Mes chers collègues, à la suite d'une première réunion qui nous a permis d'exprimer nos attentes à l'égard de notre programme de travail, j'ai réuni le Bureau de la Délégation afin de mettre en perspective le résultat de ces premiers échanges. Il faut, en effet, croiser les thèmes connectés entre eux, sans dresser de liste trop importante par rapport à ce que nous avons la capacité d'absorber, y compris en termes de moyens humains. À la suite de cette réunion, j'ai quelques propositions concrètes à vous présenter aujourd'hui. J'ai, entre-temps, rencontré le Président Larcher, avec lequel j'ai évoqué nos thématiques ainsi que la question des moyens.
La première problématique que nous ayons évoquée lors de nos réunions précédentes est celle des mobilités. Il y a aussi celles des hyper ruralités, qu'il faut articuler en fonction du fait que la France d'aujourd'hui est structurée par le périurbain et par l'urbain. Je crois important de distinguer les problèmes posés par une ruralité que l'on trouve partout, en connexion avec le fait urbain, et ce que pose l'hyper ruralité elle-même. Nous avons aussi la question des relations entre les collectivités et l'État, qui va nous ramener à des questions d'actualité telle que la conférence des territoires, qui devrait avoir lieu le 14 décembre prochain, et à laquelle certains d'entre nous ont été désignés pour participer. Le Sénat disposera à cette conférence de quatre sénateurs observateurs désignés par les groupes politiques en plus des quatre sénateurs appelés à participer en compagnie de quatre députés.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué la problématique du Grand Paris. J'avais fait preuve à cet égard d'intérêt et de de prudence, eu égard à l'opportunité d'être en phase avec les autres instances du Sénat sur ce point. Il s'agit, j'ai eu l'occasion d'en parler aussi avec le Président Larcher, de trouver le bon moment pour faire un travail, alors que le calendrier semble s'accélérer. Sur le principe, ce sujet nous concerne tous, au-delà des membres de la Délégation directement intéressés et de ceux qui sont issus des territoires jouxtant le Grand Paris.
Un autre sujet est la question du statut des élus. Le Président Larcher a exprimé son attention à l'égard de ce thème très ancien, pour ne pas dire récurrent. Il reste posé, il intéresse Sénat, tout spécialement après la suppression du cumul des mandats. Je pense que nous avons en ce moment à une fenêtre de tir qui justifie que nous faisions à travail à cet égard. Dans la mesure où le sujet est large, je propose de ne pas le confier à un binôme, mais de le faire traiter par le Bureau, naturellement avec les assouplissements que certains groupes politiques voudraient apporter à cette composition, et dont nous pouvons discuter. Ce serait pour la Délégation une manière de s'approprier le sujet dès le départ. Je vous donne la parole sur ce point.
En tant que chercheur, j'ai travaillé sur ce sujet, sur lequel j'ai d'ailleurs été auditionné par l'Assemblée nationale. C'est pourquoi je souhaiterais faire partie du groupe de travail, auquel je pense pouvoir apporter certains éléments.
Dans la mesure où vous n'appartenez pas au Bureau, je vois deux possibilités à cet égard : soit vous vous mettez d'accord avec un membre de votre groupe pour le remplacer dans le groupe de travail, soit vous êtes auditionné comme expert. En tout état de cause, il n'y a aucune difficulté pour que vous soyez associé au groupe de travail en tant qu'invité.
Il pourra être judicieux d'organiser des réunions d'étapes, afin que le groupe de travail informe l'ensemble des membres de la Délégation de ses avancées et que nous puissions réagir.
La question du statut de l'élu est d'autant plus importante que la fin du cumul des mandats a été actée. Sur le terrain, nous avons des élus de plus en plus jeunes, qui ne feront probablement qu'un ou deux mandats, ce qui posera des problèmes pour gérer la suite de leurs carrières.
Effectivement, et on peut sans doute regarder ce qui se fait chez nos voisins. Les Allemands, par exemple, possèdent un système qui permet à un maire de cotiser convenablement pendant la durée de son mandat, de percevoir un salaire décent l'autorisant à quitter un emploi dans le public ou le privé, et de bénéficier ensuite, après un seul mandat, d'une véritable assurance chômage.
Élu local depuis 1983, je constate que ce sujet est un serpent de mer et que nous sommes toujours dans une contradiction : d'un côté on souhaite que la politique ne soit pas un « métier » et de l'autre on réclame un véritable statut de l'élu avec les protections associées. Ma conviction c'est qu'on ne peut pas dé-corréler la question du statut de l'élu local de celle du statut des parlementaires.
Je comprends, mais notre point d'entrée doit demeurer le statut de l'élu local. Évidemment, les collègues membres du groupe de travail auront à l'esprit cette remarque pertinente, de manière à avoir une réflexion connectée à la réalité et non pas hors sol. Je me souviens d'un temps où le cumul des mandats était quasiment la règle en France, alors que nos voisins Allemands avaient déjà mis en place un système permettant de passer d'une carrière à une autre, réduisant d'autant la nécessité du cumul pour l'élu. Ils faisaient, par exemple, deux ou trois mandats au Bundestag, suivis d'un mandat de secrétaire d'État d'un Land, puis d'un ou plusieurs mandats de maire. J'ai connu un maire de la ville de Fribourg qui a fait une carrière politique nationale jusqu'à l'âge de 40 ans avant de passer vingt ans dans les fonctions de maire. Voilà la réalité des pays où il n'y a pas de cumul ; on peut construire des carrières.
Sauf qu'en France on ne peut pas parler de carrière, c'est devenu péjoratif.
Pour le moment, c'est effectivement mal vu, mais j'ai bon espoir qu'un jour on ne parle plus que de professionnalisme. Je retiens en tous cas que nous sommes tous d'accord pour démarrer le groupe de travail sur ces bases.
Je voudrais revenir sur la proposition de travailler sur les ruralités et l'hyper-ruralité - j'en avais parlé lors de notre réunion constitutive. Je pense que notre travail devra effectivement aboutir sous une forme législative. Par ailleurs, en termes de méthode, je suggère que nous auditionnions des géographes, des économistes des territoires, afin de travailler sur les ressources de ces territoires en intégrant la question des flux de transfert.
Il me parait également essentiel de bien réfléchir à la question de la représentation de ces territoires, pour saisir toute leur diversité de façon objective. Enfin, le sujet des mobilités, qui est crucial, devra lui aussi être traité, peut-être d'ailleurs de façon connexe à celui des ruralités.
Chaque fois qu'il y a un intérêt pour la Délégation à auditionner des experts, même si cela s'inscrit dans le travail des rapporteurs, nous le faisons en organisant ces auditions pour l'ensemble des membres de la Délégation. Il est évident que les sujets des mobilités et des ruralités sont liés, mais nous devons trouver des points d'entrée afin d'aborder ces questions de façon optimale dans le cadre de nos travaux.
Je remercie le président de nous offrir une souplesse dans l'organisation de nos travaux, selon nos compétences et nos centres d'intérêts respectifs. S'agissant par exemple du groupe de travail sur le statut de l'élu, je fais partie du Bureau, mais ma collègue Michelle Gréaume, sénatrice du Nord, peut tout à fait travailler sur ces questions. Ensuite, je pense que nous pourrions travailler en priorité sur des sujets sur lesquels un rassemblement est possible. Je prends l'exemple de la politique de la ville, après « l'Appel de Grigny » lancé par une centaine de maires de sensibilités politiques différentes. Je constate que toutes ces sensibilités sont représentées ici. Nous pourrions ainsi réfléchir à l'idée de proposer des amendements communs sur une ou deux mesures, réclamées par les élus locaux, sur lesquelles nous pourrions nous entendre préalablement.
Pour vous répondre directement sur ce point, je voudrais rappeler que, lors de la première Conférence nationale des territoires, le Président Larcher avait exprimé le souhait que le Sénat renforce les liens institutionnels avec les associations d'élus, notamment en faisant de ces dernières des partenaires de notre Délégation. Or, c'est souvent à travers ces associations, trans-politiques et où le consensus est la règle sur l'immense majorité des sujets, que se mettent en oeuvre des démarches d'amendements partagés. Nous devons réfléchir, avec les membres du Bureau, à la manière d'organiser au mieux cette interface avec les associations d'élus qui se félicitent d'une telle proposition.
Parmi les retours de terrain qui me parviennent depuis quelques semaines de la part d'élus de différents niveaux de collectivités territoriales, revient souvent la question de la superposition problématique de plusieurs textes de lois relatifs à la montagne, à l'environnement, à l'eau, au rural, au forestier, sans compter la politique agricole commune. De nombreux projets sont aujourd'hui retardés ou allongés en raison de l'application de dispositions parfois contradictoires. Peut-être devrions nous engager un travail de dépoussiérage de ces textes afin d'améliorer les choses sur le terrain ?
Nous avons déjà appliqué cette formule en vue d'introduire davantage de cohérence dans les dispositifs existants, mais thème par thème. Il faudrait que nous puissions collectivement élaborer et formaliser une démarche afin de répondre à cette attente de façon pertinente.
Je voudrais que l'on puisse s'interroger sur le sujet des montants et de l'usage de la réserve parlementaire. Je constate qu'il y a beaucoup d'effets d'annonce, et nous sommes déjà interpellés sur le terrain à ce sujet. En outre, nous ne savons toujours pas qui arbitrera et décidera vraiment des usages de cette réserve. Or je considère que nous devons conserver un droit de regard sur la façon de la répartir, car elle bénéficie directement à nos territoires et à nos collectivités et ne doit pas être répartie de façon discrétionnaire.
Sur ce sujet, qui est important pour nous et qui concerne nos collectivités, il me parait toutefois indispensable, pour la bonne organisation de nos travaux, de garder à l'esprit la ligne de partage des compétences avec les autres commissions permanentes, ceci afin d'éviter les interférences.
C'est effectivement un travail que nous menons actuellement à la commission des Finances et auquel je participe en tant que rapporteur spécial sur les collectivités territoriales. Le sujet est en cours de discussion dans le cadre du projet de loi de finances, et nous connaitrons donc très rapidement les nouvelles règles de répartition de la réserve.
Nous avons la chance d'avoir, en la personne de Charles Guené - mais ce n'est pas le seul -, un excellent connaisseur des questions financières relatives aux collectivités. Notre Délégation, qui a une mission transversale, peut s'appuyer sur ce type de compétences sans toutefois interférer avec le travail en cours dans les commissions.
Notre Délégation pourrait avoir un rôle de suivi et d'évaluation sur les règles nouvelles qui entreront en vigueur, rôle qui pourrait être utile à la commission des Finances.
Je ne vois aucune difficulté à assurer un suivi. En revanche, nous ne désignons pas des rapporteurs spécifiques sur ces sujets, précisément parce qu'ils font déjà l'objet d'un traitement dans le cadre de rapports des commissions permanentes.
Je suis nouvelle sénatrice. J'étais auparavant maire d'une commune de 8 900 habitants, et j'ai fait le tour de l'ensemble des collectivités territoriales sur mon territoire, notamment les moyennes et les petites communes. Celles-ci, dont je souhaite vous relayer les craintes, ne bénéficient pas de l'organisation et du cadre des grandes communes et doivent compter sur un personnel polyvalent. Leur grande problématique aujourd'hui est l'impossibilité d'être en déficit, contrairement au budget de l'État. Or ces communes sont toujours prévenues très tardivement pour les dotations, et il est très compliqué de construire un budget à la dernière minute. La relation entre l'État et les collectivités territoriales est donc difficile parce que les petites communes ont du mal à estimer pour l'avenir leurs possibilités d'investissement. Aujourd'hui, par exemple, il est beaucoup question des abattements de la taxe d'habitation et ces communes n'ont strictement aucune information, à part celle des médias, quant aux ressources qu'elles obtiendront en vue de compenser leurs pertes. Ensuite, concernant les transferts de compétences, il existe aussi une grogne au niveau des collectivités - notamment les petites -, surtout suite à la fermeture de nombreuses agences de police nationale alors même que la population demande de la sécurité. Les collectivités sont amenées à ouvrir des postes de police municipale armée aujourd'hui même sans formation préalable pour le tir. Or beaucoup de dépenses incombent déjà à ces collectivités, comme les manuels scolaires pour les écoles primaires, la médecine scolaire, etc. Ces collectivités doivent aujourd'hui gérer toujours plus de compétences : les PACS, les changements de nom, les changements de sexe ou les permis de construire, qui ne sont plus effectués par la direction départementale de l'équipement. Cette année de réformes nécessite d'être professionnel et les collectivités ont une crainte pour l'avenir. Pour les petites communes, cela devient particulièrement difficile. C'est leur sentiment que je voulais faire remonter et peut-être y a-t-il une vision à leur apporter aujourd'hui ?
Je pense que c'est typiquement le genre de sujet qui entre dans le cadre des relations que nous avons établies et pérennisées avec les associations représentatives des différents types de communes, dans notre mission d'interface évoquée précédemment. Là on parle effectivement soit des bourgs-centres soit des communes de banlieue, même si je ne connais pas exactement la configuration de la commune dont vous avez été maire. Cela peut se traduire par des auditions, comme cela a déjà été fait par le passé. Ces auditions sont toujours très riches et nous permettent de faire remonter ces problématiques. En tout cas merci pour votre intervention.
Je passe la parole à Philippe Mouiller.
Merci Monsieur le président. Je n'ai pas pu participer à la première réunion ; mon intervention sera donc peut-être un peu redondante. Néanmoins je souhaite soulever quelques points. Lors du dernier mandat, un gros travail a été réalisé sur la simplification des normes avec Rémy Pointereau. Les interrogations de Patricia Schillinger touchent aussi aux aspects normatifs, aux difficultés et à la nécessité de simplification, et ce dossier me semble devoir rester d'actualité pour notre Délégation, mais je m'interroge aussi sur les possibilités d'aller plus loin. Car, au-delà de s'accorder entre nous sur un certain nombre de thèmes, la question est celle de notre capacité à traduire cela au-delà de nos murs. C'est donc un vrai sujet, notamment sur la méthode.
Je voudrais aussi évoquer le rapport que nous avions présenté avec Jacques Mézard sur les nouvelles technologies et les collectivités. À l'issue de ce rapport, avait été évoquée la possibilité - cette fois dans nos murs - de mettre en lumière quelques belles opérations portées par des communes ou des groupements de collectivités autour de nouvelles technologies. Nous avions proposé d'organiser un échange sur ce sujet, ce dossier pourrait donc être à nouveau évoqué.
En ce qui concerne nos relations avec les commissions permanentes sur les divers thèmes, tout ce qui regarde le financement ou l'avenir des financements des collectivités nous intéresse. Je pense donc qu'il serait intéressant que les commissions échangent avec nous ou nous restituent, ce qui n'est pas toujours évident, leurs travaux en cours sans que cela mène à une démarche concurrentielle ou à une réappropriation des sujets traités. Cela me semble aussi être une méthode de travail intéressante.
Enfin, j'aurais deux sujets de préoccupation, toujours en lien avec le financement de nos collectivités et leur avenir. Tout d'abord, dans le cadre des communes nouvelles, se pose la question de la taille critique. Ces questions sont aujourd'hui posées par les élus, qui louent la démarche incitative en vigueur mais ont encore nombre d'interrogations sur de possibles obligations à venir, sur la fixation d'une taille minimale, sur les évolutions selon les territoires. Ce sujet pourrait être une vraie préoccupation de la Délégation, car je ne suis pas certain qu'il soit traité par d'autres commissions aujourd'hui. Ensuite je voudrais aussi évoquer un point qui concerne, pour les collectivités, les opportunités et évolutions dans la gestion des fonds européens, dans la gestion du système extrêmement compliqué des appels à projet où, aujourd'hui, seules les régions sont les vrais interlocuteurs. Je pense que l'on se trouve dans un système hyper complexe. Ce sujet me semble tout à fait susceptible d'intéresser tant les sénateurs que les communes.
Il y a beaucoup de choses très intéressantes dans ce que dit à l'instant Philippe Mouiller. D'abord - je le dis notamment pour ceux qui nous rejoignent -, autant nous devons être prudents vis-à-vis des commissions permanentes saisies d'un dossier, autant il est possible de négocier en amont. Lorsque Charles Guené et Philippe Dallier avaient écrit avec Jacques Mézard leur rapport sur la conséquence des baisses des dotations, cela avait évidemment été pré-négocié, en l'occurrence avec la commission des Finances, et ce travail avait été très complémentaire avec des allers-retours entre la commission et notre Délégation. Cette coopération est souvent la base de nos travaux. Nos travaux peuvent parfois éclairer le chemin pour qui le veut bien, mais aussi avoir une traduction dans des séquences de débat ou avec des résolutions, voire des propositions de loi, comme sur le sujet des normes. Tout cela doit évidemment être négocié en amont avec les uns et les autres. Nous y parvenons, et les commissions sont même parfois en demande. Il est donc évident que nos travaux peuvent avoir des aboutissements de différentes natures, y compris au sein des instances du Sénat et jusqu'à la Séance.
Je voudrais aussi répondre sur les thématiques et sur la méthode de travail. Prenons l'exemple des fonds européens. À l'époque, nous avions convenu que ce sujet n'était pas mûr et que nous n'avions pas encore la bonne visibilité par rapport aux nouvelles régions, etc. Aujourd'hui, soit deux ans après, c'est peut-être un sujet dont il nous faut prendre bonne note. On ne traitera pas tous les sujets immédiatement mais nous devons avoir à la fois un regard sur l'année qui s'ouvre et une vision un peu plus prospective sur les trois années à venir. C'est donc un sujet qui ne sera peut-être pas traité cette année - déjà bien chargée -, mais qui pourrait suivre.
Je passe la parole à Rémy Pointereau.
Je vais répondre à notre collègue Patricia Schillinger, même si Philippe Mouiller a répondu en partie, s'agissant de la problématique des superpositions de textes et la difficulté pour nos élus locaux de mettre tout cela en oeuvre. Il est vrai que nous avons commencé un travail qui porte à la fois sur la complexité administrative et la simplification des normes. C'est le rôle du premier vice-président, désormais Matthieu Darnaud, de continuer dans cette voie, et c'est le problème du flux des normes. Nous avons une part de responsabilité dans le domaine car nous votons un certain nombre de lois et d'amendements qui rajoutent des normes, et souvenez-vous que nous avons quand même voté un certain nombre de textes pour essayer de freiner cette folie normative. Mais ces textes ne sont pas forcément suivis d'effet puisqu'à l'Assemblée nationale ces dispositions n'ont pas été reprises. Sur le flux, à mon avis, nous aurons du mal à nous passer d'une loi constitutionnelle ou d'une autre disposition sur le « prescripteur-payeur », le « une norme créée, deux normes supprimées », et sur la surtransposition européenne. Cela passera forcément par là si nous souhaitons être efficaces parce qu'on voit bien que ces sujets sont très difficiles à mener et qu'il y a donc un travail à poursuivre.
Le second point que je voulais évoquer concerne la mission de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Le travail pourrait reprendre le 29 novembre, date à laquelle une table ronde est envisagée. Une douzaine de tables rondes sont prévues et ceux qui sont intéressés à y participer sont bien sûr les bienvenus car il s'agit, là encore, d'un vrai sujet de terrain. Nos centres-bourgs, nos centres-villes se meurent, il existe beaucoup de locaux commerciaux vacants et les villes moyennes, notamment, connaissent de grandes difficultés, de grandes souffrances. C'est un sujet sur lequel nous devons aller vite, tout en prenant le temps nécessaire de la discussion avec l'ensemble des partenaires.
Merci. Rémy Pointereau, aujourd'hui questeur du Sénat, était jusqu'à hier premier vice-président délégué de la Délégation. Cette fonction a été reprise par Mathieu Darnaud, qui est en train de se saisir du dossier et qui lancera très rapidement un groupe de travail à ce sujet. Il faut savoir - pour ceux qui n'appartenaient pas à la Délégation - que sous l'impulsion de Rémy, soutenu par la Délégation, son président et le président du Sénat, nous avons fait un travail assez remarquable, je crois, qui a été salué. Nous entretenons des liens étroits à la fois avec le président du Sénat, qui s'est impliqué lui-même à plusieurs reprises, et avec Alain Lambert, président du Conseil national d'évaluation des normes, qui est un partenaire important, et nous avons eu des débats en séance. Toutefois, et malgré le soutien du Président Larcher, nous avons un peu trébuché en fin de mandature, en raison de l'absence de prise en compte de cette question par l'Assemblée nationale, contrairement à ce que nous avions pu croire à un moment donné. Je ne porte évidemment aucun jugement, d'autant que cela a été complexifié par les fins de mandature, sources de précipitations, mais je le dis car le sujet reste en jachère et que nous avons besoin de l'implication de l'exécutif, en particulier de bons contacts avec les secrétaires d'État successifs, mais aussi avec l'exécutif au plus haut niveau. En effet, malgré la qualité de notre travail, il arrive un moment où, sans soutien sur un sujet aussi lourd où des montagnes doivent être déplacées, cela tourne au mythe de Sisyphe. Merci Rémy de ce passage de témoin et, sur ton deuxième point, comme nous avons déjà eu l'occasion d'en parler, tu vas avec notre collègue Martial Bourquin, membre de la Délégation aux entreprises, poursuivre le travail en commun mené sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs. Vous aviez fait ici-même, avant la fin de la session, une présentation du diagnostic que j'avais trouvé remarquable, et je viens d'écrire et de co-signer avec notre collègue Élisabeth Lamure un courrier à l'ensemble des présidents des commissions concernées, car là aussi nous travaillons en lien étroit avec les commissions, et pas seulement celle des affaires économiques, pour reprendre ce travail et aboutir à des propositions, et tu vas rester, si tout le monde est d'accord, rapporteur sur ce sujet afin que cette démarche aboutisse.
Je donne la parole à Mathieu Darnaud.
Rémy Pointereau a exprimé l'essentiel sur le sujet relatif aux normes et à l'inflation normative. On vient d'ailleurs de saluer l'important travail déjà mené. On sait la complexité de l'articulation - tu viens de le dire - avec l'Assemblée nationale, même si c'est aujourd'hui quelque chose de particulièrement important. Beaucoup de prises de parole, ce matin, montrent que la contrainte normative est une préoccupation absolue des élus et qu'il nous faudra tout mettre en oeuvre pour avoir le maximum de résonnance dans ce domaine, ce qui m'amène à la partie plus opérationnelle. L'idée est bien évidemment de reprendre à la base, tant sur le fond que sur la forme, le travail qui a été réalisé par Rémy pour que l'on puisse constituer un groupe de travail qui rassemble celles et ceux d'entre nous qui sont intéressés par cette question, et de le faire dans le même état d'esprit et le même cadre de travail. Ce groupe de travail sera mis en place dans les tous prochains jours, et celles et ceux qui sont intéressés par ce sujet, à la fois très transversal et ô combien important, peuvent candidater.
Je dirai également un mot sur la question des ruralités, de l'hyper ruralité. Je reprendrai ce que disait notre collègue tout à l'heure, mais il est vrai que, là aussi, beaucoup de choses évoluent, notamment sur le plan institutionnel. Aussi est-il important que notre Délégation, même si la commission des lois travaille beaucoup sur la question de la revitalisation de la commune, puisse faire ce travail. On observe effectivement qu'il n'y a pas une ruralité mais plusieurs modèles de ruralité, comme nous l'évoquions en aparté avec Jean-François Husson. On sent bien que l'hyper ruralité ne tient aujourd'hui qu'à quelques fils, notamment à l'investissement public et aux services publics qui existent encore sur ces territoires. Il y a là un vrai travail de fond. Il faut bien prendre en compte ces spécificités, notamment dans la façon que l'on aura par la suite de légiférer. Le pendant de tout cela, selon moi, c'est qu'il ne faut pas qu'on oublie le propre de la Délégation, à savoir ce travail équilibré entre territoires ruraux et urbains. Je vais enfin reprendre ce que disait notre collègue s'agissant de la politique de la ville, surtout de ce sujet imminent qu'est le Grand Paris, sur lequel nous ne disposons pas forcément de l'information nécessaire. Or nous devons avoir une vision un peu plus éclairée de ce sujet qui a une résonnance sur le territoire national. Cela constitue un véritable sujet sur lequel il me paraît difficile que notre Délégation fasse l'impasse.
Tout à fait. La Délégation va s'y atteler.
En ce qui concerne la simplification des normes en matière d'urbanisme, sur laquelle le groupe de travail présidé par notre collègue Rémy Pointereau s'était fortement impliqué, il n'est pas exclu qu'un débat en séance publique soit demandé.
Je passe la parole à notre collègue Charles Guené.
Je vous remercie, Monsieur le président.
Tout d'abord, je souhaiterais indiquer aux collègues qui nous ont récemment rejoints combien une « culture de la transversalité » est aux fondements du travail de notre Délégation.
Je voudrais, par ailleurs, intervenir sur deux sujets très différents, qui ont déjà été évoqués par certains d'entre nous. Le premier est la métropole du Grand Paris. Je pense que la Délégation doit se pencher en urgence sur ce thème d'actualité. Je veux bien m'impliquer personnellement. Il me semble que ce dossier pourrait être traité de trois manières, avec : un état des lieux juridique, qui pourrait être rapidement effectué ; une table ronde sur les grands positionnements politiques, qui nécessiterait plus de préparation ; un débat, enfin, sur les différentes pistes d'évolution envisageables. Je pense qu'il est possible, et nécessaire, d'avancer sans tarder sur le premier aspect du sujet.
Le second enjeu est l'hyper-ruralité. Je crois que nous avons ici un vrai sujet, où nous devons faire fi des postures incantatoires. Beaucoup de travaux ont déjà été réalisés sur ce thème, mais encore faudrait-il qu'ils aboutissent... La Délégation devrait s'intéresser - dans le respect des compétences de la commission des Finances - à l'incidence de la réforme de la fiscalité locale sur les territoires hyper-ruraux. Naturellement, ce n'est pas à elle de mesurer précisément cet impact mais elle pourrait, à tout le moins, rappeler deux grands principes qui sont des préalables indispensables à toute réforme fiscale : la territorialisation des ressources et l'évaluation des charges. Si ces principes ne sont pas évoqués en amont, alors il est à craindre que la réforme en cours ne soit très technique et peu débattue.
J'évoquerai, pour finir, les enjeux de la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, et de la redéfinition des zones de revitalisation rurale (ZRR), qui sont également très importants.
Je vous remercie. Je crois que la Délégation pourrait organiser une table ronde avant l'examen du projet de loi relatif au Grand Paris par les commissions permanentes, afin de rappeler les enjeux fondamentaux et d'indiquer quelques perspectives.
Je donne la parole à notre collègue Françoise Gatel.
Je vous remercie, Monsieur le Président. Chacun a bien rappelé, à sa manière, les préoccupations actuelles sur le devenir de l'organisation territoriale de la République, qui ont d'ailleurs été abordées lors de la dernière Conférence nationale des territoires. Nous savons tous que les élus locaux ne veulent plus d'un nouveau « bing-bang » territorial. Ceci étant dit, force est de constater que nous vivons dans un monde mobile et changeant, nécessitant de la souplesse et de l'agilité. Il me semble qu'il serait illusoire de croire que notre administration puisse échapper à cette exigence de souplesse. Je trouverais intéressant que la Délégation développe une grille de lecture du monde dans lequel nous évoluons. Toutes les problématiques que nous avons mentionnées - de l'hyper-ruralité à la métropole du Grand Paris en passant par les zones péri-urbaines - sont articulées les unes aux autres. Peut-être pourrions-nous prévoir l'intervention d'universitaires devant la Délégation pour nous éclairer sur ces évolutions ?
Ma deuxième remarque concerne les communes nouvelles. Ce dispositif, sur lequel j'avais travaillé avec mon collègue Christian Manable, est d'une grande souplesse. À l'occasion de l'examen du projet de loi portant nouvelle organisation de la République (NOTRe), j'avais d'ailleurs indiqué à la ministre de l'époque que l'essor des communes nouvelles constituait une évolution, certes peu visible, mais néanmoins fondamentale. Les projets de communes nouvelles sont en train de se multiplier. Une réflexion a d'ailleurs été engagée par la commission des Lois, pour réfléchir à une amélioration de ce statut.
Je voudrais enfin évoquer un dernier sujet : les communes, quelle que soit leur taille, sont confrontées à des enjeux en termes d'organisation et de services. Il leur faut répondre à une demande de proximité et d'efficacité. Or, les communes rurales, voire péri-urbaines, sont confrontées à de réelles difficultés. À titre d'exemple, dans mon département, qui regroupe 350 communes et un million d'habitants, seules 27 communes sont habilitées à délivrer des cartes nationales d'identité (CNI). Plusieurs questions se posent : comment le service est-il organisé sur le territoire ? Comment est-il financé, à l'échelle communale ou intercommunale ? La Délégation devrait explorer les bonnes pratiques en matière de mutualisation des services et de partage des charges de centralité, à l'image de ce qui avait été fait pour les communes nouvelles. Cela pourrait nous donner des idées pour aider nos territoires à s'organiser face aux transferts de charges de l'État.
Je vous remercie. Nous allons réfléchir pour transformer cette réflexion intéressante en un projet de travail.
Je souhaiterais délivrer quelques éléments d'information sur la Conférence nationale des territoires, dont vous avez parlé. Plusieurs d'entre nous en sont parties prenantes. Une réunion préparatoire à la prochaine conférence va être organisée par le Premier ministre : à la demande du Président du Sénat, Gérard Larcher, le président de la commission des Lois, le rapporteur général du budget et moi-même, au nom de la Délégation, pourraient y participer. Les thèmes suivants pourraient y être abordés : la fracture territoriale, un meilleur accès aux services, le projet d'Agence nationale de la cohésion des territoires, la contractualisation entre l'État et les collectivités, les finances locales à partir du rapport de M. Yves Bur sur ce thème, la simplification normative, la question de l'eau et de l'assainissement.
La parole est à notre collègue Josiane Costes.
Je vous remercie, Monsieur le président. Je voudrais insister sur le fait qu'il existe des ruralités. On dénombre en effet une dizaine de départements en déprise démographique, qui font face à des enjeux très particuliers. Dans ces territoires, l'accès à la mobilité et aux services de l'État est problématique. On constate un retrait de l'État que les collectivités, dont les moyens sont insuffisants, ne peuvent compenser. Je vois cela à l'oeuvre dans le département du Cantal depuis quelques années, avec une accélération très nette ces derniers temps. L'hyper-ruralité ne peut être comprise sans s'intéresser à la métropolisation, les deux thématiques étant liées. L'enjeu des métropoles, dont le Grand Paris, intéresse naturellement le monde rural. Les liens entre métropoles et ruralités doivent être étudiés pour aboutir à des propositions concrètes.
Je vous remercie et je cède la parole à notre collègue Philippe Dallier.
Je voulais revenir sur le cas de la métropole du Grand Paris, d'abord pour rappeler que c'est ici-même, du temps de l'Observatoire de la décentralisation du Sénat, qui précédait la Délégation, que j'avais rendu il y a dix ans le rapport qui refait surface aujourd'hui. Je ne sais pas ce qu'il en sera au bout du compte de ce premier rapport, qui a précédé celui de la commission Balladur. Ceci étant dit, si nous voulons faire quelque chose, et je pense que ça serait utile, il faut agir très vite car le Président de la République a déjà repoussé ce sujet d'un mois, et le repoussera peut-être après décembre, mais la question demeure imminente. Je pense qu'il serait bon que nous nous en saisissions car, je le répète depuis le début, il ne faut surtout pas laisser les élus d'Île-de-France traiter seuls ce sujet, qui est évidemment d'intérêt national et ne se limite pas aux points de vue franciliens. Il serait souhaitable que la Délégation exerce une forme de droit de suite pour le reprendre et auditionner rapidement. Je propose d'ailleurs, Monsieur le président, de faire partie de ce groupe de travail parce que cette question m'intéresse au plus haut point.
Sur le Grand Paris, nous pourrions organiser une audition dès cette année, précédée d'une séance de préparation avec des sénateurs représentant la diversité des groupes et des territoires.
Nous avions réalisé en 2016 avec Françoise Gatel un rapport sur les communes nouvelles. Même si j'estime que fixer par la loi une taille minimale à ces communes rigidifierait trop un dispositif qui doit répondre aux besoins du terrain, il est important de nous interroger sur la pertinence de la taille des communes nouvelles. Une commune nouvelle rassemblant quelques toutes petites communes, et conservant donc une petite taille, a-t-elle véritablement un sens ?
J'ai une série d'informations à vous délivrer. En premier lieu, le Président du Sénat a souhaité que nous puissions réfléchir au rôle des élus municipaux dans les intercommunalités, rôle qui se traduit parfois par un désintérêt ou par le sentiment de ne pas être suffisamment entendus, même si cela se passe bien dans certains endroits. C'est un sujet sur lequel nous pourrions réaliser un rapport d'information avec des co-rapporteurs.
Un deuxième point est que nous avons pris l'habitude de consulter les élus locaux, par internet notamment, ce qui nous permet d'obtenir rapidement un très grand nombre de réponses. Nous pourrions lancer une telle consultation dans le cadre de l'étude menée avec Sciences Po sur les relations juridiques des collectivités entre elles, qui sera conclue par un colloque au Sénat le 15 mars prochain. Cette consultation permettrait d'apprécier leur expérience en matière de contractualisation visant soit à préserver l'équilibre territorial (contrat de réciprocité, contrat ville-campagne, contrat de ruralité, contrat de territoire, etc.), soit à mutualiser les services. Les enseignements de cette consultation pourraient faire l'objet d'une communication à la Délégation avant d'être présentés lors du colloque. Une autre consultation sera lancée dans le cadre des travaux du groupe de travail sur les centres-villes et centres-bourgs - j'y reviendrai.
De 2014 à 2017, si les rapporteurs de notre délégation se sont naturellement rendus à l'étranger dans le cadre de l'élaboration de leurs rapports d'information respectifs, notre délégation, dans son ensemble, n'a pas encore entrepris de tels déplacements. Nous pourrions envisager des déplacements en Europe, par exemple dans le cadre du rapport d'information relatif au statut des élus locaux. Nous pourrions également prévoir un déplacement dans les Outre-mer, ainsi que l'a souhaité le Bureau de notre Délégation lors de sa réunion.
Troisième point : les auditions. Il y aura des auditions sur la simplification des normes, je pense notamment à Alain Lambert, président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN). Une audition pourrait être organisée sur la compensation des transferts de charges, nous pourrions également entendre André Laignel, président du Comité des finances locales (CFL) ou Jean-René Lecerf, président de la Commission consultative d'évaluation des charges, ou d'autres encore.
Par ailleurs, nous avions, avec Luc Carvounas, publié un rapport sur la prévention de la radicalisation et les collectivités territoriales. Nous avions entendu, pratiquement lors de sa prise de fonction, Muriel Domenach, secrétaire générale du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation. Alors que l'État est en train de reprendre ce dossier, nous pourrions l'entendre à nouveau afin de faire le point sur la prévention de la radicalisation.
Dernière information, et je reviens à la question de la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Avec Élisabeth Lamure, présidente de la Délégation aux entreprises, j'ai signé un courrier demandant aux présidents des six commissions permanentes concernées de désigner des représentants dans le groupe de travail sur la revitalisation. Les deux Délégations compléteront l'effectif du groupe de travail de façon à obtenir une représentation proportionnelle des groupes politiques, l'idée générale étant que nos collègues Rémy Pointereau et Martial Bourquin poursuivent leur travail de rapporteurs. Pour que la réunion constitutive du groupe de travail puisse avoir lieu dès le 29 novembre afin d'être en mesure de travailler à une ébauche de contribution à la prochaine Conférence nationale des territoires, je vous propose de désigner les représentants de la Délégation au groupe de travail dès que nous aurons reçu les propositions des commissions permanentes et en fonction de l'objectif de représentation proportionnelle des groupes politiques.