Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Emmanuelle Wargon, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de présidente du collège de la Commission de régulation de l'énergie (CRE).
Cette nomination ne peut intervenir qu'après audition devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cette audition est publique et ouverte à la presse et retransmise sur le site du Sénat. Elle sera suivie d'un vote, qui se déroulera à bulletin secret. Je rappelle que les délégations de vote ne sont pas autorisées et que le dépouillement doit être effectué simultanément à l'Assemblée nationale. L'Assemblée nationale devant entendre Mme Wargon après le Sénat, nous dépouillerons les bulletins d'ici à la mi-journée.
En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs exprimés dans les deux commissions représentait, au total, au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés
Avant de passer la parole à notre collègue Patrick Chauvet, rapporteur sur cette nomination, puis à notre collègue Daniel Gremillet, président du groupe d'études « Énergie », je souhaiterais rappeler le très grand intérêt que notre commission porte à la régulation des marchés de l'énergie.
Lundi encore, lors de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, nous avons abouti à de belles avancées en la matière. Nous avons conforté la régulation de l'énergie nucléaire, en plafonnant l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) à 120 térawattheures (TWh). Nous avons favorisé l'essor des énergies renouvelables (EnR), en simplifiant les procédures pour le biogaz, et consolidé la protection des consommateurs, en renforçant l'information et en encadrant les coupures.
Jamais peut-être une nomination à une autorité administrative indépendante (AAI) comme la CRE n'aura été réalisée dans un contexte aussi sensible pour notre pays et pour l'Europe, étant donné l'extrême complexité et les incertitudes liées à la situation géopolitique et à la situation climatique. L'énergie, c'est la vie, et nous nous trouvons actuellement, en raison de choix passés, dans une situation critique, laquelle exige l'action d'une autorité de régulation pertinente sur ces questions.
Je tiens à souligner la très grande attention que nous attachons à la vision de la CRE, dont le rôle - éclairer l'exécutif - est extrêmement important dans cette période critique. Nous serons donc très attentifs au cap que vous proposez pour la CRE, à votre perception des marchés de l'énergie et à la façon dont vous entendez exercer votre rôle, en relation, bien sûr, avec l'exécutif, mais aussi avec le Parlement.
Vous êtes conseillère maître à la Cour des comptes et avez fait une partie de votre carrière au sein de ministères ou d'établissements sociaux. Vous avez également exercé les fonctions ministérielles que nous connaissons tous, en tant que secrétaire d'État à la transition écologique, de 2018 à 2020, puis en tant que ministre déléguée au logement, de 2020 à 2022.
Ma première interrogation porte donc sur votre parcours : qu'est-ce qui vous motive à vous investir dans un secteur - celui de l'énergie - différent de ceux dans lesquels vous avez évolué auparavant ? Par ailleurs, comment entendez-vous garantir l'indépendance de la CRE, qui est, je le rappelle, une AAI, compte tenu de vos anciennes fonctions ministérielles ? Devrez-vous vous déporter sur les sujets que vous auriez eu à connaître dans ces anciennes fonctions ? Je pense, par exemple, à la rénovation énergétique, proche des missions de la CRE.
Créée par la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, la CRE a pour principale mission de concourir au bon fonctionnement des marchés de l'électricité et du gaz naturel, au bénéfice des consommateurs finals et en cohérence avec les objectifs de la politique énergétique.
Ma deuxième interrogation concerne ainsi les missions de la CRE. Dans le contexte de crise énergétique, le rôle des autorités de régulation va s'amplifier. Le paquet « Ajustement à l'objectif 55 », complété par le plan REPowerEU, fixe des exigences en matière d'EnR, d'hydrogène, d'électromobilité, de réseau et de stockage. Les plans de résilience et d'investissement prévoient des montants importants en direction de l'énergie nucléaire, de l'hydrogène ou de l'électromobilité. Ce cadre a des répercussions sur les missions de la CRE, ou tout du moins sur leurs conditions d'exercice. Comment la CRE appréhende-t-elle ces exigences ? Est-elle en capacité d'y répondre, sur les plans budgétaire et humain ?
Ma troisième interrogation concerne la crise énergétique et les moyens mis en oeuvre pour y faire face. Quelle appréciation portez-vous sur le « bouclier tarifaire » et comment remédier aux éventuelles lacunes de ce dernier ? Partagez-vous le principe du relèvement de 20 TWh de l'Arenh, qui conduit à un transfert de 10 milliards d'euros de recettes du groupe EDF vers les consommateurs ? Comment mieux protéger les consommateurs qui ne bénéficient pas des tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE) ? À combien s'élève le rattrapage en 2023 du blocage tarifaire sur les consommateurs ? Enfin, comment anticipez-vous la fin des tarifs réglementés de vente de gaz (TRVG), prévue pour juillet 2023 ?
Ma dernière interrogation a trait à l'avenir du secteur de l'énergie, en pleine effervescence. À l'échelle européenne, quelle est votre position sur la réforme du marché de l'électricité ? Êtes-vous favorable à la suppression du principe du coût marginal, qui lie dans les faits le prix de l'électricité à celui du gaz ? À l'échelle nationale, quelle appréciation portez-vous sur la relance de l'énergie nucléaire ? Pour le nucléaire existant, quel mécanisme de régulation devrait remplacer l'Arenh ? Enfin, que pouvons-nous envisager pour le nouveau nucléaire : une garantie de prix, comme au Royaume-Uni ? Un consortium d'électro-intensifs, comme en Finlande ? Un financement étatique, comme en République tchèque ?
Je suis très heureuse et honorée de présenter devant vous ma candidature à la tête de la CRE - institution tellement importante dans cette période - conformément, vous l'avez rappelé, Mme la présidente, à la procédure de l'article 13 de la Constitution.
Je commencerai par me présenter, puis j'évoquerai à la fois les grands enjeux énergétiques et la manière dont la CRE peut y répondre ainsi que les priorités qui pourraient être la sienne si ma candidature est retenue.
Nous avons travaillé ensemble à de nombreuses reprises durant mes mandats ministériels, mais ma carrière est pour l'essentiel administrative : je suis conseillère maître à la Cour des comptes et j'ai passé vingt ans dans différentes fonctions administratives, au sein d'administrations centrales et d'établissements publics. J'ai été secrétaire générale des ministères sociaux, puis déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, à la tête d'environ 200 agents. J'ai par ailleurs exercé au sein de l'Agence du médicament, où j'ai passé quatre ans, une agence indépendante, qui prend ses décisions par elle-même, indépendamment de la volonté du Gouvernement.
J'ai ensuite ouvert une page politique, qui se refermera aujourd'hui si cette nomination aboutit, m'ayant conduite à être secrétaire d'État chargée de l'écologie, puis ministre déléguée au logement. Nous avons alors eu l'occasion de beaucoup travailler ensemble et nous sommes parvenus à des accords ou consensus - je pense, par exemple, à la création de l'Office français de la biodiversité (OFB), puis aux lois dites « 3DS » et « Climat-Résilience ».
L'énergie a en réalité été au coeur de nombreux dossiers que j'ai traités lors de ces expériences ministérielles, ce qui m'amène aujourd'hui à cette candidature à la CRE. J'ai en effet pris conscience de l'importance absolument stratégique des questions énergétiques pour notre pays. J'ai, par exemple, piloté des groupes de travail pour lever les freins réglementaires au développement des EnR, notamment sur les réseaux de chaleur, mais aussi sur l'éolien et sur le solaire. Au titre de mes fonctions de ministre déléguée au logement, j'ai beaucoup travaillé sur la rénovation énergétique des bâtiments, avec MaPrimeRénov' et en soutenant les collectivités territoriales. J'ai donc pu toucher du doigt, si je puis dire, l'enjeu essentiel que constitue l'énergie, et j'estime que la chance d'être à la tête de ce régulateur est une très belle façon de servir le pays.
Je regroupe les enjeux énergétiques en trois axes.
Le premier se rapporte à la sécurité d'approvisionnement et à la souveraineté énergétique. Nous étions déjà tous convaincus de l'importance de ce sujet avant la crise de l'énergie liée à la guerre en Ukraine, mais nous voyons maintenant concrètement à quel point il est crucial pour le pays.
Le deuxième axe concerne la protection des consommateurs et la compétitivité de nos entreprises. La CRE joue un rôle important pour ce qui concerne la régulation des marchés, au bénéfice non seulement des ménages, mais aussi des industriels électro-intensifs et plus largement de toutes nos entreprises.
L'énergie, vivement touchée par l'inflation, représente une partie importante des charges qui pèsent sur les ménages et sur les entreprises, pour lesquelles la compétitivité est indispensable. Les tarifs réglementés et l'Arenh, mesures de régulation classiques, mais aussi les mesures exceptionnelles telles que les « boucliers tarifaires » nous permettent de protéger en partie le pouvoir d'achat de nos compatriotes.
Le troisième et peut-être le principal enjeu est l'accélération de la transition écologique, en faveur de laquelle nos objectifs sont extrêmement ambitieux, qu'ils soient nationaux ou communautaires, et vont nous amener à un double mouvement : la baisse de notre consommation d'énergie, fixée pour l'instant à 40 % d'ici à 2050, et une part croissante d'électricité dans notre mix énergétique pour aller vers une énergie décarbonée. Les différents scénarii, dont celui que vous avez cité, conduisent à une augmentation en valeur absolue de la production énergétique.
Pour atteindre ces objectifs, nous devons travailler sur la sobriété et l'efficacité, ainsi que sur le développement des EnR, en nous appuyant sur le nucléaire.
L'efficacité, c'est parvenir au même résultat avec moins de source et de consommation d'énergie. La sobriété, c'est changer nos usages pour consommer moins d'énergie, en trouvant des solutions alternatives. Il s'agit d'un objectif de politiques publiques indispensable.
Nous devons ensuite soutenir le développement des EnR. Nous avons encore de la marge pour atteindre une production suffisante ; d'où les nombreux travaux en ce sens, dont les textes que vous venez d'adopter.
Je tiens vraiment à préciser ma position sur le nucléaire, qui est un point très important de la discussion : je suis favorable à l'électricité nucléaire, clairement, que ce soit le maintien des réacteurs existants ou le développement du nouveau nucléaire. Permettre à notre opérateur national de soutenir le nucléaire existant et le nouveau nucléaire constitue l'un des éléments majeurs du design de marché.
En tant que secrétaire d'État, j'ai été amenée à accompagner les territoires, à la fois pour la fermeture des centrales à charbon, et pour la fermeture de la centrale de Fessenheim. Sur ce dernier point, je souhaite clarifier les choses : à ce moment-là - début 2019 -, la décision de fermer la centrale avait été prise longtemps auparavant, reconfirmée, et, en accord avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le groupe EDF n'avait pas lancé les opérations de maintenance lourde et de visites décennales initialement prévues par le calendrier.
Dans ce contexte, la gestion du dossier consistait à accompagner le groupe EDF sur les plans technique et économique, mais surtout le territoire confronté à cette décision, notamment sur le développement d'un technocentre et d'industries alternatives.
L'hypothèse sur laquelle reposait la décision de fermer la centrale de Fessenheim tenait au fait que la consommation future d'électricité serait stable, voire en légère décroissance ; elle s'est révélée fausse. Le monde a changé et nous devons prendre des décisions en conséquence. Ma position personnelle, je le redis pour être très claire, est donc, de maintenir les réacteurs existants, dans les conditions définies par l'ASN, et développer le nouveau nucléaire, qui est indispensable, quel que soient les scenario retenus.
Ces questions-là sont en premier lieu du ressort du législateur, et non de la CRE. La discussion du projet de loi sur la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui aura lieu avant le 1er juillet 2023, sera l'occasion pour le législateur de définir la politique énergétique du pays.
La mission de la CRE - les textes publiés par cette dernière le montrent bien - est de réguler les marchés et de protéger le consommateur, dans le cadre déterminé par les orientations de la politique énergétique du pays. C'est donc dans ce cadre qu'aura lieu l'action du régulateur.
Vous m'avez posé la question de l'indépendance ; c'est une question très importante. J'ai eu une longue carrière administrative au sein d'institutions, comme la Cour des comptes et l'Agence du médicament, je l'ai dit, qui ont pour vocation l'indépendance. J'ai ensuite tourné une page en m'engageant politiquement et en étant élue conseillère régionale en Île-de-France ; si ma nomination est validée, cet engagement prendra fin, je démissionnerai de mon mandat.
Je souhaite désormais mettre mes compétences et mon énergie au service de ce régulateur, en toute liberté. Avant moi, d'autres figures politiques ont été amenées à exercer les fonctions de présidents d'AAI et l'ont fait en toute indépendance : je pense à Jean-Pierre Jouyet à la tête de l'Autorité des marchés financiers (AMF), à Jacques Toubon en tant que Défenseur des droits ou encore à Dominique Versini en tant que Défenseure des enfants.
Je vous le dis donc solennellement : si j'étais nommée, je reprendrais ma liberté de magistrate, sur la base de ma carrière et de mes convictions sur le modèle énergétique pour servir mon pays de manière différente.
Je tiens à saluer les trois présidents successifs de la CRE, Jean Syrota, Philippe de Ladoucette et Jean-François Carenco, qui, depuis sa création en 2000, en ont fait une institution respectée, comme en témoignent les plus de 80 missions nouvelles qui lui ont été confiées. Si elle est tant respectée, c'est grâce à la force et à la qualité des travaux de sa présidence, des quatre autres membres constituant son collège, et de ses quelque 160 agents.
Sur la question des moyens, la CRE a pour l'instant répondu de façon satisfaisante aux missions qui lui sont confiées, mais la multiplication de ses missions et le renforcement de son rôle nécessiteront naturellement un soutien financier, en termes de budget et d'effectifs, pour lui permettre de jouer pleinement son rôle.
Pour ce qui est des priorités de l'institution elle-même, la première a trait à la régulation, extrêmement importante, des réseaux. Nous avons la chance de compter sur des réseaux de transport et de distribution de gaz et d'électricité de bonne qualité. Le développement des EnR et du nouveau nucléaire nous confrontent toutefois à un défi : le raccordement de toutes ces sources d'énergie. Cette trajectoire d'investissements considérables doit être accompagnée au travers du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe), même si une première étape a été franchie l'année dernière avec le passage au Turpe 6. Les investissements sont devant nous : ils restent considérables.
Ces réseaux sont également un enjeu de solidarité nationale et de péréquation, car l'accès à l'énergie doit être garanti à chacun sur l'ensemble du territoire, en matière de prix, de qualité de service et de dialogue entre collectivités concédantes et collectivités organisatrices de la distribution de l'électricité ; j'y serai très attentive.
Les réseaux doivent enfin faciliter toutes les flexibilités - stockage, interconnexions - pour nous assurer de passer les prochains hivers dans des conditions satisfaisantes.
La deuxième mission prioritaire de la CRE est d'assurer la régulation et la surveillance des marchés, de détail et de gros. Pour cela, une importante réforme du mode de fixation des prix et des marchés est nécessaire, à l'échelle européenne comme française. Toutefois, la CRE joue déjà ce rôle en surveillant les fournisseurs alternatifs. Il me paraît essentiel, à droit constant, de vérifier que l'Arenh tel qu'il a été réparti profite bien au client final et non pas aux fournisseurs alternatifs. Cela signifie renforcer encore les contrôles, d'autant que les mécanismes de régulation qui fonctionnaient par temps calme ne fonctionnent plus dans un marché où le prix de l'électricité atteint, comme c'est le cas en ce moment, 800 euros le mégawattheure (MWh), et le prix du gaz entre 150 et 200 euros le MWh, selon les projections trimestrielles.
Certaines évolutions peuvent être directement négociées auprès du collège des régulateurs et de l'Agence européenne de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER), notamment la fixation d'un plafond du prix spot de l'électricité. Nous avons connu, le 4 avril dernier, un épisode exceptionnel lorsque le prix plafond de l'électricité a atteint 3 000 euros en France pendant deux heures, engendrant automatiquement un décalage vers le haut du prix plafond européen, qui est passé à 4 000 euros. Ce mode de fixation automatique doit changer, car il est inflationniste ; je m'y emploierai, si ma candidature est retenue, en négociant avec les régulateurs européens. On peut aussi imaginer fixer un prix plafond du gaz, qui n'existe pas aujourd'hui, afin de sécuriser les marchés.
Par ailleurs, il est nécessaire de trouver de nouveaux mécanismes pour décorréler les prix de gros des prix de détail : il n'est plus acceptable que, en France, le prix final de l'électricité pour le client dépende à ce point du prix du gaz sur le marché européen. Les énergies décarbonées, renouvelables et nucléaires, qui sont une base pour nous et dont les prix n'augmentent pas aussi vite que les prix du gaz, doivent être intégrées dans notre prix de marché national.
En ce qui concerne l'Arenh, ce mécanisme arrive à sa limite. S'il a fonctionné au moment de sa création, il ne permet plus de garantir des prix justes aux consommateurs, car les tensions sur le marché sont trop fortes. Vous avez relevé, à l'occasion de l'examen du texte sur le pouvoir de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, le tarif de l'Arenh, qui passera de 42 euros à 49,5 euros à compter du 1er janvier 2023. C'était indispensable, de même que le volume de 120 TWh me paraît un maximum dans cette période de tension sur la fourniture d'électricité nucléaire liée aux problèmes de corrosion sous contraintes rencontrés par le groupe EDF.
Il faudra négocier avec la Commission européenne pour trouver un nouveau mécanisme pour protéger le consommateur après l'Arenh - qui de toute façon s'arrêtera en 2025 - en faisant aussi évoluer le mode de fixation des tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE). Ces derniers sont en effet, par leur mode de calcul par empilement, extrêmement sensibles à l'Arenh, dont chaque écrêtement influe sur la fixation des tarifs réglementés. Au bout du compte, nous avons été capables, en créant des « boucliers tarifaires » sur le gaz et l'électricité, excédant les mécanismes classiques, de protéger les consommateurs. La question se posera de nouveau au législateur et à l'exécutif en 2023.
Le seul élément sur la table, aujourd'hui, c'est la communication récente de la CRE proposant une augmentation des TRVE de 3,9 % au 1er août - proposition évidemment non retenue par l'exécutif et le législateur puisque le bouclier a été posé pour la totalité de l'année 2022. Pour 2023, il reviendra à la CRE, sur la base de simulations, de faire des propositions à l'automne.
La troisième priorité est bien sûr le développement des énergies renouvelables. La CRE opère les appels d'offres en ce sens, auxquels doit se conjuguer le développement des opérations de gré à gré qui ne sont plus soutenues par des subventions publiques. Les charges de contribution au service public de l'électricité (CSPE) sont néanmoins en train de baisser très fortement puisque, après avoir été très élevée ces dernières années, la CSPE est désormais en voie de devenir négative, compte tenu des prix de marché de l'électricité et donc des prix auxquels l'énergie renouvelable peut être vendue.
Je suis favorable à toutes les mesures de simplification et de souplesse, y compris sur les prix de vente, qui ont été adoptées récemment.
L'ensemble de ces sujets revêtent une importance particulière en Corse et dans nos Outre-mer. La CRE tient un rôle important pour accompagner la définition des PPE dans les zones non interconnectées (ZNI), et pour soutenir le développement des EnR et l'autonomie énergétique dans ces territoires, qui sont confrontés à des situations encore plus difficiles qu'en France continentale. Je suis très attachée à ce que la solidarité nationale s'exprime entre tous nos territoires, y compris ultramarins.
Vous avez également cité le sujet de l'hydrogène bas-carbone dont nous devons soutenir le développement à la fois en solution de stockage et pour les usages de nos industriels, qu'il soit produit à partir d'EnR ou à partir d'énergie nucléaire.
En guise de conclusion, j'insisterai sur deux points. D'abord, la CRE doit jouer un rôle européen très important en vue d'obtenir les flexibilités nécessaires auprès de l'ACER, en travaillant en bonne intelligence avec ses collègues au sein du collège des régulateurs et, bien sûr, avec la Commission européenne.
Ensuite, si je suis présidente de la CRE, je serai à la disposition autant du législateur que de l'exécutif, pour travailler en proximité.
Les capacités d'analyse et de simulation de la CRE doivent être mises au service du législateur, à l'Assemblée nationale comme au Sénat ; elles l'ont déjà été au cours des années précédentes par de nombreuses auditions et rencontres. Je le dis à M. le président du groupe d'études « Énergie », mais aussi à vous, madame la présidente de la commission et à tous les sénateurs intéressés : je me tiendrai, avec les équipes de la CRE, à votre disposition pour travailler sur les différentes hypothèses et éclairer vos choix pour poser les bases de la nouvelle politique énergétique du pays.
Enfin, concernant la question de la fin des TRVG, cette règle est posée, et la CRE doit accompagner, par l'information, le choix éclairé des consommateurs. Vous avez renforcé cet aspect dans les textes en discussion actuellement, j'y suis également très attachée.
Je vais vous interroger sur deux points : le marché européen de l'énergie et les relations entre le Gouvernement et la CRE.
Le 26 octobre 2021 lors d'un conseil extraordinaire des ministres européens de l'énergie, vous avez déclaré à propos du marché européen de l'électricité : « Nous avons aussi besoin de revoir ces mécanismes de fonctionnement, cela nécessite une analyse approfondie parce que, pour l'instant, le prix final facturé aux consommateurs d'électricité est extrêmement dépendant du prix marginal des énergies fossiles. » Je partage votre constat, mais souhaiterais obtenir quelques éléments de précision. Comment la CRE peut-elle participer à cette indispensable réorganisation du marché européen de l'énergie ? Comment imaginez-vous cette réorganisation ? Ne serait-il pas nécessaire de prendre du recul sur les logiques uniquement financières et spéculatives qui nuisent au bon fonctionnement de l'approvisionnement à des tarifs raisonnables et à l'indispensable transition énergétique ?
Ma seconde interrogation est plus politique : alors que votre prédécesseur, Jean-François Carenco, est devenu ministre du Gouvernement dont vous êtes vous-même une ex-ministre, la CRE n'est-elle pas devenue une sorte d'antichambre de la majorité présidentielle ?
J'ai récemment travaillé sur deux rapports, le premier portant sur la sécurité d'approvisionnement de notre pays et le second sur la relance du nucléaire. La logique que nous avons retenue dans ces travaux est la logique additive prônée par RTE, consistant à marcher sur deux jambes : le nucléaire, d'une part - sujet sur lequel vous avez déjà répondu à mes inquiétudes quant à votre position personnelle et le rôle de la CRE - et les EnR, d'autre part.
J'ai porté avec le président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, Jean-François Longeot, une proposition de résolution tendant au développement de l'agrivoltaïsme en France. Nous y préconisons notamment que l'agrivoltaïsme sorte des appels d'offres « solaire innovant » lancés en 2016 pour être intégré dans une famille dédiée de la CRE afin d'accélérer le développement des projets.
Au-delà des seuls appels d'offres de la CRE, comment comptez-vous accompagner le déploiement des EnR dans notre pays, et plus particulièrement ceux qui sont liés à l'agrivoltaïsme ?
Vous avez en partie répondu à ma question, qui, étant la seule commissaire ultramarine, porte sur l'ensemble des territoires d'Outre-mer. Votre prédécesseur Jean-François Carenco a veillé à préserver la péréquation tarifaire tout en accompagnant l'élaboration des PPE des collectivités d'outre-mer. Dans le contexte de renchérissement lié au coût des énergies fossiles, quels principes présideront à votre action dans les ZNI ?
À Saint-Barthélemy, par exemple, l'opérateur historique est contraint de renouveler les moteurs vieillissants en les remplaçant par des moteurs moins polluants, mais à combustion fossile. Les retards et difficultés de mise en oeuvre de la transition énergétique pourraient-ils être des facteurs de remise en cause de cette péréquation ?
Dans sa délibération du 13 juillet 2022, la CRE indique que les recettes prévisionnelles liées aux énergies renouvelables électriques s'élèvent à 8,6 milliards d'euros au titre de l'année 2022-2023. Parmi ces recettes, plus de 7 milliards sont liés à l'éolien terrestre qui représente donc une contribution très intéressante aux finances publiques. C'est pourquoi la CRE demande d'accélérer le développement des EnR. Quel sera le rôle de la CRE quant à cette accélération ?
Par ailleurs, pouvez-vous préciser votre position sur le scénario « 100 % renouvelable » de RTE, dont la faisabilité est bien indiquée ?
Dans un rapport sur l'organisation des marchés de l'électricité publié en juin 2022, la Cour des comptes recommande, pour faire face à la volatilité des prix, de redéfinir la méthode de calcul de la composante des TRVE liée à l'écrêtement de l'Arenh - sujet nous ayant bien occupés sur le projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. Comment entendez-vous mettre en oeuvre cette recommandation ?
Le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » ne devrait-il pas accorder une plus grande attention à la neutralité technologique ? En effet, les EnR sont clairement favorisées au détriment de l'énergie nucléaire ou du gaz bas-carbone, qui approvisionnent largement les logements en France. Ne faudrait-il pas mieux tenir compte du mix énergétique de chaque État membre, qui relève de sa compétence souveraine ?
Par ailleurs, ce paquet ayant été élaboré avant la guerre en Ukraine, ne pourrait-il pas être mieux proportionné pour faire face au contexte actuel, sans pour autant renoncer à l'objectif de baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici à 2030 ?
Vous avez évoqué la nécessité de revoir les TRVE : sur quels principes souhaitez-vous les restructurer ? Avez-vous en tête de les asseoir sur les coûts complets du système électrique à long terme, étant entendu qu'ils sont actuellement structurés sur la base du coût marginal du dernier moyen de production appelé ?
Quelle réforme du design de marché européen en matière d'électricité porterez-vous en qualité de présidente de la CRE ? Quelles sont vos orientations sur ce sujet très technique ?
Par ailleurs, il est possible que les infrastructures de transport de gaz existantes se retrouvent à l'avenir à transporter moins de gaz que ça n'a été le cas jusqu'alors ; comment, selon cette hypothèse, prendrez-vous en compte ce qu'on appelle les coûts échoués ? Des milliards d'euros sont en jeu.
Enfin, quelle est votre analyse du rôle et des postures de l'ACER et quels liens comptez-vous tisser entre les réseaux européens des gestionnaires de réseaux de transport - European Network of Transmission System Operators (ENTSO) - d'électricité (ENSO-E) et de gaz (ENTSOG) ?
Notre souveraineté industrielle et la nécessité, pour les industriels, de décarboner leur production demandent une adaptation des réseaux, voire des créations de façon réactive pour un approvisionnement en biogaz et/ou en hydrogène bas-carbone. Que prévoyez-vous pour cette mise en oeuvre ?
S'agissant de l'effacement par les particuliers, y aura-t-il un retour des contrats type « EJP » - effacement des jours de pointe ? Comment rétablir la confiance des ménages ? Est-il envisagé de revenir à une base plus juste ?
Ma question porte sur le volet sobriété énergétique, notamment l'autoconsommation, individuelle et collective, qui permet de produire son électricité et de la consommer au bon moment. Avec la baisse des coûts de production des installations à partir de ressources renouvelables et la hausse du prix de l'électricité, cette pratique se développe fortement et doit être amenée à se développer davantage.
RTE estime que, aujourd'hui, 150 000 Français ont recours à l'autoconsommation solaire. Selon une étude de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), 60 % des Français seraient intéressés.
Dans le contexte de crise énergétique que nous connaissons, l'autoconsommation représente une énergie locale particulièrement intéressante : elle apporte une réponse à notre nécessaire indépendance énergétique et à l'augmentation du prix de l'électricité, tout en réduisant l'empreinte écologique. Quel est votre point de vue sur ce mode de consommation, et comment comptez-vous intensifier cette production locale ?
À la fin de l'année 2021, 12 réacteurs nucléaires sur 56 étaient à l'arrêt, alors qu'il s'agit vraisemblablement du moment où nous en avons le plus besoin.
Quel est le rôle de la CRE sur ce sujet ? Comment réduire l'incertitude sur la capacité du groupe EDF à remettre en service des centrales avant cet hiver ?
Vous avez parlé d'indépendance. Allez-vous mettre un terme à vos responsabilités de présidente du conseil national de Territoires de progrès, qui, à ma connaissance, est composante de la majorité présidentielle ? À défaut, cela pourrait évidemment poser des problèmes de conflit d'intérêts...
Dans un contexte de tensions énergétiques et de dérèglement climatique, nous devons poursuivre la diversification de notre mix énergétique. Nucléaire et EnR se complètent.
Je m'intéresse plus particulièrement à l'éolien en mer. Pourriez-vous nous dresser un bilan des premiers projets français ?
Nous nous réjouissons de votre mue sur le rôle de l'énergie nucléaire.
Nous sommes tous convaincus de la nécessité d'un mix énergétique, mais comment voyez-vous les choses compte tenu de la faiblesse de certaines infrastructures de transport de l'électricité ? Quelle est votre vision territoriale du développement des EnR ? Quel langage allez-vous tenir aux territoires sur la méthanisation, l'éolien, l'agrivoltaïsme, ainsi que l'hydroélectricité ?
La CRE oeuvre aussi au bénéfice des consommateurs : parmi les missions qui lui sont assignées, elle doit veiller à ce qu'ils obtiennent le meilleur service et paient le juste prix.
Comment allez-vous mettre l'accent sur l'accès à l'information, qui est primordial ? Quid du fonctionnement du Comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS), instance importante pour régler un certain nombre de litiges ?
Dans le contexte actuel, pourrait-on envisager une diminution de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), qui représente près de 20 % de la facture électricité ?
Je souhaite connaître votre opinion sur l'ouverture à la concurrence des barrages hydroélectriques, pour laquelle les instances européennes nous mettent une certaine pression depuis plusieurs années...
Vous avez largement évoqué les pistes à court terme pour les différentes énergies, mais je ne vous ai pas entendue sur les perspectives de plus long terme. Or, sur l'énergie, on se projette à dix, vingt, voire trente ans.
Je ne suis pas certain que l'Arenh ait rempli l'objectif que l'on en attendait, à savoir permettre à des opérateurs alternatifs de développer des solutions de production. Aujourd'hui, il est une machine à enrichir des opérateurs alternatifs, et je ne suis pas sûr qu'il ait protégé les consommateurs.
Quelle est votre position à l'égard de Commission européenne sur le dossier de l'énergie hydraulique, à laquelle je suis, comme beaucoup, particulièrement attaché ?
La CRE réalise aujourd'hui des hypothèses sur le besoin en énergie, mais on a l'impression que l'électrification de nos usages, l'industrie 4.0, la volonté de ne pas émettre de GES et de particules vont dans le sens d'une accélération croissante, au-delà de ses prévisions. Quel regard portez-vous sur le besoin en énergie dans notre pays ?
Quel mode de production de l'hydrogène vert envisagez-vous ? Quels investissements pensez-vous nécessaires, pour produire, mais aussi pour stocker et transporter ? Il y a là un enjeu majeur, au moment où, par ailleurs, l'Europe consacre beaucoup d'argent à la recherche et développement (R&D) en matière de production d'hydrogène.
Au-delà de votre profession de foi pour le nucléaire, quel projet industriel envisagez-vous pour la France ? Quels sont les investissements nécessaires ? Comment voyez-vous le rôle du groupe EDF ? Faut-il avoir d'autres partenaires ? Que pensez-vous des enjeux du groupe Orano, celui des déchets, de l'approvisionnement en combustible ?
Enfin, comment voyez-vous la place des collectivités territoriales dans le développement des EnR ? Nous savons que l'acceptabilité sociale, démocratique est un enjeu majeur pour notre pays. Les élus locaux sont-ils une source de soucis et de freins, ou, au contraire, d'opportunités ? La réponse est suggérée dans ma question...
Merci beaucoup de toutes ces questions.
M. le sénateur Franck Tissot, vous m'avez interrogée sur ma vision du marché européen de l'énergie. Je pense que nous sommes au moment où nous devons faire évoluer la vision européenne de ce qu'est un marché qui fonctionne bien à l'échelle européenne. Il faut conserver ce qui fonctionne, à savoir le fait de pouvoir être, selon les cas, exportateur ou importateur. Vous le savez, en électricité, la France est exportatrice nette de manière générale. Elle l'a encore été dans la dernière période, mais elle est de plus en plus souvent importatrice - elle l'a été 80 jours l'année dernière, me semble-t-il. Nous avons donc aussi besoin d'un marché dans lequel l'électricité circule, au sens propre du terme, pour être en capacité d'assurer la sécurité d'approvisionnement.
Néanmoins, le mode de fixation du prix tel qu'il existe aujourd'hui - le coût marginal du dernier lieu de production appelé -, dans sa manière de se répercuter - du marché de gros au marché de détail -, expose énormément les consommateurs, qu'ils soient individuels ou industriels, à la volatilité des prix. Comment la CRE peut-elle participer à une réforme du lien entre le prix de gros et le prix de détail ? Essentiellement par son rôle d'expertise, d'analyse et d'influence. De fait, il y a des négociations entre ministres de l'énergie, il y a des textes... Il est absolument exact que le mix énergétique est un élément de la souveraineté nationale : ce sont des décisions nationales, même s'il existe une influence communautaire. La CRE joue aussi un rôle extrêmement important via les simulations : en fonction des scenarii envisagés, elle peut simuler l'impact sur les tarifs et sur les prix de détail, donc éclairer la décision.
Est-ce une antichambre de la majorité présidentielle ? Je souhaite vraiment dire que non ! Je crois que mon prédécesseur a montré son indépendance d'esprit et sa liberté d'analyse dans ses prises de position, y compris récemment. Vous savez qu'il plaidait pour un Arenh à 150 TWh. Ce n'est pas mon cas. Je le dis extrêmement clairement : je ne pense pas que l'Arenh doive être fixé au-delà de 120 TWh. C'est un vrai maximum. Je répète que je souhaite moi aussi exercer ces fonctions en toute indépendance.
M. le sénateur Alain Cadec, bien sûr, je démissionnerai de la présidence du conseil national de Territoires de progrès. C'est tout à fait normal : ce n'est pas compatible avec la présidence d'une AAI. Cela m'amènera donc à tourner la page de la politique et à ouvrir une page nouvelle, au service de mon pays.
M. le sénateur Jean-Pierre Moga, oui, je pense vraiment qu'il faut que nous marchions sur deux jambes, le nucléaire et les EnR. Je crois vraiment que c'est de cette manière que se pose désormais l'équation énergétique du pays, la « troisième jambe » étant la baisse de la consommation, à travers, à la fois, la sobriété et l'efficacité énergétiques. Ce sont vraiment les piliers de notre politique. Effectivement, pour les EnR, en particulier pour l'agrivoltaïsme, il faut peut-être trouver des mécanismes un peu plus spécifiques que les appels d'offres classiques.
Mme la présidente, je crois moi aussi que la réponse était dans votre question... Les collectivités territoriales sont indispensables sur tous les sujets. Ce sont des acteurs extrêmement importants de la transition énergétique et de la transition écologique. Je suis fière d'avoir, en tant que secrétaire d'État, signé une centaine de contrats de transition écologique avec des territoires, en général à l'échelle de l'intercommunalité, pour les accompagner dans leur développement à la fois écologique et économique, sur la base de leurs propres projets. Il faut vraiment partir des projets des territoires.
L'arrivée d'EnR, le développement de solutions de stockage sont des sujets qu'il faut bâtir tout de suite avec les représentants des territoires. Sur tous les sujets de réseaux et de distribution, les élus sont la clé. La CRE a un rôle important dans le travail sur les schémas de raccordement régionaux et locaux de la méthanisation, par exemple pour l'injection du biogaz. Cela fait partie des sujets sur lesquels un accord local pour définir la meilleure organisation territoriale pour ce raccordement est nécessaire. Vous pouvez compter sur moi pour nouer un dialogue approfondi avec les collectivités territoriales.
Mme la sénatrice Micheline Jacques, vous avez raison, la péréquation tarifaire est l'expression de notre solidarité nationale à l'égard des territoires ultramarins, mais aussi de la Corse et des autres ZNI. J'y suis très attachée, même si les coûts de production sont importants dans nos Outre-mer, du fait de contraintes plus fortes et parce que les infrastructures ont besoin d'être transformées - elles ne peuvent l'être que progressivement.
Une loi a fixé un objectif ambitieux de développement des EnR et d'atteinte de l'autonomie énergétique en outre-mer en 2030. Cet objectif sera difficile à atteindre. Je pense qu'il faut accompagner la trajectoire. C'est territoire par territoire et PPE par PPE qu'il faut définir cette trajectoire, avec les collectivités territoriales. Ensuite, la solidarité nationale finance, à travers la CSPE. J'y suis extrêmement attachée.
M. le sénateur Daniel Salmon, vous m'avez interrogée sur la recette de CSPE, qui est effectivement très importante actuellement. Les choses se sont inversées : alors qu'elle a été une charge pour le budget de l'État, elle devient une recette compte tenu du prix actuel de l'énergie.
Mme la sénatrice Anne-Catherine Loisier, la CSPE est désormais déconnectée de la facture du consommateur. La facture du consommateur, c'est la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), laquelle a été abaissée à 1 euro le mégawattheure dans le cadre du bouclier tarifaire pour 2022. Comment positionner la TICFE ? La question se posera dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023. C'est une décision de puissance publique, qui relève du budget de l'État.
Il faut continuer à développer les EnR, à la fois l'éolien terrestre et l'éolien en mer, madame la sénatrice Patricia Schillinger.
La CRE a un rôle important : à travers les appels d'offres, à travers le pilotage des guichets, dans sa capacité à accompagner les contrats de gré à gré, que l'on appelle les PPA - les Power Purchase Agreements. Cet outil utile peut se développer et sécuriser des approvisionnements à long terme.
Le scénario « 100 % renouvelable » de RTE est sur la table, mais avec un certain nombre de réserves. Pour ma part, je pense que nous avons besoin d'EnR et de nucléaire. Je suis donc plutôt favorable au scénario qui propose un mix entre les EnR et le nucléaire, mais ce sujet sera soumis au législateur lors du projet de loi sur la PPE. Ce scénario existe, mais il est extrêmement exigeant, notamment sur les conditions de stockage. À cet égard, la question de l'hydrogène est absolument vitale pour le pays.
M. le sénateur Bernard Buis, deux des préconisations du rapport de la Cour des comptes sur l'organisation des marchés de l'électricité, auxquelles je suis favorable, concernent directement la CRE : rendre public le mode de calcul des coûts complets de l'énergie nucléaire ; faire évoluer le mode de calcul de la répartition de l'Arenh, donc de l'impact sur les TRVE, pour prendre une période de référence plus longue. Cela présente l'avantage de limiter un peu la volatilité, donc la transmission des prix de marché de gros aux consommateurs à travers les TRVE. La CRE s'y emploiera si ma candidature est retenue.
Mme le sénateur Dominique Estrosi Sassone, vous m'avez interrogée sur l'impact du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » et sur la nécessité de tenir compte du mix énergétique des pays. C'est effectivement très important. Le Conseil européen se fixe des objectifs extrêmement ambitieux, mais c'est à chaque pays de définir sa trajectoire à partir de son histoire et de ses moyens de production. Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur un parc nucléaire, sur un parc d'hydroélectricité et sur des EnR en développement. Il faut faire attention à cette neutralité à l'échelle européenne. Nous avons remporté une belle victoire avec l'intégration de l'énergie nucléaire dans la « taxonomie verte européenne », ce qui était extrêmement important pour l'avenir de notre filière, de nos industries et de notre souveraineté énergétique. C'est en ce sens qu'il faut travailler.
Vous avez évoqué la nécessité d'une plus grande proportionnalité au contexte de crise. Il est vrai que, d'un côté, la crise nous pousse à accélérer, à sortir du gaz quand c'est possible, à aller vers la sobriété et vers tous les mécanismes de flexibilité, qui peuvent être utilisés encore davantage : effacement, interruptibilité, capacité. D'un autre côté, nous devons être pragmatiques, et je crois que c'est ce que nous faisons avec le terminal flottant méthanier au large du Havre, qui nous permet de sécuriser nos approvisionnements. Nous devons être en capacité de maîtriser notre destin énergétique.
M. le sénateur Franck Montaugé, l'expertise a commencé sur l'après-Arenh, mais elle n'est pas encore complètement consolidée - le sujet arrivera en 2025. Il me semble que nous devons concilier deux objectifs : permettre à EDF de financer les investissements nécessaires dans le nucléaire actuel, donc lui permettre de couvrir, dans de bonnes conditions de marché, les coûts complets du nucléaire ; assurer la concurrence sur le marché français et permettre aux consommateurs de bénéficier de l'investissement qui a été réalisé dans notre système énergétique lorsqu'ils décident de choisir un fournisseur alternatif.
Je reconnais tout à fait que l'Arenh n'a pas atteint l'un des objectifs qui lui avaient été fixés à l'époque, à savoir favoriser le développement par les fournisseurs alternatifs de moyens de production. Cela ne s'est pas produit.
À très court terme, la première chose à faire pour la CRE est vraiment de renforcer la surveillance sur la transmission intégrale aux consommateurs de l'Arenh dont bénéficient actuellement les fournisseurs alternatifs. Ce ne doit pas être une rente pour les fournisseurs alternatifs : le consommateur final doit s'y retrouver dans le prix de vente.
Pour la suite, il faut repartir de la couverture des coûts complets, en trouvant un mécanisme qui permette de faire bénéficier tous les consommateurs du système énergétique. Cela relève probablement plutôt du prix régulé que de l'Arenh, qui est asymétrique - c'est l'une de ses grandes difficultés - : quand le prix de l'énergie est élevé, le groupe EDF est obligé de vendre ; quand il est bas, le groupe EDF vend non pas au prix de l'Arenh, mais au prix de marché.
présidente. – Nous avons le plaisir d’accueillir Mme Emmanuelle Wargon, candidate proposée par le Président de la République aux fonctions de présidente du collège de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).
Cette nomination ne peut intervenir qu’après audition devant les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Cette audition est publique et ouverte à la presse et retransmise sur le site du Sénat. Elle sera suivie d’un vote, qui se déroulera à bulletin secret. Je rappelle que les délégations de vote ne sont pas autorisées et que le dépouillement doit être effectué simultanément à l’Assemblée nationale. L’Assemblée nationale devant entendre Mme Wargon après le Sénat, nous dépouillerons les bulletins d’ici à la mi-journée.
En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l’addition des votes négatifs exprimés dans les deux commissions représentait, au total, au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés
Avant de passer la parole à notre collègue Patrick Chauvet, rapporteur sur cette nomination, puis à notre collègue Daniel Gremillet, président du groupe d’études « Énergie », je souhaiterais rappeler le très grand intérêt que notre commission porte à la régulation des marchés de l’énergie.
Lundi encore, lors de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, nous avons abouti à de belles avancées en la matière. Nous avons conforté la régulation de l’énergie nucléaire, en plafonnant l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) à 120 térawattheures (TWh). Nous avons favorisé l’essor des énergies renouvelables (EnR), en simplifiant les procédures pour le biogaz, et consolidé la protection des consommateurs, en renforçant l’information et en encadrant les coupures.
Jamais peut-être une nomination à une autorité administrative indépendante (AAI) comme la CRE n’aura été réalisée dans un contexte aussi sensible pour notre pays et pour l’Europe, étant donné l’extrême complexité et les incertitudes liées à la situation géopolitique et à la situation climatique. L’énergie, c’est la vie, et nous nous trouvons actuellement, en raison de choix passés, dans une situation critique, laquelle exige l’action d’une autorité de régulation pertinente sur ces questions.
Je tiens à souligner la très grande attention que nous attachons à la vision de la CRE, dont le rôle – éclairer l’exécutif – est extrêmement important dans cette période critique. Nous serons donc très attentifs au cap que vous proposez pour la CRE, à votre perception des marchés de l’énergie et à la façon dont vous entendez exercer votre rôle, en relation, bien sûr, avec l’exécutif, mais aussi avec le Parlement.
rapporteur. – Vous êtes conseillère maître à la Cour des comptes et avez fait une partie de votre carrière au sein de ministères ou d’établissements sociaux. Vous avez également exercé les fonctions ministérielles que nous connaissons tous, en tant que secrétaire d’État à la transition écologique, de 2018 à 2020, puis en tant que ministre déléguée au logement, de 2020 à 2022.
Ma première interrogation porte donc sur votre parcours : qu’est-ce qui vous motive à vous investir dans un secteur – celui de l’énergie – différent de ceux dans lesquels vous avez évolué auparavant ? Par ailleurs, comment entendez-vous garantir l’indépendance de la CRE, qui est, je le rappelle, une AAI, compte tenu de vos anciennes fonctions ministérielles ? Devrez-vous vous déporter sur les sujets que vous auriez eu à connaître dans ces anciennes fonctions ? Je pense, par exemple, à la rénovation énergétique, proche des missions de la CRE.
Créée par la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, la CRE a pour principale mission de concourir au bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz naturel, au bénéfice des consommateurs finals et en cohérence avec les objectifs de la politique énergétique.
Ma deuxième interrogation concerne ainsi les missions de la CRE. Dans le contexte de crise énergétique, le rôle des autorités de régulation va s’amplifier. Le paquet « Ajustement à l’objectif 55 », complété par le plan REPowerEU, fixe des exigences en matière d’EnR, d’hydrogène, d’électromobilité, de réseau et de stockage. Les plans de résilience et d’investissement prévoient des montants importants en direction de l’énergie nucléaire, de l’hydrogène ou de l’électromobilité. Ce cadre a des répercussions sur les missions de la CRE, ou tout du moins sur leurs conditions d’exercice. Comment la CRE appréhende-t-elle ces exigences ? Est-elle en capacité d’y répondre, sur les plans budgétaire et humain ?
Ma troisième interrogation concerne la crise énergétique et les moyens mis en œuvre pour y faire face. Quelle appréciation portez-vous sur le « bouclier tarifaire » et comment remédier aux éventuelles lacunes de ce dernier ? Partagez-vous le principe du relèvement de 20 TWh de l’Arenh, qui conduit à un transfert de 10 milliards d’euros de recettes du groupe EDF vers les consommateurs ? Comment mieux protéger les consommateurs qui ne bénéficient pas des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE) ? À combien s’élève le rattrapage en 2023 du blocage tarifaire sur les consommateurs ? Enfin, comment anticipez-vous la fin des tarifs réglementés de vente de gaz (TRVG), prévue pour juillet 2023 ?
Ma dernière interrogation a trait à l’avenir du secteur de l’énergie, en pleine effervescence. À l’échelle européenne, quelle est votre position sur la réforme du marché de l’électricité ? Êtes-vous favorable à la suppression du principe du coût marginal, qui lie dans les faits le prix de l’électricité à celui du gaz ? À l’échelle nationale, quelle appréciation portez-vous sur la relance de l’énergie nucléaire ? Pour le nucléaire existant, quel mécanisme de régulation devrait remplacer l’Arenh ? Enfin, que pouvons-nous envisager pour le nouveau nucléaire : une garantie de prix, comme au Royaume-Uni ? Un consortium d’électro-intensifs, comme en Finlande ? Un financement étatique, comme en République tchèque ?
Je parle de la manière dont on régule le prix de cession du nucléaire par EDF. Cela implique non pas forcément des TRVE au détail pour tous les consommateurs - il faut permettre au consommateur de continuer à choisir son fournisseur d'électricité - , mais un mécanisme de vente de l'électricité sur les marchés qui lui permette de couvrir ses coûts, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui avec l'Arenh.
président du groupe d’études Énergie. – Je ne compléterai que marginalement les questions de notre présidente et de notre rapporteur.
Le premier point que je souhaiterais aborder concerne l’essor des EnR. Le ministère de la transition énergétique a annoncé un plan modifiant les dispositifs de soutien budgétaires ; ce plan prévoit la suspension de la baisse des tarifs sur le photovoltaïque, le relèvement des coûts pris en compte dans les appels d’offres, l’extension du délai ou du périmètre de certains appels d’offres ou encore l’autorisation de vente par certains lauréats de l’énergie sur les marchés. Quel est votre avis sur ces annonces ? Plus largement, pensez-vous qu’il faille consolider les dispositifs de soutien budgétaires pour amplifier les projets, ou au contraire en modérer le coût, qui s’élevait déjà à plus de 5 milliards d’euros l’an passé ? Faut-il préférer des dispositifs de soutien extrabudgétaires, tels que les rabais tarifaires, les garanties d’origine, ou les contrats de gré à gré ?
Par ailleurs, le stockage, indispensable pour remédier à l’intermittence des énergies renouvelables, est-il assez soutenu ? Quid de l’autoconsommation, porteuse d’externalités positives pour les consommateurs, mais négatives pour les réseaux : doit-elle être encouragée ?
Le deuxième point a trait à la sécurité d’approvisionnement. La CRE a récemment publié un rapport sur les anticipations des acteurs du marché de l’électricité, indiquant que ces derniers prévoient une atteinte du plafond du prix sur les enchères de 200 heures par trimestre, ce qui refléterait « la crainte des marchés quant au risque d’un déséquilibre offre/demande ». Pouvez-vous préciser cette analyse ?
Par ailleurs, risque-t-on une rupture sur le plan de l’approvisionnement, en gaz, en raison de la guerre en Ukraine, ou en électricité, compte tenu du phénomène de corrosion sous contrainte ? Les dispositifs de stockage, d’interruptibilité ou d’effacement sont-ils suffisants ? Comment, enfin, favoriser l’effort de sobriété énergétique ? Identifiez-vous des gisements, tant chez les professionnels que chez les particuliers ?
Mon dernier point porte sur l’évolution de notre mix énergétique, sur laquelle le législateur aura à se prononcer, à l’occasion de la loi quinquennale sur l’énergie de 2023. Notre commission a résolument plaidé pour faire du scénario « N03 » de Réseau de transport d’électricité (RTE) un minimum à atteindre, appelant à construire rapidement non pas six, mais quatorze EPR (European Pressurized Reactors, réacteurs pressurisés européens). Quel est votre point de vue sur le mix énergétique idéal ?
– Je suis très heureuse et honorée de présenter devant vous ma candidature à la tête de la CRE – institution tellement importante dans cette période – conformément, vous l’avez rappelé, Mme la présidente, à la procédure de l’article 13 de la Constitution.
Je commencerai par me présenter, puis j’évoquerai à la fois les grands enjeux énergétiques et la manière dont la CRE peut y répondre ainsi que les priorités qui pourraient être la sienne si ma candidature est retenue.
Nous avons travaillé ensemble à de nombreuses reprises durant mes mandats ministériels, mais ma carrière est pour l’essentiel administrative : je suis conseillère maître à la Cour des comptes et j’ai passé vingt ans dans différentes fonctions administratives, au sein d’administrations centrales et d’établissements publics. J’ai été secrétaire générale des ministères sociaux, puis déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle, à la tête d’environ 200 agents. J’ai par ailleurs exercé au sein de l’Agence du médicament, où j’ai passé quatre ans, une agence indépendante, qui prend ses décisions par elle-même, indépendamment de la volonté du Gouvernement.
J’ai ensuite ouvert une page politique, qui se refermera aujourd’hui si cette nomination aboutit, m’ayant conduite à être secrétaire d’État chargée de l’écologie, puis ministre déléguée au logement. Nous avons alors eu l’occasion de beaucoup travailler ensemble et nous sommes parvenus à des accords ou consensus – je pense, par exemple, à la création de l’Office français de la biodiversité (OFB), puis aux lois dites « 3DS » et « Climat-Résilience ».
L’énergie a en réalité été au cœur de nombreux dossiers que j’ai traités lors de ces expériences ministérielles, ce qui m’amène aujourd’hui à cette candidature à la CRE. J’ai en effet pris conscience de l’importance absolument stratégique des questions énergétiques pour notre pays. J’ai, par exemple, piloté des groupes de travail pour lever les freins réglementaires au développement des EnR, notamment sur les réseaux de chaleur, mais aussi sur l’éolien et sur le solaire. Au titre de mes fonctions de ministre déléguée au logement, j’ai beaucoup travaillé sur la rénovation énergétique des bâtiments, avec MaPrimeRénov’ et en soutenant les collectivités territoriales. J’ai donc pu toucher du doigt, si je puis dire, l’enjeu essentiel que constitue l’énergie, et j’estime que la chance d’être à la tête de ce régulateur est une très belle façon de servir le pays.
Je regroupe les enjeux énergétiques en trois axes.
Le premier se rapporte à la sécurité d’approvisionnement et à la souveraineté énergétique. Nous étions déjà tous convaincus de l’importance de ce sujet avant la crise de l’énergie liée à la guerre en Ukraine, mais nous voyons maintenant concrètement à quel point il est crucial pour le pays.
Le deuxième axe concerne la protection des consommateurs et la compétitivité de nos entreprises. La CRE joue un rôle important pour ce qui concerne la régulation des marchés, au bénéfice non seulement des ménages, mais aussi des industriels électro-intensifs et plus largement de toutes nos entreprises.
L’énergie, vivement touchée par l’inflation, représente une partie importante des charges qui pèsent sur les ménages et sur les entreprises, pour lesquelles la compétitivité est indispensable. Les tarifs réglementés et l’Arenh, mesures de régulation classiques, mais aussi les mesures exceptionnelles telles que les « boucliers tarifaires » nous permettent de protéger en partie le pouvoir d’achat de nos compatriotes.
Le troisième et peut-être le principal enjeu est l’accélération de la transition écologique, en faveur de laquelle nos objectifs sont extrêmement ambitieux, qu’ils soient nationaux ou communautaires, et vont nous amener à un double mouvement : la baisse de notre consommation d’énergie, fixée pour l’instant à 40 % d’ici à 2050, et une part croissante d’électricité dans notre mix énergétique pour aller vers une énergie décarbonée. Les différents scénarii, dont celui que vous avez cité, conduisent à une augmentation en valeur absolue de la production énergétique.
Pour atteindre ces objectifs, nous devons travailler sur la sobriété et l’efficacité, ainsi que sur le développement des EnR, en nous appuyant sur le nucléaire.
L’efficacité, c’est parvenir au même résultat avec moins de source et de consommation d’énergie. La sobriété, c’est changer nos usages pour consommer moins d’énergie, en trouvant des solutions alternatives. Il s’agit d’un objectif de politiques publiques indispensable.
Nous devons ensuite soutenir le développement des EnR. Nous avons encore de la marge pour atteindre une production suffisante ; d’où les nombreux travaux en ce sens, dont les textes que vous venez d’adopter.
Je tiens vraiment à préciser ma position sur le nucléaire, qui est un point très important de la discussion : je suis favorable à l’électricité nucléaire, clairement, que ce soit le maintien des réacteurs existants ou le développement du nouveau nucléaire. Permettre à notre opérateur national de soutenir le nucléaire existant et le nouveau nucléaire constitue l’un des éléments majeurs du design de marché.
En tant que secrétaire d’État, j’ai été amenée à accompagner les territoires, à la fois pour la fermeture des centrales à charbon, et pour la fermeture de la centrale de Fessenheim. Sur ce dernier point, je souhaite clarifier les choses : à ce moment-là – début 2019 –, la décision de fermer la centrale avait été prise longtemps auparavant, reconfirmée, et, en accord avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le groupe EDF n’avait pas lancé les opérations de maintenance lourde et de visites décennales initialement prévues par le calendrier.
Dans ce contexte, la gestion du dossier consistait à accompagner le groupe EDF sur les plans technique et économique, mais surtout le territoire confronté à cette décision, notamment sur le développement d’un technocentre et d’industries alternatives.
L’hypothèse sur laquelle reposait la décision de fermer la centrale de Fessenheim tenait au fait que la consommation future d’électricité serait stable, voire en légère décroissance ; elle s’est révélée fausse. Le monde a changé et nous devons prendre des décisions en conséquence. Ma position personnelle, je le redis pour être très claire, est donc, de maintenir les réacteurs existants, dans les conditions définies par l’ASN, et développer le nouveau nucléaire, qui est indispensable, quel que soient les scenario retenus.
Ces questions-là sont en premier lieu du ressort du législateur, et non de la CRE. La discussion du projet de loi sur la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui aura lieu avant le 1er juillet 2023, sera l’occasion pour le législateur de définir la politique énergétique du pays.
L'Arenh, c'est un prix de vente du groupe EDF aux autres fournisseurs. À 42 euros le MWh, ce prix est trop bas. Par ailleurs, il devrait être calculé de façon à permettre une véritable couverture des coûts complets du système énergétique. Si l'on garde un mode de fixation du prix de vente de l'électricité historique du groupe EDF aux autres fournisseurs, il faut veiller à ce que, dans la réforme des TRVE au consommateur, qui est le second morceau de la réforme, cette vente régulée se fasse au bénéfice de ce dernier. Cela ne signifie pas qu'il faille remettre tous les Français sous TRVE, le marché de l'électricité ayant été ouvert, mais il faut trouver le mode de fixation des TRVE qui intègre le prix régulé du groupe EDF. Les TRVE couvrent à peu près deux tiers du marché, mais le tiers restant est, pour une bonne partie, fixé en référence aux TRVE. Par conséquent, le TRVE a, d'une certaine manière, un impact direct sur les contrats qui sont juridiquement au TRVE, et un impact indirect sur tous les prix de marché.
J'essaie de vous apporter une réponse en deux temps : comment le groupe EDF vend son électricité sur le marché de gros, et comment cela est intégré par le marché de détail. Dans les deux cas, il faut que les coûts du groupe EDF soient couverts pour lui permettre de continuer à maintenir la qualité de sa production existante aux coûts complets et que l'on trouve les mécanismes qui permettent au consommateur final, soit via le TRVE, soit via le jeu normal du marché, de bénéficier de l'électricité à des prix régulés.
Le TRVE est donc central dans la fixation des prix sur le marché, de façon directe ou indirecte. Je suis absolument convaincue qu'il faut maintenir des TRVE.
Le transport de gaz est une question très importante. Je pense que nous n'avons pas encore une très bonne visibilité sur les volumes potentiels de transport de gaz, notamment avec la montée en charge du biométhane et du biogaz, mais aussi avec l'hydrogène. Ces infrastructures pourraient aussi servir à transporter de l'hydrogène ? L'expertise collective est en cours, mais il est clair que les coûts échoués, s'il devait y en avoir - il n'y en a pas pour l'instant -, devront être dans l'équation tarifaire globale de financement des réseaux sous une forme de solidarité ou sous une autre, parce qu'il n'est pas possible de laisser les gestionnaires de réseaux faire face seuls à des coûts qui sont simplement liés à la transition énergétique.
Enfin, je pense qu'il est très important que nous soyons très présents à l'ACER - Jean-François Carenco y allait régulièrement, et l'un des commissaires s'y rend lui aussi fréquemment. Cependant, nous ne devons pas nous reposer seulement sur elle et nous devons travailler avec le Conseil des régulateurs européens de l'énergie (CEER) et avec les organismes de coopération des réseaux que vous avez cités. L'ACER a une vision très libérale de la régulation des marchés. Il est important d'y défendre une vision de plus long terme de protection du consommateur, mais aussi de la souveraineté.
Mme le sénateur Martine Berthet, sur la question de la souveraineté industrielle et de l'adaptation des réseaux, il faut peut-être des investissements spécifiques dans les très grands bassins industriels pour être en capacité de faire évoluer les réseaux de raccordement d'EnR et d'hydrogène. On pourrait imaginer de travailler spécifiquement avec ces grands bassins industriels pour voir comment les réseaux peuvent les soutenir dans leur développement industriel ou leur réindustrialisation.
S'agissant de l'effacement, je pense qu'il y a toute une réflexion à avoir sur l'évolution des contrats. C'est d'abord une réflexion que doivent mener les fournisseurs, mais la CRE peut, sur ce plan, jouer un rôle important. On a effectivement des contrats qui ne sont plus du tout intéressants pour les particuliers, alors même que ces contrats pourraient à la fois leur bénéficier et bénéficier à la sécurité d'approvisionnement et à la flexibilité. Il faut revoir les tarifs et probablement proposer des incitations aux fournisseurs qui sont en capacité de proposer des offres qui allient ces deux objectifs.
Mme la sénatrice Amel Gacquerre, je suis favorable à l'autoconsommation. C'est à la fois une attente des Français et un élément de flexibilité, de sobriété et de sécurité d'approvisionnement qui peut nous aider dans cette période. Toute la question - elle est délicate - est de trouver le juste point d'équilibre entre le développement de l'autoconsommation et la solidarité nationale sur le financement des réseaux, qui profitent à tous. Si l'on commence à démembrer morceau par morceau, un problème de solidarité, de pérennité et de péréquation sur les réseaux se posera. Cependant, au fond, je pense que nous pouvons aller plus loin sur le soutien à l'autoconsommation, qui, je pense, peut être un élément important, y compris d'acceptabilité des EnR.
Mme le sénateur Évelyne Renaud-Garabedian, la CRE n'a de rôle direct ni sur l'arrêt ni sur la reprise d'activité des réacteurs nucléaires, qui sont sous la responsabilité de l'opérateur EDF et sous le contrôle de l'ASN. C'est plutôt sur le modèle économique - assurer le financement des coûts complets du nucléaire actuel et trouver le modèle de financement du nouveau nucléaire - que la CRE peut jouer un rôle. Aller au-delà reviendrait à lui conférer un rôle industriel d'opérateur qui n'est pas de son ressort.
M. le sénateur Alain Cadec, je crois avoir répondu à votre question sur Territoires de progrès.
Mme la sénatrice Patricia Schillinger, effectivement, l'éolien en mer est un élément extrêmement important de notre développement des EnR, de notre sécurité d'approvisionnement et de notre mix énergétique. Le premier parc éolien en mer produit enfin. Il a été raccordé, il est maintenant connecté. De nombreux projets sont en cours. Je pense que la CRE a un rôle important d'accompagnement, y compris des réseaux. Une partie des enjeux est liée à notre capacité à construire les éoliennes elles-mêmes sur le plan industriel. Une autre partie est liée à notre capacité à raccorder ces éoliennes dans de bonnes conditions. La CRE continuera à apporter son soutien, notamment via ses appels d'offres.
M. le sénateur Laurent Somon, je pense avoir en partie répondu sur la vision territoriale. Nous ne parviendrons pas à développer les EnR si nous ne le faisons pas en accord avec les territoires, dans une vision de planification territoriale - elle est extrêmement importante - qui donne de la visibilité et de la capacité à se projeter, parce que l'on voit bien que le développement au coup par coup pose de vrais problèmes. Nous devons aller plus loin.
Je suis favorable à une renégociation avec Bruxelles qui nous permette de garder la maîtrise de nos concessions hydroélectriques. L'une des hypothèses qui sont sur la table est de l'organiser sous forme de quasi-régie ; cela me semble une solution juridique relativement sûre. L'hydroélectricité fait partie de notre sécurité d'approvisionnement. Elle fait partie de notre compétitivité économique et de notre souveraineté énergétique. La France a, depuis longtemps, essayé de mener cette négociation avec la Commission européenne. Je pense qu'elle sera menée à la suite de la nationalisation du groupe EDF, s'agissant du modèle à lui donner dans le futur pour lui permettre à la fois de développer le nouveau nucléaire et de maintenir nos concessions hydroélectriques dans des conditions dans lesquelles nous sommes certains d'assurer cette souveraineté.
M. le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne, vous avez tout à fait raison pour ce qui concerne l'information du consommateur : qualité de l'information, qualité de service, capacité à choisir des offres de manière éclairée, autant d'éléments cruciaux. La CRE y travaille, notamment avec le Médiateur national de l'énergie (MNE), avec lequel les liens pourraient d'ailleurs être ressérés. Le CoRDis est une institution essentielle pour traiter les litiges ; il fonctionne bien et doit être soutenu.
M. le sénateur Serge Mérillou, en ce qui concerne les pistes à long terme, une vision à l'horizon de 2050 se dégage progressivement ; cette vision sera soumise au Parlement avant la fin de cette année. Un double mouvement est en marche : une baisse de la consommation d'énergie - nous devons absolument l'accompagner en étant plus efficaces et plus sobres, comme j'ai essayé de le faire, en tant que ministre, pour la rénovation énergétique des bâtiments - et une évolution du mix énergétique vers moins d'énergies fossiles - cela suppose une production accrue d'électricité. Selon les scenarii de RTE, alors que nous consommons aujourd'hui environ 450 TWh par an, cette consommation s'élèverait à l'avenir à 650, voire 750 ou 800 TWh, en fonction de la réindustrialisation du pays, qui fait aussi partie de nos objectifs stratégiques. Baisse de la consommation, changement des usages, montée en puissance d'une aide à l'électricité décarbonée, tels sont les axes à suivre pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon de 2050.
L'Arenh n'a pas atteint son objectif initial de développement des solutions de production alternatives. Il revient à la CRE de vérifier qu'il ne constitue pas pour les fournisseurs un facteur d'enrichissement. La CRE surveille donc le marché ; les contrôles de la fixation des prix des fournisseurs alternatifs bénéficiant de l'Arenh devront probablement être renforcés.
Mme la présidente, les hypothèses de besoins de production sont établies par RTE, non par la CRE. L'hypothèse sur laquelle je fonde mes réflexions est celle d'une baisse de la consommation d'énergie à moyen terme et d'une augmentation en valeur relative et en valeur absolue de la part d'électricité dans le mix énergétique. La chaleur renouvelable est tout aussi importante, tout comme le remplacement progressif du gaz par le biométhane.
L'hydrogène est un sujet central. Une négociation est en cours sur le paquet gazier. Nous devons absolument faire en sorte que la filière hydrogène, qu'elle soit fondée sur les énergies renouvelables ou sur l'énergie nucléaire, soit accompagnée. Je sais que ce point vous tient à coeur ; il est essentiel aux yeux de l'Union européenne, qui regarde attentivement le critère de neutralité carbone des technologies. Nous avons un travail important devant nous sur les investissements et les réseaux.
Au-delà du soutien à court terme, le nucléaire doit faire l'objet d'un projet industriel ambitieux. Nous devons soutenir notre grand opérateur national ; sa nationalisation permettra de définir les contours de ce soutien. Nous devons aussi continuer à travailler sur la fin du cycle du combustible. J'ai, au cours de mes précédentes fonctions, accompagné le projet Cigéo, essentiel en la matière.
Que pensez-vous de la réforme d'EDF ? Les premiers éléments dont nous disposons, par exemple dans le projet de loi de finances rectificative (PLFR) adopté hier, indiquent qu'il ne s'agit pas d'une recapitalisation, mais d'une prise de participation. Quelle est votre vision de la réorganisation de cet opérateur public ? Quels seront son poids, son rôle et sa stratégie, demain, dans un écosystème à la fois public et privé ?
présidente. – La CRE réalise aujourd’hui des hypothèses sur le besoin en énergie, mais on a l’impression que l’électrification de nos usages, l’industrie 4.0, la volonté de ne pas émettre de GES et de particules vont dans le sens d’une accélération croissante, au-delà de ses prévisions. Quel regard portez-vous sur le besoin en énergie dans notre pays ?
Quel mode de production de l’hydrogène vert envisagez-vous ? Quels investissements pensez-vous nécessaires, pour produire, mais aussi pour stocker et transporter ? Il y a là un enjeu majeur, au moment où, par ailleurs, l’Europe consacre beaucoup d’argent à la recherche et développement (R&D) en matière de production d’hydrogène.
Au-delà de votre profession de foi pour le nucléaire, quel projet industriel envisagez-vous pour la France ? Quels sont les investissements nécessaires ? Comment voyez-vous le rôle du groupe EDF ? Faut-il avoir d’autres partenaires ? Que pensez-vous des enjeux du groupe Orano, celui des déchets, de l’approvisionnement en combustible ?
Enfin, comment voyez-vous la place des collectivités territoriales dans le développement des EnR ? Nous savons que l’acceptabilité sociale, démocratique est un enjeu majeur pour notre pays. Les élus locaux sont-ils une source de soucis et de freins, ou, au contraire, d’opportunités ? La réponse est suggérée dans ma question...
C'est une chance que de disposer d'un grand opérateur national pour atteindre nos objectifs, à savoir la souveraineté énergétique de notre pays, la sécurité d'approvisionnement, la protection des consommateurs et la transition écologique.
Je suis favorable à ce que l'État soit actionnaire à 100 % d'EDF, ce qui revient à une forme de nationalisation. Se posera ensuite la question des moyens, pour qu'EDF puisse suivre sa trajectoire de long terme : moyens pour le soutien du nucléaire actuel et le Grand Carénage, moyens pour l'investissement dans le nouveau nucléaire et moyens pour le maintien et le développement des concessions hydroélectriques. EDF reste actionnaire majoritaire des réseaux RTE et Enedis, qui sont vitaux pour le pays. EDF est un acteur incontournable du marché, nous devons le soutenir comme un fleuron national.
La CRE est attachée à la libre concurrence sur les marchés, toujours au bénéfice du consommateur final, qu'il s'agisse des industries, des particuliers ou des collectivités territoriales. La concurrence doit pouvoir s'exercer, entre autres parce qu'elle est source d'innovation - tel était l'objectif premier de cette ouverture à la concurrence. Il s'agit de renforcer la capacité de la concurrence à proposer une innovation positive, au service des industriels et des consommateurs. Ainsi, EDF n'est pas en position de monopole sur la totalité de la chaîne de production et de vente au détail d'électricité. Néanmoins, nous devons assumer le fait que nous disposons d'un opérateur national de référence, qui nous permettra d'atteindre nos objectifs.
Quant aux détails de la réforme, elle suivra probablement les orientations que je viens d'exposer.
– Merci beaucoup de toutes ces questions.
M. le sénateur Franck Tissot, vous m’avez interrogée sur ma vision du marché européen de l’énergie. Je pense que nous sommes au moment où nous devons faire évoluer la vision européenne de ce qu’est un marché qui fonctionne bien à l’échelle européenne. Il faut conserver ce qui fonctionne, à savoir le fait de pouvoir être, selon les cas, exportateur ou importateur. Vous le savez, en électricité, la France est exportatrice nette de manière générale. Elle l’a encore été dans la dernière période, mais elle est de plus en plus souvent importatrice – elle l’a été 80 jours l’année dernière, me semble-t-il. Nous avons donc aussi besoin d’un marché dans lequel l’électricité circule, au sens propre du terme, pour être en capacité d’assurer la sécurité d’approvisionnement.
Néanmoins, le mode de fixation du prix tel qu’il existe aujourd’hui – le coût marginal du dernier lieu de production appelé –, dans sa manière de se répercuter – du marché de gros au marché de détail –, expose énormément les consommateurs, qu’ils soient individuels ou industriels, à la volatilité des prix. Comment la CRE peut-elle participer à une réforme du lien entre le prix de gros et le prix de détail ? Essentiellement par son rôle d’expertise, d’analyse et d’influence. De fait, il y a des négociations entre ministres de l’énergie, il y a des textes... Il est absolument exact que le mix énergétique est un élément de la souveraineté nationale : ce sont des décisions nationales, même s’il existe une influence communautaire. La CRE joue aussi un rôle extrêmement important via les simulations : en fonction des scenarii envisagés, elle peut simuler l’impact sur les tarifs et sur les prix de détail, donc éclairer la décision.
Est-ce une antichambre de la majorité présidentielle ? Je souhaite vraiment dire que non ! Je crois que mon prédécesseur a montré son indépendance d’esprit et sa liberté d’analyse dans ses prises de position, y compris récemment. Vous savez qu’il plaidait pour un Arenh à 150 TWh. Ce n’est pas mon cas. Je le dis extrêmement clairement : je ne pense pas que l’Arenh doive être fixé au-delà de 120 TWh. C’est un vrai maximum. Je répète que je souhaite moi aussi exercer ces fonctions en toute indépendance.
M. le sénateur Alain Cadec, bien sûr, je démissionnerai de la présidence du conseil national de Territoires de progrès. C’est tout à fait normal : ce n’est pas compatible avec la présidence d’une AAI. Cela m’amènera donc à tourner la page de la politique et à ouvrir une page nouvelle, au service de mon pays.
M. le sénateur Jean-Pierre Moga, oui, je pense vraiment qu’il faut que nous marchions sur deux jambes, le nucléaire et les EnR. Je crois vraiment que c’est de cette manière que se pose désormais l’équation énergétique du pays, la « troisième jambe » étant la baisse de la consommation, à travers, à la fois, la sobriété et l’efficacité énergétiques. Ce sont vraiment les piliers de notre politique. Effectivement, pour les EnR, en particulier pour l’agrivoltaïsme, il faut peut-être trouver des mécanismes un peu plus spécifiques que les appels d’offres classiques.
Mme la présidente, je crois moi aussi que la réponse était dans votre question... Les collectivités territoriales sont indispensables sur tous les sujets. Ce sont des acteurs extrêmement importants de la transition énergétique et de la transition écologique. Je suis fière d’avoir, en tant que secrétaire d’État, signé une centaine de contrats de transition écologique avec des territoires, en général à l’échelle de l’intercommunalité, pour les accompagner dans leur développement à la fois écologique et économique, sur la base de leurs propres projets. Il faut vraiment partir des projets des territoires.
L’arrivée d’EnR, le développement de solutions de stockage sont des sujets qu’il faut bâtir tout de suite avec les représentants des territoires. Sur tous les sujets de réseaux et de distribution, les élus sont la clé. La CRE a un rôle important dans le travail sur les schémas de raccordement régionaux et locaux de la méthanisation, par exemple pour l’injection du biogaz. Cela fait partie des sujets sur lesquels un accord local pour définir la meilleure organisation territoriale pour ce raccordement est nécessaire. Vous pouvez compter sur moi pour nouer un dialogue approfondi avec les collectivités territoriales.
Mme la sénatrice Micheline Jacques, vous avez raison, la péréquation tarifaire est l’expression de notre solidarité nationale à l’égard des territoires ultramarins, mais aussi de la Corse et des autres ZNI. J’y suis très attachée, même si les coûts de production sont importants dans nos Outre-mer, du fait de contraintes plus fortes et parce que les infrastructures ont besoin d’être transformées – elles ne peuvent l’être que progressivement.
Une loi a fixé un objectif ambitieux de développement des EnR et d’atteinte de l’autonomie énergétique en outre-mer en 2030. Cet objectif sera difficile à atteindre. Je pense qu’il faut accompagner la trajectoire. C’est territoire par territoire et PPE par PPE qu’il faut définir cette trajectoire, avec les collectivités territoriales. Ensuite, la solidarité nationale finance, à travers la CSPE. J’y suis extrêmement attachée.
M. le sénateur Daniel Salmon, vous m’avez interrogée sur la recette de CSPE, qui est effectivement très importante actuellement. Les choses se sont inversées : alors qu’elle a été une charge pour le budget de l’État, elle devient une recette compte tenu du prix actuel de l’énergie.
Mme la sénatrice Anne-Catherine Loisier, la CSPE est désormais déconnectée de la facture du consommateur. La facture du consommateur, c’est la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), laquelle a été abaissée à 1 euro le mégawattheure dans le cadre du bouclier tarifaire pour 2022. Comment positionner la TICFE ? La question se posera dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023. C’est une décision de puissance publique, qui relève du budget de l’État.
Il faut continuer à développer les EnR, à la fois l’éolien terrestre et l’éolien en mer, madame la sénatrice Patricia Schillinger.
La CRE a un rôle important : à travers les appels d’offres, à travers le pilotage des guichets, dans sa capacité à accompagner les contrats de gré à gré, que l’on appelle les PPA – les Power Purchase Agreements. Cet outil utile peut se développer et sécuriser des approvisionnements à long terme.
Le scénario « 100 % renouvelable » de RTE est sur la table, mais avec un certain nombre de réserves. Pour ma part, je pense que nous avons besoin d’EnR et de nucléaire. Je suis donc plutôt favorable au scénario qui propose un mix entre les EnR et le nucléaire, mais ce sujet sera soumis au législateur lors du projet de loi sur la PPE. Ce scénario existe, mais il est extrêmement exigeant, notamment sur les conditions de stockage. À cet égard, la question de l’hydrogène est absolument vitale pour le pays.
M. le sénateur Bernard Buis, deux des préconisations du rapport de la Cour des comptes sur l’organisation des marchés de l’électricité, auxquelles je suis favorable, concernent directement la CRE : rendre public le mode de calcul des coûts complets de l’énergie nucléaire ; faire évoluer le mode de calcul de la répartition de l’Arenh, donc de l’impact sur les TRVE, pour prendre une période de référence plus longue. Cela présente l’avantage de limiter un peu la volatilité, donc la transmission des prix de marché de gros aux consommateurs à travers les TRVE. La CRE s’y emploiera si ma candidature est retenue.
Mme le sénateur Dominique Estrosi Sassone, vous m’avez interrogée sur l’impact du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » et sur la nécessité de tenir compte du mix énergétique des pays. C’est effectivement très important. Le Conseil européen se fixe des objectifs extrêmement ambitieux, mais c’est à chaque pays de définir sa trajectoire à partir de son histoire et de ses moyens de production. Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur un parc nucléaire, sur un parc d’hydroélectricité et sur des EnR en développement. Il faut faire attention à cette neutralité à l’échelle européenne. Nous avons remporté une belle victoire avec l’intégration de l’énergie nucléaire dans la « taxonomie verte européenne », ce qui était extrêmement important pour l’avenir de notre filière, de nos industries et de notre souveraineté énergétique. C’est en ce sens qu’il faut travailler.
Vous avez évoqué la nécessité d’une plus grande proportionnalité au contexte de crise. Il est vrai que, d’un côté, la crise nous pousse à accélérer, à sortir du gaz quand c’est possible, à aller vers la sobriété et vers tous les mécanismes de flexibilité, qui peuvent être utilisés encore davantage : effacement, interruptibilité, capacité. D’un autre côté, nous devons être pragmatiques, et je crois que c’est ce que nous faisons avec le terminal flottant méthanier au large du Havre, qui nous permet de sécuriser nos approvisionnements. Nous devons être en capacité de maîtriser notre destin énergétique.
M. le sénateur Franck Montaugé, l’expertise a commencé sur l’après-Arenh, mais elle n’est pas encore complètement consolidée – le sujet arrivera en 2025. Il me semble que nous devons concilier deux objectifs : permettre à EDF de financer les investissements nécessaires dans le nucléaire actuel, donc lui permettre de couvrir, dans de bonnes conditions de marché, les coûts complets du nucléaire ; assurer la concurrence sur le marché français et permettre aux consommateurs de bénéficier de l’investissement qui a été réalisé dans notre système énergétique lorsqu’ils décident de choisir un fournisseur alternatif.
Je reconnais tout à fait que l’Arenh n’a pas atteint l’un des objectifs qui lui avaient été fixés à l’époque, à savoir favoriser le développement par les fournisseurs alternatifs de moyens de production. Cela ne s’est pas produit.
À très court terme, la première chose à faire pour la CRE est vraiment de renforcer la surveillance sur la transmission intégrale aux consommateurs de l’Arenh dont bénéficient actuellement les fournisseurs alternatifs. Ce ne doit pas être une rente pour les fournisseurs alternatifs : le consommateur final doit s’y retrouver dans le prix de vente.
Pour la suite, il faut repartir de la couverture des coûts complets, en trouvant un mécanisme qui permette de faire bénéficier tous les consommateurs du système énergétique. Cela relève probablement plutôt du prix régulé que de l’Arenh, qui est asymétrique – c’est l’une de ses grandes difficultés – : quand le prix de l’énergie est élevé, le groupe EDF est obligé de vendre ; quand il est bas, le groupe EDF vend non pas au prix de l’Arenh, mais au prix de marché.
M. Franck Montaugé. – On en reviendrait à un tarif régulé pour tout le monde ?
– Je parle de la manière dont on régule le prix de cession du nucléaire par EDF. Cela implique non pas forcément des TRVE au détail pour tous les consommateurs – il faut permettre au consommateur de continuer à choisir son fournisseur d’électricité – , mais un mécanisme de vente de l’électricité sur les marchés qui lui permette de couvrir ses coûts, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui avec l’Arenh.
M. Franck Montaugé. – Pourriez-vous expliciter davantage ?
– L’Arenh, c’est un prix de vente du groupe EDF aux autres fournisseurs. À 42 euros le MWh, ce prix est trop bas. Par ailleurs, il devrait être calculé de façon à permettre une véritable couverture des coûts complets du système énergétique. Si l’on garde un mode de fixation du prix de vente de l’électricité historique du groupe EDF aux autres fournisseurs, il faut veiller à ce que, dans la réforme des TRVE au consommateur, qui est le second morceau de la réforme, cette vente régulée se fasse au bénéfice de ce dernier. Cela ne signifie pas qu’il faille remettre tous les Français sous TRVE, le marché de l’électricité ayant été ouvert, mais il faut trouver le mode de fixation des TRVE qui intègre le prix régulé du groupe EDF. Les TRVE couvrent à peu près deux tiers du marché, mais le tiers restant est, pour une bonne partie, fixé en référence aux TRVE. Par conséquent, le TRVE a, d’une certaine manière, un impact direct sur les contrats qui sont juridiquement au TRVE, et un impact indirect sur tous les prix de marché.
J’essaie de vous apporter une réponse en deux temps : comment le groupe EDF vend son électricité sur le marché de gros, et comment cela est intégré par le marché de détail. Dans les deux cas, il faut que les coûts du groupe EDF soient couverts pour lui permettre de continuer à maintenir la qualité de sa production existante aux coûts complets et que l’on trouve les mécanismes qui permettent au consommateur final, soit via le TRVE, soit via le jeu normal du marché, de bénéficier de l’électricité à des prix régulés.
Le TRVE est donc central dans la fixation des prix sur le marché, de façon directe ou indirecte. Je suis absolument convaincue qu’il faut maintenir des TRVE.
Le transport de gaz est une question très importante. Je pense que nous n’avons pas encore une très bonne visibilité sur les volumes potentiels de transport de gaz, notamment avec la montée en charge du biométhane et du biogaz, mais aussi avec l’hydrogène. Ces infrastructures pourraient aussi servir à transporter de l’hydrogène ? L’expertise collective est en cours, mais il est clair que les coûts échoués, s’il devait y en avoir – il n’y en a pas pour l’instant –, devront être dans l’équation tarifaire globale de financement des réseaux sous une forme de solidarité ou sous une autre, parce qu’il n’est pas possible de laisser les gestionnaires de réseaux faire face seuls à des coûts qui sont simplement liés à la transition énergétique.
Enfin, je pense qu’il est très important que nous soyons très présents à l’ACER – Jean-François Carenco y allait régulièrement, et l’un des commissaires s’y rend lui aussi fréquemment. Cependant, nous ne devons pas nous reposer seulement sur elle et nous devons travailler avec le Conseil des régulateurs européens de l’énergie (CEER) et avec les organismes de coopération des réseaux que vous avez cités. L’ACER a une vision très libérale de la régulation des marchés. Il est important d’y défendre une vision de plus long terme de protection du consommateur, mais aussi de la souveraineté.
Mme le sénateur Martine Berthet, sur la question de la souveraineté industrielle et de l’adaptation des réseaux, il faut peut-être des investissements spécifiques dans les très grands bassins industriels pour être en capacité de faire évoluer les réseaux de raccordement d’EnR et d’hydrogène. On pourrait imaginer de travailler spécifiquement avec ces grands bassins industriels pour voir comment les réseaux peuvent les soutenir dans leur développement industriel ou leur réindustrialisation.
S’agissant de l’effacement, je pense qu’il y a toute une réflexion à avoir sur l’évolution des contrats. C’est d’abord une réflexion que doivent mener les fournisseurs, mais la CRE peut, sur ce plan, jouer un rôle important. On a effectivement des contrats qui ne sont plus du tout intéressants pour les particuliers, alors même que ces contrats pourraient à la fois leur bénéficier et bénéficier à la sécurité d’approvisionnement et à la flexibilité. Il faut revoir les tarifs et probablement proposer des incitations aux fournisseurs qui sont en capacité de proposer des offres qui allient ces deux objectifs.
Mme la sénatrice Amel Gacquerre, je suis favorable à l’autoconsommation. C’est à la fois une attente des Français et un élément de flexibilité, de sobriété et de sécurité d’approvisionnement qui peut nous aider dans cette période. Toute la question – elle est délicate – est de trouver le juste point d’équilibre entre le développement de l’autoconsommation et la solidarité nationale sur le financement des réseaux, qui profitent à tous. Si l’on commence à démembrer morceau par morceau, un problème de solidarité, de pérennité et de péréquation sur les réseaux se posera. Cependant, au fond, je pense que nous pouvons aller plus loin sur le soutien à l’autoconsommation, qui, je pense, peut être un élément important, y compris d’acceptabilité des EnR.
Mme le sénateur Évelyne Renaud-Garabedian, la CRE n’a de rôle direct ni sur l’arrêt ni sur la reprise d’activité des réacteurs nucléaires, qui sont sous la responsabilité de l’opérateur EDF et sous le contrôle de l’ASN. C’est plutôt sur le modèle économique – assurer le financement des coûts complets du nucléaire actuel et trouver le modèle de financement du nouveau nucléaire – que la CRE peut jouer un rôle. Aller au-delà reviendrait à lui conférer un rôle industriel d’opérateur qui n’est pas de son ressort.
M. le sénateur Alain Cadec, je crois avoir répondu à votre question sur Territoires de progrès.
Mme la sénatrice Patricia Schillinger, effectivement, l’éolien en mer est un élément extrêmement important de notre développement des EnR, de notre sécurité d’approvisionnement et de notre mix énergétique. Le premier parc éolien en mer produit enfin. Il a été raccordé, il est maintenant connecté. De nombreux projets sont en cours. Je pense que la CRE a un rôle important d’accompagnement, y compris des réseaux. Une partie des enjeux est liée à notre capacité à construire les éoliennes elles-mêmes sur le plan industriel. Une autre partie est liée à notre capacité à raccorder ces éoliennes dans de bonnes conditions. La CRE continuera à apporter son soutien, notamment via ses appels d’offres.
M. le sénateur Laurent Somon, je pense avoir en partie répondu sur la vision territoriale. Nous ne parviendrons pas à développer les EnR si nous ne le faisons pas en accord avec les territoires, dans une vision de planification territoriale – elle est extrêmement importante – qui donne de la visibilité et de la capacité à se projeter, parce que l’on voit bien que le développement au coup par coup pose de vrais problèmes. Nous devons aller plus loin.
Je suis favorable à une renégociation avec Bruxelles qui nous permette de garder la maîtrise de nos concessions hydroélectriques. L’une des hypothèses qui sont sur la table est de l’organiser sous forme de quasi-régie ; cela me semble une solution juridique relativement sûre. L’hydroélectricité fait partie de notre sécurité d’approvisionnement. Elle fait partie de notre compétitivité économique et de notre souveraineté énergétique. La France a, depuis longtemps, essayé de mener cette négociation avec la Commission européenne. Je pense qu’elle sera menée à la suite de la nationalisation du groupe EDF, s’agissant du modèle à lui donner dans le futur pour lui permettre à la fois de développer le nouveau nucléaire et de maintenir nos concessions hydroélectriques dans des conditions dans lesquelles nous sommes certains d’assurer cette souveraineté.
M. le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne, vous avez tout à fait raison pour ce qui concerne l’information du consommateur : qualité de l’information, qualité de service, capacité à choisir des offres de manière éclairée, autant d’éléments cruciaux. La CRE y travaille, notamment avec le Médiateur national de l’énergie (MNE), avec lequel les liens pourraient d’ailleurs être ressérés. Le CoRDis est une institution essentielle pour traiter les litiges ; il fonctionne bien et doit être soutenu.
M. le sénateur Serge Mérillou, en ce qui concerne les pistes à long terme, une vision à l’horizon de 2050 se dégage progressivement ; cette vision sera soumise au Parlement avant la fin de cette année. Un double mouvement est en marche : une baisse de la consommation d’énergie – nous devons absolument l’accompagner en étant plus efficaces et plus sobres, comme j’ai essayé de le faire, en tant que ministre, pour la rénovation énergétique des bâtiments – et une évolution du mix énergétique vers moins d’énergies fossiles – cela suppose une production accrue d’électricité. Selon les scenarii de RTE, alors que nous consommons aujourd’hui environ 450 TWh par an, cette consommation s’élèverait à l’avenir à 650, voire 750 ou 800 TWh, en fonction de la réindustrialisation du pays, qui fait aussi partie de nos objectifs stratégiques. Baisse de la consommation, changement des usages, montée en puissance d’une aide à l’électricité décarbonée, tels sont les axes à suivre pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon de 2050.
L’Arenh n’a pas atteint son objectif initial de développement des solutions de production alternatives. Il revient à la CRE de vérifier qu’il ne constitue pas pour les fournisseurs un facteur d’enrichissement. La CRE surveille donc le marché ; les contrôles de la fixation des prix des fournisseurs alternatifs bénéficiant de l’Arenh devront probablement être renforcés.
Mme la présidente, les hypothèses de besoins de production sont établies par RTE, non par la CRE. L’hypothèse sur laquelle je fonde mes réflexions est celle d’une baisse de la consommation d’énergie à moyen terme et d’une augmentation en valeur relative et en valeur absolue de la part d’électricité dans le mix énergétique. La chaleur renouvelable est tout aussi importante, tout comme le remplacement progressif du gaz par le biométhane.
L’hydrogène est un sujet central. Une négociation est en cours sur le paquet gazier. Nous devons absolument faire en sorte que la filière hydrogène, qu’elle soit fondée sur les énergies renouvelables ou sur l’énergie nucléaire, soit accompagnée. Je sais que ce point vous tient à cœur ; il est essentiel aux yeux de l’Union européenne, qui regarde attentivement le critère de neutralité carbone des technologies. Nous avons un travail important devant nous sur les investissements et les réseaux.
Au-delà du soutien à court terme, le nucléaire doit faire l’objet d’un projet industriel ambitieux. Nous devons soutenir notre grand opérateur national ; sa nationalisation permettra de définir les contours de ce soutien. Nous devons aussi continuer à travailler sur la fin du cycle du combustible. J’ai, au cours de mes précédentes fonctions, accompagné le projet Cigéo, essentiel en la matière.
présidente. – Que pensez-vous de la réforme d’EDF ? Les premiers éléments dont nous disposons, par exemple dans le projet de loi de finances rectificative (PLFR) adopté hier, indiquent qu’il ne s’agit pas d’une recapitalisation, mais d’une prise de participation. Quelle est votre vision de la réorganisation de cet opérateur public ? Quels seront son poids, son rôle et sa stratégie, demain, dans un écosystème à la fois public et privé ?
– C’est une chance que de disposer d’un grand opérateur national pour atteindre nos objectifs, à savoir la souveraineté énergétique de notre pays, la sécurité d’approvisionnement, la protection des consommateurs et la transition écologique.
Je suis favorable à ce que l’État soit actionnaire à 100 % d’EDF, ce qui revient à une forme de nationalisation. Se posera ensuite la question des moyens, pour qu’EDF puisse suivre sa trajectoire de long terme : moyens pour le soutien du nucléaire actuel et le Grand Carénage, moyens pour l’investissement dans le nouveau nucléaire et moyens pour le maintien et le développement des concessions hydroélectriques. EDF reste actionnaire majoritaire des réseaux RTE et Enedis, qui sont vitaux pour le pays. EDF est un acteur incontournable du marché, nous devons le soutenir comme un fleuron national.
La CRE est attachée à la libre concurrence sur les marchés, toujours au bénéfice du consommateur final, qu’il s’agisse des industries, des particuliers ou des collectivités territoriales. La concurrence doit pouvoir s’exercer, entre autres parce qu’elle est source d’innovation – tel était l’objectif premier de cette ouverture à la concurrence. Il s’agit de renforcer la capacité de la concurrence à proposer une innovation positive, au service des industriels et des consommateurs. Ainsi, EDF n’est pas en position de monopole sur la totalité de la chaîne de production et de vente au détail d’électricité. Néanmoins, nous devons assumer le fait que nous disposons d’un opérateur national de référence, qui nous permettra d’atteindre nos objectifs.
Quant aux détails de la réforme, elle suivra probablement les orientations que je viens d’exposer.
M. Pierre Cuypers. – Le gouvernement dont vous faisiez partie a décidé de passer au tout électrique, notamment dans les transports, dès 2030. Étant donné la fragilité de notre production et de nos approvisionnements électriques, est-ce raisonnable ?
M. Jean-Jacques Michau. – L’ouverture à la concurrence n’a pas abouti aux résultats escomptés. Quel type de concurrence pourrait y parvenir ?
– Pour atteindre la neutralité carbone, nous devons absolument réduire progressivement l’usage des énergies fossiles, qui sont encore majoritaires : moins de pétrole, moins de fioul et moins de charbon. C’est dans cette perspective que se pose la question de la voiture et des transports. Face aux crises à venir, je suis convaincue que la diversification est la clef de la résilience : électrification des voitures, développement de l’hydrogène pour les transports collectifs, mobilités douces et alternatives, biocarburants, autant de pistes qu’il faut accompagner pour décarboner nos transports. La crise actuelle nous apprend que notre système existant est sous tension et nous appelle à la plus grande vigilance.
Le rôle de la CRE est de surveiller les marchés, de gros comme de détail, pour vérifier que la concurrence préserve bien l’intérêt des consommateurs finals. La CRE surveille donc l’évolution des prix de gros, pour prévenir toute manipulation du marché, et la fixation des tarifs et des prix de vente au détail. La CRE doit aussi engager des discussions avec les fournisseurs, pour envisager dans quelle mesure les offres présentent une valeur ajoutée intéressante pour le consommateur par rapport aux offres de référence. La CRE joue donc un rôle de gendarme, mais aussi d’émulation et de dialogue serré avec les fournisseurs ; elle est forte de l’expérience passée, qui a montré que la simple ouverture ne fait pas forcément émerger les innovations escomptées.
Ce point de l’ordre du jour a fait l’objet d’une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.
Pour atteindre la neutralité carbone, nous devons absolument réduire progressivement l'usage des énergies fossiles, qui sont encore majoritaires : moins de pétrole, moins de fioul et moins de charbon. C'est dans cette perspective que se pose la question de la voiture et des transports. Face aux crises à venir, je suis convaincue que la diversification est la clef de la résilience : électrification des voitures, développement de l'hydrogène pour les transports collectifs, mobilités douces et alternatives, biocarburants, autant de pistes qu'il faut accompagner pour décarboner nos transports. La crise actuelle nous apprend que notre système existant est sous tension et nous appelle à la plus grande vigilance.
Le rôle de la CRE est de surveiller les marchés, de gros comme de détail, pour vérifier que la concurrence préserve bien l'intérêt des consommateurs finals. La CRE surveille donc l'évolution des prix de gros, pour prévenir toute manipulation du marché, et la fixation des tarifs et des prix de vente au détail. La CRE doit aussi engager des discussions avec les fournisseurs, pour envisager dans quelle mesure les offres présentent une valeur ajoutée intéressante pour le consommateur par rapport aux offres de référence. La CRE joue donc un rôle de gendarme, mais aussi d'émulation et de dialogue serré avec les fournisseurs ; elle est forte de l'expérience passée, qui a montré que la simple ouverture ne fait pas forcément émerger les innovations escomptées.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.
L'audition de Mme Emmanuelle Wargon étant achevée, nous allons maintenant procéder au vote.
Le vote se déroulera à bulletin secret, comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement. En application de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, les délégations de vote ne sont pas autorisées.
Je vous rappelle que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
La commission procède au vote, puis au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de Mme Emmanuelle Wargon aux fonctions de présidente du collège de la Commission de régulation de l’énergie, simultanément à celui de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.
Sophie Primas. – Voici le résultat du scrutin, qui sera agrégé à celui de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale :
Nombre de votants : 34
Bulletins blancs : 1
Bulletins nuls : 0
Suffrages exprimés : 33
Pour : 13
Contre : 20
La commission procède au vote, puis au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de Mme Emmanuelle Wargon aux fonctions de présidente du collège de la Commission de régulation de l'énergie, simultanément à celui de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.
présidente. – Nous en venons à notre deuxième sujet de ce matin, à savoir l’examen du rapport relatif à la proposition de résolution européenne sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme de l’Union pour une connectivité sécurisée pour la période 2023-2027. La constellation européenne de connectivité sécurisée est très importante pour notre vie quotidienne. Nos rencontres avec les acteurs du secteur spatial, comme Stéphane Israël, ont révélé de réelles inquiétudes sur nos capacités à mener à bien ce projet.
rapporteure. – Cette proposition de résolution européenne relative à la constellation européenne de connectivité sécurisée a été déposée avec Jean-François Rapin et André Gattolin. Elle a été adoptée par la commission des affaires européennes le 21 juillet dernier.
Ce projet, ardemment défendu par le commissaire européen Thierry Breton, a pris forme depuis la présentation par la Commission européenne, en février dernier, d’une proposition de règlement européen visant à mettre sur orbite cette constellation de satellites, dans un triple objectif : premièrement, fournir un accès à internet à haut débit pour tous les Européens, afin de résorber les « zones blanches » ; deuxièmement, assurer la redondance des systèmes de communications terrestres pour mieux assurer la continuité et la résilience des télécommunications européennes, dont les infrastructures sont de plus en plus menacées – la guerre en Ukraine et la mise à disposition par SpaceX des services de connectivité de la constellation Starlink nous l’ont rappelé de façon tragique ; troisièmement, offrir à l’Union européenne des services européens, autonomes et sécurisés de télécommunications, afin de ne pas dépendre de manière critique d’infrastructures et de services spatiaux de pays tiers ou d’entités contrôlées par des pays tiers.
Je souhaiterais insister sur cinq points.
Si l’Union européenne souhaite se positionner sur le segment des constellations spatiales de connectivité, et s’affirmer dans la durée comme une puissance spatiale de premier plan, il y a urgence.
Seul le fonctionnement de quatre à cinq constellations de connectivité est aujourd’hui possible, l’orbite basse étant déjà partiellement saturée et le spectre des fréquences de radiocommunications constituant une ressource limitée et déjà utilisée.
Les nouvelles générations de constellations se développent rapidement et sont déjà partiellement opérationnelles : environ 2 700 satellites en orbite pour Starlink de SpaceX et près de 200 pour OneWeb, dont la montée en puissance se confirme, avec l’annonce récente de fusion-acquisition avec l’opérateur français de satellites Eutelsat. Autrement dit, c’est le moment ou jamais pour l’Union européenne de déployer sa propre constellation souveraine de connectivité.
Pour déployer cette constellation, la Commission européenne propose un modèle inédit de partenariat public-privé, dont le coût total est estimé à 6 milliards d’euros pour la période 2023-2027, dont 1,6 milliard d’euros seraient financés par l’Union européenne et 2 milliards d’euros par le secteur privé, le reste devant être assuré par les États membres, l’Agence spatiale européenne (ESA) et éventuellement par des États tiers participant au programme.
Si le montant exact du projet n’est pas connu, l’architecture de la constellation et le nombre de satellites nécessaires à la fourniture des services gouvernementaux essentiels n’étant pas encore définis, le montant annoncé semble plutôt faible. À titre de comparaison, le coût annoncé du déploiement de la constellation Kuiper d’Amazon est estimé entre 10 et 15 milliards d’euros.
Par ailleurs, ce montant constitue seulement un coût d’amorçage. S’ajoutent des coûts opérationnels et des coûts de maintenance – la durée de vie d’un satellite est d’environ huit ans, ce qui demande de renouveler régulièrement la flotte.
La capacité du secteur privé à investir de façon régulière dans ce projet sera donc déterminante, afin d’assurer la pérennité du modèle financier de cette constellation.
Au regard du coût estimé du déploiement et compte tenu de la vitesse à laquelle la Commission européenne souhaite mettre en œuvre ce projet, il me semble important d’insister sur les bénéfices que pourrait apporter une telle constellation ; certains semblent les sous-estimer, en se satisfaisant par exemple de la fibre optique.
Le développement en orbite basse offre des avantages en termes de réduction des temps de latence et d’amélioration de la vitesse de connexion : cela est particulièrement important pour les usages gouvernementaux, notamment militaires, mais aussi pour les usages commerciaux, comme la chirurgie à distance, les véhicules autonomes, le guidage de précision des bateaux, les jeux en ligne ou encore le développement des objets connectés et des technologies quantiques – à ce titre, nous avons convenu, dans le cadre du groupe d’études sur le numérique, d’approfondir les enjeux liés au développement des technologies quantiques et post-quantiques.
Les avantages escomptés sont surtout importants pour les particuliers. L’objectif est de fournir à la population européenne des services satellitaires de connectivité complémentaires de ceux offerts par les réseaux terrestres de télécommunications.
Si la France est aujourd’hui le pays de l’Union européenne le plus avancé dans le déploiement de la fibre optique, cette vitesse de déploiement n’est pas toujours gage de qualité, et le raccordement d’entreprises et de particuliers dans les zones montagneuses et peu denses demeure incertain. Ce sont principalement dans ces zones que se situent les 4 000 abonnés de Starlink en France.
En outre, c’est insulter l’avenir que de penser que nous pourrions nous passer d’une constellation de satellites, à l’heure où les grandes puissances se pressent. Par exemple, alors que nous prônons plus de souveraineté numérique et que nous découvrons de nouvelles vulnérabilités liées notamment aux catastrophes naturelles, nous enterrons de moins en moins la fibre : qu’adviendrait-il si une partie du réseau aérien était rendue inopérante par des tempêtes ou des incendies ?
Nous devons donc, en particulier au Sénat, soutenir le déploiement d’une telle constellation, qui devrait permettre de répondre à des besoins grandissants de connectivité et aux carences vécues par une partie de la population européenne, notamment dans les TOM, et par nos entreprises, dans un objectif transversal de résorption des zones blanches sur nos territoires, de renforcement de la connectivité et d’une plus grande résilience de nos systèmes de télécommunications.
Toutefois, nous n’ignorons pas les conséquences de ce déploiement en matière d’encombrement de l’espace et, à terme, de prolifération des débris spatiaux.
Sur ce point, il me semble important d’œuvrer pour un alignement des calendriers, la Commission européenne ayant récemment proposé l’élaboration de règles communes en matière de gestion du trafic spatial, dans un double objectif de limitation de la pollution spatiale et de promotion d’une concurrence équitable entre les différents opérateurs concernés.
Cette nouvelle réglementation doit être pleinement en vigueur au moment du déploiement de la constellation, afin de promouvoir, au niveau européen, un usage plus durable et plus responsable de l’espace, dans la continuité des efforts réalisés par la France lors de l’adoption de la loi sur les opérations spatiales en 2008.
Enfin, nous devons promouvoir une approche stricte de la préférence européenne.
Autrement dit, les satellites de la constellation européenne devront être déployés par des lanceurs européens depuis des bases de lancement situées sur le territoire de l’Union européenne. Il s’agit d’un enjeu primordial de soutien à nos industries et de souveraineté, pour disposer, dans la durée, d’un accès autonome à l’espace.
Affirmer la préférence européenne en matière d’infrastructures spatiales est également un moyen de soutenir le développement et l’innovation de l’industrie spatiale française et européenne, qu’il s’agisse d’acteurs historiquement établis ou des start-up du New Space.
En effet, il serait dommage que le déploiement d’infrastructures spatiales gouvernementales, financées par des fonds publics, bénéficie avant tout aux lanceurs américains et aux acteurs économiques extra-européens : c’est un enjeu de souveraineté, mais également de retour sur investissement de l’argent public, car les retombées économiques d’un tel projet devraient avant tout bénéficier aux entreprises et aux territoires de l’Union européenne.
Tous les efforts déployés permettant d’affirmer une préférence européenne en matière spatiale devraient aussi s’accompagner d’engagements et de contreparties supplémentaires de la part des entreprises spatiales européennes, afin qu’elles puissent assurer la cadence et la fluidité des lancements européens.
Mes chers collègues, tel est le résultat de nos travaux menés avec la commission des affaires européennes, qui a adopté à l’unanimité cette proposition de résolution européenne le 21 juillet dernier.
Nous en venons à notre deuxième sujet de ce matin, à savoir l'examen du rapport relatif à la proposition de résolution européenne sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant le programme de l'Union pour une connectivité sécurisée pour la période 2023-2027. La constellation européenne de connectivité sécurisée est très importante pour notre vie quotidienne. Nos rencontres avec les acteurs du secteur spatial, comme Stéphane Israël, ont révélé de réelles inquiétudes sur nos capacités à mener à bien ce projet.
présidente. – Notre commission a beaucoup travaillé sur les questions de souveraineté : vos travaux rejoignent parfaitement nos préoccupations.
M. Franck Montaugé. – Je suis très inquiet de la manière dont nous gérons l’espace. C’est la jungle. La loi du plus fort règne et une régulation manque.
Dans quel cadre de service public, sur le fondement de quel principe d’équité, de péréquation et de coût, accessible pour tous, pourrait se développer une telle constellation européenne ? Quelle est la planification prévue à l’échelle européenne ? Quel sera le rôle de la puissance publique nationale dans ce cadre européen ? Je le rappelle : nous devons préserver nos intérêts.
M. Patrick Chaize. – Je m’associe aux interrogations de M. Montaugé, notamment en ce qui concerne les déchets spatiaux, source de nombreuses difficultés futures. Cette constellation relève d’un besoin stratégique plus que d’une question de couverture. Les oubliés de la fibre constituent seulement 1 % de la population, ratio faible qui ne justifie pas les lourds investissements de la constellation. Les technologies quantiques sont cruciales : les développements d’usage exigent des capacités de transmission de données très importantes. Quel est le calendrier prévu pour mettre en place cette constellation ?
Cette proposition de résolution européenne relative à la constellation européenne de connectivité sécurisée a été déposée avec Jean-François Rapin et André Gattolin. Elle a été adoptée par la commission des affaires européennes le 21 juillet dernier.
Ce projet, ardemment défendu par le commissaire européen Thierry Breton, a pris forme depuis la présentation par la Commission européenne, en février dernier, d'une proposition de règlement européen visant à mettre sur orbite cette constellation de satellites, dans un triple objectif : premièrement, fournir un accès à internet à haut débit pour tous les Européens, afin de résorber les « zones blanches » ; deuxièmement, assurer la redondance des systèmes de communications terrestres pour mieux assurer la continuité et la résilience des télécommunications européennes, dont les infrastructures sont de plus en plus menacées - la guerre en Ukraine et la mise à disposition par SpaceX des services de connectivité de la constellation Starlink nous l'ont rappelé de façon tragique ; troisièmement, offrir à l'Union européenne des services européens, autonomes et sécurisés de télécommunications, afin de ne pas dépendre de manière critique d'infrastructures et de services spatiaux de pays tiers ou d'entités contrôlées par des pays tiers.
Je souhaiterais insister sur cinq points.
Si l'Union européenne souhaite se positionner sur le segment des constellations spatiales de connectivité, et s'affirmer dans la durée comme une puissance spatiale de premier plan, il y a urgence.
Seul le fonctionnement de quatre à cinq constellations de connectivité est aujourd'hui possible, l'orbite basse étant déjà partiellement saturée et le spectre des fréquences de radiocommunications constituant une ressource limitée et déjà utilisée.
Les nouvelles générations de constellations se développent rapidement et sont déjà partiellement opérationnelles : environ 2 700 satellites en orbite pour Starlink de SpaceX et près de 200 pour OneWeb, dont la montée en puissance se confirme, avec l'annonce récente de fusion-acquisition avec l'opérateur français de satellites Eutelsat. Autrement dit, c'est le moment ou jamais pour l'Union européenne de déployer sa propre constellation souveraine de connectivité.
Pour déployer cette constellation, la Commission européenne propose un modèle inédit de partenariat public-privé, dont le coût total est estimé à 6 milliards d'euros pour la période 2023-2027, dont 1,6 milliard d'euros seraient financés par l'Union européenne et 2 milliards d'euros par le secteur privé, le reste devant être assuré par les États membres, l'Agence spatiale européenne (ESA) et éventuellement par des États tiers participant au programme.
Si le montant exact du projet n'est pas connu, l'architecture de la constellation et le nombre de satellites nécessaires à la fourniture des services gouvernementaux essentiels n'étant pas encore définis, le montant annoncé semble plutôt faible. À titre de comparaison, le coût annoncé du déploiement de la constellation Kuiper d'Amazon est estimé entre 10 et 15 milliards d'euros.
Par ailleurs, ce montant constitue seulement un coût d'amorçage. S'ajoutent des coûts opérationnels et des coûts de maintenance - la durée de vie d'un satellite est d'environ huit ans, ce qui demande de renouveler régulièrement la flotte.
La capacité du secteur privé à investir de façon régulière dans ce projet sera donc déterminante, afin d'assurer la pérennité du modèle financier de cette constellation.
Au regard du coût estimé du déploiement et compte tenu de la vitesse à laquelle la Commission européenne souhaite mettre en oeuvre ce projet, il me semble important d'insister sur les bénéfices que pourrait apporter une telle constellation ; certains semblent les sous-estimer, en se satisfaisant par exemple de la fibre optique.
Le développement en orbite basse offre des avantages en termes de réduction des temps de latence et d'amélioration de la vitesse de connexion : cela est particulièrement important pour les usages gouvernementaux, notamment militaires, mais aussi pour les usages commerciaux, comme la chirurgie à distance, les véhicules autonomes, le guidage de précision des bateaux, les jeux en ligne ou encore le développement des objets connectés et des technologies quantiques - à ce titre, nous avons convenu, dans le cadre du groupe d'études sur le numérique, d'approfondir les enjeux liés au développement des technologies quantiques et post-quantiques.
Les avantages escomptés sont surtout importants pour les particuliers. L'objectif est de fournir à la population européenne des services satellitaires de connectivité complémentaires de ceux offerts par les réseaux terrestres de télécommunications.
Si la France est aujourd'hui le pays de l'Union européenne le plus avancé dans le déploiement de la fibre optique, cette vitesse de déploiement n'est pas toujours gage de qualité, et le raccordement d'entreprises et de particuliers dans les zones montagneuses et peu denses demeure incertain. Ce sont principalement dans ces zones que se situent les 4 000 abonnés de Starlink en France.
En outre, c'est insulter l'avenir que de penser que nous pourrions nous passer d'une constellation de satellites, à l'heure où les grandes puissances se pressent. Par exemple, alors que nous prônons plus de souveraineté numérique et que nous découvrons de nouvelles vulnérabilités liées notamment aux catastrophes naturelles, nous enterrons de moins en moins la fibre : qu'adviendrait-il si une partie du réseau aérien était rendue inopérante par des tempêtes ou des incendies ?
Nous devons donc, en particulier au Sénat, soutenir le déploiement d'une telle constellation, qui devrait permettre de répondre à des besoins grandissants de connectivité et aux carences vécues par une partie de la population européenne, notamment dans les TOM, et par nos entreprises, dans un objectif transversal de résorption des zones blanches sur nos territoires, de renforcement de la connectivité et d'une plus grande résilience de nos systèmes de télécommunications.
Toutefois, nous n'ignorons pas les conséquences de ce déploiement en matière d'encombrement de l'espace et, à terme, de prolifération des débris spatiaux.
Sur ce point, il me semble important d'oeuvrer pour un alignement des calendriers, la Commission européenne ayant récemment proposé l'élaboration de règles communes en matière de gestion du trafic spatial, dans un double objectif de limitation de la pollution spatiale et de promotion d'une concurrence équitable entre les différents opérateurs concernés.
Cette nouvelle réglementation doit être pleinement en vigueur au moment du déploiement de la constellation, afin de promouvoir, au niveau européen, un usage plus durable et plus responsable de l'espace, dans la continuité des efforts réalisés par la France lors de l'adoption de la loi sur les opérations spatiales en 2008.
Enfin, nous devons promouvoir une approche stricte de la préférence européenne.
Autrement dit, les satellites de la constellation européenne devront être déployés par des lanceurs européens depuis des bases de lancement situées sur le territoire de l'Union européenne. Il s'agit d'un enjeu primordial de soutien à nos industries et de souveraineté, pour disposer, dans la durée, d'un accès autonome à l'espace.
Affirmer la préférence européenne en matière d'infrastructures spatiales est également un moyen de soutenir le développement et l'innovation de l'industrie spatiale française et européenne, qu'il s'agisse d'acteurs historiquement établis ou des start-up du New Space.
En effet, il serait dommage que le déploiement d'infrastructures spatiales gouvernementales, financées par des fonds publics, bénéficie avant tout aux lanceurs américains et aux acteurs économiques extra-européens : c'est un enjeu de souveraineté, mais également de retour sur investissement de l'argent public, car les retombées économiques d'un tel projet devraient avant tout bénéficier aux entreprises et aux territoires de l'Union européenne.
Tous les efforts déployés permettant d'affirmer une préférence européenne en matière spatiale devraient aussi s'accompagner d'engagements et de contreparties supplémentaires de la part des entreprises spatiales européennes, afin qu'elles puissent assurer la cadence et la fluidité des lancements européens.
Mes chers collègues, tel est le résultat de nos travaux menés avec la commission des affaires européennes, qui a adopté à l'unanimité cette proposition de résolution européenne le 21 juillet dernier.
rapporteure. – Le domaine spatial évolue très rapidement, nous vivons une véritable course d’accès aux constellations, mais les règles manquent. Depuis 2008, la France est pionnière, et les Américains ou les porteurs de la constellation OneWeb ne semblent pas très pressés de nous voir définir des règles communes de gestion du trafic spatial. Nous aborderons plus spécifiquement cette question dès le mois de septembre prochain, au cours de la conférence européenne interparlementaire sur l’espace (EISC), avec une table-ronde dédiée à la question des débris spatiaux.
En ce qui concerne le cadrage du projet, l’objet de cette proposition de résolution européenne était de faire entendre la voix du parlement français. Très peu de parlements d’autres États européens se sont saisis du sujet.
Le déploiement de la constellation, prévu dès 2024 par la Commission européenne, repose sur un partenariat public-privé. Ce partenariat est nécessaire, car aucun État membre ne dispose isolément des ressources budgétaires nécessaires pour financer un tel projet, mais il faut l’encadrer.
Nous avons par exemple insisté sur la nécessité de proposer des services et des abonnements à des tarifs abordables. Par exemple, les contrats proposés par Starlink en France coûtent environ 100 euros par mois. Ces tarifs diminueront probablement dans le temps, mais cela reste une offre intéressante pour des entreprises privées qui ont besoin d’une connexion à Internet à très haut débit.
Pour conclure, la France et le Parlement français doivent se faire entendre sur ces sujets stratégiques.
Je suis très inquiet de la manière dont nous gérons l'espace. C'est la jungle. La loi du plus fort règne et une régulation manque.
Dans quel cadre de service public, sur le fondement de quel principe d'équité, de péréquation et de coût, accessible pour tous, pourrait se développer une telle constellation européenne ? Quelle est la planification prévue à l'échelle européenne ? Quel sera le rôle de la puissance publique nationale dans ce cadre européen ? Je le rappelle : nous devons préserver nos intérêts.
rapporteure. – Le débit est d’environ 1 gigabit par seconde.
Nous visons un premier déploiement en 2024. Seules quatre ou cinq constellations sont viables. L’Europe, pour ne pas se faire doubler, doit agir rapidement, car des projets émergent en Chine ou en Inde. Il nous faut prendre la quatrième place, après Kuiper, Starlink et OneWeb, pour assurer la faisabilité du projet.
De plus, le planning de lancement de nos lanceurs européens est déjà très chargé. Parfois, nous nous interrogeons sur notre capacité à lancer les satellites européens dans les temps, c’est pourquoi l’affirmation de la préférence européenne doit s’accompagner de contreparties de la part des opérateurs européens.
Mme Martine Berthet. – Le lancement est-il prévu sur l’orbite basse ?
rapporteure. – Tout à fait, car les temps de latence y sont beaucoup plus courts.
M. Daniel Salmon. – Quel est le bilan carbone de ces constellations ? J’ai vu, une nuit, passer un train de satellites de SpaceX : la pollution lumineuse est réelle. Des travaux sont en cours pour créer des satellites moins lumineux. Nous devons éviter de polluer ce dernier espace préservé qu’est la voûte céleste. J’espère que notre constellation européenne sera exemplaire. La course frénétique du progrès doit toujours être questionnée.
Je m'associe aux interrogations de M. Montaugé, notamment en ce qui concerne les déchets spatiaux, source de nombreuses difficultés futures. Cette constellation relève d'un besoin stratégique plus que d'une question de couverture. Les oubliés de la fibre constituent seulement 1 % de la population, ratio faible qui ne justifie pas les lourds investissements de la constellation. Les technologies quantiques sont cruciales : les développements d'usage exigent des capacités de transmission de données très importantes. Quel est le calendrier prévu pour mettre en place cette constellation ?
présidente. – Le 15 septembre au soir et le 16 septembre toute la journée, nous recevrons des délégations de plusieurs parlementaires européens qui s’intéressent à l’espace, dans le cadre de la Conférence européenne interparlementaire sur l’espace (EISC), que nous présidons cette année. Vous êtes cordialement invités.
Trois thèmes seront traités : l’autonomie stratégique européenne pour garantir un accès durable à l’espace, les start-up et le New Space et enfin la lutte contre la pollution spatiale. Nous pourrons alors examiner les actions liées au traitement des déchets ou à la pollution lumineuse.
La proposition de résolution européenne est adoptée, à l’unanimité, sans modification.
Le domaine spatial évolue très rapidement, nous vivons une véritable course d'accès aux constellations, mais les règles manquent. Depuis 2008, la France est pionnière, et les Américains ou les porteurs de la constellation OneWeb ne semblent pas très pressés de nous voir définir des règles communes de gestion du trafic spatial. Nous aborderons plus spécifiquement cette question dès le mois de septembre prochain, au cours de la conférence européenne interparlementaire sur l'espace (EISC), avec une table-ronde dédiée à la question des débris spatiaux.
En ce qui concerne le cadrage du projet, l'objet de cette proposition de résolution européenne était de faire entendre la voix du parlement français. Très peu de parlements d'autres États européens se sont saisis du sujet.
Le déploiement de la constellation, prévu dès 2024 par la Commission européenne, repose sur un partenariat public-privé. Ce partenariat est nécessaire, car aucun État membre ne dispose isolément des ressources budgétaires nécessaires pour financer un tel projet, mais il faut l'encadrer.
Nous avons par exemple insisté sur la nécessité de proposer des services et des abonnements à des tarifs abordables. Par exemple, les contrats proposés par Starlink en France coûtent environ 100 euros par mois. Ces tarifs diminueront probablement dans le temps, mais cela reste une offre intéressante pour des entreprises privées qui ont besoin d'une connexion à Internet à très haut débit.
Pour conclure, la France et le Parlement français doivent se faire entendre sur ces sujets stratégiques.
Le débit est d'environ 1 gigabit par seconde.
Nous visons un premier déploiement en 2024. Seules quatre ou cinq constellations sont viables. L'Europe, pour ne pas se faire doubler, doit agir rapidement, car des projets émergent en Chine ou en Inde. Il nous faut prendre la quatrième place, après Kuiper, Starlink et OneWeb, pour assurer la faisabilité du projet.
De plus, le planning de lancement de nos lanceurs européens est déjà très chargé. Parfois, nous nous interrogeons sur notre capacité à lancer les satellites européens dans les temps, c'est pourquoi l'affirmation de la préférence européenne doit s'accompagner de contreparties de la part des opérateurs européens.
Quel est le bilan carbone de ces constellations ? J'ai vu, une nuit, passer un train de satellites de SpaceX : la pollution lumineuse est réelle. Des travaux sont en cours pour créer des satellites moins lumineux. Nous devons éviter de polluer ce dernier espace préservé qu'est la voûte céleste. J'espère que notre constellation européenne sera exemplaire. La course frénétique du progrès doit toujours être questionnée.
Le 15 septembre au soir et le 16 septembre toute la journée, nous recevrons des délégations de plusieurs parlementaires européens qui s'intéressent à l'espace, dans le cadre de la Conférence européenne interparlementaire sur l'espace (EISC), que nous présidons cette année. Vous êtes cordialement invités.
Trois thèmes seront traités : l'autonomie stratégique européenne pour garantir un accès durable à l'espace, les start-up et le New Space et enfin la lutte contre la pollution spatiale. Nous pourrons alors examiner les actions liées au traitement des déchets ou à la pollution lumineuse.
La proposition de résolution européenne est adoptée, à l'unanimité, sans modification.
La commission désigne Mme Anne-Catherine Loisier rapporteure sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de Mme Valérie Metrich-Hecquet aux fonctions de directrice générale de l'Office national des forêts (ONF), en application de l'article 13 de la Constitution.