La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

La proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants, proposée par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, vise à permettre à chacune des deux assemblées du Parlement d'être informée « de la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur les droits des enfants ».

Cette proposition de loi doit être examinée le 20 novembre prochain, jour du trentième anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), ratifiée par la France en 1990. Un texte similaire avait été adopté par l'Assemblée nationale en 2003 mais n'avait jamais été inscrit à l'ordre du jour du Sénat. Le groupe CRCE nous propose de remettre au goût du jour ce texte.

Nous sommes tous d'accord pour dire que les droits de l'enfant doivent être pris en compte et que celui-ci doit faire l'objet d'une protection. Tel n'est évidemment pas l'angle sous lequel j'ai abordé cette proposition de loi. Car la question n'est pas de savoir si nous devons nous soucier des droits de l'enfant, mais de déterminer l'organisation parlementaire optimale pour ce faire.

Sommes-nous dans l'obligation, dans le cadre de la CIDE, de mettre en place une délégation parlementaire ? Non. Un mécanisme de suivi, piloté par le Comité des droits de l'enfant auprès du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, permet de contrôler l'application de la CIDE. Les États signataires doivent soumettre un premier rapport dans les deux ans suivant la signature de la convention, puis tous les cinq ans. La France va ainsi remettre son sixième rapport en 2021. Ce comité de suivi bénéficie de relais institutionnels dans notre pays : le Défenseur des enfants, qui dépend du Défenseur des droits ; la Commission nationale consultative des droits de l'homme ; le Contrôleur général des lieux de privation des libertés.

Nous bénéficions ainsi déjà d'une organisation permettant le contrôle de l'application de la CIDE en France, prévue soit par la convention, soit par l'État lui-même. Il n'est donc nullement besoin de délégations parlementaires.

Le Parlement se désintéresse-t-il des droits de l'enfant ? À cette question provocatrice la réponse est bien évidemment négative. Les droits de l'enfant sont pris en compte dans le travail habituel des assemblées.

D'abord, par les commissions permanentes, au premier rang desquelles la commission des affaires sociales. Son domaine de compétences couvre la santé, la politique familiale, l'action sociale. Elle produit des rapports législatifs spécifiques - je pense à la récente proposition de loi sur la prise en charge des cancers pédiatriques - et des rapports d'information, par exemple sur les mineurs non accompagnés, et mène des auditions, comme dernièrement celle d'Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

La commission de la culture et de l'éducation traite, quant à elle, des sujets relatifs à l'enseignement scolaire et à la jeunesse. Elle produit régulièrement des travaux relatifs aux enfants, des rapports législatifs - je pense à celui sur l'exposition précoce des enfants aux écrans -, et des rapports d'information, par exemple sur les rythmes scolaires. Notre commission des lois travaille sur l'enfance délinquante, adopte des rapports législatifs, dont l'un récent et directement inspiré de la CIDE, relatif aux violences ordinaires éducatives, et entend le Défenseur des droits.

Des travaux ponctuels sont également organisés, par les missions d'information et les missions communes d'information, par exemple sur la psychiatrie des mineurs et les violences sexuelles dans les institutions. La délégation aux droits des femmes mène quant à elle un travail important sur la situation des enfants - je pense au mariage des enfants ou aux grossesses précoces. Enfin, chaque sénateur a un pouvoir d'initiative individuel, notamment par le biais des questions au Gouvernement.

Le travail parlementaire prend donc déjà largement en compte les droits et la protection de l'enfant. Serions-nous plus efficace si nous créions une délégation aux droits des enfants ? Je ne le pense pas au regard de l'évolution de notre institution depuis 2003, date à laquelle une proposition de loi similaire a été votée à l'Assemblée nationale. En effet, la réforme constitutionnelle de 2008 a expressément consacré la mission de contrôle et d'évaluation du Parlement, qui s'est organisé en conséquence pour travailler plus efficacement, notamment grâce à une loi de 2009, qui a permis de supprimer cinq délégations et offices.

En 2015, MM. Richard et Karoutchi ont présenté, dans le cadre du groupe de réflexion sur les méthodes d'évaluation des méthodes de travail du Sénat, des propositions. L'une d'elles tendait à « éviter la dispersion des sénateurs et donc la multiplication, la polysynodie des structures ». Étaient ainsi notamment visées les délégations parlementaires.

En réalité, les conditions actuelles du travail parlementaire, qui s'est structuré au fil du temps, sont suffisantes. Les commissions permanentes, et leurs moyens considérables, nous permettent d'être efficaces. C'est moins le cas des délégations, qui n'ont pas de pouvoirs législatifs. Aussi, créer une délégation supplémentaire risquerait de rendre moins efficace notre travail en morcelant nos activités.

Pour conclure, je vous propose de ne pas adopter cette proposition de loi. Néanmoins, je remercie le groupe CRCE de l'avoir déposée, car elle permet de mettre en valeur l'important travail du Parlement, et singulièrement du Sénat, en faveur de la protection des droits de l'enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je m'associe à votre propos sur l'intérêt de cette proposition de loi qui permet de mettre en valeur notre travail relatif aux enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Historiquement, nous avons assisté à une multiplication des organismes, qui a conduit à un alourdissement inutile. Aujourd'hui, la logique est différente. Ainsi, en 2011, le Défenseur des enfants est devenu l'adjoint du Défenseur des droits.

La France respecte la CIDE. Il faut rester dans l'universel. Je ne crois pas à la création de catégories, notamment d'âge, qui sont, par définition, provisoires. L'essentiel est d'oeuvrer au jour le jour à l'approfondissement des droits de l'enfant.

Je me rappelle que la création du Défenseur des droits avait suscité de nombreuses protestations, à commencer par la Ligue des droits de l'homme. L'accumulation de rapports et de propos hyperboliques affaiblit la cause que l'on veut défendre. Le Défenseur des droits fait son travail : il ne s'agit pas de brouiller son message et son action en créant un organisme supplémentaire, fut-il parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Je souscris aux propos de Mme la rapporteur. Trop de dispersion nuit à l'efficacité. Les commissions permanentes, notamment la nôtre, sont tout à fait aptes à s'occuper des droits de l'enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Madame la rapporteure, vous vous êtes interrogée sur le mode d'organisation, et en avez conclu qu'il n'était pas nécessaire de prévoir d'institution supplémentaire puisque les commissions permanentes s'occupaient de la question des droits de l'enfant. Je remercie également le groupe CRCE d'avoir inscrit cette proposition de loi dans sa niche du 20 novembre prochain.

La France respecte-t-elle correctement la CIDE ? Nous ne sommes certainement pas les plus mauvais, mais en tant qu'héritiers du siècle des Lumières nous devrions montrer le meilleur exemple. Vous avez évoqué le sixième rapport que rendra notre pays en 2021, mais vous n'avez pas mentionné les réflexions et les recommandations du comité de suivi à la suite de notre dernier rapport. En 2016, celui-ci avait noté que le Défenseur des enfants ne disposait pas d'assez de ressources, qu'il manquait de visibilité au sein du Défenseur des droits et que l'État ne le consultait pas systématiquement sur les projets de loi concernant les droits des enfants.

Le Gouvernement, qui exprime régulièrement son mépris à l'égard du Parlement, et surtout du Sénat, cherche à supprimer les autorités indépendantes et les organismes de contrôle de l'action de l'administration. Une des missions du Sénat, surtout lorsque l'Assemblée nationale est très proche du pouvoir, est de contrôler l'action du Gouvernement. Exerçons-nous ce travail s'agissant de la mise en oeuvre de la CIDE ? Ce n'est pas tout à fait le cas, ce qui est d'ailleurs normal car nous avons diverses missions. Par exemple, notre commission s'occupe de l'enfance délinquante. Certes, mais les droits de l'enfant, ce n'est pas que cela !

La commission des affaires sociales s'occupe de la protection de l'enfance par le biais de la question de l'aide sociale à l'enfance. Pourtant, le Parlement ne dit pas à l'État qu'il est impossible de continuer avec le système actuel, dans lequel les disparités entre les départements sont grandes. La commission de la culture et de l'éducation se charge bien sûr de l'éducation. Mais le fait-elle au regard de la CIDE ? Je ne le pense pas.

Par ailleurs, en tant qu'homme, père et grand-père, je suis surpris que vous ayez cité la délégation aux droits des femmes. Nous ne sommes plus dans une société dans laquelle les enfants sont la préoccupation des seules femmes !

Enfin, pourquoi aurait-on créé une délégation aux collectivités locales puisque nos commissions se préoccupent des collectivités locales ? Quid de la délégation aux entreprises alors que nous avons une commission des affaires économiques ?

Le 20 novembre prochain, nous aborderons le véritable sujet : que fait notre pays s'agissant de la CIDE ? Nous évoquerons peut-être les rapports du comité relatifs à la France, et nous mesurerons à quel point nous devons améliorer notre travail de contrôle parlementaire. C'est la raison pour laquelle la proposition de création d'une délégation me paraît saine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Je remercie Muriel Jourda pour son excellent rapport. Certes, il y a encore beaucoup à faire, mais la création d'une délégation est-elle vraiment le bon vecteur ? Sur ces sujets, je suis persuadée que tout passe par le respect de l'autre et l'éducation. Les enfants victimes deviennent souvent des enfants auteurs : c'est pourquoi un accompagnement à la parentalité est nécessaire. Plutôt que les lois, ce sont les mentalités qu'il faut changer. C'est en accompagnant ces familles que nous protégerons les plus vulnérables d'entre nous, les femmes et les enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Je remercie M. Bonhomme et Mme Costes de leur soutien, et Mme Mercier de son propos pertinent sur les mentalités et l'éducation.

Monsieur Bigot, vous êtes en désaccord avec ma proposition. Respectons-nous la CIDE ? Pas dans sa totalité, évidemment. Mon propos ne portait pas sur les réponses aux rapports de la France qui pointent les éléments à améliorer. Nous avons bien sûr une marge de progression et c'est un euphémisme de le dire... J'ai rappelé que la proposition de loi sur les violences éducatives ordinaires découle d'ailleurs directement de la CIDE.

Les commissions font un travail de contrôle et d'évaluation. Rien ne nous empêche de nous en saisir ! J'insiste, je ne dis pas que nous avons atteint la perfection ; je me demande simplement comment assurer l'efficacité du travail parlementaire.

J'ai évoqué la délégation aux droits des femmes : loin de moi l'idée de prétendre que seules les femmes se préoccupent des enfants ! Je partais d'un constat factuel : cette délégation traite des droits de l'enfant.

Nous pouvons améliorer les choses, mais nous avons déjà les instruments pour le faire. Depuis une dizaine d'années, nous avons constaté que la multiplication des structures ne plaidait pas en faveur d'une meilleure efficacité de notre travail.

La commission n'a pas adopté de texte sur la proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants.

En conséquence, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte de la proposition de loi déposée sur le bureau du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » rassemblait traditionnellement les crédits de trois programmes budgétaires du ministère de l'intérieur :

- le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative », qui finance l'exercice des droits des citoyens (élections, vie associative et liberté religieuse). Les élections municipales en 2020 expliquent la croissance des crédits pour l'année prochaine avec une hausse de 17,2 % en autorisations d'engagement et de 14,9 % en crédits de paiement ;

- le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ». L'augmentation spectaculaire des crédits pour l'exercice 2020, de l'ordre 46,7 % en autorisations d'engagements et de 45 % en crédits de paiement, s'explique notamment par l'explosion des dépenses liées aux systèmes d'information et de communication désormais pilotés par une toute nouvelle direction du numérique (DUN). À noter que la prévention de la délinquance et de la radicalisation émarge aussi aux crédits de ce regroupement fourre-tout ;

- enfin, le programme 307 « Administration territoriale », le plus important puisqu'il rassemblait les moyens des préfectures, des sous-préfectures et des représentations de l'État dans les territoires d'outre-mer. Fusionné avec le programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », qui regroupait les crédits des divers ministères supportant notamment les directions départementales interministérielles, les délégations régionales placées sous l'autorité des préfets de région et les secrétariats généraux pour les affaires régionales, il est devenu le programme 354.

C'est sur ce programme, qui concerne le plus directement les territoires, que nous nous attarderons car la fusion a rendu l'évolution des moyens budgétaires et humains illisible. Avec 2 460 millions d'euros en autorisations d'engagement, en hausse de 6,4 %, et 2 328 millions d'euros en crédits de paiement, en hausse de 6 %, et une augmentation de 4 % des effectifs en équivalents temps plein travaillé (ETPT), le nouveau programme 354 reste le mieux doté de la mission.

Cette augmentation pourrait être une bonne nouvelle si elle n'était pas due à des effets d'optique générés par la fusion des programmes. En effet, cette hausse résulte en fait du transfert de moyens existants - jusque-là comptabilisés hors du périmètre du ministère de l'intérieur - au titre des missions interministérielles. Ainsi, les transferts d'effectifs s'élèvent à 1 803 ETPT, alors que les moyens humains n'augmentent, pour l'année 2020, que de 1 096 ETPT. Cela signifie donc qu'à périmètre constant, les moyens globalement dévolus à l'administration territoriale de l'État baissent de 707 ETPT. En même temps que des moyens nouveaux sont venus renforcer la fonction publique, d'autres lui ont été retirés : nous atteignons des sommets dans l'art du bonneteau budgétaire ! Le ministère de l'intérieur lui-même n'a plus de visibilité sur ses moyens.

Loin de marquer une rupture avec la politique constante de réduction des effectifs et des moyens de l'administration territoriale de l'État, le projet de loi de finances pour 2020 poursuit donc la raréfaction de la présence de la République dans les territoires. Ce désengagement a des conséquences délétères pour les collectivités territoriales, notamment les petites communes, et délite la cohésion nationale déjà bien affaiblie. La multiplication de lois répressives ne pourra pas répondre à ce problème. En revanche, la présence forte de l'État sur le terrain me paraît indispensable.

J'évoque à ce titre, dans le rapport, les mécomptes de la marche forcée à la dématérialisation des procédures, l'abandon de fait du projet éphémère de renforcement de l'ingénierie territoriale de l'État pourtant très attendu par les petites collectivités territoriales et la consomption du service de public de proximité.

Ce désengagement budgétaire de l'État, de plus en plus préjudiciable pour les laissés pour compte de la République, suffit à justifier ma proposition d'avis défavorable sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Nous évoquerons par ailleurs deux points qui, par le truchement de l'architecture budgétaire issue de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), relèvent de la mission « Administration générale et territoriale de L'État » : d'une part, la mise en application du répertoire électoral unique dans le cadre de la réforme des inscriptions sur les listes électorales (programme 232) et, d'autre part, la question - marginale du point de vue budgétaire mais qui a son importance - du rattachement de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) au ministère de l'intérieur (programme 216).

En ce qui concerne la réforme des listes électorales issue de la loi du 1er août 2016, malgré quelques difficultés techniques et de communication entre l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) et certaines communes, le déploiement du répertoire électoral unique s'est déroulé correctement compte tenu de l'ampleur du chantier. Les élections européennes ont servi de galop d'essai et, à cet égard, nous avons constaté que les cas de radiation irrégulière étaient limités. Pour l'essentiel, il s'agissait de problèmes de double inscription qui ont concerné moins de 1 % des inscrits, même si certaines communes comme Toulouse ont fait face à des difficultés plus importantes. Ces cas particuliers ont été complexes à traiter, d'autant que la communication entre l'INSEE, les communes et les éditeurs de logiciel a été rendue difficile par l'interruption temporaire du portail ELIRE mis à la disposition des communes pour que celles-ci puissent gérer leurs listes électorales.

Signalons tout de même que tous les acteurs concernés ont conscience de l'importance d'anticiper ces problèmes dans la perspective des élections municipales qui représenteront une échéance politique particulièrement importante. Compte tenu de la campagne d'information programmée pour inciter les citoyens à vérifier leur situation électorale, je pense que la gestion du répertoire électoral unique ne devrait pas poser de difficultés majeures l'année prochaine.

Le second point que j'aimerais aborder - même s'il s'agit de crédits très modestes -, c'est l'idée saugrenue de fusionner la MIVILUDES, placée depuis sa création en 2002 sous l'autorité du Premier ministre, avec le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), qui relève de la responsabilité du ministère de l'intérieur. Même si, à la marge, la prévention de la radicalisation et la lutte contre les dérives sectaires peuvent se recouper, le champ d'intervention de la MIVILUDES s'étend bien au-delà de cette problématique, dans les domaines de la santé et de l'éducation notamment, ce qui justifie son caractère interministériel. C'est d'ailleurs ce qu'avait indiqué le Premier ministre en réponse au référé de la Cour des comptes de 2017 suggérant ce projet de fusion.

500 000 personnes, dont 50 000 enfants, seraient victimes de phénomènes sectaires en France, sans lien avec une quelconque radicalisation islamique, et la MIVILUDES leur apporte une aide précieuse.

Ce projet de fusion est d'autant plus incompréhensible que les moyens de la MIVILUDES sont très modestes et en constante diminution, ce que la Cour des comptes reconnaît elle-même. En tenant compte des coûts indirects supportés par les services du Premier ministre, le budget de la MIVILUDES s'élève à 0,5 million d'euros, mais stricto sensu, son budget de fonctionnement ne dépasse pas 150 000 euros. Même en étant très pointilleux sur l'usage des deniers publics, ce projet de fusion demeure injustifié, d'autant que l'efficacité de la MIVILUDES n'est pas aujourd'hui remise en cause.

Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose donc, chers collègues, de donner un avis défavorable sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Je remercie le rapporteur pour son travail qui recoupe en grande partie ce que je pense de cette mission. La fusion des programmes 307 et 333 rend illisible l'évolution des crédits de la mission. Ainsi que l'a souligné le rapporteur spécial, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » est « affectée d'un défaut de lisibilité qui est une exigence constitutionnelle ».

En outre, la question de l'accompagnement du public dans le cadre des procédures de dématérialisation a déjà été soulignée et a fait l'objet d'amendements du groupe socialiste lors de l'examen du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance, puis lors de l'examen de cette mission du projet de loi de finances pour 2019. Nous le soulignons à nouveau.

Les évolutions technologiques ne doivent pas se déployer au détriment de la qualité de service aux administrés et engendrer un mécanisme de marginalisation numérique, que ce soit pour des questions d'accès physique à ces services, de fracture numérique ou d'illectronisme. Les économies générées par cette dématérialisation doivent donc être réinjectées pour accompagner ce processus. Ménager des voies alternatives non-dématérialisées, en particulier les publics les plus vulnérables, est essentiel pour garantir l'exercice par tous de leurs droits. Ce point a été largement souligné par le Défenseur des droits l'année dernière.

S'il est vrai que l'État doit se recentrer sur ses missions et en finir avec un réflexe touche-à-tout dont il n'a plus les moyens, il ne peut pour autant se désengager des territoires au prétexte de la dématérialisation. Comme l'a souligné le rapporteur pour avis, ce désengagement est vécu comme un abandon de l'État, notamment dans les territoires dits périphériques. Il est d'autant plus choquant quand il conduit à une privatisation des prestations liées à des démarches administratives. Un marché de la délivrance de cartes grises a vu le jour. Ainsi que le souligne le rapporteur spécial, à raison de 30 euros par dossier et compte tenu de la délivrance de 13 millions de cartes grises, cette opération coûte 300 millions d'euros aux Français.

Dans ce contexte, les réformes engagées qui se traduisent par la mutualisation des moyens et la création des secrétariats généraux communs aux différentes administrations permettront-elles à l'État de garantir le service de proximité, notamment en ce qui concerne les collectivités territoriales ? Si les moyens diminuent, quelles seront les conditions de mise en oeuvre de la procédure de rescrit territorial prévue dans le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique ?

La baisse des moyens des préfectures et des sous-préfectures se poursuit inexorablement. L'État de « proximité », que l'on verra peut-être renaître dans le cadre du projet de loi « Décentralisation, différenciation et déconcentration », subit une perte de moyens, voire une dégradation de ses missions, y compris celles présentées comme prioritaires. En ce qui concerne la présence de l'État sur les territoires, on a plutôt le sentiment d'un retour en arrière dans les pratiques.

Il convient donc de s'interroger sur l'accès au service public, notamment pour faire valoir ses droits, à plus forte raison au regard du rapport de la Cour des comptes sur l'accès aux services publics dans les territoires ruraux qui dresse un bilan mitigé de l'expérience de mutualisation dans le cadre des Maisons de services au public (MSAP). Celles-ci seront bientôt remplacées par le réseau Maison France services, projet annoncé en grandes pompes par le Président de la République à l'issue de la crise des gilets jaunes mais dont il y a fort à parier qu'il sera, in fine, à la charge des collectivités territoriales.

Dans le même ordre d'idée, l'affectation de 30 équivalents temps plein (ETP) à la future Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) laisse songeur.

Comme l'an dernier, une question reste donc posée : quelle est la doctrine territoriale l'État ? La logique territoriale qui préside semble largement évincée par une logique comptable qui conduit l'État à ne plus s'offrir les moyens de ses ambitions. Il nous reste à espérer que le projet de loi « Décentralisation, différenciation et déconcentration » apportera les éclaircissements nécessaires sur cette question, même si l'on peut d'ores et déjà en douter.

En dernier lieu, j'aimerais aborder la question de la garantie de l'exercice des droits des citoyens. Sur ce dernier point, nous pourrions nous en vouloir de ne pas évoquer, comme l'ont fait nos collègues députés socialistes, le déploiement de moyens en application de l'article 11 de la Constitution qui prévoit la possibilité du référendum d'initiative partagée. Le silence des textes n'a jamais prescrit d'organiser le silence autour d'un droit constitutionnel. Il ne serait donc pas inopportun que des moyens soient déployés pour rendre ce droit intelligible et que la démocratie puisse s'exercer en ce qui concerne le référendum d'initiative partagée relatif à la privatisation d'Aéroports de Paris.

Vous comprenez donc que l'avis de notre groupe sur les crédits de cette mission est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

J'aimerais que le rapporteur nous éclaire sur la question du service public de proximité. Les réformes menées par les différents gouvernements - y compris au travers du plan « Préfectures nouvelle génération » - se fondent sur la nécessaire rationalisation des moyens de l'État. Cependant, la baisse des effectifs des préfectures s'est accompagnée de changements majeurs sur la nature même des services rendus avec la disparition progressive des guichets d'accueil du public. Il était question, à l'époque, de les remplacer par des points numériques afin de garantir l'accompagnement des personnes qui ne maîtrisent pas les outils numériques. Je constate pourtant qu'une partie de la population demeure démunie face à la dématérialisation des procédures. Qu'en est-il, aujourd'hui, de ce projet ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Je remercie le rapporteur d'avoir démêlé ce qu'il nomme le « bonneteau budgétaire ». Nous comprenons ainsi que la hausse des crédits du programme 354 est purement faciale et qu'elle cache en réalité une diminution des moyens de l'administration territoriale de l'État. Sur le fond, cette baisse ne me choque pas car j'ai conscience de la nécessité de réduire les dépenses publiques. J'aurai l'opportunité de le redire à l'occasion de la présentation de l'avis budgétaire sur les crédits de la mission « Économie » dont je suis rapporteur.

Cependant, dans le cas particulier des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », je suis plus réservé à l'égard de cette diminution tant l'attente des collectivités territoriales et de nos concitoyens est forte. Je crains que les économies générées par ces coupes budgétaires ne servent à financer des Maisons France Services dont l'apport en termes de qualité de service reste à prouver.

Sans revenir en détails sur les nombreux problèmes liés à la gestion de la procédure de délivrance des cartes grises, je souhaite tout de même attirer votre attention sur les limites de la dématérialisation.

Je me joins donc à l'avis défavorable du rapporteur sur les crédits de cette mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je suis satisfait de constater que mon analyse est partagée.

J'aimerais rappeler que je ne cautionne pas l'usage du terme « rationalisation » car il s'agit, en réalité, d'une diminution des moyens. En effet, si le Gouvernement était réellement animé par une volonté de rationalisation de son action, il aurait fait aller de concert la fusion des structures et l'harmonisation des statuts et des conditions de travail des fonctionnaires concernés par ces mutualisations. Dans certains départements peu peuplés, on exige que les personnels des sous-préfectures soient polyvalents, mais la bonne volonté des agents ne suffit pas à contrebalancer les difficultés liées à ce manque d'harmonisation. Il s'agit donc, purement et simplement, d'une réduction des moyens suivant une logique comptable qui se traduit par le désengagement de l'État et l'abandon des territoires.

Il est vrai que certains efforts ont été consentis pour maintenir un point de contact entre l'État et la population. À la préfecture de Haute-Garonne, par exemple, le préfet a, de sa propre initiative, maintenu une petite équipe pour traiter les dossiers les plus complexes en matière de délivrance des cartes grises.

L'État a également ouvert 310 points numériques, mais cela est loin d'être suffisant pour couvrir l'ensemble du territoire, d'autant que ces points sont animés par des jeunes en service civique qui ne maîtrisent pas nécessairement les subtilités de la législation sur les cartes grises.

Je continue à saluer le mérite des fonctionnaires de l'État dans les territoires qui continuent de faire fonctionner l'administration, mais leur travail est rendu chaque année plus difficile par ces coupes budgétaires.

Quant aux fameuses Maisons France Services, elles ne seront ni plus ni moins que des « auberges espagnoles » : elles dépendront des moyens que les collectivités territoriales pourront y consacrer. L'objectif affiché par le Gouvernement est de couvrir la totalité des cantons, mais cela ne dit rien de ce que cette mesure apportera réellement en termes d'amélioration de la qualité du service public.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cette mission comprend les crédits de la présidence de la République, des assemblées parlementaires, de La Chaîne parlementaire, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République. C'est dire si elle est vaste et j'ai eu l'occasion, lors de la conférence des présidents au cours de laquelle je suppléais le président Patrick Kanner, de rappeler que les trois minutes imparties en séance publique aux différents rapporteurs pour avis ne permettaient de consacrer que 25 secondes à chacun de ces pouvoirs publics.

S'agissant des crédits de la présidence de la République, je souhaite, comme je le ferai dans le rapport, indiquer à titre liminaire les conditions pour le moins particulières dans lesquelles le présent rapport a pu être élaboré. Pour la première fois, la présidence de la République a refusé de donner suite à des demandes réitérées d'audition auprès des services de celle-ci. M. le directeur de cabinet m'a indiqué qu'il acceptait de répondre par écrit mais qu'il refusait de recevoir le rapporteur pour avis de la commission des lois. Je ne commenterai pas cette attitude mais je tiens à souligner que celle-ci est étrange et peu conforme aux traditions républicaines. C'est d'autant plus regrettable que j'avais demandé quelques explications sur un budget qui est en forte augmentation. Je souhaite si vous en êtes d'accord que nous l'inscrivions dans le rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La dotation de l'État sollicitée par la présidence de la République est en forte augmentation. N'y voyez aucun caractère partisan, mais en 2015, 2016 et 2017, la présidence de la République était parvenue à contenir cette dotation à 100 millions d'euros, avec un remarquable travail à cette période d'identification d'économies. Depuis deux ans, les choses sont tout autres. Les dépenses de l'Élysée devraient de nouveau augmenter en 2020, passant de 106 780 000 euros à 110 516 000 euros (+ 3,5 %) après une hausse de 2,48 % entre 2018 et 2019. On peut regretter cette dérive par rapport aux efforts qui avaient été mis en oeuvre dans le passé.

Si l'on regarde en détails, le tableau est donc contrasté. Je tiens à souligner qu'il y a un effort afin de stabiliser les dépenses de personnels. Le regroupement des effectifs des 17 anciennes directions au sein de quatre entités a permis la mise en place d'une organisation qui semble plus rationnelle qu'auparavant. La mission de sécurité, par exemple, est à présent configurée autour de la direction de la sécurité de la présidence de la République (DSPR), issue de la fusion du GSPR et du commandement militaire, sujet dont nous avons eu l'occasion de parler dans un autre cadre. Cette nouvelle organisation s'est également traduite par le recrutement d'un directeur général des services (DGS), même si votre rapporteur n'est pas persuadé que les missions respectives du DGS, du directeur de cabinet et du secrétaire général soient clairement réparties. En l'absence d'audition, il n'a pas été possible de lever le doute. Enfin, 12 personnes demeurent simultanément membres du cabinet du Président de la République et de celui du Premier ministre. Il nous semble, et nous avons eu l'occasion dans un récent rapport, monsieur le président, de le dire clairement : il y a là une confusion des genres et c'est contraire à l'esprit de la Constitution. Cette situation est d'autant moins compréhensible que la présidence de la République n'hésite pas à rappeler son attachement au principe de séparation des pouvoirs chaque fois qu'elle entend ne pas apporter de réponse aux questions de la représentation nationale.

Les frais de transport de la présidence de la République ont beaucoup augmenté et certains engagements qui avaient été pris en la matière, par exemple de limiter le recours au transport aérien, n'ont pas été tenus.

Nonobstant ces remarques, je tiens à dire mon total accord avec les dépenses engagées en matière de sécurité, qu'il s'agisse du blindage des véhicules d'escorte, du renouvellement du parc radio, des équipements voués à la géolocalisation et surtout de la sécurisation des matériels de télécommunication et informatiques. Il est sage de prendre de telles dispositions.

Je ne m'étendrai pas sur les ressources propres de la présidence de la République, quelque peu anecdotiques, d'environ 1 200 000 euros, dont on ignore si elles pourront être maintenues de manière pérenne. En revanche, il faut souligner, outre l'augmentation sollicitée de la dotation que la présidence de la République recourt à un prélèvement sur ses disponibilités dans des proportions qui ne sont pas tenables : il restait au 31 décembre 2018, 17,1 millions d'euros de trésorerie : pour 2020, la présidence de la république, envisage de ponctionner 4 millions. Si ce rythme se poursuit, on voit bien qu'il n'y aura plus aucune réserve dans environ 4 ans.

Les assemblée parlementaires ont maitrisé l'évolution de leurs dépenses. Le budget de l'Assemblée nationale pour 2020 se caractérise par une légère diminution des charges. Le budget d'investissement est particulièrement important pour 2020 puisqu'il devrait s'établir à 32 682 500 euros, soit une hausse de 19,92 %. Il s'agira entre autres de procéder à la couverture de l'hémicycle et de la salle des conférences, ce qui pourrait d'ailleurs se traduire par l'absence de session extraordinaire en juillet prochain. Pour équilibrer son budget, l'Assemblée nationale prévoit, comme les années précédentes, de procéder à un important prélèvement sur ses disponibilités en 2020, pour satisfaire à un besoin de financement d'environ 48,5 millions d'euros. Une forte incertitude s'attache par nature au niveau de ce prélèvement, qui sera constaté en exécution, en fonction des dépenses effectives. Ainsi, en 2017, il s'était finalement élevé à 49,7 millions d'euros, pour une prévision de 62,8 millions d'euros. À l'inverse, le budget initial pour 2018 prévoyait un prélèvement de 28,5 millions d'euros alors qu'il a dû être porté à 46,6 millions d'euros par le budget rectificatif pour 2018. Donc le prévisionnel pour 2020 doit se lire au regard de l'incertitude constatée les années passées.

Pour ce qui est du Sénat, on note la même stabilité du budget, avec une reconduction en euros courants, et donc une baisse en euros constants, de la dotation de l'État : pour la neuvième année consécutive, la dotation de l'État sera maintenue à 323 584 600 euros. Le Sénat connaitra une hausse du prélèvement sur les disponibilités en 2020, à 29,25 millions d'euros contre 24,98 millions d'euros en 2019, afin de financer des dépenses de fonctionnement à hauteur de 3,15 millions d'euros et la totalité des dépenses d'investissement.

La Chaîne parlementaire, qui dispose d'un canal de diffusion que se partagent strictement deux sociétés distinctes de programmes, LCP-Assemblée nationale et Public Sénat, voit la dotation de l'État être reconduite : 16,6 millions d'euros pour LCP-Assemblée nationale et 17,6 millions euros pour Public Sénat.

Pour ce qui est du Conseil constitutionnel, une enveloppe spéciale de 500 000 euros a été sollicitée en cours d'exercice 2019, et un montant de 285 000 euros est prévu pour 2020 pour les opérations liées au référendum d'initiative partagée (RIP), principalement afin de financer les lourds moyens informatiques nécessaires au recueil des soutiens et aux frais exposés pour l'exercice des contrôles qui sont opérés en propre par le Conseil constitutionnel. Si l'on fait abstraction de cette enveloppe spéciale, à périmètre constant, le budget du Conseil constitutionnel est donc reconduit. Je soulignerai dans le rapport que les dispositions législatives en vigueur n'imposent pas un degré d'information plus important des électeurs sur la possibilité d'apporter leur soutien à cette initiative. Ainsi que l'a rappelé son président, Roch-Olivier Maistre, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut contraindre les médias audiovisuels à informer les citoyens de l'existence du processus et de la possibilité qu'ils ont de le soutenir. Je préciserai également que bon nombre d'inscrits sur les listes électorales, y compris certains de nos collègues, ont connu des difficultés d'accès à la plateforme afin d'exprimer leur soutien à la proposition : le dispositif est relativement complexe. On peut être désappointé par le contraste qu'il y a entre la publicité qui est faite auprès des Français pour leur faire savoir qu'ils peuvent devenir actionnaires de la Française des Jeux (FDJ) après la privatisation de celle-ci et le silence complet autour de ce mécanisme qui est pourtant directement issue d'une disposition constitutionnelle.

L'activité globale du Conseil constitutionnel a été légèrement moindre en 2019 : peu de contentieux électoraux ont été jugés, ce qui est logique au regard du calendrier électoral national, seules des élections partielles ayant eu lieu en 2018 et 2019.

En outre, pour la première fois depuis le lancement de la procédure en 2010, un tassement du nombre de questions prioritaires de constitutionnalité nouvelles a été observé à la fin de l'été 2019. Il est toutefois trop tôt pour indiquer s'il est conjoncturel ou augure d'une modification de tendance par rapport aux années précédentes. En 2020, à l'occasion des dix ans du mécanisme, le Conseil constitutionnel organisera une réflexion particulière.

Le rapport écrit fera également état de l'évolution de la pratique du Conseil constitutionnel en 2019, à propos des « contributions extérieures », autrefois les « portes étroites ». Ces contributions extérieures visent à appeler l'attention du Conseil constitutionnel sur une question de droit précise, à l'occasion du contrôle de constitutionnalité d'une loi avant sa promulgation, et peuvent être transmises par des citoyens ou des juristes, comme le regretté Guy Carcassonne, qui en était friand. Votre rapporteur s'interrogeait l'an dernier sur l'éventuelle publicité, à terme, du contenu de ces contributions extérieures. Le Conseil constitutionnel a décidé en 2019 de rendre public le contenu de ces contributions, une fois la décision rendue. Ce choix permet de donner un écho aux contributions extérieures, et de vérifier l'impartialité des décisions rendues par rapport au lobbying, sans avoir entraîné leur multiplication, sans doute du fait du choix judicieux de publier chaque décision avant de rendre publiques les contributions extérieures.

J'ajoute enfin que les activités, internationales d'une part, et visant à faire connaître l'action du Conseil d'autre part, ont été nombreuses. C'est le sens d'une première série de décisions QPC rendues directement après avoir tenu audience en région, en 2019, à Metz puis à Nantes. Ces audiences sont d'autant plus bénéfiques qu'elles ont été suivies quelques jours plus tard d'un échange direct entre les étudiants de la faculté de droit la plus proche et le président du Conseil constitutionnel, lequel a pu expliciter le contenu des décisions rendues quelques jours plus tôt.

Enfin, s'agissant de la Cour de justice de la République, je voudrais débuter mon propos en disant que je regrette que la révision constitutionnelle n'arrive pas, pour l'instant, à l'ordre du jour des assemblées. Je sais que vous partagez mon point de vue sur cette question, monsieur le président. S'il peut exister des désaccords sur certains points, comme la réduction du nombre de parlementaires, ou éventuellement la proportionnelle, il existe des sujets sur lesquels un accord pourrait être trouvé, comme le devenir de la Cour de justice de la République, mais nous n'avons pas l'occasion de traiter ces sujets.

Sur le plan budgétaire, les moyens de la CJR sont relativement constants. Il y a eu en 2019 un seul procès, celui de M. Urvoas, les précédents s'étant déroulés en 2016 s'agissant de Mme Lagarde et en 2010 pour M. Pasqua. Ces procès ne constituent que la partie émergée de l'iceberg puisque depuis la création de la CJR, 44 saisines de la commission d'instruction ont donné lieu à l'ouverture de 17 informations.

Au bénéfice de ces observations, nonobstant les fortes réserves que nous pouvons émettre sur la forte augmentation des dépenses de la présidence de la République, je vous propose d'émettre un avis favorable aux crédits de la mission, ne serait-ce que parce que les autres pouvoirs publics n'ont pas à pâtir de cette situation.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « pouvoirs publics ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

La mission « Direction de l'action du Gouvernement » connaît pour principal changement le transfert du programme 333 vers la mission « Administration générale et territoriale de l'État » rattachée au ministère de l'intérieur. Les deux programmes restants, « Coordination du travail gouvernemental » et « Protection des droits et libertés » ont, par leur caractère interministériel, vocation à rester rattachés aux services du Premier ministre. Le budget, de 813,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 793,6 millions d'euros en crédits de paiement, est composé à 40 % de frais de fonctionnement et 35 % de frais de personnels. Il est en progression, en raison de 13 millions d'euros supplémentaires alloués aux fonds spéciaux et de la concrétisation des projets immobiliers de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) et du groupement interministériel de contrôle (GIC). J'aimerais saluer quelques victoires obtenues grâce à nos remarques. L'an dernier nous avions demandé le renforcement effectif des personnels de l'ANSSI, qui se voit allouer 42 équivalents temps plein travaillés (ETPT) supplémentaires en 2020, et de ceux du GIC qui bénéficiera quant à lui de 13 emplois supplémentaires. Ces moyens alloués au GIC, qui intégrera de nouveaux locaux en 2021, permettent aux services de renseignement de remplir leurs missions efficacement, sous le contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

Je me félicite par ailleurs qu'il n'y ait plus de mises à disposition au sein des autorités administratives indépendantes relevant de cette mission budgétaire. J'ai plusieurs fois dénoncé cette pratique qui ne permettait pas aux autorités de choisir leurs personnels, ce que je considérais être une atteinte à leur indépendance.

Des moyens supplémentaires sont alloués à juste titre au Défenseur des droits et à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). J'aimerais à l'occasion de l'examen de cette mission budgétaire rappeler le rôle des autorités administratives indépendantes (AAI). À l'initiative, notamment, de notre ancien collègue Jacques Mézard, une commission d'enquête a été créée, suivie d'une proposition de loi du même auteur portant statut général des AAI. Le maintien d'autorités administratives indépendantes est apparu nécessaire pour assurer, en toute indépendance par rapport au Gouvernement, la protection des droits et libertés. Il ne s'agit en aucun cas d'une soustraction des pouvoirs du Parlement. Cette évolution n'est cependant pas sans poser difficulté. Je pense ainsi au pouvoir de sanction dévolu au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et à la CNIL qui a infligé à Google une amende de 50 millions d'euros qui a été réglée et versée au budget de l'État. J'insiste cette année encore sur le risque de voir la responsabilité de l'État engagée en cas d'annulation de ces sanctions, qui peuvent exposer les autorités à de lourds dommages-intérêts qu'elles ne sont pas en mesure de régler. Le CSA est dans l'attente de la décision du Conseil d'État sur l'indemnisation de la chaine C8 après avoir annulé en juin 2018 la sanction privant la chaine de publicité pendant une semaine. Le rapporteur public a proposé de fixer à 1,1 million d'euros le préjudice de C8. C'est une évolution dont il faut prendre conscience.

Il reste néanmoins de nombreux problèmes dans ce budget. Tout d'abord le rattachement de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES), relevant jusqu'alors du programme « Coordination du travail gouvernemental », au comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). Pourquoi remplacer cette mission qui fonctionne, comme s'interroge son ancien président Georges Fenech, si ce n'est pour répondre à une injonction de la Cour des comptes ? C'est assez préoccupant.

La non-lisibilité des budgets est cette année encore à déplorer. Afin de respecter la trajectoire de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025, 255 ETPT mis à disposition par le ministère de la défense au SGDSN ne seront plus remboursés par ce dernier, ce qui diminue, fictivement, de 16 millions d'euros ses crédits de personnels. Cette opération constitue une entrave majeure à la lisibilité budgétaire, destinée à laisser croire que la loi de programmation militaire est respectée tout en masquant le coût réel des personnels pour le SGDSN.

Quelques mots maintenant sur les autres entités de la mission. La DINUM, nouvelle dénomination de la DINSIC, me semble suivre les bonnes orientations en matière de numérique interministériel, et je m'en félicite.

Le Service d'information du Gouvernement (SIG), qui veut développer une communication interministérielle, se voit allouer 14 emplois et 1 million d'euros supplémentaires. Je précise que c'est lui qui a avancé les moyens financiers nécessaires au Grand débat. Je m'interroge sur les doubles dépenses au sein de l'exécutif, tant à la présidence de la République qu'au sein de ce service rattaché au Premier ministre, notamment en matière d'études d'opinion.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) gagnerait en efficacité si ses rapports étaient publiés plus rapidement, et non plus d'un an après la visite comme c'est le cas actuellement. Ce délai, bien qu'en diminution ces dernières années, est trop long à mon sens. Il est dû notamment au non-respect par les ministères du délai de deux mois qui leur est accordé pour apporter leurs observations. Ce délai de publication nuit à l'impact des rapports qui constituent des « boussoles » pour les professionnels et le grand public, en matière d'enfermement psychiatrique par exemple. Peut-être le Contrôleur général des lieux de privation de liberté devrait-il aussi revoir à la baisse son nombre de visites annuelles actuellement fixé à 150.

Le Défenseur des droits expérimente dans 6 départements la médiation préalable obligatoire en matière de contentieux sociaux. Cela engendre beaucoup d'activité pour l'autorité mais permet en contrepartie de diminuer de 30 % les saisines des tribunaux administratifs. Pour mener à bien ces missions, le Défenseur des droits doit être accompagné dans la formation et l'animation de ses délégués territoriaux.

Je me félicite que la CNIL obtienne des effectifs supplémentaires en 2020. C'était nécessaire avec la mise en oeuvre du règlement général sur la protection des données (RGPD). La CNIL doit aussi avoir les moyens de défendre la position française parmi ses homologues européens et de faire face aux enjeux de l'intelligence artificielle. Nous aurons l'occasion d'évoquer l'an prochain la fusion entre le CSA et la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi). Le CSA doit en outre se préparer à assumer ses nouvelles compétences issues de la loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information. De futures compétences sont attendues de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet adoptée par l'Assemblée nationale le 9 juillet 2019 ou de la loi audiovisuelle qui sera examinée au Parlement l'an prochain. Toujours en 2020, nous rediscuterons très certainement des dispositions de la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement autorisant, sous le contrôle de la CNCTR, les traitements automatisés de données ou algorithmes. Ces dispositions, initialement applicables jusqu'au 31 décembre 2018, ont été prorogées jusqu'au 31 décembre 2020 par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. La CNCTR souhaite également que s'engage à cette occasion une réflexion sur l'encadrement légal des échanges de données entre les services de renseignement français et leurs partenaires étrangers.

La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) va absorber la commission de déontologie de la fonction publique et aura pour cela besoin de moyens supplémentaires. Je vous soumettrai un amendement en ce sens.

Je m'interroge enfin sur la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) sollicitée pour des demandes qui ne sont pas liées à des documents administratifs. En effet, je m'étonne qu'elle crée de la donnée, comme des échanges de courriels, sous prétexte de questions légitimes. Je pense qu'il nous faudra nous saisir du périmètre d'intervention de la CADA afin qu'elle recentre son activité sur la communication de documents administratifs.

En conclusion, les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », tels qu'ils nous sont présentés, justifient un avis défavorable s'ils ne sont pas corrigés. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai deux amendements afin de défendre le budget des AAI.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je vous remercie M. le rapporteur pour cette proposition constructive.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Nous sommes au groupe socialiste d'accord avec les remarques du rapporteur. La mission « Direction de l'action du Gouvernement » est globalement modeste mais regroupe des budgets stratégiques et symboliques. Nous souscrivons à la gêne du rapporteur face à la débudgétisation de 255 ETPT du SGDSN qui entraîne une diminution des crédits en trompe l'oeil. Nous sommes satisfaits de la hausse des moyens en faveur de la sécurité numérique mais nous devons néanmoins rester vigilants. Avec 42 postes supplémentaires, l'ANSSI atteindra un effectif d'environ 600 ETPT alors que les études chiffrent à 750 ETPT le niveau d'emplois satisfaisant pour répondre aux missions. Se pose en outre à l'ANSSI la question des recrutements, difficiles et coûteux en raison de la concurrence avec le secteur privé. La CNIL obtient pour sa part 10 postes supplémentaires alors même que de plus en plus de missions lui sont confiées et que les sanctions qu'elle inflige alimentent le budget de l'État. Le transfert de la MIVILUDES est réellement dommageable car son travail, qui diffère de la lutte contre la radicalisation, a un réel intérêt. Le caractère interministériel de son action justifie pleinement son rattachement auprès des services du Premier ministre. On pouvait s'interroger depuis plusieurs mois sur cette mission dont on a vu les crédits diminuer et son directeur ne pas être remplacé.

Nous souscrivons aux amendements présentés par le rapporteur, le Défenseur des droits et la HATVP connaissant une extension de leurs missions. Le seul budget qui augmente de manière significative est celui du Service d'information du Gouvernement. Le Gouvernement est persuadé que ses réformes sont bonnes et qu'il doit seulement les accompagner de communication et pédagogie pour les faire accepter. Cette importante hausse de moyens pose question. La commission des finances du Sénat a d'ailleurs souhaité revenir sur cette augmentation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

L'amendement LOIS-1 vise à augmenter les crédits de la HATVP à due proportion des moyens nécessaires à l'absorption de la commission de déontologie de la fonction publique qui était dotée de 6 ETPT et 430 000 euros de budget. L'amendement LOIS-2 vise à augmenter de 350 000 euros les moyens du Défenseur des droits pour faciliter le recrutement de délégués territoriaux, faire face au nombre croissant de réclamations, accompagner l'expérimentation de la médiation préalable obligatoire, ce qui justifie 2 ETPT supplémentaires.

La commission adopte les amendements LOIS.1 et LOIS.2 présentés par le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je donnerai en séance un avis favorable à l'adoption de ces crédits sous réserve de l'adoption de ces deux amendements.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », sous réserve de l'adoption de ses amendements.