La réunion est ouverte à 9 h 35.
Cette table ronde fait suite à la visite de notre commission dans les Alpes-Maritimes le 23 octobre dernier, après les inondations du 3 octobre causées par des précipitations d'une intensité record. Le phénomène avait été anticipé par Météo France, avec une alerte orange et un avertissement pluies intenses à l'échelle des communes (Apic), mais pas son extrême concentration dans le temps. On a déploré vingt victimes, mais le bilan aurait pu être beaucoup plus élevé si les pluies n'étaient pas survenues un soir de week-end. Le coût financier des dégâts s'est élevé à 600-650 millions d'euros, mais atteint le milliard si l'on prend en compte les conséquences indirectes, liées par exemple à la fermeture forcée d'un central téléphonique, la circulation interrompue des trains ou l'indisponibilité des distributeurs automatiques de billets.
Il convient de tirer les enseignements de cet épisode : comme les récentes inondations en Île-de-France le montrent, d'autres catastrophes se produiront et appellent des réactions plus efficaces à tous les niveaux : prévision, alerte et prise en compte par la population. En effet, les habitants ne savent pas toujours quoi faire lorsqu'ils sont alertés. Il faut par conséquent travailler sur la transmission des informations et la mobilisation des secours. C'est pourquoi nous réunissons aujourd'hui, à la demande de Louis Nègre, les acteurs de gestion de la crise. Le 16 novembre, notre collègue a présenté devant notre commission un premier bilan des inondations du 3 octobre ; il avait également rédigé avec Pierre-Yves Collombat, en 2012, un rapport sur les inondations qui avaient touché le Var et le Sud-Est dont toutes les préconisations n'ont toujours pas été prises en compte.
La prévention des risques naturels, et notamment des inondations, est d'une actualité particulière. En novembre dernier, j'avais conclu à l'insuffisance de la prévention, dans les discours comme dans les faits. J'avais souhaité que soit identifié le rôle des acteurs dans le déclenchement des alertes et que soit abordé un sujet trop peu traité, la culture du risque. Pour ce faire, nous recevons Patrick Chassagneux, chef du département missions institutionnelles de Météo France, Hervé Vanlaer, adjoint au directeur général de la prévention des risques (DGPR) au ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, Philippe Le Moing-Surzur, sous-directeur de la planification et de la gestion des crises au ministère de l'intérieur, Stéphane Pénet, directeur des assurances de biens et de responsabilité à la fédération française des sociétés d'assurances (FFSA) et Ludovic Blay, consultant risques et crises, co-fondateur de l'association des volontaires internationaux en soutien opérationnel virtuel (Visov).
La visite de notre commission dans les Alpes-Maritimes nous a conduits à nous interroger sur la pertinence de l'alerte et son niveau : l'alerte rouge ne s'imposait-elle pas, plutôt que l'alerte orange ? De plus, une fois l'alerte déclenchée, l'organisation des secours sur place, l'articulation entre les différents services mais surtout la liaison avec les élus locaux ont laissé à désirer : moi-même alors que ma commune de Cagnes-sur-Mer était touchée, je n'ai pas été prévenu. Enfin, nous avons constaté le manque de culture du risque en France : alors que l'inondation est le premier risque naturel sur notre territoire et touche un habitant sur quatre, la population reste peu informée. Comme en 2010, certaines personnes sont décédées parce qu'elles étaient descendues dans leur garage afin de sauver leur véhicule. Il est essentiel de mettre en place une culture du risque consistant, en cas d'inondation, à rechercher les points hauts, à ne pas se réfugier dans les sous-sols, mais également à organiser des simulations grandeur nature. Je me félicite du document établi par la préfecture des Alpes-maritimes qui, pour la première fois, balaie l'ensemble du spectre en 47 actions.
Je souhaiterais que ces catastrophes soient abordées sous l'angle de la prévention. Après les inondations catastrophiques des années 1950, les Pays-Bas ont pris le taureau par les cornes et ne déplorent plus de victimes dans les inondations. Quant à nous, nous déplorons chaque année plus d'un milliard d'euros de dégâts, remboursés à moitié par les assureurs, sans compter les pertes humaines ; chaque année, un rapport en tire les conséquences pour rejoindre une étagère, et tout recommence l'année suivante... Nous sommes au XXIe siècle, dans un pays très développé : ne faudrait-il pas être plus efficace ?
M. Chassagneux, pouvez-vous, le premier, nous présenter notre système d'alerte ? Y a-t-il un phénomène d'accoutumance de la population ? En tant qu'élus locaux, nous sommes les premiers vers qui les habitants se tournent ; c'est pourquoi je vous serais reconnaissant de proposer deux ou trois mesures qu'il conviendrait de prendre dans votre domaine d'action pour faire évoluer les choses. Peut-être serait-il opportun de réduire la liste des 47 actions pour lui donner une portée plus pédagogique.
Mis au point voici quinze ans après la grande tempête de 1999, notre système de vigilance météorologique repose, au-delà des seules données chiffrées, sur la notion de risque et de danger. Il part de deux constats : la prévision météo, aussi bonne soit-elle, ne suffit pas à gérer le risque ; et il y a un décalage considérable entre les connaissances et le comportement adopté.
La procédure Vigilance est un dispositif d'avertissement en amont de la chaîne d'alerte, pilotée par la Direction de la sécurité civile ; nous alimentons cette chaîne, tout en informant - innovation notable - le public du danger. Nous avons adopté un codage simple en quatre couleurs, pour une diffusion aussi rapide que possible par les médias. C'est un dispositif à l'échelle départementale, pour les 24 heures à venir. Il est interministériel (les ministères de l'intérieur, de l'environnement et de la santé sont impliqués), régi par une circulaire et en cohérence avec les plans Orsec. Il doit aussi être pris en compte, si possible, dans les plans communaux de sauvegarde (PCS). Des évaluations annuelles sont conduites, non seulement sur la prévision elle-même mais aussi sur les conséquences de l'événement. C'est donc un dispositif différent de la prévision météorologique, où l'évaluation est seulement chiffrée. Enfin, un sondage annuel est conduit auprès du public.
Le code couleur est le suivant : le vert indique que tout est normal ; le jaune invite les personnes particulièrement exposées au risque à se montrer attentives ; l'orange concerne l'ensemble de la population, avec des bulletins de suivi informant des développements du phénomène, et les pouvoirs publics délivrent des conseils de comportement. Malheureusement, les bulletins sont peu lus, sans doute en raison de leur complexité. Enfin, le rouge ne concerne que les phénomènes dangereux d'intensité exceptionnelle et donne lieu à des consignes - et non plus des conseils - de la part des autorités.
Pour passer d'une couleur à l'autre, les seuils météorologiques ne suffisent pas à établir un niveau de vigilance. Il est tenu compte du climat local, de l'acclimatation des citoyens - ainsi on peut rouler jusqu'à dix centimètres de neige en Savoie, deux à trois en région parisienne - et de la précocité dans l'année, dans la mesure où la population est moins sensible aux conseils de protection contre la canicule au mois de juin. Nous modulons aussi les seuils de passage en fonction du relief - la pente pouvant aggraver les ruissellements en cas de précipitation - des agglomérations concernées pour la neige, des départs en vacances et, enfin, des pics de pollution et d'humidité en cas de canicule. Les seuils aussi évoluent au cours du temps en fonction du retour d'expérience.
Pour les inondations, nous utilisons les données fournies par le service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations (Schapi) et les services de prévention des crues (SPC) ; pour les phénomènes biométéorologiques comme le grand froid et la canicule, nous travaillons avec le ministère de la santé.
La procédure est évaluée par un groupe de suivi se réunissant trois fois par an, sur la base des retours du ministère de l'intérieur et de la DGPR. La pertinence du dispositif mis en place pour chaque événement est examinée. Ce n'est pas une évaluation météorologique. Nous nous efforçons de recenser le nombre de sorties pompiers et d'autres interventions, ce qui n'est pas toujours facile à corréler avec l'événement. Enfin, un comité de pilotage annuel réunit la DGPR, la Direction générale de la Sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) et Météo France pour décider des évolutions à apporter à la procédure. Un bilan annuel, cosigné par les intervenants, est présenté.
Je propose deux évolutions : intégrer la vulnérabilité pour moduler la vigilance, ce qui impliquerait de descendre à un échelon inférieur au département ; et utiliser autant de moyens de communication que possible. Nous avons commencé à utiliser SnapChat, très utilisé par les moins de vingt ans, car les jeunes ont une influence sur leurs parents.
Je vous remercie. Monsieur Vanlaer, pouvez-vous nous rappeler le rôle de votre direction dans la chaîne d'alerte ? Sous quelles modalités contribuez-vous au développement d'une culture du risque dans la population ? Quelles mesures concrètes suggérez-vous en ce sens ?
Les services d'annonce des crues ont été remplacés en 2006 par des services de prévision rattachés à la DGPR et implantés dans 22 régions. Ils surveillent plusieurs milliers de kilomètres de cours d'eau. Nos prévisions intègrent les données de Météo France sur les précipitations ou le degré d'humidité des sols, ainsi que la température. Notre code couleur est le suivant : le jaune pour les débordements localisés sans grandes conséquences, sauf pour certains campings plus exposés ; l'orange pour les crues causant des dégâts ; et le rouge pour les crues exceptionnelles. Dans le dernier épisode d'inondations, seul le Loing relevait du rouge. Notre système est plus adapté à ces crues qu'à des épisodes comme les inondations des Alpes-Maritimes, où la montée des eaux a été très rapide.
En cas de changement de couleur, nous informons les préfectures qui relaient auprès des maires. Les directions départementales du territoire ont développé une fonction de référent inondation apportant un appui technique au préfet dans la gestion de crise.
La carte Vigicrues a pour objectif de donner davantage de visibilité à notre système. Nous travaillons avec Météo France, à qui nous transmettons nos niveaux d'alerte ; nous nous efforçons aussi de renforcer certaines stations et d'améliorer la prévision des inondations. Le travail de cartographie des zones à risque d'inondation, très complexe, sera achevé en 2018 ; les récents épisodes de la Seine, où les cartes ont déjà été réalisées, ont démontré leur utilité. Identifier les quartiers susceptibles d'être inondés permet de prévoir les évacuations. En revanche, l'une des limites du système est que certains cours d'eau ne faisant pas partie du réseau, ils ne sont pas surveillés.
La culture du risque, vous l'avez souligné, n'est pas assez développée en France. Certains documents comme le dossier départemental des risques majeurs (DDRM) ne sont pas élaborés partout. Ils sont également peu consultés. Ainsi, le portail Géorisques souffre d'un manque de notoriété. Nous encourageons la pose de repères de crue pour conserver la mémoire des événements. La ministre de l'environnement, Mme Royal, a engagé une action de sensibilisation auprès de 400 000 collégiens dans 700 établissements de l'arc méditerranéen. Un appel à projets doté de 20 millions d'euros a été lancé sur 122 territoires à risque important d'inondation pour des actions de sensibilisation de la population confiées à l'initiative locale. Enfin, une campagne sur les pluies intenses dans l'arc méditerranéen - les épisodes dits cévenols - a été lancée. C'est un dispositif identifiant huit comportements à adopter, mis en place sur la base d'un travail de la préfecture du Gard et consistant en des affiches, une série de spots radio et des éléments pour internet, à diffuser lorsque ces épisodes se produisent, entre début septembre et mi-décembre.
En matière de prévention, il conviendrait d'intervenir dès l'aménagement, à travers les plans de prévention du risque inondation. Il est très difficile de prédire le risque de ruissellement urbain ; de plus, l'artificialisation des sols aggrave les conséquences des inondations. Des actions responsabilisent les territoires, à travers la directive inondations identifiant 122 territoires à risque important dans lesquels une stratégie doit être élaborée. Le programme d'action et de prévention des inondations (Papi) prévoit ainsi des actions concrètes comme la mise en place ou le renforcement de digues, pas seulement sur les grands fleuves.
Les huit comportements que vous évoquez sont un élément essentiel d'une politique de culture du risque. Monsieur Le Moing-Surzur, l'Intérieur est au coeur de l'alerte et de la gestion de crise. Selon quelles modalités intervenez-vous ? Le Système d'alerte et d'information de la population (SAIP), limité pour le moment au risque attentat, devrait être étendu à tous les risques, y compris naturels. Pouvez-vous présenter ce dispositif ?
Le lien entre la phase de vigilance et la phase d'alerte est très important. Des mécanismes d'alerte sont prévus dans le code de la sécurité intérieure, au titre du pouvoir administratif général du maire, du préfet ou du Premier ministre suivant le niveau considéré. Le ministre de l'intérieur et les préfets reçoivent les bulletins de vigilance météorologique et hydrographique et définissent le niveau de vigilance à appliquer. La vigilance technique relève de Météo France. En phase rouge, le préfet peut prendre des décisions comme le pré-positionnement des moyens de secours en fonction de la nature du risque, voire l'évacuation des populations. C'est pourquoi le niveau n'est pas systématiquement relevé au rouge lorsque la réalisation du risque sur le territoire n'est pas connue. La notion de vigilance est essentielle.
Il est possible de faire des prévisions sur des portions de territoire de deux kilomètres de côté ; en revanche, on ne pourra jamais prévoir des concentrations particulières en certains endroits. Il faut reconnaître les limites du dispositif induites par les incertitudes scientifiques.
En 2008, le ministère a refondu le système national d'alerte, mis en place dans les années 1950 dans le contexte de la guerre froide. Lorsque les sirènes retentissaient, la population devait se réfugier à la cave : le risque identifié à l'époque était celui d'un bombardement soviétique... Très simple, ce système a été étendu à l'ensemble des risques. Il est très apprécié des élus locaux comme un moyen de sidérer la population, de la sortir de ses habitudes en lui faisant comprendre qu'un événement exceptionnel survient.
Nous avons modernisé notre communication grâce aux systèmes d'information. En cas de nuage toxique, il faut se calfeutrer ; en cas d'inondation, aller dans les hauteurs : il s'agit de comportements à adopter comme des réflexes. Le système d'alerte est à la main des maires, car c'est pour eux une obligation première. Dans le cadre de son pouvoir de substitution, le préfet peut agir si le maire n'est pas en situation de propager l'alerte ; au niveau national, le Premier ministre peut déclencher l'alerte sur une partie du territoire. Ce fut le cas en 2009 pour la tempête Klaus : l'alerte a été déclarée pour 67 départements. La mesure est également prévue pour le cas d'un aéronef en perdition, notamment un satellite qui tomberait, dont il est possible de calculer la trajectoire.
Les sirènes ayant été implantées là où l'on pouvait craindre des bombardements, une modernisation s'imposait. En 2010, les préfectures ont réévalué les zones de risque immédiat : lorsque celui-ci ne l'est pas, la diffusion par les médias est plus efficace. 2 800 sirènes sont ainsi en cours de réinstallation, et plus de mille sont opérationnelles.
À la demande du Premier ministre, le dispositif SAIP a été mis en place pour la durée de l'Euro de football ; prévu en cas d'attentat, il sera étendu à l'ensemble des risques naturels le 1er septembre. C'est une alerte, téléchargeable sous forme d'application, qui rappelle les bons comportements à adopter.
Trois pistes sont à explorer : l'extension du SAIP ; une réflexion sur le régime des catastrophes naturelles et, dans l'après-crise, une modulation de franchise lorsque le risque est prescrit mais non évalué ; enfin, un travail sur les PCS, les maires étant des maillons essentiels du système.
Je vous remercie. Monsieur Pénet, l'anticipation est au coeur de votre métier. Quelles sont les modalités de la détection et de la gestion a posteriori ? Cherchez-vous à développer la culture du risque auprès de vos assurés ?
Vous avez évoqué une moitié de dommages couverts ; nous sommes plutôt à 75 ou 80 %, la France étant l'un des pays où la couverture est la plus élevée. Le législateur a voulu un dispositif universel : tous les biens sont couverts pour la catastrophe naturelle. C'est une assurance comme les autres, dans la mesure où la prime des bonnes années est mise à contribution dans les périodes plus difficiles. Le dispositif est entièrement encadré par la loi : les assureurs ne peuvent en moduler les garanties. Enfin, c'est une extension obligatoire à tous les contrats d'assurance. Le tarif est solidaire : le législateur a voulu qu'il soit le même pour tous, quelle que soit l'exposition du bien. Les assureurs ont la possibilité de se réassurer de manière illimitée auprès de la Caisse centrale de réassurance. La garantie ultime, en cas de sinistre qui mettrait à mal les bilans des assureurs et des réassureurs, est apportée par l'État.
Au cours des quinze dernières années, les aléas naturels ont coûté deux milliards d'euros par an aux assureurs et 1,5 milliard sur les 25 dernières années, tous périls confondus. Les inondations représentent un tiers de ce total. Les dégâts causés par le vent ont pesé le plus lourd. L'événement exceptionnel qu'est la tempête de 1999 a coûté 15 milliards d'euros à lui seul.
Les prévisions sont réalisées par des actuaires ; mais en matière d'aléas naturels, un même événement peut avoir des effets différents à dix ou vingt ans d'écart. Sur la base des scénarios du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (Giec), des modèles climatiques, de nos connaissances sur l'évolution économique de notre pays, le coût des aléas naturels devrait être de 92 milliards d'euros sur les 25 prochaines années contre 48 milliards pour les 25 dernières. Ce quasi-doublement a trois raisons : l'enrichissement - plus de richesses entraînant plus de dégâts - ; un effet de répartition des richesses, une croissance de 10 % pouvant se traduire par une vulnérabilité augmentée de 30 ou 40 % en certains endroits ; et enfin, le changement climatique à proprement parler qui se traduira par des événements plus intenses et importants, en particulier dans les cas de submersion marine et de sécheresse. Une forte croissance des inondations est également prévue, mais pour des raisons liées à l'aménagement du territoire davantage qu'au changement climatique.
En matière de prévention et de protection, nous avons constaté que, depuis Xynthia, le ministère de l'environnement avait accéléré son action : affinement des outils de vigilance, mise en conformité avec la directive inondations, Papi de deuxième génération, fonds Barnier, autant d'outils appropriés pour une bonne politique de prévention. Le problème résiderait plutôt dans leur utilisation. Nous constatons bien souvent que les plans de prévention des communes remontent à fin des années 1990, quand la modélisation était embryonnaire ; il arrive aussi que le PCS n'ait pas été établi, or il divise par deux ou trois les conséquences financières d'un événement ; enfin, des plans de prévention sont absents ou non annexés au PLU. Les blocages locaux sont nombreux.
Nous avons élaboré un livre blanc contenant plusieurs propositions concrètes : individualiser l'information sur l'exposition aux risques et l'alerte au moment de l'événement, comme les assureurs le font auprès de leurs assurés ; former les jeunes à la culture du risque en étendant les actions évoquées à tous les collèges ; sensibiliser les entreprises au risque naturel et mettre en place auprès d'elles l'équivalent des PCS.
Cela va décidément mieux en France, puisque 75 % des assurés sont désormais remboursés... Si ma voiture, assurée au tiers, est emportée par une inondation, me sera-t-elle remboursée ?
Si vous ne vous assurez que pour les dommages causés aux autres, vous ne serez pas remboursé. Cela relève du choix de l'assuré. Les 25 % non couverts sont constitués par les voiries, les ouvrages d'art, les franchises et les quelques cas d'absence d'assurance.
Si vous parcourez les journaux de ma région, vous vous rendrez compte que l'assuré a parfois des difficultés à entendre ce discours...
Monsieur Blay, votre association, créée en janvier 2014, est la première communauté virtuelle francophone de volontaires numériques en situation d'urgence. Dans vos interventions auprès des acteurs publics, comment contribuez-vous à la prévention et à la gestion des risques ?
Ludovic Blay, consultant risques et crises, co-fondateur de l'association des volontaires internationaux en soutien opérationnel virtuel (Visov). - Contrairement aux autres intervenants qui représentent de grandes institutions, je fais partie d'une association de bénévoles et de citoyens, dont les dimensions sont très modestes.
92 % des Français ont un téléphone portable : un smartphone pour 58 %, un téléphone classique pour les 34 % restants. On peut par conséquent toucher à peu près la totalité du public, y compris les visiteurs étrangers, via le portable. C'est pourquoi nous avons choisi ce vecteur pour alerter et transmettre l'information.
Une « appli », telle que le SAIP, doit être téléchargée dans un magasin en ligne ; l'utilisateur doit ensuite la laisser activée, accepter la géolocalisation et donner son consentement pour qu'elle utilise sa batterie. Après une forte progression au moment du lancement, les utilisateurs se lassent et suppriment l'appli de leur téléphone. Nous avons par conséquent choisi d'agir autrement et de nous rendre sur l'outil déjà utilisé par le citoyen : les médias sociaux que sont SnapChat, YouTube ou Instagram. À travers eux, il est possible de toucher une partie de la population, notamment les plus jeunes.
Auparavant, la communication de crise impliquait le maire ou le préfet, qui communiquaient en direction de la population, entourés de la police, de la gendarmerie et des pompiers mais aussi de certains opérateurs publics et privés, comme le gestionnaire de l'eau. Désormais, le message n'est plus seulement descendant : un échange se crée. Le citoyen est davantage impliqué dans la sécurité civile depuis la loi de 2004. L'information remonte auprès des autorités. Ainsi, lors des attentats du 13 novembre, une adolescente de 15 ans, Marie, qui habitait en Franche-Comté et n'était pas liée aux événements en cours, a décidé de créer un compte Twitter pour mettre en contact les personnes qui voulaient des nouvelles de leurs proches et d'autres qui, victimes ou témoins des attentats, avaient vu, par exemple, un voisin de terrasse évacué en ambulance. Cette initiative, menée en très peu de temps, n'a pas nécessité le concours des institutions. Lors des récentes inondations, nous avons également pu localiser les parents d'une jeune fille qui était sans nouvelles.
Nous jouons ainsi un rôle de volontaires internationaux en soutien opérationnel virtuel, à la disposition des élus, ministères et préfectures en tirant parti des réseaux sociaux. Nous recueillons de l'information opérationnelle et fiable grâce à nos compétences en matière de monitoring de réseaux sociaux. Visov regroupe 60 bénévoles de profils variés, bénéficiant souvent d'une expérience en sécurité civile - sapeurs-pompiers volontaires, radioamateurs, psychologues d'urgence - mais aussi de compétences techniques en marketing ou en cartographie. Grâce à notre maillage territorial, je peux suivre, depuis le Havre, la situation dans le Sud mais aussi dans tout l'espace francophone, ce qui nous permet une veille en continu.
VISOV propose aux autorités un classeur de déploiement, qui filtre et synthétise les informations transmises par les bénévoles. Ce classeur est diffusé dans les salles de crise, où certaines de ses parties peuvent être surlignées pour signaler les éléments les plus urgents. Il peut également être présenté sous la forme d'une carte.
Il serait bon que tous les acteurs - y compris les simples citoyens - s'organisent pour tirer parti de ces informations. Les MSGU doivent être intégrés dans l'ensemble des moyens d'alerte et de remontée d'information. Ils favoriseront l'implication dans la sécurité civile des citoyens, qui seront mieux écoutés, même en amont des crises. Pour cela, les réserves communales de sécurité civile peuvent être mises à contribution, comme à Nice.
Les réseaux sociaux révèlent en France un problème de compréhension des niveaux de vigilance lorsque les couleurs utilisées par les différents services ne sont pas les mêmes.
Nous avons du mal à comprendre ce qu'est la vigilance. Alerte, avertissement, niveau, consigne, seuil... Cette terminologie trop complexe sème la confusion. Mettons-nous d'accord sur des termes plus simples ! D'ailleurs, quelle différence entre vigilance et alerte ? Simplifions. Les élus sont-ils membres du comité de pilotage que vous avez évoqué ? Il est effectivement troublant de voir des couleurs différentes entre plusieurs services de l'État.
Répétons que, même au 21ème siècle, il est impossible de tout prévoir. Nos concitoyens font trop souvent une confiance aveugle en Météo France, qui n'a pourtant pas émis d'alerte rouge lors des inondations à Draguignan ou dans les Alpes-Maritimes.
Je ne suis pas sûr que le chiffre des 75 % indiqué par les assureurs soit bien compris. Il faudrait un langage de vérité. Quant aux réseaux sociaux, il est grand temps, en 2016, de les mettre à profit ! Entre les réseaux sociaux et les sirènes des années cinquante, nous devons progresser !
On me demande de financer des dispositifs anti-grêle. Sont-ils vraiment efficaces ?
Je fais partie des élus qui souffrent du syndrome du nuage gris : ayant subi plusieurs inondations, je passe mon temps à scruter les cieux ! De fait, ma commune est inondée en moyenne tous les quatre ans depuis le 16ème siècle. Mais au 21ème siècle, ses habitants ne s'en accommodent plus. Nous sommes tombés dans l'excès de prudence : au moindre risque, une alerte. Dans quatre cas sur cinq, il ne s'agit que d'une pluie banale. Et, dans le cinquième, il peut y avoir des torrents de boue... Je sais bien qu'il est très difficile de localiser précisément une alerte. Mais la conséquence de leur multiplication est que les conseillers municipaux n'y prêtent plus vraiment attention.
J'ai été le champion de France des catastrophes naturelles. Quand l'état de catastrophe naturelle est déclaré pour une commune, une maison ayant subi les mêmes dommages mais située en dehors de son territoire n'en bénéficie pas. Anormal !
Le premier PLU du Pas de Calais a été fait pour ma commune, et j'ai essayé d'y introduire la vulnérabilité. J'ai constaté qu'elle faisait immédiatement baisser les prix du foncier et de l'immobilier. C'est donc une notion à manier avec prudence... La culture du risque, pourquoi pas ? C'est l'activité humaine qui est bien souvent responsable, surtout pour les inondations. Aux communes d'agir : il faut modifier les PLU, faire la chasse aux permis de construire de complaisance, bref, être raisonnable !
Les services de l'État nous cherchent parfois des poux dans la tête ! Ainsi, j'ai voulu installer une pompe pour assécher un marais. L'eau aurait été versée dans un canal, qui aboutissait à la mer. On me l'a refusé, car l'État me soupçonnait de vouloir rendre la zone constructible - alors que c'était impossible. L'autre raison était que je risquais de tuer des anguilles. Je crains que ce type d'argument ne passe pas dans la population ! Après la première inondation que j'ai vécue comme maire, en 1997, j'ai demandé à l'État de faire un plan de prévention du risque inondation (PPRI), pour que les responsabilités soient partagées. Il l'a accepté. Nous sommes en 2016, et j'attends toujours.
Enfin lorsqu'une commune réalise d'importants travaux et que les inondations et autres catastrophes diminuent, pourquoi ne toucherait-elle pas un bonus ? J'ai investi plusieurs centaines de milliers d'euros, avec l'aide du département, de la région et de l'État, et depuis six ou sept ans nous n'avons plus d'inondations. Un rabais sur la prime d'assurance ne serait pas injustifié !
Un accident a toujours plusieurs causes, et parfois des conséquences dramatiques. Ce fut le cas de Xynthia. L'afflux de dons qu'elle a suscité a été géré par l'association des maires de Vendée, dont je suis le secrétaire général. Nous avons défini trois priorités : financer ce qui n'était pas remboursé par les assurances, comme la réfection de voiries ; aider la protection civile, qui n'était pas équipée pour faire face à de tels phénomènes ; et recruter pour trois ans un chargé de mission, qui a incité chacune des 282 communes du département à élaborer un plan communal de sauvegarde. La vulnérabilité ne concerne pas uniquement Météo France, mais aussi les acteurs locaux, dont l'implication accélérera les choses.
À Madagascar, le système de prévention des cyclones est très simple : il y a trois drapeaux d'alerte, hissés par des enfants dans chaque village. Nous pourrions nous en inspirer sur nos réseaux sociaux !
Mon département a subi d'importants dommages lors de la tempête de 1999, qui y a même fait des morts. Il n'y avait pas eu d'alerte, ou s'il y en a eu, elle a été émise après la destruction des réseaux électrique et téléphonique. Heureusement, la situation s'est améliorée depuis. Les alertes se sont multipliées. Mieux vaut cela que l'inverse, bien sûr, mais le résultat est qu'elles perdent de leur pouvoir mobilisateur. Quant aux alertes par téléphone mobile, encore faut-il que ses destinataires soient dans des zones couvertes ! Une coulée de boue a eu lieu dans l'Est du département récemment, sans faire de victimes heureusement. Elle faisait suite à un orage, et venait de champs récemment labourés, qui étaient autrefois une zone d'élevage. C'est parce que les sols sont rendus hermétiques par la transformation de leur usage que nous sommes confrontés à ce type de phénomènes. Les anciens du territoire n'avaient jamais vu ça. Toutes les alertes du monde n'enlèvent rien à l'impact dévastateur de la bêtise humaine !
Une personne assurée au tiers n'est pas indemnisée, si je comprends bien. Pourtant, ce n'est pas elle qui a déclenché la catastrophe naturelle ! Les autres assurances qu'elle paie contribuent-elles au financement mobilisé ? En Normandie, la verdure était partout. Les évolutions culturales et la politique européenne ont changé cette couleur, et certaines vallées ont connu des inondations catastrophiques. La grêle n'est pas prise en compte, sauf à être assuré, ce qui coûte fort cher.
Or la grêle est l'exemple même du phénomène difficile à prévoir. Le téléphone sonne désormais trop souvent chez les maires, pour les avertir du moindre risque. Le mieux est l'ennemi du bien : il faudrait cerner plus précisément les risques.
Oui, nous recevons trop d'alertes, souvent injustifiées. On nous demande de les valider en appuyant sur une touche de notre téléphone. Je sens que mes collègues ne sont pas à l'aise avec ce dispositif.
Je suis maire depuis 24 ans. Autrefois, les deux tiers des sorties des SDIS et des pompiers étaient suscitées par des incendies. Nous avons fait des investissements considérables pour prévenir ce risque, dont l'occurrence a fortement diminué. Tant mieux ! Mais les cotisations aux assurances ont-elles diminué ? Après tout, cet argent public a été investi en partie au profit des assurances...
L'association VISOV nous fait prendre conscience de la révolution numérique que nous traversons. Les services publics doivent se montrer à la hauteur. Si des associations se substituent à eux, il faudra craindre que le rejet dont ils font déjà l'objet chez nos concitoyens ne s'amplifie.
Vous avez indiqué que la ministre souhaitait laisser l'initiative au terrain. Très bien ! Les mieux placés pour connaître les inondations sont les maires. Je le sais pour en avoir vécu beaucoup dans la commune que j'ai dirigée pendant 21 ans. J'ai fini par m'apercevoir qu'elles venaient d'un ruisseau engravé. Hélas, pour le nettoyer, nous devons solliciter l'avis de la police de l'eau, qui arrive parfois trop tard. La dernière fois, on nous a interdit de nettoyer nos pièges à sédiment en raison de la présence d'écrevisses à pattes blanches. Elles doivent aller vite, car je n'en ai jamais vu ! Il faut faire davantage confiance aux maires.
La prévention n'est pas fiable, notamment parce qu'elle n'anticipe pas la conjonction de phénomènes. Ainsi, les petits cours d'eau ne sont pas pris en compte, alors qu'on a vu récemment l'importance qu'ils pouvaient prendre. Il y a donc des améliorations à faire. Xynthia a eu le mérite de déclencher un vrai travail sur les plans de prévention des risques littoraux (PPRL). Les élus ont été entendus, et ont pris conscience du risque. Adjointe à l'urbanisme, j'ai été très satisfaite du dialogue avec les services de l'État. La chaîne humaine est importante, mais le manque de couverture numérique dans certaines zones l'interrompt. Les règles de sécurité et d'alerte doivent être simples et uniformes sur le territoire.
J'ai lu que le budget consacré à la prévention des risques naturels et hydrauliques avait baissé de 40 % depuis 2012. Est-ce exact ? La répartition des compétences est désormais plus claire : la région s'occupe des bassins d'expansion des crues, de la réhabilitation de zones naturelles ou humides, et l'État des infrastructures. Celles-ci sont parfois nécessaires, mais pas toujours.
La dernière crue en Ile-de-France ne correspondait pas aux modèles de prévision : elle a eu lieu au printemps et non en hiver, elle fut plus rapide que prévu, elle est arrivée par le Loing... On dit aussi que le capteur de Paris, dont l'État est responsable, était bouché. Un retour d'expérience serait bienvenu, auquel la région doit être associée, comme elle l'est aux modélisations, car elle est responsable du schéma directeur de la région d'Ile-de-France (SDRIF).
Certains agriculteurs, et en particulier des maraîchers, n'étaient pas couverts par leur police d'assurance. Où en est-on sur le problème des autorisations de curage des fossés et des mares ?
Un agriculteur a été définitivement condamné dans le Libournais. C'est injuste ! Quant à la grêle, c'est un risque assurable, et cela ne coûte pas si cher. Une loi d'Haroun Tazieff, dans les années 1980, a mis en place une convention avec les assurances à ce sujet. Il faut faire de la pédagogie sur ce point.
Je suis allé dans le Sud-Est avec M. Nègre. Pourquoi n'a-t-on émis qu'une alerte orange ? Comment mieux transmettre l'information ? Le recours au numérique exige que la couverture du territoire soit améliorée, et que les destinataires se connectent régulièrement. Nous devons développer notre culture du risque : il y a trop de comportements aberrants dans des situations d'urgence.
Je me réjouis de votre intérêt pour ces sujets, mais ne partage pas toutes vos conclusions. Le système national existe, et il est cohérent. Je confesse notre incapacité à faire comprendre la différence entre vigilance et alerte. Vous-mêmes avez sans cesse parlé d'alerte alors que vous aviez en tête la vigilance. La vigilance est l'information selon laquelle un phénomène naturel va concerner votre territoire, et qu'il peut avoir des suites. L'alerte est émise lorsque ledit phénomène est là et que ses conséquences sont certaines.
Non : la vigilance elle-même peut être rouge, alors même que le phénomène n'a pas commencé. Ayant été directeur de cabinet du préfet de la Réunion, je vous assure que la vigilance cyclonique fonctionne parfaitement là-bas.
Vous voyez bien : il vous a fallu deux minutes pour expliquer la différence, et encore, devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ! Nous aurons du mal... Vigilance, pourquoi pas, mais alerte ? C'est trop tard, le phénomène est arrivé, la bombe est tombée. Il faudrait un autre terme.
L'administration ne fait qu'appliquer la loi. Vous pouvez changer le code de la sécurité intérieure...
Je vous signale tout de même que, dans mon département, les services de l'État émettent des alertes météo pour dire qu'il pleuvra peut-être !
Certes, un travail de maillage fin s'impose. Météo France a en charge la vigilance météorologique, mais nombre d'autres opérateurs relaient des analyses issues d'autres institutions. C'est cela qui brouille la notion de vigilance, qu'aucun corpus juridique ne protège.
L'application SAIP n'est pas la panacée, bien sûr. Outre la question des zones blanches, elle repose sur la volonté de chacun de s'identifier ou non - le ministère de l'intérieur a cependant imposé qu'aucune information individuelle ne lui soit transmise. Les alertes peuvent être reçues soit en sélectionnant les codes postaux des villes qui vous concernent, soit en faisant filtrer les alertes par le téléphone, qui sait toujours, par géolocalisation, où vous vous trouvez. L'application sera débridée le 1er septembre pour couvrir tous les risques, et constituera un outil appréciable pour les maires et les préfets.
Nous travaillons à la valorisation des signalements issus du terrain. C'est un travail important, qui implique aussi de repenser les chaînes de mobilisation des services de secours. Une convention est en voie de signature avec VISOV, après plusieurs années de coopération. Ainsi, lors de l'accident de Brétigny, VISOV nous a beaucoup aidés à relayer les consignes de sécurité et à gérer la crise.
Dans une catastrophe naturelle, les véhicules ne représentent que 10 % du coût. Aussi, les 15 % de véhicules non-assurés ne pèsent pas lourd... Si vous souhaitez que la garantie contre les catastrophes naturelles soit obligatoire, cela ne tient qu'à vous !
Il existe un malus pour les communes qui, suite à un certain nombre d'arrêtés de catastrophe naturelle, n'ont pas mis en place de plan de prévention. Les franchises sont alors majorées. Nous pensons que ce système n'est pas bon. Un chef d'entreprise qui a subi 100 000 euros de dégâts doit-il voir sa franchise de 10 000 euros multipliée par trois ou quatre parce que sa commune n'a pas fait un plan de prévention ? C'est un peu rude. Aussi avons-nous proposé des aménagements à ce système dans le livre blanc.
Les récoltes non engrangées ne sont pas couvertes par le dispositif prévu pour les catastrophes naturelles. Jusqu'en 2005, toutes les récoltes non engrangées étaient couvertes par le fonds de garantie des calamités agricoles, mais celui-ci fonctionnait assez mal. Aussi, à la demande du ministère, avons-nous développé des contrats d'assurance couvrant les exploitants agricoles contre tout type de périls : grêle, inondation, sécheresse... Mais cela a un coût ! Du coup, les exploitants agricoles ne peuvent pas tous souscrire à ce type de contrats, malgré les subventions les y aidant. Beaucoup de céréaliers et d'exploitants viticoles en ont souscrit, mais les maraîchers ou les arboriculteurs ont plus de mal à le faire. Ils restent donc dépendants du fonds, devenu fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), qui compense plus qu'il n'indemnise.
- Présidence de M. Louis Nègre, vice-président -
Il me semble que la loi dite GEMAPI (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) avait prévu la diminution de la prime d'assurance des collectivités territoriales qui avaient fait des travaux réduisant les risques. Qu'en est-il ?
Le tarif est fixé par la loi, et c'est le législateur qui a voulu que le système d'assurance des catastrophes naturelles soit solidaire. Nous nous contentons donc d'appliquer le taux de 12 % prévu par les textes, sans prendre en compte l'exposition individuelle. A l'inverse, en Grande-Bretagne, le système est totalement libéralisé, et 30 % des acteurs ne sont pas assurés. En cas de sinistre, il y a 30 % de détresse financière. Et on a vu lors des grosses inondations en Allemagne, qui ont coûté entre 6 et 7 milliards d'euros, qu'un Allemand sur deux n'était pas assuré.
Je comprends, mais ce n'est pas ce qui est prévu par la loi GEMAPI. Il y a là une contradiction que nous devons signaler et résoudre.
Je préside la Commission de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. La réglementation prévoit un mécanisme de modulation de franchise, à l'impact toutefois limité. Pour répondre à M. Poher, le maire ne fait que demander à l'État la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, il ne reconnaît pas cet état par lui-même. S'il ne fait pas la demande, l'instruction n'est pas faite, sauf décision politique de très haut niveau prise après des évènements exceptionnels.
Il peut la faire. Ce n'est pas l'intensité des dégâts qui compte mais celle de l'évènement climatique, qui doit être supra-décennal.
Oui, du moins pour notre commission, qui ne fait que rendre un avis. En effet, les infrastructures d'écoulement d'eau sont conçues en fonction du risque décennal.
Merci pour cette précision, qu'il faut diffuser à nos collègues maires.
Nous avons en effet un gros travail de pédagogie à conduire.
J'en suis le vice-président ! Il s'agit d'une instance réunissant une fois par an des techniciens de la vigilance. Un rapport annuel est publié par mon directeur général et celui de Météo France. Celui de 2015 devrait être signé incessamment.
L'association des élus locaux à vos décisions nous paraît insuffisante. Il faut leur faire confiance ! Je demanderai au président de réunir de nouveau notre commission sur ce thème dans un an, pour faire le point. Assez de paroles en l'air !
Non, le budget de la prévention des risques n'a pas baissé de 40 % depuis 2012 : les ressources du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit Fonds Barnier, ont augmenté. En tout, le budget en question s'est donc plutôt accru.
Oui, la lutte contre les inondations ne doit pas se limiter à la construction de digues ou d'infrastructures, il faut aussi adapter l'occupation des sols en trouvant un juste équilibre après une analyse poussée des coûts et des bénéfices. Le curage d'un cours d'eau peut réduire localement les inondations mais, s'il accélère l'écoulement, il peut avoir des conséquences en aval.
Il y a eu en effet un dysfonctionnement sur un capteur du pont d'Austerlitz. Sans doute faudra-t-il dédoubler le matériel dans les endroits sensibles. Cela dit, la prévision a globalement bien fonctionné.
Je ferai passer le message.
Je comprends l'ennui qu'occasionne la multiplication des vigilances, et celle-ci ne va pas s'arrêter ! Google va en créer une sur la France, et nous n'y pouvons rien. Cela posera des problèmes, car il pourra y avoir des prévisions contradictoires.
Non. D'ailleurs, plusieurs organismes, à l'étranger, effectuent des prévisions météo concernant notre territoire. Lors d'une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, nous rendons un avis uniquement sur le territoire des communes qui ont déposé un dossier. L'impression qu'il y a trop de vigilances vient peut-être du fait que celles-ci sont émises par département, et que le bulletin qui leur est associé est peu lu - sans doute est-il trop complexe.
Si ! On est toujours en vigilance.
Dans le cas des Alpes-Maritimes, nos prévisionnistes ont émis une vigilance orange le matin, pour 24 heures.
Uniquement du bulletin, sauf en cas de phénomène très violent.
Lorsque nous l'avons compris, le phénomène avait déjà commencé. Fallait-il passer en vigilance rouge ?
La prévision statistique se fait en amont. Grâce aux radars, les prévisionnistes découvrent en temps réel que le phénomène dépasse leurs prévisions. J'ai demandé à Météo France que, dans ce cas, une alerte soit immédiatement émise. Cela ne signifie pas que, dans ce cas précis, il aurait fallu émettre une vigilance rouge, car cela n'était pas possible en l'état de nos capacités.
Je suis maire de Cagnes-sur-Mer. Si nous avions reçu une vigilance rouge, même tardivement, nous aurions pu mieux réagir. Avec la vigilance orange, nous avons tous dormi tranquillement alors que le ciel nous tombait sur la tête.
Techniquement, nous ne sommes pas capables de procéder à une objectivation scientifique aussi rapidement. Nous y travaillons.
Le prévisionniste basé à Toulouse ne voit pas tout, sans doute. Mais le pluviomètre de Théoule-sur-Mer, lui, savait ce qu'il se passait ! Vos prévisionnistes savaient une heure avant que nous aurions un grain très particulier. Et on ne nous a rien dit. J'espère que vous travaillez sur ce dysfonctionnement.
Nous comprenons qu'il faut introduire la vulnérabilité dans la vigilance, mais nous hésitons sur la manière de le faire.
Le ministre de l'intérieur a demandé aux préfets de réactiver les conseils départementaux de sécurité civile.
Quant aux évolutions numériques, elles ont fait l'objet des travaux du dernier conseil supérieur de la météorologie. L'enjeu est de bien traiter les remontées d'information. Nous disposons déjà d'un compte Twitter.
Il faut aussi que les réseaux n'aient pas été détruits. Peut-être l'emploi de téléphones satellitaires doit-il être envisagé.
Contre la grêle, les filets sont efficaces, mais assez coûteux.
Dans les zones blanches, nous ne pouvons pas faire grand-chose. Cela dit, en libérant le wifi des particuliers - box ou téléphones portables - on peut créer des réseaux. Avec l'aide d'associations comme Urgence-Télécom, nous pouvons aussi mettre en place une bulle tactique, en installant une grande antenne sur une remorque.
Nous devrions songer à créer des réseaux d'observateurs, comme il en existe pour les cours d'eau. Avec les réseaux sociaux, nous avons des yeux partout et en permanence. Il faut les utiliser. Certes, la parole d'un simple citoyen peut être jugée moins fiable que celle d'un professionnel, mais si dix personnes affirment qu'une rue est inondée, il y a peu de chances que l'information soit erronée. Et cela impliquerait nos concitoyens dans la prévention.
Merci à tous. Et rendez-vous dans un an pour faire le point !
La réunion est levée à 12 h 10.