Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition, sous la forme d'une table ronde consacrée à l'intégration de la finance islamique dans le système financier global, de M. Zoubeir Ben Terdeyet, directeur de Isla-Invest, Mme Maya Boureghda, juriste à BNP Paribas, chargée d'enseignement à Paris I, M. Anouar Hassoune, vice-président de Moody's, M. Vincent Lauwick, responsable commercial de produits structures-asset management SGAM AI (Londres), M. Jean-François Pons, directeur des relations européennes et internationale de la Fédération bancaire française (FBF), M. Jérôme Pignolet de Fresnes, responsable de gestion de patrimoine BFC, et M. Gilles Saint-Marc, avocat associé au cabinet Gide Loyrette Nouel AARPI.
a rappelé que la finance islamique, née dans les années 70, a pour but de développer des services bancaires et des produits financiers compatibles avec les prescriptions de la loi coranique (la « Charia »). Il a souligné qu'elle connaissait un développement significatif, soutenu par la présence d'une liquidité importante dans un certain nombre de pays musulmans, et une forte demande de produits compatibles avec la Charia.
Observant que cette croissance suscite un vif intérêt, y compris en Europe, il a noté que plusieurs pays s'interrogeaient sur la manière de l'intégrer aux côtés des activités « financières conventionnelles », le Royaume-Uni faisant figure de précurseur sur ce sujet depuis 2004.
Il a indiqué que la commission avait été sensibilisée à ce sujet lors d'une mission effectuée en mars 2007 au Moyen-Orient et d'un déplacement réalisé au Royaume-Uni par le rapporteur général, dans le cadre de la mission commune d'information relative aux centres de décision économique.
Cette table ronde a pour objectif de dresser un état des activités de l'industrie financière française dans ce domaine, encore fortement localisé au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est, d'apprécier l'opportunité pour la France de s'insérer sur ce marché en plein essor, et de déterminer les modalités à mettre en oeuvre pour y parvenir. Il a fait valoir, à cet égard, sa préférence pour des adaptations de bonnes pratiques plutôt que pour des modifications d'ordre législatif.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Gilles Saint-Marc, avocat associé au cabinet Gide Loyrette Nouel AARPI, a présenté les grandes caractéristiques de la finance islamique, poche de liquidité importante pour les marchés financiers occidentaux. Il a notamment indiqué que le taux de croissance annuel des activités liées à la finance islamique, depuis 2003, atteignait 15 %, que le volume des opérations de financement islamique à l'échelle mondiale était estimé à 500 milliards de dollars, répartis pour 60 % dans les pays du Golfe et pour 20 % en Asie du Sud-Est, et que le montant de l'épargne disponible dans ces zones se montait à 5.000 milliards de dollars.
Evoquant la concurrence de la place de Londres, il a souligné qu'elle pouvait s'appuyer sur des initiatives privées nombreuses comprenant l'ouverture de banques islamiques et la conclusion d'accords pour la mise en place de produits islamiques standardisés. Ces initiatives sont relayées par un soutien des autorités publiques, qui s'est manifesté par l'adoption de quatre réformes législatives depuis 2003, le Trésor britannique ayant annoncé également en mars 2008 son intention de lancer une émission d'obligations islamiques « sukuk ».
a indiqué que la jurisprudence britannique avait conforté le principe selon lequel la finance islamique s'inscrit dans le cadre de la loi nationale, la question de la validation de la compatibilité de l'opération de financement avec la Charia étant laissée à l'appréciation d'un conseil de conformité à la Charia, interne aux banques, qui s'exprime sous la forme de « fatwa ». Il a observé que cette validation était rendue parfois délicate du fait de la diversité des écoles de pensée islamique et de la relativité de la chose jugée de telles « fatwa ».
Abordant l'environnement offert par la place de Paris à la finance islamique, il a considéré que le droit français disposait d'équivalences aux cinq principes de la Charia : prohibition de l'intérêt (« riba »), interdiction de l'incertitude (« maysir ») et de la spéculation (« gharar »), interdiction des secteurs illicites (« haram »), partage des pertes et des profits et contrainte de l'adossement de tout financement à un actif tangible.
Il a présenté ensuite les différents types de produits islamiques dans les domaines de l'achat-vente, de la location avec option d'achat, du financement de projet, et du refinancement par émission de « sukuk » en précisant, dans chaque cas, les évolutions législatives et réglementaires souhaitables, notamment en matière fiscale ou concernant le statut de la fiducie. Il a jugé plus substantiels les aménagements du droit français nécessaires au développement de l'assurance et de la banque islamique de détail.
En conclusion, il a estimé que la finance islamique représentait, au prix de réformes simples, une opportunité pour la France et qu'elle serait un facteur d'intégration des Musulmans et une preuve de la modernité de notre droit.
a émis des doutes quant à l'opportunité d'intégrer des mesures d'adaptation dans le projet de loi de modernisation de l'économie et il s'est réjoui, pour l'équilibre des comptes de l'Institut du monde arabe, que l'Autorité des marchés financiers ait autorisé, en 2007, les donations à cet institut comme « instrument de purification de la part impure des dividendes ».
a qualifié la finance islamique de compartiment de la finance éthique en rappelant qu'elle contribuait, avant tout, à nourrir l'économie réelle.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, il a évoqué l'historique de la finance islamique, créée à Dubaï en 1975 et dont le taux de croissance a atteint, en 2007, près de 26 %. Les actifs s'élèvent globalement à 5.000 milliards de dollars et le dynamisme de la finance islamique repose essentiellement sur le marché des « sukuk », particulièrement actif en Malaisie.
Bénéficiant à l'origine des surliquidités du Golfe persique liées au prix du pétrole et renforcées par les effets du 11 septembre, la finance islamique s'est orientée depuis les années 1990 vers la clientèle des particuliers.
Actuellement, 90 % de ses actifs sont portés par des banques, mais l'évolution devrait conduire à une désintermédiation et à la captation d'une large part du marché par des fonds.
Revenant sur les cinq principes de la Charia, M. Anouar Hassoune a estimé qu'il fallait donner une plus grande importance aux deux principes « positifs » que sont le partage des pertes et des profits et l'adossement des financements à un actif tangible.
Il a ensuite détaillé par zone géographique les marchés de la finance islamique dont les potentialités, au niveau mondial, peuvent être évaluées entre 4.000 et 5.000 milliards de dollars, le taux de pénétration actuel des produits islamiques au regard de l'ensemble des liquidités disponibles étant estimé à 12 %.
Il s'est interrogé sur les paradoxes de la situation française caractérisée, face aux opportunités offertes, par une faible part de pénétration des grandes banques françaises dans la finance islamique, un retard relatif dans le développement de produits conformes à la Charia, et l'absence d'une offre de banque de détail islamique, alors qu'existe une vaste communauté musulmane.
Il s'est toutefois réjoui de récentes initiatives, comme l'autorisation de la commercialisation d'OPCVM explicitement islamiques, l'introduction de la fiducie dans le droit français ou les réflexions d'Europlace sur la suppression des « frottements fiscaux » existants.
a observé que, depuis 2003, plusieurs grandes banques françaises avaient développé des activités de finance islamique à l'étranger, relevant qu'un tel développement nécessitait un effort financier, notamment pour définir des produits compatibles avec la Charia, validés par des comités ad hoc.
Pour ce qui concerne la France, il a indiqué qu'il n'existait pas d'obstacle juridique dirimant pour la finance islamique, même si des « frottements fiscaux » peuvent pénaliser cette branche. Dès lors, des opérations de banques d'investissement ont vu le jour ces dernières années, à un faible niveau. En revanche, il n'existe pas de demande significative pour des opérations de banque de détail. La France dispose d'ailleurs du meilleur taux européen d'inclusion bancaire, de l'ordre de 98 %, ce qui tend à montrer que les problèmes d'exclusion du système pour des raisons religieuses ne s'y posent pas. Il s'agira, toutefois, de suivre le succès rencontré par la démarche de certaines banques étrangères qui ont déposé des demandes d'agrément pour des opérations de banque de détail islamique en France.
A M. Jean Arthuis, président, qui souhaitait savoir si l'émission de « sukuk » pouvait présenter un intérêt pour les collectivités territoriales, MM. Jean François Pons et Gilles Saint-Marc ont répondu que de telles opérations étaient envisageables, s'agissant d'une poche de liquidités comparable à d'autres instruments. M. Anouar Assoune a indiqué que le Land allemand de Saxe avait ainsi recouru à une telle opération en 2004, et qu'il était, à ce jour, le seul cas connu.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, Mme Maya Boureghda, juriste à BNP Paribas, chargée d'enseignement à Paris I, a présenté l'expérience pratique de la banque BNP Paribas en matière de finance islamique, soulignant que cet établissement était actif dans ce domaine depuis le début des années 1980. La division de banque islamique du groupe est implantée dans l'émirat de Bahreïn depuis 2003 et dispose d'un comité Charia et d'organismes de charité purificateurs, l'Institut du monde arabe bénéficiant de la partie « impure » des bénéfices réalisés. La qualité des prestations de ces structures fait de BNP Paribas un partenaire crédible dans la région du Golfe persique.
Ses activités sont très diversifiées, tant en matière de financement de projets à moyen ou à long terme qu'en matière de financement de capitaux. Au cours de ces dernières années, elle a ainsi participé à plusieurs grands projets, comme Qatar Gas II en 2004 (projet d'un montant de 6,5 milliards de dollars, dont une tranche de financement islamique de 530 millions de dollars) ou, en 2007, un dessein d'usine électrique et de dessalement d'eau de mer (2,7 milliards de dollars, dont une tranche islamique de 600 millions de dollars).
a souligné que BNP Paribas souhaitait multiplier son offre de produits islamiques, cette branche d'activité constituant l'un des axes prioritaires de développement du groupe bancaire. Les régions visées en priorité sont l'Asie et les pays musulmans du pourtour méditerranéen. En revanche, à ce stade, il n'est pas prévu d'action significative en Europe.
a rappelé qu'une délégation de la commission s'était rendue à Bahreïn lors d'un déplacement dans le Golfe persique au printemps 2007, où elle s'était fait présenter cette branche de l'industrie financière.
est revenu sur les propos de M. Jean-François Pons relatifs à l'absence de demande de produits islamiques de banque de détail en France. Il a souligné qu'au sein de la nouvelle génération de Musulmans français, de nombreuses personnes se posaient des questions sur leurs racines et se « réappropriaient les textes » islamiques. Dès lors, ceux qui souhaitent faire fructifier leur argent se heurtent au problème de l'interdiction de l'intérêt qui peut les priver de l'accès à des produits tels que le livret A ou le plan d'épargne logement. De même, si la fatwa de 1999 autorisant, sous conditions, le prêt immobilier pour l'acquisition d'un logement, a pu inciter certains Musulmans à utiliser un tel outil, d'autres ne le font pas, soit parce qu'ils n'entrent pas dans les critères édictés, soit parce qu'ils ne partagent pas l'analyse développée dans cette fatwa.
De plus, M. Zoubeir Ben Terdeyet a déclaré que les créateurs musulmans d'entreprises pouvaient rencontrer des difficultés de financement pour leurs projets du fait de l'absence de produits bancaires respectant les préceptes de l'Islam.
Etablissant un parallèle avec la viande hallal, pour laquelle la demande a été stimulée par le développement de l'offre, il s'est déclaré confiant quant au succès de produits financiers islamiques qui pourraient être lancés en France, de nombreux Musulmans étant susceptibles d'opter en leur faveur s'ils pouvaient le faire. Il a donc invité les banques à ne pas limiter leur réflexion au développement de grands projets de banque islamique dans certaines régions du monde, mais à s'intéresser également à la clientèle des Musulmans de France, y voyant, de surcroît, un facteur d'intégration.
a indiqué qu'il disposait d'une expertise reconnue sur des solutions d'investissement conformes à la Charia depuis 2004, à la demande de clients originaires du Golfe persique et d'Asie du Sud-Est. Il a insisté sur l'importance cruciale que revêt la collaboration étroite avec des comités Charia de renommée internationale, collaboration qui intervient à tous les niveaux de la conception des produits islamiques.
Cela lui a permis de commercialiser une large gamme de produits islamiques à travers le monde : d'une part, des produits structurés, d'autre part des produits indiciels. A M. Jean Arthuis, président, qui s'est interrogé sur la localisation des fonds indiciels islamiques au Luxembourg, M. Vincent Lauwick a fait valoir les facilités qu'offre le droit luxembourgeois pour la commercialisation de tels produits à l'international.
a expliqué que son établissement, filiale de la Société générale opérant sur l'île de La Réunion, avait demandé le développement de deux produits financiers islamiques pour répondre aux souhaits de sa clientèle, et bénéficier ainsi, par exemple, d'un produit aux effets comparables à ceux du livret A tout en étant conforme aux préceptes de l'Islam. Il a confirmé l'effet intégrateur potentiel de ce type de produits pour un certain nombre de clients.
En conclusion, M. Jean Arthuis, président, a constaté que la finance islamique faisait partie du paysage de la finance mondiale et que, soutenue notamment par l'évolution des cours du pétrole, elle connaissait une croissance rapide. Il a relevé que les banques françaises étaient actives en ce domaine, tout en conservant une attitude attentiste en France. Puis, ayant souligné l'ampleur des enjeux, il a déclaré que le développement de la finance islamique en France nécessitait peut-être certaines adaptations du cadre législatif ou réglementaire, ce que la seconde table ronde avait pour objet d'étudier.
La commission a ensuite organisé une seconde table ronde sur le développement de la finance islamique en France : quelles adaptations du cadre législatif et-ou réglementaire ?, avec M. Arnaud de Bresson, délégué général d'Europlace, M. Thierry Francq, chef du service du financement de l'économie à la direction générale du Trésor et de la politique économique, M. Bruno Gizard, secrétaire général adjoint de l'Autorité des marchés financiers (AMF), Mmes Laurence Toxé et Anne-Sylvie Vasseneix-Paxton, avocates au cabinet Norton Rose LLP (Paris), et M. Gilles Vaysset, secrétaire général du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement.
a estimé que la France faisait preuve d'un certain attentisme vis-à-vis du développement de la finance islamique. Dans cette perspective, il a rappelé que la finance islamique était une priorité d'action pour le Haut comité de place et qu'un groupe de travail ad hoc travaillait actuellement à présenter des propositions afin de lever les éventuels obstacles juridiques ou fiscaux au développement de ce marché en France.
Il s'est félicité, en outre, de la tenue de cette table ronde au Sénat, estimant que les progrès de ce dossier seraient d'autant plus rapides que la mobilisation des professionnels concernés serait accompagnée d'un soutien des autorités politiques.
a confirmé l'intérêt du gouvernement pour la finance islamique, compte tenu notamment du montant des capitaux concernés.
Il a précisé que le développement de la finance islamique en France devait respecter trois principes :
- premièrement, il devait s'agir d'un processus soutenu par une certaine appétence des professionnels concernés, qui sont, en outre, les plus à même d'identifier les obstacles au développement d'un tel marché sur notre territoire ;
- deuxièmement, ce développement doit respecter un principe de neutralité budgétaire. Ainsi, s'agissant de l'émission de « sukuk », il apparaît aujourd'hui qu'une telle opération aurait un coût supérieur à une émission d'obligations classiques ;
- troisièmement, les éventuelles adaptations du cadre juridique français doivent se conformer à un principe de neutralité réglementaire. Il a ainsi notamment mentionné la nécessité de sécuriser la fiducie afin de faciliter son utilisation, que ce soit dans le cadre de la finance islamique ou de manière plus générale.
Il a expliqué que le développement de la finance islamique était plus ou moins prometteur, et, plus ou moins aisé selon les champs envisagés. S'agissant des activités relevant de la banque de détail, il a estimé que l'offre de produits d'épargne conformes aux prescriptions de la loi coranique ne soulevait pas de difficultés particulières, comme en témoigne l'exemple de l'île de La Réunion évoqué lors de la première table ronde. En revanche, il convient d'être prudent sur l'ouverture de comptes de dépôt pour deux raisons : d'une part, il ne semble pas exister de demande particulière, d'autre part, la garantie des dépôts, imposée par les règles communautaires, peut se révéler contraire au principe de partage des pertes et des profits posé par la finance islamique.
Il a précisé que l'objectif principal actuel était plus le développement de la banque d'investissement et de financement que la banque de détail, et qu'à ce titre, toutes les adaptations pouvaient être envisagées sous réserve des principes rappelés ci-dessus.
a précisé que si la finance islamique nécessitait une intervention du législateur, cette intervention devait, pour la partie fiscale, être faite à l'occasion d'une loi de finances, et pouvait, pour la partie juridique, être envisagée à l'occasion du projet de loi de modernisation de l'économie.
a indiqué que l'AMF avait agréé en décembre 2006 un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OCVM) répondant aux critères de la finance islamique. Cet agrément n'a nécessité aucune modification du règlement général de l'AMF ou du code monétaire et financier dans la mesure où, dans le cas des OPCVM, le recours à des critères extra-financiers de sélection n'est pas nouveau. Il a indiqué que les OPCVM peuvent, par ailleurs, recourir à un comité Charia sous réserve que cela ne contrevienne pas à l'autonomie de l'établissement, et « purifier une part impure de leurs dividendes » en faisant des donations au profit d'organismes reconnus d'utilité publique. Il a précisé que le fonds agréé, qui réalise de bonnes performances, a été coté en Suisse en raison d'une demande plus importante dans ce pays.
Rappelant l'absence d'obstacles juridiques à la création ou à la gestion en France d'OPCVM compatibles avec les principes de la finance islamique, il a estimé que le développement de ce marché restait tributaire d'un changement culturel.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, Mme Anne-Sylvie Vasseneix-Paxton, avocate au cabinet Norton Rose LLP (Paris), a présenté le développement de la finance islamique au Royaume-Uni, dont les autorités souhaitaient faire la première place financière européenne en matière de finance islamique.
Elle a tout d'abord souligné que ce développement se faisait sur la base de deux principes : d'une part, le respect du droit positif anglais, comme cela avait été rappelé par les instances juridiques en 2004 ; d'autre part, la conformité de l'activité des banques islamiques à la réglementation applicable à l'ensemble des banques exerçant au Royaume-Uni, y compris aux exigences posées par la Financial Services Authority (FSA).
Elle a souligné que le soutien apporté par les autorités britanniques au développement de la finance islamique au Royaume-Uni s'était notamment traduit par une approche pragmatique, avec un faible recours à la voie législative, si ce n'est pour les modifications fiscales. Sur un plan juridique, elle a indiqué que la FSA avait cherché à définir des produits islamiques au regard de la réglementation applicable, à clarifier le rôle du conseil de la Charia, à organiser une publicité des produits islamiques, à élaborer un plan d'achat immobilier.
Elle a jugé que la démarche britannique était transposable en France compte tenu notamment des faibles ajustements du cadre législatif et fiscal à réaliser d'une part, et du soutien et du pragmatisme des autorités de contrôle françaises d'autre part.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, Mme Laurence Toxé, avocate au cabinet Norton Rose LLP (Paris), a complété cette présentation en détaillant l'évolution de la législation fiscale britannique pour s'adapter aux produits islamiques. Elle a souligné que cette évolution avait fait émerger de nouveaux concepts, tels que les « produits financiers alternatifs », qui pourraient, le cas échéant, être utilisés en France.
Trois importantes réformes ont été présentées : le « Finance Act » de 2003, qui a notamment supprimé le double droit de timbre sur les transactions immobilières islamiques, le « Finance Act » de 2005, qui a consacré la notion de « prééminence de la réalité économique sur l'apparence » (« substance over form ») permettant d'assimiler à de l'intérêt certains profits, et le « Finance Act » de 2007, qui a défini un régime applicable aux « sukuk ». Selon Mme Laurence Toxé, ces trois réformes peuvent inspirer les futures modifications fiscales françaises.
a rappelé que le CECEI était le portail d'entrée pour toutes les banques qui souhaitaient s'installer sur le territoire national. S'agissant du développement de la finance islamique en France, il a précisé que le CECEI ne pratique aucune discrimination sur le fondement de l'origine des capitaux. Il a indiqué que le comité ne délivre pas d'agrément de « banque islamique », mais un agrément de banque, dont le fonctionnement, ou les produits, peuvent, le cas échéant, relever de la finance islamique.
Si plusieurs projets d'implantation ont été portés à sa connaissance, aucun n'a été déposé ce jour formellement auprès du CECEI. De même, le comité n'a jamais encore été saisi par un établissement bancaire islamique exerçant au sein de l'Union européenne au titre de la procédure de reconnaissance mutuelle qui existe entre pays de l'Union.
Il a rappelé les cinq critères qui présidaient à l'attribution de l'agrément : la qualité des apporteurs de capitaux, l'honorabilité des dirigeants, l'acceptabilité de l'actionnariat, les règles prudentielles de l'établissement, les dispositifs de sécurité et de contrôle interne, le CECEI étant attentif à la question du blanchiment des capitaux et au respect du cadre juridique français. A ce titre le comité Charia qui valide les produits islamiques d'un établissement ne saurait interférer avec la gouvernance de la banque.
En conclusion, il a estimé que s'agissant des activités bancaires, le développement de la finance islamique ne nécessitait pas de modifications du cadre juridique. Toutefois, comme tel était souvent le cas lors de la mise en place de nouveaux produits, il serait sans doute indispensable d'adapter les règles prudentielles des établissements. Il a affirmé que le CECEI était prêt à soutenir l'innovation financière, pour autant que celle-ci se fasse dans des conditions sécurisées.
a noté que l'on constatait, si le développement de la finance islamique au sein du système financier global suscitait des initiatives françaises à l'étranger, une certaine inertie sur le territoire national, ce qui était regrettable au regard de « l'activisme » de certains pays européens sur ce marché. Outre l'intérêt attaché à la captation de certaines liquidités, il a rappelé que l'offre de produits islamiques dans notre pays pouvait également présenter un enjeu en termes d'intégration de la communauté musulmane française. Il s'est félicité du faible rôle qu'avait à jouer a priori le législateur, les débats ayant démontré, d'une part que les ajustements étaient relativement peu nombreux, et d'autre part, qu'un certain nombre de progrès et de clarifications pouvaient être réalisés via des leviers non législatifs (instructions fiscales, adaptation des pratiques). Il a appelé de ses voeux une plus grande réactivité de la part des professionnels concernés, afin que le développement de la finance islamique en France ne soit pas qu'un simple voeu.