Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. Patrice Ract-Madoux, président du conseil d'administration de la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), sur la situation des finances sociales, en prévision de la tenue du débat d'orientation sur les finances publiques.
Depuis sa création en 1996, on a demandé à la Cades, à l'occasion de lois successives, de reprendre environ 134 milliards d'euros de dette : elle en a amorti plus de 40 ; à la fin de 2009, il lui restait une dette de 92 milliards. Ce processus s'est déroulé dans un cadre législatif progressivement amélioré : la Cades avait en effet été créée par une simple ordonnance, modifiée, année après année, par les lois de financement de la sécurité sociale et d'autres textes législatifs qui ont accru considérablement le montant de la dette qui lui était confiée. Le terme de la caisse qui, à l'origine, devait intervenir avant la fin de 2009, avait été porté, en 1998, à 2014. Or, la loi de 2004 sur l'assurance maladie a prévu - je caricature à peine son texte - qu'elle terminerait sa mission quant elle l'aurait finie ! Dès 2005, les parlementaires, raisonnables par nature, ont rappelé le Gouvernement à l'ordre, lui faisant valoir qu'il serait bon d'être un peu plus précis. Un article de la loi organique d'août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale dispose donc que tout nouveau transfert de dette à la Cades doit désormais être accompagné d'une augmentation de ses ressources suffisante pour ne pas accroître sa durée de vie. Celle-ci est calculée par la caisse et présentée régulièrement à son conseil d'administration et au Parlement. Aujourd'hui, l'échéance probable d'amortissement intégral de la dette est 2021 : la caisse a une chance sur deux d'avoir achevé sa mission cette année là, mais 5 % de chances de l'avoir terminée en 2020 et 5 % de risques que ce soit après 2023.
Cet article de la loi organique a bien été respecté pour la reprise de la dette votée dans la loi de financement pour 2009. On m'avait alors demandé le niveau de la ressource à prévoir pour la reprise de tranches de 10 milliards de dette. Le Gouvernement entendant faire reprendre 27 milliards à la caisse, le « tarif » correspondait à une majoration de 0,189 point de CRDS. Le Gouvernement s'est alors livré à une première interprétation de la loi organique en optant pour un abondement de 0,2 point de CSG à la Cades, prélevé sur les ressources jusqu'alors affectées au fonds de solidarité vieillesse (FSV). Nous avons considéré à l'époque que l'esprit de l'ordonnance organique avait été respecté et que la durée de vie probable de la caisse restait inchangée.
La Cades a donc 92 milliards de dettes à amortir, les dernières ayant été reprises fin 2008/début 2009 pour un montant de 27 milliards dont 10 milliards en provenance de la Cnav ; elle a également repris le déficit du FSV dont les ressources ont été dans le même temps amputées.
La Cades, dites-vous, n'a qu'une chance sur deux de disparaître en 2021. Je m'attendais à plus. Comme elle a cinq chances sur cent de le faire en 2020 ou 2023, c'est donc que le glissement ne peut être que de quelques mois et non de plus d'une année.
Nous faisons tourner un modèle qui décline huit mille trajectoires différentes de taux, de croissance, d'inflation... Si le terme arrive en 2021, une seule trajectoire aura été la bonne. Une chance sur deux de finir en 2021 signifie que la trajectoire médiane n° 4000 conduit à une extinction en 2021. Cinq pour cent de chances de terminer en 2020 signifie que la 400e trajectoire est la bonne. Le même pourcentage pour 2023 signifie que c'est la 400e plus mauvaise trajectoire qui sera vérifiée. Il y en a de plus mauvaises encore mais elles ont peu de chances de se réaliser.
La loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale de 2005 prévoit qu'aucune dette ne peut être transférée à la Cades sans lui affecter parallèlement des ressources permettant son extinction à la date prévue, c'est-à-dire en 2021. Quel est le niveau des recettes qui devraient être accordées à la Cades en cas de transfert des déficits cumulés du régime général et du FSV à la fin de 2010 ? Quel serait le coût supplémentaire si cette reprise de dette n'intervenait qu'à la fin de 2011 ? Quelle est la date à partir de laquelle les transferts de dette deviendront quasiment impossibles en l'absence de report de la date d'extinction de la Cades ?
La réponse à votre première question découle de l'application normale de la loi organique : comme les fois précédentes, la reprise se réaliserait à un « tarif » qui est l'augmentation de la CRDS nécessaire pour que la Cades reprenne les déficits accumulés sans changer le terme de 2021. Ce « tarif » augmente chaque année. Il y a trois ans, il était de 0,07 point de CRDS par tranche de 10 milliards. Il y a deux ans, le « tarif » était de 0,077 point, ce qui aurait donné une augmentation de CRDS de 0,189 point pour les 27 milliards qui devaient être repris. Pour 2011, le « tarif » serait de 0,085 point par tranche de 10 milliards : une reprise de 60 milliards exigerait une augmentation de CRDS de six fois 0,085, soit 0,51 point. Il faudrait donc que le Gouvernement propose au Parlement de faire passer la CRDS de 0,5 % à 1,01 %.
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, la commission avait proposé d'augmenter légèrement la CRDS pour permettre la reprise d'une partie des déficits de 2009, mais le Gouvernement s'est opposé à cette suggestion. Quel serait le « tarif » d'une reprise à la fin de l'année 2011 ?
Le « tarif » atteindra alors 0,095 point par tranche de 10 milliards.
Et à partir de quelle date les transferts de dette deviendront-ils impossibles ?
Le mécanisme de la loi organique est fait pour que, à partir d'un moment donné, la reprise de la dette coûte trop cher en ressources. S'il était envisagé, en 2021, de faire reprendre 10 milliards de dette par la Cades, il faudrait lui apporter en ressources ces 10 milliards et, en plus, les intérêts de l'année. Cela n'aurait aucun intérêt. Pour cette raison, le mécanisme se bloquera vers 2015/2016.
Il est aujourd'hui question d'utiliser les recettes et les actifs du fonds de réserve des retraites (FRR) pour participer au remboursement de la dette sociale. Comment envisagez-vous le fonctionnement de ce dispositif et avez-vous déjà établi des projections chiffrées ? Sera-t-il possible d'isoler les ressources provenant du fonds de réserve pour qu'elles ne financent que le remboursement des dettes relevant de la branche vieillesse ? A quel rythme pourrait être utilisé le fonds de réserve dans une telle hypothèse ?
Dans le dossier de presse présentant les orientations détaillées de la réforme des retraites, le ministre Eric Woerth a avancé l'idée d'apporter les actifs du FRR à la Cades pour lui permettre de reprendre les dettes de l'assurance-vieillesse jusqu'en 2018. La caisse bénéficierait également de la dernière ressource permanente de ce fonds, constituée d'une partie du prélèvement social de 2 % portant sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, ce qui représente environ 1,4 milliard chaque année.
Une fois que la loi de financement pour 2011 aura été votée, je souhaite, en tant que président du conseil d'administration de la Cades, pouvoir expliquer à l'extérieur - c'est-à-dire aux investisseurs et aux agences de notation, dont j'espère qu'elles continueront à nous attribuer un triple A - que la caisse présentera exactement la même fiabilité qu'actuellement. La caisse est un établissement public administratif français doublement protégé. Il est tout d'abord protégé, par son ordonnance de création, dont l'article 7 dispose que, en cas de ressources insuffisantes, le Gouvernement s'engage à demander au Parlement de lui attribuer des ressources supplémentaires. La caisse est aussi protégée par le Parlement - à travers son conseil de surveillance, dont sont membres plusieurs parlementaires, et grâce à la garantie apportée par la loi organique. Il faudra vérifier, quand le Gouvernement aura fait connaître le détail des mesures qu'il envisage, si en ajoutant les ressources nouvelles transférées à la Cades et celles qui arriveraient du FRR, la caisse sera, début 2011, aussi solide qu'auparavant, même si elle reprend 50 ou 60 milliards de dettes.
Pour apprécier le déficit prévisionnel de la branche vieillesse entre 2012 et 2018, il faudrait donc connaître en amont d'éventuelles modifications de la loi organique, le contenu du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, de la loi réformant les retraites et, enfin, des recettes ou des moindres dépenses attendues de cette réforme. Le supplément de 1,4 milliard en provenance du FRR financera-t-il la totalité des déficits cumulés en 2009, 2010 et 2011 ?
Ce supplément de 1,4 milliard - qui doit augmenter - sera perçu jusqu'en 2021. Une partie sera donc perçue plus tard que le déficit constaté. Tout dépend du montant de la dette qui sera à reprendre sur les retraites non seulement au titre des années 2009 à 2011, mais surtout au titre des années 2012 à 2018. Je ne sais pas actuellement ce que le Gouvernement vous présentera.
Cela signifie qu'il ne faut pas engager de réforme qui implique la Cades avant le vote de la loi sur les retraites.
L'hypothèse d'un report de la date d'extinction de la Cades a été mentionnée par la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Selon quelles modalités ce report pourrait-il être envisagé : abandon de toute échéance, report de quelques années, fixation d'une durée d'amortissement pour les nouvelles dettes reprises ? Ce report peut-il avoir des effets sur les conditions d'émission de la Cades et est-il concevable sans attribution concomitante de ressources à la caisse ?
Votre dernière hypothèse est pour moi une des plus horribles. Si la Cades devait reprendre 60 milliards de dette au début de 2011 et que le verrou de 2021 posé par la loi organique ait disparu, le terme passerait à 2030... Même si la loi organique devait être modifiée pour autoriser une reprise de dette sans ressources nouvelles, il serait souhaitable de conserver ce cadre organique afin que la nouvelle date d'extinction soit pour l'avenir couverte par le texte imposant que les transferts de dettes soient accompagnés des ressources nécessaires. Il ne paraît pas vraisemblable que le Gouvernement ait l'intention de faire abandonner purement et simplement le principe du nécessaire transfert de ressources en cas de transfert de dettes. C'est sans doute pourquoi il a prévu d'apporter à la caisse les actifs du FRR, ainsi que - si j'en crois Les Echos de ce matin - diverses ressources issues du rabotage de certaines niches fiscales. Il semble que le Gouvernement est en train de rechercher des ressources susceptibles d'être attribuées à la Cades.
Compte tenu de la situation que vous décrivez et de l'importance de la dette sociale, le Gouvernement devrait en prendre en charge une partie. Mais, de toute évidence, il n'est pas question de revenir ni sur les niches, sociales ou fiscales, ni sur le bouclier fiscal et c'est pourquoi nos concitoyens éprouvent un sentiment de grande injustice et ne voient se dessiner que trois solutions : augmenter la CRDS, prolonger la vie de la Cades ou aller à la recherche de quelques taxes additionnelles et autres ressources de poche. Croyez-vous en une reprise de la croissance et de l'emploi qui permettrait de réduire les déficits ? Par ailleurs, pour quelle raison semblez-vous éliminer la CSG parmi les ressources susceptibles de vous être transférées ? J'ai le sentiment que vous privilégiez le recours à la CRDS, et j'en connais les raisons puisque cette contribution a une assiette plus large et un taux plus faible.
Si j'ai bien compris, nous allons déposer le bilan dans peu de temps ! Mécaniquement, il y aura entre 2012 et 2016, 75 milliards de dettes supplémentaires. La Cades ne pourra pas les reprendre, compte tenu de sa date prévisionnelle d'extinction. Dès lors, on ne pourra que prolonger son existence ad vitam aeternam, c'est-à dire qu'on rétablira la dette perpétuelle du XIXe siècle : c'est une solution, mais il conviendrait d'avertir les citoyens qu'ils devront payer éternellement les dettes de leurs ancêtres. Que se passerait-il si la note attribuée par les agences à la Cades se dégradait ?
Pour reprendre 60 milliards de dette, il faudrait, dites-vous, augmenter de 0,51 point le taux de CRDS. Combien cela représente-t-il d'euros par personne ?
Si le Gouvernement envisageait de prolonger la vie de la Cades, seriez-vous favorable à l'introduction dans la loi organique d'une clause de revoyure, laquelle permettrait, dès le retour de la croissance, d'augmenter la CRDS pour en revenir au terme initialement prévu de 2021 ? Serait-ce réaliste ? Et qu'en penseraient les marchés ?
Je voudrais préciser au président Fischer que c'est par souci de simplification que je fais tous mes calculs en CRDS ou en équivalents-CRDS, dès lors que cette contribution a pour vocation le règlement de la dette sociale. Mais je n'ai rien contre la CSG dès lors que les ressources correspondent aux besoins. Le seul problème, c'est qu'actuellement, cette cotisation sert à autre chose qu'au remboursement de la dette sociale. Mais son affectation à la Cades me convient. Je trouverais cependant dommage qu'on prélève cette fraction sur d'autres destinataires à qui elle manquerait. La CSG, comme la CRDS, comme les actifs du FRR sont des ressources que je convertis toutes en équivalents CRDS parce qu'il s'agit de la recette initialement prévue pour rembourser la dette sociale...
En ce qui concerne la réponse économique, je ne suis pas devin mais je constate, depuis le début de l'année, que la ressource CRDS progresse de nouveau, ce qui démontre que la masse salariale évolue de la même manière.
Si la date d'extinction de la Caisse est modifiée d'ici la fin de l'année, à partir de 2011, elle émettra des emprunts qui iront jusqu'au nouveau terme prévu, 2025 par exemple. Nous mentionnons dans les contrats, comme nous le faisons actuellement, les dispositions de la loi organique au moment de l'émission, prévoyant une date de fin de la Cades. Il serait vraiment difficile d'expliquer aux agences et aux prêteurs l'existence d'une clause de revoyure qui permettrait au Parlement de raccourcir la durée de vie de la caisse. Ce serait là une complication supplémentaire. Si tout se passe bien, si les ressources de CRDS croissent rapidement, la durée de vie de la Cades pourrait se réduire sans qu'aucune intervention parlementaire ne soit nécessaire.
Pour répondre au sénateur André Lardeux, je parle rarement aux agences de notation et aux investisseurs d'un dépôt de bilan de la Cades et je leur dis que, quoi qu'il en soit, les prêteurs seront remboursés : l'article 7 de l'ordonnance de création de la caisse et la loi organique obligent le Gouvernement à demander au Parlement des ressources suffisantes pour la caisse. Celle-ci ne court donc aucun risque de dépôt de bilan.
Si sa note baissait et passait à AA, elle emprunterait tout simplement plus cher : les taux d'emprunt de la Grèce ont été portés de 3 % à 10 % et ceux des emprunts à dix ans de l'Espagne ou de l'Italie de 3 % à 4,5 %. Le coût du financement augmenterait et nous mettrions plus longtemps à rembourser.
Le supplément de versement individuel résultant d'une augmentation du taux de CRDS dépend évidemment des revenus de chacun. C'est effectivement la contribution la plus indolore car son taux actuel, 0,5 %, est très inférieur aux 7,5 % de la CSG. Même en la doublant, elle ne s'élèverait donc qu'à 1 % du revenu : l'impact de cette mesure serait donc très variable en fonction des revenus.
La commission procède ensuite à l'audition de M. Pierre Mayeur, directeur, et Mme Pascale Robakowski, agent comptable, de la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), sur la certification des comptes de la caisse.
Bien que notre Mecss nous tienne bien informés des comptes de la Cnav, et que nous nous préparions à entendre bientôt la présidente de cette caisse dans le cadre du prochain projet de loi sur les retraites, nous avons souhaité obtenir des informations sur la certification des comptes de la branche vieillesse. En effet, la Cour des comptes, pour la deuxième année, n'a pas certifié les comptes de la Cnav, estimant qu'ils comportaient des risques d'erreur dans l'enregistrement comptable des prestations légales et que les contrôles internes étaient insuffisants pour garantir contre des erreurs dans la liquidation des pensions. Qu'en est-il ?
Pour la deuxième année consécutive en effet, la Cour des comptes n'a pas certifié les comptes de la branche vieillesse, nous en sommes les premiers déçus. Les reproches de la Cour ne visent ni la sincérité, ni la fidélité de nos comptes à notre activité et à notre patrimoine, mais des défauts dans leur régularité. Nous avions reçu la certification en 2006 et 2007, nous la perdons ensuite : la logique de certification est parfois déroutante, mais je la crois utile et elle nous pousse à faire plus de progrès.
Je ferai trois observations liminaires, avant de répondre à vos questions.
D'abord sur le risque financier : il est résiduel. La branche vieillesse vient de faire face au « papy-boom » et a vu, en quelques années, le flux de liquidations des retraites augmenter de moitié pour passer de 460 000 à 700 000, ce qui représente un choc d'ampleur industrielle ; elle a dû s'adapter au changement de son environnement législatif et réglementaire, avec la mise en oeuvre rapide de la loi du 21 août 2003, alors que les règles n'avaient guère évolué depuis de nombreuses années.
Dans ce contexte, le risque d'erreurs pour 2009 porte sur 7,56 % du nombre de nouveaux retraités et le montant cumulé des erreurs est évalué à 0,78 % du montant des droits nouveaux comptabilisés pour l'année. Nous mettons tout en oeuvre pour limiter ce risque, mais il me semblait important d'en dire qu'il est résiduel.
Deuxième observation, il faut compter avec le décalage temporel entre l'exercice annuel de certification et la réforme pluriannuelle que nous avons entreprise. Nous devons séquencer le changement de nos logiciels informatiques, car tout ne peut se faire dans la même année. Nous respectons le calendrier annoncé, mais la Cour nous reproche, par exemple, que le nouveau mode de traitement des paiements ne soit opérationnel qu'en 2012 alors que telle était bien notre échéance initiale.
Les mécanismes que nous mettons en place nécessitent des études préalables et des ajustements. C'est le cas du référentiel unique national de la maîtrise des risques, des procédures de supervision du contrôle et du plan de lutte contre la fraude.
Enfin, nous sommes tenus par d'autres obligations, en particulier celles de la convention d'objectifs et de gestion (COG). Nous avons par exemple l'obligation de réviser les droits. Nous avons corrigé les données erronées en 2010 : l'erreur porterait sur 3 168 euros... La Cour des comptes nous demande de réviser les droits, mais l'enjeu financier vaut-il qu'on y passe du temps ?
Nous entendons avec intérêt votre plaidoyer, qui vient contrecarrer les effets négatifs de l'annonce de la non-certification des comptes. Le nombre de pensions augmente et ce que l'on constate, c'est que la démarche de certification, nécessaire mais difficile à appréhender, n'est pas directement associée à une amélioration de la qualité de service. Quant à l'enjeu financier, s'il s'agit de 0,78 %, c'est effectivement peu.
Comment ces risques d'erreur ont-ils évolué dans le temps et quel rôle a pris la convention d'objectifs et de gestion ?
Quid, ensuite, du traitement des périodes assimilées à du chômage et non signalées par Pôle emploi, qui constituent en effet des erreurs inacceptables ?
Enfin, quel traitement des carrières longues, pour lesquelles le Parlement avait pris des mesures spécifiques ?
Une précision sur les chiffres : s'il y a eu, en 2009, 7,56 % de cas de liquidation où des erreurs ont affecté le montant de la pension, dans 30 % de ceux-ci l'erreur portait sur un montant inférieur ou égal à 10 euros.
Les erreurs cumulées représentent au maximum 0,78 % non pas des 100 milliards de pensions versées par la Cnav chaque année, mais des 3,5 milliards versés aux nouveaux retraités en 2009. Et les erreurs peuvent aller dans les deux sens, au bénéfice ou au détriment du retraité : la Cour des comptes le précise, dans une note en bas de page.
Par la convention d'objectifs et de gestion, signée le 6 avril 2009, la Cnav s'est engagée notamment à être proactive dans la mise en oeuvre des textes réglementaires nouveaux sur les retraites, à inciter à l'emploi des seniors, à renforcer son offre de service, de conseil et l'information inter-régimes. Le chapitre 4 porte explicitement sur la maîtrise des risques, je laisse Pascale Robakowski vous présenter ce qui constitue notre programme en cette matière pour les années 2009 à 2013.
Ce chapitre 4 consacré à la maîtrise des risques est une nouveauté, que l'on doit pour bonne partie à l'initiative de la caisse.
Il vise d'abord à rénover notre politique et nos outils de la maîtrise des risques. La Cour des comptes a souligné que notre référentiel de contrôle interne datait un peu, qu'il fallait l'adapter davantage à la gestion des risques actuels. Nous avons entrepris de le rénover, pour élaborer un référentiel unique, en fédérant différentes démarches de maîtrise des risques et en l'articulant avec le système d'information aussi bien qu'avec le plan de lutte contre la fraude. Nous en sommes à la phase de généralisation.
Deuxième axe, la fiabilisation des données. C'est le cas de figure des périodes assimilées au chômage, où nous devons nous assurer que les données communiquées par Pôle emploi correspondent à nos critères pour le calcul des carrières ; même chose pour les données que nous recueillons auprès de l'assurance maladie ou de la branche famille.
Nous renforçons également les audits de la branche, avec une fonction de pilotage pour la Cnav, qui anime un comité national d'audit et un comité stratégique de la maîtrise des risques, et des moyens d'audit supplémentaires pour les caisses régionales.
Enfin, nous renforçons la politique de prévention et la lutte contre la fraude, en créant de nouveaux outils pour la détecter.
Les erreurs de calcul liées aux périodes assimilées au chômage tiennent à ce que l'Unedic a accordé un trimestre de chômage dès le premier jour de l'indemnisation, alors que le seuil réglementaire ne prévoit de le comptabiliser qu'à partir de cinquante et un jours. Le décalage vaut pour les années 1993 à 2007 : fallait-il recalculer toutes les carrières, en analysant mieux les chiffres de l'Unedic ? En fait, les statistiques des années 1993 à 2004 se sont avérées trop incertaines, donc inutilisables, et nous avons entrepris de recalculer les carrières, avec l'autorisation de la direction de la sécurité sociale, pour les seules années 2004 à 2007.
Sur les 3,5 milliards de nouvelles pensions versées en 2009, l'impact maximal de ces erreurs liées aux périodes assimilées au chômage est évalué à 35 millions. Mais, sachant que des trimestres surnuméraires peuvent être « compensés » par des périodes de chômage non indemnisées ou non enregistrées, l'impact réel serait plutôt de moitié, autour de 17 millions.
Nous avons aussi lancé une enquête pour régulariser les carrières longues en cas de fraude ou d'exagération. Nous constatons que la moitié des présomptions de fraude ou d'exagération sont avérées, donnant lieu à des annulations de rachat d'annuités : à l'inverse, 40 % ne sont pas confirmées.
Je me réjouis de vous entendre, par les chiffres même, prendre le contre-pied d'une véritable campagne de dénigrement contre l'assurance-vieillesse et la fraude dont elle ferait l'objet !
Non ! Nous n'entendons parler que de fraude à l'assurance vieillesse, mais le directeur de la Cnav nous confirme la faible ampleur du phénomène. Nous sommes favorables à la poursuite des abus, mais il faut être précis sur leur portée et ne pas cacher qu'ils concernent tous les milieux sociaux.
Monsieur le directeur, comment vos moyens d'actions ont-ils évolué ? Vous faites face à ce qu'on appelle malencontreusement « l'industrialisation » des régimes de retraite, avec l'augmentation du nombre des pensionnés. Mais vos moyens d'information, d'action et de contrôle ne se trouvent-ils pas rabotés sous les coups de la révision générale des politiques publiques (RGPP), des réductions des effectifs et de la convention d'objectifs ? Ces réductions de moyens vous paraissent-elles occasionner des erreurs de gestion, ou bien encore conduire à une déshumanisation ?
Enfin, alors que les retraites ont été augmentées de 0,9 % au 1er avril dernier, quelles sont vos perspectives de ressources dans les années à venir ?
Le nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse diminue chaque année. Ce minimum étant versé par le fonds de solidarité vieillesse (FSV), y a-t-il une chance que la Cnav se voie attribuer les sommes non versées par ce fonds, ce qui éviterait qu'il serve de variable d'ajustement à l'assurance maladie ?
Avez-vous évalué le déficit de la branche vieillesse pour les années 2011-2018, compte tenu de la réforme projetée des retraites ? C'est en effet en 2018 que la branche est censée revenir à l'équilibre, et, dans cette attente, les déficits devraient être repris par la Cades grâce aux ressources et aux actifs du fonds de réserve pour les retraites (FRR). Ces ressources nouvelles seront-elles suffisantes pour couvrir les déficits de la période concernée ?
Quid de vos marges de productivité supplémentaires, pour de nouvelles économies de gestion ?
Enfin, vous dites que la part de 0,78 % d'erreurs financières, en masse, cumule les erreurs au bénéfice et celles au détriment de la caisse : à combien estimez-vous donc les pertes réelles ?
Elles sont évaluées à 0,008 % des nouvelles pensions distribuées en 2009, soit quasiment rien.
Si c'est si peu, pourquoi la Cour des comptes ne certifie-t-elle pas vos comptes ? Lui avez-vous présenté vos arguments avec le ton qui sied à la rue Cambon ?
La loi de 2003 permet de cumuler une retraite et un salaire : combien de retraités utilisent-ils cette possibilité ? On a signalé des abus, sinon illégaux du moins moralement répréhensibles, de responsables d'entreprise salariés qui liquident leur retraite à soixante ans, pour se faire immédiatement réembaucher dans leur entreprise, à un autre poste ou comme consultants : ce genre de pratiques crée quelques remous...
La certification exige la fidélité des informations communiquées, mais aussi leur traçabilité. Comment vous assurez-vous que les données transmises par Pôle emploi correspondent à vos critères ?
Ensuite, quel est l'impact financier des carrières longues ?
La branche vieillesse a obtenu des moyens supplémentaires lors de la convention d'objectifs et de gestion de 2002-2005, pour faire face au « papy-boom », étant entendu que ce supplément de moyens serait temporaire.
Non, les renforts ont été recrutés en CDI. La convention d'objectifs et de gestion pour 2005-2008 a maintenu les moyens, et c'est avec celle de 2009-2012 que, conformément à ce qui était prévu, la branche rend des effectifs, participant en cela au mouvement général dans la fonction publique. Cependant, notre taux de remplacement se situe entre la moitié et les deux tiers.
Quelles conséquences sur la qualité de service et la fiabilité des liquidations ? Nous renforçons les contrôles et nous avons même créé l'an passé quarante emplois nationaux pour épauler les caisses régionales dans la lutte contre la fraude.
Le président Fischer m'interroge sur l'évolution de nos recettes : je regrette de n'être pas devin !
Le nombre de pensionnés au minimum vieillesse diminue effectivement, mais les économies pour le fonds de solidarité vieillesse sont compensées par la revalorisation de 25 % du minimum vieillesse entre 2007 et 2012. L'avant-projet de loi sur les retraites élargit le bénéfice du minimum vieillesse, par la prise en compte du capital de l'exploitation agricole. Le FSV est donc encore loin de pouvoir abonder la Cnav...
S'agissant des prévisions de comptes pour 2011-2018, il est difficile de se prononcer car nous ne maîtrisons pas nos recettes et notre modèle Prisme évalue seulement l'impact des mesures sur les dépenses. Il est difficile de dire si les ressources et actifs du FRR suffiront à couvrir les déficits jusqu'en 2018.
La totalité du capital du FRR n'est pas disponible pour équilibrer avant l'échéance les comptes de la retraite : la soulte destinée à compenser l'adossement des industries électriques et gazières doit être conservée pour sa destination initiale.
S'agissant des frais de gestion, je crois que nous avons déjà beaucoup fait pour les réduire dans la branche vieillesse et que nous aurons besoin de toutes nos ressources pour développer l'information et de conseil en vue de personnaliser la retraite : nous comptons proposer, dès 2013, un entretien d'une heure à chaque assuré pour l'informer de ses droits à la retraite, ceci dans tous les régimes.
La loi de financement pour 2009 a libéralisé totalement le cumul emploi-retraite, autorisé déjà en 2003. Je suis informé d'abus par la presse, sans savoir le nombre de cas. Nous savons seulement que le cumul augmente, et que 7 % des personnes qui ont liquidé leur retraite en 2007 ont exercé une activité en 2008 mais nous n'en connaissons pas la durée.
Le nombre de cumuls augmente effectivement mais sans exploser.
Pour ce qui concerne les erreurs de calcul, je vous confirme qu'elles représentent en valeur absolue 0,78 % des pensions nouvelles versées en 2009 mais en valeur relative, comme les erreurs vont dans les deux sens, elles s'annulent pour partie et la charge réelle pour les comptes est évaluée à 0,008 % des nouvelles pensions.
La certification des comptes exige que les comptes soient sincères, réguliers et donnent une image fidèle de l'activité et du patrimoine de la caisse. La Cour des comptes n'a pas mis en cause la sincérité ni la fidélité de nos comptes, ses réserves portent seulement sur la régularité, et elle souligne que nos contrôles internes ne permettent pas suffisamment de maîtriser les erreurs. La Caisse estime qu'en tant qu'entreprise de service public, nous devons appliquer à la lettre les lois et règlements qui déterminent le montant des pensions.
Il existe trois référentiels propres à la branche vieillesse : le système national de gestion des identifications, le système national de gestion des dossiers et le système national de gestion des carrières. Au terme d'un audit approfondi, la Cour des comptes n'a rien trouvé à redire aux deux premiers systèmes, et c'est seulement pour le troisième qu'elle a fait des remarques sur la question des périodes assimilées chômage.
C'est pourquoi nous reprenons désormais la maîtrise des données qui nous sont transmises. Depuis 2008, Pôle emploi nous communique les périodes de chômage de date à date, et c'est nous qui les convertissons en annuités pour le calcul des retraites. Nous allons faire de même avec les éléments que nous adressent la branche famille, la branche maladie et nos autres partenaires.
Enfin, le conseil d'administration de la Cnav s'est prononcé pour que la caisse réalise un audit externe, auprès de nos partenaires, pour vérifier la qualité des informations qu'ils transmettent.
L'application stricte de la réglementation ne va pas toujours sans contradictions. La Cour des comptes, par exemple, en nous demandant des révisions, nous reproche de ne pas avoir de procédure automatisée pour prendre en compte les éléments utiles au calcul de la retraite mais qui ne seraient pas disponibles au moment où le déclarant liquide sa retraite : prenons la cas d'un salarié qui part en retraite en juin, sans connaître le montant de la prime qui lui sera versée en fin d'année seulement, et pour autant que cette prime ait une incidence sur le calcul de la retraite. De fait, si ce retraité ne nous déclare pas sa prime, nous ne la prenons pas en compte automatiquement. Ce serait différent si le calcul était cristallisé au jour de la liquidation, mais ce ne sont pas les règles actuelles et les modifier relève de la compétence du Gouvernement et du Parlement.
Quelles évolutions des règles vous seraient donc utiles, pour que vos comptes soient plus facilement certifiés ?
Nous avons lancé une nouvelle ingénierie de notre contrôle interne. Nous procédions jusqu'à présent par une revue régulière des chiffres, nous passons désormais à un nouveau référentiel de la gestion des risques, en cartographiant les processus et les actions de maîtrise : cet outil devrait être opérationnel dès cette année. Ensuite, nous avons réalisé qu'il fallait mieux coordonner l'action de l'ordonnateur et du comptable. Ce sera l'objet d'un protocole de qualité, avec une revue régulière des constats d'erreurs.
La commission procède enfin à l'audition de M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, sur les auxiliaires de vie scolaire (AVS).
La scolarisation des enfants handicapés est une priorité pour le Président de la République et le Gouvernement. Des progrès importants ont été accomplis dans la période récente. Cette année, 185 000 élèves handicapés ont été accueillis en classe ordinaire : 30 000 de plus qu'il y a trois ans, 40 % de plus que lors du vote de la loi de 2005, deux fois plus qu'il y a dix ans. On compte aussi aujourd'hui deux cents classes d'intégration scolaire (Clis) et six cents unités pédagogiques d'intégration dans les lycées. Des dotations budgétaires sont inscrites pour financer la formation des enseignants, le matériel ou les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), à quoi s'ajoutent deux cents enseignants et soixante autres personnes, mis à disposition des MDPH sur l'ensemble du territoire. Ces maisons sont un outil essentiel : c'est la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) qui arrête les propositions d'orientation scolaire, qui autorise l'intervention des enseignants référents et qui détermine les moyens propres à assurer l'intégration scolaire des élèves handicapés.
Pour un quart de ces élèves, un accompagnement individuel s'impose. Il est assuré par les auxiliaires de vie scolaire individuels (AVS-i) qui encadrent aujourd'hui 53 000 élèves, à temps complet ou partiel. Ils représentent 22 000 équivalents temps plein, leur nombre ayant doublé en trois ans. Ce sont des assistants d'éducation de niveau Bac ou de niveau IV ou des contractuels de droit privé recrutés en contrat aidé. Au 30 septembre 2010, 2 000 assistants d'éducation arriveront au terme de leur contrat, avec trois ou six ans d'ancienneté. Or, leur contrat, de droit public, ne peut être reconduit au-delà de six ans. Comment approfondir la qualité de leur intervention et conserver leurs compétences pour assurer une continuité de l'accompagnement des élèves handicapés ?
D'abord, il s'agit de garantir la qualité d'intervention des AVS-i grâce à un suivi individualisé tout au long de leur contrat. La circulaire du 24 juillet 2009 prévoit que ce suivi soit mis en place, après les soixante heures de formation initiale. Puis, dans la plupart des cas, une attestation de compétence leur est délivrée en fin d'exercice, dans le cadre de la validation des acquis de l'expérience (VAE). Depuis 2008, des conventions régionales tripartites, passées entre les directions régionales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, les rectorats et Pôle emploi, formalisent les modalités de formation et de suivi des bénéficiaires de contrats aidés afin de favoriser leur insertion professionnelle.
Nous ne voulons pas non plus les oublier au terme de leur contrat. Avec Nadine Morano, secrétaire d'Etat chargée de la famille et de la solidarité, nous menons une réflexion de fond sur la formation et sur l'évolution de l'emploi des AVS. Avec les associations représentatives des personnes handicapées et des familles et les administrations de nos deux ministères, nous avons établi un référentiel de compétences, qui constitue à la fois un cahier des charges pour le recrutement et un guide des bonnes pratiques. La professionnalisation progressive des AVS devrait les conduire à exercer divers métiers dans le champ des services d'aide à la personne, à occuper des emplois de catégorie C dans les trois fonctions publiques et à présenter un certain nombre de concours de la fonction publique qui ont été réaménagés pour qu'ils puissent y participer. Ils peuvent enfin devenir enseignants, infirmiers ou encore assistants de service social. Il s'agit d'améliorer les perspectives de carrière de ces personnels et de mettre un terme à la précarité de leur activité.
Par ailleurs, les contrats dédiés à l'intégration des élèves dans les classes ordinaires ont démontré leur efficacité, les élèves ayant pu bénéficier d'un accompagnement sûr et prolongé, assuré par des personnels accompagnants plus compétents et professionnalisés. Il s'agit maintenant de capitaliser ces acquis et d'organiser un meilleur suivi de la sortie des AVS au terme de leur contrat. Nous avons été alertés l'année dernière par de nombreuses familles sur les ruptures probables d'accompagnement au cours de l'année 2010, plusieurs centaines de contrats devant arriver à terme sans possibilité d'être renouvelés. Isabelle Debré, Paul Blanc et de nombreux autres sénateurs se sont mobilisés pour permettre l'adoption d'une disposition dans le cadre de l'examen de la loi du 3 août 2009, qui prévoit la mise en place d'un dispositif de conventionnement avec des associations. Grâce à ce dispositif, les AVS arrivés au terme de leur contrat ont pu continuer à exercer les mêmes fonctions, en étant recrutés par une des quatre fédérations d'associations ayant conclu une convention avec le ministère de l'éducation nationale. Pour prolonger ce dispositif, j'ai signé, avec Nadine Morano, au début du mois de juin, deux nouvelles conventions, avec huit fédérations d'associations, l'une élargissant aux services d'aide et d'accompagnement à domicile la capacité d'employer un AVS. La reconduction améliorée du dispositif entraîne une hausse de la subvention ministérielle, afin de permettre la prise en charge non plus de 34 %, mais de 44 % des cotisations sociales, ainsi qu'une participation aux frais de formation et de gestion à hauteur de 10 % du salaire annuel des AVS. Les surcoûts qui en résultent, de l'ordre de 1,5 million à 2 millions d'euros, seront pris en charge par le budget de l'éducation nationale. Ce système permet ainsi de proposer une offre transversale et continue d'accompagnement à l'école et à la maison. Pour l'enfant, cela signifie une augmentation du temps global d'accompagnement, notamment à domicile sur le temps extrascolaire, mais aussi une limitation du nombre d'intervenants avec une continuité de la prise en charge. Pour les AVS, cela signifie moins d'enfants suivis et la possibilité de passer d'un temps partiel à un temps plein. Dans le cadre de ce conventionnement, la fonction d'AVS-i sera donc amenée à évoluer, la prise en charge ayant lieu de façon continue, sur le temps scolaire et extrascolaire, et les AVS-i s'engageant sur la voie de la professionnalisation.
Pour préparer le renouvellement des contrats, j'ai adressé une directive aux recteurs et aux inspecteurs d'académie au début du mois de juin et le décret fixant les taux de rémunération va être prochainement publié. Le réemploi sera soumis à une triple condition : l'obtention de l'attestation de compétence délivrée par l'inspecteur d'académie, l'accord écrit de l'intéressé pour changer de contrat et l'accord de la famille pour maintenir le binôme enfant-accompagnant. Grâce aux financements mobilisés, six cents AVS pourront ainsi être employés par les associations conventionnées. Notre ambition est d'aller plus loin en permettant l'intégration de 10 000 élèves de plus à la prochaine rentrée scolaire.
Le sujet des AVS constitue une préoccupation centrale pour notre commission. Annie Jarraud-Vergnolle et Paul Blanc ont établi un rapport d'information sur les MDPH ; Paul Blanc est aussi le rapporteur pour avis de la mission budgétaire « solidarité » et l'auteur d'une proposition de loi actuellement en cours d'examen.
Alors que cette question se pose à chaque rentrée depuis de nombreuses années et que les associations, que nous avons reçues à plusieurs reprises avec Isabelle Debré, demandent une continuité de l'accompagnement, il était temps de proposer enfin une solution pérenne. Je rends hommage à l'éducation nationale pour sa participation aux commissions départementales des droits et de l'autonomie et aux maisons départementales. La présence d'inspecteurs et d'enseignants spécialisés est indispensable, elle doit se poursuivre. Tel est le sens de la proposition de loi que j'ai déposée, mais dont l'examen s'est, hélas, interrompu à l'article 5 et qui ne reprendra, semble-t-il, qu'à l'automne.
Seuls des inspecteurs d'académie ou des enseignants spécialisés sont capables de juger si la présence d'un AVS est indispensable. Or, le nombre de prescriptions augmente sans cesse. Je ne nie pas les besoins, mais je crois qu'il faut aussi veiller à ce que l'excès d'accompagnement ne se fasse pas au détriment des progrès de l'enfant et de son autonomisation. Seuls des enseignants spécialisés savent où placer le curseur. Les enseignants et les membres de l'équipe pluridisciplinaire pourraient-ils avoir une formation en ce sens avec des références communes d'évaluation à toutes les MDPH ?
Une plus grande sensibilisation des enseignants et des personnels de direction devrait également favoriser l'intégration des enfants handicapés dans l'école ordinaire. L'organisation de l'emploi du temps et du parcours scolaire est déterminante. Par exemple, il vaut mieux ne pas changer de classe un élève une fois qu'il a pris ses repères.
Les enseignants sont parfaitement à leur place dans les maisons départementales, hélas il n'existe pas dans toutes un référent de l'éducation nationale.
La loi de 2005 a prévu la scolarisation de tous les enfants handicapés : certains peuvent être accueillis dans des classes ordinaires, d'autres ne le peuvent pas et sont orientés vers l'enseignement spécialisé. On peut regretter qu'il y ait encore trop peu de passerelles entre l'enseignement spécialisé et les autres classes. D'ailleurs, sur les 185 000 enfants fréquentant une classe ordinaire, la moitié est scolarisée à temps partiel voire très partiel, lorsqu'il s'agit seulement d'une dizaine d'heures par semaine.
Malgré cela, il n'y a encore pas suffisamment d'AVS : d'ailleurs, le tribunal administratif des Pyrénées-Atlantiques vient de condamner le ministère de l'éducation nationale pour son refus implicite d'accorder des AVS-i à sept enfants alors que la commission départementale le prescrivait. Le ministère sera contraint de verser 300 euros à chaque famille. Ne doit-on pas craindre une multiplication des recours contentieux dans ce domaine ?
Les AVS sont recrutés sur deux types de contrats, pour six ans comme agents de droit public, pour trois ans comme agents de droit privé. La convention que vous avez signée devrait permettre à 5 000 AVS de poursuivre leur activité. En septembre dernier, avec Paul Blanc, nous vous avions adressé un courrier pour réclamer la publication rapide d'une circulaire, afin que les intéressés n'aient pas à se réinscrire à Pôle emploi avant de pouvoir être recrutés par les associations conventionnées. Mais le Médiateur de la République a observé que sur les 5 000 AVS-i à reconduire, seuls 1 500 ont pu l'être à la rentrée de 2009. A l'instar de la commission nationale consultative des droits de l'homme, le Médiateur estime nécessaire de professionnaliser les métiers de l'accompagnement et de rapprocher la formation des AVS de celle des auxiliaires de vie sociale, c'est-à-dire le diplôme d'Etat d'auxiliaire de vie sociale (DEAVS) qui s'acquiert en deux ans.
Vous avez travaillé avec les associations à l'élaboration d'un référentiel, visant à créer un métier qualifié, de niveau V ou supérieur. Mais ce travail s'est interrompu au mois de janvier dernier. Quel niveau de qualification entendez-vous donner aux AVS-i ? A quel type de diplôme envisagez-vous finalement de rattacher cette profession ? Car si ce module de soixante heures permet l'initiation des enseignants, cela me paraît insuffisant pour qu'il débouche sur un diplôme qualifiant.
Concernant les nouvelles conventions signées avec les fédérations d'associations d'enfants handicapés, quelle sera la nature du suivi assuré par l'éducation nationale ? Et dans le cadre du conventionnement avec les associations de services d'aide à domicile, le chèque emploi service universel (Cesu) pourra-t-il prendre en charge les frais d'accompagnement, comme c'est le cas pour les personnes âgées ?
Si nous avons mobilisé autant de moyens, c'est pour mettre fin à une injustice subie par les enfants handicapés et leurs familles. Mais c'est aussi pour favoriser l'apprentissage, par les autres élèves, de la différence et de la tolérance. L'accueil d'un enfant handicapé n'est pas toujours facile. Les enseignants sont généralement de bonne volonté mais ils font valoir que l'équilibre au sein de la classe peut être perturbé par la présence d'un enfant handicapé et de son AVS-i. Le plan académique de formation vise à mieux préparer les enseignants et les chefs d'établissement. Je m'étonne, madame Jarraud-Vergnolle, de votre remarque sur l'absence de professeurs référents de l'éducation nationale dans certaines maisons départementales. Pourriez-vous indiquer quels sont les départements concernés afin que nous le signalions aux inspections d'académie ? Quant aux passerelles, des unités d'enseignement ont été créées dans les établissements de soins afin de faire le lien avec le collège.
Sur le jugement du tribunal administratif, je ne puis vous indiquer si le risque de généralisation est réel : mes services analyseront cela et je vous fournirai ma réponse.
Quant aux postes d'AVS supplémentaires, tous n'ont pas été pourvus à la dernière rentrée scolaire, car nous avons eu à gérer des fins de contrats. Et ces emplois ne trouvent pas toujours preneurs... Ce qui renforce notre détermination à mettre en place une vraie formation et la professionnalisation. Bien sûr, certaines associations estiment que l'on ne va pas assez loin et assez vite. Pourtant, cette année, nous avons élaboré le référentiel, étape importante, mais qui ne suppose pas obligatoirement l'ouverture d'une filière professionnelle d'Etat. Il faut retenir un modèle économique incluant le financement et la pérennisation des emplois et des compétences. Voilà le travail qui reste à mener.
Quant au Cesu, je vous le confirmerai mais je ne vois pas pourquoi il ne pourrait être utilisé pour des emplois d'aide à domicile et d'accompagnement.
L'évolution favorable de la scolarisation des enfants handicapés est remarquable. Dans mon département, il existe une Clis à la maternelle, au primaire et au collège. Elle accueille des non-voyants et malvoyants. Cela perturbe-t-il la classe ? Non ! Cela l'enrichit. C'est une poussée en avant formidable. Pour aller plus loin encore, il faudrait de meilleurs relais entre les cycles, particulièrement entre le primaire et le collège. Il faut faire le maximum, dans la classe spécialisée mais ailleurs aussi. Sans en faire trop, effectivement. Un aveugle qui demande si le feu est rouge et s'il peut traverser a besoin d'être renseigné, il n'a pas forcément envie qu'on le prenne par le bras pour l'assister. Même si on peut comprendre leur attitude, il faudrait aussi éviter que les parents interviennent de façon trop intrusive et, avec les meilleures intentions du monde, expliquent quoi faire aux enseignants et autres intervenants spécialisés.
Nous aussi, sur les bancs de l'opposition, sommes très attentifs à ces situations. Nous sollicitons souvent les commissions, nous nous adressons souvent à vous, monsieur le ministre. Et nous demandons un statut pour ce personnel, qui demeure dans une incertitude inacceptable. La professionnalisation ne progresse pas. Les enfants et leurs familles sont aussi dans l'attente. Le ministre nous dit : « Tout va bien, l'effort a été considérable ». Alors, pourquoi tant d'associations, de familles, d'enseignants nous sollicitent-ils ?
Deux associations et pas des moindres, l'association des paralysés de France (APF) et l'union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), ont refusé le conventionnement, car elles n'y trouvent aucune solution au problème du financement. La situation des associations ne les autorise pas à embaucher des AVS. Où sont les financements ? Vous annoncez six cents nouveaux postes, mais vous nous dites aussi que 2 000 AVS-i ont atteint la limite des six années. Il en manque donc 1 400 !
Les professionnels que vous aurez formés seront-ils intégrés dans l'éducation nationale ? A quoi sert la professionnalisation sans les financements pour créer des postes ? Comment les intéressés exerceront-ils leur métier ?
Comment, avec l'ouverture du conventionnement aux associations de services à domicile, garantir le professionnalisme dans l'accompagnement des enfants ? Les aides à domicile n'en ont ni les compétences ni la formation. L'accompagnant doit lui-même être accompagné. Comment garantir la continuité du service et de sa qualité ? Je vois mal, enfin, comment demander aux AVS d'accompagner un enfant handicapé le matin et de s'occuper d'une personne âgée le soir.
Je partage cette impression. Pour préparer cette audition, j'ai rencontré des AVS et leurs syndicats, ils ne participent pas à votre concert de louanges. Pour que les postes d'AVS soient attrayants, il faut un statut véritable, un métier reconnu, une formation digne de ce nom. Je suis enseignant de formation et ma commune compte une Clis. J'ai bien vu que soixante heures ne suffisaient pas. Il faut aussi une rémunération décente et un emploi durable. Les enseignants sont très satisfaits d'avoir un AVS dans la classe, c'est un atout. Attention à ne pas souligner des réticences, ce serait contraire au but poursuivi... Va-t-on vers la mise en place d'un vrai métier ?
Je suis maire d'une commune de 3 000 habitants pleine de bonne volonté. Mais les classes étant surchargées, il n'y a pas suffisamment de places pour accueillir un enfant handicapé avec son AVS-i. Nous allons néanmoins faire des travaux, pour près de 3 millions d'euros, dans l'établissement afin de pouvoir les accueillir. Or, actuellement, la commune voisine possède un établissement spécialisé, dans lequel les parents choisissent le plus souvent de scolariser leurs enfants handicapés... Outre le manque d'espace, le nombre insuffisant de professeurs explique la surcharge des classes. Quelles solutions proposez-vous ?
Le tableau idyllique tracé par le ministre ne correspond pas à l'expérience que j'ai, au conseil général, de la prise en charge du handicap. Je préside aussi la commission départementale et je rencontre souvent les associations. Je reconnais les efforts qui sont faits mais lors des tables rondes que nous avons organisées pour préparer le débat que nous avions demandé au Sénat sur le bilan de la loi handicap, les associations nous l'ont bien dit : la principale inquiétude concerne l'instabilité de l'emploi. Le recours à de tels contrats, dans la fonction publique, est acceptable pour remplir un besoin ponctuel ou répondre à une spécialisation très particulière. Ce n'est pas le cas ici et votre solution n'est pas la meilleure pour conforter une profession émergente. Un effort me semble encore nécessaire pour affiner la conception du métier et son financement.
Scolariser l'enfant handicapé à l'école la plus proche donne de bons résultats la plupart du temps, mais ce n'est pas forcément possible, par exemple dans le cas d'un handicap mental. J'ai été directrice d'école et j'ai essayé d'intégrer un enfant dans cette situation, il hurlait sans cesse et après quinze jours j'ai dû renoncer. Il faut compter aussi avec la réticence des enseignants... A La Réunion, nous avons fait se rencontrer des classes ordinaires et des classes de sourds-muets. Le cours commun, avec interprète en langue des signes, est une expérience originale mais aussi contraignante pour qu'elle se déroule bien : en tout cas, pour effacer les réticences, rien de tel que la visite dans les lieux où se déroulent de telles expériences, lorsqu'elles sont couronnées de succès.
Tous les enfants handicapés n'ont pas vocation à suivre une scolarité normale. J'ai géré des établissements pour enfants souffrant de troubles psychiques : certains d'entre eux peuvent être intégrés, les autres non. Dans le référentiel, il faudra tenir compte de tous les handicaps. Certaines associations sont spécialisées dans tel ou tel handicap, ce qui pénaliserait l'AVS qui y travaillerait. Dans ce domaine, il existe deux diplômes proches, le DEAVS, qui couvre la maladie mentale et les problèmes de mobilité, et le CAP d'aide médico-psychologique, qui traite du handicap psychique. Des modules spécifiques sont à prévoir portant sur le métier d'AVS.
Enfin, je voulais signaler que la VAE étant payante, son coût constitue un obstacle pour des personnes qui ne travaillent le plus souvent qu'à temps partiel.
Pour répondre à Alain Gournac, je voulais indiquer que c'est précisément le rôle des professeurs référents que d'éviter la rupture entre le primaire et le secondaire. Pour les malvoyants, une politique très volontariste est menée, avec des Clis spécialisées, qui bénéficient de traductions en braille des livres scolaires. J'ai d'ailleurs conclu une convention dans le Nord-Pas-de-Calais pour obtenir un volume significatif de tels ouvrages.
Pour répondre à Annie David et Jacky Le Menn, je n'ai pas eu le sentiment de dresser un tableau idyllique de la situation, mais plutôt de faire un état des lieux objectif. Une amélioration de 40 % depuis 2005, c'est une avancée considérable, mais il reste toutes ces familles dont l'enfant handicapé n'est pas accueilli en classe et qui constatent les progrès de ceux qui le sont. Je comprends leur attente. Vous doutez de l'efficacité du conventionnement. Deux associations n'ont pas signé, elles ont leurs raisons. Mais d'autres ont fait le choix inverse, la Ligue de l'enseignement, la Fédération des pupilles de l'Etat, Autisme France... Nous avons pris des engagements à l'égard de ces associations et nous finançons le dispositif à 100 %.
L'instabilité que vous dénoncez dure depuis vingt-cinq ans et elle a perduré sous tous les gouvernements. Dans tous les emplois aidés, les emplois jeunes, c'est la sortie du dispositif qui pose un problème. A chaque fois, il faut ouvrir des perspectives. La majorité sénatoriale, l'an dernier, a trouvé un moyen de pérenniser les emplois et les compétences. Le travail que je mène, avec ma collègue Nadine Morano, va dans ce sens : cela n'avait jamais été fait auparavant.
Madame David, seuls six cents AVS-i se trouveront à la rentrée prochaine au terme de six années de contrat. Les 1 400 autres, parmi les 2 000 que j'ai cités, sont en fin de contrat de trois ans et peuvent donc le renouveler s'ils le souhaitent.
Madame Debré, les conventions comportent la reprise des emplois existants, afin d'éviter la rupture du lien entre l'auxiliaire et l'enfant. Mais cette possibilité de poursuivre son activité au sein d'associations de services d'aide à domicile ne signifie pas que l'AVS effectuera d'autres missions à domicile, auprès de personnes âgées par exemple, comme vous le craignez.
Madame Schillinger, les communes voisines doivent se concerter : des investissements coûteux ne sont pas indispensables si une école, même un peu éloignée, peut accueillir l'enfant handicapé. Les MDPH attribuent d'ailleurs des aides au transport dans ces cas précis.
Enfin, Mme Jarraud-Vergnolle m'a demandé de prendre en compte tous les handicaps dans le référentiel. C'est le cas ! Je vous assure. Nous vous transmettrons les documents élaborés par le groupe de travail.