Mes chers collègues, nous organisons aujourd'hui une table ronde à laquelle nous avons convié les organisations représentatives estudiantines.
Cette mission d'information a été demandée par le groupe Union centriste du Sénat, qui a souhaité que le président de la commission de la culture, de l'éducation et de la commission, Laurent Lafon, en soit le rapporteur.
Elle a trois objectifs essentiels. Le premier est de dresser un bilan de la façon dont la vie étudiante a pu être touchée par la pandémie en cours. Le deuxième objectif consiste à essayer de comprendre comment nous pourrions collectivement mieux faire face à des crises similaires qui pourraient arriver dans le futur. Le dernier objectif, primordial à nos yeux, est d'avoir une réflexion plus large et plus systémique sur les conditions de la vie étudiante, en essayant d'être force de propositions pour permettre de régler un certain nombre de dysfonctionnements structurels, mis en lumière et accentués par cette crise pandémique.
Mes chers collègues, nous sommes ici réunis dans le cadre de la mission d'information relative aux conditions de la vie étudiante en France, et non pour aborder d'autres sujets d'actualité. Certains pourraient être tentés de le faire, mais je précise que ce n'est pas le lieu.
Il nous est apparu important de recevoir les organisations représentatives des étudiants, comme nous en avons eu l'occasion dans d'autres circonstances et à propos d'autres thèmes. Le débat s'enrichit en effet du dialogue, sans exclusive et avec le souci que chacun soit entendu.
Cette mission a pour objet d'analyser le malaise étudiant, malaise que l'on ressentait avant la crise et que l'opinion publique a peut-être découvert avec beaucoup plus d'acuité pendant la pandémie. Notre problématique consiste à en analyser tous les ressorts et à essayer de trouver des solutions afin que la crise ne soit pas qu'une parenthèse, mais que des solutions plus pérennes et durables soient apportées aux difficultés des étudiants en général.
La table ronde de ce matin est organisée en deux temps. Le premier portera sur le bilan de la crise sanitaire, qui n'est évidemment pas terminée - et c'est peut-être à ce stade l'une des difficultés de l'analyse, mais nous avons néanmoins depuis un an une vision assez précise des choses.
Nous évoquerons dans un deuxième temps les difficultés du monde étudiant en tentant de nous extraire de l'actualité afin de déterminer les phénomènes préexistants à la crise et de trouver des solutions.
De quelle façon avez-vous pu identifier les étudiants les plus en difficulté ? Nous avons parfois entendu des informations un peu différentes sur ce point, et nous aimerions vous entendre à ce sujet.
Par ailleurs, quels ont été les besoins essentiels de ce public auxquels il a fallu faire face ? Quelles initiatives avez-vous prises en tant qu'associations et organisations représentatives des étudiants pour essayer de leur venir en aide ? Quel est votre bilan de cette période et quelles leçons en avez-vous tiré pour l'organisation de vos actions futures ?
Tout d'abord, l'identification des étudiantes et des étudiants qui avaient besoin d'aide a été assez rapide, un certain nombre de jeunes nous sollicitant déjà à travers nos actions associatives quotidiennes. Il est toutefois à noter que, bien souvent, les étudiantes et les étudiants les plus éprouvés sont également celles et ceux qui sont les plus difficiles à identifier.
Leurs priorités concernent trois domaines sur lesquels nous avons concentré nos actions depuis le début de la crise sanitaire : le social, notamment en matière de logement et d'aide alimentaire, l'académique, avec le renforcement de la question de la fracture numérique et des lacunes liées à l'accompagnement pédagogique, et le sanitaire, en particulier le sujet de la santé mentale.
Pour chacune de ces priorités, nous avons mis en place ou développé des actions visant à créer un filet de sécurité minimum. Dès le début de la crise, le tissu associatif, qui constitue la base militante de la FAGE, a renforcé la lutte contre les difficultés que peuvent rencontrer les étudiantes et étudiants. Une partie de ces derniers se retrouvant dans le besoin se tournent naturellement vers les Agoraé - épiceries sociales et solidaires -, gérées par les étudiants pour les étudiants. Elles constituent à la fois un lieu de vie qui promeut la mixité sociale et permet de lutter contre l'isolement, point assez important, notamment depuis le début de la crise sanitaire, et une épicerie où l'on peut trouver des produits à 10 % du prix du marché, ce qui favorise une continuité du service et une déculpabilisation des bénéficiaires.
L'épidémie nous a cependant poussés à réorganiser ce fonctionnement afin de passer à des distributions de colis pour éviter d'exposer les bénévoles et les bénéficiaires à des risques sanitaires supplémentaires.
Ce sont ainsi plus de 150 000 paniers qui ont été distribués sur l'ensemble du territoire métropolitain depuis le début de la crise sanitaire - des colis alimentaires ou produis d'hygiène pour une semaine en moyenne -, mais également dans les départements et régions et dans les outre-mer, notamment en Guadeloupe ou en Polynésie française, où la demande est très forte.
Pour vous donner un ordre d'idées, nous avons accueilli plus de bénéficiaires entre mars et juillet de l'année passée que depuis le début de la création des épiceries sociales et solidaires, en 2011, ce qui est symptomatique de la gravité de la situation.
Des dispositifs de logements provisoires ont également été mis en place à Strasbourg, Angers, Troyes ou Grenoble car de plus en plus de jeunes sont aujourd'hui à la rue et dorment dans des campings depuis la rentrée universitaire ; il s'agit d'un phénomène assez nouveau que l'on est désormais en mesure d'identifier.
Ces dispositifs de logements provisoires ne bénéficient malheureusement pas à tous les jeunes sur l'ensemble du territoire. C'est une action relativement nouvelle que l'on commence seulement à prendre en charge.
Des actions sont également été réalisées pour lutter contre la fracture numérique (distribution de clés 4G, par exemple) et des mesures ont concerné la mise en place de tutorats et d'accompagnements pédagogiques par des jobs étudiants.
Côté santé, il s'agit surtout d'inclure dans nos interventions les actrices et les acteurs de santé publique - assistantes sociales et assistants sociaux du Crous, professionnels des services de de santé universitaires - et de relayer les campagnes de communication destinées à améliorer l'information et à lutter contre le non-recours, ce dernier étant l'un des principaux écueils que l'on a rencontrés depuis le début de cette crise sanitaire.
L'une des plus grandes leçons à tirer de cette période concerne en effet le taux de non-recours. Comment aller chercher des jeunes, étudiantes et étudiants ou non, qui n'ont pas l'information pour accéder aux dispositifs d'aide, qu'il s'agisse des mesures prises depuis le début de la crise sanitaire par le Gouvernement ou des initiatives associatives et militantes que d'autres organisations ici présentes ont pu développer ? Comment disposer d'un relais d'information suffisant pour permettre à l'ensemble des jeunes de bénéficier de tous les services qui peuvent être mis à leur disposition et comment les accompagner?
A titre liminaire, je n'ai aucune envie d'évoquer un autre sujet que celui qui nous occupe aujourd'hui. Je ne sais à qui s'adressait cette remarque mais, en ce qui me concerne, je n'en ai pas l'intention, car je pense que ce qui intéresse les étudiants, c'est ce dont nous discutons ce matin et rien d'autre !
Le constat que fait l'UNEF est très similaire à celui qui a été dressé juste avant. Il se trouve que nos quatre organisations ont d'ailleurs participé aux travaux d'une mission d'information de l'Assemblée nationale et qu'elles tirent toutes des conclusions très concordantes de cette situation. Le fait que toutes les organisations étudiantes soient d'accord démontre que nous sommes dans une situation vraiment critique.
Nous avons identifié trois problématiques : une problématique sociale, une problématique universitaire et une problématique de santé mentale.
Pourquoi en est-on arrivé là, notamment sur le plan social ? L'UNEF constate que la précarité étudiante a explosé. Elle était déjà là, mais on atteint des niveaux qui ne l'ont jamais été. Les étudiants qui dorment dans leur voiture sont devenus une situation de plus en plus courante. Certains, pendant la crise sanitaire, ont en effet perdu leur logement. La crise a donc confronté des étudiants à de grandes difficultés.
Les médias ont montré les files d'attente lors des distributions alimentaires. La précarité menstruelle, l'accès aux protections périodiques et aux produits d'hygiène sont également problématiques. Le système d'aide sociale actuel est déjà à bout de souffle et ne nous offre que deux choix : dépendre de nos parents ou nous salarier. Or la crise a affecté à la fois nos familles et l'emploi étudiant.
Les étudiants qui ont été les plus touchés par cette crise sanitaire sont ceux qui occupaient un logement en propre et, ne vivant pas chez leurs parents, ont dû assumer les coûts de ce logement.
Comment avons-nous tiré ces constats ? Nous organisons chaque semaine des permanences syndicales sur les différents territoires. Pendant la crise sanitaire, nous avons dû mettre en place des dispositifs spécifiques. Nous avons, lors du premier confinement, développé avec plusieurs organisations un dispositif appelé « SOS Éducation - Ensemble face au Covid-19 », avec une hotline disponible tous les jours et des permanences régulières. Nous faisions le lien entre les lycéens, les étudiants, les parents d'élèves, etc.
Nous avons dû pérenniser ce dispositif. La hotline est restée installée tout au long de la crise sanitaire. Elle est encore active aujourd'hui. Au-delà, nos sections locales ont dû mettre en place de nouveaux dispositifs de permanence syndicale en s'appuyant sur les réseaux sociaux et sur différents outils pour pouvoir toucher un maximum d'étudiants, car ceux-ci étaient dans une situation critique et n'ont pas eu accès aux services des universités jusqu'à il y a peu.
Nous constatons dans ces permanences un besoin d'accompagnement très fort concernant les aides d'urgence. Cela se retrouve par ailleurs dans les chiffres du réseau des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), où l'on constate une augmentation de 50 à 60 %. Les difficultés alimentaires ont amené l'UNEF à développer des dispositifs de distribution gratuite d'aide alimentaire sur différents territoires. Nous déplorons de semaine en semaine une augmentation du nombre de demandeurs. Plus l'information circule, plus il y a du monde lors de ces distributions.
Nous avons identifié certains profils spécifiques, comme les étudiants étrangers, particulièrement touchés par la crise. Ces étudiants n'ont en effet pas accès au système d'aide sociale et recourent beaucoup au salariat. C'est pourquoi ils ont été particulièrement affectés.
Cela se retrouve également dans les chiffres du réseau des Crous : alors que les étudiants étrangers constituent 13 % de la population étudiante, ils représentent 50 % des demandes d'aide d'urgence.
Nous notons également une augmentation de 3 % du taux d'échec dans les universités. Les différentes promesses faites par le Gouvernement au sujet des examens n'ont pas forcément été tenues, notamment concernant les sessions de substitution. Je rappelle que des étudiants se sont rendus à des examens alors qu'ils étaient infectés !
S'agissant du bilan, les sujets qui viennent d'être évoqués existaient auparavant mais ont été exacerbés par la crise. On l'a dit, la précarité existe de façon structurelle dans le milieu étudiant, pour les raisons qui ont été décrites. Aujourd'hui, pour faire face à la pauvreté et à la précarité, on peut soit compter sur le salariat, soit sur l'aide familiale. Ces deux domaines ayant été touchés par la crise, beaucoup d'étudiants se sont retrouvés dans une situation plus difficile que précédemment, avec une hausse des décrochages, mais aussi des changements d'orientation.
Ainsi, certains élèves, en juin dernier, ont opté pour des filières se déroulant plus près de leur lieu de résidence, afin de demeurer chez leurs parents en cas de nouveau confinement et mieux vivre la situation.
La crise a également eu des répercussions sur la santé mentale. Les suicides ont encore augmenté depuis la rentrée de septembre. Le suicide était la deuxième cause de mortalité chez les jeunes depuis un certain temps. Depuis septembre, et notamment en décembre et janvier, nombre de suicides sont survenus sur le lieu même des études, ce qui démontre clairement que ce phénomène est directement lié à la crise sanitaire.
Personne n'a été épargné. On essaye toujours de hiérarchiser, mais tout le monde a été touché. Certains profils ont toutefois subi la crise plus que d'autres : étudiants et étudiantes étrangers, étudiants et étudiantes en situation de handicap, pour qui les aménagements n'ont pas toujours été mis en place du fait du passage au tout distanciel, étudiants et étudiantes présents sur les sites délocalisés, comme les instituts universitaires de technologie (IUT) ou les sites hors des campus principaux.
De fait, ces derniers n'avaient pas accès à tous les outils mis à disposition des Crous et des universités, comme les repas à 1 euro ou l'accès à des professionnels de santé dans le cadre des services de santé universitaires. .
Ces étudiants connaissaient déjà ces types de difficulté auparavant, mais les ont vu s'aggraver durant la crise.
Nos organisations alternatives ont agi dans deux directions principales.
Elles sont tout d'abord intervenues en matière de distribution gratuite de produits alimentaires et d'hygiène afin, comme on l'a dit, de lutter contre la précarité menstruelle. Tous ces produits sont encore très demandés aujourd'hui.
Elles ont ensuite engagé des actions d'information et d'accompagnement concernant les aides disponibles. Déjà avant la crise, il n'était pas toujours évident de s'y retrouver et cela s'est aggravé depuis, les dispositifs pouvant être différents selon les universités, les Crous et les collectivités territoriales. Tout notre travail a consisté à les lister. Cette situation a été renforcée par le fait qu'il n'y a pas forcément eu de cadrage national.
Nous avons eu l'occasion, comme cela a été dit, de participer à une table ronde similaire à l'Assemblée nationale en septembre. Malheureusement, peu de choses ont changé et les problématiques sont toujours là.
Il existe selon l'UNI deux problématiques majeures exacerbées par la crise, celle de la valeur du diplôme et celle de la précarité étudiante.
La question de la valeur du diplôme est bien évidemment liée à la qualité de la formation qui est dispensée en ce moment à nos étudiants et à leur future insertion professionnelle. J'aimerais, pour compléter ce qui a été dit auparavant, vous apporter des précisions complémentaires sur ce qui se passe dans les universités.
Il faut reconnaître que la qualité de la formation des 2,7 millions d'étudiants français est très dégradée par le distanciel. Nous travaillons depuis longtemps avec le ministère sur ce sujet, et nous l'avions déjà dit : le plus gros chantier, ce sont les plateformes numériques sur lesquelles reposent les différents cours à distance.
Nous avons bien constaté, durant le premier confinement, les retards qu'ont pu connaître les universités à ce sujet. Certes, des progrès ont été enregistrés, mais il y a encore énormément de choses à faire. L'enseignement en distanciel dégrade la qualité de la formation. Les professeurs sont parfois eux-mêmes débordés par cette nouvelle organisation.
Par ailleurs, il existe des fraudes massives en matière d'examen à distance. Les employeurs, les professeurs, les statistiques et les enquêtes le confirment. Les employeurs ont eux-mêmes laissé entendre que les diplômés de 2020 et 2021 seraient défavorisés par rapport aux autres. Les examens en distanciel sont donc aussi très dommageables pour nos diplômes. Doit-on rappeler que nous étudions pour avoir un métier, nous insérer professionnellement et trouver un emploi ?
En 2020, près de 55 % des étudiants en master 2 n'avaient pas trouvé de travail au bout de six mois. C'est un chiffre assez alarmant. La crise n'a fait qu'exacerber ces problématiques se posaient.
S'agissant de la précarité sociale, les sujets du logement et de la santé mentale ont déjà été soulevés. M. Piednoir l'a exprimé sur Public Sénat ce matin : la vie sociale des étudiants est inexistante et très compliquée.
Enfin, le gros point noir des politiques publiques concerne plus particulièrement les étudiants issus de la classe moyenne, qui souffrent tout autant que les autres, mais qui n'ont pas toujours pu bénéficier des différents dispositifs d'aide mis en place par le ministère dans le cadre de cette crise.
En quoi la crise que nous connaissons depuis maintenant un peu plus d'un an est-elle révélatrice des difficultés qui existaient déjà avant la pandémie ? Quelles sont, selon vous, les priorités, en termes de politiques publiques, pour que la sortie de crise soit l'occasion d'améliorations réelles de la vie des étudiants dans une perspective à moyen et long termes ?
Au-delà, quels étudiants ne bénéficient pas, selon vous, de l'appui des pouvoirs publics, alors qu'ils sont en situation de forte précarité matérielle ? Certains d'entre vous ont déjà évoqué quelques pistes, mais il nous importe de savoir qui sont les étudiants qui passent sous le radar des systèmes d'aides publiques, nationales ou locales.
Vous avez évoqué les uns et les autres la question de l'organisation des sites étudiants. L'un d'entre vous a parlé des sites décentralisés ou éloignés des grands campus étudiants. Cela pose la question de la localisation géographique des lieux d'études. Une organisation très délocalisée, au plus près des lieux de vie et d'habitation des étudiants, et un regroupement autour d'un campus constituent deux schémas différents.
Nous souhaiterions vous entendre sur ce point, ainsi que sur la question de la valeur des diplômes et celle de l'insertion professionnelle. Le questionnement est évidemment très fort du fait de la crise, mais on sent que l'angoisse est profonde chez les étudiants.
La crise a été révélatrice de difficultés qui étaient présentes depuis un certain temps. Les rapports de l'Observatoire de la vie étudiante (OVE) qui vont en ce sens remontent à de nombreuses années - 2008, 2012, 2016. La création des épiceries sociales et solidaires, en 2011, était destinée à répondre à un besoin déjà existant et bien antérieur à cette date.
Les classes moyennes et modestes ont pu être fortement touchées par la crise sanitaire. Des étudiants n'ont pu travailler pendant l'été 2020 pour gagner de l'argent ou n'ont pas trouvé d'emplois étudiants en parallèle de leurs études, notamment dans les secteurs du tourisme, de l'alimentation, du petit commerce ou des services comme les cours à domicile ou le baby-sitting, qui ont fortement été affectés par la crise sanitaire. C'est pour cette raison qu'il est important d'agir.
Par ailleurs, le « Plan 60 000 logements » est aujourd'hui au point mort. En septembre 2019, la réalisation de 30 000 logements était prévue pour la fin du quinquennat. Cette question doit être prioritaire, puisque le logement est l'un des premiers vecteurs d'émancipation et de réussite. Il est difficile de pouvoir suivre un cursus universitaire lorsqu'on n'a pas de toit.
Il faut donc repenser les politiques de construction de l'habitat afin qu'elles prennent en compte des enjeux plus contemporains, comme la crise intergénérationnelle, dont on voit les prémices, afin de trouver des solutions permettant d'impulser des dynamiques à moindre coût.
Un filet de sécurité minimum pour les jeunes et, plus particulièrement, pour les étudiantes et les étudiants, a été promis depuis un certain temps et nous l'attendons tous, s'agissant notamment de la question de la réforme des bourses sur critères sociaux. Ces dernières ne concernent pas aujourd'hui une assez grande assiette de jeunes. Certains sont en dehors de ces dispositifs, et c'est pourquoi il faut envisager une refonte plus structurelle afin de disposer sur le long terme un filet de sécurité minimum. Cela passe aussi par une revalorisation du montant des bourses et par leur indexation sur l'inflation. Quand le coût de la vie augmente alors que les aides n'évoluent pas, les choses peuvent vraiment devenir compliquées.
Le système d'aides financières génère des inégalités ; un ménage peut ainsi percevoir 25 000 euros par an, alors qu'un autre peut bénéficier de 35 000 euros. Ce type d'écart dans l'attribution des bourses sur critères sociaux nécessité d'être réformé.
La pérennisation des mesures prises pendant la crise sanitaire doit à notre sens également être étudiée, en particulier le doublement des capacités en psychiatrie et le recrutement de psychologues pour des consultations gratuites.
Une enquête de l'institut de sondage IPSOS a révélé la semaine dernière que 42 % des jeunes en recherche d'emploi déclarent aujourd'hui avoir des pensées suicidaires à cause de leur situation. Il faut donc les aider à s'insérer sur le marché du travail et leur offrir un accompagnement financier et humain. C'est une demande qui a été étudiée par le Conseil d'orientation des politiques de jeunesse (COJ), dans le cadre des réflexions sur la « garantie jeune universelle ». Peu importe qu'on l'appelle ainsi ou qu'on étende le revenu de solidarité active (RSA) : il faut un filet de sécurité minimum pour les jeunes qui sortent des études, qui ne sont pas pris en compte dans les dispositifs des politiques publiques à l'heure actuelle et qui souffrent d'un manque d'accompagnement financier et humain.
Enfin, il reste beaucoup à faire s'agissant des questions de santé. On enregistre de nombreuses lacunes sur le taux de non-recours, ainsi que j'ai pu le dire, et certains jeunes renoncent aux soins pour des raisons financières. Leur nombre a augmenté de 11 % depuis le début de la crise sanitaire. 43 % des jeunes sont concernés. Une extension de la complémentaire santé solidaire, issue de la fusion entre l'aide au paiement d'une complémentaire santé (ACS) et la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), à l'ensemble des jeunes permettrait de proposer une mutuelle en rapport avec leur situation financière.
Des pans entiers de l'enseignement supérieur ont été oubliés dans cette crise. Je pense notamment aux étudiants en BTS et à la manière dont vont se dérouler leurs examens. On leur impose de les passer en présentiel, alors que l'on vient d'annoncer un confinement et que leurs deux années de cours ne se sont pas déroulées normalement ! Ils demandent donc un contrôle continu.
Il en va de même du secteur de la culture. Énormément d'étudiants s'inquiètent car il leur a été quasiment impossible de trouver un stage pendant un an. Bien d'autres secteurs ont été touchés, mais je voulais attirer votre attention sur ce sujet.
S'agissant du décrochage, le débat ne porte pas simplement sur la valeur du diplôme. Nos enseignants ont tout fait pour nous offrir des formations de qualité. Le problème vient des moyens qui ont été accordés aux universités pour permettre la tenue de ces enseignements et la manière dont on dispense aujourd'hui la pédagogie en France.
L'urgence, à la rentrée prochaine, portera sur le fait de savoir comment permettre le retour en présentiel pour une majorité d'étudiants, la façon de concevoir les cours à l'aune des nouveaux outils pédagogiques. C'est ce que nous appelons la « révolution pédagogique » : l'enjeu est de ne laisser personne derrière, notamment les étudiants issus des classes sociales les plus défavorisées.
Les hôpitaux ont du mal à tenir face à la crise parce qu'ils sont sous-financés depuis des années : on peut dire la même chose des universités, notamment concernant le réseau des Crous, dont le rôle principal est de lutter contre la précarité étudiante.
Le système d'aide sociale de l'enseignement supérieur n'est pas adapté. Il est infantilisant parce qu'il fait dépendre les étudiants des revenus de leurs parents ou des revenus du salariat. Il est injuste parce qu'il exclut les trois quarts des étudiants, qui ne sont pas boursiers en raison d'un niveau de revenus de leurs parents supérieur au seuil fixé ou d'une exclusion de fait. C'est, par exemple, le cas des étudiants étranger qui, quels que soient leurs revenus, n'ont pas accès aux bourses. Ce système est également insuffisant - un tiers des étudiants boursiers touchent 100 euros par mois - avec un échelon maximal qui plafonne au niveau du RSA.
Ces difficultés financières existent depuis des années. Face à cela, les étudiants se salarient ou bénéficient de l'aide de leur famille. Ceux qui ont perdu leur emploi n'ont aujourd'hui plus de revenus.
Nous réclamons donc une réforme du système des bourses et des mesures concernant les aides directes. La politique actuelle du Gouvernement est basée sur les aides indirectes, comme le ticket de restaurant universitaire à un euro - qui peut être une bonne chose. Toutefois, lors du premier mois, 2,3 millions de repas à un euro ont été distribués, alors qu'on compte 2,7 millions d'étudiants, soit, sur un mois, moins d'un repas en moyenne par étudiant. Cette différence s'explique par le manque de restaurants universitaires dans certains territoires ; il est donc préférable de recourir aux aides directes pour lutter contre la précarité. Les aides d'urgence, entre janvier et février, ont augmenté de 50 à 60 % par rapport à l'année dernière. Cela prouve que les étudiants ont vraiment besoin de ce type d'aide
Une deuxième aide directe, d'un montant de 150 euros, a été promise par le Président de la République lors de son passage sur Brut. Cependant, nous n'avons jamais vu cette aide arriver. Depuis 2017, la ministre de l'enseignement supérieur a promis trois fois de mettre en oeuvre des discussions autour de la réforme des bourses. Celles-ci n'ont toujours pas eu lieu.
Il est donc nécessaire de réfléchir au système de protection sociale des jeunes en formation, faute de quoi ils ne pourront plus accéder à l'enseignement supérieur.
Le problème principal vient du fait que les étudiantes et les étudiants ne bénéficient pas de protection sociale. C'est un sujet qui est connu depuis très longtemps. Il est dû à l'allongement de la durée des études depuis la Seconde Guerre mondiale. Le système social ne s'est pas adapté à la situation décrite par de nombreux chercheurs et de chercheuses depuis des décennies. Aujourd'hui, on se rend compte des conséquences très concrètes que cela peut avoir.
Il est donc nécessaire de revoir totalement le système actuel des bourses, notamment s'agissant de la situation familiale. Les bourses sont actuellement calculées sur le revenu des parents, ce qui ne présage en rien de la réalité sociale, car on peut être en rupture familiale. Il faudrait donc commencer par rompre avec ce système et élargir le nombre de bénéficiaires afin d'augmenter les montants, les bourses les plus élevées étant aujourd'hui inférieures de 500 euros au seuil de pauvreté.
Cette réforme est promise depuis un moment, mais aucune concertation n'a été mise en oeuvre. Si elle doit entrer en vigueur à la rentrée prochaine, on peut s'inquiéter du fait qu'on n'en ait pas encore discuté ! Soit la réforme est déjà prévue et on n'a pas l'intention de nous associer à son élaboration, soit rien n'est prévu, ce qui est extrêmement inquiétant étant donné la situation que l'on connaît aujourd'hui.
Une action structurelle sur le budget de l'enseignement supérieur doit également être menée. On sait d'ores et déjà que la rentrée ne se passera pas bien, puisque le budget qui a été voté est insuffisant pour permettre que les étudiantes et les étudiants aient cours en présentiel et pour accueillir les futurs bacheliers et bachelières.
Nous ne serons de fait pas en mesure de bien gérer cette rentrée. Il faut donc investir dès maintenant dans le budget de l'enseignement supérieur. On sait qu'il faut titulariser les enseignants et enseignantes recrutés en contrat précaire ou comme vacataires. Ces personnes n'attendent que cela. Une telle mesure permettrait de régler une partie du problème.
Il en va de même concernant la santé mentale, dont la situation était déjà préoccupante auparavant. Aujourd'hui, on compte en moyenne un ou une psychologue pour 30 000 étudiants et étudiantes. Des annonces ont été faites concernant l'augmentation du nombre d'assistantes sociales et de psychologues, mais c'est une rustine ! Il faut aller beaucoup plus loin et concevoir un vaste plan de lutte contre la précarité étudiante, en faveur de la santé mentale, et transformer les services universitaires de médecine préventive et de promotion de la santé (SUMPPS) en centres de santé universitaires pour accueillir différents secteurs en leur sein.
S'agissant de l'organisation géographique, il n'y a pas forcément d'opposition entre des campus où tout est regroupé et des universités réparties sur tout le territoire. Nous pensons que le maillage territorial est essentiel pour avoir des universités de proximité.
Je le répète : si, demain, les Crous avaient les moyens de mettre en place des lieux de restauration, des services d'aide sociale, avec des assistantes sociales, on résoudrait une partie des problématiques liées à la vie étudiante, et on permettrait à tous et toutes, quel que soit l'endroit où ils ou elles étudient, de bénéficier de ces structures.
Enfin, l'État, depuis le début de la crise sanitaire, a pris des mesures à court terme et s'est énormément reposé sur l'action des organisations étudiantes. Celles-ci ont d'ailleurs souvent été mises en avant par l'État. Certes, cela fait toujours plaisir, mais nous voudrions que l'État prenne en charge les actions que nous sommes en train de mener et augmente les bourses, ce qui éviterait de mettre en place des solutions palliatives. L'État s'est reposé sur nous alors qu'il aurait dû prendre tous ces problématiques à bras-le-corps.
Quant à la valeur du diplôme, je tiens à relativiser le sujet. La question ne se pose pas pour beaucoup d'étudiants et d'étudiantes, tout simplement parce qu'ils sont en train de décrocher, qu'ils meurent de faim ou qu'ils se suicident. La question occupe parfois plus d'espace dans le débat public que dans les préoccupations étudiantes.
Pour autant, c'est quand même un sujet. Nous sommes favorables au retour de l'aide à la recherche au premier emploi (ARPE), supprimée par le Gouvernement. Nous demandons qu'elle soit prolongée dans sa durée et son montant, et qu'elle comprenne un véritable parcours d'accompagnement, comme celui qui pourrait exister pour la « garantie jeune universelle ».
L'UNI estime qu'il convient de travailler sur deux voies principales, la professionnalisation de nos cursus - qui devait être réalisée avant la crise - et la précarité sociale afin de lutter contre l'isolement et les difficultés financières. Tout un pan de la population étudiante est souvent négligé par les politiques publiques.
Je reviens sur ce qui a été dit précédemment : le Gouvernement a mis en place une mesure sociale sous forme d'un « chèque psy », qui est intéressante et qui peut être utile ponctuellement, voire nécessaire pour certains étudiants. L'UNI n'a été invitée que deux fois par le ministère, entre janvier et mars derniers, à des réunions exclusivement réservées à cette aide, alors même que nous parlons d'une crise sociale qui touche l'ensemble des problématiques des étudiants. Nous avons trouvé cela assez scandaleux de ne parler que de cette mesure. Le « chèque psy » a pris et prend encore beaucoup trop de place dans la communication de certaines organisations et, surtout, dans les éléments de langage du ministère.
Cela étant dit, on a mobilisé la contribution vie étudiante et de campus (CVEC) - et c'est une bonne chose. Cette cotisation de 92 euros que paye chaque étudiant inscrit en formation initiale dans un établissement d'enseignement supérieur français est une véritable taxe étudiante. Cet argent destiné aux étudiants revient enfin aux étudiants ! On ne sait malheureusement pas toujours où il va...
L'objectif demeure la rentrée 2021. Il faut un maximum de présentiel, que ce soit en matière de cours et de formation, mais aussi d'examens. Les différentes antennes de l'UNI ont envoyé des courriers aux parlementaires pour leur demander d'insister auprès du ministère et du Gouvernement en la matière. Les étudiants de première année n'ont jamais connu d'amphis ! Les étudiants de deuxième année n'ont eu qu'un semestre normal sur quatre. Le décrochage est donc un vrai sujet.
Il faut aussi écouter le terrain : de nombreux présidents d'université réclament des jauges à 50 %. Ceci permettrait aux administrations de revenir à un mécanisme hybride où les groupes étaient divisés par deux, comme en septembre et octobre derniers. C'est impératif.
Nous pensons que c'est une question de volonté. L'UFR de droit de l'université d'Amiens a par exemple décidé de tout assurer en présentiel au second semestre. Quand les professeurs et l'administration veulent aller jusqu'au bout, ils y parviennent.
Je terminerai en évoquant notre proposition de ticket-restaurant étudiant. Une proposition de loi a été déposée au Sénat et à l'Assemblée nationale. Au Sénat, elle est soutenue par 80 sénateurs. Ce ticket-restaurant permettrait de toucher l'ensemble des étudiants, boursiers comme non-boursiers, et les étudiants éloignés. Les repas à un euro sont servis dans les Crous, qui sont soit fermés, soit loin des IUT ou des sites délocalisés. Ce ticket-restaurant pourrait constituer une véritable innovation sociale.
Merci pour l'intérêt que vous portez à l'actualité des travaux du Sénat.
Je me réjouis tout d'abord que les étudiants se tiennent informés des propos que des sénateurs peuvent tenir dès 7 heures 30 du matin !
Vous nous avez décrit un tableau forcément noirci par le contexte sanitaire. C'est tout l'intérêt de cette mission d'information, qui vise à détecter les phénomènes qui ont été amplifiés par la crise, mais qui étaient sous-jacents avant celle-ci.
Considérez-vous que vous avez un rôle à jouer s'agissant des gestes barrière ? Souvenons-nous de la polémique soulevée par la ministre lorsqu'elle avait estimé que les amphithéâtres constituaient un risque de foyer épidémique : relayez-vous auprès de vos camarades la communication qui est faite autour des gestes barrière, qui sont essentiels et de nature à maintenir une partie de l'activité en présentiel, ce qui est sans doute bien plus important que toutes les mesures d'accompagnement qui peuvent être mises en place ?
Concernant l'insertion professionnelle, la difficulté est aussi d'ordre démographique. Il existe en ce moment une véritable thrombose - le terme est à la mode - en matière de recrutement. Avez-vous engagé une démarche auprès des chambres de commerce et d'industrie pour mettre en avant le fait que votre génération a été obligée de s'adapter très vite à des conditions de travail nouvelles ?
Avez-vous des retours, au vu de ce contexte difficile de recrutement et d'insertion professionnelle, à propos de la prolongation des études ? C'est une piste qui avait été évoquée à un moment donné.
Enfin, on a beaucoup parlé de l'accès aux psychologues. Je suis circonspect sur la capacité à mobiliser « d'un claquement de doigts » 80 psychologues supplémentaires. Il me semble que le temps de formation est un peu plus long. Est-il facile d'aller vers des psychologues lorsqu'on est étudiant ? Ces praticiens sont rarement intégrés aux services de santé universitaires. Pensez-vous que ce soit une bonne chose de dissocier les deux ?
Il y a plus de 30 ans, les associations et syndicats d'étudiants aidaient leurs membres à trouver des stages, mais aussi des jobs d'été ou durant l'année. Certains étudiants n'ont pas pu travailler comme ils le voulaient depuis le début de la crise. Êtes-vous très sollicités ?
Ma collègue Catherine Belrhiti avait questionné Mme Vidal au sujet des stages. Nous venons de recevoir sa réponse : l'année universitaire pourra être prolongée jusqu'en décembre 2021 pour permettre de les effectuer.
Enfin, avez-vous été sollicités au sujet du service civique afin d'aider les étudiants ? Beaucoup en ont besoin pour valider leur année.
J'ai dirigé pendant plus de dix ans une composante d'université qui possédait sept sites qu'on appelle « délocalisés » ou « de proximité ». Je ne sais si la proximité constitue toujours un avantage. On a parfois pu estimer que ces étudiants étaient plus près de chez eux : ce n'est pas tout à fait vrai. La nature des spécialités présentes sur ces sites fait que les étudiants, en réalité, viennent de partout. Beaucoup sont même parfois issus d'horizons relativement lointains.
Bien avant l'épidémie de la Covid-19, ces sites connaissaient déjà un déficit de services annexes - médecine préventive, médecine universitaire, assistantes sociales, Crous, logement. La crise sanitaire n'a fait qu'amplifier les difficultés. Certains sites n'ont pas vu de médecin universitaire depuis deux ans, les médecins de ville ne pouvant même pas intervenir. En outre, pour les étudiants étrangers, il s'agit presque d'une double peine du fait de la barrière de la langue !
Selon mon expérience, on rencontre sur ces sites les syndicats étudiants surtout au moment de la constitution des listes, mais on les y voit peu dans les quatre ans qui suivent.
Les étudiants se sentent abandonnés par l'université. Il existe heureusement sur place des équipes pédagogiques souvent très investies, qui accomplissent bien plus que leur mission.
Enfin, envisagez-vous de faire perdurer les démarches qui vous ont permis de vous rapprocher de ces étudiants ?
Nous sommes très concernés par votre situation, son évaluation et par les conditions de vie détériorées que vous subissez.
Pardonnez la brutalité de ma question, mais je pense qu'il faut l'aborder : avez-vous une idée de la réalité de la prostitution étudiante ? Pensez-vous qu'elle existe ? A-t-elle augmenté ? On sait que c'est une activité lucrative, mobile, « 2.0 », mais aussi dangereuse. Pouvez-vous m'éclairer sur ce point ?
Ma première question portera sur la CVEC. Vous avez déploré son opacité. Il est important que les étudiants sachent à quoi elle sert. On a vu qu'elle pouvait être utilisée pour des actions pérennes. Elle doit cependant pouvoir être mobilisée en période de crise. C'est déjà le cas, mais est-ce assez ? Comment faut-il selon vous la flécher afin qu'elle puisse servir lors de futures crises ?
Par ailleurs, en matière d'insertion professionnelle, je pense qu'il faut une certaine décentralisation. Le rôle des collectivités territoriales est de réunir tous les acteurs locaux autour de la table pour aider à la recherche de stages et à l'insertion professionnelle. Pouvez-vous développer ce point ? Comment les politiques publiques peuvent-elles être plus utilisées à ce niveau ?
Je voudrais revenir sur les difficultés liées à l'accès aux stages. Beaucoup d'entreprises font du télétravail et ne sont pas en capacité d'accueillir des stagiaires. N'existerait-il pas une possibilité de revoir les contenus des stages et leur durée, et de mettre en place des possibilités d'habilitation en fonction des secteurs ? Cela reste problématique sur l'ensemble du territoire national, ainsi qu'en outre-mer.
Par ailleurs, Marie Mercier a évoqué la prostitution. Pour le moment, aucune étude n'a porté sur cette question. C'est pourtant un sujet dont j'ai eu personnellement des échos par une association très sensibilisée à cette problématique.
Nous considérons-nous responsables des campagnes de communication ? Oui. Nous nous sommes engagés dès le début de la crise sanitaire pour relayer les consignes sanitaires. Nous avons également engagé des travaux collaboratifs avec Santé publique France sur la construction et la conceptualisation d'une campagne de sensibilisation à la vaccination, qui va bientôt débuter. Ces dispositifs sont partagés avec les associations étudiantes qui sont au coeur même des campus universitaires.
Quant à l'insertion professionnelle, nous n'avons pas forcément de contacts avec les chambres de commerce et d'industrie, mais des partenariats ont pu être établis avec des acteurs et des actrices du monde de l'entreprise, notamment dans le cadre du dispositif « Coup de pouce », qui permet de mettre en lien des jeunes avec plus de 80 000 mentors les accompagnent dans leur formation et leur insertion professionnelle.
C'est un dispositif à destination des étudiantes et des étudiants Bac + 3, en collaboration avec l'Association pour l'emploi des cadres (APEC). Nous ne pouvons malheureusement pas encore développer ce dispositif faute de moyens.
Quant à la prolongation des études, il faut veiller à ce que des dispositifs comme le service civique ne se substituent pas à l'insertion professionnelle ou à la poursuite d'études. Nous avons pu observer certaines dérives pendant la crise sanitaire à ce propos. Ce peut être très dangereux si cela se prend la place d'une formation ou d'un emploi. Le service civique est un dispositif qui permet de construire un projet d'avenir, d'être accompagné et de pouvoir toucher un revenu, tout en s'engageant pour la collectivité. La prolongation des études est donc une piste qui peut être envisagée, mais elle ne doit pas connaître de dérives.
S'agissant de la question des stages, beaucoup ne pourront malheureusement pas avoir lieu, alors qu'ils conditionnent l'obtention du diplôme. Cela retarde l'arrivée des futurs diplômés sur le marché de l'emploi. C'est pourquoi nous avions proposé des substitutions, des modules compensatoires et des mises en situation professionnelle afin de faire en sorte que les jeunes puissent avoir leur diplôme avec un bagage similaire.
Ces pistes doivent être encore travaillées, mais il est urgent de trouver une solution : nous sommes début avril, et les stages ont déjà commencé. Certains s'étendent jusqu'à juin, juillet, voire août, par exemple pour les étudiants et étudiantes en santé. Si des modifications interviennent, il faut prévoir un réel accompagnement, ce qui peut être assez compliqué du fait de la situation sanitaire. Le mentorat était de ce point de vue une solution qui pouvait être déployée pour pallier ces difficultés.
Concernant les sites délocalisés, il s'agit d'une vraie problématique, notamment pour les services de santé universitaires, où des permanences devraient pouvoir s'organiser. Les professionnels de santé sont aujourd'hui totalement absents de certaines composantes, et pas seulement des IUT. Beaucoup d'instituts et d'écoles qui ne relèvent pas de l'enseignement supérieur se trouvent dans des sites délocalisés. Ils ne bénéficient d'aucun service de restauration, de santé ou de couverture sociale.
Impulser des dynamiques au niveau de la restauration sociale, mais également prévoir des permanences de professionnels de santé qui se déplacent une ou deux fois par semaine, pour commencer, constituerait une solution immédiate et de moindre coût.
Pour ce qui est de la prostitution étudiante et du travail du sexe de manière plus globale, nous manquons malheureusement de données. Ce sujet est peu étudié. Les premiers chiffres disponibles sont issus d'enquêtes belges. À l'heure actuelle, nous avons très peu de retours, mais nous pouvons néanmoins observer des pratiques contraintes.
Concernant la CVEC, 30 % vont à des initiatives individuelles ou collectives ayant pour but de dynamiser la vie de campus ou de développer divers projets. 15 % seulement vont à la médecine préventive ou à la couverture sociale - et c'est bien le problème ! Pouvoir inverser ces ratios ou développer des actions autour des services de santé universitaires serait intéressant pour l'utilisation de la CVEC.
Notre syndicat a trois missions : informer, défendre et organiser la solidarité chez les étudiants. L'information est donc notre fonction première. Cela faisait partie des premiers éléments que nous avons mis en avant dans le dispositif « SOS Éducation ».
J'insiste sur le fait que l'on se repose en ce moment beaucoup trop sur ce que font les organisations étudiantes et les associations de lutte contre la pauvreté, les distributions alimentaires étant réalisées en partenariat avec ces associations. Or l'enjeu est aujourd'hui d'avoir une politique publique à la hauteur de tous ces sujets.
Quelles que soient les mesures mises en place sur la question des emplois étudiants, des stages ou même des gestes barrière, cela ne remplacera jamais les politiques publiques, notamment concernant les stages et les emplois. S'agissant des gestes barrière, nous participons simplement à l'effort national et faisons notre part.
Le vrai souci, c'est que nous sommes dans une situation où le taux de chômage explose, notamment chez les jeunes. Au dernier semestre, l'Insee l'évaluait à 18 % et parlait de baisse « en trompe-l'oeil ».
Pour nous, trois sujets se rapportent à l'insertion professionnelle. Vous avez évoqué la prolongation des études : il faut selon nous faire très attention. C'est le choix qui a été fait l'année dernière. Or nous avons observé des « bouchons » à l'entrée en master. Je rappelle qu'il existe encore une sélection entre le master 1 et le master 2 dans certains territoires, et entre la licence 3 et le master 1.
La prolongation des études a fait que certains étudiants ont choisi de s'inscrire à nouveau en master. D'autres n'ont, de ce fait, pu avoir de place. Si l'on veut prolonger les études, il faut absolument créer des places.
S'agissant de la question de l'insertion, l'ARPE a été mentionnée. J'attire votre attention sur le fait qu'un décret a été publié fin 2020 par la ministre du travail, qui l'a remise en place sans la nommer, mais en la diminuant.
Cette aide a été créée en 2016. Elle permettait de continuer à recevoir pendant quatre mois une bourse du même montant que ce qu'on percevait auparavant. Avec le nouveau décret, on ne reçoit plus que 70 %. Par ailleurs, les démarches sont encore très floues. Je ne pense donc pas qu'il y ait actuellement beaucoup de bénéficiaires.
Enfin, comment faire en sorte de répondre au déficit d'emplois ? C'est une problématique plus générale, qui relève de ce que nous appelons la politique d'incitation à l'embauche des jeunes en contrat à durée indéterminée (CDI). Selon nous, le plan « Un jeune, une solution » est un échec : beaucoup d'argent a été investi, sans que l'embauche soit aucunement conditionnée à un recrutement en CDI.
Pour ce qui est de l'accès à des psychologues, nous avons mis en place une action avec l'association REVES Jeunes afin de mettre des professionnels à disposition des étudiants. Il existe une vraie demande, malgré le « chèque psy ». Je suis toutefois d'accord avec la réserve que vous exprimiez : on constate une barrière chez les étudiants lorsqu'il faut consulter un psychologue, tout comme dans le reste de la société française. Il existe un tabou, et il y a un travail à faire sur ce sujet.
Concernant la prostitution étudiante, je ne peux que souscrire à ce qui a été dit. Elle existe malheureusement. Nous avons aussi des témoignages, mais nous n'avons aucun chiffre précis. Il serait bénéfique pour la population étudiante que le Sénat se penche sur ce sujet.
Je voulais revenir sur la CVEC, qui souffre d'une véritable opacité. Je pense qu'il faut demander aux universités un bilan de son utilisation par rapport aux années précédentes. Nous l'avons réclamé à plusieurs reprises au ministère. Il nous avait été promis pour juillet dernier : nous n'avons jamais su, université par université, comment était utilisé cet argent. À l'origine, nous étions opposés à la mise en place de la CVEC. Maintenant qu'elle est en oeuvre, il faut au moins que l'on sache où va l'argent !
Quant aux sites délocalisés, il est selon nous essentiel d'avoir un maillage territorial. Dans certains endroits, il existe des formations très spécialisées, dans d'autres non.
Le Gouvernement a mis en place un « chèque psy », mais nous revendiquions un « chèque santé », qui existait dans plusieurs régions avant leur fusion. Vous devez connaître ce dispositif. Si l'on permettait à tous les territoires d'avoir ces « chèques santé », on aurait au moins une réponse.
Enfin concernant le logement, il est urgent d'augmenter les aides, de la même manière que nous demandons une revalorisation des bourses. La réponse n'est pas le ticket de restaurant universitaire. On va investir de l'argent dans un service d'aide alimentaire aux étudiants qui ne sera pas le réseau des Crous et créer une concurrence sur certains territoires. Au lieu de donner de l'argent au service public, on va le donner au secteur privé. Il faut donc faire les bons choix !
Je souscris à ce qui a été dit à propos du fait que l'État se repose beaucoup sur nos organisations, notamment à propos de la promotion des gestes barrière : à la rentrée, un certain nombre d'universités ne fournissaient pas de masques aux étudiants et aux étudiantes. Beaucoup venaient avec le même masque que la veille et l'avant-veille. Nos organisations ont procédé à des distributions financées sur leurs propres fonds. Nous essayons de faire notre part, mais il faudrait que l'État et les universités assurent ce genre de distribution.
Là encore, promouvoir les gestes barrière est compliqué : à la rentrée de septembre, on a pu voir des images d'amphis bondés, comme chaque année.
Autre élément : on sait que certaines universités ont refusé de mettre en place des centres de dépistage sur leur campus pour ne pas être perçues comme ayant des cas contacts ou des étudiants contaminés. Nous trouvons cela assez scandaleux. Cela aurait dû être mis en place partout sur le territoire.
S'agissant de la prolongation des études, je souscris également à ce qui a été dit précédemment. J'ajoute qu'on a aujourd'hui droit à sept années de bourse dans le système universitaire. La licence étant en trois ans, on peut redoubler une fois. Le master se faisant en deux ans, on peut redoubler une fois et avoir potentiellement sept ans de bourse. Nous demandons une prolongation de ce droit à la bourse en ne décomptant pas cette année : il faut que les étudiants qui se retrouveraient en situation d'échec du fait de la crise sanitaire ne soient pas pénalisés.
Pour ce qui est de la question du « chèque psy », on a assisté à un certain flottement entre son annonce et sa mise en place. Beaucoup d'étudiants venaient nous demander ce qu'il en était. Aujourd'hui, on assiste à un véritable embouteillage. Dans certains territoires, les psychologues qui se sont proposés pour participer à ce dispositif sont très peu nombreux. Beaucoup d'étudiants et d'étudiants sont en attente.
Je voudrais faire ici le lien avec la question des assistantes sociales qui exercent dans les Crous, les services de santé universitaires ou les SUMPPS. Face à la hausse des demandes d'aide d'urgence, nombre d'entre elles se retrouvent en situation de devoir remplir elles-mêmes les dossiers pour accélérer les procédures. Elles ont, par conséquent, moins de contacts directs avec les étudiants et les étudiantes. Or les demandes sont, certes, d'abord financières, mais elles revêtent aussi parfois une dimension psychologique qui peut nécessiter un accompagnement particulier par un professionnel de santé.
Au-delà des postes de psychologue, augmenter le nombre de personnes travaillant dans les services de santé universitaires, les SUMPPS ou les services sociaux est aussi l'une des réponses à apporter à la problématique de la santé mentale.
S'agissant de la prostitution, des études ont été réalisées dans certaines universités, très localisées, en accord avec les personnes concernées. Les chiffres s'établissent toujours autour de 2 % à 4 % de la population estudiantine, mais cela ne concerne pas toutes les universités. Il y a donc là un véritable travail à mener. La problématique est bien réelle, notamment lorsqu'on connaît l'« uberisation » de la prostitution. On sait que ce type de pratique peut se faire de plus en plus facilement et qu'il peut, malheureusement, être une réponse pour certains étudiants et certaines étudiantes dans la situation de précarité que l'on connaît.
Concernant les sites délocalisés, je souscris totalement à ce qui était dit. Toute la question est de savoir comment y développer la vie étudiante et comment les universités, dans leur schéma de vie étudiante, peuvent réfléchir en termes de dotations et d'espaces de vie.
Enfin, concernant l'utilisation de la CVEC, nous n'avons en effet obtenu aucun bilan national malgré nos demandes. Nous constatons cependant que, dans certaines universités, tout l'argent n'a pas été consacré à la crise sanitaire. Des aides ont servi à mettre en place des prêts d'ordinateurs, à distribuer des clés 4G, alors qu'une autre partie de l'argent a été redirigée vers la lutte contre la précarité étudiante. Bien que la CVEC soit normalement fléchée sur le développement de la vie étudiante, le contexte sanitaire a incité à adapter ses modalités de mobilisation.
Nos quatre organisations sont intervenues dans l'ensemble des sites - villes universitaires, grandes villes et villes moyennes - et ont mis en oeuvre des actions de solidarité qui sont normalement du ressort du Gouvernement.
Bien évidemment, nous faisons notre part en ce qui concerne les gestes barrière, mais je voudrais insister sur notre rôle en termes de communication et sur le fait que trop d'aides ne sont pas utilisées par les étudiants faute d'une bonne information.
En 2019, 15 millions d'euros n'ont pas servi à aider les étudiants les plus nécessiteux. Il faut donc rendre les aides qui existent plus visibles, notamment par la création d'un guichet unique. On l'a évoqué de nombreuses fois avec le ministère. C'est un chantier sur lequel il faut travailler.
Pour ce qui est de la CVEC, je le répète, cette taxe payée par tous les étudiants doit leur revenir et être davantage utilisée dans le domaine sanitaire. Nous répétons depuis septembre 2020 que les masques doivent être distribués gratuitement, mais pourquoi ne pas les financer par la CVEC, tout comme les centres de dépistage ? Cela se fait dans certaines universités. Il faut le mettre en oeuvre plus largement.
Quant aux stages et à l'insertion professionnelle, les associations peuvent en effet servir de courroie de transmission pour aider les étudiants. Nous avons mis en place une adresse électronique où l'on peut nous envoyer des CV. Nous essayons ensuite de faire le maximum.
En amont, la crise a révélé qu'il était nécessaire de réaliser en France un énorme travail sur la professionnalisation des cursus universitaires. Dans les grandes écoles, il existe des banques de stages en ligne, et le réseau des anciens est très développé, ce qui permet de trouver des stages et contribue à l'insertion professionnelle. Il faut que les universités - on le disait déjà avant la crise - se saisissent de ce chantier à bras-le-corps. Il faut aussi simplifier les procédures des conventions afin de faciliter la vie des étudiants stagiaires.
On ne l'a pas évoqué, mais le ministère promet un statut d'étudiant salarié depuis maintenant un peu plus d'un an. Ce projet est au point mort, alors qu'il pourrait aider les étudiants qui sont obligés de se salarier parallèlement à la poursuite de leurs études. Certaines universités l'ont déjà mis en place, mais pas toutes. La création de ce statut est un autre chantier dont il faut également s'emparer.
Enfin, s'agissant du ticket-restaurant étudiant, deux propositions de loi ont été déposées. L'idée est que ce ticket-restaurant étudiant puisse être utilisé aussi bien dans la restauration privée que dans la restauration publique gérée par les Crous, où les étudiants pourront évidemment continuer à se restaurer.
Nous sommes tout à fait d'accord sur le fait qu'il faut permettre aux Crous d'investir. De l'argent public existe pour faire fonctionner des épiceries solidaires au sein des universités. Or celles-ci ne sont pas toujours utiles lorsqu'elles sont installées à côté des Crous, à qui elles font de la concurrence. Cet argent pourrait donc plutôt servir au ticket-restaurant étudiant, dont l'objectif n'est pas de concurrencer l'offre des Crous. Cette mesure permettrait aux étudiants qui sont sur des sites délocalisés et aux étudiants non boursiers de bénéficier d'un repas à tarif étudiant sans payer plus que ceux ayant plus facilement accès aux restaurants universitaires ou ceux qui sont boursiers
Merci à tous pour vos riches contributions.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 40.