La commission procède tout d'abord à l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur les participations de la Caisse des dépôts et consignations dans l'économie mixte locale.
Nous allons procéder à une nouvelle audition pour suite à donner d'une enquête réalisée par la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la LOLF. Cette enquête concerne les participations de la Caisse des dépôts et consignations dans l'économie mixte locale. Nous avons invité nos collègues de la commission des lois, qui ont récemment examiné la loi pour le développement des sociétés publiques locales, dont notre collègue Jacques Mézard était rapporteur, et les membres de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Cette réunion est ouverte à la presse.
Cette audition a une double raison d'être, puisqu'elle fait également suite à la transmission à notre commission d'un rapport particulier de la Cour des comptes. Lors du séminaire de la commission qui s'est tenu en 2007 au Mans en présence du Premier président Philippe Séguin, nous avions décidé de procéder à un suivi plus systématique des rapports particuliers et référés qui nous sont transmis par la Cour des comptes et ne sont pas rendus publics, sauf insertion ultérieure dans le rapport public annuel. La demande d'enquête est venue compléter et actualiser le rapport particulier, dont les travaux préparatoires avaient commencé en 2008, et dont les conclusions avaient inspiré la Caisse des dépôts et consignations dans la réforme de certaines de ses procédures. Outre l'actualisation de l'étude sur le pilotage des sociétés d'économie mixte (SEM) de la Caisse des dépôts, la demande d'enquête avait trois principaux objets : établir une typologie des SEM concernées ainsi qu'un bilan de la diversité de leurs statuts et de leur évolution juridique ; mesurer la valeur ajoutée apportée par la Caisse des dépôts dans ce type d'activité au regard de la gouvernance ou des modes de financement et apprécier la sincérité de la traduction dans les comptes et les budgets des partenaires, notamment des collectivités territoriales, de l'appui de la Caisse ; porter une appréciation sur la nouvelle doctrine d'intervention de la Caisse, sa politique d'arbitrage sur le stock de participations et les problèmes liés à l'application du droit de la concurrence.
A cette fin, nous recevons M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes, MM. Jean de Gaulle et Emmanuel Duret, conseillers maîtres, et Mme Martine Ullmann, rapporteur. La Caisse des dépôts et consignations est représentée par MM. Augustin de Romanet, directeur général, et Michel Bouvard, président de la commission de surveillance, la direction générale du Trésor par M. Hervé de Villeroché, chef du service du financement de l'économie. Il nous a également paru utile de solliciter la direction générale des collectivités locales en la personne de M. Bruno Delsol, adjoint au Directeur général des collectivités locales.
Je souhaite que nous puissions disposer d'informations fiables sur un secteur d'activité où se tissent, depuis longtemps, des relations que j'aurais envie de qualifier de « complices » entre les collectivités territoriales et la Caisse des dépôts et consignations. Il est important de prendre la mesure de l'importance ou de la modestie des sommes en jeu et d'appliquer à ce secteur un minimum de principes de gestion, en toute connaissance de cause. Dans le rapport particulier qu'elle a transmis à la commission des finances, la Cour des comptes notait que pour 12 % du portefeuille en volume, le taux de participation de la Caisse était inférieur à 5 % et le montant investi inférieur à 15 000 euros. Elle mettait également l'accent sur le très faible taux de rendement, de l'ordre de 0,3 % à 0,4 % pour les seules SEM qui distribuent des dividendes. Enfin elle faisait état d'une caractérisation des risques peu satisfaisante qui plaçait 40 % des SEM locales sous de statut de « sensible ». Ces observations conduisent évidemment à souligner le caractère de quasi-subventions de ces participations. Une évolution s'est fait jour récemment à l'initiative de la Caisse, stimulée par la Cour des comptes. Il est souhaitable de faire le point.
Je m'inquiète également de la volatilité de l'environnement juridique, marqué d'une part par le durcissement des contraintes de mise en concurrence interne et européenne, d'autre part par l'apparition de nouvelles structures qui s'ajoutent ou se substituent aux sociétés d'économie mixte. La Caisse des dépôts et consignations intervient dans l'économie locale en usant d'autres formules juridiques - sociétés anonymes et anonymes simplifiées, sociétés civiles immobilières, sociétés de projet - tandis que les collectivités territoriales sont en quête d'autonomie et de simplicité procédurale par le biais des sociétés publiques locales, qui sont des quasi-régies. Ce mode d'intervention est-il encore adapté à notre temps ?
A l'issue du débat, la commission devra prendre une décision sur la publication de l'enquête de la Cour des comptes dans un rapport d'information.
L'enquête réalisée par la Cour des comptes à la demande de votre commission s'inscrit dans le prolongement des travaux qu'elle a menés, il y a quelques mois, à sa propre initiative, sur le pilotage des participations de la Caisse des dépôts et consignations dans les sociétés d'économie mixtes locales, et qui ont donné lieu à un « rapport particulier » au sens de notre procédure de contrôle des entreprises publiques, dont la synthèse est jointe à la communication de la Cour. Ce rapport particulier, qui comporte dix-neuf recommandations, a d'ores et déjà permis d'améliorer le contrôle interne et le pilotage du portefeuille, qu'il s'agisse du système d'information de gestion des métiers, du suivi des SEM sensibles et de la politique de provisionnement, des processus d'engagement ou encore de la prévention des risques. Dans le rapport rédigé à la demande de votre commission, la Cour s'est efforcée d'approfondir d'autres points, notamment l'apport des sociétés d'économie mixte locales au développement territorial et la nouvelle doctrine d'intervention définie par la Caisse dans son plan stratégique « Elan 2020 ». Notre rapport prend aussi en compte les évolutions juridiques récentes relatives au droit des sociétés locales et le point de vue des principales associations de collectivités territoriales.
Le rapport a mis en évidence quatre points saillants. En premier lieu, il apparaît que la présence de la Caisse au capital de sociétés d'économie mixte locales (SEML) résulte en grande partie de l'histoire, et que son importance est désormais assez limitée. La Caisse dispose aujourd'hui d'un portefeuille de 442 participations, d'une valeur de 222 millions d'euros en coût historique et de 590 millions en quote-part d'actif net comptable détenu. Elle est ainsi présente au capital de 42 % des SEML recensées par la Fédération des entreprises publiques locales. L'importance de ce portefeuille doit cependant être relativisée : il ne représente qu'un peu plus de 1 % de la valeur d'acquisition des participations de l'établissement public au 31 décembre 2009. Ce portefeuille résultant de la sédimentation de plusieurs époques porte la marque de la reconstruction de l'après-guerre et de la politique d'aménagement du territoire des années 1960. Cet investissement est concentré dans le secteur de l'immobilier résidentiel - qui représente en valeur la moitié des participations - et dans quelques régions : l'Ile-de-France, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur et les Pays de la Loire, sans oublier l'outre-mer. En nombre de participations, c'est le secteur de l'aménagement qui domine, puisque la Caisse est présente au capital de plus de 60 % des SEML d'aménagement. Le portefeuille de SEML comprend près d'un tiers de SEML dites « faîtières », au nombre de 127, qui détiennent elles-mêmes près de 320 participations aux statuts juridiques très variés - pour l'essentiel des sociétés civiles immobilières et des sociétés par actions simplifiées - dans lesquelles l'établissement public est souvent aussi actionnaire direct. La structure du portefeuille traduit avant tout la volonté de la Caisse de répondre aux sollicitations des collectivités locales, sans toujours suivre des orientations stratégiques. Il en est résulté un portefeuille qui peut sembler hétérogène, du fait d'une forte dispersion des montants investis et des taux de détention et d'une grande diversité des SEML de gestion.
Ce portefeuille n'est pourtant pas un simple héritage historique : il permet encore à la Caisse et à ses filiales d'entretenir un réseau local, essentiel dans le secteur de l'économie mixte. La Caisse s'est d'ailleurs attachée à mettre fin aux conflits d'intérêt parfois dénoncés par les chambres régionales des comptes : plusieurs sociétés du groupe Caisse des Dépôts, prestataires des SEML, avaient adopté de très longue date un modèle de travail en réseau qui n'était pas dépourvu d'ambiguïté. Les risques de conflits d'intérêt n'ont pas totalement disparu.
En deuxième lieu, les risques financiers supportés par la Caisse des dépôts restent limités. L'implication de la Caisse dans l'économie mixte locale ne consiste pas seulement dans des prises de participation minoritaires, mais également dans l'octroi de prêts sur fonds d'épargne - 5,2 milliards d'euros en 2009 - et de prêts de la direction bancaire - 339 millions - accordés dans un cadre concurrentiel. Les activités d'investisseur, de prêteur sur fonds d'épargne et de banquier à court terme à l'égard des SEML présentent des risques limités et globalement maîtrisés. En effet, les processus d'engagement s'appuient sur des procédures et des délégations de compétence normées et bien rodées. Le système de contrôle interne a beaucoup progressé depuis 2008. En outre, les prêts sur fonds d'épargne sont couverts par de larges garanties publiques. La limitation des risques encourus par la Caisse au titre de son activité bancaire repose quant à elle sur la connaissance précise des SEML par le réseau, qui ne cherche pas à conquérir des parts de marché au détriment de la maîtrise de ses risques. La participation de la Caisse au capital des SEML est d'ailleurs toujours minoritaire ; la contrepartie est évidemment que l'essentiel du risque repose sur les collectivités et leurs groupements, en leur qualité de garants. En ce qui concerne la Caisse, l'amélioration du contrôle interne et la mise en oeuvre des règles prudentielles dites « Bâle III » limitent aussi les risques liés à ce portefeuille.
Troisièmement, l'environnement juridique et financier dans lequel s'inscrivent les SEML et leurs actionnaires est instable. L'impact de la loi du 29 mai 2010 relative au développement des sociétés publiques locales reste difficile à appréhender, mais il semble que les transformations de SEML en sociétés publiques locales (SPL) ou en sociétés publiques locales d'aménagement (SPLA) seront plus nombreuses pour les petites SEML municipales et dans le secteur de l'aménagement que pour les autres sociétés. Le désir des collectivités de travailler avec des aménageurs qu'elles ont elles-mêmes créés et qui leur sont propres devrait en effet les conduire à utiliser les nouvelles possibilités ouvertes par la loi. Parallèlement, les communes pourraient transformer de petites SEML en SPL pour simplifier leur gouvernance.
Tout aussi important est le contexte financier, car la Caisse et les collectivités sont confrontées dans ce domaine à de fortes contraintes. La CDC attend désormais de ses investissements une rentabilité financière à long terme, alors que, pour l'instant, son portefeuille ne génère que très peu de dividendes. Elle prévoit même d'autofinancer à l'avenir une part importante de ses investissements dans le secteur de l'économie mixte, et souhaite donc accroître la rotation de son portefeuille de SEML par un recentrage sur les sociétés « à enjeux », ce qui constitue une rupture par rapport au passé. Elle se heurte cependant au caractère très illiquide de ce portefeuille. La Cour a également constaté que ce secteur ne représente qu'une faible part des investissements d'intérêt général de la Caisse : entre 1 % et 6 % de 2004 à 2009. Cette tendance semble appelée à se confirmer à l'avenir, puisque la Caisse ne prévoit d'y investir que 3 % à 5 % du montant total des investissements d'intérêt général programmés pour 2010 à 2012, autofinancement compris.
Pour apprécier les évolutions en cours, il faut tenir compte de la stratégie d'investissement désormais clarifiée de la Caisse des dépôts : c'est le quatrième point. L'effort de clarification, mené par la direction du développement territorial et du réseau (DDTR), a rendu plus lisibles les doctrines d'action de la Caisse comme « investisseur avisé d'intérêt général ». La DDTR s'est d'ailleurs réorganisée en 2008 par la création du département « gestion des participations et économie mixte ». Grâce à la professionnalisation du métier d'investisseur et à l'instauration d'un corps de doctrines d'action, l'établissement public est en mesure de mieux affirmer ses principes d'intervention dans les projets structurants des collectivités territoriales et de rationaliser les différents segments de son portefeuille de SEML, par une politique d'arbitrage des lignes non stratégiques. Les investissements sont désormais concentrés sur les secteurs mis en avant dans le plan stratégique « Elan 2020 » - les universités, l'économie de la connaissance, le développement durable et les énergies renouvelables, le développement numérique du territoire, le logement et la politique de la ville - sans que la forme juridique utilisée soit nécessairement une SEML. Même lorsqu'elle investit dans l'économie mixte, la CDC entre parfois au capital de filiales qui n'ont pas nécessairement elles-mêmes le statut de SEML, mais peuvent être des SCI, des SAS, des SA, etc. Il s'agit souvent de sociétés de projet et non de SEML généralistes, vouées à être pérennes.
La nouvelle stratégie de la Caisse la conduira à restreindre sa participation à un nombre limité de projets, sélectionnés non seulement en fonction de leur rentabilité financière à long terme, mais aussi sous l'angle de leur efficacité socio-économique, que la Caisse cherche désormais à mesurer. Pour ce faire, elle a développé une grille de cotation d'intérêt général des projets, qui mérite encore d'être affinée. Elle met également l'accent sur sa participation à la gouvernance des SEML, au travers d'une « Charte de l'administrateur » et de pactes d'actionnaires. Ces derniers restent toutefois à ce jour peu nombreux.
Le succès de ces nouvelles orientations reste un objectif de long terme. Au plan local, la Caisse se trouve en effet sollicitée par les collectivités et doit aussi tenir compte de certaines contingences. Elle doit dans le même temps gérer un stock de participations anciennes, faiblement rentables et peu liquides. Enfin la démarche d'évaluation des investissements d'intérêt général doit être développée.
De vos observations, je conclus qu'il n'y a pas un enjeu financier important. Il s'agit d'un ticket de partenariat local, une quasi-subvention à l'animation économique locale.
La Caisse des dépôts tire un grand bénéfice des travaux de la Cour des comptes : deux magistrats de la Cour siègent à la commission de surveillance, et la Cour établit des rapports au titre de sa mission de contrôle des établissements publics de l'Etat. Le rapport de 2008 sur les SEML a fait l'objet d'un suivi attentif de la part de la commission de surveillance, et la Caisse s'est récemment efforcée d'améliorer la mesure de l'efficacité et de la qualité de ses investissements.
Nous pourrions coordonner nos propres souhaits de contrôle avec les demandes formulées par les commissions des finances des deux assemblées à la Cour des comptes. Je vous rappelle que c'est le Parlement à travers la commission de surveillance qui exerce la tutelle sur la Caisse des dépôts, la direction du Trésor étant chargée d'une mission de surveillance pour le compte de l'Etat.
Le rapport de 2008 et l'enquête menée en application de l'article 58-2° de la LOLF aboutissent à des conclusions concordantes. Plusieurs observations de la Cour ont déjà été prises en compte, voire anticipées par la Caisse des dépôts, qui a réorganisé sa direction du développement territorial et du réseau et modernisé ses systèmes d'information.
Les SEML ne représentent qu'une faible part des investissements de la Caisse. Les participations entrent dans le cadre des missions d'intérêt général, dont la loi de modernisation de l'économie fait obligation à la Caisse. Celle-ci n'y recherche pas la même rentabilité que pour ses investissements libres, qui lui servent à augmenter ses fonds propres et sa capacité d'investissement ainsi qu'à verser une contribution à l'Etat. La participation de la Caisse aux SEM facilite l'entrée au capital d'investisseurs privés, par exemple des banques régionales. Pour les élus, c'est le gage d'une gouvernance équilibrée. Les administrateurs de la Caisse apportent un point de vue extérieur et alertent sur les risques.
Cela n'interdit ni une stratégie à long terme - la Caisse tient à ce que ses investissements dans les SEM répondent aux objectifs définis dans le programme « Elan 2020 » - ni une meilleure rotation du portefeuille malgré l'illiquidité des titres, ni la rationalisation de la carte des SEM : lors d'un déplacement en Languedoc-Roussillon, j'ai constaté que les élus étaient conscients des limites des capacités d'action des SEM locales. Les directions régionales de la Caisse militent d'ailleurs pour le regroupement des SEM, mais certaines collectivités résistent, cherchant à conserver leur prééminence.
La loi de mars 2010 relative aux sociétés publiques locales nous fait craindre une « double peine » pour la Caisse des dépôts, qui risque de voir s'amenuiser ses intérêts patrimoniaux dans les SEM. Toutefois, il existe plus de 400 SEM pour une quarantaine de SPL ou de sociétés publiques locales d'aménagement. En créant des SPL, les élus souhaitent assouplir la gestion plutôt que concurrencer les SEM. La Caisse n'a pas voulu cette loi, mais elle mène actuellement des analyses sur la poursuite de son action dans ce cadre juridique modifié.
Les risques demeurent limités : les participations de la Caisse dans les SEM ne représentent que 1 % de ses investissements. Nous restons toutefois vigilants, notamment en ce qui concerne les SEM d'aménagement, car certaines modifications législatives et réglementaires pourraient avoir des incidences, notamment en matière de portage foncier.
La transformation de SEM en SPL ne conduira-t-elle pas la Caisse des dépôts à récupérer ses fonds ? Car elle ne peut pas être actionnaire d'une SPL.
Il faut distinguer la création ex nihilo d'une SPL et la transformation d'une SEM en SPL. C'est cette dernière éventualité qui me fait craindre une « double peine » : car l'illiquidité des titres des SEM rend leur valorisation insuffisante. Toutefois les bonnes relations entre les collectivités et la Caisse, qui joue auprès d'elles un rôle d'ingénierie et de co-investissement, limitent les risques : je fais confiance à la sagesse des élus.
Le portefeuille de titres des SEM détenus par la Caisse des dépôts ne s'élève qu'à 238 millions d'euros en valeur d'acquisition et à 636 millions en valeur d'actif net, sur un total de 45 milliards d'euros d'actif à long terme : les risques encourus par la Caisse sont donc limités. Toutefois j'ai été frappé en arrivant à la direction générale par le fait que nos participations au sein des SEM s'apparentaient à des biens de mainmorte : il paraissait légitime que la valeur de revente des titres aux collectivités locales n'excède pas leur valeur nominale. J'ai mis en place un système informatique qui nous permet désormais de connaître à tout moment la valeur d'actif net des SEM et leur vie sociale, c'est-à-dire les augmentations ou diminutions de capital, les distributions de dividendes, etc. Depuis, lorsque des collectivités ont demandé à la Caisse de leur revendre leurs titres, celle-ci a fait valoir ses droits, mais il nous est arrivé de les revendre à un prix inférieur au prix du marché, lorsque les autres actionnaires vendaient eux-mêmes à vil prix. Nous nous efforcerons, comme la Cour des comptes le suggère, d'améliorer encore notre connaissance de la situation financière des SEM.
La Cour recommande aussi de réduire les risques financiers, et j'en suis d'accord. Dans le cadre du programme « Elan 2020 », nous nous sommes fait une règle de ne jamais investir selon une logique de pouvoir, mais seulement si les collectivités nous le demandent, et si cela correspond aux objectifs stratégiques que nous nous sommes fixés. Nous avons établi une grille de cotation des dépenses d'intérêt général, exportée auprès du Fonds stratégique d'investissement ; les critères retenus sont, d'une part, l'intérêt général, d'autre part, ceux de « l'investisseur avisé ». Pour nos investissements dans les SEM, nous acceptons des taux de rendements équivalents aux plus bas du marché, de l'ordre de 5 % à 6 % à long terme. Nous pensons, comme la Cour des comptes, que les règles de cotation pourraient encore être affinées.
J'en viens à la question des sociétés publiques locales. Si l'on nous demande demain de revendre nos participations dans les SEM pour transformer celles-ci en SPL, nous n'y verrons aucun inconvénient. Mais le statut juridique des SEM est utile, car il permet de confronter les collectivités aux réalités du marché. Je regrette que la Fédération des entreprises publiques locales ne jouisse pas d'un plus grand rayonnement, car certaines SEM font un travail remarquable en matière d'aménagement urbain ou de développement économique local ; la Caisse serait désireuse d'établir un partenariat solide avec la fédération.
Les inconvénients de la transformation d'une SEM en SPL sont nombreux, et je me dois de les rappeler : elle prive la collectivité de l'expertise d'un partenaire motivé, qui veut être un « investisseur avisé » et qui peut apporter aux SEM des fonds propres : car les investissements dans les SEM ne représentent que 3 % à 5 % des investissements d'intérêt général de la Caisse, dont le total s'élève à 500 millions d'euros, et il ne serait donc pas difficile pour elle de doubler sa participation en cas de demande. Une telle transformation annule aussi l'effet de levier qui permet, grâce à la participation de la Caisse, d'attirer des investisseurs privés. Elle met fin au partage des risques entre des actionnaires publics et privés. Une SPL ne peut agir en dehors du champ de compétences défini par ses statuts, puisqu'il s'agit d'une société in house. L'absence de mise en concurrence nuit à la performance de l'entreprise. Enfin, les voix contradictoires des actionnaires publics et privés sont souvent éclairantes. Pourquoi se priver des SEM, qui en confrontant les collectivités au marché, renforcent l'efficacité de leurs actions ?
Qu'en pense la direction du Trésor ? Les SPL vont-elles prendre corps ? La circulaire sur les SPL annoncée par M. Marleix sera-t-elle bientôt publiée ?
Nous souscrivons à l'analyse de la Cour des comptes. La participation de la Caisse des dépôts à l'économie mixte locale entre dans ses missions d'intérêt général, mais ses investissements ont longtemps été mal pilotés, et l'attention portée à leur rentabilité trop faible. D'un montant limité, ces prises de participation étaient plus ou moins conçues comme des subventions.
Nous sommes enfin sortis de cette logique. La mission d'intérêt général n'est pas exclusive de la recherche de l'efficacité et de la rentabilité. La grille de cotation établie par la Caisse est intéressante, mais l'on pourrait mettre davantage l'accent sur la rentabilité.
La Caisse doit aussi se fixer un horizon d'investissement : certes, les titres dans les SEM sont caractérisés par leur illiquidité, mais il ne sert à rien de rester au capital de ces sociétés pendant des décennies : la CDC doit avoir un rôle d'amorçage. Les évolutions récentes vont dans le bon sens et sont en cohérence avec les observations de la Cour des comptes.
Les collectivités qui souhaitent créer une société publique locale au sens de la loi du 29 mai 2010 doivent s'assurer que leur initiative est compatible avec le droit européen. Une SPL se caractérise par le fait que la collectivité peut contracter avec elle, sans mise en concurrence, contrairement à ce qui se passe pour une SEM : en somme c'est une quasi-régie, un établissement in house. Aux termes du droit européen, le contrôle exercé par la collectivité sur la SPL doit être « analogue » à celui qu'elle exerce sur ses propres services, et la SPL doit réaliser « l'essentiel » de son activité avec la collectivité qui la détient. Ce dernier critère est nécessairement rempli par les SPL françaises, puisque la loi impose qu'elles réalisent « la totalité » de leur activité avec les collectivités qui les détiennent : c'est ce que l'on pourrait appeler l'obligation d'exclusivité. En revanche, le premier critère pose problème. Comme le rappelait le rapport de M. Mézard, la jurisprudence européenne définit la notion de « contrôle analogue » de la manière suivante : si aucun actionnaire privé ne peut entrer au capital de la société, le contrôle peut être exercé à plusieurs, et il ne s'agit pas nécessairement d'un contrôle « identique » à celui que la collectivité exerce sur ses services. Le juge européen raisonne in concreto, appréciant d'après un faisceau d'indices si le contrôle exercé par la collectivité est suffisant : il l'a jugé insuffisant dans les arrêts Parking Brixen et Carbotermo de 2005 et 2006, mais suffisant dans l'arrêt République italienne de 2008.
La loi comporte des garanties : seules les collectivités ou leurs groupements pourront être actionnaires de la SPL ; le droit commun des sociétés commerciales offre des garanties pour les actionnaires ; le droit des SEM prévoit que les collectivités seront représentées au conseil d'administration. Au-delà du respect formel de ces prescriptions, la collectivité, pour être sûre d'être in house, aura avantage à définir précisément les modalités concrètes de son contrôle sur la société.
S'agissant de la sécurité juridique des SPL, le rapport de la Cour soulève la question de l'articulation entre la jurisprudence in house et les règles relatives aux aides d'État. La question ne devrait pas se poser : dès lors qu'il y a contrôle « analogue », on ne peut s'aider soi-même. Il n'existe toutefois pas de jurisprudence européenne sur ce point. Enfin, la Cour invite les collectivités à veiller à ce que l'action de la SPL n'ait pas pour conséquence de trop restreindre la concurrence.
Dès lors qu'il n'y a plus d'actionnaire privé, la Cour estime que le risque pèsera davantage sur la collectivité. L'enjeu est en effet la maîtrise du risque global, encouru tant par la collectivité que par la Caisse même si la loi limite les garanties d'emprunt que les collectivités peuvent accorder. La question des montages complexes et de la filialisation mérite attention.
Certains suggèrent que les SPL pourraient être une alternative à l'intercommunalité comme support de la mutualisation des services pour les communes. Il existe cependant d'autres possibilités. La législation actuelle donne aux collectivités locales les moyens de mutualiser des services tout en restant dans le cadre d'institutions à statut public. Le projet de loi de réforme des collectivités territoriales autorise une mutualisation ascendante, des communes vers les EPCI, et descendante, les EPCI pouvant gérer les services fonctionnels des communes. Enfin, les EPCI adopteront un schéma de mutualisation de leurs services.
La SPL serait donc une sorte de syndicat mixte ? Disons que c'est un instrument supplémentaire. Les participations de la Caisse ne sont, bien sûr, en aucune façon des subventions à l'aménagement local. La plupart génèrent des plus-values, voire des dividendes, modestes, et le dispositif permet d'entretenir de bonnes relations entre la Caisse et les collectivités locales.
J'ai lu attentivement le rapport de la Cour et écouté les explications. J'avoue que je ne sais plus ce que nous cherchions ! On s'est focalisé sur la notion de SPL, mais nous devrions nous attacher à mesurer l'impact de la loi de modernisation de l'économie de 2008. Celle-ci a, en effet, des conséquences sur les orientations de la Caisse, à travers la notion d'investisseur avisé qui a été consacrée.
Il faudrait faire une évaluation de ces dispositions et de leur impact sur la Caisse en matière d'allocations d'actifs et de rentabilité attendue. Il était fort utile de faire le point sur ce sujet.
Nous n'avions aucun doute sur la qualité de gestion de la Caisse, sous le contrôle de la commission de surveillance, mais nous faisions l'hypothèse que ses participations dans les SPL pouvaient être la conséquence de considérations historiques, de l'influence de tel ou tel élu local ... Nous nous demandions si les SEML étaient toutes sous contrôle, et nous souhaitions connaître le pilotage exercé par la Caisse sur ces sociétés, à la suite des travaux de la Cour des comptes. Notre objectif était d'établir une typologie des SEM concernées, un bilan de la diversité de leur statut et de mesurer la valeur ajoutée apportée par la CDC. La présence d'un représentant de la Caisse au conseil d'administration est facteur de bonne gouvernance, car cela évite de laisser les élus territoriaux entre eux... Enfin, nous voulions porter une appréciation sur la nouvelle doctrine d'intervention de la Caisse.
Le réseau des bonnes vieilles SEM a été constitué à l'époque de François Bloch-Lainé. On a pu critiquer les frais de gestion de ces sociétés, et notamment le niveau de rémunération de leurs dirigeants - utiles pour « latéraliser » un vieux secrétaire général ou pour recruter des compétences difficiles à rémunérer avec la grille de la fonction publique territoriale... J'espère que ces pratiques sont révolues.
Compiègne n'a jamais eu de SEM, ni d'office HLM : rien que la collectivité locale pure et dure ! C'est un article de foi et un facteur de transparence !
La Caisse est-elle vigilante sur ces facilités de gestion ?
Absolument. Nous demandons aux représentants de la Caisse dans les conseils d'administration des SEM d'appliquer les mêmes règles déontologiques que dans les fonds d'investissement financés par France Investissement. Depuis mon arrivée à la tête de la Caisse, je n'ai fait l'objet d'aucune sollicitation de la part d'un collaborateur ou d'un élu local : s'il y a des abus, ils sont rares.
Mon département compte beaucoup de SEM. La présence de la CDC est une garantie, notamment en matière de rémunérations. L'héritage historique offre un vivier pour la gestion des ressources humaines, et une référence en matière de rémunération et de carrière.
La commission de surveillance fait la chasse aux débudgétisations et aux subventions déguisées. S'il y a entrée au capital d'une SEM, c'est parce qu'il y a un projet, des investissements, selon une logique de rentabilité. Les projets sont passés au crible par les directions régionales, de façon que nous puissions nous assurer que nous sommes bien dans une logique de rentabilité et non de subvention.
Il est plus sain que les rémunérations soient prises en charge par les SEM elles-mêmes. Certaines se sont d'ailleurs dotées de comités de rémunérations, qui examinent la rémunération du directeur général de la société.
La proposition de loi, dont j'étais rapporteur, a été votée à l'unanimité par les deux chambres. Les SPL ne visent pas à détruire les SEM, elles sont complémentaires. Nous avons veillé à ce que ce texte soit conforme à la jurisprudence européenne, et sécurisé le dispositif. Le potentiel d'action des SPLA a été élargi.
N'en déplaise à M. de Romanet, les conseils d'investissement de la Caisse n'ont pas toujours été « avisés »... Voyez le rapport de la Cour des comptes ! Avec les trois SEM que compte ma communauté d'agglomération, j'en ai fait l'expérience. Quant à dire que les collectivités locales pourraient, en conservant les SEM, toujours bénéficier des participations de la Caisse, c'est une pression malvenue...
Les SPL et SPLA vont se développer, car elles permettent de supprimer bien des difficultés juridiques et techniques dues à la nécessité de la mise en concurrence. La vente de la moitié de Transdev à Veolia va conduire nombre de nos collectivités à changer de perspective en matière de transport : il faudra assumer ces choix !
L'imbrication de filiales autour de la SCET, les liens étroits avec la Caisse - que j'ignorais, alors que je présidais une SEM ! - étaient certes sources de « conseils avisés », mais surtout de rémunérations ! Les SPL ne remplaceront pas la totalité des SEM, ni les « conseils avisés » de la Caisse, mais apportent un instrument performant pour nos collectivités.
Les SPL ne sont pas l'ennemie des SEM ; elles ne remplissent pas la même fonction. Elles sont détenues à 100 % par les collectivités territoriales, in house, et soumises à des règles strictes. L'effet de levier sera moindre et ne peut inciter la Caisse à se mettre plus en avant. L'introduction de ce dispositif va donc obliger les collectivités à s'interroger sur le paysage de leur intervention dans l'économie mixte. Certaines sociétés, à actionnariat privé, seront mises en concurrence, tandis que d'autres resteront dédiées aux besoins de leur actionnaire majoritaire. Cela devrait conduire à distinguer ce qui est du ressort de la SPL d'une part, de la SEM d'autre part, en partenariat avec les collectivités territoriales. Quant aux relations avec des filiales et des prestataires de services de la SCET, elles sont aujourd'hui clarifiées, avec, d'un côté, l'actionnariat, de l'autre, des filiales prestataires de services, dans le cadre des règles de la concurrence.
Je tiens à préciser qu'il n'y a pas de vente par la Caisse de la moitié de Transdev à Veolia, mais une fusion à parité entre deux sociétés, avec un plan d'affaires commun, une présidence assumée par Veolia, une direction générale par Transdev, dans le respect des orientations prises par Transdev vis-à-vis des collectivités territoriales en matière de transport.
C'est donc une opération de concentration... de nature à renforcer la concurrence ?
Elle prend en compte la concurrence, notamment celle des grands opérateurs étrangers, dans les transports publics hors Île-de-France.
Reste qu'au au niveau départemental, lors des appels d'offre pour les transports scolaires, les acteurs se raréfient ! Nous avons quelques convictions libérales. Quelle est la logique de ces concentrations ? Doit-on aller jusqu'au « too big to fail » ? La logique financière ne tendrait-elle pas à se substituer à la logique de service public ?
Les SPLA vont se développer et prendre une grande part du marché aujourd'hui occupé par les SEM. Historiquement, ces dernières avaient la puissance financière et technique ; en contrepartie de l'absence de concurrence, elles supportaient le risque. Aujourd'hui, les collectivités locales garantissent tout, et les opérations en compte propre d'une SEM sont rarissimes. Pourquoi s'embarrasser d'appels d'offre quand la SPLA permet d'agir plus vite ? Les collectivités souhaitent maîtriser le calendrier, car c'est la clef de la réussite d'un projet.
Pourquoi les deux systèmes ne coexisteraient-ils pas ? D'un côté, une SEM qui prend à nouveau des risques ; de l'autre, une SPLA pour faire fonctionner les services publics de façon plus active et plus transparente. Il faut agir vite si l'on veut préserver une économie mixte - à condition que tous les risques ne soient pas supportés par les collectivités locales !
« La CDC n'a pas de logique de pouvoir », dit son directeur général. Je souhaite que ce message soit entendu à tous les niveaux, y compris locaux, car le chantage exercé sur les collectivités pour les dissuader d'opter pour la SPLA peut vite agacer !
Ces auditions ont été riches et interactives, au-delà même de nos espérances. Merci.
La commission autorise, à l'unanimité, la publication de l'enquête de la Cour des comptes ainsi que du compte rendu de la présente audition sous la forme d'un rapport d'information.
La commission examine ensuite le rapport de M. Adrien Gouteyron, rapporteur, sur le projet de loi n° 715 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Cette convention fiscale occupe une place toute particulière. D'abord parce que la Suisse est un partenaire important de la France, notamment sur le plan économique. L'ampleur de la communauté française en Suisse, forte de 200 000 membres, et celle de la communauté suisse en France, de l'ordre de 130 000 personnes, témoigne de liens humains forts. Ensuite, parce que l'image de la Suisse est particulièrement associée au secret bancaire. Enfin, parce que le poids du secteur financier suisse - le septième au monde - fait de cet avenant un maillon essentiel de la politique de lutte contre l'évasion fiscale.
La convention franco-suisse sur les doubles impositions de 1966 ne correspond plus aux standards de notre époque : pour répondre aux exigences de la partie suisse, l'échange d'informations fiscales y est strictement limité aux seules fins de bonne application de la convention. Il est précisé que « les dispositions ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à l'un des États contractants l'obligation de prendre des mesures administratives dérogeant à sa propre réglementation ou à sa pratique administrative, ou contraires à sa souveraineté, à sa sécurité, à ses intérêts généraux ou à l'ordre public, ou de transmettre des indications qui ne peuvent être obtenues sur la base de sa propre législation et de celle de l'État qui les demande ». Cela, en pratique, interdit à la France de mener à bien une lutte efficace contre la fraude et l'évasion fiscales, dès lors que les pratiques suisses en matière de secret bancaire ne permettent pas à l'administration d'obtenir des informations nécessaires.
Les négociations engagées dès 2005 avaient abouti à la signature d'un premier avenant en janvier 2009. Ce texte, qui demeurait très restrictif, n'a jamais été soumis au vote. En effet, la détermination du G20 à publier une liste de juridictions non coopératives puis à instaurer un suivi par les pairs et un mécanisme de sanctions d'ici deux ans a modifié l'attitude de nos partenaires suisses. La devise suisse n'est plus « pour vivre heureux, vivons cachés », mais « occupons la place qui revient à la septième place financière mondiale et défendons nos intérêts dans les forums internationaux » ! En outre, les Suisses font le pari qu'une action sérieuse de la communauté internationale évitera que les centres financiers qui ne jouent pas le jeu ne deviennent trop attractifs, à son détriment.
Ainsi, dès l'annonce par le G20, le 13 mars 2009, de la prochaine publication de listes grises et noires de juridictions non coopératives, la Suisse a souhaité renégocier ses conventions afin de les adapter aux standards de l'OCDE. La France a alors immédiatement arrêté le processus de ratification de l'avenant de janvier 2009. Un nouvel avenant a été signé le 27 août 2009 par Christine Lagarde et le Président de la Confédération helvétique. C'est ce texte que nous examinons aujourd'hui.
Mais le processus a été mouvementé. L'affaire dite du « fichier HSBC », en décembre 2009, a conduit à la Suisse à annoncer qu'elle suspendait la ratification de l'avenant. Le Sénat examinant, à ce moment-même, le collectif budgétaire créant une liste française d'États ou territoires non coopératifs, notre commission a soutenu un amendement visant à inscrire la Suisse sur cette liste dès 2010, amendement qui n'a été retiré qu'au bout de 24 heures, après d'intenses débats...
Toutefois, après cet épisode, alors que la France n'avait rien cédé, les deux chambres du Parlement suisse ont adopté ce texte, qui ne pourra plus être soumis à un référendum après le 7 octobre. Notre ambassadeur à Berne assure que cette éventualité est peu probable. Dès lors, le vote du Sénat est l'ultime étape à franchir pour que cet avenant entre en vigueur.
S'agissant du contenu de l'avenant, son article 7 aligne les échanges d'informations entre la France et la Suisse sur les standards de l'OCDE. L'échange d'information ne sera plus limité à la seule application de la convention. Les renseignements échangés pourront être utilisés à des fins non fiscales, notamment sociales. Surtout, la Suisse ne pourra refuser de communiquer des renseignements en invoquant uniquement son secret bancaire.
La « pêche aux renseignements » est prohibée et il n'est pas prévu d'échange de renseignements spontané ou automatique. Les États devront faire des demandes individuelles. Toutefois, un échange de lettres en date du 11 février 2010, entre la directrice de la législation fiscale et le directeur de l'administration fédérale des contributions ouvre la possibilité de communications d'informations relatives à un contribuable dont le fisc français n'aurait pas déterminé la banque. C'est une réelle avancée.
Par ailleurs, la convention franco-suisse actuelle dispose que « les pensions et autres rémunérations similaires versées à un résident d'un État contractant au titre d'un emploi antérieur ne sont imposables que dans cet État ». Ce dispositif crée un vide juridique dont bénéficient certains pensionnés, notamment d'anciens travailleurs frontaliers. En effet, certaines prestations de retraite complémentaire peuvent être versées en Suisse sous forme de capital. Or les personnes résidant en France qui perçoivent de telles pensions ne sont imposées à ce titre ni en France, le droit interne français ne prévoyant pas de mécanisme d'imposition pour les pensions versées en capital ; ni en Suisse, du fait des dispositions de la convention qui prévoient l'imposition de ces ressources en France !
L'article 4 de l'avenant précise que « ces pensions et autres rémunérations similaires sont également imposables, dans la limite de la fraction non imposée dans l'autre État contractant, dans l'État contractant d'où elles proviennent, si elles ne sont pas imposées, en tout ou partie, dans l'autre État contractant en vertu de son droit interne ». Malgré l'opposition de certaines associations de travailleurs frontaliers, la France ne pouvait refuser de mettre fin à cette anomalie fiscale, qui constitue d'ailleurs une rupture d'égalité devant l'impôt. Tant que la France n'impose pas les pensions en capital, il est normal de permettre à la Suisse de le faire. Cependant, il serait encore plus judicieux d'instituer une telle imposition... Le prochain collectif budgétaire pourrait ouvrir cette possibilité.
Je vous renvoie au rapport écrit pour les autres dispositions de l'avenant. Ce texte marque une avancée, j'en recommande l'adoption.
D'autre part, je vous rappelle que son examen en séance publique, jeudi, nous permettra de débattre avec Mme Lagarde de la lutte contre les paradis fiscaux, ce que nous n'avions pas pu faire le 14 septembre.
Je vous remercie de ces précisions. Nous avons de bonnes raisons de ratifier cet avenant qui met un terme à une longue période d'incertitude.
Nous y reviendrons en séance publique puisque le sujet vient régulièrement sur la table. Nous ne manquerons pas déposer des amendements.
Je veux souligner l'importance de nos relations fiscales avec la Suisse. En effet, le modèle standard de la convention OCDE devrait être révisé fin 2010. Or cet avenant est basé sur le modèle actuel, dont l'article 26 exclut explicitement la levée du secret bancaire. Ce frein significatif limite la portée des conventions.
A-t-on poussé les feux aussi loin qu'on aurait pu ? Il y a une part de diplomatie dans la position française. Quand vous lisez la presse suisse, vous voyez bien que le débat est ouvert, notamment depuis la législation américaine de la locate rule qui avait suscité une très vive réaction en Suisse. Il est nécessaire d'exercer une pression pour que l'on aboutisse à chaque fois à un échange systématique d'informations et qu'un contrôle soit possible. Il nous appartient d'aider l'administration fiscale, de nous aider car l'on ne contrôle pas grand' chose aujourd'hui. Si je me félicite du débat, je regrette qu'on n'accomplisse qu'un demi-pas. Il reste un trou noir alors qu'on est en Europe. Cela intéresse-t-il la grande foule ?
Acheter une liste est plus facile que de signer une convention. Mais notre travail de parlementaire est d'aller vers la clarté.
J'ai pensé qu'un débat public était nécessaire. Puisque certains collègues en demandent un sur les conventions avec la Belgique et le Luxembourg, on peut envisager une discussion générale commune aux six conventions.
Je crois savoir que la jurisprudence suisse sur le secret bancaire a évolué, un contentieux avec l'Allemagne s'étant conclu par une décision en atténuant la portée.
Ces sujets évoluent à leur rythme, « à la Suisse ». Souvenons-nous de la situation de quasi-crise, il y a un an, après la liste HSBC. A Berne, peu après, beaucoup de nos collègues suisses annonçaient qu'ils iraient à la votation, au référendum. Depuis, la tension est retombée...
Il semblerait qu'il y ait eu quelques contreparties. On pense aux frontaliers, mais aussi aux fonds d'investissements qui bénéficieront d'un allègement de leur taxation. On nous dit que cela va débloquer l'investissement suisse en France, mais pour quel coût ?
Le modèle OCDE, auquel Mme Bricq a fait allusion, sera, en effet, revu. Il convient cependant de prendre l'avenant comme il est : il traduit une évolution favorable des mentalités et des pratiques - j'ai noté ce que le rapporteur général a dit de la jurisprudence.
L'Allemagne négocie actuellement avec la Suisse. Il semble que ses exigences aillent au-delà de ce que nous avons obtenu mais, en ce cas, l'intention de notre gouvernement serait de remettre l'ouvrage sur le métier.
La convergence franco-allemande peut justifier qu'on conseille au Gouvernement de reprendre les négociations...
Actons ce qui est acquis, quitte à signaler ce point dans nos interventions.
On peut même émettre des réserves et souhaiter que l'Union européenne ne discute pas en ordre dispersé.
Les exigences des Allemands étaient très grandes, mais il semble qu'ils en aient beaucoup rabattu. Il faut le mentionner.
Il faut faire plus et, contrairement à la tradition des débats de ratification, dire qu'on n'est pas satisfait. Loin d'affaiblir les ambitions de l'Allemagne, que les Européens fassent masse.
Absolument ! Cependant, les Allemands ne sont peut-être pas si loin des conditions que nous avons obtenues. N'oublions pas la ratification.
Faisons passer l'idée qu'au lieu de négocier séparément, les pays de l'Union européenne devraient s'associer...
Si les négociations avec les pays tiers ne constituent pas une compétence de l'Union, pourquoi ne pas élaborer une convention-type? On peut mutualiser.
Essayons de faire en sorte que le débat public pose quelques jalons : ne privons pas le Parlement de cette occasion. Disons que la commission accepte la convention avec des réserves.
La commission adopte le rapport. Elle adopte le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Enfin, la commission désigne M. Adrien Gouteyron comme rapporteur du projet de loi n° 375 (2009-2010), autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ile de Man en vue d'éviter la double imposition des entreprises exploitant, en trafic international, des navires ou des aéronefs.