles, dans le projet Futurol de production de bioéthanol à partir de cellulose et de coproduits de l'éthanol. Initialement, la mise en service du prototype était prévue pour 2015, la première unité industrielle entre 2016 et 2020.
Quant au biodiesel de deuxième génération, il est produit par transformation de la biomasse cellulosique du biogazole en kérosène. Est-ce un axe de recherche ?
Enfin, fondez-vous des espoirs sur les biocarburants de troisième génération ?
Chargée d'une mission parlementaire sur l'attractivité du port de Marseille-Fos en relation avec l'axe Rhône-Saône, j'ai pu constater l'inquiétude quant à la pérennité des raffineries dans ce secteur. Qu'en est-il ?
Le projet Chtokman, à Mourmansk, semble aujourd'hui à l'arrêt malgré l'investissement important de Total dans cette opération techniquement difficile. L'avez-vous abandonné ?
Comme le président l'a rappelé, vous avez déclaré que « le XXIe siècle sera électrique ». Quel est l'impact de la numérisation de l'économie sur vos activités ?
Vous avez aussi évoqué la croissance de la part du gaz dans les vingt à trente prochaines années. Quelle est la place de votre entreprise dans l'exploitation du gaz de schiste, en particulier aux États-Unis ? Comment mettrez-vous à profit l'expertise acquise sur d'autres terrains pour faciliter l'acceptation d'une exploitation des ressources naturelles sur notre propre territoire ?
Vous annoncez un développement du gaz, un déclin du pétrole. Vous prenez des participations dans une entreprise de stockage d'énergie et une autre de production électrique, tout en déclarant ne pas vouloir vous tourner vers la production d'électricité. Vous en avez dit trop ou pas assez ; soit vous vous engagez dans l'autonomisation de la production et de la consommation, soit vous n'intervenez pas. Par ailleurs, vous ne semblez pas intéressé par l'efficacité énergétique, qui n'est pourtant pas au rendez-vous.
Enfin, que pensez-vous des chaufferies au bois ?
Comment se répartissent vos capacités de raffinage entre la France et le reste du monde, et les effectifs engagés dans cette activité ? Conduisez-vous une recherche pour produire plus propre et faire l'économie d'une exploration pétrolière au Grand Nord ou ailleurs ?
Envisagez-vous des coopérations avec EDF ?
Enfin, comment le caractère national de Total que vous vantez tant se traduit-il en matière d'impôts ?
Merci pour cette intervention de qualité. Votre stratégie est intéressante, en complément de notre politique nucléaire.
La situation économique du pays, et la compétitivité de nos entreprises, est soutenue par une énergie peu chère. Or vous prévoyez un nouveau choc en 2019-2020, avec une augmentation significative des prix...
Vous n'avez pas évoqué l'hydrogène. Continuez-vous à travailler sur ce mode de propulsion ? Quelles initiatives ont été prises pour le 1,5 milliard de personnes qui n'ont pas accès à l'énergie ?
La prédécesseur d'Engie, Gaz de France, où j'ai eu le bonheur de travailler, maîtrisait déjà le stockage souterrain en nappe aquifère ou saline. Est-il envisageable de stocker du gaz dans les roches dont a été extrait le gaz de schiste ? Nous nous affranchirions ainsi de la volatilité du pétrole.
Y a-t-il des zones d'ombres dans la loi du 13 juillet 2011, et quelles seraient vos propositions à ce sujet ?
Je remercie Total pour sa présence dans nos territoires ; à Auch, dont je suis le maire, la Fondation Total a financé la restauration de l'escalier monumental. Le projet Total Contact est également très apprécié.
Je m'associe à ces propos ; il importe de faire des stations-service en milieu rural des lieux de vie, de rencontre et de pluriactivité.
J'ai apprécié la clarté de votre intervention. Gérard César et moi-même sommes chargés, dans la même mission parlementaire sur l'attractivité des ports, de la façade atlantique. Le port de Saint-Nazaire est presque intégralement dédié à l'énergie, ce qui explique l'intérêt de Total. La raffinerie de Donges, construite en partenariat avec les collectivités territoriales et l'État, constitue un bon exemple de collaboration intelligente.
La France et ses outre-mer contiennent-ils des réserves de gaz significatives ?
Mon collègue Alain Bertrand a évoqué, de manière assez directe, la question de votre salaire. M. Carlos Ghosn gagne plus en une année que ce que gagnent sur toute leur carrière un instituteur ou une infirmière. Il y a là une forme d'indécence. Ne serait-il pas préférable que l'assemblée générale des actionnaires, et non le conseil d'administration, décide du salaire ?
Les groupes Airbus et Safran s'intéressent aux possibilités qu'offre l'utilisation de micro-algues dans les biocarburants aéronautiques. Des tests ont été réalisés sur des vols en Allemagne. Votre groupe envisage-t-il d'investir dans les start up actives dans ce domaine ?
L'Afrique comptera 1,2 milliard d'habitants en 2050, avec d'énormes besoins énergétiques que le plan Borloo vise à satisfaire. Vous semblez dédaigner la biomasse africaine ; mais en participant à ces projets, vous contribueriez au maintien des populations africaines sur place. La crise migratoire actuelle n'est qu'un début.
Le rachat de Saft vous permettrait d'étendre vos activités à l'électricité et aux énergies renouvelables. Quelle est votre stratégie d'investissement dans ce secteur, qui représente encore moins de 1 % de votre résultat net ? Comment faire de Saft votre fer de lance dans le stockage, dont la part dans son chiffre d'affaires n'est que de 5 % ? Spécialisée dans les batteries à aimant permanent, l'entreprise équipe des éoliennes en mer. Avez-vous évalué les perspectives en France et à l'étranger ? C'est désormais un atout majeur dans le contexte actuel difficile.
J'apprécie votre optimisme. Vos programmes de recherche-développement prennent-ils en compte la réalité des « petits États insulaires », dont la France a sa part, et avez-vous défini une stratégie pour ces territoires ?
N'est-il pas contradictoire pour l'un des principaux producteurs de pétrole mondiaux de se dire préoccupé par le changement climatique ?
Total a obtenu un permis de recherche de gaz de schiste près de Montélimar. Attaqués, vous avez gagné en première instance mais Mme Royal a déclaré qu'elle souhaitait faire appel. Vous avez fait savoir que vous ne passeriez pas en force. Si vous gagnez en appel, qu'allez-vous faire de ce permis ?
La présence de Total à Pau est appréciée. Avez-vous hiérarchisé vos initiatives de recherche-développement, en particulier celles qui, comme le stockage ou le développement des piles, sortent de votre coeur de métier ?
Avant de diriger Total, vous avez fait un détour par la politique, au cabinet d'Édouard Balladur puis à la tête de celui de François Fillon. Je m'étonne de vous entendre dire que vous ne vous intéressez pas à l'électricité... Certes, le secteur est peu attractif ; dimanche dernier, les Allemands ont vendu de l'énergie à un prix négatif. Néanmoins, votre coeur de métier est l'énergie, EDF a besoin de capitaux. Pourquoi ne réfléchissez-vous pas à l'électricité de demain ?
Le projet Chtokman avec Statoil et Gazprom est-il définitivement abandonné ou temporairement suspendu en raison des prix de revient actuels ?
L'exploration de gaz de schiste près de Montélimar est-elle de facto interdite ?
Allez-vous poursuivre et consolider la stratégie consistant à dédier une part importante de vos effectifs à la recherche ? Dans quelle mesure ce choix est-il lié au crédit impôt recherche ? Vous n'ignorez pas qu'un plafonnement du dispositif pour les grands groupes est envisagé. Quels sont les secteurs stratégiques de votre recherche ?
Quelles sont les perspectives d'évolution pour l'emploi en France ? Sachez qu'une implantation Total Contact serait très bien accueillie en Lozère.
Sur nos 19 milliards d'euros d'investissements réalisés en 2015, trois à quatre milliards ont porté sur l'aval, c'est-à-dire la pétrochimie et le raffinage. La maintenance des raffineries coûte 30 à 50 millions d'euros par an. La sécurité est un enjeu capital : les accidents majeurs sont le talon d'Achille de notre métier. En témoigne la catastrophe survenue dans le Golfe du Mexique impliquant une plate-forme BP ; nous avons eu notre lot de drames, comme l'explosion de l'usine AZF et la marée noire provoquée par l'Erika. Nous ne transigeons pas sur ce point.
Les 15 milliards restants sont investis en amont, dans des projets comme Ichthys en Australie, une installation de gaz naturel liquide qui entrera en service fin 2017, ou le champ offshore de Kachagan au Kazakhstan qui produira dès cette année. Le pétrole à 100 dollars a poussé les majors à s'engager dans des projets complexes, d'autant que dans le même temps, les entreprises pétrolières nationales ne recouraient plus à nos services (la situation a changé depuis).
En Angola, nous raffinons 50 % de la production et nous sommes engagés dans le projet de Kaombo d'un montant global de 15 milliards d'euros. Nos relations avec le président Dos Santos sont excellentes.
Le projet Chtokman, du nom d'un gisement en mer de Barents, a été abandonné en raison des coûts trop importants. Le travail avec notre partenaire russe s'est révélé difficile. Nous nous sommes reportés vers le gisement de Yamal, une gigantesque éponge de gaz à 600 kilomètres au nord du cercle polaire. Le montant global du projet s'élève à 30 milliards d'euros. Nous nous y sommes engagés avec Novatek, le premier producteur de gaz russe indépendant, et une compagnie chinoise. Les sanctions contre la Russie ont rendu le financement très difficile, les grandes banques occidentales refusant de s'y associer. Nous avons obtenu 12 milliards de dollars auprès des banques chinoises et 4 milliards auprès des banques russes. Le financement est désormais bouclé. L'investissement s'annonce rentable, les coûts de production étant très faibles. 60 % de la production sera vendue en Chine.
Je ne suis pas en mesure d'affirmer qu'il y a du gaz de schiste en France. Voici quelques années, une entreprise américaine avait demandé à consulter nos relevés géologiques ; après une année, elle nous a fait savoir qu'elle ne souhaitait pas poursuivre ses recherches, indiquant que seule la zone de Montélimar semblait présenter quelque intérêt. En France, il est très facile d'obtenir un permis de recherche d'hydrocarbure ; il n'est même pas nécessaire de prendre des engagements en matière d'investissement. Nous l'avons donc obtenu. Mais en raison d'une communication insuffisante - nous n'avions pas mesuré à quel point le sujet était sensible - le sujet a pris les proportions d'une affaire d'État.
En tant que dirigeant de Total, j'alloue le capital d'investissement là où il nous sera possible de travailler. Nous produisons du gaz et du pétrole de schiste aux États-Unis et en Argentine. Concernant Montélimar, j'ai presque regretté que le tribunal annule l'abrogation de notre permis !
Je n'irai pas contre l'avis du gouvernement. Sans perspectives de développement, nous n'avons pas de raison d'explorer. En Pologne, les gisements qui s'annonçaient initialement prometteurs ont été abandonnés. Au Danemark, nous avons foré un puits exploratoire - avec l'appui du gouvernement - qui s'est lui aussi révélé non rentable. Cela montre qu'il ne suffit pas de trouver des roches-mères : en géologie, il faut toujours aller voir. Un forage ne débouche pas toujours sur un développement effectif.
Quoi qu'il en soit, la décision appartient à la représentation nationale, et nous la respecterons. Dans tous les États du monde, nous demandons des permis de développement dans les règles. Ni le gouvernement, ni la population ne semblent soutenir l'exploration : nous en prenons acte. Nous sommes prêts à explorer la zone, mais seulement en cas de consensus. Remarquons simplement que notre permis est valable pour cinq ans... Il convient de dépassionner le débat.
Le gaz de schiste a fait l'objet d'une véritable ruée vers l'or aux États-Unis, dans des conditions rappelant le Far West. Puis les grandes entreprises ont pris en main et stabilisé le marché. Désormais, 98 % de l'eau utilisée sur les sites est recyclée. La technologie de la fracturation est connue depuis trente ans. Le véritable choix de société porte plutôt sur l'occupation de l'espace car la production, je l'ai dit, nécessite un grand nombre de puits. Dans l'Oklahoma, la question de l'espace se pose en des termes différents.
Je vous confirme que toutes les sortes de gaz se mélangent à l'étape de la liquéfaction ; mais collègues ont dû calculer les proportions en s'appuyant sur les données de production américaines. Il me semble vain d'empêcher la circulation du gaz, d'autant que l'augmentation de la production de gaz naturel liquide aux États-Unis contribue à une forte baisse des prix. Grâce à des capacités de regazification largement sous-utilisées, l'Europe pourrait transformer le gaz liquide américain à bas coût, avec pour résultat un regain de compétitivité pour l'industrie.
Nous distribuons des biocarburants en France : 70 % de notre essence en contient à hauteur de 10 %, pour une moyenne de 35 % dans le marché français. Cependant, dans ce contexte de prix bas du pétrole, l'investissement dans ce secteur n'est viable que grâce à la réglementation - notamment le règlement européen qui impose une incorporation de 7 % à l'horizon 2020. Cela relève d'un choix de société. Les décisions des investisseurs, en revanche, sont guidées par l'économie. La bioraffinerie de La Mède produira 500 000 tonnes de biodiesel parfaitement mixable.
Dans le cadre de notre travail sur la biomasse de deuxième génération, nous avons lancé à Dunkerque BioTfueL, un dispositif de transformation de la biomasse, en mélange avec des charges fossiles, pour produire du biocarburant. L'Institut français du pétrole (IFP), le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et Avril sont parties prenantes. Les progrès du projet Futurol sont moins rapides. Nous sommes aussi actionnaires de l'entreprise Amyris spécialisée dans les biotechnologies.
La principale difficulté réside dans le très important volume de déchets à ramasser pour produire les 50 à 100 000 barils par jour prévus dans le cadre de BioTfueL. En biotechnologie, les difficultés sont analogues. Nous avons également développé avec Amyris un biokérosène utilisé par Air France sur sa ligne Paris-Toulouse. La bioraffinerie de La Mède nous permettra de prendre position plus fortement dans ce secteur. Pour le moment, le biokérosène offre de meilleures perspectives que la production électrique.
Les biotechnologies posent un problème d'échelle : comment passer de l'hectolitre au million de barils ? Nous investissons néanmoins 50 millions d'euros par an sur la deuxième et la troisième génération de biomasse ; 1,2 milliard d'euros par an est investi dans la recherche-développement, dont 600 millions sur le pétrole et le gaz-carburant. La transformation du CO2 - plutôt que le stockage, qui offre peu de perspectives - fait l'objet d'un programme de recherche-développement de 50 à 60 millions de dollars, soit 10 % de ce total.
Nous disposons d'une gigantesque base de données - le numérique est très important, par exemple en matière de géologie, et nous avons le plus gros ordinateur du monde pour travailler sur ce domaine. Le développement technologique est décisif également pour diminuer le coût de nos activités classiques, sur le pétrole et le gaz.
Le groupe compte cinq raffineries en France. Celle de Normandie, à Gonfreville, a coûté 1 milliard d'euros : elle fonctionnerait bien, s'il n'y avait pas de grève de nos partenaires chaque mois... Un milliard d'euros pris ainsi en otage, cela ne donne pas envie aux investisseurs de choisir la France ! Heureusement la situation s'améliore. La plateforme combinée (raffinerie et pétrochimie) de Donges sur la façade atlantique a nécessité l'injection de 450 millions d'euros, pour assurer la rentabilité même à moins de 20 euros la tonne. La réglementation sur le soufre interdisant de commercialiser les essences qu'elle produit en Europe, son activité est plutôt tournée vers l'exportation en Afrique - les coûts de transport affectant en conséquence la rentabilité. Il faut investir pour produire des essences qui peuvent être distribuées en Europe. En outre, une voie ferrée traverse le site, c'est un handicap et un danger... Nous avons proposé d'assumer le tiers des dépenses nécessaires pour résoudre ce problème, les collectivités prenant à leur charge un tiers, et l'État également. Les conventions pour trois fois 50 millions d'euros ont été signées, même si l'État peine à trouver l'argent. L'enquête publique est lancée, la mobilisation est réelle, il faut maintenant avancer.
Près de Fontainebleau, la centrale de Grandpuits alimente le bassin parisien, c'est une petite unité, qui fonctionne en synergie avec Gonfreville. Elle est bien gérée - d'autant que le personnel a craint une fermeture.
Nous avons décidé de transformer l'usine de La Mède en bioraffinerie, ce qui a sauvé 250 emplois sur 430 - elle perdait 100 à 150 millions d'euros par an. Le personnel l'a compris, et il préfère cela à une absence de décision, qui lui ferait penser que nous visons un arrêt définitif. Il est difficile pour un groupe qui réalise un bénéfice de 10 milliards d'euros de lancer des plans sociaux, surtout en France. Nous devons assumer notre rang. En témoigne notre projet industriel, qui rend un futur à La Mède.
Feyzin est à la fois un site de raffinage et de pétrochimie, il est solide et gagne de l'argent - un peu. La difficulté, c'est qu'il se trouve au coeur d'un réseau d'autoroutes, il ne peut donc s'étendre et il faut, nous avons étudié la chose avec le préfet de région, établir un plan de prévention des risques professionnels (PPRP) autour de la zone. Feyzin peut vivre, il n'y a pas raison de le mettre à l'arrêt, si la sécurité est garantie ; reste à réunir les financements pour cela : ce ne sont pas les 30 % que le groupe assume, ni les 30 % de l'État, ni les 30 % des collectivités qui posent problème, mais les 10 % que la loi met à la charge des particuliers. Nous avons proposé d'en assumer une part, soit 3 %, mais nous attendons les propositions des financeurs locaux, sachant que l'État ne dépassera pas 30 %. Nous ne pouvons pas tout payer !
Avec ces cinq sites, notre dispositif sur le territoire français, après beaucoup de travail et de restructurations, est stabilisé. Ce n'est plus un sujet majeur comme il y a quatre ans.
La transformation de notre site de La Mède a peu d'impact sur le port de Marseille, nous y avons conservé notre dépôt et une activité et nous compenserons le manque à gagner de 1 million d'euros pendant trois ans. Nous sommes conscients des conséquences de nos décisions, y compris sur les sous-traitants, que nous aidons à se former à de nouvelles technologies.
Nous ne comptons pas devenir un électricien comme EDF ou Engie, nous ne construirons pas de grandes centrales ; nous pourrions prendre des participations dans de petites centrales électriques, mais nous n'aurons jamais en portefeuille toutes les grandes composantes qui font un électricien complet. Nous sommes pétrolier et gazier, c'est déjà beaucoup. Et je tiens à préciser que notre appétit dans ce secteur n'ira pas jusqu'à une prise de participation dans une entreprise nationale, qu'on se le dise. Avec un baril de pétrole à 30 dollars, nous avons nos propres difficultés, suffisamment pour ne pas handicaper notre bilan par une opération qui n'aurait pas de sens pour nous.
Oui, le numérique est important, je l'ai mentionné. Nous avons investi dans plusieurs start up américaines, en matière de logiciels d'optimisation du stockage de l'énergie ; nous avons également deux petites filiales en France et en Allemagne. Nos clients industriels demandent des solutions pour gérer leur consommation globale, nous entendons développer ces activités de services. À un autre niveau, nous voulons vendre des pelles de bois dans nos stations-service.
Je connais la Lozère, pour y avoir été envoyé comme jeune polytechnicien... Les têtes d'oeuf qui passent leur temps à faire des mathématiques sont envoyées là au grand air !
L'efficacité énergétique est un impératif, nous cherchons en particulier à mettre au point des produits moins émissifs, comme le carburant Excellium, ou garantissant une moindre consommation. C'est ce que les clients demandent... Dans notre centre de recherche près de Lyon, 300 chercheurs y travaillent.
Le groupe a versé 950 millions d'impôt à l'État en 2014. Encore n'a-t-il pas payé d'impôt sur les sociétés cette année-là : ce sera davantage en 2015. Contribution économique territoriale, taxe sur les salaires, sur les dividendes, etc. : nous sommes la société française la plus taxée ! Nous payons des impôts en Angola, au Nigéria, là où nous produisons et gagnons de l'argent. La territorialité de l'impôt est un principe de base. Mais nous nous battons pour que nos activités industrielles en France soient rentables !
Je n'ai rien contre l'hydrogène. J'écoute avec intérêt Benoît Potier, qui présente le moteur à hydrogène comme la voie de l'avenir. Cela renvoie à la pile à combustible, à la batterie. Il faut reconnaître que Toyota a pris le sujet à bras le corps, or il a abandonné le véhicule électrique pour l'hydrogène. En matière de R&D, nous ne travaillons pas sur cette question, plutôt sur le stockage de l'énergie. Si j'ai acheté Saft, c'est bien pour cela.
Nous avons soutenu la mission Borloo en Afrique, comme beaucoup d'autres groupes français. Mais pour assurer l'accès à l'énergie, faut-il créer un grand réseau ? Ou nous inspirer de ce qui s'est produit dans la téléphonie ? Ce sont les mobiles qui ont transformé la vie et les échanges sur le continent. L'Afrique représente 30 % de l'activité du groupe, c'est pour nous une zone fondamentale, où nos concurrents anglo-saxons sont parfois discrets car ils ont une certaine crainte de ce continent, où nous avons, nous, tout un pan de notre histoire. Je crois beaucoup au développement de ce continent. Nous étudions comment promouvoir le solaire, par exemple avec des lampes à énergie solaire vendues entre 10 et 20 euros - il s'en est vendu déjà 1 million. Elles sont utilisées pour l'éclairage... mais aussi comme chargeurs de téléphones ! Lorsque je rencontre les dirigeants de pays africains, je plaide pour un abaissement des taxes à l'importation de ces lampes. Il ne s'agit pas de mécénat mais de business sociétal favorisant l'accès à l'énergie.
La fracturation pour extraire le gaz de schiste crée des fissures, certes, mais celles-ci se referment rapidement : elles ne pourraient nullement servir au stockage du gaz. Mieux vaut chercher du côté des vieux réservoirs, comme nous l'avons fait près de Lacq, pour stocker du CO2. Mais les autorités administratives nous demandent d'apporter la preuve que le stockage ne va pas fuir pendant mille ans : je ne peux la fournir !
Un mot de nos activités de mécénat. Il n'y a pas seulement la fondation d'entreprise mais aussi la fondation du patrimoine. Nous menons des actions en direction des jeunes, des PME - Total investit dans le développement régional - auxquelles nous apportons un soutien à l'innovation, aux exportations... Ainsi 150 PME sont aidées, dans les bassins d'emploi où nous avons mené des restructurations, mais pas seulement.
Nous n'avons pas de « stratégie insulaire ». Mais nous maintenons la distribution de carburant dans les Antilles, à Mayotte, à La Réunion, dans les îles du Pacifique, même si cela est souvent compliqué. Pour la production, nous rencontrons parfois un problème de permis minier, comme en Guyane. Cependant le Gouvernement nous a saisis d'un dossier que nous sommes en train d'étudier.
Lorsqu'une assemblée générale se prononce, il faut l'écouter, c'est une question de démocratie actionnariale. Je l'ai dit aux patrons du CAC40, s'il n'y avait pas d'autre moyen qu'une loi pour faire respecter ce principe, on entrerait en terrain dangereux. Les groupes quitteraient la France, localiseraient leurs sièges sociaux ailleurs : ce n'est pas une menace que je formule, c'est ce qui se passerait à coup sûr. En Grande-Bretagne, le salaire du dirigeant de BP a été augmenté de 20 % alors que le groupe accusait des pertes : l'AG a refusé cette augmentation, et tout le monde a fait preuve de bon sens.
Nous ne sommes pas experts en micro-algues. Nous investissons 500 millions de dollars par an dans les énergies renouvelables, et 1 milliard pour acheter Saft, c'est une somme. Nous avons un vrai commitment, non pas de consacrer aux renouvelables 2 % des capitaux du groupe, mais d'atteindre 20 % dans vingt ans. Car nous pensons que là se trouvent les relais de croissance. Étudier l'intérêt des éoliennes, pourquoi pas, mais nous avons écarté il y a cinq ans les éoliennes offshore, à cause du coût de maintenance, sachant que la fiabilité des équipements est de 80 %. La ministre britannique reconnaît du reste que le coût de l'électricité est à plus de 150 euros le mégawatt. Les investissements et l'entretien sont onéreux. En France, un des facteurs de compétitivité est le coût bas de l'énergie. Le coût du travail ne sera jamais avantageux, nous le savons. Mais ce mix énergétique qui garantit un prix bas de l'énergie attire les industriels, il faut donc veiller à ce qu'il ne se renchérisse pas.
Les pétroliers européens ont l'an dernier appelé les gouvernements à mettre en place une taxation des émissions de CO2. Accusés de tous les maux, nous préférons prendre le problème à bras le corps et profiter de notre capacité de recherche et d'innovation. Pour que le gaz émerge contre le charbon, il n'y a pas d'autre solution que de tarifer le CO2. Voyez les Allemands qui ont remis en service des centrales à charbon. La Grande-Bretagne a créé cette taxe et les résultats ne se sont pas fait attendre : à 20 ou 25 euros la tonne, toutes les centrales à charbon s'arrêtent ! Dans tous nos projets d'investissement, nous étudions les scénarios avec une taxe à 30 euros. Encore faut-il, pour qu'un marché des émissions se développe, qu'il soit régulé par une vraie autorité, non par la Commission européenne ou le Conseil des ministres européens, parce que les lobbies sont actifs, mais par un régulateur indépendant, avec un tarif progressif, jusqu'à 100 euros - à partir de 30 ou 40 euros, le rapport entre gaz et charbon bascule, la R&D commence à s'activer.
La ville de Pau fait partie de l'histoire du groupe, avec Elf à Lacq. Le centre de recherche de Pau compte 3 000 ingénieurs, je me sens une responsabilité particulière dans cette région - dont je suis, de plus, originaire. Nous sommes sponsor de la section paloise, prenant en charge 30 % de son budget. Mais je l'ai dit clairement en souriant : « soit vous êtes champions, soit nous partons ».
Le CIR est l'outil fiscal français le plus efficace. Avoir des centres d'intelligence, des start up, c'est excellent pour l'avenir du pays ! Les grands groupes ont-ils besoin de ce crédit d'impôt ? Nous en bénéficions à hauteur de 70 millions d'euros par an. S'il n'existait pas, peut-être envisagerions-nous d'installer nos centres en Inde, par exemple, où les talents sont brillants. Il y a une compétition internationale sur ce créneau comme sur les autres. Je déplore le débat récurrent sur le CIR, qui fait planer une incertitude peu propice à attirer les investisseurs. (Applaudissements sur de nombreux bancs)
Les applaudissements, rares dans nos réunions de commission, saluent des prestations particulièrement brillantes. Nous vous remercions.
La commission demande à se saisir pour avis sur le projet de loi n° 3623 (A.N. XIVe leg.) relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique et nomme M. Daniel Gremillet rapporteur pour avis sur ce texte.
La commission désigne M. Jean-Jacques Lasserre rapporteur sur la proposition de loi n° 585 (2015-2016) visant à mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture.
Bruno Sido est proposé à la désignation du Sénat pour siéger au conseil d'administration du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB).
Un amendement a été déposé sur le texte de la commission, sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures relevant du domaine de la loi pour simplifier et rationaliser l'organisation de la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction et la distribution des emplois de cette participation.
L'amendement n°1 vise à « mettre en place un véritable 1 % logement », en imposant une cotisation à toutes les entreprises de plus de 10 salariés au lieu de 20 aujourd'hui, et en portant la cotisation à 1 % au lieu de 0,45 %. Si le taux de la PEEC est descendu progressivement à ce niveau, dans le même temps le taux de la contribution des entreprises au fonds national d'aide au logement (Fnal) augmentait régulièrement pour atteindre 0,5 %. La majoration proposée ne me semble donc pas souhaitable ; elle risquerait de peser lourdement dans les comptes des PME et TPE. Cela ne peut s'envisager sans en discuter au préalable avec les partenaires sociaux. Avis défavorable.
Je partage l'avis de la rapporteure, il est difficile d'augmenter ainsi la contribution. Néanmoins, les entreprises de moins de dix salariés ont longtemps acquitté cette taxe. C'est dans les PME que les difficultés de logement des salariés sont les plus criantes. Il faudra y revenir.
Nous voulons lancer le débat sur cette question. Le Fnal, lui, finance essentiellement l'APL.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°1.
Un dernier mot pour vous informer que notre collègue Dominique Estrosi Sassone va procéder à des auditions, ouvertes à tous ceux d'entre vous qui souhaitent y participer, sur le rôle et les missions des établissements publics fonciers.
La réunion est levée à 11 h 40.