Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire

Réunion du 12 juin 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • affichage environnemental
  • cycle
  • environnemental
  • expérimentation

La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

L'objet de la table ronde, retransmise en direct sur le site du Sénat, est de faire un point sur la question importante de l'affichage environnemental.

Issu de la loi Grenelle II, l'affichage environnemental a pour objet d'informer les consommateurs sur les impacts des produits sur le climat, l'eau, les ressources naturelles non renouvelables et la biodiversité. Il a fait l'objet d'une expérimentation par 168 entreprises, et sur plusieurs produits, pendant un an.

Plusieurs rapports ont été établis à partir de cette expérimentation. Nous attendons le rapport conclusif du Gouvernement, promis pour dans quelques semaines, sur la généralisation ou non de cet affichage.

Nous savons que vous avez des opinions et des expériences variées sur le sujet. Nous sommes donc impatients de vous entendre et de savoir s'il vous parait souhaitable de généraliser cet affichage et, si oui, à quelle échéance ; si cet affichage peut concerner de la même manière toutes les familles de produits ; si les référentiels déjà établis donnent satisfaction ; si l'on a réussi à mettre au point un mode d'affichage suffisamment simple et pédagogique pour le consommateur ; si les entreprises ont pu en retirer des gains économiques, etc.

Les mots importants en ce qui nous concerne sont : transparence, traçabilité, authenticité, lutte contre toutes les formes de concurrence déloyale. A cet égard, les délocalisations ne sont pas sans conséquence en termes d'impact environnemental.

Je donne maintenant la parole à Jean-Paul Albertini, commissaire général au développement durable, pour nous présenter l'état de la situation actuelle. Vous êtes en effet chargé de coordonner l'action des pouvoirs publics sur ce sujet.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Albertini, commissaire général au développement durable

Je crois effectivement que ce dossier important et complexe nécessite des échanges nourris pour éclairer les prochaines semaines et les prochains mois. Le Commissariat général au développement durable a mis en oeuvre le projet d'expérimentation prévu par la loi Grenelle II.

La volonté de l'époque était double. Il s'agissait, d'une part, de répondre à ce qui était ressenti comme une attente des consommateurs, une meilleure information sur les produits leur permettant de traduire leur acte d'achat en action environnementale. Il s'agissait, également, de lutter contre les abus de l'affichage environnemental, au moyen de critères clairs et objectifs facilitant les comparaisons et l'orientation du consommateur face aux éventuelles tromperies ou exagérations.

Le panel de l'expérimentation est statistiquement limité mais relativement illustratif : 168 entreprises y ont participé, de toutes tailles, de la TPE au grand groupe, et de manière équilibrée entre les secteurs d'activité.

Cette expérimentation s'est déroulée sur un an, de l'été 2011 à l'été 2012. Depuis l'automne dernier, nous sommes entrés dans la phase d'analyse des résultats, en collaboration avec les autres ministères, les fédérations professionnelles, etc. Sur cette base, le rapport sera remis au Parlement d'ici la fin du mois du juillet.

Parmi les principaux enseignements de cette expérimentation, on trouve une confirmation de l'intérêt potentiel de la démarche d'affichage environnemental. Dans la grande majorité des cas, les entreprises concernées ont trouvé ce projet utile, soulignant qu'il permet d'améliorer le regard porté sur les processus pour en tirer d'éventuelles possibilités d'économies. Il est donc envisageable de s'orienter vers un processus de mise en place à grande échelle.

Néanmoins, l'expérimentation a également permis de mettre en évidence des difficultés techniques. Le choix du précédent gouvernement de mener cette expérimentation sur une base très libre n'y est pas étranger. En permettant à chaque entreprise de retenir son propre affichage, sa propre méthode et ses propres critères, il est certes facile de comparer les différentes options, mais cela ne permet pas de tester définitivement si une méthode fonctionne ou non.

Pour envisager l'extension du processus, les pouvoirs publics devront donc mettre à disposition des acteurs concernés les outils et les méthodes les plus performants, les plus pertinents et les plus sécurisants, à la fois en termes de validité des processus et de réduction des coûts. À terme, la standardisation devrait rendre le coût par référence tout-à-fait abordable.

L'expérience montre également que selon les secteurs, il sera possible d'avancer plus ou moins rapidement. On est parfois confronté à des difficultés méthodologiques, liées à la variété des situations et la complexité de certains circuits. Le calendrier devra donc être raisonnablement modulé.

L'affichage environnemental pose également la question des contrôles, en particulier pour les produits importés. Les aspects juridiques européens et internationaux ne pourront pas être négligés.

Au regard de ces difficultés particulières, la bonne façon d'avancer n'est certainement pas d'aller vers une généralisation se traduisant par une obligation pour tout le monde à très court terme. Il s'agit davantage de privilégier une démarche progressive, fondée sur le volontariat des secteurs économiques, s'appuyant sur des méthodes énoncées et assumées par les pouvoirs publics.

Un grand travail reste encore à faire. Le rapport n'énoncera donc pas des prescriptions définitives. Il a davantage vocation à ouvrir une phase d'échange avec l'ensemble des secteurs pour l'année 2014, afin d'engager les premières démarches de généralisation à horizon 2015-2016.

Je souhaiterais enfin évoquer l'évolution du contexte européen. La Commission a annoncé récemment le lancement d'une expérimentation de trois ans, à l'issue de laquelle elle sera probablement amenée à proposer un cadre réglementaire au niveau européen.

En termes de calendrier, les acteurs économiques français ont donc tout intérêt à profiter de ce temps d'avance, cas suffisamment rare pour être souligné. Nous sommes d'ailleurs fortement observés par nos voisins et par Bruxelles. Ainsi, plus nous serons actifs sur le sujet, plus nous pourrons peser sur le processus européen. Nous pourrions à terme en faire un atout de compétitivité.

Debut de section - Permalien
Daniel Béguin, directeur « consommation durable et déchets » de l'Agence de l'environnement et de maîtrise de l'énergie (Ademe)

L'Ademe est en charge du socle technique de l'affichage environnemental pour le compte des pouvoirs publics. Ce socle technique englobe trois aspects : les méthodes de calcul de l'impact environnemental pour chaque famille de produits, la collecte des données nécessaires à ce calcul et l'élaboration des outils qui permettent aux industriels de réaliser leurs calculs d'impact.

Ce travail est effectué collectivement et de façon conjointe avec les industriels comme avec les associations de protection de la nature ou de défense du consommateur. Où en sommes-nous aujourd'hui ?

Sur les méthodes, dix-huit référentiels, un transversal et dix-sept sectoriels, ont été construits avec les industriels dans le cadre de la plateforme Ademe/Afnor puis adoptés. Ils représentent environ 50 % des produits consommés par les ménages français en termes de dépense. Ils concernent notamment l'alimentaire, le textile, l'ameublement, le sport. D'autres travaux sont en cours pour élaborer de nouveaux référentiels.

Concernant les données, nous avons lancé depuis quelques années la construction d'une base « IMPACT » qui regroupe les données disponibles sur les processus et les matériaux, en vue de les mettre à disposition du milieu industriel. Ces données ont été validées collectivement et la base « IMPACT » rassemblera la quasi-totalité des meilleures données disponibles au niveau mondial d'ici la fin de l'année.

Toutefois, tous les secteurs ne sont pas couverts par des données disponibles, par exemple en matière agricole : un travail est actuellement mené pour élaborer les données agricoles dans le cadre du programme « Agri-BALYSE ». D'autres programmes d'élaboration de données sont lancés, comme dans le secteur agroalimentaire.

Fin 2013, la France aura donc à sa disposition la plus importante base de données au niveau mondial sur les impacts environnementaux.

Pour le calcul de l'impact environnemental des produits, l'élaboration des outils destinés aux industriels est moins complexe et ne pose pas de réelles difficultés. Deux sont actuellement en phase de finalisation et d'autres sont en préparation.

Pour prendre un peu de recul sur le travail qui a été effectué jusqu'ici, je ne peux que renforcer le propos de Jean-Paul Albertini. Les réalisations en matière de référentiels et de bases de données sont le fruit d'un investissement considérable de la part des pouvoirs publics comme des industriels. Ce travail est sans équivalent au niveau mondial. Il nous donne une avance dans un contexte où l'Europe s'intéresse au sujet.

Le 9 avril dernier, la Commission européenne a d'ailleurs adopté une communication intitulée « Construire le marché unique pour les produits verts. Faciliter une meilleure information sur la performance environnementale des produits et des organisations ».

La Commission est très intéressée par les travaux français. Elle lance une expérimentation dans laquelle la France doit trouver la meilleure place pour promouvoir les travaux qui ont été effectués. Notre avance est un vecteur de compétitivité pour les entreprises françaises.

Il faut donc montrer la faisabilité et le pragmatisme de notre approche, par rapport à des méthodes plus complexes et plus coûteuses mises en oeuvre dans d'autres pays européens.

Il est donc important de continuer les travaux au niveau national, plutôt que d'attendre sous prétexte que l'Europe s'empare du sujet.

Debut de section - Permalien
Caroline Guinot, Chef de projet Environnement à l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (INTERBEV)

Je vous prie d'excuser Dominique Daul, qui a été retenu sur son exploitation en Alsace. Notre association interprofessionnelle représente les espèces bovines, ovines et équines. Treize familles professionnelles, des éleveurs aux distributeurs et bouchers, cotisent pour financer des études de recherche et développement et se mettre d'accord sur des règles interprofessionnelles communes. Notre filière représente 325 000 éleveurs, 200 000 exploitations, 19 millions de bovins et 13 millions d'hectares de prairies, soit 50 % de la surface agricole. L'herbe représente 80 % de la ration des bovins viande en France. Or, cette qualité herbagère n'est pas forcément bien valorisée dans les méthodes d'évaluation de l'impact environnemental. Cela constitue un sujet d'inquiétude, pour nous comme pour Synabio, le syndicat national des transformateurs de produits naturels et de culture biologique. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi d'alerter sur les limites de la méthode actuelle et les risques d'une mise en place trop rapide de cet affichage environnemental. Il faut nous laisser du temps pour y travailler.

Nous avons participé dès le départ aux discussions qui ont eu lieu au sein de la plateforme Ademe-Afnor. Le secteur bovin réfléchit depuis longtemps à son impact environnemental, mis en lumière par les médias, en particulier à travers la question des rejets de méthane des ruminants. Tous les acteurs du secteur agroalimentaire ont relevé les limites de la méthode du cycle de vie, imaginée pour le secteur industriel, et qui s'avère peu appropriée pour des secteurs qui travaillent avec le vivant. 90 % de l'impact environnemental du secteur de la viande est lié à l'élevage. L'action des industriels ne peut donc porter que sur les 10% restants : elle n'apparaît pas sur l'étiquette. Les ruminants disposent d'un cycle de vie plus long et émettent du méthane, parce qu'ils mangent de l'herbe. La seule solution pour réduire considérablement leur impact serait donc de réduire leur cycle de vie, au moyen d'un élevage intensif tel qu'il est pratiqué aux Etats-Unis, c'est-à-dire en leur donnant des hormones, des antibiotiques et des céréales à la place de l'herbe. La préservation de la biodiversité ou le stockage de carbone dans les prairies, qui pourraient contrebalancer les effets négatifs liés à l'exploitation herbagère, ne sont pas pris en compte.

La méthode du cycle de vie est intéressante, mais doit encore être travaillée avant d'être appliquée. D'autres méthodes pourraient également être développées, comme le demandent les représentants du secteur biologique. Nous souhaitons avoir du temps pour travailler à ces questions avec l'Institut de l'élevage et l'Institut national de la recherche agronomique (INRA).

Debut de section - Permalien
Virginie d'Enfert, directrice des affaires économiques, environnementales et internationales de la FEBEA

La FEBEA représente le secteur des cosmétiques, qui comprend les parfums, les soins, le maquillage, les produits d'hygiène et capillaires, présents dans cinq circuits de distribution : la grande distribution, les parfumeries, les pharmacies, les salons de coiffure, la vente directe et sur internet. Nous réfléchissons depuis longtemps à ces questions d'affichage. Nous animons le groupe de travail « beauté » au sein de la plateforme Ademe-Afnor, qui a mis en place deux référentiels beauté. Nous avons également participé à l'expérimentation nationale.

Nous sommes aujourd'hui en faveur d'une démarche qui reste volontaire, parce que les techniques d'évaluation sont complexes. Pour le shampoing par exemple, un référentiel a été validé de façon consensuelle par un large panel d'industriels, mais nous nous sommes rendu compte que ce n'est pas tant le produit qui a un impact environnemental, que l'eau et l'énergie utilisées par le consommateur pour le rincer. L'affichage environnemental est assez peu discriminant d'un produit à l'autre. Notre action doit donc être élargie.

La deuxième difficulté réside dans le coût que représente cette démarche pour les entreprises, au-delà des difficultés techniques liées à l'élaboration de la méthodologie. Elle représente en effet un investissement en temps humain que ne peuvent se permettre les entreprises de taille réduite. Or, plus de 90% de notre secteur est composé de PME et de très petites entreprises.

Il ne faut pas oublier le contexte européen, dans la mesure où nous exportons beaucoup. C'est la raison pour laquelle je me garderais bien de me féliciter de l'avance française. Il est vrai que nous avons progressé, mais les méthodologies européennes sont beaucoup plus complexes. Un travail de convergence doit donc être mené.

Nous sommes disposés à continuer ce travail, qui est loin d'être achevé. Nous constatons également qu'aucun signe probant d'une modification des comportements de la part des consommateurs n'a été observé. Nous devons donc aussi poursuivre notre action dans ce domaine.

Debut de section - Permalien
Michel Moggio, directeur général de la Fédération française des industries Jouet-Puériculture (FJP)

La FJP représente les entreprises du jouet et de la puériculture présentes sur le marché français, que les jouets soient fabriqués en France ou non. Nous sommes très impliqués dans les travaux de la plateforme Ademe-Afnor, mais nous n'avons pas réussi à définir de référentiels en raison de difficultés méthodologiques et techniques propres à notre secteur. La multiplicité des produits rend ce travail particulièrement complexe, à moins d'élaborer un grand nombre de sous-catégories de produits. Se poserait alors la question de savoir qui pourrait les définir de manière objective. Par ailleurs, la détermination du cycle de vie est très complexe pour le jouet, dont l'utilisation est très variable. Des études indiquent que 19% des jouets ne sont jamais jetés. Certains d'entre eux sont utilisés trois heures, puis mis dans un coin, tandis que d'autres sont utilisés quotidiennement plusieurs heures par jour pendant une année... Nous devons donc poursuivre nos travaux.

Il y a également un aspect économique. Nous estimons que la compétitivité de nos entreprises ne passe pas prioritairement par l'affichage environnemental. Le premier critère du choix de nos produits est celui de la sécurité, qui fait déjà l'objet de douze directives et de 1 700 pages de réglementation européenne. Le deuxième critère est celui de l'adéquation du jouet à l'âge de l'enfant, avant celui du prix. L'affichage environnemental apparaît donc loin derrière. Par ailleurs, si la France adopte cette démarche seule, les entreprises françaises vont devoir en assumer le coût. Or, notre secteur est composé de beaucoup de PME, dans le Jura par exemple, qui ne sont pas équipées humainement et financièrement pour cela.

Les emballages des jouets sont déjà remplis d'informations, relatives à la sécurité notamment. Les entreprises iraient donc vers une dualité d'emballage, avec des étiquettes supplémentaires collées sur les emballages existants. Nous avons évalué à trente centimes par jouet le coût de l'ajout de cette référence supplémentaire sur l'emballage. Dans la mesure où le prix moyen d'un jouet est de trente euros, cela représente une dépense non négligeable. Sur 250 millions de références vendues en une année, cela représenterait un coût de 75 millions d'euros pour notre industrie la première année, 50 millions la seconde.

Je voudrais également aborder le contexte européen, dans la mesure où nous importons beaucoup de produits. Nous nous interrogeons sur la qualité et le contrôle des données figurant sur les emballages de ces produits. Peut-on fournir une information objective, complète et sincère au consommateur sans entrer dans des processus de contrôle extrêmement lourds ?

Pour toutes ces raisons, nous voudrions donc que la spécificité de notre secteur soit prise en compte, voire qu'il soit dispensé de cette démarche.

Debut de section - Permalien
Odile Thoré, responsable « Environnement produits » pour le groupe Fagor Brandt et présidente du groupe de travail Politique environnementale des produits de la FIEEC

La FIEEC est le porte-parole d'une industrie structurante pour la France, qui représente 29 syndicats, près de 3 000 entreprises, dont 86 % de PME, près de 100 milliards de chiffre d'affaires et 420 000 salariés. Notre profession s'est engagée depuis plus de vingt ans dans les démarches d'écoconception, notamment en 1992, où elle a été à l'initiative du développement du logiciel EIME (Environmental Improvement Made Easy), projet réalisé avec l'Ademe. Notre industrie est soumise à la directive européenne sur l'écoconception des produits consommateurs d'énergie et à la directive sur l'étiquette-énergie. Fagor-Brandt, que je représente, est un groupe à capital espagnol qui emploie près de 2 500 personnes en France, sur quatre sites de production de gros électroménager.

L'affichage environnemental est un moyen de communiquer au consommateur les impacts environnementaux d'un produit sur l'ensemble de son cycle de vie, afin de lui permettre de comparer les produits d'un point de vue environnemental. Cette information doit être fiable, contrôlable et intelligible pour le consommateur.

L'analyse du cycle de vie se compose de deux étapes. La première consiste à compiler l'ensemble des ressources nécessaires et des rejets associés à l'extraction des matières premières entrant dans la composition des produits, à leur distribution, à leur utilisation par le consommateur et enfin à leur fin de vie. Il s'agit d'un travail d'inventaire qui est réalisé tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Dans un second temps, il faut évaluer l'impact de ces ressources et de ces rejets, à partir d'indicateurs qui modélisent leurs effets sur l'environnement. Beaucoup de travail reste à réaliser sur ces méthodologies d'inventaire, d'évaluation et de modélisation. La Commission européenne a d'ailleurs proposé un projet pilote sur trois ans pour développer une méthodologie par type de produit, de façon consensuelle. Elle n'envisage pas à ce stade d'affichage pour les consommateurs.

L'analyse du cycle de vie, qui repose aujourd'hui sur des bases imprécises, aboutit à des incertitudes. C'est pourquoi nos entreprises la mettent en oeuvre dans des secteurs bien précis, soit dans une démarche d'écoconception qui reste interne à l'entreprise, dans le but de choisir la solution technologique qui a le plus faible impact environnemental, soit dans une démarche d'écoconception sur l'ensemble d'une chaîne de distribution. Il s'agit alors de délivrer une information environnementale à un professionnel, qui connaît les limites de l'exercice et les précautions à prendre pour l'interprétation des résultats.

Pour progresser vers un affichage environnemental à destination du consommateur, il faut continuer à travailler au développement d'indicateurs et de méthodologies consensuelles et robustes, en s'inscrivant dans le calendrier européen, puisque nos marchés sont européens. Cette approche facilitera la fiabilisation des informations et des données. Il convient également de permettre aux secteurs volontaires de poursuivre leurs travaux, d'effectuer une analyse des coûts afin de vérifier la faisabilité économique et technique du projet en prenant en compte les difficultés administratives, les critères d'achat des consommateurs que sont le prix et la qualité. Nous préconisons aussi de travailler sur la contrôlabilité des données, notamment pour les produits fabriqués à l'étranger, ainsi que sur le mode de restitution des informations au consommateur, afin que celles-ci soient intelligibles et qu'elles aient un réel impact sur l'achat.

Debut de section - Permalien
Antoine Sauvagnargues, chargé de mission « Affaires publiques » à la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD)

La Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) représente les principales entreprises du commerce à prédominance alimentaire, principalement les grands groupes intégrés comme Casino, Auchan et Carrefour, ainsi que quelques enseignes spécialisées, telles que Darty, Boulanger ou Décathlon. Nous sommes présents dans un très grand nombre de domaines en lien direct avec le quotidien des Français, en particulier le développement durable, qui tient compte des attentes et des aspirations des consommateurs et des citoyens en matière d'environnement, d'éthique, de sécurité et de solidarité.

La Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD) représente 30 000 points de vente, dont 20 000 de proximité et plus de 2 000 drives, et 750 000 emplois. 50 000 jeunes peu ou pas qualifiés sont employés chaque année dans nos enseignes qui reçoivent 10 millions de visites par jour. Il va sans dire que l'affichage environnemental nous intéresse particulièrement, car nous sommes au contact de ces millions de consommateurs : nous avons un rôle majeur à jouer pour développer et faire connaître la consommation responsable. Les enseignes de la FCD sont impliquées dans la démarche d'affichage environnemental depuis de longues années. Outre la démarche pionnière de Casino, dont M. Voinnesson parlera, nos enseignes sont engagées depuis 2008 dans une étude de la faisabilité de l'évaluation environnementale, notamment avec l'Ademe et l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA) sur près de 300 produits de consommation courante. Nous avons participé en 2011 et 2012 à l'expérimentation nationale, à l'issue de laquelle les enseignes de la FCD ont souhaité dégager des engagements communs, formalisés dans un bilan transmis aux sénateurs de la commission du développement durable. Sur la base de ce retour d'expériences, nous avons évalué la position qui pourrait être la nôtre.

Pour les enseignes de la FCD, l'affichage environnemental doit rester une démarche volontaire et, afin d'harmoniser les pratiques et fiabiliser les résultats, nous proposons un encadrement, qu'il soit réglementaire ou normatif, de la méthodologie d'évaluation et du format de restitution au consommateur. Nous ne souhaitons pas que l'affichage soit rendu obligatoire, mais pour les entreprises qui désirent rejoindre ou poursuivre la démarche en cours, il importe qu'elles puissent le faire sur la base de certaines méthodologies et modalités d'affichage harmonisées. Il en va de la fiabilité de cette démarche mais aussi de sa bonne compréhension par le consommateur.

Debut de section - Permalien
Agathe Grossmith, responsable Développement durable du groupe Carrefour

Le groupe Carrefour a souhaité mettre en oeuvre un test pour étudier la fiabilité des informations que le groupe était en capacité de produire et évaluer le bénéfice auprès du consommateur : nous n'étions pas dans une démarche de déploiement de l'affichage environnemental. Nous avons choisi de travailler avec une marque nationale sur chacun des produits que nous avons étudiés et le support Internet, qui permet une grande flexibilité dans la présentation des données et qui s'est avéré être un support pédagogique important, puisqu'il nous a permis de détailler au consommateur la méthodologie employée et de lui expliquer précisément ce qu'était le cycle de vie. Nous avons présenté pour chaque produit un certain nombre d'indicateurs.

D'un point de vue méthodologique, nous en avons tiré la nécessité d'avoir des données harmonisées afin de réduire les incertitudes liées aux résultats, et d'approfondir le travail pour permettre à certaines PME de trouver les meilleurs moyens de fournir les données nécessaires.

Nous avons été favorablement surpris du retour positif de nos consommateurs : malgré la complexité du dispositif, le support Internet a permis une bonne compréhension des indicateurs. L'impact sur les comportements d'achats semble modéré, malgré un intérêt pour l'information elle-même.

Debut de section - Permalien
Marc Voinnesson, Méthodes et projets transversaux, du groupe Casino

directeur Qualité non-alimentaire, Méthodes et projets transversaux, du groupe Casino. - Casino étant pionnier, je vais simplement mentionner les quantités de produits traités, puisqu'en 2008 nous avons développé l'indice carbone, qui était le premier étiquetage carbone sur des produits de grande consommation alimentaire. Fin 2010, plus de 600 produits étaient ainsi présents en magasin avec un pictogramme qui donnait au consommateur une valeur chiffrée, ce qui représentait plus de 1 000 calculs effectués en amont. Nous avons participé à l'expérimentation nationale avec l'idée d'aller au bout de la démarche : nous avons fédéré des industriels, une ONG environnementale, un cabinet environnemental pour concevoir un étiquetage avec une note unique qui respecterait le multi-critères. Ceci a donné naissance à l'indice environnemental, regroupant trois critères environnementaux. Notre expérience nous a permis de constater que ces indices, carbone et environnemental, avaient un coût. L'année dernière, nous avons donc développé un outil de calcul, mis à la disposition des industriels qui fabriquent la marque Casino mais aussi une marque nationale, afin qu'ils puissent collecter leurs données en respectant de strictes règles de gestion et que ces données soient vérifiées en interne. Avec des coûts ainsi réduits, nous envisageons cette année d'avoir 400 produits portant l'indice environnemental, alors que nous en avions 200 fin 2012.

L'alimentaire est le secteur principal auquel il faut s'atteler. Il existe déjà des méthodologies de calcul dans ce domaine, mais il faut les harmoniser pour que les résultats soient comparables. La démarche de l'affichage environnemental pour le non alimentaire est beaucoup plus compliquée, car une grande part de ce secteur vient du grand import, où il est très difficile de mettre en place des processus de vérification des données fournies.

Debut de section - Permalien
Aurélien Hauser, adjoint au chef de bureau « Politique de protection des consommateurs et loyauté » de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

Dès le début de l'expérimentation, le ministère de l'Écologie a demandé à la DGCCRF de réaliser une enquête-test auprès d'un panel représentatif d'une vingtaine d'entreprises expérimentatrices, appartenant à différents secteurs et implantées sur l'ensemble du territoire français, distributeurs comme fabricants. Nous avons réalisé une enquête-test et non une enquête-répressive, car il aurait été peu aimable d'aller contrôler et éventuellement sanctionner des entreprises qui étaient volontaires pour participer à l'expérimentation. Les objectifs de la DGCCRF étaient de venir en appui du ministère de l'Écologie, en lui fournissant des informations utiles au bilan qui va être dressé. Nous avons regardé si les entreprises expérimentatrices contrôlées réussissaient ou non à collecter les données et à mettre en place des dispositifs de traçabilité, puis vérifié la loyauté et la véracité des informations avancées dans ce cadre expérimental.

L'enquête-test, réalisée sur quelques mois au printemps 2012 par le service national des enquêtes de la DGCCRF, fera l'objet d'un rapport d'enquête annexé au rapport de bilan du Gouvernement qui vous sera transmis. Les deux principales conclusions sont les suivantes. Tout d'abord, il a été noté une bonne implication des entreprises contrôlées, qui ont fait preuve d'une grande créativité pour fournir les informations au consommateur. Mais deux types de problèmes ont été mis en lumière. Tout d'abord, il semble difficile de contrôler la véracité des informations données au consommateur sur des produits importés ou fabriqués à partir de matières premières importées. Si elle n'est pas spécifique à l'affichage environnemental, cette problématique est tout de même particulièrement prégnante avec ce type d'affichage, qui consiste à donner au consommateur des informations complexes assez difficiles à collecter pour les produits importés, les enquêteurs ne pouvant pas aller les chercher in situ chez le fabricant. Une certaine inégalité entre fabricants français et fabricants installés à l'étranger pourrait en découler. En cas de dispositif obligatoire, les fabricants nationaux pourraient en effet être facilement contrôlés et voir le dispositif pleinement peser sur eux, alors que les fabricants implantés à l'étranger ne seraient impactés que partiellement. Par ailleurs, l'accessibilité et la compréhensibilité des informations données au consommateur ne sont pas apparues optimales. Le vocabulaire utilisé doit être plus simple et les formats d'affichage harmonisés pour présenter un intérêt pour le consommateur.

Debut de section - Permalien
Joël Dufour, Administrateur national

L'Union Fédérale des Consommateurs (UFC) - Que Choisir salue et encourage la démarche entreprise mais émet deux réserves à l'égard de l'affichage environnemental. Tout d'abord, les écueils d'un système ne reposant que sur une démarche déclarative sont bien connus, notamment la faible compréhensibilité par le consommateur des sigles et marquages, et pourraient, de ce fait, porter atteinte à la crédibilité de l'ensemble. Par ailleurs, tout cela intervient dans un contexte pollué par des allégations sinon mensongères en tout cas abusives et contestables.

Nous craignons donc que, quel que soit le travail énorme entrepris par tous, cette démarche de grande qualité ait du mal à se développer.

Debut de section - Permalien
Gaël Virlouvet, Administrateur de France nature environnement (FNE) et responsable de la mission Éco-consommation

La consommation représente au moins les deux-tiers de notre impact sur l'environnement, ce qui est considérable. En 2007, lors du Grenelle de l'Environnement, le moyen efficace trouvé pour influencer sur la consommation fut l'affichage environnemental, outil imparfait mais dont la généralisation a fait consensus. Le Parlement a finalement décidé, avant cette généralisation, de passer par une phase d'expérimentation, résultat manifeste d'un jeu d'influences. En 2013, six ans plus tard, nous sommes encore loin de la généralisation alors envisagée : on ne parle que de volontariat. Quel dommage ! On se retrouve aujourd'hui autour d'un engagement majeur, déjà érodé, et on essaye d'en faire encore moins et de renvoyer au niveau européen. Pourtant, la France est en avance sur le sujet, sur lequel elle s'est positionnée et a développé des compétences !

Je souhaiterais mettre en avant les gains de l'affichage environnemental. Le consommateur gagne à avoir accès à une information fiable sur les enjeux environnementaux, car les allégations en ce domaine sont trop nombreuses. Créer un cadre de confiance autour de lui et le sensibiliser, c'est un enjeu fort auquel l'expérimentation n'a absolument pas répondu. Sept associations de consommateurs ont publié un rapport qui soutient fortement la démarche de l'affichage environnemental, soulignant de nombreux points positifs pour le consommateur.

L'expérimentation a bien montré la mise en mouvement des acteurs (fournisseurs, salariés...) permise par l'affichage environnemental : c'est la vie du développement durable au sein d'une entreprise.

Le lien de confiance entre les consommateurs et les fournisseurs, via les distributeurs, s'en trouve renforcé.

Les difficultés techniques sont réelles : la démarche a été engagée il y a six ans et des questions restent en suspens. Mais d'énormes avancées ont été faites, notamment au sein de la plateforme Ademe-Afnor et grâce à un effort de communication sur l'affichage environnemental de certains professionnels (artisans, hôteliers...) : le bilan est donc largement positif.

Pour la suite, il faut définir la place que la France souhaite jouer en Europe. Souhaite-t-on se positionner en leader sur un des rares sujets environnementaux sur lesquels nous sommes en avance ? Par ailleurs, selon France Nature Environnement, il n'est pas envisageable de s'arrêter au volontariat : il faut poser les jalons du chemin de la généralisation. 2020, c'est treize ans après le Grenelle, c'est beaucoup trop tard ! On a besoin d'un moteur pour faire avancer les choses, et le moteur, ce ne sera pas juste du volontariat, même encadré. Une gouvernance est aussi nécessaire : le choix des critères environnementaux n'est pas seulement technique, il s'agit également d'un choix politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Face à un sujet aussi complexe, méfions-nous des effets pervers : l'affichage environnemental ne doit pas pénaliser la compétitivité de nos entreprises, et je pense à nos producteurs agricoles en particulier, qui risquent de subir la concurrence de ceux, ailleurs en Europe, qui sont moins vertueux. Il faudrait également un peu plus de cohérence entre affichage environnemental et empreinte écologique, et s'assurer que tous les coûts de transport des produits sont bien pris en compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Masson-Maret

Si le législateur a prévu dans la loi Grenelle II une phase expérimentale pour l'affichage environnemental, ce n'est pas du tout, comme ont pu le laisser entendre certains, parce qu'il serait soumis à de quelconques jeux d'influences, mais bien plutôt parce qu'il faut laisser du temps à la réflexion et ménager des délais pour changer les comportements.

Les aspects abordés ont été très nombreux et j'aurais beaucoup trop de question à poser sur chaque secteur particulier, en voici donc juste une : pourquoi faire des recherches sur les consommateurs qui utilisent trop d'eau et pas sur les shampooings qui permettent d'en utiliser moins ?

Plus fondamentalement, alors que nos homologues députés ont lancé il y a deux semaines une mission d'information sur l'affichage environnemental, comment s'articulera la remise du rapport faisant le bilan de l'expérimentation avec les travaux de de la commission du développement durable à l'Assemblée nationale ?

Dans l'exposé que nous a fait le commissaire général au développement durable, je suis frappée par un certain flou méthodologique et, surtout, par le manque de données quantitatives. Avons-nous des statistiques sur les résultats de l'expérimentation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Le recours à l'expérimentation permet d'enrichir nos connaissances et d'affiner les méthodes, et les personnes entendues montrent que des travaux considérables de recueil de données et de normalisation sont engagés, ils doivent être salués.

Quel est l'objectif réellement assigné à l'affichage environnemental : s'agit-il de permettre à la chaîne des producteurs de dégager sa responsabilité ? Ou s'agit-il plutôt de faire oeuvre de pédagogie pour changer les comportements d'achat ? Dans le premier cas, la transparence sera étendue et les données foisonnantes, dans le second cas, il faut parvenir à fournir une synthèse la plus lisible possible pour le consommateur.

L'affichage environnemental est aujourd'hui encore une démarche uniquement volontaire, mais pour combien de temps ? Si l'Union européenne envisage de le rendre obligatoire, il faut s'y préparer, et ceux qui auront su anticiper auront un avantage compétitif sur les autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

L'objectif de l'affichage environnemental est bien de donner au consommateur une information fiable, accessible et lisible. La question du périmètre pris en compte est également importante : il est indispensable de faire entrer l'ensemble du cycle de vie du produit dans les calculs et les définitions. Quelle est la part des produits alimentaires dans les référentiels aujourd'hui constitués par l'Ademe ? La certification via un système de normes de type « ISO » ne permettrait-elle pas aussi de garantir une certaine uniformité des pratiques et, partant, une meilleure lisibilité pour le consommateur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Je me réjouis de constater que le travail d'élaboration des référentiels et des bases de données nécessaires à l'affichage environnemental est aujourd'hui enfin bien avancé. Mais comment garantir concrètement la sincérité des indications sur les étiquettes ? Quels types de contrôles sont effectués ?

La traçabilité des produits est devenue une préoccupation majeure, mais quelle précision, et donc quelle pertinence, l'affichage environnemental pourra-t-il avoir face à l'internationalisation généralisée des modes actuels de production ?

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Je propose à chaque intervenant de répondre aux questions qui le concernent plus spécifiquement.

Debut de section - Permalien
Jean-Paul Albertini, commissaire général au développement durable

Le recours à une expérimentation qui laisse les acteurs volontaires libres de leurs critères de calcul et de leurs méthodes d'affichages est un choix du Grenelle II initié sous le précédent Gouvernement. Cela explique la variété des données recueillies et l'absence de données statistiques uniformes. Le rapport au Parlement qui retracera le bilan de cette expérimentation sera néanmoins riche de données qualitatives propres à éclairer les choix des pouvoirs publics. Nous sommes d'ailleurs naturellement disposés à être entendus par la mission créée à l'Assemblée nationale sur l'affichage environnemental.

La finalité de l'affichage environnemental, telle qu'elle ressort des travaux du Grenelle en 2010, c'est d'abord d'avoir un impact sur les comportements de consommation, en rendant les comportements d'achat plus vertueux ; cela a pour effet indirect, plus en amont, d'amener les acteurs économiques à anticiper ces évolutions en changeant eux-mêmes la manière dont ils produisent biens et services. Le résultat de l'affichage environnemental est donc, plus globalement, un phénomène de prise de conscience par tous les acteurs de la chaîne économique de leur impact environnemental, des coûts réels induits par leurs pratiques, mais aussi des économies potentielles qu'ils peuvent réaliser.

Sur un tel sujet, une période transitoire d'expérimentation était manifestement nécessaire. En ce qui concerne la durée retenue, certains la trouve trop courte, d'autres à l'inverse auraient aimé disposer de plus de temps, pour ma part j'observe qu'elle correspond à peu près à ce qui se pratique lors de l'introduction de nouvelles règles sanitaires.

Debut de section - Permalien
Gaël Virlouvet, Administrateur de France nature environnement (FNE) et responsable de la mission Éco-consommation

L'objectif de l'affichage environnemental doit être de limiter l'impact sur l'environnement des comportements de consommation dans leur ensemble. La demande d'information et de transparence n'émane d'ailleurs pas seulement d'une petite minorité de consommateurs engagés. Un regret : il est dommage que l'effet pédagogique de l'affichage environnemental ne soit pas testé en tant que tel durant l'expérimentation, qui ne s'intéresse en fait qu'aux effets économiques sur la chaîne de production.

Concernant la traçabilité des produits, on remarque que l'affichage environnemental y contribue grandement, notamment via une meilleure connaissance de la chaîne logistique des producteurs

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Que peuvent nous dire les représentants de la grande distribution des aspects et des conséquences économiques de cette expérimentation de l'affichage environnemental ?

Debut de section - Permalien
Marc Voinnesson, Méthodes et projets transversaux, du groupe Casino

L'affichage environnemental devrait nous permettre de valoriser nos produits en permettant au consommateur de choisir celui qui a un moindre impact environnemental. Il est donc capital de disposer d'indicateurs uniformes et crédibles.

Les efforts de traçabilité sont très importants, nous remontons par exemple les éléments d'une recette jusqu'au champ d'origine, ce qui est effectivement plus difficile à réaliser pour les produits non-alimentaires.

Concernant la fiabilité de nos indicateurs, nous possédons, chez Casino, des équipes de vérificateurs internes et nous procédons par audits aléatoires des industriels en amont.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Je profite de cette audition pour aborder un sujet peut-être connexe, mais qui préoccupe beaucoup de consommateurs, qu'en est-il de l'obsolescence de certains produits, notamment dans l'électroménager ?

Debut de section - Permalien
Odile Thoré

En me limitant dans ma réponse aux seuls produits électroménagers, je peux vous renvoyer à l'étude récente sur les durées de vie des appareils réalisée en collaboration avec l'Ademe. Elle montre qu'il n'y a pas de différence significative entre les durées de vie théoriques affichées et celles constatées en moyenne, alors même que les produits sont soumis à des contraintes bien plus fortes qu'il y a vingt ans. Les préoccupations des consommateurs poussent à inclure pleinement la durée de vie dans la démarche qualité-conception et à améliorer encore la « réparabilité » de nos équipements, en développant l'information et l'efficacité de nos réseaux de réparateurs agréés.

Debut de section - Permalien
Virginie d'Enfert, directrice des affaires économiques, environnementales et internationales de la FEBEA

Je voudrais réagir sur un certain nombre de points évoqués.

Le premier point concerne la note unique. Celle-ci ne nous paraît pas extrêmement satisfaisante. Si elle paraît simple d'accès, cette note reste un agrégat d'impacts environnementaux très différents qui ne permet pas aux consommateurs d'appréhender le véritable impact environnemental d'un produit.

Le deuxième point concerne la compétitivité des entreprises. L'expérimentation a permis à des chefs d'entreprises de mieux connaître les process, ce qui est positif, mais l'amélioration de la compétitivité reste un voeu pieux, car elle n'a pas réellement été notée concrètement.

Le troisième point concerne la traçabilité et le sujet évoqué par le représentant le groupe Casino : il faut effectivement des données traçables. M. Voinnesson a évoqués des audits faits auprès des industriels pour vérifier le bien-fondé de leurs déclarations et des impacts qu'ils affichent, mais je souhaite rappeler que les distributeurs sont aussi des fabricants, et qu'il peut s'avérer discutable que des fabricants s'auditent entre eux.

Le dernier point concerne les shampooings. On peut effectivement réfléchir à des produits qui nécessitent moins d'eau pour se rincer. Toutefois, on en revient à la question de la pédagogie effectuée auprès du consommateur. Dans les référentiels que nous avons adoptés, la quantité d'eau moyenne utilisée est bien largement supérieure à la quantité d'eau nécessaire pour se rincer les cheveux. Il y a une question de pédagogie, sur les gestes éco-citoyens à adopter, à mener auprès de consommateurs qui ont pour habitude de prendre des douches longues et chaudes.

Debut de section - Permalien
Caroline Guinot, Chef de projet Environnement à l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (INTERBEV)

Je voulais revenir sur deux objectifs du Grenelle de l'Environnement. Il y avait tout d'abord un objectif d'amélioration des process de production. Sur ce point, je rejoins la position de M. Jean-Paul Albertini. Le fait de travailler sur les méthodes et analyses des cycles de vie, nous a fait trouver plus rapidement des pistes de progression. Le deuxième objectif était d'exposer au consommateur. Pour employer une métaphore, on met ici la charrue avant les boeufs. Il est tout-à-fait louable d'avoir des méthodes permettant de comparer les produits entre eux, mais on en vient à comparer des choses fausses si ces méthodes sont biaisées. Laisse-t-on vraiment toute la possibilité au consommateur de choisir, alors que les bases méthodologiques sont erronées ? C'est en tout état de cause ce que nous déplorons dans la filière.

Debut de section - Permalien
Agathe Grossmith, responsable Développement durable du groupe Carrefour

Je voudrais revenir sur la question des objectifs, soulevée par Mme Evelyne Didier. Il s'agit effectivement d'un point essentiel. Pour nous, l'objectif est clair : il s'agit d'informer les consommateurs et d'améliorer, comme l'a signalé M. Jean-Paul Albertini, le process des entreprises. Nous sommes convaincus qu'il est nécessaire d'améliorer l'information des consommateurs. Nous avons également déjà noté l'intérêt d'une utilisation de l'outil de l'analyse du cycle de vie pour améliorer le process des entreprises. Toutefois, l'expérimentation que nous avons menée n'a pas permis de voir une différenciation particulière dans les retours que nous avons eus de nos consommateurs. Je pense que nous sommes d'accord pour considérer que l'affichage environnemental ne peut refléter toute l'histoire environnementale d'un produit. C'est un socle d'informations qui ne peut tout intégrer. Les améliorations à apporter concernent la méthodologie employée. Ainsi, nous avons lancé il y a quelques mois un poulet élevé sans antibiotiques, nous espérons une différenciation vis-à-vis des consommateurs, mais il s'agit là d'un élément qui ne peut être « encapturé » par l'affichage environnemental.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

Je voudrais insister sur la nécessité de prendre en compte l'ensemble du cycle de vie.

Debut de section - Permalien
Gaël Virlouvet, Administrateur de France nature environnement (FNE) et responsable de la mission Éco-consommation

Je souhaiterais apporter une précision sur la note unique. Il ne s'agit pas forcément d'une moyenne, il peut s'agir d'un ensemble de critères que l'on respecte.

Par ailleurs, sur la nécessité d'une cohérence, je suis particulièrement sensible à la question de savoir si l'affichage environnemental peut concourir à « re-territorialiser » les activités en France. Il deviendrait contreproductif que l'affichage environnemental conduise à favoriser une viande néo-zélandaise qui n'est pas bio, face à une viande bio produite localement. Il existe tout un travail de mise en cohérence à effectuer à cet égard, notamment un affinage méthodologique, qui est parfaitement réalisable, car nous en avons posé les jalons.

S'agissant enfin de la question de la compétitivité, si l'on s'interroge sur le fait de savoir si l'affichage environnemental est en tant que tel une démarche de compétitivité pour l'ensemble des entreprises, la réponse est nuancée, car comme toute démarche environnementale, cet affichage représente un coût. En revanche, l'enjeu devient intéressant et la compétitivité se développera, si l'on se donne un cadre pour que les entreprises qui font des efforts et qui avancent le plus en matière d'environnement soient plus compétitives que les autres. Les consommateurs les choisiront davantage, non seulement en France mais aussi, demain, au niveau mondial.

Debut de section - Permalien
Daniel Béguin, directeur « consommation durable et déchets » de l'Agence de l'environnement et de maîtrise de l'énergie (Ademe)

Je voudrais préciser que les travaux sur l'alimentaire sont bien avancés : les référentiels existent sur la quasi-totalité des produits alimentaires. Il ne manque que les boissons et les produits de la pêche, si je ne m'abuse. Il reste naturellement des progrès à faire, comme le rappelait Mme Caroline Guinot. Je ne parlerais pas, pour ma part, de bases méthodologiques fausses, mais de bases méthodologiques largement améliorables. Par exemple, la prise en compte du carbone dans les sols est une question difficile, scientifiquement discutée, sur laquelle les industriels, pouvoirs publics et chercheurs doivent continuer à travailler en France. Il faut de toutes façons porter le message de l'analyse multicritères : le carbone et l'effet de serre ne sont pas les seuls critères à prendre en compte, alors qu'aujourd'hui les informations sont souvent focalisées sur eux.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Masson-Maret

Je souhaiterais poser une question qui s'éloigne un peu de notre sujet à Mme Odile Thoré. Dans votre fédération, avez-vous la sensation qu'il y a actuellement des entreprises qui font de l'obsolescence programmée et, dans l'affirmative, ne pourriez-vous pas créer un comité de surveillance ?

Debut de section - Permalien
Odile Thoré

Nous avons mesuré le préjudice que les accusations d'obsolescence programmée, notamment relayées par les médias, pouvaient porter à notre industrie. Il est certainement possible d'ouvrir un débat mais je ne suis pas en mesure de vous dire si nous pourrions aller jusqu'à créer un comité de surveillance au sein de notre fédération, celle-ci n'étant pas une autorité de contrôle mais un lieu d'échange qui a pour objet de définir des orientations conjointes entre industriels.

Debut de section - Permalien
Joël Dufour, Administrateur national

Je regrette que la rapidité de ma précédente intervention ait pu laisser penser que l'UFC-Que Choisir n'était pas partie prenante du projet d'affichage environnemental. Au contraire, nous sommes exigeants car nous souhaitons qu'il réussisse. Par ailleurs, je n'ai entendu que trop peu de fois le mot : « pédagogie ». Tout dispositif doit être accompagné. Il existe d'ailleurs en France des réseaux d'éducation à l'environnement, extrêmement performants et professionnalisés. Ils sont assez peu aidés par les pouvoirs publics. L'UFC-Que Choisir participe à certains de ces réseaux. Il faudra une démarche d'accompagnement des consommateurs, pour expliquer et commenter.

Debut de section - Permalien
Marc Voinnesson, Méthodes et projets transversaux, du groupe Casino

Je voudrais surenchérir sur les propos de Mme Agathe Grossmith : on ne peut tout intégrer dans l'affichage environnemental. Il existe des labels qualité, un développement du « made in France ». Il faut bien comprendre que l'affichage environnemental est complémentaire. Ainsi, concernant la viande, nous voyons de plus en plus d'étiquetages qui allèguent de l'origine française, ce qui va dans le bon sens, même s'il reste encore du travail à effectuer sur la partie « impacts ».

Concernant les audits, la plupart des distributeurs sous-traitent aujourd'hui à des industriels, par le biais de contrats d'un an ou plus. On exige au niveau qualité des certifications IFS, un référentiel international établi conjointement entre la France et l'Allemagne. Ces audits sont mutualisés. Il est tout-à-fait possible d'avoir ce même type d'audits, demain, sur l'affichage environnemental.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Je crois que l'on ne peut que se féliciter de cette rencontre qui pourra éventuellement être renouvelée sous une forme élargie à d'autres participants et d'autres secteurs économiques. J'ai été très sensible à ce qui a été dit, notamment aux remarques sur le rôle de l'éducation des citoyens pour qu'ils deviennent des « conso-acteurs ». Je vous remercie d'avoir été passionnés, parfois un peu en retrait pour la filière Jouets (mais cela changera peut-être !). Vous pouvez compter sur les sénateurs pour suivre ce dossier.

- Présidence commune de M. Raymond Vall, président et de M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques -

La commission auditionne, en commun avec la commission des affaires économiques, M. Louis Gallois, commissaire général à l'investissement, sur le suivi du pacte de compétitivité.