La réunion

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Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission a désigné M. Jean-Pierre Sueur, président, en qualité de rapporteur pour avis de la demande d'attribution des prérogatives des commissions d'enquête, formulée par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication à l'initiative de la mission commune d'information sur les pesticides et leur impact sur l'environnement et la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Chers collègues, il ne vous a pas échappé qu'à la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les conditions d'attribution des prérogatives des commissions d'enquête ont été modifiées. Je cite le paragraphe VII du chapitre X de l'instruction générale du Bureau : « Le Sénat peut conférer à l'une des commissions permanentes à l'initiative d'une mission commune, pour cette mission, les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête, dans les conditions prévues par l'article 22 ter du Règlement ».

Une mission constituée à l'initiative d'une commission permanente peut recevoir les prérogatives d'une commission d'enquête dès lors que le Sénat en décide ainsi, à la seule condition que cette demande soit recevable au regard de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. L'article 22 ter du Règlement prévoit que la demande doit comporter un objet et une durée déterminés.

Lors de la séance publique du mercredi 18 juillet, il a été porté à la connaissance du Sénat que Mme Sophie Primas, présidente de la mission commune d'information sur les pesticides et leur impact sur l'environnement et la santé, a demandé par l'intermédiaire de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication à disposer des prérogatives d'enquête aux fins d'entendre l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES).

En cette circonstance, il est prévu par notre Règlement que la commission des lois donne un avis sur la recevabilité de la demande au regard de l'article 6 de l'ordonnance de 1958. Il sera fait état de cet avis à la Conférence des présidents qui se réunira aujourd'hui. Le Sénat devrait statuer sur cette demande le 31 juillet.

Je passe la parole à notre collègue Nicole Bonnefoy, membre de notre commission et rapporteur de la mission commune sur les pesticides.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Vous avez déjà dit l'essentiel, Monsieur le président. Les membres unanimes de la mission ont souhaité que soient demandés des pouvoirs d'enquête, afin d'obtenir des informations nécessaires aux travaux de la mission. Mme Sophie Primas siège à la commission de la culture et Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, compétente en matière de recherche, est intéressée par le sujet de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame Bonnefoy, vous avez reçu hier l'ANSES en audition, mais votre demande reste-t-elle valable ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Oui, Monsieur le président, mais nous ne souhaitons pas seulement utiliser des pouvoirs d'enquête à l'égard de l'ANSES.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La demande qui a été transmise mentionne uniquement l'ANSES. Malgré l'attribution des pouvoirs d'enquête à la commission de la culture, vous restez rapporteur de la mission commune et Mme Primas en reste présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

La commission des lois n'a pas à se prononcer sur le fond de la demande d'attribution des pouvoirs d'enquête, mais seulement sur sa recevabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Bien sûr, il faut pouvoir disposer de tous les moyens utiles pour conduire nos travaux de contrôle. J'observe cependant que vous avez reçu cette Agence hier. Je me demande également pourquoi la commission de la culture est compétente sur le sujet des pesticides ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Il fallait une commission permanente pour faire la demande des pouvoirs d'enquête. Mme Primas est membre de la commission de la culture. Mme Blandin, par ailleurs membre de l'OPECST, est intéressée par le sujet des pesticides.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Je voudrais savoir, Monsieur le Président, s'il s'agit, avec cette demande, d'une dérogation ponctuelle ou s'il s'agit d'une nouvelle manière d'organiser les travaux de nos missions d'information.

L'attribution de pouvoirs d'enquête à la commission de la culture pour le compte de la mission commune sur les pesticides complique, en effet, la lecture des prérogatives et des compétences des différentes instances du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Une commission d'enquête est créée par le Sénat. Aujourd'hui, cela peut être fait par « droit de tirage », pour une commission d'enquête mais aussi une mission commune d'information.

La mission commune d'information sur les pesticides a fait cette demande par l'intermédiaire d'une commission permanente, comme le prévoit notre Règlement.

Madame Tasca, je vous confirme qu'il s'agit d'une décision temporaire, qui a un objet et une durée déterminés, et pas d'une mesure de portée générale.

Je me permettrai de rendre compte de notre débat lorsque le Sénat se prononcera en séance publique mardi prochain.

La commission émet un avis favorable à la recevabilité, au regard de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de la demande d'attribution des prérogatives attribuées aux commissions d'enquête, formulée par la commission de la culture à l'initiative de la mission commune d'information sur les pesticides et leur impact sur l'environnement et la santé.

Puis la commission examine le rapport d'information de MM. Patrice Gélard et Jean-Pierre Michel sur la Cour européenne des droits de l'homme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Trois raisons justifient que nous examinions la situation actuelle de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) et, au-delà, du Conseil de l'Europe.

Il s'agit tout d'abord de mieux faire connaître la situation de deux institutions encore trop souvent méconnues. La mission protectrice de la Cour est aujourd'hui compromise par la croissance exponentielle des recours individuels et le retard considérable qu'elle accuse dans le traitement de ces affaires, qui confine parfois au déni de justice. C'est ce qui explique notamment que le Premier ministre britannique ait proposé une réforme de la Cour. Il s'agit aussi de présenter les remèdes que le Conseil de l'Europe et les gouvernements des Etats membres ont tenté d'apporter jusqu'à présent à ces difficultés. Enfin, nous avons souhaité dessiner quelques perspectives pour l'avenir, en particulier sur le fonctionnement de la Cour et les mécanismes susceptibles de garantir que les Etats et les juridictions nationales appliquent les décisions de la Cour.

Créés après la deuxième guerre mondiale, le Conseil de l'Europe et la CEDH ont pour mission d'assurer la promotion des droits de l'homme. Saisie par la voie de recours étatiques -de manière exceptionnelle- ou -le plus fréquemment- par la voie de recours individuels, puisque ce droit est ouvert aux 800 millions de citoyens des 47 États membres soumis à sa juridiction, la Cour a pour mission de veiller au respect, par les États parties, des droits reconnus par la Convention européenne des droits de l'homme. Elle n'intervient pas comme un quatrième degré de juridiction mais s'assure de la conformité du droit national aux prescriptions de la Convention. La France, qui a ratifié cette dernière en 1974, reconnaît depuis 1981, à l'initiative de notre ancien collègue Robert Badinter, le droit au recours individuel.

La Cour fait face, depuis quinze ans et l'adhésion des pays de l'ancien bloc de l'Est, à une croissance exponentielle de son contentieux, puisque le nombre de recours a été multiplié par douze. Ces pays ne présentaient pas les mêmes standards que ceux de l'Europe de l'Ouest en matière de droits de l'homme. Le pari a été que leur intégration au sein du Conseil de l'Europe les aiderait, grâce aux procédures de tutelle ou de monitoring, à s'élever au niveau des standards de la Convention. Je rappelle qu'avec 47 Etats membres le Conseil de l'Europe compte 20 Etats de plus que l'Union européenne, dont la Turquie ou la Fédération de Russie : il est utile qu'une institution internationale puisse ainsi dire leur fait à ces pays sur le chapitre des droits de l'homme. Certes le Conseil de l'Europe hésite à prononcer des sanctions contre les Etats membres. Il s'agit de les aider à persévérer dans les progrès qu'ils accomplissent en dépit des retours en arrière que l'on peut regretter comme ceux, récents, de l'Ukraine, de la Hongrie ou de la Roumanie par exemple.

La Cour compte 47 juges, un par Etat membre. Elle ne connaît d'une affaire qu'à la condition que toutes les voies de recours internes aient été épuisées. Elle suit une procédure contradictoire et principalement écrite. Les juges peuvent émettre des opinions dissidentes en marge de la décision rendue, ce qui me paraît très démocratique.

Son greffe compte 640 personnes, dont 160 Français. Il remplit les fonctions d'un bureau d'enregistrement et d'une assistance juridique à destination des juges. Le budget de la Cour, très faible, s'élève à 65,8 millions d'euros, soit 8 centimes par an et par habitant : à peine le budget de notre Cour de cassation.

La Cour européenne des droits de l'homme incarne la conscience de l'Europe. Elle construit une jurisprudence dynamique et finaliste qui interprète la Convention à la lumière des conditions actuelles, ce qui lui permet notamment de statuer en tenant compte de l'évolution des moeurs, par exemple sur la question de l'adoption ou des enfants adultérins.

A de nombreuses reprises, des Etats membres ont dû modifier leur législation pour se mettre en conformité avec les décisions qu'elle avait rendues. Ceci pose une question : bascule-t-on vers un gouvernement des juges comme l'affirme David Cameron ? Sans doute la perception de ce dernier est-elle influencée par le fait qu'en Grande-Bretagne où il n'existe pas de contrôle de constitutionnalité, rien ne commande à la loi. D'ailleurs, deux décisions de la Cour concernant le Royaume-Uni y ont été très critiquées : l'une sur le droit de vote des prisonniers, l'autre sur les conditions d'extradition d'une personne accusée de terrorisme.

Cependant, la Cour applique le principe de subsidiarité et reconnaît aux Etats une marge d'appréciation pour appliquer les droits reconnus par la Convention. Elle en a par exemple fait application récemment dans la décision validant la présence des crucifix dans les écoles publiques en Italie.

Le principe du droit au recours individuel n'est pas remis en cause. Le serait-il, la Cour perdrait toute pertinence car les recours étatiques ne peuvent s'y substituer. Quelques Etats sont les principaux pourvoyeurs de recours individuels : la Fédération de Russie, la Turquie, l'Italie, la Roumanie et l'Ukraine. Nombre de ces recours sont identiques. Dans certains pays, comme la Turquie, des avocats démarchent des villages entiers pour recueillir des centaines de plaintes, les adresser à la Cour et s'en faire payer.

Les recours sont rédigés dans toutes les langues des États membres du Conseil de l'Europe, ce qui impose à la Cour des traductions nombreuses, assurées par des traducteurs défrayés par les États membres. Ce financement alimente certaines suspicions...

Les États membres et la Cour ont tenté de remédier aux difficultés évoquées. Trois conférences internationales se sont tenues à Interlaken, Izmir et Brighton. Les deux premières ont abouti à des protocoles additionnels qui ont permis le développement de nouveaux moyens procéduraux. La Cour a, quant à elle, réformé son fonctionnement en développant une politique de prioritisation qui lui permet de traiter les affaires selon un degré d'urgence qu'elle définit. Elle recourt également à des « arrêts pilotes » pour traiter les affaires répétitives.

A Brighton, le Premier ministre britannique, soutenu par la Suisse, a tenté de limiter le rôle de la Cour. Cependant, ni cette dernière ni le Conseil de l'Europe n'ont soutenu cette initiative. La France a observé une position modérée. La conférence s'est conclue sur une résolution en demi-teinte qui relève toutefois deux points importants. Elle insiste sur la nécessité de garantir une meilleure formation des avocats, des policiers et des magistrats aux droits reconnus par la Convention. Elle abandonne l'idée de sanctionner les Etats qui n'appliquent pas correctement les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

La conférence de Brighton est une montagne qui a accouché d'une souris. Les problèmes demeurent et les solutions sont encore en pointillés.

La première piste consisterait à garantir une meilleure application par les Etats membres des droits et libertés reconnus par la Convention. Une majorité des recours émanent des ressortissants de 5 États : la Fédération de Russie, l'Ukraine, l'Italie, la Roumanie et la Turquie. En cette matière les plus récemment entrés ne sont pas sur le même pied que les États fondateurs, ce qui explique les réticences du Conseil de l'Europe à adopter des sanctions contre eux. La voie privilégiée est celle de la pédagogie. D'ailleurs, certains manquements trouvent leur origine dans une impossibilité matérielle pour l'Etat à satisfaire les exigences de la décision ou dans la nécessité de disposer de plus de temps pour ce faire. Pour la première fois en 2011, le nombre d'affaires répétitives en attente d'exécution a diminué. Il conviendrait, pour remédier à ces difficultés récurrentes, de garantir une meilleure application par les Etats membres du principe de subsidiarité. Ces derniers devraient notamment mettre en place des voies de recours accessibles à leurs ressortissants pour faire valoir les droits qu'ils tiennent de la Convention. Les mêmes Etats devraient aussi veiller à appliquer de manière anticipée la jurisprudence de la Cour sans attendre d'être condamnés pour le faire. Ils devraient aussi prévoir un mécanisme de contrôle systématique et a priori de la conformité des lois aux prescriptions de la Convention. Enfin, un effort est à engager pour mieux faire connaître la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui passe par des traductions plus nombreuses et une meilleure formation des magistrats nationaux.

La France a adhéré tardivement à la Convention et elle n'a reconnu le droit au recours individuel qu'en 1981. Elle a été mise en cause depuis lors dans 848 arrêts de la Cour et condamnée 627 fois -241 fois pour durée excessive de la procédure et 251 fois pour atteinte au droit au procès équitable. Par comparaison, l'Allemagne n'a été condamnée que 159 fois et la Grande-Bretagne que 219 fois. A plusieurs reprises, comme en matière de garde à vue, la France a tardé à mettre sa législation en conformité avec la jurisprudence de la Cour.

Je tiens à saluer en revanche les efforts considérables du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation pour former les magistrats au droit conventionnel. J'observe une divergence d'appréciation entre ces deux hautes juridictions sur l'opportunité des avis consultatifs à la CEDH. Le Conseil d'Etat s'est prononcé pour, la Cour de cassation contre. Cette piste me paraît pourtant devoir être explorée.

Il nous semble par ailleurs que le Parlement devrait être plus à l'écoute de la CEDH et nous proposons que les études d'impact et les rapports des commissions examinent à l'avenir systématiquement la conformité du projet de loi au droit résultant de la Convention européenne des droits de l'homme.

S'agissant de la nécessité de dégager des moyens matériels et humains supplémentaires, cela concerne en premier lieu les juges : la contribution de chaque État membre, qui s'élève à 8 centimes d'euro par an et par habitant, est insuffisante, ce qui contribue à limiter le nombre des juges - dont la charge de travail est conséquente. L'augmentation du nombre des juges soulève toutefois plusieurs difficultés, notamment celle relative au nombre de magistrats qui serait attribué à chaque État ou la nomination d'un juge référendaire secondant chaque juge.

Se pose également le problème de la sélection des juges. En France, en 2011, notre proposition initiale de trois candidats n'était pas satisfaisante car l'une des candidatures ne répondait pas aux critères fixés par la Cour, si bien que nous avons été obligés de présenter une nouvelle liste. D'autres États proposent des juges visiblement incompétents mais bénéficiant de forts appuis. C'est pourquoi le Conseil de l'Europe a mis en place une procédure de sélection et un comité d'experts afin de permettre une sélection rigoureuse des magistrats.

Par ailleurs, il n'y a pas d'avocats généraux ou de procureurs. Leur rôle est assumé par les greffiers. Il est nécessaire de doter la Cour de moyens humains supplémentaires, ce qui n'est pas sans poser des difficultés.

Sur la question des moyens financiers, ils sont en grande partie alloués par l'Union européenne : en effet, de nombreux programmes du Conseil de l'Europe sont financés à hauteur de 80 % par l'UE. Sans cet apport budgétaire, le Conseil ne disposerait pas des moyens nécessaires pour assurer ses missions.

En conclusion, se pose la question de l'adhésion de l'Union européenne (UE) au Conseil de l'Europe, comme membre à part entière. L'Union européenne n'est pas un État classique, ni un État fédéral, mais une union d'États qui joue un rôle fondamental auprès du Conseil de l'Europe. Rappelons que l'admission au Conseil de l'Europe est un préalable pour intégrer l'Union européenne. Que va apporter cette adhésion ? L'article 6, paragraphe 2, du Traité de Lisbonne prévoit l'adhésion de l'UE à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. Le Conseil de l'Europe prévoit également, à l'article 17 du protocole n° 14, qui est entré en vigueur le 1er juin 2010, la possibilité pour l'Union européenne d'adhérer à la Convention. Peut-être cette adhésion permettra-t-elle un élargissement des possibilités de recours devant la CEDH, dans les domaines économiques par exemple. L'Union européenne pourrait ainsi être entendue dans les affaires jugées par la Cour ce qui offrira une possibilité nouvelle de recours aux particuliers qui pourront saisir la CEDH d'une plainte pour violation supposée de leurs droits fondamentaux par l'UE. A terme, on peut s'interroger sur les conséquences de cette adhésion : n'entrainera-t-elle pas un rapprochement entre la CEDH et la Cour de Justice, voire l'avènement progressif d'une unique Cour suprême européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je remercie nos deux rapporteurs pour leur exposé complet qui appelle, de ma part, deux remarques.

Lorsque nous avons visité la Cour, nous avons été impressionnés par le local dans lequel sont reçus les recours ; on se demande comment ils peuvent faire face à cet afflux considérable. Le fait que chaque citoyen puisse saisir la CEDH représente un grand progrès. Mais l'arrivée d'innombrables requêtes identiques pose la question de l'action de groupe et de son opportunité dans ce contexte.

Ma deuxième remarque porte sur l'effectivité des décisions rendues par la Cour. On se rend compte que lorsque la Cour rend une décision, les réponses qui y sont apportées par les États sont diverses. Existe-t-il des réflexions sur les moyens visant à renforcer l'effectivité des décisions de la CEDH ? Sans effet, ses décisions n'ont aucun crédit.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Je félicite les deux rapporteurs pour leur exposé et la qualité de leur rapport.

Je souhaiterais aborder un sujet qui n'a pas été évoqué : celui de la nécessité de croiser les statistiques qui nous ont été remises avec des observations ou appréciations plus qualitatives. Par exemple, certains pays font l'objet d'un nombre élevé de requêtes devant la Cour. Or, on ne peut pas se limiter uniquement à cette approche quantitative ; il faut nécessairement la croiser avec une approche qualitative. On ne peut pas mettre sur le même plan les pays de la « Vieille Europe » avec d'autres pays. Ainsi, on a beaucoup parlé récemment de la situation de l'Azerbaïdjan, lors de l'organisation du concours de l'Eurovision, alors qu'on constate un faible nombre de requêtes devant la Cour. On nous a répondu que ce nombre allait augmenter dans les prochaines années. Pour la Géorgie, nos interlocuteurs estiment qu'il s'agit d'un pays qui a fortement progressé depuis son adhésion au Conseil de l'Europe.

La conclusion de nos rapporteurs mérite d'être affinée avec des données qualitatives afin de ne pas tirer de conclusions trop hâtives.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

A mon tour de remercier nos deux rapporteurs pour leur excellent travail. Je souhaiterais faire trois remarques.

Tout d'abord, une grande partie de la jurisprudence de la CEDH porte sur les droits procéduraux, dont l'application concerne les juridictions. La Cour de cassation et le Conseil d'État appliquent d'ailleurs fidèlement la jurisprudence de la Cour.

Ensuite, en favorisant l'adhésion de nombreux États au Conseil de l'Europe, certains juges, qui ne disposent pas de la formation juridique et de l'éthique nécessaires, sont, malgré tout, magistrats au sein de cette juridiction. C'est pourquoi les décisions de la Cour de Luxembourg sont souvent plus « solides » que celles rendues par la Cour de Strasbourg.

Enfin, quand on parle de la jurisprudence de la Cour, il faudrait différencier la jurisprudence prononcée par les différents niveaux. Car ce qui nous importe sont les décisions rendues en Grande chambre, comme le montre l'exemple du crucifix.

Pour conclure, je serais plutôt enclin à défendre la Cour de Justice de l'Union Européenne, qui est à l'origine d'un travail de grande qualité, et à être plus prudent envers la Cour européenne des droits de l'homme, dont le niveau d'exigence est moindre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Certaines de mes observations vont dans le même sens.

En préambule, je souhaite souligner que toute intervention d'une juridiction internationale résulte d'un consentement des États à une réduction de leur souveraineté, qui doit donc s'interpréter strictement. Quand nous portons une appréciation sur le fonctionnement de ces institutions, nous devons nous garder d'une appréciation binaire, en critiquant la souveraineté nationale et en louant le rôle des juridictions internationales. Tout en ne partageant pas les réactions du Parlement britannique, force est de reconnaître qu'elles ne sont pas totalement infondées par principe.

Cette première observation condamne l'idée de mesures contraignantes d'application. Il existe aujourd'hui un traité, ratifié par quarante-sept États. Je souhaite bonne chance à quiconque souhaite proposer un abandon supplémentaire de souveraineté qui aboutirait à introduire dans le droit national des États membres une autorité procédurale supérieure à leurs juridictions nationales. Le fait de se trouver en désaccord avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, quand celle-ci est valable, représente d'ores et déjà, en soi, un préjudice pour l'État. Il y a un effet d'impact, de visibilité internationale attaché à ses condamnations. Ainsi la Turquie paye-t-elle le prix fort dans un certain nombre de domaines, en raison de sa difficulté à respecter la jurisprudence de la Cour. Quant à la Russie, elle paye un prix économique massif car tout le monde sait qu'il ne s'agit pas d'un véritable État de droit. De ce point de vue, l'incitation à se rapprocher des critères des signataires existe même en l'absence de pouvoir de contrainte.

Sur la question du nombre de condamnations touchant la France, je partage les observations des précédents orateurs. Je ne crois pas que notre pays soit gravement défaillant en matière de droits de l'homme ! Les chiffres statistiques sur sa condamnation par la CEDH sont très peu significatifs : 80 % des condamnations ont été prononcées pour des raisons de procédure dans lesquelles il est demandé de rajouter un « effet cliquet » supplémentaire de protection des droits dans l'application d'une procédure, comme le prouvent les condamnations prononcées en matière de visites domiciliaires par exemple.

Quant à la tendance de la France à attendre d'être condamnée pour mettre en conformité sa réglementation avec la jurisprudence de la Cour, cette attitude est profondément logique : tant que nous ne sommes pas condamnés, nous ignorons les attentes de la Cour. Du fait de l'absence de parquet et donc, de rapporteurs publics, la lisibilité des motifs des condamnations est parfois laborieuse. C'est pourquoi il est préférable d'attendre la condamnation pour connaître les éléments sur lesquels nous devons nous mettre en conformité.

Je suis en revanche en désaccord avec Patrice Gélard : selon moi, l'Union européenne est bel et bien une fédération d'États dans certains domaines de compétences, tels que la politique de la pêche, la politique agricole commune ou encore la politique commerciale. Il s'agit bel et bien de politiques fédérales, certains États pouvant être contraints par une majorité d'appliquer une décision qu'ils n'ont pas prise. C'est d'ailleurs cette philosophie qui sous-tend les dispositions de l'article 6 § 2 du traité de Lisbonne : lorsque l'Union européenne est le décideur en dernier ressort, il est normal que ses décisions puissent être attaquées.

S'agissant de la question de l'encombrement de la Cour, rappelons que nous avons affaire à une juridiction autonome, qui vit sur une délégation de souveraineté limitée des États. Ainsi, toutes les solutions visant à remédier à ce problème ne se trouvent pas dans une modification du Traité. Il faut laisser la Cour s'autogérer, comme le font d'ailleurs les juridictions suprêmes. Il est inévitable d'avoir des saisines en série mais toutes les juridictions savent traiter ce type de difficultés.

Enfin, sur l'affaire des traductions, je ne pense pas que cela soit grave : quand on n'est pas sûr de la traduction, il est toujours possible de la faire refaire. Le fait que les traductions puissent être un peu légères ou qu'elles proviennent des États membres ne me parait pas être un facteur de suspicion sérieux à l'encontre de cette juridiction.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je remercie nos rapporteurs pour ce travail intéressant consacré à la Cour de Strasbourg.

Je voudrais me placer sur un terrain différent des interventions précédentes. Il faut insister sur le rôle de la jurisprudence de la Cour et sa réception par notre droit interne et sa diffusion par les magistrats. Aujourd'hui, la jurisprudence de la Cour de Strasbourg est une source importante de notre procédure pénale et conduit à un abaissement de la loi comme source du droit pénal.

Il est important que la formation dispensée à l'École nationale de la magistrature prenne en compte la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme. Il est nécessaire pour les magistrats français de mieux connaître cette juridiction.

Il me semble par ailleurs que l'entrée de l'Union européenne au sein du Conseil de l'Europe permettra d'éviter des distorsions de jurisprudence entre la CEDH et la CJUE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je m'associe aux félicitations adressées aux deux rapporteurs pour leur rapport. Je pense qu'effectivement, la Cour européenne des droits de l'homme est un atout pour la défense des valeurs européennes et notamment des droits de l'homme dans des pays d'Europe centrale et orientale que je connais bien pour m'y rendre depuis de nombreuses années. Les arrêts de la Cour y sont attendus des militants locaux des droits de l'homme. Le respect des droits et libertés fait partie de l'acquis communautaire mais gardons à l'esprit que l'adhésion à l'Union européenne, pour des pays comme la Roumanie et la Hongrie par exemple, ne les rend pas ipso facto respectueux des libertés fondamentales.

La perte de souveraineté que M. Richard évoquait à l'instant se fait au nom de ces valeurs. En Europe, seule la Biélorussie n'appartient pas au Conseil de l'Europe : c'est bien le signe que ce pays n'entend pas faire le moindre effort pour respecter les droits fondamentaux. En effet, malgré l'absence d'application des arrêts de la Cour, l'essentiel réside dans les progrès et au moins la volonté parfois imparfaite, parfois plus apparente que réelle, qu'ont des États de se conformer aux droits de l'homme. Dans cette optique, mieux vaut qu'ils soient dans le Conseil de l'Europe qu'en dehors.

Enfin, nul besoin de modifier les traités pour avoir entre États une évaluation, même informelle, du suivi des arrêts de la Cour de Strasbourg. A cet égard, le nombre de requêtes et de condamnations ne permet pas, à lui seul, de juger du respect par un État des droits de l'homme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Malgré les différences entre contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionalité, j'aimerais savoir quelles sont, selon les rapporteurs, les incidences sur le respect des droits garantis par la Convention de la multiplication dans les États des exceptions d'inconstitutionnalité telles que la question prioritaire de constitutionnalité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Je veux vous livrer les réflexions d'une praticienne devant les juridictions françaises ou devant la Cour de Strasbourg de la Convention européenne des droits de l'homme. Les délais de traitement sont particulièrement longs devant la Cour : un dossier que je traite est instruit depuis onze ans !

L'efficacité des décisions de la Cour est démultipliée lorsque le Conseil d'État relaie la jurisprudence européenne, par exemple pour la violation du délai raisonnable de jugement. Grâce à la célérité de ses agents, une réponse sur ce genre de dossier peut être obtenue devant le Conseil d'État en seulement cinq mois.

Je voudrais également rappeler que tous les avocats n'exigent pas des honoraires prohibitifs pour plaider devant la Cour. La procédure d'aide juridictionnelle y est complexe car l'aide ne peut être attribuée tant que la recevabilité de la requête n'est pas tranchée. En revanche, son montant est plus important que celui qui est alloué devant les juridictions françaises.

Un défaut existe également dans la procédure devant le Cour car aucune amende ne peut être infligée en cas de recours abusifs.

Enfin, je suis toujours surprise par le déficit de connaissance par les agents publics du contenu de la Convention européenne des droits de l'homme. Dans de nombreux arrêtés, des fonctionnaires préfectoraux visent, sans le connaître, l'article 8 de la Convention tout en le violant dans l'acte administratif. Dans ce cas, ce n'est pas la loi qui est incriminable mais la pratique. Un effort de formation en direction des agents publics me paraît donc indispensable.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La Convention européenne, comme la Déclaration universelle des droits de l'homme, sont des références précieuses, comme le rappelait M. Leconte. Ces mécanismes de contrôle supranationaux sont, à l'origine, l'oeuvre des pays vainqueurs de la seconde guerre mondiale après l'expérience des pires atteintes aux droits de l'homme menées par des États pourtant démocratiques à l'origine. Il faut conserver à l'esprit que les droits de l'homme peuvent être bafoués même dans des pays démocratiques. La Cour européenne a démontré que même la France, pays des droits de l'homme, pouvait violer les plus élémentaires d'entre eux que ce soit en matière de garde à vue, de statut du parquet, etc. Quand on se réclame d'une tradition démocratique, il faut transcrire ces exigences dans la loi même si l'État est souverain et si le Parlement reste le législateur.

Une question pour conclure : constate-t-on une hausse de la saisine de la Cour européenne des droits de l'homme en France ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je remercie tous les intervenants qui apportent leur contribution au rapport.

Comme il a été relevé par M. Portelli, la Cour juge effectivement d'un nombre important de questions procédurales, comme les questions de délai non raisonnable de jugement en Italie, mais aussi des problèmes de fond qui posent des questions à l'égard de la France. C'est le cas du statut et des droits des minorités nationales. Pour la France, cette question ne se pose pas sous cet angle ; lors des débats au Conseil de l'Europe, les représentants français considèrent d'ailleurs, malgré des arrêts sur la question, que ce point ne concerne pas notre pays.

Il en est de même pour la laïcité qui est une spécificité française. Les représentants français lorsqu'ils s'expriment sur ce point au Conseil de l'Europe sont minoritaires au sein de leur groupe. Une difficulté avec la Cour européenne interviendra un jour assurément.

Concernant la sélection des juges, la procédure a été améliorée, comme le note d'ailleurs M. Jean-Paul Costa, l'ancien président de la Cour. Les Etats présentent à la Cour une liste de trois candidats. Si elle estime qu'un des candidats ne répond pas aux exigences, la liste est rejetée dans son ensemble. Pour vérifier les aptitudes des candidats, un rapport est adressé par les candidats, intégrant un curriculum vitae, une déclaration pour prévenir les conflits d'intérêts et portant sur la maîtrise des langues et la participation à la vie politique. La Cour hésite à recruter ses membres parmi des hommes politiques. On constate qu'ils parlent de moins en moins le français. Tous les candidats sont ensuite entendus par une commission qui dresse un rapport pour classer les candidats. Ce rapport est déterminant mais il est contrebalancé par l'avis des délégations. Les garanties existent donc même si les différences de niveau entre candidats de différents États demeurent.

A titre personnel, je pense qu'une réflexion sera nécessaire à terme sur le maintien de plusieurs institutions européennes remplissant des fonctions comparables. Par exemple, Mme Catherine Ashton vient de nommer un ambassadeur pour les droits de l'homme - avec un cabinet de 15 personnes - alors que le Conseil de l'Europe a déjà un commissaire aux droits de l'homme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Sans être un fédéraliste convaincu, j'entends des personnalités étrangères, comme M. Martin Schultz, qui considèrent que le Conseil de l'Europe pourrait, à terme, devenir le Sénat de l'Europe. Si l'Union européenne adhère à la Convention européenne des droits de l'homme, pourquoi conserver deux juridictions ? La question se posera.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Il faut agir certes mais ce ne sont pas les mêmes membres au sein de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe. Comment faire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Pour répondre à la question posée par notre président, je signalerai l'existence des arrêts pilotes qui sont un moyen positif pour fixer la jurisprudence face à des questions sérielles et un moyen à la disposition de la Cour pour écarter les requêtes infondées. Plus de 90 % des recours font d'ailleurs l'objet d'un rejet.

Comme le soulignent MM. Reichardt et Portelli, ce sont les arrêts de Grande chambre qui méritent de retenir l'attention. Nous n'avons malheureusement pas eu le temps de dépouiller l'ensemble de la jurisprudence de la Cour pour croiser des données statistiques quantitatives et qualitatives sur les motifs de condamnations de la Cour.

M. Portelli a raison de souligner que les questions procédurales constituent une part importante de l'activité de la Cour. J'aimerais indiquer que les juges des États nouvellement adhérents peuvent être de grande qualité. Le juge russe sortant est ainsi un excellent juriste, comme peuvent en compter les États d'Europe de l'Est, et il parle parfaitement le français.

Je partage l'avis de M. Richard : la réduction de souveraineté est acceptée par les États et même intégrée à la Constitution comme pour les transferts de souveraineté à l'Union européenne.

Notons que les juridictions françaises, contrairement à leurs homologues dans d'autres États, appliquent directement la jurisprudence de la Cour. Le cas soulevé par M. Lecerf - celui d'une question prioritaire de constitutionnalité qui viendrait contester l'interprétation de la Cour de cassation ou du Conseil d'Etat pour se conformer à la Convention européenne des droits de l'homme - est rare mais pourrait se poser effectivement. En 2008, j'avais d'ailleurs déposé un amendement pour réserver le contrôle de conventionalité au Conseil constitutionnel pour résoudre ce problème.

Comme l'a relevé Mme Lipietz, il n'y a pas d'amende pour recours abusif, contrairement au droit applicable devant les juridictions françaises.

En réponse à Mme Borvo, il faut tout de même reconnaître que la France est un État de droit.

Pour conclure, je préconise que notre Assemblée, notamment la commission des affaires étrangères, s'intéresse davantage au Conseil de l'Europe. Douze de nos collègues siègent à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe mais nous les entendons peu sur ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Absolument.

La publication du rapport du groupe de travail est autorisée à l'unanimité.

La commission examine le rapport de M. Jean-Yves Leconte sur la proposition de résolution européenne n° 678 (2011-2012) sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil (E 7388) relatif à la création du système « EURODAC » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) (établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale présentée dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride) et pour les demandes de comparaison avec les données d'EURODAC présentées par les services répressifs des États membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) n° 1077/2011 portant création d'une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice (Refonte).

Amendement COM-1 présenté par le rapporteur

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

J'approuve cette amélioration et je comprends ce que veut dire la résolution mais je m'abstiendrai.

L'amendement COM-1 est adopté.

Amendement COM-2 rectifié présenté par Mme Hélène Lipietz

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

C'est un amendement que j'avais annoncé la semaine dernière. Il concerne le rejet automatique des demandes d'asile lorsque la relève des empreintes digitales des requérants est impossible de manière récurrente. Je rappelle la jurisprudence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Les amendements COM-2 rectifié et COM-3 rectifié sont liés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pour la bonne clarté du débat, je demande à Mme Lipietz de présenter son amendement COM-3 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Les deux amendements COM-2 rectifié et COM-3 rectifié s'inscrivent dans la même logique : faire référence à la valeur constitutionnelle du droit d'asile telle qu'entendue par la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Une partie du problème sera prochainement résolue sur le plan technique, avec un dispositif permettant de relever des empreintes même altérées. Vous avez raison de poser la question juridique.

Aujourd'hui, le placement en procédure prioritaire intervient dès lors que les empreintes digitales ne sont pas lisibles. Ce peut être volontaire mais certaines maladies et la manipulation de produits chimiques provoquent les mêmes effets. Ce n'est donc pas logique.

Aussi il semble nécessaire de préciser dans le règlement EURODAC qu'en tout état de cause, la seule impossibilité de relever les empreintes ne peut constituer un motif suffisant pour refuser l'examen d'une demande d'asile. Rappelons que le code communautaire des visas précise que « Le fait qu'un relevé d'empreintes digitales est physiquement impossible, [...] n'influe pas sur la délivrance ou sur le refus du visa ». Il convient également que le règlement indique la procédure à suivre en cas d'empreintes altérées ou absentes, ne serait ce que pour prendre en compte le cas des personnes privées de mains ou de doigts.

J'émets donc un avis favorable sur les amendements COM-2 rectifié et COM-3 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je ne comprends plus très bien ce qu'est une résolution européenne.

Au départ, il s'agissait d'ouvrir d'autres finalités au fichier EURODAC. Si on commence à traiter de problèmes de droit interne... La CNDA a dit : ce n'est pas systématique. Donc, très bien, c'est la jurisprudence. Sinon, on mélange les genres, même si la proposition de Mme Lipietz est intéressante.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Je confirme les propos du président Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Ces deux amendements n'ont pas vraiment la possibilité de s'inscrire dans cette résolution. Ils me gênent. Par définition, nous avons tous accepté que le droit d'asile soit assorti d'une mesure biométrique pour s'assurer de l'identité de la personne. On peut en changer si une difficulté apparaît. Mais si l'amendement signifie que toute mesure biométrique est une atteinte à la personne... Si ce n'est pas son sens, il n'a pas d'intérêt.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

La résolution européenne est le moyen pour l'assemblée d'indiquer au gouvernement français -qui est un des 27 gouvernements de l'Union européenne- dans quel sens elle souhaite qu'il agisse. Nous avons toujours la tentation de reprendre les débats nationaux.

Je rejoins les positions exprimées par mes collègues Jean-Jacques Hyest et Alain Richard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je partage le point de vue de Jean-Jacques Hyest, Alain Richard et Simon Sutour.

Je suis favorable à l'amendement COM-1 qui enlève une ambigüité.

Je le dis à Mme Lipietz : notre résolution a d'autant plus de force qu'elle a un objet. Ce que dit Mme Lipietz est intéressant mais c'est un autre sujet. Je ne crois pas qu'on gagne en force dans cette résolution en ajoutant un certain nombre de considérants.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Je pense qu'à partir du moment où on émet un avis, il est bon de rappeler d'autres principes. C'est la reprise un peu plus poussée du quatrième considérant de la proposition de résolution de la commission. Mais si mes amendements sont de nature à affaiblir la position de la résolution, j'en prends acte et je les retire.

Les deux amendements COM-2 rectifié et COM-3 rectifié sont retirés.

Amendement COM-4 présenté par Mme Hélène Lipietz

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Il est important de rappeler une procédure méconnue de la plupart des Etats européens. Il ne faut pas que le poids économique des demandeurs d'asile soit un frein à l'examen des situations individuelles. C'est pour lutter contre ce qui se passe en Grèce. Il est important que l'Europe ne soit pas une forteresse assiégée et que le droit d'asile reste très prégnant dans notre conception européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Quelques considérations juridiques sur la proposition de Mme Lipietz. Elle rappelle des principes importants.

Toutefois, ceci concerne davantage le Règlement Dublin II que le règlement EURODAC. Il ne me semble pas approprié de préciser dans celui-ci que Dublin II peut ne pas être appliqué dans certains cas. La démarche de la France devrait plutôt être d'essayer de faire mieux fonctionner EURODAC pour mieux appliquer les dispositions de Dublin II.

Je suis donc défavorable à l'amendement COM-4.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Je maintiens mon amendement.

L'amendement COM-4 est rejeté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je consulte la commission sur la résolution ainsi modifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

J'aurai volontiers voté pour cette résolution car j'en partage l'objet principal. Mais j'y relève plusieurs imperfections, notamment dans le quatrième considérant qu'il aurait mieux valu rédiger ainsi : Toute limite à ces principes doit être dûment justifiée.

Au cinquième considérant, on ne peut pas exclure que, parmi les demandeurs d'asile, certains soient animés d'intention criminelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Même si cette proposition de résolution recèle des imperfections, il faut viser la finalité première du règlement européen. Je voterai donc cette résolution car l'amendement COM-1 a clarifié les choses.

La proposition de résolution est adoptée.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En raison d'une réunion du conseil de défense, l'audition du ministre de l'intérieur par la commission est reportée de 11 heures 30 à 16 heures 15.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je vous prierai d'excuser mon absence car à la même heure, la délégation à la décentralisation entendra Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je serai également absente pour assister à une réunion de la commission de l'application des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Et moi pour une réunion de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C'est pourquoi 11 heures 30 était une bonne heure et j'ai été marri d'être contraint à déplacer l'audition.