À quelques semaines du sommet des chefs d'État et de gouvernement des pays du G7, qui aura lieu à Biarritz en août prochain, notre délégation ne peut que se féliciter que la lutte pour l'égalité entre les femmes et les hommes constitue l'un des thèmes prioritaires de la présidence française, dans le sillage des orientations définies en 2018 par la présidence canadienne, à laquelle il faut rendre hommage. Nous savons quelle a été l'implication du Premier ministre Justin Trudeau pour que le précédent G7 soit placé sous le signe de l'égalité femmes-hommes.
Entre autres orientations destinées à créer une dynamique mondiale pour l'égalité, je voudrais plus particulièrement rappeler la déclaration de Charlevoix sur l'éducation de qualité pour les filles, les adolescentes et les femmes dans les pays en développement. Ce document attache une importance cruciale à l'éducation, et il faut le saluer.
Nous partageons cette conviction : je rappelle que notre délégation a pris l'initiative d'une résolution, adoptée par le Sénat à l'unanimité le 14 mars 2019, pour soutenir la lutte contre le mariage des enfants, les grossesses précoces et les mutilations sexuelles féminines. La dernière recommandation de cette résolution appelle notre Gouvernement à faire en sorte « que la diplomatie française continue à mettre l'accent sur le caractère crucial de l'accès à l'éducation pour toutes les filles, soit particulièrement attentive au sort des fillettes, des adolescentes et des femmes dans les régions en crise et mette à profit la présidence française du G7 pour faire avancer cette cause décisive ». C'est pour nous une certitude : en empêchant les fillettes et les adolescentes d'aller à l'école, les violences liées au mariage des enfants et aux grossesses précoces entravent l'autonomie des femmes, aggravent leur précarité économique et en font des proies désignées pour les prédateurs, a fortiori dans les zones de conflit. Cette réunion est donc le prolongement naturel de récents travaux de la délégation aux droits des femmes.
Par ailleurs, notre délégation est particulièrement engagée pour soutenir les associations et ONG qui, en France et partout dans le monde, sont des actrices incontournables de la lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes et du combat contre les violences faites aux femmes et aux filles. Nous appelons donc régulièrement le Gouvernement à leur attribuer les moyens nécessaires à la conduite de leurs missions et à faire en sorte que ces moyens ne souffrent pas de la contrainte budgétaire.
C'est donc pour nous une satisfaction particulière de voir que la société civile est étroitement associée au G7, plus particulièrement en ce qui concerne les droits des femmes et des filles, à travers le Women seven. Son sommet de mai dernier, à l'Unesco, a incontestablement été un temps fort de la présidence française. Je souhaite donc très chaleureusement la bienvenue aux participants à notre table ronde de ce matin et je les remercie de s'être rendus disponibles pour venir vers nous.
Je me félicite, Mesdames et Messieurs, de retrouver parmi vous des personnalités connues de notre délégation et j'espère que celles qui sont aujourd'hui au Sénat pour la première fois deviendront des interlocutrices fidèles de nos travaux.
Je donne sans plus tarder la parole à Isabelle Hudon, ambassadrice du Canada à Paris, qui va nous parler de l'initiative du Canada en faveur de l'égalité femmes-hommes lors du G7 de 2018 et des attentes du Canada pour le suivi de l'acquis de 2018. À cet égard, il serait intéressant que vous nous indiquiez, Madame l'ambassadrice, comment s'est déroulé le passage de relais entre la présidence canadienne et la présidence française en ce qui concerne les thématiques liées aux droits des femmes.
Madame l'ambassadrice, vous connaissez particulièrement bien ce sujet puisque vous avez assuré la coprésidence du conseil consultatif sur l'égalité des sexes mis en place par Justin Trudeau pour que le G7 puisse bénéficier de l'expertise de spécialistes. Cette méthode a d'ailleurs été reprise par la France. J'ajoute que Mme Hudon est accompagnée de Marc Berthiaume, responsable des relations politiques et parlementaires à l'ambassade du Canada.
Je ne suis pas diplomate de carrière, plutôt activiste, et je me réjouis de contribuer à la réflexion sur le sujet de l'égalité femmes-hommes.
Le Premier ministre canadien a voulu imposer en 2018 au G7 pour la première fois la question de l'égalité femmes-hommes, à côté des questions de sécurité, d'économie et d'environnement, à tous les moments critiques et stratégiques de la préparation et de la tenue du G7. Le conseil consultatif que j'ai eu le privilège de coprésider avec Melinda Gates était composé de vingt-et-un membres, hommes et femmes, de pays du nord comme du sud, ce qui m'a permis de prendre conscience de ma vision incomplète de la question de l'égalité femmes-hommes. L'enjeu prioritaire pour certains pays est plus la sécurité des jeunes filles dans l'accès à l'éducation que la représentation des femmes aux postes de pouvoir.
De février à mai 2018, nous avons participé à toutes les rencontres ministérielles, afin que la question de l'égalité femmes-hommes soit abordée du point de vue de l'éducation, mais aussi lorsque sont abordés les enjeux économiques, financiers et environnementaux, à tous les stades de planification du G7. Nous avons présenté au G7 de Charlevoix plus de cent recommandations sur la sécurité, la santé et l'éducation des filles et des femmes qui ont reçu un accueil chaleureux. Nous avons créé, lors des 90 minutes de conversation à huis clos avec les sept chefs d'État, un environnement fertile dans lequel la Première ministre Mme Theresa May a pu expliquer à ses homologues que les décisions concrètes, audacieuses d'un leader donnaient le ton et devenaient des modèles inspirants. Le G7 s'est clos par l'annonce d'une enveloppe inédite de 4 milliards de dollars réservée à l'éducation des filles en zone de crise.
Pour ce qui est de la passation de flambeau, le Président de la République française, en clôturant la séance, a souhaité donner une deuxième année de vie à ce conseil consultatif, en nous mandatant pour rassembler les mesures législatives en vigueur dans le monde que nous pourrions proposer aux leaders du G7 qui se déroulera cette année à Biarritz. Les travaux avancent bien, malgré le temps contraint et notre dispersion à travers la planète. Notre rapport est presque finalisé, avec plus d'une cinquantaine de mesures législatives.
Je m'adresse maintenant à deux représentantes d'ONG particulièrement impliquées dans le Women seven ou W7 : Care, représentée par Sophie Chassot, chargée de Plaidoyer, et Equipop, représentée par sa directrice, Aurélie Gal-Régniez.
Je rappelle que le mouvement W7 rassemble des associations qui défendent les droits des femmes et des filles, dans les pays du G7 et dans le monde, et qui se mobilisent pour que le G7 prenne des mesures politiques et économiques susceptibles de renforcer l'égalité.
À cet effet, le sommet du 9 mai à l'Unesco a conduit à l'adoption de recommandations destinées à guider l'action des États, tant dans le domaine de la politique intérieure que dans la perspective d'une diplomatie engagée dans le renforcement des droits des femmes et des filles.
Je vous donne la parole pour nous présenter les attentes des ONG à l'égard du G7, l'organisation du Women seven et son articulation avec l'agenda du G7, et pour nous commenter les recommandations adoptées il y a quelques semaines à Paris.
Il nous paraît important de dialoguer avec vous sur l'enjeu majeur de l'inscription de l'égalité femmes-hommes dans l'agenda du G7, qui a suscité beaucoup d'espoir l'année dernière. Plusieurs associations françaises ont décidé de prendre le relais de l'initiative canadienne. Dès octobre 2018, nous avons lancé un appel pour que les parties prenantes de la société civile rejoignent le mouvement afin de peser sur les décisions politiques. Une centaine d'associations - françaises, canadiennes, américaines, africaines - nous ont rejoints.
Le sommet du W7 qui a eu lieu en mai dernier à Paris a réuni 400 personnes pour préciser leur vision commune des politiques féministes et remettre des recommandations aux ministres de l'égalité femmes-hommes des pays du G7.
Le sommet du G7 a certes été un moment important, mais le W7 poursuit un travail de longue haleine visant à participer à tous les espaces politiques en vue de proposer des recommandations communes en faveur de l'égalité femmes-hommes. Ce travail de coordination vient s'ajouter à celui du militantisme au quotidien, ce qui témoigne de leur volonté de rendre le G7 réellement féministe. Nous avons lancé une campagne pour que l'importance des politiques féministes soit perçue au-delà des seuls activistes.
Aucun pays ne peut aujourd'hui se targuer d'avoir atteint l'égalité femmes-hommes : il est temps de passer aux actes, et un sentiment d'urgence salutaire gagne les citoyens. Par ailleurs, nous sommes convaincus que les perspectives féministes peuvent renouveler le regard au moment où il est urgent de trouver des alternatives politiques. Pour que le G7 de Biarritz soit vraiment féministe, au-delà du conseil consultatif renouvelé, et insuffle de l'égalité femmes-hommes au coeur de l'agenda, il faut allouer des ressources massives en direction des mouvements féministes. Les lois sont nécessaires. Cependant, pour contrer sur le terrain les normes sociales qui empêchent les filles d'aller à l'école, nourrissent les violences sexistes, s'opposent aux innovations en faveur de l'environnement, d'économies plus inclusives, les mouvements féministes sont des alliés qui se battent dans un environnement précaire. Il faut redistribuer les ressources pour que ceux-ci contribuent activement à la co-construction des politiques publiques et à la mise en oeuvre des solutions.
Ensuite, il est urgent que les politiques publiques prennent en compte la diversité des besoins et des intérêts à égale mesure. Le système démocratique ne peut tolérer qu'une partie de la population, en l'occurrence les femmes, participe moins à la prise de décision et à la définition du sens commun. Des lieux comme le G7 peuvent faire la différence en ouvrant leur porte à une gouvernance plus démocratique. Pour poser des jalons en ce sens, il faut que toutes les personnes convaincues du bien-fondé de faire avancer les droits des femmes se serrent les coudes : dans la société civile, au Parlement, au niveau exécutif.
Au niveau du G7, à l'instar de l'éducation et de l'environnement, il faudrait que des représentantes du W7 participent à la ministérielle finance : il ne faut pas se priver des regards féministes sur l'économie, les finances, la sécurité. Il nous importe également qu'une représentante du W7 puisse échanger avec les chefs d'État. Ce serait symboliquement important. Or les signes que nous adressent les autorités ne sont guère rassurants. Nous avons interpellé le Chef de l'État sur ce point.
Nous espérons que le sommet de Biarritz aboutira à des annonces de financement. La France s'est engagée à allouer 120 millions d'euros aux associations féministes, mais nous n'en connaissons pas les modalités d'octroi. La volonté politique est présente, mais il subsiste des blocages à tous les niveaux. Une diplomatie féministe doit prendre corps dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale.
Le W7 est un groupe reconnu par les pays du G7 qui se veut féministe, inclusif, intersectionnel, dans la continuité des valeurs instaurées par le Canada. L'égalité femmes-hommes reste une priorité du G7, grande cause du quinquennat d'Emmanuel Macron, et chaque réunion ministérielle doit adopter un livrable spécifique sur l'égalité de genre. Le G7 est donc stratégique du fait de son influence diplomatique et de son aide publique au développement. Nous en attendons des engagements à la fois politiques et financiers.
La France fait preuve d'un certain leadership sur la question et s'est engagée à créer un fonds de 120 millions d'euros destiné aux associations féministes des pays du sud. Nous invitons les autres pays à amplifier de telles initiatives. Il y a un devoir d'exemplarité de la part des pays du G7 et de la part de la France pour susciter une dynamique de l'égalité dans leurs politiques nationales.
Je regrette qu'aucun accès pour la société civile, notamment pour les associations, ne soit prévu à Biarritz, y compris au sein de l'espace presse, contrairement à ce qui avait été organisé au Canada. Il faut encourager la diplomatie féministe et les politiques publiques féministes, en matière de finances comme de droits, dans le cadre du G7.
La diplomatie féministe s'installe progressivement en France ; elle doit se co-construire avec les associations féministes. Le 9 mai, nous avons transmis à Marlène Schiappa deux conditions à l'établissement d'une diplomatie féministe - la mise à disposition de ressources suffisantes et la consultation systématique des associations - et quatre recommandations thématiques dans la perspective du G7 : le développement de politiques publiques féministes avec l'intégration du genre et des droits des femmes dans l'Alliance Sahel et, plus largement, dans le cadre de l'aide au développement - seulement 28 % des actions d'aide au développement menées par la France prennent en considération les droits des femmes, pour un objectif de 50 % fixé par la France et de 85 % souhaité par notre association ; l'émancipation des femmes par l'accès à l'éducation et à la santé ; l'autonomisation économique des femmes, portée par la France et les États-Unis ; enfin, la mise en place d'un mécanisme de redevabilité pour que les engagements pris par les États lors du G7 soient tenus, mis en oeuvre, financés.
Le Conseil consultatif pour l'égalité entre les femmes et les hommes a pris une excellente initiative pour le sommet de Biarritz en invitant les États à adopter au moins une loi progressiste en faveur des filles et des femmes et à y consacrer les financements afférents, ainsi qu'à travailler sur l'entreprenariat des femmes au Sahel.
La volonté d'intégrer les problématiques féministes aux débats du G7 a été impulsée par le Canada : nous vous remercions, Madame l'ambassadrice, d'avoir ouvert la voie. Des engagements doivent effectivement être pris et des lois votées pour assurer l'égalité entre les femmes et les hommes. Au-delà des annonces, il convient de s'assurer de l'affectation effective des financements aux projets et de l'efficacité concrète de ces derniers en matière de lutte contre les inégalités.
Nous écoutons Grégoire Théry, membre du Conseil consultatif pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Notre délégation vous avait reçu lors de la préparation de l'examen de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, mais aussi, au titre du Mouvement du nid, en 2013 et en 2014. En février 2016, vous êtes venu au Sénat accompagné de Nadia Murad, rescapée de Daech, dont la notoriété était alors moindre. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir permis d'entendre son témoignage dans le cadre de nos travaux relatifs à la traite des êtres humains et à l'apport de la laïcité aux droits des femmes.
Le Conseil consultatif pour l'égalité entre les femmes et les hommes a été mis en place en France pour prolonger l'expertise de son homologue canadien de 2018. Il a pour mission de transmettre des propositions concrètes dans la perspective du sommet de Biarritz concernant l'apport de la loi à l'égalité entre les femmes et les hommes. Il s'agit d'identifier les lois les plus favorables aux femmes et de soumettre le bouquet législatif ainsi collecté aux États du G7 pour que chacun s'engage à adopter au moins une loi figurant au recueil.
Je me suis effectivement rendu au Sénat pour d'autres travaux législatifs : la délégation aux droits des femmes représente un repère utile dans le paysage démocratique français.
Je remercie Isabelle Hudon, ambassadrice du Canada en France, pour ce que nous devons au Canada s'agissant du processus préparatoire au G7. Le Conseil consultatif dispose d'un haut niveau d'expertise et d'une grande diversité de personnalités, ce qui lui donne une légitimité évidente pour exercer une pression positive sur les chefs d'État du G7. Y siègent deux prix Nobel de la paix, Nadia Murad et Denis Mukwege, des experts internationaux et nationaux, des responsables d'agences onusiennes, des diplomates des pays du G7, des responsables d'organisations non gouvernementales internationales et locales, des survivantes de violences sexuelles et sexistes et des artistes, notamment Emma Watson.
Notre mandat principal ressort du partenariat de Biarritz : il s'agit d'identifier de façon indépendante des États une série de lois qui pourraient utilement être reprises par d'autres pays en raison de leur efficacité en matière de lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes. Deux mandats complémentaires sont associés à cette mission : la participation aux réunions ministérielles du G7 et la possibilité de recommander des initiatives directes aux États, par exemple en matière de lutte contre le cyber-harcèlement ou de réparation des victimes de violences sexuelles commises lors de conflits. Le Conseil a, de lui-même, élargi le mandat assigné dans le cadre du partenariat en examinant non seulement le contenu des lois mais aussi les conditions de leur effectivité et l'environnement favorable qui permet de les mettre en oeuvre: leur financement, le soutien aux associations de terrain, la formation des professionnels et l'accès à la justice - en France, seul 1 % des viols aboutit à une peine : 10 % seulement font l'objet d'une plainte et, parmi eux, 10 % sont punis par la justice. Le vote d'une loi progressiste conduit à abroger une loi discriminatoire, l'évolution apparait donc doublement positive.
Dans le cadre du sommet de Biarritz, les États peuvent s'engager sur une réforme législative ou sur un ensemble de politiques publiques incluant, par exemple, la question des quotas. Ils doivent s'engager à améliorer leur cadre législatif en faveur des filles et des femmes : dans chaque État du G7, des marges de progrès existent. Nous les incitons également à promouvoir la conditionnalité politique et financière dans le cadre de leurs relations bilatérales : la diplomatie féministe ne se limite pas à l'aide au développement ; elle concerne également les négociations commerciales ou la lutte contre le terrorisme. Si le partenariat de Biarritz est ouvert à tous les États, nos attentes demeurent plus élevées à l'encontre les membres du G7, qui doivent s'imposer en leaders de la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes, d'autant que leurs sociétés civiles se sont exprimées en ce sens. Pour garantir la mise en oeuvre effective des engagements pris, nous prônons un mécanisme de redevabilité, qui fera l'objet de notre réunion du 11 juillet.
Notre rapport est presque finalisé et le sera, au plus tard, avant la réunion précitée. Son contenu, toutefois, n'a pas été divulgué, car les négociations se poursuivent sur le contenu des recommandations. De fait, les États du G7 eux-mêmes n'en ont pas été encore destinataires. J'ai rencontré la semaine dernière les sherpas des chefs d'État du G7 ; ils m'ont fait part de leur intérêt pour les travaux du Conseil consultatif, qui devraient être salué à Biarritz lors d'une déclaration des chefs d'État consacrée à l'égalité entre les femmes et les hommes. Ils m'ont également indiqué qu'il leur était toutefois difficile de s'engager à ce stade sur une réforme concrète, d'abord parce que nos recommandations ne leur ont pas été transmises, ensuite parce que le processus législatif est complexe - je pense notamment aux accords de coalition en Allemagne - et nécessite la recherche d'un équilibre au niveau de chaque État entre le pouvoir exécutif et le Parlement. Pour favoriser ce dialogue en France, nous vous enverrons nos recommandations. Vous verrez que leur champ est vaste : chaque État pourra y trouver une réforme appropriée.
Je souhaite que le sommet du G7 ait un impact direct en France, qu'il constitue une forme d'électrochoc en matière de lutte contre les inégalités et en faveur des filles et des femmes, par exemple en conduisant à l'amélioration de l'hébergement des victimes de violences et des sans-abris. Espérons que l'engagement du Président de la République y contribue ; ne repartons pas de Biarritz sans avancée concrète !
Les 120 millions d'euros annoncés ne seront pas distribués aux associations féministes françaises, mais versés à l'Agence française de développement (AFD), dont nous connaissons les lourdeurs procédurales en matière d'octroi des subventions aux acteurs de terrain. Il faudra demeurer vigilant, afin que ces crédits, qui représentent quatre fois le budget alloué au ministère de Marlène Schiappa, profitent concrètement aux associations féministes.
Après l'annonce de l'égalité entre les femmes et les hommes comme grande cause du quinquennat en 2017, le sommet de Biarritz représentera peut-être l'acte deux de l'engagement du Président de la République, à condition que des financements suffisants y soient dédiés en métropole comme en outre-mer. Le mouvement des gilets jaunes a réuni de nombreuses femmes, notamment des mères célibataires en grande difficulté, que les associations n'ont pas toujours les moyens d'aider.
Nous entendons enfin Michèle Vianès, présidente de Regards de femmes, association de lutte contre les violences faites aux femmes et visant à favoriser la solidarité entre les femmes de France, d'Europe et du monde.
Le sommet du G7 à Biarritz sera l'occasion de mettre en oeuvre une diplomatie féministe. Celui de Women Seven des 9 et 10 mai fut un moment utile d'échange et de partage. Les Japonaises ont rappelé le patriarcat théologique dont souffre leur pays - quel plus grand misogyne que Bouddha ? - les Américaines ont fait part de leur dilemme alors que le prochain G7 sera organisé par les États-Unis et les Canadiennes ont livré un témoignage bouleversant d'une femme autochtone enlevée de sa réserve pendant l'enfance, placée en orphelinat et en famille d'accueil puis ramenée à l'âge de dix-sept ans dans une réserve dont elle ne maîtrisait ni la langue ni les usages. Des jeunes femmes d'Afrique de l'Ouest ont partagé leur énergie et leur détermination en matière de droits sexuels et reproductifs et de lutte contre les traditions néfastes que constituent les mutilations sexuelles et les mariages forcés.
Le fait que les droits des femmes soient inclus à l'ordre du jour des réunions ministérielles du G7 de Biarritz est une évolution très favorable. Néanmoins je regrette que ne figure aucune référence, dans les recommandations adoptées lors du rassemblement du Women 7 en mai, aux centaines de millions de femmes privées du droit à une identité juridique. Je déplore également l'absence de consensus des ministres chargés des droits des femmes en matière de droits sexuels et reproductifs.
L'enregistrement à l'état civil est essentiel pour les femmes. Pensez que deux femmes sur trois, dans les régions rurales, ne sont pas déclarées à la naissance et que, parmi le 1,1 milliard de personnes privées d'identité, la majorité, selon la Banque mondiale, est constituée de femmes.
Ces femmes sont dépourvues du droit fondamental, celui qui permet l'accès à tous les autres droits : l'identité juridique. L'absence d'état civil les prive de passeport, de téléphone, de compte en banque, du droit de vote et d'éligibilité ! Cette situation empêche de lutter contre les mariages précoces et autres abus dont elles sont victimes. Pour des raisons géographiques, économiques ou patriarcales, des femmes se trouvent aussi dans l'incapacité de déclarer leurs enfants. La 63e session de la Commission de la condition de la femme organisée au siège des Nations Unies au mois de mars a souligné l'importance du sujet, soutenu par ONU Femmes. Au Sénat comme au sein de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, la sénatrice Claudine Lepage, que je salue, sensibilise à cette problématique encore méconnue. Il convient de poursuivre les actions de sensibilisation des États et des populations. Le comité de pilotage de Women Seven soutient notre engagement en ce sens. Je vous invite à notre réunion du 11 novembre sur les enfants fantômes en Afrique.
Il est plus que regrettable de n'avoir pas obtenu un plus grand consensus sur les droits sexuels et reproductifs des femmes, qui sont un aspect très important de la diplomatie féministe de la France. Vous n'avez sans doute pas oublié le discours de notre ambassadeur François Delattre devant le Conseil de sécurité des Nations unies, déclarant « intolérable » que le choix d'interrompre leur grossesse ne soit pas reconnu aux femmes et aux filles qui ont subi des violences sexuelles en temps de conflit. Inutile de rappeler devant vous que les femmes recourent à l'avortement, qu'il soit légal et sécurisé ou non, et que ce sont les femmes qui n'ont pas les moyens financiers de se rendre à l'étranger pour avoir accès à un tel avortement qui font partie de celles qui en meurent - toutes les 9 minutes ! - ou restent handicapées.
Je voudrais vous alerter enfin sur les effets de la diplomatie américaine sur les droits des femmes. Depuis 2017, Donald Trump a mis en place une politique étrangère consistant à ne pas financer les organisations internationales engagées en faveur de l'avortement ou qui fournissent des informations sur l'avortement et la contraception - en particulier, le Fonds des Nations unies pour la population, consacré à la planification familiale et aux soins apporté aux mères et aux enfants dans plus de 150 pays. Cette restriction s'étend aux programmes d'éducation, s'il y est fait référence dans leur description à l'éducation sexuelle... Résultat : pour continuer à bénéficier des subsides américains, de nombreuses associations internationales ou locales ne font plus référence à l'éducation sexuelle des filles et des garçons. Or depuis quelques temps, la puberté des filles survient de plus en plus tôt et les grossesses précoces se multiplient, parfois dès l'âge de 9 ans, dans un grand nombre de pays d'Afrique de l'Ouest, et ailleurs. Les fillettes sont, comme on dit là-bas, « enceintées » par leurs enseignants ou leurs camarades de classe. Les garçons continuent à aller à l'école, pas les filles.
L'éducation sexuelle est indispensable aux filles et aux garçons. C'est une question de survie ! Il serait important qu'une partie des 120 millions d'euros parvienne bien, en Afrique de l'Ouest notamment, aux associations locales qui agissent sur ces questions et sur celles qui permettent aux filles et aux femmes d'avoir un état civil et une identité juridique fiable. Les femmes restent hélas assignées au biologique, ce qui ne gêne pas les « machocrates ». Ils et elles - car ce sont aussi des femmes - ne supportent pas que les femmes aient la maîtrise de leur fécondité et décident par conséquent de leurs activités professionnelles, sociales ou politiques.
Les alliances, à l'ONU et dans d'autres instances internationales, entre extrémistes politiques et religieux contre les droits des femmes sont de plus en plus fréquentes. Cette mondialisation de la réaction s'appuie sur un retour aux traditions et coutumes patriarcales, ce qui est totalement contraire à la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, et entraîne une séparation des femmes selon leurs origines. La réponse ne peut résider que dans l'affirmation de l'universalité des droits humains des femmes. C'est le critère qui permet de mesurer le respect des droits, leur jouissance et leur indivisibilité. La diplomatie féministe est pour moi simplement l'application de la pensée de Condorcet : toutes les femmes ont les mêmes droits, ou aucune n'en a, et celle qui vote contre les droits humains des femmes a perdu les siens.
Merci beaucoup pour cette conclusion illustrée par des chiffres graves et inquiétants. Sans une connaissance précise de la situation des filles et des femmes dans le monde, nous ne parviendrons pas à nous donner les moyens de lutter les violences faites aux femmes. J'ai aussi apprécié vos propos sur l'éducation et la formation, volet majeur et hélas parfois escamoté.
Je remercie tous les orateurs et les félicite pour leur travail en faveur de l'égalité - le combat n'est pas encore gagné !
Tous ont parlé de l'importance de la loi, de son application, et enfin des ressources nécessaires pour la mettre en oeuvre. Je songe à la loi de lutte contre le système prostitutionnel : son vote n'a pas été aisé, puisqu'il a fallu deux ans et demi ; son application est sujette à discussion, selon que l'on voit le verre à moitié plein ou à moitié vide - la traite des femmes n'a en tout cas pas été éradiquée ; les moyens manquent encore cruellement pour aider les femmes à sortir de la prostitution.
L'assemblée parlementaire de la francophonie s'est saisie de la question des enfants sans identité. L'objectif à court terme ? Que les pays membres de l'APF se dotent d'une loi les contraignant à inscrire tous les enfants à l'état civil. Ce ne serait toutefois là qu'une première étape car, dans certains pays d'Afrique - encore que nous aurions sans doute des surprises en France, au Québec ou en Suisse - c'est la guerre qui empêche l'inscription à l'état civil ! Il faudra ensuite donner à ces pays la possibilité d'appliquer la loi, sans parler des tabous culturels à briser. À nous de convaincre les gouvernants que l'application de la loi est une priorité.
Merci à tous pour vos propos, qui montrent que la cause féminine est diverse. Beaucoup de sujets concernent la cause des femmes à l'échelle nationale, mais aussi dans le monde.
En novembre 2017, le Président de la République a fait de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause du quinquennat. Nous sommes à présent en 2019 : avez-vous vu des choses évoluer dans le bon sens ? Ce sont certes des travaux de longue haleine, mais y a-t-il d'ores et déjà des motifs d'espérance ?
Quels indicateurs retenez-vous pour évaluer les résultats concrets du Women 7 et quelle échéance vous donnez-vous pour ce faire ? Il ne s'agit plus de faire des constats, mais de passer aux actes. La mobilisation pour l'environnement est forte, notamment de la part de notre jeunesse, je la perçois hélas moins pour les droits des femmes.
Les progrès de l'égalité entre les femmes et les hommes observés depuis 2017 sont essentiellement symboliques. En politique toutefois, les symboles comptent, voire conditionnent les actes concrets et les engagements financiers. Le portage politique du sujet est désormais très fort, au niveau national comme au niveau international. Reste à savoir comment cette politique prendra corps et si les discours ne relèveront pas de voeux pieux !
Les marqueurs des progrès de cette politique sont essentiellement budgétaires : il faut que les engagements se traduisent sur le plan financier. À l'issue du G7, la France ferait un premier pas concret en annonçant des modalités de décaissement des 120 millions d'euros et de partenariat plus claires. La sécurisation des moyens pour une diplomatie féministe peut aussi être assurée dans la loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Autre marqueur possible : un jaune budgétaire spécifique pour suivre la politique en faveur des droits des femmes, que la société civile demande depuis un moment.
En effet, la volonté politique doit se traduire par des moyens. Or depuis 2017, nous avons beaucoup de mal à suivre les fonds consacrés à la lutte contre les violences faites aux femmes. Et les associations, sur le terrain, rament au quotidien, nous le voyons bien sur nos territoires : à moyens constants et compte tenu de la hausse de la demande, elles rendent moins de services. Peu de départements ont ainsi été dotés de la commission de lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains qu'impose la loi de 2016.
En Auvergne-Rhône-Alpes, nous pâtissons en effet de ce manque de moyens, ainsi que d'un manque d'écoute de la part des responsables politiques nationaux. Le fait d'avoir rendu à nos ambassades quelques lignes budgétaires est cependant un point positif car, auparavant, tous les fonds étaient alloués à l'AFD. Nous avons ainsi pu, en avril dernier, mener une action aidant les femmes ivoiriennes à se porter candidates aux élections, avec l'aide de l'ambassade.
Pour ma part, j'attends du G7 un mécanisme de redevabilité, afin que l'on suive les résultats obtenus dans un an ou deux. J'attends également un délivrable pour la France en sorte que, champion à l'international, nous n'en prenions pas moins nos responsabilité au plan national. L'objectif du partenariat de Biarritz est qu'une coalition d'États s'engage à obtenir des résultats concrets ; je suis à cet égard favorable à laisser chacun déterminer la nature de son engagement. Il faudrait également que la question de l'égalité entre les femmes et les hommes soit replacée au coeur des relations diplomatiques bilatérales, à l'occasion de tout type de dialogue. J'aimerais par exemple que tout chef d'État du G7 se rendant dans un pays où la loi impose à une femme violée d'épouser son violeur soulève le problème, voire fasse d'un changement de la législation une condition de poursuite du dialogue...
En France, la priorité était d'incarner cette politique, et nous sommes satisfaits de ce point de vue. Se pose dès lors la question des moyens, ou plutôt celle du changement d'échelle : l'an dernier, les plaintes et demandes, sur tous les segments de violences, ont augmenté de 30 % ! L'outil essentiel à actionner pour y répondre s'appelle la loi de finances.
Je regrette enfin que les grands ministères ne se soient pas approprié la question. Le ministère de la Justice nous a plusieurs fois déçus. Interrogés sur la prostitution, les grands experts du ministère nous avaient expliqué que pénaliser l'auteur des violences plutôt que la victime était anticonstitutionnel ; or le législateur l'a fait et le Conseil constitutionnel l'a validé ! Ils nous ont dit la même chose sur l'introduction d'un seuil de consentement. Or de nombreux autres pays l'ont fait, qui sont des États de droit aussi développés que le nôtre. Je ne sens pas une grande conscience de ces problèmes à la justice, à l'intérieur ou au budget. Les choses sont différentes au ministère des Affaires étrangères depuis quelques années, même si des incohérences demeurent dans le langage : on ne saurait adapter ses exigences - l'emploi du terme de droits humains par exemple - selon la langue utilisée.
Merci pour ces interventions passionnantes. Avons-nous eu un retour de l'administration américaine après les propos de Donald Trump ? Se mettre autour de la table à Biarritz après le veto américain risque d'être compliqué.
Je crains que demander des moyens pour des associations qualifiées explicitement de féministes n'attise les peurs. Nous sommes hélas entourés d'autorités politiques largement masculines. Mon parti, de droite, plutôt conservateur, a tendance à moquer les féministes de service. Il faut montrer que ce sont les actions de protection des femmes, plus que l'action politique féministe, que nous soutenons.
Je vous rejoins sur l'attribution de ces 120 millions d'euros aux associations du sud. Je partage également les propos de M. Théry sur la diplomatie féministe. Un membre du G7 devrait se rendre en Tunisie pour saluer le rôle joué dans la révolution politique et culturelle du pays par les femmes, qui devraient pouvoir être reçues de la même façon qu'un chef d'État. En Afrique plus largement, ce sont souvent les femmes qui portent les projets économiques d'envergure... Bref, portons le débat au-delà des problèmes d'asservissement.
Nous n'avons guère parlé d'égalité salariale - or il reste du chemin à accomplir en la matière.
Personne n'a évoqué notre secrétaire d'État aux droits des femmes - que notre délégation, depuis deux ans, n'a toujours pas réussi à recevoir... Y a-t-il dans les autres pays du G7 une forme de secrétariat d'État aux droits des femmes ? Quel rôle jouent-ils pour préparer le G7 et porter toutes ces recommandations ?
Une anecdote enfin à propos du ministère de la Justice : alertée sur l'insalubrité des quartiers des femmes à Fleury-Mérogis, j'ai saisi le ministère, qui ne m'a pas répondu. Je me suis rendu compte sur place que les conditions de détention méconnaissaient les droits de l'Homme, ce qui est très choquant.
Ce sont indiscutablement les États-Unis qui ont, en mai, bloqué la résolution faisant mention de la santé sexuelle et reproductive des femmes. C'est d'autant plus un sujet d'inquiétude qu'en 2020, le G7 se tiendra aux États-Unis et le G20 en Arabie saoudite ! Nous n'obtiendrons donc rien du tout sur les droits des femmes l'an prochain au plan multilatéral, mais cela ne doit pas freiner les avancées bilatérales. Il est ainsi d'autant plus important que la France parvienne à obtenir des avancées politiques rapidement.
Nous nous sommes également interrogés sur l'usage du mot « féministe », mais il est repris au plus haut sommet de l'État, par le Président de la République et la secrétaire d'État eux-mêmes. Nous le revendiquons depuis plusieurs années, car il dit bien l'action des associations qui travaillent tous les jours auprès des femmes victimes de violence ou vulnérables. Le financement de la protection des femmes passe nécessairement par les associations féministes, qui sont porteuses d'un changement structurel des rapports de pouvoir au sein de la société. Le Women 7 se déclare ainsi féministe, sans l'ombre d'une hésitation !
Comme M. Théry, je crois fondamental de construire une diplomatie féministe à travers tous les secteurs : politique de défense, commerce international, lutte contre le terrorisme, etc.
L'égalité salariale fait partie de nos recommandations. Nous l'avons exprimée lors du G7 social, début juin. Les prochains G7 devront être exemplaire en la matière.
Le rapport du conseil consultatif est divisé en trois grandes sections : la lutte contre les violences sexuelles et sexistes - groupe de travail dont je suis rapporteur -, l'accès à une éducation équitable et de qualité pour les filles, et l'émancipation économique des femmes et l'entreprenariat féminin. Ce dernier point fera l'objet de recommandations très concrètes. Des expertes du sujet composent le conseil consultatif. Je ne doute donc pas qu'il sera porté haut lors du G7. Certains États, comme les États-Unis, ont annoncé qu'ils s'engageraient davantage sur certains aspects, comme l'égalité salariale et l'émancipation économique des femmes.
Il faut souhaiter que les États-Unis finissent par s'engager pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Lors de la réunion des 13 et 14 juin, la sherpa américaine a dit que c'était une grande priorité. Nous savons que cette présidence aura une vision partielle du sujet, mais je reste favorable à ce qu'on tende la main à nos partenaires américains.
L'incarnation de ces sujets varie selon les États. La représentante des États-Unis par exemple, d'après mes recherches, n'est même pas fonctionnaire, mais vient d'une banque d'investissement en faveur des femmes. Au Japon, c'est un ministère transversal. La représentante allemande est l'équivalente d'une secrétaire d'État, sous la tutelle de la ministre de la famille. Il faut reconnaître à Marlène Schiappa son implication au niveau du Conseil consultatif et sa grande mobilisation dans la perspective du G7. Ce que nous attendons à présent, c'est l'atterrissage national.
Outre la connotation du terme féministe, nous sommes confrontés à la difficulté de nommer les choses.
Mais attention : le problème ne se pose pas qu'aux États-Unis. Le vote de la loi de lutte contre le système prostitutionnel n'a pas empêché certains de déposer une question prioritaire de constitutionnalité pour contester sa compatibilité avec la liberté d'entreprendre et la liberté à disposer de son corps... En Europe aussi, la montée des populismes, la montée des extrêmes, le conservatisme ambiant sont des sujets d'inquiétude.
Du texte de loi à sa concrétisation, il faut toujours regarder comment les choses se déclinent. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, votée en juillet 2018, a renforcé les sanctions des employeurs lorsque les écarts de salaires sont trop grands entre les femmes et les hommes. Je serais heureuse de disposer du bilan qu'a dressé le Gouvernement lorsqu'il sera disponible.
Merci à tous. Tout commence certes par la volonté politique. L'initiative à venir est inédite et suscite beaucoup d'espoirs.
Les inégalités se cumulent et nourrissent les violences ; mais en sens inverse, un acte important peut enclencher un cercle vertueux. Le combat est en tout cas sans fin, vous le dites tous très bien.
Les moyens financiers sont en effet le nerf de la guerre. Les corps intermédiaires, le mouvement associatif notamment, concourent à l'action politique : il faut donc y mettre les moyens. Concrètement, comment envisagez-vous l'après-G7 ? Comment vous organisez-vous pour utiliser ces 120 millions d'euros ?
Le combat que nous menons est systémique. Dans la lutte pour l'égalité entre les femmes et les hommes, il n'y a pas une cause plus importante qu'une autre. Les femmes d'Afrique de l'Ouest disent la même chose ; agir contre les violences sexuelles, pour elle, est un combat hautement politique. Le fait d'agir sur le terrain est aussi un engagement politique, et l'engagement politique doit se nourrir de ces expériences de terrain. C'est pourquoi nous tenons au mot féministe, qui porte cette vision de l'égalité entre les femmes et les hommes et d'une société plus égalitaire.
On nous félicite souvent pour les résultats obtenus en si peu de temps, mais c'est une vision déformée des choses : ce combat est mené depuis des décennies, voire des siècles, et il est peu probable que le G7 soit autre chose qu'un énième jalon sur un long chemin. La séquence est cependant intéressante car, après le G7 se tiendront la conférence ICPD+25 et la conférence Pékin+25. Cette International conference on population and development traitera de la question trop souvent occultée des droits sexuels et reproductifs. Nous nous mobiliserons fortement pour que la France soit active sur ces questions. Que l'on soit parlementaire, activiste ou entrepreneuse, il faut une convergence des voix pour que cette question de l'inégalité entre les femmes et les hommes soit placée au centre du débat politique, dans une vision systémique qui se garde d'opposer les combats, les sujets, les latitudes ou les manières d'agir.
La question des droits sexuels et reproductifs est au coeur du partenariat de Biarritz et du rapport du conseil consultatif.
Les membres de ce conseil, nommés à titre individuel, sont moins organisés que le Women 7 pour formuler des attentes à l'égard de l'après-G7. Cela étant, nous avons bien l'intention d'obtenir le mécanisme de redevabilité dont je parlais. Nous ne nous arrêterons pas, en toute hypothèse, après avoir rendu notre rapport à Biarritz. À titre personnel, je m'intéresse à la manière de mieux connecter les agendas des féministes nationaux et internationaux. J'ai également l'impression que nous pouvons faire plus avec le ministère des Affaires étrangères : la diplomatie féministe ne saurait se réduire à la coopération Nord-Sud ou au développement. C'est un agenda politique universel.
Nos combats s'inscrivent dans un continuum. Même un chemin de mille lieues commence par un pas, dit un proverbe japonais. La continuité sera assurée par la conférence Pékin+25. Le W7 a proposé aux associations membres de venir le 11 novembre à Genève rendre visible le travail réalisé par le Women 7 - j'en profite pour dire que j'ai beaucoup apprécié la bienveillance des échanges qui se sont tenus à cette occasion. Nos combats ne s'arrêteront pas, quoi qu'il arrive.
La délégation sénatoriale aux droits des femmes envisage de poursuivre cette table ronde par une réunion, fin 2019, sur les violences faites aux femmes dans les conflits armés - qui font, donc, l'objet de recommandations dans les travaux du conseil consultatif.
Avec la déclaration de Dinard du 6 avril 2019, le G7 s'est saisi de ce problème. Ce texte appelle à une mobilisation accrue de la communauté internationale pour « prévenir la violence sexuelle et sexiste dans les situations de conflit » et pour mettre en place une « démarche d'intervention centrée sur les personnes survivantes et les victimes notamment en répondant aux besoins de celles-ci et de ceux des enfants nés des violences sexuelles en période de conflit ».
La très grave question du viol comme arme de guerre a fait l'objet d'un rapport de la délégation en 2013. Hélas, six ans plus tard, l'actualité internationale nécessite une nouvelle réflexion de la délégation sur ce sujet. Je vous donne donc rendez-vous dans quelques mois pour aborder les viols de guerre et les besoins médicaux, juridiques, psychologiques des victimes ainsi que le rôle des femmes comme actrices des processus de paix, dans la logique de la résolution 1325 des Nations unies « Femmes, paix et sécurité ».
Le sommet de Biarritz, nous l'avons compris, n'est pas une fin en soi, mais sera le début d'une séquence politique forte. À charge ensuite, pour les décideurs, de faire respecter les lois en y mettant les moyens. Ces sujets doivent être portés par les hommes et par les femmes, pour le bien des hommes et des femmes.
Merci à vous tous.