Les commissions des lois et des affaires sociales ont entendu conjointement la présentation par MM. Henri de Richemont et Alain Milon du rapport d'information du groupe de travail créé en commun sur la maternité pour autrui.
a souligné que la maternité pour autrui soulève des questions relevant des lois de bioéthique et du droit de la filiation, complexes, délicates et fortement médiatisées. Il s'est réjoui de la constitution d'un groupe de travail commun aux deux commissions et a salué la qualité de la réflexion menée par ses seize membres.
A son tour, M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, a confirmé la très grande qualité des travaux conduits sur ce thème difficile et humainement délicat.
A titre liminaire, Mme Michèle André, présidente du groupe de travail, a souligné la qualité des échanges entre les membres du groupe de travail et a jugé très enrichissante la confrontation des approches différentes des commissions des lois et des affaires sociales. Elle a précisé qu'elle s'était efforcée, tout au long de ces travaux, de permettre à l'ensemble des points de vue de s'exprimer.
Avant de formuler ses recommandations, le groupe de travail a organisé une cinquantaine d'auditions afin de recueillir les observations et l'expérience de celles et ceux qui, philosophes, sociologues, ethnologues, médecins, psychiatres, psychanalystes, professeurs de droit, magistrats, avocats, représentants d'associations, d'administrations ou d'organismes publics, s'intéressent de longue date à ce sujet sensible. Une délégation de dix sénateurs s'est en outre rendue au Royaume-Uni, où la maternité pour autrui est autorisée, afin de tenter de tirer les leçons de l'application d'une législation vieille de plus de vingt ans.
Laissant aux deux rapporteurs le soin de présenter le contenu des recommandations adoptées la veille par une majorité de membres du groupe de travail, elle a sollicité, en leur nom, l'autorisation de publier leur rapport.
a d'abord fait valoir que le législateur ne doit pas être en retard par rapport à la science. Il est donc urgent qu'il réfléchisse à la maternité pour autrui qui se développe déjà depuis une vingtaine d'années, y compris en France mais de manière illégale.
La maternité pour autrui est une expression générique qui recouvre deux situations : la procréation pour autrui et la gestation pour autrui. Lorsque la femme qui porte l'enfant est sa mère génétique et que le père génétique de l'enfant est son père intentionnel ou un tiers donneur, on parle de procréation pour autrui. Lorsque la mère génétique de l'enfant n'est pas la femme qui le porte, mais sa mère d'intention ou une tierce donneuse, et que le père génétique de l'enfant est son père intentionnel, on parle de gestation pour autrui.
a indiqué que la gestation et la procréation pour autrui sont strictement prohibées en France et passibles de sanctions civiles et pénales mais que cette prohibition est contournée grâce à la diversité des législations nationales. De nombreux couples stériles n'hésitent donc pas à se rendre à l'étranger, dans les pays où la maternité pour autrui est légale ou tolérée - Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni ou Belgique par exemple. A leur retour en France, ils ne font généralement pas l'objet de poursuites pénales mais ne peuvent en principe faire établir la filiation de l'enfant à l'égard de sa mère d'intention. Toutefois, en octobre 2007, la cour d'appel de Paris a validé la transcription sur les registres de l'état civil français des actes de naissance américains de jumelles nées d'une gestation pour autrui en Californie.
Or, il n'appartient pas aux juges, mais au législateur, de lever l'interdiction de la maternité pour autrui, et il serait hypocrite et discriminatoire de maintenir en France l'interdiction des maternités pour autrui tout en reconnaissant la validité de celles qui sont pratiquées légalement à l'étranger : seuls les couples aisés pourraient ainsi en bénéficier, dans des conditions qui pourraient parfois être jugées contraires au principe de dignité de la personne humaine. En outre, il est à son sens injuste que l'accès aux techniques de procréation médicalement assistée soit ouvert à la femme privée de la possibilité de concevoir mais pas de porter un enfant et refusé à la femme privée de la possibilité de porter mais pas de concevoir un enfant.
Pour ces raisons, le groupe de travail a préconisé d'autoriser et d'encadrer la gestation pour autrui en la soumettant à un régime légal, et non contractuel.
Le transfert d'embryon serait subordonné à une décision du juge judiciaire, qui devrait vérifier les agréments, recueillir les consentements écrits des parents intentionnels et de la gestatrice ainsi que, le cas échéant, celui du conjoint, du concubin ou du partenaire de Pacs de cette dernière, les informer des conséquences de leur engagement au regard notamment du droit de la filiation, fixer le montant du dédommagement devant être versé par le couple bénéficiaire à la gestatrice, ce montant pouvant être révisé en cas d'évènement imprévu au cours de la grossesse.
Présentant les règles relatives à l'établissement de la filiation de l'enfant, M. Henri de Richemont, corapporteur du groupe de travail, a indiqué que la gestatrice se verrait reconnaître un « droit de repentir » : si elle désirait devenir la mère légale de l'enfant, elle devrait en exprimer la volonté dans le délai de la déclaration de naissance, soit trois jours à compter de l'accouchement ; son nom figurerait alors dans l'acte de naissance et les règles du droit commun de la filiation s'appliqueraient. Dans l'hypothèse la plus probable où la gestatrice n'aurait pas exprimé le souhait de devenir la mère légale de l'enfant dans ce délai, les noms des parents intentionnels seraient automatiquement inscrits sur les registres de l'état civil en exécution de la décision judiciaire ayant autorisé le transfert d'embryon et sur présentation de celle-ci par toute personne intéressée, notamment le représentant du ministère public ; ainsi, l'enfant ne pourrait être privé de filiation et les bénéficiaires de la gestation pour autrui ne pourraient se rétracter au dernier moment, au motif par exemple qu'ils se seraient séparés ou que l'enfant serait handicapé, pour se soustraire à leurs obligations légales de parent.
Enfin, l'interdiction d'établir la filiation maternelle des enfants nés de maternités pour autrui pratiquées à l'étranger en violation des règles d'ordre public édictées par la loi française serait maintenue, ce caractère d'ordre public étant destiné à éviter de reconnaître les effets en France de pratiques contraires au principe de dignité de la personne humaine. En revanche, à titre transitoire, la filiation maternelle d'un enfant né d'une maternité pour autrui avant l'entrée en vigueur de la réforme pourrait être établie si ses parents intentionnels remplissent les conditions d'éligibilité prévues par le groupe de travail.
a indiqué que l'objet de la réunion était d'informer les commissions des lois et des affaires sociales des conclusions adoptées par le groupe de travail qu'elles ont constitué, et de solliciter leur autorisation de publier le rapport qu'il a établi, sans être aucunement engagées par ses recommandations.
Après avoir elle aussi affirmé que les recommandations formulées par la majorité des membres du groupe de travail n'engageraient ni la commission des lois ni la commission des affaires sociales, Mme Michèle André, présidente du groupe de travail, a fait observer que le législateur ne pouvait feindre d'ignorer le développement de pratiques clandestines sur le territoire national, abondamment évoqué dans la presse.
s'est déclaré perplexe sur la portée de l'autorisation de publication : dès lors que les médias ont déjà révélé les grandes lignes du rapport, les commissaires sont contraints, de fait, d'autoriser sa publication, ce qui revient, pour l'opinion publique, à en valider les conclusions. Or, il est pour sa part résolument opposé à légaliser la maternité pour autrui.
a rappelé qu'un groupe de travail, une fois ses recommandations arrêtées, se charge d'en faire connaître les conclusions. C'est précisément ce que M. Paul Blanc lui-même avait fait, à juste titre, lorsqu'il était en charge du rapport d'information sur la compensation du handicap. Cependant, il est singulier que des informations essentielles aient été divulguées dans la presse bien avant la publication, alors même que les orientations du rapport n'avaient pas encore été fixées. L'objet de cette réunion, toutefois, n'est pas d'adopter une loi, mais de décider si les travaux du groupe du travail doivent être rendus publics.
Puis M. Alain Milon, corapporteur du groupe de travail, a présenté les arguments invoqués par les opposants à la maternité pour autrui. Elle serait contraire aux principes de la dignité humaine car elle consisterait à faire du corps des femmes une marchandise, une machine à enfanter disponible à la location. La Cour de cassation considère même que la gestation pour autrui est contraire aux principes de l'indisponibilité du corps humain et de l'indisponibilité de l'état des personnes. Enfin, il existerait une grande incertitude sur les conséquences sanitaires et psychologiques pour l'enfant qui va naître et la femme qui l'a porté.
Après cinq mois de réflexion, le groupe de travail a considéré que la maternité pour autrui ne viole pas la dignité de la personne humaine, dès lors qu'elle constitue un don réfléchi et limité dans le temps d'une partie de soi, au même titre qu'avec le don de gamètes ou le don d'organes. La maternité pour autrui n'est pas non plus contraire à l'intérêt de l'enfant puisque celui-ci est longtemps désiré et attendu par ses parents intentionnels. Enfin, la légalisation de la maternité pour autrui n'implique, dans l'esprit du groupe de travail, ni une contractualisation de la filiation, ni la reconnaissance d'un droit à l'enfant.
Il a ensuite précisé les conditions d'éligibilité strictes des éventuels bénéficiaires de la gestation pour autrui telles qu'envisagées par le groupe de travail. Ceux-ci devraient former un couple composé de personnes de sexe différent, mariés ou en mesure de justifier d'une vie commune d'au moins deux années, en âge de procréer et domiciliés en France. La femme devrait se trouver dans l'impossibilité de mener une grossesse à terme ou de la mener sans danger pour sa santé ou celle de l'enfant à naître. L'un des deux membres du couple, au moins, devrait être le parent génétique de l'enfant.
La gestatrice ne pourrait pas être la mère génétique de l'enfant. Elle devrait déjà avoir eu au moins un enfant, sans avoir rencontré de difficultés particulières pendant la grossesse. Une même femme ne pourrait mener plus de deux grossesses pour le compte d'autrui. Une mère ne pourrait pas porter un enfant pour sa fille, mais la gestation pour une soeur ou une cousine ne serait pas interdite : elle relèverait de l'appréciation d'une commission pluridisciplinaire placée sous l'égide de l'agence de la biomédecine. La gestatrice devrait enfin être domiciliée en France.
Enfin, les couples et les mères porteuses devraient faire l'objet d'un agrément, destiné à vérifier leur état de santé physique et psychique et qui serait délivré par la même commission pluridisciplinaire. Une habilitation spécifique pour pratiquer la gestation pour autrui devrait être exigée des praticiens et des centres de procréation médicalement assistée. Les médecins appelés à apporter leur concours à une gestation pour autrui ne pourraient siéger au sein de ladite commission.
s'est interrogée sur les effets potentiellement angoissants de la gestation pour autrui sur les propres enfants de la mère porteuse : ne vont-ils pas s'inquiéter du sort réservé à l'enfant porté par leur mère ainsi que de leur propre sort en la voyant le remettre au couple intentionnel ?
a répondu que, selon l'avis même de psychanalystes entendus par le groupe de travail, les enfants peuvent surmonter cette crainte, à partir du moment où la situation leur est clairement expliquée par leur mère.
Répondant à une question de M. Louis Souvet, il a déclaré que les estimations disponibles laissent penser que quatre cents couples français recourent chaque année aux services d'une mère de substitution, sur le territoire national ou à l'étranger. Grâce à Internet, il est aujourd'hui très facile de contacter une femme acceptant d'être mère porteuse.
a fait observer que les magistrats britanniques rencontrés à Londres ont manifesté un grand intérêt pour les recommandations susceptibles d'être présentées par le groupe de travail, en estimant que le cadre défini par les lois de 1985 et 1990 n'était peut-être pas assez strict. Il a ajouté que nombre de couples infertiles français prennent contact par Internet avec des femmes prêtes à porter un enfant pour le compte d'autrui puis se rendent avec elles en Belgique pour y bénéficier d'une intervention médicale.
Rappelant que plusieurs pays ont autorisé ou tolèrent la maternité pour autrui, Mme Michèle André, présidente du groupe de travail, a insisté sur le fait que les recommandations du groupe de travail sont le fruit d'une longue réflexion et tentent de trouver un point d'équilibre entre des positions opposées. Chaque membre du groupe a d'ailleurs eu la possibilité de fournir une contribution personnelle écrite annexée au rapport.
a constaté l'utilité de l'information apportée aux membres de la commission des lois et de la commission des affaires sociales sur la teneur du rapport de leur groupe de travail commun. Il a en outre rappelé que l'ensemble des sénateurs des deux commissions avaient eu la possibilité d'assister aux auditions organisées par le groupe.
a estimé qu'il faut faire oeuvre de pédagogie pour que chacun comprenne ce qu'est un groupe de travail et qu'avant de pouvoir recevoir une traduction législative, les recommandations formulées dans un rapport d'information doivent d'abord faire l'objet d'une proposition de loi. Cette proposition de loi peut ensuite être examinée par les commissions et adoptée par les deux assemblées.
Constatant que la maternité pour autrui suscite un important débat de société, elle a jugé essentiel que les parlementaires s'en saisissent et sachent ouvrir des voies d'avenir. Le groupe de travail a organisé de très nombreuses auditions, entendant des personnes aux points de vue variés, et ces auditions ont conduit plusieurs sénateurs à évoluer dans leur réflexion.
a souhaité savoir s'il est possible, dans le cadre d'une gestation pour autrui, de connaître les parents, et notamment le père, avec certitude : l'implantation d'embryon du couple intentionnel empêche-t-elle qu'un ovule de la mère porteuse soit fécondé naturellement par un spermatozoïde de son mari et que l'enfant qui naît soit en réalité issu de leurs propres gamètes ?
a fait remarquer que, contrairement à sa filiation maternelle, la filiation paternelle d'un enfant a, jusqu'à la découverte des tests génétiques, toujours été incertaine.
a expliqué que les cas de surfécondation sont extrêmement rares et que l'implantation d'un oeuf exclut, dans la quasi-totalité des cas, la création d'un deuxième embryon.
a précisé qu'aux Etats-Unis, les gestatrices s'engagent à ne pas avoir de rapports sexuels non protégés pendant la période entourant l'insémination artificielle ou le transfert d'embryon.
a rappelé l'histoire tragique, connue sous le nom de l'affaire « Alma Mater », d'un couple américain ayant loué les services d'une mère porteuse pour 15 000 dollars et qui n'avait pas voulu de l'enfant une fois né, en raison de son handicap. Ce refus avait conduit la mère porteuse à intenter un procès révélant, par l'étude des groupes sanguins, que l'enfant était en réalité celui de la mère porteuse et de son mari.
Cette affaire montre bien les dangers susceptibles de survenir en cas de gestation pour autrui. Celle-ci ne doit pas être légalisée, à son sens, pour trois raisons : d'abord, un enfant, né d'une mère porteuse à l'étranger, n'est jamais privé de filiation, ni maternelle, ni paternelle : il dispose, dans tous les cas et sans exception, des actes de naissance étrangers qui établissent sa filiation, aussi bien à l'égard de sa mère intentionnelle que de son père intentionnel. Ces actes sont souvent transcrits à la demande des parents par l'officier français de l'état civil consulaire qui dresse alors un acte de naissance français établissant la filiation de l'enfant à l'égard des deux parents. Si les parents ne souhaitent pas, par peur d'être découverts, faire transcrire les actes de naissance étrangers, ils peuvent de toute façon obtenir tous les papiers d'identité français (passeport ou carte d'identité) pour leur enfant en vertu de l'article 47 du code civil. Selon les associations, une centaine de couples vont chaque année à l'étranger depuis 2000. Il y aurait donc eu sept cents cas entre 2000 et 2007. Or, le vice-procureur du TGI de Nantes a indiqué que, pour la même période, le TGI avait eu connaissance de quinze cas, ce qui signifie que seulement 2 % des couples rencontrent un problème juridique.
Ensuite, la gestation pour autrui est un abandon d'enfant puisqu'elle consiste à autoriser une mère à donner consciemment son enfant à un autre couple. L'enfant aura une filiation très compliquée qui ne pourra que lui poser des problèmes psychiques lourds : comment fera-t-il, à l'adolescence et à l'âge adulte, pour se positionner par rapport à ses quatre parents potentiels ? Par ailleurs, quelle sera sa situation si ses parents intentionnels meurent, par exemple dans un accident de voiture avant sa naissance ? Que se passera-t-il si la mère porteuse est atteinte du VIH lors de la grossesse ?
Enfin, la légalisation des femmes porteuses revient à transformer le corps des femmes en médicament : celui-ci devient le remède par lequel la société apporte une solution aux problèmes de stérilité de certains couples.
a fait valoir que la tragédie de l'affaire « Alma Mater » est largement due au fait que la mère porteuse était également la mère génitrice, ce que les rapporteurs préconisent justement d'interdire. Par ailleurs, la gestation pour autrui n'est pas, à son sens, un droit à abandonner l'enfant, mais un don de soi qui permet de donner la vie. En cela, elle se rapproche du don d'organes, bien qu'elle représente un sacrifice moins important, puisque la donneuse ne se sépare pas définitivement d'une partie d'elle-même. Enfin, le premier droit de l'enfant est d'être désiré et aimé et, dans le cadre d'une gestation pour autrui, il est incontestable que ce droit est respecté.
a précisé que, dès lors qu'elle n'en est pas la mère génétique, la mère porteuse ne pourra pas transmettre de maladie génétique à l'enfant qu'elle porte. De plus, l'objet de l'agrément sera justement de vérifier, dans la mesure du possible, sa santé physique et mentale.
a déclaré que les recommandations du groupe de travail sont précisément guidées par le souci de l'intérêt de l'enfant, en permettant aux enfants nés d'une gestation pour autrui d'avoir une filiation maternelle. Il a estimé que ces enfants ne seront pas brutalement abandonnés mais au contraire profondément et longuement désirés.
a considéré que la possibilité d'un « dédommagement raisonnable » ouvre la porte à une rémunération déguisée. Par ailleurs, le législateur n'a jamais voulu, au nom du respect de la vie privée, rendre obligatoire le test VIH : ne serait-on pas obligé de franchir cette limite dans le cas de la gestation pour autrui ? Etant donné la sensibilité du sujet traité par le rapport, il est d'avis qu'il vaudrait mieux surseoir à statuer sur la publication du rapport et reprendre le problème au moment de l'examen d'un futur projet de loi de réforme des lois de bioéthique.
a indiqué qu'il soutenait la position de Marie-Thérèse Hermange, et s'est déclaré hostile à l'autorisation de publication, car celle-ci serait interprétée comme une approbation des recommandations du rapport par le Sénat tout entier. Les conclusions du rapport sont, à son sens, très contestables : la légalisation de la gestation pour autrui va créer d'immenses frustrations, chacun considérant désormais qu'il existe un « droit à l'enfant ». De plus, affirmer qu'il faut légaliser puisque la pratique existe déjà est absurde et choquant : pourquoi ne pas autoriser alors les ventes d'armes ou les trafics d'organes ? Le rôle du législateur n'est pas de légaliser tout ce qui existe, mais de dire, au nom de l'intérêt général, ce que la société accepte ou n'accepte pas. En l'espèce, le ventre d'une femme n'est pas un coffre à louer pendant neuf mois. En outre, plusieurs questions se posent : en cas d'interversion accidentelle d'embryons, qui sera responsable et qui seront les parents de l'enfant une fois né ? Quelle sera la législation applicable aux personnes transsexuelles ? Cette nouvelle technique ne risque-t-elle pas de favoriser la consanguinité ? Ne va-t-elle pas devenir, pour certaines femmes, le moyen d'avoir des enfants en s'épargnant les inconvénients d'une grossesse ?
a fait observer que toutes ces critiques sont en réalité opposables à l'ensemble du dispositif de procréation médicalement assistée, et qu'en bonne logique, elles devraient conduire à interdire toutes les techniques médicales de lutte contre la stérilité et à revenir sur l'ensemble des lois de bioéthique précédemment adoptées par le Parlement.
s'est demandé si toute avancée de la science est un progrès humain. Ce qui n'est aujourd'hui conçu que comme un remède à la stérilité ne deviendra-t-il pas, demain, un droit à l'enfant ouvert à tous ? Par ailleurs, si l'enfant naît handicapé et que les parents intentionnels n'en veulent pas, quelle sera sa situation juridique ? Que se passera-t-il si la mère porteuse rencontre des problèmes de santé pendant la grossesse ? Enfin, il est naïf de penser qu'il n'y aura pas, au moins de fait, de rémunération de la mère porteuse, et donc marchandisation du corps humain et exploitation des femmes les plus fragiles.
a déclaré qu'il ne voterait pas l'autorisation de publication, car il estime que la légalisation de la gestation pour autrui n'est pas souhaitable. Celle-ci transforme à ses yeux l'enfant en un simple objet de satisfaction des parents, et ne le respecte pas comme sujet. Elle revient à encourager une femme à ne pas s'attacher à l'enfant qu'elle porte, ce qui prouve bien que l'enfant est secondaire dans le processus. Elle risque également de favoriser une dérive vers des pratiques eugéniques. En outre, elle constitue un dévoiement supplémentaire de la procréation médicalement assistée, qui n'est déjà plus, dans la majorité des cas, un remède à la stérilité médicale absolue de certains couples. Le désir d'enfant est tout à fait légitime, mais la société doit d'abord favoriser l'adoption d'enfants abandonnés, notamment en réformant l'agence française de l'adoption, dont chacun sait qu'elle fonctionne très mal.
a observé que l'enjeu éthique principal du problème est de savoir si la gestation pour autrui respecte le principe de dignité de la personne humaine.
a répondu que cette question est examinée en détail dans le rapport, et que l'analyse conclut que, sous certaines conditions précisées par le groupe de travail, la gestation pour autrui n'est pas contraire à ce principe.
s'est à son tour prononcée contre la publication du rapport. Reprenant à son compte les critiques formulées par André Lardeux, elle a fait valoir que l'enfant, dans une gestation pour autrui, serait réduit au statut d'objet. De plus, toute extension de la procréation médicalement assistée doit être examinée attentivement, car les enfants issus de ces techniques souffrent souvent de lourds problèmes, et notamment de handicaps, comme pourraient en témoigner tous les directeurs des centres d'action médico-sociale précoce (Camps).
s'est déclaré favorable à la publication du rapport car il a été confronté à la situation tragique de certains couples, dont la femme était privée d'utérus à la naissance ou à la suite d'un problème médical. Il est normal que le législateur réfléchisse à des solutions possibles. Cependant, deux recommandations du rapport lui paraissent contestables : il serait préférable, à son avis, d'éviter de trop fragmenter la parentalité, et donc d'interdire, dans le cadre d'une gestation pour autrui, le don de gamètes ; il paraît dangereux de laisser à la mère porteuse le droit de garder l'enfant dès lors qu'elle connaissait, à l'origine, l'étendue de son engagement.
a rappelé que les discussions ne portent pas sur une proposition de loi à adopter mais simplement sur la publication d'un rapport d'information. Chacun pourra ultérieurement amender un éventuel texte de loi sans être lié par les recommandations du groupe de travail. Estimant que ces recommandations sont très attendues par la presse et que le rapport est plus nuancé, car plus détaillé, elle a jugé nécessaire d'autoriser leur publication sous peine de susciter des fantasmes injustifiés et s'est opposée au principe même d'une censure de la contribution du groupe de travail à la réflexion sur la maternité pour autrui.
a proposé de considérer le rapport comme un premier élément de réflexion dans le cadre de la révision des lois de bioéthique et de ne pas le publier tout de suite.
a rappelé que la seule question posée aux deux commissions porte sur le point de savoir s'il convient ou non d'autoriser la publication du rapport du groupe de travail. Il a estimé évident d'apporter une réponse positive à cette question : un refus de publication serait bien pire qu'une autorisation pour ceux qui déclarent s'opposer à ses conclusions puisqu'il donnerait le sentiment d'un contenu sulfureux. Citant les propos célèbres prêtés à Voltaire : « Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire », il s'est dit opposé à la censure du rapport du groupe de travail, en soulignant qu'elle constituerait un précédent très fâcheux.
a formé le voeu que le rapport présente de manière complète et objective les arguments contre et pour la levée de l'interdiction de la maternité pour autrui. Il s'est déclaré favorable à sa publication s'il est clairement rappelé que ses recommandations constituent une contribution à la réflexion en cours, n'engageant ni les deux commissions ni, a fortiori, le Sénat tout entier.
a proposé que l'expression « recommandations du groupe de travail» soit remplacée par celle de « contribution du groupe de travail», afin de bien faire valoir que les orientations du rapport n'engagent pas les deux commissions.
s'est déclaré en accord avec cette précision utile.
A l'issue de ce débat, les commissions ont autorisé la publication du rapport du groupe de travail consacré à la maternité pour autrui.
Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.
La commission a enfin procédé, sur le rapport de M. François-Noël Buffet, à l'examen du projet de loi n° 341 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la protection du secret des sources des journalistes.
Après avoir souligné l'importance du secret des sources des journalistes pour la liberté d'expression et la liberté de la presse en particulier, M. François - Noël Buffet, rapporteur, a indiqué que la législation française en la matière, inexistante jusqu'à la loi du 4 janvier 1993, restait très lacunaire et incomplète.
Il a ajouté qu'il était d'autant plus urgent de se doter d'une telle législation que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme avait consacré depuis dix ans la protection des sources journalistiques « comme l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse ».
Ayant présenté le projet de loi, il a jugé qu'une clarification du texte serait de nature à lever de nombreux malentendus et à écarter le risque d'une interprétation restrictive de la protection du secret des sources.
En revanche, il a jugé qu'il serait prématuré de faire droit à la demande des représentants des journalistes et des entreprises de presse entendus en faveur d'une suppression du délit de recel de violation du secret de l'instruction. En effet, une telle modification aurait pour effet de signer en pratique la fin du secret de l'instruction, puisqu'aucun frein ne pourrait plus y être opposé. Tout en reconnaissant que le secret de l'instruction était d'ores et déjà très affaibli, il a déclaré que l'existence du délit de recel avait malgré tout pour effet d'obliger les journalistes à adopter une attitude responsable et à ne pas céder systématiquement à la facilité de publier des pièces protégées par le secret de l'instruction. Il a estimé que la suppression du délit de recel ne pourrait intervenir que dans le cadre d'une réforme d'ensemble du secret de l'instruction.
Enfin, il a considéré que ce projet de loi devait être l'occasion de relancer les réflexions sur la création d'un conseil de la presse inspiré notamment des exemples belge, suisse ou québécois.
a déclaré que ce projet de loi allait dans le bon sens, mais que le juste équilibre était très difficile à trouver, chaque mot ayant son importance.
Puis la commission a examiné les amendements présentés par le rapporteur.
A l'article premier (affirmation du principe de la protection du secret des sources des journalistes - diffamation et respect des droits de la défense), la commission a adopté un amendement de réécriture du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 et tendant à :
- supprimer la disposition limitant aux seules questions dites d'intérêt général le bénéfice de la protection du secret des sources ;
- étendre explicitement la protection du secret des sources à l'ensemble de la chaîne de l'information ;
- compléter les conditions requises pour pouvoir porter atteinte au secret des sources dans le cadre d'une procédure pénale.
a demandé si la définition du journaliste donnée par cet article n'était pas trop large.
a indiqué que cette définition était en effet plus large que celle du code du travail, notamment en visant les journalistes qui ne tireraient pas de leur activité journalistique l'essentiel de leur revenu. Il a estimé que cette définition était protectrice du secret des sources, même si elle était parfois mal comprise des journalistes eux-mêmes.
Au même article, la commission a adopté un amendement ajoutant les documents issus d'une violation du secret professionnel à la liste des documents pouvant être produits pour sa défense par un prévenu poursuivi pour diffamation, sans encourir de poursuites pour recel.
A l'article 2 (perquisitions et garanties du secret des sources), la commission a adopté neuf amendements rédactionnels ou de cohérence.
Après l'article 2, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel ayant pour objet d'aligner strictement la rédaction de l'article 56-1 du code de procédure pénale relatif aux perquisitions chez les avocats sur celle de l'article 56-2 du même code tel que modifié par l'article 2 du projet de loi.
A l'article 3 (droit au silence des journalistes entendus comme témoin), la commission a adopté deux amendements de coordination.
Aux articles 3 bis (nullité des réquisitions judiciaires portant atteinte au secret des sources) et 3 ter (nullité des transcriptions de correspondance portant atteinte au secret des sources), la commission a adopté deux amendements précisant respectivement qu'une réquisition ou une écoute judiciaire est nulle si elle est prise en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, sans qu'il soit nécessaire que l'atteinte au secret des sources soit « disproportionnée ».
La commission des lois a adopté le projet de loi ainsi modifié.