La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.
La séance est reprise.
J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Adrien Giraud, qui fut sénateur de Mayotte de 2004 à 2011.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire.
Dans la discussion du texte de la commission, nous sommes parvenus aux amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er A.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 254, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 2111-10-1 du code des transports est ainsi rédigé :
« Art. L. 2111 -10 -1. – I. La situation financière de SNCF Réseau est appréciée au regard du ratio entre sa dette financière nette et sa marge opérationnelle, défini sur le périmètre social de SNCF Réseau. À partir de 2027, ce ratio, ne peut dépasser un niveau plafond fixé dans les statuts de la société SNCF Réseau approuvés avant le 31 décembre 2019.
« À partir de 2027, les règles de financement des investissements de SNCF Réseau sont établies en vue de lui permettre de maîtriser sa dette, dans le respect du niveau plafond, selon les principes suivants :
« 1° Le montant des investissements à la charge de SNCF Réseau ne peut conduire à ce que le ratio prévu au premier alinéa dépasse le niveau plafond applicable. SNCF Réseau s’assure de ce respect lors de l’élaboration du contrat mentionné à l’article L. 2111-10 et de ses budgets annuels. En cas d’écart constaté en cours d’exécution du budget annuel, SNCF Réseau prend toute mesure lui permettant de respecter ce niveau plafond l’année suivante.
« 2° Pour tout projet d’investissements de renouvellement, de modernisation ou de développement du réseau ferré national réalisé sur demande de l’État, des collectivités territoriales ou de tout autre tiers, SNCF Réseau détermine sa part contributive dans le financement de ce projet de manière à ce que le taux de retour sur cet investissement soit au moins égal au coût moyen pondéré du capital de SNCF Réseau pour ce même investissement après prise en compte des risques spécifiques à l’investissement.
« II. – Pour la période du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2026, période dite de convergence, les statuts de l’entreprise approuvés avant le 31 décembre 2019 fixent les modalités de convergence afin que le ratio atteigne le niveau plafond visé au I du présent article le 31 décembre 2026 au plus tard. Tant que le ratio n’a pas atteint le niveau plafond visé au I du présent article, les règles de financement des investissements de SNCF Réseau respectent en outre les principes suivants :
« 1° Pour tout projet d’investissements de renouvellement ou de modernisation du réseau ferré national réalisé sur demande de l’État, des collectivités territoriales ou de tout autre tiers, SNCF Réseau détermine sa part contributive dans le financement de ce projet de manière à ce que le taux de retour sur cet investissement soit au moins égal au coût moyen pondéré du capital de SNCF Réseau pour ce même investissement après prise en compte des risques spécifiques à l’investissement.
« 2° SNCF Réseau ne peut contribuer au financement d’investissements de développement du réseau ferré national.
« III. – La contribution de SNCF Réseau au financement des investissements au sens du présent article s’entend quels que soient le montage retenu et la nature de la contribution de SNCF Réseau, y compris lorsque celle-ci revêt la forme d’une garantie, prises de participations, ou des avances.
« IV. – Pour chaque projet d’investissement dont la valeur excède un seuil fixé par décret, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières émet un avis motivé sur le montant global des concours financiers devant être apportés à SNCF Réseau et sur la part contributive de SNCF Réseau. Cet avis porte notamment sur la pertinence des prévisions de recettes nouvelles, en particulier au regard de leur soutenabilité pour les entreprises ferroviaires, ainsi que sur l’adéquation du niveau de ces recettes avec celui des dépenses d’investissement projetées.
« Les modalités d’application du présent article sont définies par décret. »
II. – Au deuxième alinéa de l’article L. 2111-3 du code des transports, les mots : « Le 2° et les quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 2111-10-1 ne sont pas applicables » sont remplacés par les mots : « Le 1° et le 2° du II de l’article L. 2111-10-1 ne sont pas applicables ».
La parole est à Mme la ministre.
Il s’agit d’un amendement important. Au moment où le Gouvernement a annoncé la reprise de 35 milliards d’euros de la dette au cours du quinquennat, il convient de s’assurer que cette dette ne puisse pas se reconstituer.
Vous le savez, la dette du secteur ferroviaire a augmenté en continu depuis 1997, date de la création de Réseau ferré de France, RFF, qui, à l’époque, portait une dette de 20 milliards d’euros. À la fin de 2017, la dette de SNCF Réseau avait dépassé 46 milliards d’euros.
Cette augmentation continue s’est accélérée depuis 2010, la construction des lignes à grande vitesse étant à l’origine d’un quart seulement de cet accroissement, ce qui montre bien qu’il convient de s’attaquer, au-delà du financement des lignes à grande vitesse, à un problème structurel.
Le sujet de la dette a été identifié très tôt puisque, dès 1991, un service annexe d’amortissement de la dette ferroviaire était créé.
En 1997, les statuts de RFF comportaient le célèbre article 4 aux termes duquel il était prévu que RFF ne pouvait pas financer des projets de développement au-delà de sa capacité contributive. Cette mesure de protection a été renforcée en 2014 par l’inscription dans la loi d’une « règle d’or ». Elle précise que, tant que la dette de SNCF Réseau dépasse un certain plafond, SNCF Réseau ne peut contribuer au financement des projets de développement, qui doivent donc être financés par l’État et les collectivités.
Tout cela n’a pas suffi. Malgré ces mesures, la dette ferroviaire, celle du gestionnaire d’infrastructures, qu’il s’agisse de RFF, puis de SNCF Réseau, a donc plus que doublé en vingt ans.
Je le disais, les projets de développement ne représentent qu’un quart de l’accroissement de la dette. Un autre quart vient du coût de la dette et une moitié est produite par le déficit structurel de réseau, les ressources étant insuffisantes pour financer l’exploitation et la régénération. En d’autres termes, alors que, depuis dix ans, le montant de la régénération du réseau a triplé, passant de 1 à 3 milliards d’euros par an, ce qui était indispensable, les ressources de SNCF Réseau n’ont pas suivi. C’est à ce décalage qu’il faut remédier.
Nous le faisons, d’une part, en reprenant dans les comptes de l’État 35 milliards d’euros de dette de SNCF Réseau et, d’autre part, en complétant par de nouvelles règles celles qui s’appliquent aux projets de développement et aux projets contractualisés.
La nouveauté de cette règle d’or, c’est qu’il n’est plus possible de demander à SNCF Réseau d’augmenter sa régénération sans la financer. Nous mettons en place pour SNCF Réseau un modèle économique équilibré afin d’assurer son retour à l’équilibre, qui sera maintenu sur la durée.
Cette trajectoire de retour à l’équilibre, qui permet de financer le programme d’investissements de SNCF Réseau, sera, bien sûr, inscrite dans le nouveau contrat de performance entre l’État et cet établissement.
Nous prévoyons aussi que SNCF Réseau et l’État soient tenus de définir ensemble les mesures visant à empêcher l’augmentation de la dette si, une année, la capacité d’autofinancement de SNCF Réseau ne permettait pas de couvrir les investissements prévus à sa charge.
L’amendement n° 131 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° de l’article L. 2111-10-1 est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« 2° Les investissements de développement du réseau ferré national sont déterminés au regard des objectifs fixés au système ferroviaire national, en vertu des articles L. 2100-1 à L. 2100-4.
« Le Parlement est associé à leur définition et procède à l’évaluation des opérations menées, après avis motivé de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et terrestres.
« L’Autorité peut fournir au Parlement toute information nécessaire à cette évaluation.
« Le financement des investissements de développement est conduit par SNCF Réseau. L’entreprise peut bénéficier, notamment du point de vue de l’aménagement du territoire, du développement local, de la mise en cohérence de l’espace ferroviaire européen, de la mise en œuvre de la transition écologique, du concours de l’État, des collectivités, des instances communautaires ou de tout autre concours.
« Elle peut, avec le concours de la Caisse des Dépôts et Consignations et de tout autre établissement de crédit de son choix, définir les conditions d’un refinancement de sa dette.
« L’ensemble de ces mesures tend notamment à assurer l’équilibre des rapports financiers entre gestionnaire d’infrastructure et entreprises ferroviaires, notamment du point de vue des redevances ou péages d’utilisation, aux fins de les réduire en tant que de besoin aux coûts d’entretien et de maintenance. » ;
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Ce qui est évident dans le débat qui nous intéresse, c’est, bien sûr, que le mouvement des cheminots peut toujours s’essouffler, à en croire les informations officielles, mais qu’il aura eu comme résultat, entre autres, d’amener le Gouvernement à se pencher sur la dette du groupe SNCF et, singulièrement, celle de SNCF Réseau !
Le montant de la dette d’infrastructures est connu : 46, 6 milliards d’euros, soit l’équivalent de 2 points de PIB aujourd’hui, que SNCF Réseau a incontestablement porté depuis 1982, en lieu et place de l’État. En effet, la dette des entreprises publiques, qu’il s’agisse de celle d’EDF, de la SNCF ou de toute autre du même type, provient, de manière quasi exclusive, de la clause d’autonomie de gestion qui leur a été imposée, dans un contexte de forte inflation et de dérégulation des marchés financiers, ce qui ne retire rien au fait que la gestion de la dette de SNCF Réseau a été globalement menée avec un professionnalisme certain. À tel point, mes chers collègues, et c’est peu connu, qu’elle est en partie constituée d’obligations de très longue durée et que sa durée de vie moyenne s’avère plus importante que celle de la dette de l’État.
Le rapport remis en août 2016, en application de l’article 11 de la réforme ferroviaire d’août 2014, montre que SNCF Réseau n’a pas grand bénéfice à tirer d’une simple reprise de sa dette par l’État, qu’il s’agisse de la durée de vie de la dette, mais aussi du taux d’intérêt qui la grève et des outils de refinancement mobilisés pour sa gestion active.
La signature de SNCF Réseau est de bonne qualité sur les marchés financiers, d’autant que les trois quarts de l’encours de la dette sont libellés en euros, ce qui n’expose donc l’établissement public qu’à un risque de charge quand même limité.
Autant dire que la solution choisie par le Gouvernement a tous les défauts de l’exercice obligé. En effet, nul ne l’ignore désormais, le toilettage des comptes, notamment du bilan de la SNCF Réseau, est étroitement lié au changement de nature juridique. De plus, la fameuse règle d’or risquerait de venir s’appliquer, anéantissant toute possibilité d’emprunt sur le court et moyen terme.
Nous proposons une solution avec cet amendement. J’espère qu’il retiendra votre attention, monsieur le rapporteur, madame la ministre. En tout cas, si vous nous demandiez de le retirer, nous le maintiendrions et nous invitons nos collègues à le voter !
Je suis complètement d’accord avec Mme la ministre. Elle nous soumet un amendement qui me paraît proposer un système vertueux dans lequel SNCF Réseau maîtrisera enfin son endettement. C’est important parce que cet endettement, qui affecte le patrimoine de la France, est donc l’affaire de tous nos concitoyens.
D’ailleurs, je voudrais saluer les paroles du Premier ministre et de Mme la ministre, qui s’engagent à éponger la dette à hauteur de 35 milliards d’euros, ce qui n’est quand même pas une petite somme !
À ce propos, on entend souvent une petite musique faisant porter le chapeau aux cheminots. Je profite de cette occasion pour le dire très solennellement, les cheminots ne sont en aucun cas la cause de l’endettement de SNCF Réseau. On le sait très bien, la cause se trouve dans les décisions prises par des gouvernements successifs de tous bords et des élus qui voulaient aménager le territoire. Ce qui a d’ailleurs souvent été bien accompli, illustrant ainsi le rôle du système ferroviaire en ce domaine.
Au bout du compte, l’aménagement du territoire a toutefois été à l’origine d’une dette excessive de SNCF Réseau. Peut-être aurait-on dû essayer, à l’époque, de ne pas charger sa barque en mesurant les conséquences des décisions qui étaient alors prises. Certes, les finances étaient peut-être moins florissantes et on était au-dessus des 3 % fatidiques qui nous sont toujours reprochés.
En tout cas, je salue cet effort parce que cette très lourde charge revient maintenant à ce gouvernement. Je salue aussi cet amendement n° 254, qui s’inscrit dans une démarche très vertueuse, et j’émets, au nom de la commission, un avis favorable.
Quant à l’amendement n° 131 rectifié, il ne répond pas à la nécessité de maîtriser l’endettement de SNCF Réseau et de procéder, à l’avenir, à des investissements de développement et de modernisation.
Je ne peux qu’émettre un avis défavorable.
Je dois dire que je ne comprends pas bien l’amendement n° 131 rectifié du groupe CRCE, car il choisit de laisser la dette à SNCF Réseau. J’avoue que cela me surprend : que peut-on trouver de satisfaisant dans le fait que, chaque année, on retire 1, 4 milliard d’euros de ressources au service public ferroviaire pour régler des frais financiers ?
Non, je ne comprends vraiment pas la logique consistant à maintenir un niveau d’endettement insoutenable pour SNCF Réseau ! J’émets donc, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.
Je soutiendrai l’amendement du Gouvernement, qui traduit une décision importante. Voilà de nombreuses années que cette dette existe et aucun gouvernement ne l’a jamais prise en compte ni assumée.
Je reviendrai sur les propos du rapporteur, qui a raison. Pour ma part, je n’ai entendu personne dans cet hémicycle dire que la responsabilité de la dette incombait aux cheminots. Non, la dette, ce n’est pas la faute des cheminots ! Ce qui est vrai, c’est qu’elle est aujourd’hui élevée et qu’elle trouve son origine dans les investissements réalisés par le passé.
On peut toujours discuter aujourd’hui de leur opportunité et les critiquer. Mais il faut aussi accepter de nous remettre de temps en temps en cause. Si SNCF Réseau a investi pour construire des lignes et assurer des dessertes, c’est aussi parce que nous, les élus, avons souhaité ces réalisations.
Je veux donc me réjouir que le Gouvernement assure une reprise de la dette à hauteur de 35 milliards d’euros. Ce n’est quand même pas anodin !
J’ai besoin d’un éclairage. L’amendement du Gouvernement est, il est vrai, important. Je suis d’accord pour considérer qu’il ne faut pas creuser à nouveau la dette. On ne va pas la combler et repartir dans un système susceptible de reproduire demain la même situation. Tout cela me paraît fort logique.
Je relève cependant une difficulté quand je lis que le taux de retour sur l’investissement pour SNCF Réseau doit être « au moins égal au coût moyen pondéré du capital de SNCF Réseau pour ce même investissement après prise en compte des risques spécifiques à l’investissement ». Cela signifie que SNCF Réseau, contrainte à un retour sur investissement calculé sur chaque ligne, ne participera pas à la solidarité nationale. SNCF Réseau a pourtant des recettes qui pourraient être redistribuées sur l’ensemble.
C’est une question qui se pose et, à voir la réaction de Mme la ministre, il semble important de la creuser.
Soit on considère que SNCF Réseau est encadrée pour chaque ligne par le taux de retour prévisible sur l’investissement et le montant de l’investissement consacré à chaque ligne est évidemment calculé sur les recettes attendues sur cette ligne ; soit on admet, tout en restant fidèle au principe de ne pas recreuser la dette, qu’il existe, dans certains endroits, des lignes qui marchent bien, et on autorise SNCF Réseau à réinvestir une partie de cet argent sur des lignes moins rentables.
Dans un cas, SNCF Réseau continue de participer à la solidarité nationale territoriale. Dans l’autre, elle se trouve extrêmement encadrée et seuls l’État et les collectivités territoriales pourront assurer la solidarité nationale. Or la discussion autorisait malgré tout – y compris dans le rapport Spinetta sur la modulation des péages – des outils pour assurer une partie de la solidarité nationale dans le cadre des recettes de SNCF Réseau.
Sur cette question extrêmement importante, nous aimerions, madame la ministre, avoir votre éclairage.
Je m’associe tout à fait à ce que vient de dire M. le rapporteur : d’abord, la dette de cette entreprise, c’est celle de la SNCF. Pour lui permettre de repartir d’un bon pied – elle ne pourra jamais rembourser les 46 milliards d’euros –, l’État propose de reprendre 35 milliards d’euros, ce qui est important.
Ensuite, il faut avoir un modèle économique pour assurer un retour à l’équilibre et pour éviter une aggravation des dettes. Il me paraît normal que SNCF Réseau et l’État prennent ensemble des mesures afin de redonner à cette entreprise la possibilité d’assumer son développement.
Je voterai l’amendement du Gouvernement.
C’est vrai que les deux amendements sont liés. Par souci de cohérence, je soutiendrai celui du Gouvernement. Nous sommes en présence de 46, 6 milliards d’euros de dette. Cette dette, elle est le fruit de l’histoire, car c’est au fil des années que les difficultés se sont accumulées.
Nous soutenons toutes et tous ici le monde cheminot, nous saluons l’engagement des cheminots, leur passion, leur savoir-faire. Cela étant, il nous faut aussi penser aux usagers, qui ne savent pas forcément qui fait quoi. Ce qu’ils souhaitent, c’est que les trains soient à l’heure et qu’ils ne soient pas remplacés par des bus qui ne circulent pas forcément ! Il nous revient de défendre toute cette cohérence.
Parlons aussi du tout-TGV. À un moment donné, on demandait beaucoup de lignes TGV. Il est certain qu’elles ne portent pas seules la responsabilité de la dette.
Le Gouvernement s’engage à aider le monde cheminot, le Premier ministre ayant promis de reprendre 35 milliards d’euros de dette.
Certes, des investissements ont été réalisés, mais il reste beaucoup à faire et le chemin à accomplir est quand même long. Là, il faut vraiment se poser les bonnes questions pour essayer d’avoir un débat positif et constructif. Cet amendement va dans le bon sens.
Madame la ministre, je me situerai dans la suite logique des questions posées par mon collègue Dantec quant au retour sur investissement et sur certains bénéfices tirés de lignes rentables qui pourraient être mis dans un pot commun. Je ne doute pas que, si l’État demande un investissement, une modernisation ou un renouvellement, la réponse sera très positive.
À l’inverse, si la demande vient d’une collectivité territoriale, pour peu que cette dernière ait les moyens de cofinancer un investissement sur un réseau ferroviaire, quelles seront, en la matière, les marges de négociation entre des régions riches ou des régions pauvres ?
Ne pourrait-on pas imaginer un jour une péréquation quant au retour sur investissement pour des territoires beaucoup plus pauvres que les autres, qui auraient encore plus besoin d’investissements en réseau ferroviaire ?
Cela a été dit et je le répète, non, les cheminots ne sont pas responsables de la dette ! Voilà ! Si on prend cela comme acquis, on va cesser les sous-entendus ! Entre 2007 et 2017, 25 000 emplois ont été supprimés, le taux d’endettement lié à la stratégie de l’entreprise SNCF et des politiques publiques n’a cessé de croître. L’endettement est donc passé de 32, 5 à 52 milliards d’euros. Les chiffres me paraissent parler d’eux-mêmes.
Je ne reviendrai ni sur les volontés politiques qui ont conduit à accroître l’endettement de la SNCF ni sur la stratégie même de la SNCF par rapport aux lignes à grande vitesse. Je m’arrêterai sur la manière de régler le problème. On le dit depuis le début de la discussion, c’est bien que l’État prenne sa part au désendettement de la SNCF.
Je veux examiner le mécanisme vers lequel nous nous dirigeons. Je me suis intéressé aux différentes levées de fonds sur les marchés faites par l’entreprise SNCF à un euro près. Dans la dernière période, la SNCF s’est notamment lancée dans des partenariats public-privé : sur 100 euros levés ou empruntés, 41 euros ont participé directement au financement des investissements de la SNCF, c’est-à-dire à nos lignes, à notre réseau ferré à tous, à tout ce que nous portons. Vous le voyez, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il y a un vrai sujet : ce sont les 59 euros qui ont ruisselé dans toute l’intermédiation financière. Comprenez que cela pose problème dans la stratégie même de la SNCF, y compris au moment où l’État va faire un effort sur le désendettement !
Je voulais vous dire que l’amendement défendu par Éliane Assassi est bien « charpenté » par ces éléments dont il faut débattre.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes attentifs à l’amendement du Gouvernement dont l’adoption fera « tomber » le nôtre. Vous avez annoncé une bonne nouvelle, la reprise de la dette de la SNCF par l’État, qui aura lieu en deux temps.
Ce qui ne va pas là-dedans, ce sont, d’une part, les contreparties et, d’autre part, le caractère incomplet de la reprise.
Vous laissez en effet subsister au bilan d’entrée de SNCF Réseau une dette proche de l’amener à des fonds propres nuls et, surtout, vous ne touchez pas à la dette de SNCF Mobilités, dont on sent confusément qu’elle va être amortie par le dépeçage du réseau secondaire – entre autres – et des équipements roulants y afférents que le présent texte de loi organise.
Nous sommes, pour notre part, partisans d’une association précise entre l’expertise du service financier de SNCF Réseau et l’expérience et les références des cadres, techniciens et agents de la Caisse des dépôts et consignations. Vous le voyez, madame la ministre, nous ne sommes pas seulement dans une attitude d’opposition. Nous vous soumettons des propositions alternatives.
À cette association, donc, de faire en sorte que le financement des opérations d’investissement de SNCF Réseau soit bouclé dans les meilleures conditions et que le refinancement de la dette en découlant puisse notamment être mis en œuvre auprès de la Banque centrale européenne.
Celle-ci, ne l’oublions pas, a mis en œuvre, depuis plusieurs années, un dispositif de création monétaire appelé quantitative easing, qui a pourvu les acteurs bancaires et financiers de rien moins que 2 486 milliards d’euros, soit bien plus, pour ne donner qu’un exemple, que la dette publique de notre pays, tous émetteurs confondus ! Cette opération s’est soldée, entre autres, pour la BCE, par l’acquisition, sur le second marché, de titres de créances publiques et privées.
Il n’est même pas interdit de penser que les opérations de la Banque de Francfort n’aient amené à acquérir des titres de dette publique française, de celle d’EDF ou encore de la SNCF, en la rendant de fait plus « soutenable ». Soyons précis !
La BCE se tient aujourd’hui sur un taux directeur fixé à zéro, prend en charge les disponibilités bancaires avec un taux négatif de trente à quarante points de base, et est en situation de pouvoir travailler avec la Caisse des dépôts et consignations. Elle pourrait d’ailleurs, pour le coup, déployer une action plus large sur l’ensemble des opérateurs du secteur ferroviaire en Europe.
Voici exposées un certain nombre de raisons qui font que nous sommes en désaccord, madame la ministre, avec ce que vous proposez dans votre amendement et, en même temps, nous ne sommes pas seulement contre votre réforme, nous sommes pour une autre construction.
Je rejoins mes collègues sur la péréquation dont il a été question. En effet, cette règle d’or est assez perverse. Pour financer les lignes régionales, il va forcément falloir passer par les plans État-région, comme cela vient d’être dit.
Vous m’expliquerez comment on fera après !
En effet, l’État et la région vont intervenir, mais on sait d’ores et déjà que cela ne suffira pas et que l’application de la règle d’or interdira à SNCF Réseau de venir combler le manque. Le résultat, c’est que des régions sont en train de se tourner soit vers les métropoles soit vers les départements, lesquels n’ont plus la compétence « mobilité ». Comment les choses se passeront-elles par la suite ? Comment financera-t-on les lignes qui restent ? C’est vraiment une question que je pose !
Je tiens à le redire, le désendettement est possible. Il est lié à l’amélioration de la situation du déficit public. Il est important, dans ce moment précis du débat, de le rappeler.
Je tiens aussi à saluer les propos de M. le rapporteur sur l’origine de la dette, car je les partage totalement.
J’ai plusieurs questions à poser. Tout d’abord, vous améliorez la règle d’or mise en place en 2014. Elle paraît tellement stricte – et cela s’impose ! – que je me demande si elle permettra les nouveaux développements prévus sans passer par des cofinancements. Et si cofinancements il y a – je rejoins ici tous les précédents intervenants –, qu’en sera-t-il des régions ou des collectivités qui n’ont pas la possibilité de participer ?
J’en viens à une autre question : 35 milliards d’euros, c’est une somme impressionnante, mais je ne me laisse pas impressionner par les chiffres et je réclame des précisions ! Qu’en est-il de la trajectoire financière de SNCF Mobilités, qui n’est pas allégée ?
Les 35 milliards concernent SNCF Réseau. Qu’en est-il de sa future trajectoire financière ? Nous demandons des engagements précis à ce niveau. Puisqu’on parle de soutenabilité de la dette, j’ai besoin de comprendre la démonstration arithmétique au terme de laquelle cette reprise permettra à SNCF Réseau d’effectuer l’ensemble de ses missions.
Qu’en est-il de ce qu’on a appelé la « dette grise » ? Il existe des capitaux propres négatifs à SNCF Réseau. Pour permettre la création de certaines lignes TGV, on a surestimé leur fréquentation. On sait que les recettes ne suivront pas. D’ailleurs, votre proposition d’amélioration de la règle d’or tient compte de ces risques pour des projets futurs.
Et puis, dernière question, pourquoi ces deux dates de 2020 et de 2022 ? D’ici là, en théorie, la dette de SNCF Réseau va encore augmenter !
Vendredi dernier, le Premier ministre s’est engagé, à l’horizon de 2022, à reprendre 35 milliards d’euros de la dette du système ferroviaire de SNCF Réseau. Or la dette, selon la trajectoire financière établie dans le contrat de performance signée avec l’État, sera à un niveau de près de 10 milliards d’euros supplémentaires. Il restera donc à charge pour l’entreprise non pas 15 milliards d’euros, mais près de 25 milliards d’euros. Cela, si j’ose dire, relève d’un autre débat…
Le pendant de cette annonce, c’est cet amendement qui modifie la fameuse règle d’or décidée en 2014 par un décret paru en mars 2017 qui conditionnait les possibilités d’investissement à un ratio entre l’endettement net de SNCF Réseau et sa marge opérationnelle. Ce nouvel amendement prévoit de limiter davantage les capacités d’investissement en se fondant sur la couverture a minima du coût moyen pondéré du capital – en clair, du taux de profitabilité de l’investissement : un euro investi doit rapporter au moins un euro.
C’est la confirmation de la mise à mort des lignes ferroviaires de proximité de nos territoires : on renvoie leur financement aux seules collectivités territoriales, qui sont déjà, vous le savez, mes chers collègues, financièrement exsangues.
On est donc loin des valeurs de service public, d’aménagement, d’égalité de traitement, et de développement économique ; on est loin aussi de la réponse à apporter aux besoins de transport des citoyens et de la Nation.
Au-delà de ce point essentiel, l’amendement du Gouvernement est particulièrement flou, puisque son dispositif renvoie à des éléments tels que les futurs statuts de SNCF Réseau, statuts qui, madame la ministre, nous sont inconnus aujourd’hui.
Nous proposons, pour notre part, une autre stratégie pour SNCF Réseau. En effet, son désendettement ne créera pas d’appel d’air pour financer la nécessaire rénovation et régénération des lignes. Comme nous ne faisons pas que nous opposer à votre texte, madame la ministre, mais que nous formulons des propositions, nous vous offrons une autre voie, qui est tout simplement la voie du service public !
Je veux dire quelques mots sur le sujet de la dette, qui est évidemment majeur. Il a été rapidement abordé tout à l’heure, mais je n’avais pas eu alors l’occasion de m’exprimer.
D’abord, je répondrai à Ronan Dantec et aux autres orateurs qui semblent considérer que c’est à SNCF Réseau de prendre en charge l’aménagement du territoire. Non ! C’est à l’État de le faire. L’existence, pendant des décennies, de ce type de confusion explique en grande partie la dette de SNCF Réseau. Plusieurs d’entre vous, mes chers collègues, ont souligné que les cheminots ne sont pas responsables de la dette de SNCF Réseau : il est vrai que la principale responsabilité pèse sur les gouvernements successifs qui ont laissé à SNCF Réseau ou, auparavant, à Réseau ferré de France le soin de prendre en charge des missions d’aménagement du territoire, ce qui n’était pas leur rôle.
Sur la question de la dette, je voudrais à mon tour saluer l’effort fait par le Gouvernement : 35 milliards d’euros de dette reprise, ce n’est pas rien ! Je regrette d’ailleurs qu’on ne puisse inscrire cette reprise dans le marbre de ce projet de loi pour que la décision soit bien actée. Si nous n’avions pas encouru le risque de nous voir opposer l’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution, nous aurions déposé des amendements en ce sens. Du moins pouvons-nous adopter cet amendement du Gouvernement visant à renforcer la règle d’or.
Je voudrais, avant de dire un mot sur cet amendement, rappeler à nos collègues socialistes qu’on aurait aimé que le précédent gouvernement l’ait fait.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l ’ aménagement du territoire et du développement durable. M. Bérit-Débat expliquait tout à l’heure que c’était grâce à la présidence de François Hollande que l’actuel gouvernement pouvait aujourd’hui reprendre la dette. Il y a quand même là de quoi sourire ! En effet, s’il y a un sujet sur lequel les gouvernements du précédent quinquennat ont été particulièrement irresponsables et coupables, c’est bien celui de la SNCF !
MM. Daniel Chasseing, Jean-François Husson et Jean-François Longeot applaudissent.
Ils ont obligé la SNCF à enterrer la réforme sociale en lui promettant, en guise de compensation, de reprendre la dette. Or, trois mois plus tard, le Premier ministre Manuel Valls a annoncé que, finalement, elle ne serait pas reprise ! Cette attitude a vraiment été très coupable, pour ne pas dire plus, vis-à-vis de la SNCF.
Dès lors, il serait bon, à tout le moins, de ne pas prétendre que c’est grâce à ces gouvernements qu’on peut aujourd’hui reprendre la dette ; c’est quelqu’un qui ne fait pas partie de la majorité présidentielle qui vous le dit !
C’est parce que le déficit est passé de 5 % à 3 % du PIB qu’on peut le faire aujourd’hui !
Je voudrais à présent revenir à l’objet central de cet amendement.
Il est très bon de renforcer la règle d’or et, encore une fois, j’y souscris pleinement. Simplement, il ne faudrait pas, madame la ministre, qu’on y déroge à peine ce dispositif voté. En effet, je tiens à rappeler certains événements : alors que la règle d’or avait été inscrite dans la loi portant réforme ferroviaire de 2014 et que la loi Macron avait fixé le principe d’un coefficient à respecter, il a néanmoins fallu plus de deux ans pour que le décret d’application soit pris. En outre, avant même qu’il soit pris, on nous faisait déjà voter – Dieu sait que, à ce banc, Louis Nègre et moi en avons été marris – une loi qui, pour financer le Charles-de-Gaulle Express, dérogeait à cette règle avant même qu’elle ne soit appliquée.
C’est pourquoi, oui, il faut une règle d’or, oui, il faut que nous la votions, mais il faut aussi que le Gouvernement mette ensuite tout en œuvre pour qu’elle soit respectée et appliquée pleinement. En effet, c’est très bien de reprendre la dette, mais il faut surtout éviter qu’elle ne se reconstitue, sans quoi, dans dix ans, on en sera au même point.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Personne n’a jamais dit que les cheminots étaient responsables de la dette. Je ne comprends pas d’où vient cette polémique. Personne n’a jamais dit cela !
Il ne m’a pas échappé qu’un quart de l’accroissement de la dette est lié aux frais financiers de son service. C’est pourquoi je comprends mal pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, au travers de votre amendement, vous vous opposez à la reprise par l’État de 35 milliards d’euros de cette dette.
J’ai bien entendu vos exposés sur la complexité des produits financiers en Europe. Pour ma part, j’en retiens cela : finalement, vous ne souhaitez pas avoir de débat, et vous êtes incapables d’admettre qu’il y a au moins un point sur lequel nous pouvons être d’accord, à savoir la volonté du Gouvernement de soulager le système ferroviaire d’une partie très substantielle de sa dette pour lui donner la capacité d’investir davantage et de se développer. Même sur ce point-là, vous ne pouvez pas être d’accord avec nous !
Votre amendement vise à refinancer la dette de SNCF Réseau au sein même de cet établissement et est donc contraire à la volonté du Gouvernement…
Je lis votre amendement, madame Assassi : vous y proposez des refinancements compliqués de la dette de SNCF Réseau au sein de SNCF Réseau. Vous êtes donc opposée à la reprise de la dette par l’État, reprise qui vise pourtant à donner des capacités financières au secteur ferroviaire. Je m’en étonne. Décidément, même sur ce sujet-là, il vous est impossible d’être d’accord avec le Gouvernement !
S’agissant de la règle d’or et de son application projet par projet, je voudrais répondre à M. Jacquin que le principe qui s’appliquera pour les projets de développement est strictement le même que celui qui a été inscrit dans la réforme de 2014. Vous savez qu’on constate en général que les péages futurs permettent de financer 20 % à 30 % de ces projets. Il n’y a donc pas à redistribuer les recettes ailleurs, et c’est bien à l’État et aux collectivités locales de les financer. Cela peut vous contrarier, vous pouvez toujours continuer d’affirmer que c’est à la dette de financer ces nouveaux projets, et de considérer qu’assurer le service public signifie créer de la dette, mais ce n’est pas la conception que s’en fait le Gouvernement !
Oui, monsieur Jacquin, un nouveau contrat sera conclu entre l’État et SNCF Réseau ; il éclairera une trajectoire financière permettant de confirmer que le système ferroviaire est remis durablement à l’équilibre et qu’il n’aura plus à s’endetter pour financer ses investissements, et ce durablement.
Vous voyez que la Nation en prend une part importante. Nous parlons, me semble-t-il, d’un allégement de l’ordre de 1, 2 milliard d’euros par an. Cela signifie, comme il n’y a pas de finances magiques, que c’est nous tous qui fournirons chaque année cette somme.
Vous comprendrez donc, mesdames, messieurs les sénateurs, pourquoi nous attendons de la SNCF qu’elle participe elle aussi au redressement de l’équilibre financier du secteur ferroviaire : nous comptons sur une amélioration de la performance et une réduction de l’écart de compétitivité entre la SNCF et ses homologues. Le Premier ministre a mentionné cet écart, qui est aujourd’hui de 30 %, et a fixé comme objectif qu’il soit réduit des deux tiers à l’horizon de 2026.
Selon moi, alors que la Nation tout entière s’engage au bénéfice du secteur ferroviaire, il est normal d’attendre de la SNCF qu’elle participe elle aussi à cet effort de redressement de l’équilibre économique du secteur ferroviaire.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er A, et l’amendement n° 131 rectifié n’a plus d’objet.
La SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités peuvent procéder jusqu’au 31 décembre 2019 à des recrutements de personnels soumis au statut mentionné à l’article L. 2101-2 du code des transports.
Aujourd’hui, le statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel régit les conditions d’embauche, de rémunération et de déroulement des carrières, les sanctions et garanties disciplinaires, la mobilité géographique et fonctionnelle inhérente à l’entreprise nationale, les congés, les conditions de cessation de fonction, l’assurance maladie et le droit syndical.
Le statut donne des droits, mais il confère aussi des devoirs : la période d’essai est d’un an, et même de trois ans pour les cadres ; le travail du dimanche et des jours fériés est rémunéré en dessous du code du travail. Ajoutons le travail de nuit et la mobilité induite. Aujourd’hui, la grille de rémunération place environ 3 000 cheminots à un niveau inférieur au SMIC !
Les partisans de la fin du statut ont maintes fois asséné que les cheminots « coûtent » 30 % de plus que les salariés de la concurrence. Cette affirmation n’est absolument pas démontrée.
Le statut s’inscrit dans la garantie de l’adaptabilité et de la continuité du service public. Les rythmes de travail et les horaires auxquels les cheminots sont soumis sont atypiques ; en outre, ils ont l’obligation de faire fonctionner la SNCF toute l’année.
Si la sécurité ferroviaire et la continuité du service sont les fondements du statut des cheminots de la SNCF, il faut y ajouter un principe de neutralité.
En effet, les cheminots ne travaillent pas, en principe, pour répondre à des exigences patronales ou financières ; ils s’engagent pour placer l’entreprise publique au service de la Nation et des citoyens. Cela suppose que l’agent de la SNCF reste en responsabilité et ne soit pas soumis à des aléas relevant de l’arbitraire technocratique ou financier.
Souhaitez-vous vraiment, madame la ministre, mes chers collègues, mettre un terme à cette logique de fonctionnement et d’investissement professionnel ?
Cet article, issu d’un amendement déposé en commission par le Gouvernement, constitue une véritable provocation. Il s’agit en effet, comme annoncé par voie de presse, d’en finir avec le statut de cheminot.
Ainsi aura vécu, si l’on peut dire, ce statut, dont l’extinction au fil du temps est attendue comme une contribution de la SNCF à son « effort de redressement » et une contrepartie à la reprise de la dette ferroviaire annoncée par le Premier ministre lui-même.
L’économie réalisable s’établirait entre 10 et 15 millions d’euros par an : sur la durée moyenne de vie de la dette de SNCF Réseau, cela représenterait tout au plus 200 millions d’euros, soit, en treize ans, 0, 5 % seulement de l’actuelle dette d’infrastructure, c’est dire !
Le premier statut des cheminots fut mis en place en 1912 sur le réseau de l’État et fut généralisé en 1920 à l’ensemble des compagnies. Il est donc bien antérieur à la création de la SNCF. Il faut le distinguer du régime spécial des retraites des cheminots, dont l’origine remonte à 1909, qui ne lui est pas directement lié, bien qu’il lui soit souvent assimilé.
Le statut s’apparente davantage, dans sa forme, à une convention collective dont la spécificité est de relever d’un acte réglementaire gouvernemental.
Ces règles ont été maintenues lors de la nationalisation de la SNCF. Par la suite, la loi du 30 décembre 1982, dite LOTI, qui a transformé la SNCF en EPIC, a confirmé ces dispositions.
Les cheminots, qui relevaient alors de différentes compagnies privées, se sont mobilisés afin d’établir une solidarité de droits communs exprimée dans de nombreuses luttes de grande ampleur en 1910 et 1920. Cette impulsion a rendu nécessaire un statut national, qui répondait également au besoin d’établir des règles unifiées dans un secteur essentiel à la marche globale de l’économie du pays et à son aménagement territorial. Cela a conduit l’État à légiférer pour créer un statut unique à l’ensemble des travailleurs du ferroviaire.
Il a ainsi imposé aux différentes compagnies d’employer un nombre d’agents suffisant et de les fidéliser pour permettre la transmission des savoirs et savoir-faire professionnels. Chaque cheminot doit ainsi avoir un haut niveau de formation, au regard des spécificités fortes des différents métiers, et l’organisation du travail doit être encadrée afin de garantir la sécurité des circulations, et donc des passagers, pour une durée de travail équivalente à celle des autres salariés.
La réglementation obéit à des règles spécifiques qui permettent d’assurer la continuité du service public 365 jours par an et 24 heures sur 24.
Madame la ministre, c’est cela que vous remettez en cause aujourd’hui !
Monsieur le président, il me restait cinq secondes. De toute façon, on peut toujours reprendre la parole !
Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je m’exprime en mon nom personnel et au nom de notre collègue Roland Courteau, qui ne peut être présent à cet instant et qui souhaitait lui aussi vous faire part de son opinion sur la proposition qui nous est faite.
Pourquoi le Gouvernement veut-il imposer à la SNCF cette réforme doctrinaire qui met à terre tant le statut de l’entreprise que celui des cheminots ?
Pourquoi diable ce gouvernement veut-il être celui qui aura eu la tête du mythique statut des cheminots et du service public à la française ?
On nous dit que c’est l’Union européenne qui le veut. Une fois encore, elle a bon dos ! Ni la réforme du statut des cheminots ni la transformation de la SNCF en société anonyme ne sont nécessaires. Dès lors, et comme cela a été dit, j’aurais tendance à contester le texte, le contexte et, surtout, le prétexte !
Sourires.
Que des évolutions soient nécessaires, cela peut s’entendre, mais elles ne doivent pas être conduites n’importe comment et à n’importe quel prix. Or le prix, à ce jour, est énorme !
On peut, comme l’a dit mon collègue Olivier Jacquin, dynamiser la SNCF sans la dynamiter !
Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.
Ce que l’on peut reprocher aux auteurs de ce texte, c’est de vouloir tirer argument de l’ouverture à la concurrence pour modifier le statut, alors qu’il n’y a aucun lien à établir. Vous ne pouvez pas prétendre que le statut des cheminots est à l’origine des difficultés financières de la SNCF. Nous sommes nombreux ici à le contester.
Saluons plutôt les cheminots, qui servent la SNCF et font que les Français aiment le train ! Ces hommes du rail ne sont pas des privilégiés, mais l’avant-garde d’un mouvement de préservation des biens communs et de l’intérêt général.
Dois-je rappeler, par ailleurs, que le gouvernement précédent s’était engagé, en 2014, à construire un cadre social commun et homogène à l’ensemble du secteur ferroviaire, avec maintien du statut des cheminots ?
Oui, nous contestons et le texte, et le prétexte ; l’Union européenne ne demande pas la transformation de la SNCF en société anonyme, pas plus qu’elle ne demande la fin du statut des cheminots.
En conclusion, ni les avancées offertes aux cheminots ni la création d’une société anonyme, dont on peut craindre qu’à terme elle ouvre la porte…
… à une privatisation, ne nous rassurent quant à la défense d’un service public de qualité et à la renaissance de la SNCF, bien au contraire !
Tout le monde a compris qu’il y avait une petite contradiction. D’une part, on nous répète depuis le début de la soirée, sur l’air des lampions, que les cheminots ne sont pas responsables de la dette et, d’autre part, on met fin à leur statut ! On a un peu de mal à expliquer le lien entre les deux !
C’est vraiment un débat de fond sur l’avenir de la société française qui se joue. Pour ma part, je considère qu’il est important, dans une société, d’avoir des statuts publics, que le statut de cheminot fait partie de notre imaginaire collectif et que c’est un bien commun de la société française. Cela ne signifie pas qu’il n’aurait pas dû y avoir une négociation, qu’on pourrait qualifier de virile, sur les difficultés qui, de fait, existent dans ce statut : considérer que le statut pourrait continuer tel quel ne serait pas non plus tout à fait lucide.
Mais pourquoi, madame la ministre, ne pas avoir lancé une négociation, même assez forte, dans le cadre du statut, sur la mobilité et les métiers ? On connaît très bien les points difficiles du statut, et ce qui aurait permis, à un niveau de curseur qu’on ignore, que la grève se termine. En tant que fils d’un ancien syndicaliste, je sais qu’il y a toujours, dans une négociation, des gagnants, des perdants et un curseur. Or, en l’absence d’une telle négociation, cela fait défaut dans la situation actuelle.
Je regrette donc, pour ma part, que cela n’ait pas été tenté. Et puis, si cela n’avait pas été possible, le Gouvernement en aurait pris la mesure et tenté une négociation au sein du statut. Vous connaissez ma position, madame la ministre.
Je veux aussi vous avouer que je n’ai pas été totalement satisfait de votre réponse précédente. Prenons le cas de l’évolution de La Poste. Aujourd’hui, ce service public demande à un certain nombre de communes un financement pour y rester présent. Pour le fonctionnement de certains bureaux de poste, La Poste, aujourd’hui, demande aux communes un chèque. Certaines évolutions amènent aussi à faire contribuer les collectivités territoriales de manière inégalitaire ; ce problème se pose effectivement dans le débat, mais c’est aussi notre responsabilité, notamment à la commission de l’aménagement du territoire, de trouver demain les réponses. On voit bien que les grandes évolutions des services publics sont aujourd’hui, généralement, inégalitaires pour les territoires.
À ce stade, madame la ministre, vous ne nous expliquez pas comment se fera la péréquation ;…
… elle aurait pu se faire dans le service public, pour préserver l’égalité.
M. Fabien Gay. Madame la ministre, on entame notre deuxième débat, et une deuxième question me taraude.
Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.
Je ne comprends pas pourquoi vous voulez casser le statut des cheminots. Vous avez défendu pendant un moment l’idée que les cheminots étaient des privilégiés, et que leur statut coûtait cher. On a d’abord parlé de 100 à 150 millions d’euros ; finalement, on retombe à 10 ou 15 millions d’euros.
Pour ma part, je voudrais juste rappeler quelques chiffres concernant le statut de ces « privilégiés ». Le salaire d’embauche, pour un cheminot, s’élève à 1 456 euros bruts. Je rappelle que le SMIC est à 1498 euros. En fait, c’est une petite prime, d’une trentaine d’euros, qui fait passer leur salaire juste au-dessus du SMIC. La prime de nuit, de 21 heures à une heure du matin et de six heures à neuf heures du matin, est fixée à 20 centimes par heure ; celle de milieu de nuit, entre une heure et six heures du matin, à 2, 70 euros par heure. Quant au travail du dimanche – tenez-vous bien ! –, la prime est de 4, 50 euros par heure.
Alors, un problème se posera, madame la ministre, si vous cassez le statut des cheminots, et M. Pepy en a fait mention, il n’y a pas longtemps, à la radio : pour une fois, je suis d’accord avec lui. Il a expliqué que casser le statut des cheminots coûterait plus cher que le maintenir. En effet, personne ne voudra travailler le dimanche pour 4, 50 euros par heure : ce ne serait de toute façon pas permis ! Pour assurer les services publics, il faudra payer les nuits, les dimanches et les jours fériés au prix du marché, et les contrats de droit privé vous coûteront plus cher qu’aujourd’hui le statut.
Dès lors, madame la ministre, puisque vous savez que l’argument économique ne tient pas la route, je me dis que c’est autre chose. Vous avez une vision dogmatique des choses, je vous l’ai déjà dit : vous voulez le scalp des cheminots. En réalité, derrière tout ça, vous voulez vous attaquer à leurs retraites. En effet, aujourd’hui, le statut va de pair avec la retraite, puisque c’est une caisse de prévoyance. Or vous voulez demain remettre toutes les retraites de ce pays…
J’ai encore quatre secondes, monsieur le président !
Vous voulez remettre, madame la ministre, toutes les retraites de ce pays au plus bas niveau !
Nous avons voté le quatrième paquet ferroviaire et lancé les réformes nécessaires à l’ouverture à la concurrence. Nous sommes favorables à une ouverture maîtrisée à la concurrence et à une maîtrise publique des transports, ce qui ne nécessite pas forcément que la machine soit conduite par un opérateur agent de l’État ou d’une collectivité.
Si le statut était mirifique, SNCF Réseau et SNCF Mobilités n’auraient pas actuellement des difficultés de recrutement. Il faut savoir que, comme cela a été rappelé, les salaires de début de carrière sont tellement faibles que, pour certains métiers de la SNCF, on a aujourd’hui du mal à recruter, ce qui pose de vraies questions sur le statut.
Des évolutions sont certes nécessaires, mais vous imaginez bien que nous ne sommes pas favorables au dumping social ou à la casse d’un secteur complet, comme cela a été le cas pour le transport routier avec les dispositifs de cabotage, doublés par le recours aux travailleurs détachés.
Nous sommes donc favorables à une évolution, …
… mais à la condition qu’elle soit négociée, et ce dans les conditions qui ont présidé à la rédaction de la convention collective ferrée nationale. Ces négociations ont été engagées il y a plusieurs années, et la moitié de la convention est signée.
Nous sommes dans une situation de conflit grave, et il ne faut pas s’en étonner. Imaginez-vous vivre, dans vos professions et métiers respectifs, le climat d’incertitude dans lequel on a placé les cheminots ? Je suis agriculteur. Imaginez que, demain, la coopérative à laquelle je livre des céréales – pas assez cher ! – m’annonce qu’on va modifier le cadre de notre relation, sans me dire comment, et tout en m’ordonnant de continuer à livrer mes céréales sans me préoccuper de savoir comment je serai payé plus tard. Moi, je ne marcherais pas !
Pour un contrat de travail, c’est la même chose ! Si on vous dit qu’on va redéfinir vos conditions de travail, sans vous dire précisément comment, cela ne marche pas !
Notre proposition constructive vous sera présentée dans quelques minutes : nous entendons conditionner la fin du recrutement au statut à la signature effective d’une convention collective ferroviaire négociée. Nous proposerons un certain nombre d’amendements de repli. Réfléchissez : c’est pragmatique, j’en ferai la démonstration.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 37 est présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 240 est présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 37.
Comme mes collègues ont déjà exprimé le point de vue de notre groupe – nous demandons la suppression de cet article –, je me contenterai de faire quelques remarques.
Pour ma part, je voudrais revenir, madame la ministre, sur la raison qui vous pousse à casser le statut des cheminots. Mon collègue Fabien Gay l’a bien expliqué : économiquement, cela ne tient pas la route ! L’économie ne serait que de 10 à 15 millions d’euros par an : c’est 14 à 21 fois moins que le budget de communication de la SNCF. Vous voyez donc bien, c’est clair et net !
En outre, il n’y a pas que M. Pepy qui ait dit que la suppression du statut risquait d’être beaucoup plus coûteuse que son maintien. Je vous invite à consulter sur ce point un article – nos lectures, vous le savez, sont plurielles – du magazine Capital. §Oui, mes chers collègues, je suis pour ma part ouverte à des lectures diverses, et j’espère que vous lisez l ’ Humanité et l ’ Humanité Dimanche, parce que c’est aussi très instructif !
Le statut représente aussi une protection contre la précarisation et la mise en concurrence des salariés. Je dois dire que tous les droits spécifiques qui ont été conquis par les cheminotes et les cheminots sont financés par les cheminots et les cheminotes eux-mêmes. Il n’y a donc pas, là non plus, matière à casser leur statut.
Enfin, je ne sais pas ce qu’on leur reproche : ne seraient-ils pas suffisamment opérationnels dans toutes les activités qu’ils mènent pour l’entretien des voies et la conduite des trains ? Quand même, leurs conditions de travail se sont considérablement aggravées…
… puisque, en dix ans, leur productivité a augmenté de 40 %.
Voilà beaucoup de raisons qui justifient de ne pas toucher au statut des cheminotes et des cheminots. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
La parole est à M. Olivier Jacquin, pour présenter l’amendement n° 240.
Cet article, issu de l’adoption d’un amendement du Gouvernement par la commission du développement durable, met fin au recrutement sous statut SNCF à partir du 1er janvier 2020.
On a entendu beaucoup de choses sur le statut des agents. L’étude d’impact estime qu’il occasionnerait des coûts élevés que n’auraient pas à supporter des entreprises concurrentes qui recruteraient des agents hors statut. Je l’ai déjà dit, nous souhaitons éviter le dumping social.
Je tiens à signaler l’existence d’une étude extrêmement intéressante, publiée par l’UNSA, qui donne des précisions utiles sur le coût effectif du statut des cheminots. Ce statut est principalement une dérogation au droit du travail. Si l’on payait les agents qui assurent des horaires de nuit ou de week-end sous le régime du droit privé, la facture serait beaucoup plus lourde que sous le régime actuel.
On a entendu beaucoup de chiffres quant au coût additionnel de ce statut, mais ils sont assez contradictoires. On semble s’accorder actuellement sur un surcoût de 10 millions d’euros par an, somme qui est à relativiser.
C’est pourquoi, au vu du contexte dans lequel s’est engagée cette réforme et des propos tenus, notamment, par le Premier ministre au lendemain de la remise du rapport de M. Spinetta, dans lesquels il interrogeait cette profession avec une rudesse qui dépassait les limites, on peut comprendre que cette profession a réagi et est actuellement dans la rue.
Nous nous opposons donc à la fin du recrutement au statut SNCF à la date du 31 décembre 2019. Rien dans les textes européens n’exige cette suppression du statut.
Je conclurai en évoquant les propos qu’a tenus, sur France Inter, ce samedi, Mme Guillouard, PDG de la RATP. Certes, la RATP n’est pas la SNCF, mais c’est quand même une entreprise qui a un statut tout à fait particulier. Or, selon Mme Guillouard, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, il n’est pas nécessaire de réviser le statut particulier du personnel de la RATP.
Il ne vous étonnera pas, mes chers collègues, que j’émette un avis défavorable sur ces deux amendements.
Je voudrais rétablir quelques vérités. La logique des choses, c’est la suppression du recrutement au statut, mais le statut ne va pas disparaître.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Il faut être très clair là-dessus : tous les cheminots qui relèvent actuellement du statut et qui resteront agents de la SNCF continueront d’en bénéficier. Cet article fixe simplement au 1er janvier 2020 la fin du recrutement au statut.
Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il est important d’apporter ces précisions, parce qu’on a parfois l’impression, à entendre certains propos, que c’est la fin du statut et que plus personne n’aura de statut, même ceux qui travaillent déjà à la SNCF. Ceux qui ont déjà été embauchés par la SNCF resteront bien soumis à ce statut !
On nous demande souvent pour quelles raisons nous voulons la fin du recrutement au statut…
Parfois, ce sont les Français qui la demandent. Si j’osais la comparaison, je vous dirais que c’est le même raisonnement que pour les parlementaires…
M. Gérard Cornu, rapporteur. Aujourd’hui, les Français, quel que soit leur statut, ne supportent plus les avantages, réels ou supposés, des uns et des autres. Les cheminots et les parlementaires sont en quelque sorte dans le même sac.
Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Que vous le vouliez ou non, c’est la perception des Français ! Ils pensent que les parlementaires sont des privilégiés et que les cheminots le sont tout autant.
C’est la moindre des choses.
Je reprends. C’est la perception des Français. Que voulez-vous que l’on y fasse ? C’est ainsi.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Ces amendements identiques visent à supprimer l’arrêt du recrutement au statut.
Monsieur Gay, vous n’êtes pas obligé de m’écouter, mais, pour la clarté des débats, je vous remercie de ne pas me prêter des propos que je n’ai pas tenus. Je n’ai jamais dit que les cheminots étaient des privilégiés.
De la même façon, monsieur Jacquin, il faut éviter de créer de la confusion. Or vos propos laissaient entendre que nous étions en train de remettre en cause le statut des cheminots qui travaillent aujourd’hui à la SNCF. Il n’en est pas question : le Gouvernement a affirmé très clairement qu’il respecterait le contrat moral entre la SNCF et les cheminots.
Il s’agit en fait d’un principe d’équité. Jusqu’à présent, la SNCF était en situation de monopole et, dans ce cadre, le statut visait à prendre en compte les spécificités et les contraintes du métier.
Vous pouvez être contre, mais vous allez bientôt voter l’ouverture à la concurrence du secteur. Cela signifie que, dans ce secteur, se trouveront d’autres entreprises qui auront des salariés exerçant les mêmes métiers et ayant par conséquent les mêmes contraintes. Nous avons déjà connu cette situation ailleurs : à La Poste, on a arrêté de recruter des fonctionnaires de façon à mettre en place un cadre équitable, à savoir une convention collective, à l’échelon de la branche.
Le Gouvernement a pour objectif que soit mise en place, avant la fin de l’année 2019, une convention collective de haut niveau qui s’applique de façon équitable à l’ensemble des salariés de la branche. Par conséquent, il émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. Jean-Claude Requier. Le RDSE est un groupe divers et hétérogène – mais pas hétéroclite !
Sourires
Nous avons assisté à l’évolution de La Poste et celle-ci a, je crois, réussi sa mutation. Il est vrai que le statut a changé, mais il me semble que, dans l’ensemble, ceux qui y travaillent sont satisfaits.
Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Madame la ministre, vous avez fait un parallèle avec les fonctionnaires. En effet, c’est le cœur du sujet. En aucun cas, le statut de la fonction publique n’est remis en question, mais nous constatons partout, dans tous les ministères, qu’aujourd’hui les agents qui travaillent dans le service public et qui sont embauchés ne le sont plus sous statut de la fonction publique. On en arrive à un niveau de précarisation que même le privé ne connaît pas !
S’agissant de la SNCF, vous l’avez dit, vous ne voulez pas toucher au statut, mais vous voulez pouvoir embaucher demain des agents avec les mêmes libertés que le secteur privé, c’est-à-dire avec une précarisation maximale. Le voilà, votre projet ! Dites-le, ce serait plus honnête.
Aujourd’hui, la fonction publique de la recherche et de l’enseignement supérieur compte 35 % de précaires. Je puis vous assurer qu’avec un taux de précarisation aussi élevé les missions de service public ne sont pas réalisées dans les mêmes conditions.
Soyez franche, madame la ministre, et dites-nous que, pour la SNCF, vous voulez les mêmes libertés, c’est-à-dire introduire une précarisation maximale. Voilà votre projet !
Plusieurs orateurs ont pris l’exemple de La Poste, notamment vous, madame la ministre.
À l’évidence, on ne vit pas sur la même planète ! Honnêtement, en votre âme et conscience, trouvez-vous vraiment que le service est mieux rendu aujourd’hui…
Oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.
Mes chers collègues, s’il faut se respecter, il faut le faire sur toutes les travées ! Pour ma part, je ne vous ai pas interrompus. Vous aurez la parole lorsque le président vous la donnera.
Aujourd’hui, lorsqu’une factrice ou un facteur assure ce rôle social auprès d’une personne âgée ou d’une personne éloignée en milieu rural, c’est facturé !
Si, pour vous, le service public, c’est qu’une lettre mette plus de temps qu’avant, si vous trouvez cette situation très bien au point de vouloir la généraliser à tous les services publics, moi, madame la ministre, ce n’est pas pour cela que je me bats et ce n’est pas de cette société-là que je veux, pour moi, pour mes enfants et pour mes petits-enfants.
À l’évidence, nous n’avons pas le même projet de société, mais, surtout, nous ne vivons pas sur la même planète !
M. Fabien Gay. Madame la ministre, sur la question du statut, vous parlez d’équité – vous le voyez, je vous écoute et j’entends vos arguments.
Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Moi aussi, je veux l’équité, mais je la veux par le haut ! Pourquoi ne pas imaginer un statut pour l’ensemble de ceux qui travaillent dans le transport ferroviaire, …
… voire pour l’ensemble des salariés de ce pays ?
Toutes vos propositions visent systématiquement à tirer les droits sociaux vers le bas. Sur ce point, je rejoins l’analyse de ma collègue Laurence Cohen : ce sont deux visions de la société qui s’affrontent.
Vous voyez, madame la ministre, on vous écoute, on vous comprend, mais on ne partage pas. Votre vision de la société, c’est de tout précariser, de tout privatiser.
Il faut assumer, ce n’est pas grave !
Pour notre part, nous souhaitons des droits nouveaux pour les salariés.
Il aurait été intéressant que nous ayons un débat sur ce sujet : souhaitons-nous casser le statut pour tout le monde ou – et nous le pouvons – créer un statut pour l’ensemble des salariés qui travailleront dans les transports ?
Monsieur le rapporteur, le temps me manque, mais votre comparaison entre les parlementaires et les cheminots me laisse sans voix.
Je n’ai pas de mots. Ma mère a travaillé toute sa vie à l’usine, mon père aussi. Honnêtement, j’ai une meilleure vie qu’eux, comme j’ai une meilleure vie que les cheminots qui, aujourd’hui, font vivre le service public. Lorsque j’entends de tels propos, j’ai mal. On ne peut pas prendre cet argument et affirmer que les cheminots ont des privilèges réels ou supposés. Lesquels ? Il n’y en a pas ! Franchement, c’est un mauvais exemple.
Il me reste quatre secondes, monsieur le président ! C’est la deuxième fois que vous me reprenez sans raison.
Quoi qu’il en soit, j’en ai terminé !
Avant de revenir sur la question du statut et de l’équité, je parlerai des problèmes de sécurité.
Tout le monde aime la SNCF et connaît ses commandements hiérarchiques. On comprend mieux, dès lors, que le statut est extrêmement important. Nous sommes un certain nombre ici à savoir qu’un jour un train n’est pas parti, parce que des cheminots avaient, à juste titre, pris la décision d’empêcher que celui-ci ne circule, leur expertise technique leur ayant permis de déceler un danger. Si, avec le statut actuel, une telle démarche ne peut pas provoquer un licenciement, ce n’est pas le cas avec un statut privé. Voilà la différence !
Aujourd’hui, 70 % des Britanniques demandent la renationalisation de leur secteur ferroviaire. Ils ont eu assez d’accidents et de problèmes, sans parler du coût des transports.
Madame la ministre, je rejoins les propos de mon collègue Fabien Gay et vous fais une proposition qui va dans le même sens. Vous parlez d’équité : faites payer aux chauffeurs routiers autant de cotisations sociales qu’aux cheminots.
Dans le secteur du transport, il est très important de tirer l’équité vers le haut. Les camionneurs, qui font aussi face à la pénibilité et à des horaires extrêmement difficiles, doivent avoir un système social qui les protège. Mettez leurs cotisations sociales au même niveau : le suivi médical sera plus régulier, ils seront plus en sécurité et il y aura un peu moins d’accidents.
J’ai regardé les chiffres : les accidents corporels, qui impliquent beaucoup de poids lourds – même si ceux-ci n’en sont pas les seuls responsables – coûtent 37 milliards d’euros chaque année. On le voit bien, l’équité consiste à tirer vers le haut le statut de tous les salariés du transport, et non à les opposer ou à les diviser.
Monsieur le rapporteur, madame la ministre, j’ai bien compris que le statut était maintenu pour ceux qui en bénéficient actuellement. C’est un peu la moindre des choses ! Ils sont entrés dans cette profession avec la perspective que leur offrait ce statut. Changer les règles en cours de route serait terrible.
Madame la ministre, l’incertitude vient du fait que vous avez déclaré qu’à partir de décembre 2019 il n’y aurait plus de recrutement au statut. Or, selon le projet de loi que nous sommes en train de voter, les transferts de SNCF Mobilités à de nouveaux opérateurs pourraient avoir lieu au cours de cette période, alors que la convention collective ferrée nationale n’est pas négociée.
L’incertitude vient de là. J’aurais l’occasion de souligner, lors de l’examen des amendements suivants, qu’il y a certainement beaucoup de symboles dans cette affaire-là, puisque seules quelques centaines d’agents seront concernées par ces transferts dans les cinq années à venir.
Plus largement, nous sommes favorables à une convention collective des transports élargie. Pour ma part, je ne comprends pas pourquoi, quand je descends du train pour monter dans un tram, dans un FlixBus ou autre, les conditions sont si différentes.
Et je ne parle pas du statut d’autoentrepreneur de certains chauffeurs Uber.
Je ne voudrais pas qu’il arrive ce qui est arrivé aux camionneurs. Dans mon département, des entreprises vivaient du transport routier international. Malheureusement, comme dans toute la France, la plupart d’entre elles ont disparu en raison d’une concurrence sauvage, mondialisée, liée notamment au travail détaché et au cabotage. Nous sommes dans un secteur non délocalisable par définition et non soumis à la concurrence mondiale. Par conséquent, nous n’avons pas besoin de dumping social dans ce domaine.
Je prends le train deux fois par semaine sur une ligne très dégradée – des améliorations sont prévues, Mme la ministre l’a évoqué –, la ligne POLT, Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, qui dessert vingt-cinq départements et irrigue tous les départements du Centre et de l’ancien Limousin, jusqu’au Lot et à Toulouse. Les cheminots que j’ai rencontrés m’ont indiqué que le fret de la SNCF avait beaucoup diminué, mais ce n’est pas de leur fait. Si la ligne va bientôt être obsolète, ce n’est pas de leur fait non plus, c’est parce que l’entreprise n’a pas réalisé les investissements nécessaires au moment voulu. Il est temps de le faire, sinon, ce sera catastrophique pour tous ces territoires et ces régions.
L’État investit 35 milliards d’euros dans le ferroviaire, c’est un engagement très fort de la Nation. On ne peut pas dire que les gouvernements précédents se soient précipités pour sauver la SNCF.
Ce projet de loi prévoit aussi des économies : 12 milliards d’euros devront être remboursés et, si j’ai bien compris, l’équilibre financier du système commencerait à être atteint en 2022, avec une diminution de la charge de la dette, laquelle atteint 1, 5 milliard d’euros chaque année. D’autres dispositions sont prévues, comme la polyvalence, le statut, la productivité : il faut bien, après cet effort de l’État, que SNCF Réseau parvienne à l’équilibre.
Il nous faut être raisonnables et tenir compte de l’effort consenti par l’État et les employés. Madame la ministre, les employés qui cesseront d’être dans cette entreprise publique auront-ils un statut précaire ?
Je formulerai deux remarques.
En premier lieu, maintenir le statut de cheminot pour ceux qui sont aujourd’hui dans l’entreprise, afin de faire en sorte qu’ils acceptent le changement de statut – en vérité, une dégradation – de ceux qui intégreront l’entreprise plus tard, est un argument qui touche à la dignité des cheminots. Les cheminots ne défendent pas individuellement leur seule situation sociale, ils ont une haute idée de leur entreprise : ils tiennent à son unité et à la solidarité du personnel, qui est un facteur de qualité du service. Ils ne veulent pas d’une entreprise où certains auront un statut ancien et d’autres un statut dégradé, car ce sera un facteur de désorganisation de l’entreprise et de désorganisation du secteur.
Lorsque 91 000 cheminots, à l’occasion d’une « vot’action », disent non, c’est bien parce qu’ils refusent cette dégradation. Vous n’attraperez pas les cheminots en utilisant cet argument, qui a d’ailleurs été utilisé dans d’autres entreprises publiques avec les résultats que l’on connaît en matière de précarisation de l’emploi.
En second lieu, dans votre logique, qui n’est pas la nôtre, on est obligé d’ouvrir à la concurrence et de nouvelles entreprises intégreront le secteur. Vous semblez dire que vous ne voulez pas toucher à la condition sociale des salariés du ferroviaire, mais vous pouviez tout à fait procéder autrement, en commençant non par la suppression du statut, mais par la négociation de la convention collective des salariés du ferroviaire.
Cela aurait levé toute ambiguïté. Vous auriez pu, avant d’ouvrir à la concurrence, proposer d’aller au bout de cette négociation et décider une fois que celle-ci aurait été menée à son terme. Vous auriez pu dire : dans cette négociation, le Gouvernement souhaite que le statut négocié soit au minimum celui des cheminots actuels pour tirer tout le monde vers le haut. Vous auriez pu agir dans ce sens. Pourquoi ne pas l’avoir fait ?
Vous prétendez que personne n’a jamais dit que les cheminots étaient des privilégiés. Qui a ouvert le débat sur la réforme ferroviaire par la question du statut des cheminots, sinon, pendant plusieurs semaines, le Premier ministre et le Président de la République, …
Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Vous pouvez régler le problème, mais, en vérité, vous ne le voulez pas !
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je rejoins ce qui vient d’être dit : on ne peut pas prendre comme argument le principe d’équité quand on s’apprête à mettre en place au sein d’une entreprise une situation où l’équité et l’égalité entre les salariés auront disparu, et ce pour de nombreuses années !
Dans les entreprises où cela a été mis en œuvre, gérer des personnels avec des statuts très différents est d’une très grande complexité. Cela a des incidences en termes d’efficacité de gestion, mais aussi en termes d’égalité des salariés, par exemple la manière dont ils se sentent les uns par rapport aux autres, en termes de droits, de salaires, etc.
Non seulement c’est inefficace en termes de gestion des ressources humaines, mais cela suscite de nombreuses difficultés entre les salariés. Ce qu’expriment les cheminots, c’est aussi leur volonté de conserver l’égalité entre eux. Je pense moi aussi qu’une autre méthode aurait été possible, par une négociation qui parte des droits actuels des cheminots.
Les propos du rapporteur me paraissent extrêmement indécents : on ne peut pas comparer le statut des parlementaires et celui des cheminots. Bien plus, on ne peut pas considérer que, sous prétexte que les avantages de certains seraient mal ressentis par les autres, il faudrait les supprimer ! C’est tout à fait démagogique. Surtout, c’est se lancer dans une entreprise sans fin : une fois que certains auront été stigmatisés, ce sera au tour des autres, etc.
Je connais un grand nombre de conventions collectives qui offrent des droits dont ne bénéficient malheureusement pas tous les salariés. Ne commençons pas à stigmatiser les uns ou les autres parce qu’ils ont acquis des droits au prix de luttes ou de négociations. Ce n’est pas une bonne façon de faire la loi.
D’aucuns ont avancé que les salariés qui ne sont pas au statut ne respecteraient pas les règles de sécurité. Cet argument est un peu curieux, car de nombreuses professions sont soumises à des règles de sécurité importantes – les pilotes d’avion, les conducteurs d’autocar, notamment les autocars de transport scolaire. Ces salariés ne sont pas au statut. Pourtant, leur responsabilité, c’est bien d’appliquer les règles de sécurité.
Cet argument ne me semble donc pas recevable.
J’ai entendu ensuite que nous allions tirer les conditions d’emploi dans le secteur ferroviaire vers le bas, alors même que vous nous avez expliqué que la situation des cheminots n’était pas particulièrement satisfaisante. Qui a dit que la convention collective avait cet objectif ? L’UTP, l’Union des transports publics et ferroviaires, c’est-à-dire le syndicat patronal, a présenté un document qu’elle a transmis aux organisations syndicales, qui précise qu’elle souhaite un cadre social de haut niveau qui ne soit pas la copie du statut, afin de parvenir à un cadre adaptable aux différentes situations pour mieux répondre aux besoins de chacun des territoires.
Vous avez évoqué le problème de la cohabitation des différents personnels au sein de la SNCF. Or, dans de nombreuses entreprises, les salariés viennent de différents horizons. C’est notamment le cas de La Poste. J’ai discuté avec son ancien président, Jean-Paul Bailly, qui a eu à mettre en place cette réforme : il n’y a pas des postiers de première et de deuxième catégorie au sein de La Poste, il existe un socle de droits communs pour tous les postiers, avec des modalités spécifiques, selon que ceux-ci ont le statut de fonctionnaire ou relèvent de la convention collective.
Il ne vous a pas échappé que, dans les amendements qui ont été introduits en commission, j’ai souhaité promouvoir ces principes d’unité sociale auxquels les syndicats qui ont bien voulu être dans une position de dialogue sont attentifs. Par conséquent, il y aura bien, au sein de la SNCF, un socle de droits communs et des modalités différentes selon que l’on est au statut ou que l’on dépend de la convention collective, avec des équilibres qui peuvent être différents.
Monsieur Jacquin, vous appelez de vos vœux une grande convention collective du transport. Pourtant, ni les entreprises ni les salariés ne le souhaitent. Il existe une convention du transport urbain et une convention du transport interurbain : on pourrait penser qu’il serait préférable d’avoir une même convention, mais les organisations patronales et syndicales n’en veulent pas ! Il y aura donc une troisième convention collective adaptée aux métiers ferroviaires.
Je le répète, le Gouvernement ne négociera pas à la place des partenaires sociaux, mais s’engagera pour que cette négociation aboutisse d’ici au 31 décembre 2019.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 152 rectifié quinquies, présenté par Mmes Lienemann et Meunier, M. Tourenne, Mme Préville, MM. M. Bourquin, Duran et Todeschini, Mmes G. Jourda et Monier et M. Tissot, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités peuvent procéder à des recrutements de personnels soumis au statut mentionné à l’article L. 2101-2 du code des transports tant qu’une nouvelle convention collective de branche présentant des conditions équivalentes n’aura pas été conclue.
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à garantir qu’il n’y ait pas de perte de droits et qu’il ne soit pas mis fin au statut des cheminots pour les nouveaux personnels tant qu’une règle commune de branche n’a pas été négociée à droits équivalents. Par conséquent, la référence au 31 décembre 2019 est supprimée.
L’amendement n° 241 rectifié bis, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités peuvent procéder à des recrutements de personnels soumis au statut mentionné à l’article L. 2101-2 du code des transports tant que la nouvelle convention collective au sein de la branche ferroviaire n’a pas été conclue.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
La disposition prévue à cet amendement va dans le sens de ce qui a été discuté à l’instant.
Le Gouvernement a fixé la date du 31 décembre 2019 pour la fin du recrutement de personnel sous statut SNCF. Aussi bien les organisations syndicales que les organisations patronales considèrent qu’il sera difficile d’aboutir dans des délais aussi serrés à la conclusion des accords collectifs au regard des négociations actuelles. La date de 2019 n’étant donc pas réaliste, nous proposons un délai plus raisonnable, permettant de prolonger les négociations jusqu’au 31 décembre 2023.
Qui plus est, la période entre 2019 et 2023 constituant dans une certaine mesure une période expérimentale de l’ouverture à la concurrence en raison de sa progressivité et de ses spécificités géographiques, il n’est pas anormal que les négociations puissent se prolonger durant cette période pour assurer la réussite des accords collectifs qui permettront d’éviter le dumping social, en assurant les garanties sociales pour l’ensemble du personnel de la branche ferroviaire.
Nous souhaitons donc conditionner la date d’extinction du recrutement au statut à la signature de la convention collective. Un certain nombre de mes collègues l’ont souligné avant moi : pourquoi vouloir mettre fin au statut tant que la convention collective n’a pas été arrêtée entre partenaires sociaux, comme l’a d’ailleurs toujours fait le gouvernement précédent ?
Il s’agit donc d’un amendement réaliste et de bon sens.
J’ai bien compris qu’il s’agissait en fait d’amendements de repli qui avaient pour finalité de reculer l’échéance, de façon à laisser plus de temps à la négociation de la convention collective de la branche ferroviaire.
Le délai prévu est, certes, un peu court, mais réalisable, car nous ne partons pas de rien : la négociation de cette convention collective a démarré en 2014 et quatre accords ont d’ores et déjà été conclus et étendus par arrêté ministériel, en particulier des accords relatifs à l’organisation du travail et à la formation professionnelle. Les autres volets sur lesquels la négociation devra aboutir concernent notamment les classifications et rémunérations, les garanties collectives des salariés de la branche et le droit syndical.
Comme le disait très justement M. Jacquin, si les transferts ne concernent qu’une centaine de personnes, il faut bien démarrer. Ce démarrage devra se faire au 1er janvier 2020.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
Vous l’aurez compris, la date retenue, soit le 1er janvier 2020, a été fixée en cohérence avec celle de mise en œuvre de l’ensemble de la réforme, qu’il s’agisse de la mise en place de la nouvelle organisation, du début de l’ouverture à la concurrence ou de la reprise de la dette.
Je partage évidemment le souhait de voir la convention collective finalisée avant le 31 décembre 2019. C’est un objectif, certes, ambitieux, mais tout à fait crédible. Tel est le calendrier qui nous a été présenté par l’UTP et qui a été adressé aux organisations syndicales. Il est notamment prévu que le volet de la négociation portant sur les qualifications et les rémunérations soit finalisé d’ici au premier trimestre 2019.
Cette négociation, chacun le sait, est engagée depuis 2015. Visiblement, le fait d’avoir laissé filer les délais a rendu le calendrier flottant, ce qui n’a pas conduit à obtenir une mobilisation suffisante pour la faire déboucher. D’où le choix de procéder autrement, en fixant une date butoir pour nous donner les moyens de faire aboutir la convention collective avant le 31 décembre 2019. Le Gouvernement a ainsi annoncé la mise en place d’un observatoire du dialogue social, qui sera composé de Jean-Paul Bailly et d’une personnalité reconnue pour ses compétences en matière de négociations sociales. L’UTP a de son côté proposé, et le Gouvernement y est évidemment favorable, de donner des moyens d’expertise aux organisations syndicales pour les accompagner dans cette négociation.
À mon sens, il est de bonne méthode de fixer une échéance et de nous donner les moyens de la respecter. Si l’un de ces deux amendements, tels qu’ils sont rédigés, était adopté, les personnes désireuses d’entrer demain à la SNCF ne sauraient pas, en fonction du degré d’aboutissement de la convention collective, dans quelles conditions elles seraient recrutées. Cela ne me paraît pas la bonne pratique à envisager. Le Gouvernement réaffirme sa position, pour que cette convention collective soit finalisée au 31 décembre 2019 : donnons-nous les moyens pour la faire aboutir dans les délais.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
J’ai discuté avec un certain nombre d’interlocuteurs tout à fait crédibles, ayant l’habitude des négociations et représentant tant les syndicats de salariés que le patronat. Pour eux, les délais proposés, c’est du jamais vu ! Ce n’est pas pour cela que nous ne pourrons pas les atteindre ; soyons optimistes, tout peut évoluer. Ces représentants syndicaux ont en tout cas éveillé mon attention, en m’affirmant que de tels délais n’étaient vraiment pas tenables.
Quand j’ai entendu un représentant du syndicat des patrons du ferroviaire, l’UTP, me dire à peu près la même chose et me confier qu’il ne comprenait pas toute cette tension, j’ai essayé d’aller voir un petit peu plus loin. J’ai donc rencontré un concurrent de la SNCF, qui souhaite entrer sur le marché. Il m’a clairement signifié que la situation était tellement tendue qu’elle en devenait catastrophique pour le climat social et que la trajectoire n’allait pas être respectée. Il en était d’ailleurs extrêmement inquiet, d’autant que – et c’est à ce moment-là, monsieur le rapporteur, qu’il me l’a précisé – le dispositif n’allait concerner, dans les cinq années à venir, que quelques centaines de personnes.
Cela m’a paru tellement incompréhensible que j’ai voulu aller encore plus loin. Je me suis alors renseigné pour savoir combien d’agents de la SNCF, sur les 130 000 actuels, seraient susceptibles d’être concernés par un transfert dans les cinq années à venir. Ce chiffre est maintenant vérifié. Il y en a un qui a circulé, issu d’un calcul de l’ARF : seraient concernés, d’ici à dix ans, 3 000 à 5 000 agents, et, d’ici à cinq ans, seulement quelques centaines, dont quelques dizaines qui seraient en mesure de refuser un tel transfert. C’est là-dessus que la discussion bute, achoppe, ce qui crée ce climat d’incertitude extrêmement fort.
C’est pour cette raison que nous proposons ce premier amendement de repli, pour donner une chance à la négociation et, surtout, arrêter le conflit. Madame la ministre, reprenez-le à votre compte ou proposez-en un autre qui soit à peu près similaire, et je suis sûr que la grève cesse immédiatement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 242, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Remplacer l’année :
par l’année :
La parole est à M. Olivier Jacquin.
Nous allons au bout de notre idée, mes chers collègues, en présentant un ultime amendement de repli pour proposer une date limite de fin de négociation qui corresponde aux pratiques du secteur ferroviaire en la matière, puisque la fin du recrutement au statut ne devrait avoir lieu que lorsque la convention collective ferroviaire aura été signée. Par cet amendement, nous souhaitions repousser l’échéance de 2019 à 2023, mais je suis prêt, madame la ministre, monsieur le rapporteur, à assouplir notre position et à le rectifier en séance pour prévoir une date différente.
Si j’ai bien compris, monsieur Jacquin, voilà un amendement de repli sur le repli !
Au moins, cela a le mérite d’être clair puisque vous donnez une date. Cela veut dire qu’initialement vous pensiez que le repli sur la négociation de la convention collective irait au-delà de 2024, soit une échéance véritablement très lointaine.
Je vous trouve bien naïf de penser que l’adoption d’un amendement de la sorte pourrait mettre fin au conflit. Moi aussi, j’ai reçu tous les syndicats. Certains d’entre eux m’ont très clairement dit qu’ils n’étaient pas favorables à l’ouverture à la concurrence, à la fin du statut, à ce projet de loi et que, même quand ce dernier serait voté, ils continueraient la grève. C’est leur droit le plus strict de poursuivre la grève jusqu’à plus soif, mais cela ne gênera ni le Gouvernement ni les parlementaires. S’ils décident de combattre le texte même une fois qu’il aura été voté, cela se fera au détriment de leurs propres adhérents, auxquels ils feront perdre du pouvoir d’achat.
Voilà pourquoi je vous trouve bien naïf. D’autant que, au sein de la commission, nous avons fait de grandes avancées sociales. Vous-même l’avez d’ailleurs reconnu, tout comme certains syndicats, lesquels attendent du Sénat qu’il ne dénature pas le texte de la commission parce qu’ils veulent avoir des certitudes. Ils reconnaissent donc le grand pas que nous avons pu faire tous ensemble. Disant cela, j’associe tous les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et son président, ainsi que le président du Sénat, qui nous a soutenus.
Nous avons fait, je crois, du bon travail. Il y a des syndicats réformistes et d’autres qui ne veulent pas de la réforme parce qu’ils ne veulent jamais de rien. Mais ceux qui considèrent ce texte comme une avancée peuvent réfléchir, en fonction de ce que votera le Sénat, à arrêter la grève. Ce serait le plus grand service à rendre à la Nation, à la France, aux Français, notamment aux plus pénalisés, c’est-à-dire les pauvres gens, qui n’ont pas d’autres moyens ni solutions de déplacement, qui veulent pouvoir travailler tous les jours et bénéficier d’un service public au service du public.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Je crois avoir expliqué, monsieur Jacquin, que le choix de cette date du 1er janvier 2020 correspondait à un souci de cohérence globale avec les autres échéances de la réforme. Vous nous dites avoir rencontré des représentants de l’UTP. Moi-même, avec le Premier ministre, je les ai bien évidemment aussi reçus, dont le président de l’UTP. Ils nous ont qu’ils tiendraient ce calendrier, parce qu’ils allaient se donner les moyens pour ce faire. Très franchement, il ne me paraît pas sérieux, alors que la négociation est engagée depuis 2015, que la discussion a déjà eu lieu sur les classifications et les rémunérations, et que des propositions sont d’ores et déjà sur la table, de prévoir trois ou quatre années de plus pour finaliser l’ensemble.
Le Gouvernement s’engagera pour que cette négociation entre partenaires sociaux aboutisse. L’UTP donne des moyens aux organisations syndicales pour avancer. Le Gouvernement a mis en place un observatoire du dialogue social. La convention collective doit en tout état de cause être bouclée avant le 31 décembre 2019.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Entre « naïveté » et « manque de sérieux », que ne faut-il pas entendre !
Mme la ministre a indiqué que notre amendement n’était pas sérieux, ce qui revient au même. Et vous, vous avez parlé de naïveté. Voilà des termes quelque peu excessifs. Notre démarche, notre souhait, c’est de faire en sorte que le processus aboutisse. Moi-même je me place dans l’optique de l’adoption de la loi, puisque, apparemment, un accord a été conclu entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement. De là à dire que nos propositions ne sont pas sérieuses, voire irréalistes, il y a un pas à ne pas franchir.
Cela a été dit avant moi, nous souhaitons tout simplement que la fin du statut soit liée à la réussite de l’accord sur la convention collective.
Madame la ministre, il était bien sûr dans votre rôle de rencontrer les syndicats professionnels et les syndicats de salariés. C’est tout à fait normal. Il n’empêche que c’était aussi notre rôle de les rencontrer. Je le répète, nous souhaitons que le processus aboutisse, tout comme les syndicats réformistes, dont je me fais le porte-voix, avec Olivier Jacquin.
Ne nous faites donc pas croire que vous seule détenez la vérité. Nous avons bien compris le refus que vous nous opposez. Vous avez le droit, c’est ainsi que s’exerce la démocratie. Vous en restez à 2019, j’ai envie de vous dire : « Chiche ! » Nous verrons bien ce qu’il en sera le moment venu.
Vous venez d’indiquer que le Gouvernement mettait tout un œuvre pour que la négociation aboutisse. Mais ce sont les partenaires sociaux qui négocient, pas le Gouvernement, et vous l’avez bien précisé. Je ne suis donc pas du tout rassuré par vos propos. Nous verrons bien si, à la fin de 2019, un accord est effectivement conclu. Si tel est le cas, nous vous dirons : « Bravo ! » Sinon, nous ne manquerons pas de vous rappeler ce que nous avons dit, dans cet hémicycle, ce soir, aux alentours de vingt-deux heures quarante.
Je voudrais renchérir sur ce que vient de dire mon ami Claude Bérit-Débat. Madame la ministre, le Sénat a toujours eu la réputation de trouver le point d’équilibre entre ce qui est souhaitable et ce qui est possible. De notre avis, dans le cadre de la discussion actuelle, il faut savoir donner un certain nombre de signes. L’échéance du 31 décembre 2019 est considérée comme irréaliste ; elle est abrupte, elle s’apparente, pour employer des termes volontairement un peu forts, à la vente du statut « à la bougie ». À ce titre, il faut être en capacité de pouvoir laisser du temps au temps, de fixer un horizon réaliste, pour donner des perspectives à la négociation, lui permettre de se dérouler et d’aboutir dans de bonnes conditions, sans que domine ce sentiment d’avoir le pistolet du chronomètre sur la tempe.
La sagesse du Sénat, c’est justement d’envoyer des signes positifs. Notre propos n’est pas de dire que nous refusons les évolutions. Bien au contraire, nous sommes prêts à les accompagner, mais en respectant les uns et les autres.
Les négociations sur la convention collective sont en cours. Des accords importants ont déjà abouti. Il en reste trois à finaliser sur des sujets importants, notamment la retraite et la sécurité sociale. Il faut du temps, et c’est normal. Le statut de cheminot étant très ancien, s’y sont évidemment greffés de nombreux dispositifs très complexes. Ceux qui négocient sont des personnes responsables, engagées, et j’inclus les syndicats des entrepreneurs. Il n’y a pas de raison de ne pas faire confiance aux partenaires sociaux et de ne pas leur donner le temps nécessaire pour aboutir à un accord raisonnable et équilibré.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je mets aux voix l’article 1er B.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 114 :
Le Sénat a adopté.
Le titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 2161-1 est ainsi modifié :
a) Les mots : « des établissements publics constituant le groupe public ferroviaire mentionné à l’article L. 2101-1 » sont remplacés par les mots : « de la société nationale SNCF et des sociétés relevant du champ mentionné au I de l’article L. 2101-2 » ;
b) Les mots : « ou d’une attestation de sécurité délivrés » sont remplacés par le mot : « délivré » ;
c) Après les mots : « transport ferroviaire de marchandises ou de voyageurs, », le mot : « et » est supprimé ;
d) Après les mots : « la maintenance sous exploitation des lignes et installations fixes d’infrastructures ferroviaires », sont insérés les mots : « et aux entreprises dont l’activité principale est la maintenance, hors réparation, des matériels ferroviaires roulants ou l’exercice des tâches et des fonctions de sécurité ferroviaire » ;
2° L’article L. 2162-1 est ainsi modifié :
a) Les mots : « des établissements publics constituant le groupe public ferroviaire mentionné à l’article L. 2101-1 » sont remplacés par les mots : « de la société nationale SNCF et des sociétés relevant du champ mentionné au I de l’article L. 2101-2 » ;
b) Les mots : « ou d’une attestation de sécurité délivrés », sont remplacés par le mot : « délivré » ;
c) Après les mots : « transport ferroviaire de marchandises ou de voyageurs, », le mot : « et » est supprimé ;
d) Après les mots : « maintenance sous exploitation des lignes et installations fixes d’infrastructures ferroviaires », sont insérés les mots : « et aux entreprises dont l’activité principale est la maintenance, hors réparation, des matériels ferroviaires roulants ou l’exercice des tâches et des fonctions de sécurité ferroviaire ».
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 38 est présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 154 rectifié quinquies est présenté par Mmes Lienemann et Meunier, M. Tourenne, Mme Préville, MM. M. Bourquin, Duran et Todeschini, Mmes G. Jourda et Monier et M. Tissot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 38.
J’entends tout ce qui se dit depuis un certain temps, notamment que l’on ne va pas toucher au statut des cheminots, du moins pour les anciens, et que la convention collective est en cours de négociation. J’avoue être un peu perdue et ne pas comprendre du tout le sens de cet article 1er C, introduit en commission au Sénat.
Cet article vise à modifier le champ d’application du décret relatif à la durée du temps de travail dans la branche ferroviaire, alors que, j’y insiste, la convention collective de ladite branche est en cours de négociation, pour tenir compte de la transformation du groupe public ferroviaire prévue à l’article 1er A. Par ailleurs, il étend l’application du décret-socle et de la convention collective aux entreprises dont l’activité principale est la maintenance des matériels roulants, hors réparation, ou l’exercice de fonctions de sécurité ferroviaire.
Quoi qu’il en soit, nous refusons absolument le changement de statut de l’entreprise publique, considérant que ce statut d’EPIC est lié à la nature même de son activité, un service public répondant à l’intérêt général. Plus particulièrement, il s’agit du service public de mobilité, qui est aussi un droit pour nos concitoyens.
Nous proposons donc, en cohérence avec l’ensemble de nos amendements, la suppression de cet article, pour pouvoir attendre l’issue des négociations avec les syndicats.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 154 rectifié quinquies.
À l’instar de nos collègues du groupe CRCE, nous proposons la suppression de l’article 1er C, puisque nous refusons le passage d’EPIC en SA. Je ne reprendrai pas tous les argumentaires qui ont déjà été donnés. Je vous inviterai simplement à lire Les Échos d’aujourd’hui : vous y trouverez une analyse selon laquelle le degré de risque sur les emprunts de la SNCF va augmenter du fait de la baisse de la notation de la société devenue SA par rapport à celle qu’elle aurait obtenue si elle était restée un EPIC, ce qui aura des implications pour ceux qui détiennent des obligations de la SNCF.
Madame la ministre, vous nous avez donné, comme seul argument, le regroupement des trois structures en une. Vouloir déstabiliser l’ensemble du dispositif n’a aucun sens, sauf à imaginer – on nous rétorque que c’est un procès d’intention, mais l’histoire jugera – que l’objectif est la privatisation. L’article 1er C n’apporte strictement rien. Il doit donc être supprimé.
Les auteurs de ces amendements font, me semble-t-il, une confusion, car ce qu’ils écrivent dans l’objet n’a rien à voir avec la suppression de l’article 1er C. Avis défavorable.
J’ai bien compris, madame Lienemann, que vous vous opposiez au changement d’organisation.
Cela passe par un changement de statut, puisque la réforme précédente a bien démontré l’impossibilité d’avoir une unité au travers de trois EPIC.
Je voudrais attirer votre attention sur l’importance de l’article que vous voulez supprimer, puisqu’il s’agit d’adapter le champ du décret-socle à la nouvelle organisation. L’adoption de ces amendements identiques, outre qu’elle ne permettrait pas de revenir sur cette nouvelle organisation qui ne vous convient pas, priverait les salariés du groupe public unifié de l’application de la convention collective. J’imagine que tel n’est pas l’objectif que vous recherchez.
Je propose le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis évidemment défavorable.
Maintenez-vous l’amendement n° 154 rectifié quinquies, madame Lienemann ?
Je mets aux voix les amendements identiques n° 38 et 154 rectifié quinquies.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 155 rectifié quinquies, présenté par Mmes Lienemann et Meunier, M. Tourenne, Mme Préville, MM. M. Bourquin, Duran et Todeschini, Mmes G. Jourda et Monier et M. Tissot, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
L’amendement n° 258, présenté par M. Cornu, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Remplacer les deux occurrences du mot :
des
par le mot :
aux
2° Remplacer la première occurrence du mot :
de
par le mot :
La parole est à M. le rapporteur.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 155 rectifié quinquies ?
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 155 rectifié quinquies et 258 ?
Avis défavorable sur le premieret favorable sur le second.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 1 er C est adopté.
L’amendement n° 65, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er C
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La France, par l’intermédiaire de la ministre chargée des transports, demande aux instances européennes la réalisation d’un bilan contradictoire sur l’impact en termes d’emplois, d’aménagement du territoire et de la qualité du service rendu de la libéralisation du transport ferroviaire.
La ministre demande également la réalisation d’un bilan carbone des politiques de libéralisation du transport ferroviaire.
La parole est à M. Fabien Gay.
Toutefois, il nous semble nécessaire, avant même d’aller plus en avant, d’avoir un point général sur les conséquences d’une ouverture à la concurrence du transport de voyageurs.
Cela se justifie, d’une part, du fait des passifs des différentes privatisations et ouvertures à la concurrence dans le secteur de l’énergie, des communications ou même du fret ferroviaire. Comment oublier, par exemple, la récurrence des suicides sur le lieu de travail constatée dans les années suivant le recul de l’État à France Télécom ? Ces drames humains doivent nous rappeler que, lorsque l’État se retire d’un secteur économique, c’est tout un modèle qui change et des vies qui, parfois, tanguent.
Cela est nécessaire, d’autre part, car les expériences étrangères démontrent une détérioration du service et des conditions de travail.
La doxa libérale liant la concurrence à une meilleure sécurité et des prix plus intéressants, si elle se fonde sur des principes économiques hérités d’Adam Smith, oublie un détail important. Le secteur privé vise le profit et uniquement le profit. Cela implique donc la recherche absolue de la rentabilité, comme l’ont montré les exemples britannique et allemand : hausse des tarifs, investissements moindres sur des lignes jugées peu rentables, problèmes de sécurité, dysfonctionnements répétés. On ne peut nier qu’aujourd’hui 60 % des Britanniques souhaitent une renationalisation du réseau.
L’image d’une SNCF toujours en retard, dépassée, honnie et pratiquant des tarifs prohibitifs est à interroger. Oui, au fil des années, le désengagement de l’État et les choix stratégiques faits par ses cadres, dont un certain nombre sont d’ailleurs au Gouvernement aujourd’hui, ont détérioré le service. Malgré toutes ces difficultés, la SNCF reste un bel outil, comme l’a montré dans un rapport le Boston Consulting Group, qu’on ne saurait qualifier de gauchiste. En classant le réseau français troisième réseau le plus performant d’Europe derrière ceux de la Suisse et de la Suède, il a rappelé que la qualité et la sécurité de ce réseau étaient dues à l’investissement public et général, et au monopole d’État. Une qualité de service, certes, chancelante, mais supérieure à celle de ses voisins, des exemples peu rassurants de l’étranger, l’enjeu de l’ouverture à la concurrence est central dans nos débats.
Dans ce cadre, nos positions doivent s’appuyer sur des études complètes, que seuls nos partenaires européens peuvent nous fournir. Pour cette raison, nous demandons la réalisation d’un bilan contradictoire de ces politiques de libéralisation.
Mes chers collègues, sur le plan juridique, cet amendement comporte une injonction au Gouvernement, ce qui n’est pas conforme au principe de séparation des pouvoirs. Je tenais tout de même à vous l’indiquer.
Sur le fond, plusieurs bilans ont déjà été effectués sur l’ouverture à la concurrence. Ils ont relevé ses effets positifs sur la qualité du service rendu ou la réduction des coûts, au profit des usagers. Je vous renvoie notamment à la très intéressante contribution de l’ARAFER, en date de mars 2018 et publiée sous la forme de quatre cahiers distincts, dont l’un traite plus spécifiquement des enseignements européens de l’ouverture à la concurrence.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Évidemment, les travaux sur le quatrième paquet ferroviaire, comme c’est toujours le cas au Parlement européen ou au Conseil, ont été précédés d’une étude d’impact à l’échelle européenne. Je pourrai vous faire parvenir cette étude si vous ne l’avez pas trouvée sur le site de la Commission européenne.
Par ailleurs, comme l’a rappelé M. le rapporteur, plusieurs organismes français se sont penchés sur ces enjeux : l’ARAFER, mais également le Sénat en 2013 ou le Centre d’analyse stratégique en 2011. Tous ces éléments étaient connus lorsque la décision d’ouvrir à la concurrence le transport de voyageurs a été prise au niveau européen pendant le précédent quinquennat.
Aujourd’hui, l’heure n’est plus aux rapports, l’ouverture à la concurrence a été décidée, et c’est aussi un choix de la France.
Je pense qu’il faut regarder la réalité en face et préparer l’entreprise et les salariés afin que cette ouverture à la concurrence soit une réussite pour les voyageurs, les territoires, la SNCF et les cheminots.
Je voterai cet amendement, même si nous ne sommes pas unanimes au sein de mon groupe sur la question de l’ouverture à la concurrence.
J’étais députée européenne lors des discussions sur le premier paquet de libéralisation ferroviaire, et j’ai suivi tous les débats. À chaque nouveau paquet ferroviaire, le groupe socialiste, puissant au Parlement européen, a toujours exigé que la dérégulation s’accompagne d’une directive-cadre sur les services publics comprenant diverses obligations, notamment une péréquation tarifaire et des garanties pour les petites lignes. Nous ne l’avons jamais obtenue, ce qui n’a pas empêché pour autant mes collègues sociaux-démocrates de voter les réformes ferroviaires.
En outre, il existe une différence entre un rapport de bilan et une étude d’impact, madame la ministre. Quand le Parlement européen procède au bilan de la mise en œuvre d’une directive, un rapport contradictoire est effectué et un débat public s’engage sur la pertinence des paramètres retenus. En effet, selon les critères d’analyse choisis, on peut assez facilement démontrer que quelque chose marche, ou l’inverse.
Les organisations syndicales européennes et internationales que nous avons rencontrées signalent toutes les mêmes problèmes, avec plus ou moins d’ampleur. L’ouverture à la concurrence n’a permis d’améliorer la situation que dans les pays où le service public était pitoyable auparavant. Évidemment, quand le système ne marche pas du tout, notamment en raison du poids des traditions bureaucratiques, cela ne peut guère être pire. Mais ce n’est pas le cas du service public dans un certain nombre de pays, notamment en France.
En Grande-Bretagne, madame la ministre, la libéralisation est tellement réussie que le « nouveau monde » consiste à vouloir renationaliser les transports. Il y a des raisons objectives à cela. En réalité, la concurrence ne peut exister sur le rail, car il est impossible de faire passer deux trains en même temps sur la même ligne. Le client n’aura donc jamais le choix entre un train A ou un train B ; il s’agit en réalité d’une délégation consentie au secteur privé.
Les tarifs ont augmenté partout : les Anglais dépensent 14 % de leurs revenus pour se déplacer, contre 3 % en moyenne pour les Français !
Nous ne voulons pas une étude d’impact, madame la ministre, mais un bilan contradictoire sur l’ouverture à la concurrence et la privatisation d’un certain nombre de secteurs publics – je veux bien, malgré tout, que vous me communiquiez les documents que vous avez évoqués.
On a évoqué, hier soir, le fret ferroviaire. Ce serait bien de faire le bilan de son ouverture à la concurrence avant de s’attaquer à la libéralisation du trafic de voyageurs.
En 2003, 18 % des marchandises étaient transportées par le chemin de fer en France, contre seulement 10 % aujourd’hui. Entre-temps, on a ouvert à la concurrence et 22 entreprises privées se sont engouffrées dans le marché.
C’est quand même un échec, avec comme conséquence plus de camions sur les routes !
Puisque vous voulez parler d’étude d’impact, madame la ministre, il faut savoir que dans les vingt prochaines années, le transport des marchandises sera multiplié par trois. Si la part du fret ferroviaire reste constante, il y aura trois fois plus de camions sur les routes. Voilà le vrai débat !
Au-delà, je souhaiterais qu’on ouvre un débat public sur toutes les ouvertures à la concurrence. Quand la directrice de l’Autorité de la concurrence a été auditionnée par la commission des affaires économiques, je lui ai demandé dans quels secteurs cette ouverture avait été véritablement profitable pour les consommateurs – ou les usagers – et les salariés. Elle m’a dit qu’elle n’avait pas vraiment le temps de me répondre, mais a reconnu que, à l’exception des télécommunications, les effets étaient très contradictoires ; en tout cas, la question méritait, selon elle, de faire l’objet d’un débat. Dans les secteurs déjà ouverts à la concurrence, on constate, partout, l’augmentation des tarifs, la dégradation du service pour les usagers et des conditions de travail pour les salariés. Voilà pourquoi nous demandons un débat, tout simplement.
Je me suis amusé, très récemment, à me déplacer dans quelques pays voisins en vue de ce débat, notamment en Italie, où l’ouverture récente à la concurrence des lignes à grande vitesse apparaît réussie. Toutefois, en creusant un peu, on s’aperçoit que l’offre de départ était de très mauvaise qualité : choix d’horaires réduit, tarifs très élevés, trains de mauvaise qualité. Rien à voir avec la situation française. Dans ce contexte, les effets de la mise en concurrence sont assez spectaculaires. J’ai pris une ligne privée dans un sens, une ligne publique dans l’autre : la stimulation des agents est visible. Ces effets bénéfiques ont toutefois tendance à se stabiliser avec le temps.
Le système français a bien évidemment des défauts, notamment pour les transports du quotidien, mais l’offre en matière de LGV est plutôt satisfaisante, avec des tarifs parmi les moins élevés d’Europe. Le fameux mammouth SNCF a tout de même réussi à développer Ouigo dans des délais remarquables. On aime ou pas, mais le groupe public a, de cette manière, anticipé l’ouverture à la concurrence. Le marché est quasi saturé ; ceux qui s’attendent à un grand soir du ferroviaire et à des résultats rapides pour les usagers seront sans doute assez étonnés.
Pour le groupe socialiste et républicain, ce qui importe surtout, c’est de préserver ce patrimoine public par une maîtrise publique forte. Les systèmes de transport urbain ont presque tous évolué de la même manière : les autorités organisatrices publiques sont devenues de plus en plus compétentes et elles délèguent avec des résultats satisfaisants.
Mais regardons aussi un peu du côté de notre voisin suisse, mes chers amis : c’est un modèle complètement différent, avec un État stratège qui investit à long terme et donne de la visibilité. Avec celui du Japon, c’est le système qui devrait nous servir d’exemple.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour assurer la transformation du groupe public ferroviaire mentionné à l’article L. 2101-1 du code des transports, ainsi que des filiales des entités constituant celui-ci, en un groupe public unifié tel qu’issu de l’article L. 2101-1 du même code modifié par la loi n° … du … pour un nouveau pacte ferroviaire à compter du 1er janvier 2020, dans le contexte de l’achèvement de l’ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire et à ce titre :
1° Fixer les conditions de création du groupe public constitué par la société nationale SNCF et ses filiales, en prévoyant notamment :
a) L’attribution aux sociétés SNCF Mobilités, SNCF Réseau et, le cas échéant, à leurs filiales, chacune selon son objet, ou le retour à l’État, de tout ou partie des biens, droits et obligations des établissements publics nationaux à caractère industriel et commercial constituant le groupe public ferroviaire au sens de l’article L. 2101-1 du code des transports dans sa rédaction antérieure à la présente loi ;
a bis)
b) Les conditions dans lesquelles certaines missions de la société nationale SNCF sont assurées au sein du groupe public ;
c) Les conditions dans lesquelles les contrats de travail se poursuivent pour assurer la mise en œuvre du groupe public et les effets en résultant sur le droit social applicable ;
d) La réunification de la gestion des gares de voyageurs ;
e) Les modalités transitoires de gestion des sociétés composant le groupe public constitué par la société nationale SNCF et ses filiales jusqu’à l’installation des différents organes prévus par leurs statuts ;
f)
1° bis Fixer les conditions de fonctionnement du groupe public constitué par la société nationale SNCF et ses filiales, en prévoyant notamment :
a) Les modalités de sa gouvernance, en veillant à garantir la représentation adaptée des acteurs du système ferroviaire et notamment une représentation des collectivités territoriales concernées, des usagers ainsi que des salariés, dans le respect de l’article 7 de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique ;
b) Les garanties propres à assurer l’indépendance de SNCF Réseau, dans le respect des exigences de la directive 2012/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen, en veillant à l’introduction d’un avis conforme de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières sur la nomination, le renouvellement et la révocation de son dirigeant afin de garantir son indépendance à l’égard des entreprises exerçant, directement ou par l’intermédiaire d’une filiale, une activité d’entreprise ferroviaire ;
b bis)
c)
Supprimé
d) Les modalités de contractualisation entre l’État et la société nationale SNCF ou ses filiales, en veillant à prendre en compte, en particulier, les objectifs assignés à la gestion de l’infrastructure ;
1° ter
2° Fixer les conditions de recrutement, d’emploi et de représentation du personnel ainsi que de la négociation collective au sein des sociétés composant le groupe public.
À cette étape du débat, on nous demande d’autoriser le Gouvernement à mettre en œuvre par ordonnances la réforme dont nous débattons depuis hier.
Sur la méthode, tout d’abord, on ne peut oublier que le Gouvernement avait choisi initialement la seule voie des ordonnances.
Quelle a été l’attitude de la commission ? J’ai fait les comptes, monsieur le rapporteur : elle a renforcé le champ des habilitations, en ajoutant pas moins de six items !
Cela pose un problème quant au rôle du Parlement et à la qualité des réponses qui nous sont apportées. On conservera toutefois en mémoire tous les arguments échangés, toutes les questions posées, toutes les réponses apportées – ou l’absence de réponse…
À ce stade du débat, comment peut-on habiliter le Gouvernement, alors qu’il est incapable de nous expliquer quelle a été la consultation des élus des territoires ? Le réseau SNCF constitue pourtant un bel exemple de maillage territorial. A-t-on organisé ensuite un grand débat public avec les usagers ? De quelle nature ?
Réformer, changer, oui, mais à condition d’engager un processus démocratique d’appropriation, qui aurait aussi permis de faire la distinction entre avantages réels et avantages supposés, monsieur le rapporteur.
Au regard du nombre d’interventions, merci de bien vouloir respecter vos temps de parole, mes chers collègues.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Cet article est important, parce qu’il fait basculer dans le domaine des ordonnances des décisions stratégiques pour l’avenir de l’entreprise. S’agissant de l’avenir de la SNCF et, plus largement, du rail dans ce pays, le Parlement ne peut pas faire une confiance aveugle au Gouvernement, sans cadre suffisamment précis sur la gouvernance ou les missions qui seront transférées, des sujets qui ne relèvent pas du pouvoir réglementaire.
Nous débattrons prochainement d’un projet de loi sur les mobilités. Or les missions de la SNCF ne peuvent pas être dissociées de la façon dont on conçoit l’avenir des mobilités. On va vers une hyperindustrialisation des services de mobilité et une intégration entre les grands services de transports collectifs comme la SNCF, la voiture individuelle et les petits systèmes de véhicules électriques autonomes. Comment tout cela va-t-il s’organiser ? Quelles seront les missions de la SNCF dans ce contexte ? Le Parlement souhaite-t-il vraiment renvoyer la décision à l’État sur des sujets aussi essentiels ?
Nous devrions commencer par faire un choix stratégique sur le fonctionnement et le financement du rail dans notre pays. C’est bien beau de promettre la reprise de la dette, mais celle-ci s’est formée à cause d’un taux insuffisant de subventionnement des investissements, sans parler des frais financiers. Si l’on ne met pas en place un système de financement garantissant un haut niveau d’investissements publics, la dette va se reconstituer. À cet égard, les annonces de l’exécutif sont bien loin des besoins.
Ce chèque en blanc donné à l’État pour l’avenir me paraît très aléatoire. Je reparlerai du statut ultérieurement, à l’occasion de la présentation de certains amendements.
Je profiterai de cette intervention pour poser à Mme la ministre une question assez technique, type de question qu’elle affectionne particulièrement.
Étant allé voir sur place, je ne ferai pas la description catastrophique qui est généralement faite des trains au Royaume-Uni. Ce pays a choisi un système radicalement différent : la concurrence pour le marché, et non sur le marché, avec un principe de lots territorialisés remis en concurrence tous les sept ans.
J’ai bien compris qu’il y avait au Royaume-Uni une culture de l’argent public et du contrôle des dépenses publiques très différente de la nôtre. On délègue beaucoup, mais on contrôle aussi beaucoup, en se donnant les moyens de suivre les politiques.
Notre pays souffre d’un manque de culture de l’évaluation et du contrôle – la façon dont a été déléguée la gestion des autoroutes pose vraiment question…
Madame la ministre, on vient de décider de mettre fin au monopole très ancien de la SNCF sur le transport ferroviaire de voyageurs. Toute notre ingénierie publique était logiquement confiée à ce monopole, et le ministère des transports n’est à ce jour pas dimensionné pour exercer toutes ses nouvelles fonctions d’autorité organisatrice. L’État jouait déjà ce rôle pour une petite partie du secteur ferroviaire, mais il devra le jouer désormais très différemment, d’une tout autre manière.
Il ne faut pas confondre au demeurant ce rôle avec celui de l’ARAFER, autorité qui semble très appréciée sur ces travées – nous avons assisté à une belle démonstration de ses capacités, ainsi que des qualités de son président et de son équipe –, mais dont le rôle est de jouer les arbitres de l’ouverture à la concurrence.
Madame la ministre, de quels moyens humains comptez-vous doter votre ministère pour exercer les fonctions nouvelles qui seront les vôtres avec la fin du monopole d’État ? Il ne s’agirait pas de donner les clés à la concurrence sans conserver des moyens efficaces de contrôle.
Cet article 1er autorise le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance toute une série de mesures, selon un processus d’hybridation qui conduit le Parlement à se déposséder d’un certain nombre de ses prérogatives. Cela nous dérange.
Comme je l’ai déjà indiqué hier, la confiance a été quelque peu mise à mal au cours de ces dernières semaines. Le rapport Spinetta est apparu comme une véritable provocation et la méthode employée pose question.
Nous devons donc être nécessairement vigilants sur le périmètre des ordonnances, d’autant que nous avançons à l’aveugle, sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État.
Je m’interroge en particulier sur l’attribution aux sociétés commerciales de tout ou partie des biens. Le Gouvernement a introduit une possibilité de retour de ces biens à l’État. On pourrait a priori s’en réjouir, se fondant, à l’image du numérique, sur la notion de réseaux d’initiative publique.
Le réseau ferroviaire ferait ainsi partie d’un patrimoine national inaliénable dont l’exploitation serait confiée à différents opérateurs, publics ou privés.
Il subsiste toutefois, me semble-t-il, une zone d’ombre : SNCF Réseau pourrait-elle un jour être dépossédée de tout ou partie de son réseau, confié en gestion à d’autres investisseurs ou partenaires, au terme d’une deuxième ouverture à la concurrence ?
Quelles sont les raisons qui ont conduit le Gouvernement à introduire cette possibilité de retour de tout ou partie des biens à l’État ? Comment s’assurer que SNCF Réseau sera l’affectataire universel de son réseau ?
Certes, il est possible que ce transfert d’actifs vers l’État soit la contrepartie de la reprise de la dette à hauteur de 35 milliards d’euros, mais, dès lors, comment sécuriser juridiquement la relation entre un État propriétaire et une société anonyme exploitante ?
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 49 est présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 243 est présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l’amendement n° 49.
Cet amendement vise à supprimer cet article, qui donne au Gouvernement toute latitude pour modifier les missions, l’organisation, la forme juridique et la gouvernance de la SNCF.
Nous discutons de toute une série de questions très importantes, mais, au final, on nous demande d’emblée, dans l’article 1er du texte, de donner les clés de la rédaction finale au seul Gouvernement. Et la commission en a même rajouté !
Nous avons à présent deux pleines pages de la loi, 17 alinéas au total, qui décident de régler par ordonnance des sujets essentiels dont nous débattons.
Évidemment, nous ne pouvons accepter la méthode, en particulier l’absence totale de garanties et de transparence qui en découle.
Nous regrettons aussi l’attitude de la commission. Le 26 février dernier, Hervé Maurey lui-même avait dénoncé avec beaucoup de virulence le choix du Gouvernement de recourir aux ordonnances, estimant qu’il témoignait « de toute évidence d’un mépris du Parlement qui laissera des traces ». Il affirmait aussi que le Sénat ne ratifierait pas ces ordonnances si elles n’étaient pas « respectueuses des usagers et des territoires ».
Or la commission a encore étendu dans son texte la liste des sujets soumis à habilitation, alors qu’elle aurait dû être la première à résister à la méthode du Gouvernement pour faire respecter les droits du Parlement.
La parole est à M. Olivier Jacquin, pour présenter l’amendement n° 243.
Le Gouvernement s’était engagé à ne pas recourir aux ordonnances pour mener sa réforme ferroviaire. Il a finalement opté pour une méthode inédite consistant à réintégrer certaines dispositions initialement prévues dans le champ de l’ordonnance.
Le projet de loi, dont le volume a quasiment quadruplé, est devenu un texte hybride, hétérodoxe, entre articles portant habilitation à légiférer par ordonnance et articles classiques, ce qui n’améliore pas la clarté du texte. Le champ des ordonnances continue d’augmenter au fur et à mesure que de nouveaux articles viennent gonfler le projet de loi.
Opposés aux ordonnances, nous considérons que le Parlement doit pouvoir jouer pleinement son rôle sur une réforme ferroviaire aussi importante que celle de la transformation de l’organisation du groupe et du régime juridique des personnels.
C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article.
Le débat parlementaire, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, a fait considérablement progresser ce texte. Allez au bout de la logique, madame la ministre, renoncez aux ordonnances et poursuivons dans le dialogue démocratique et la concertation !
Ce débat est intéressant. Je ne connais aucun parlementaire, ni au Sénat ni à l’Assemblée nationale, qui se dise satisfait de la volonté du Gouvernement de légiférer par ordonnance.
Mais, vu la première version du texte déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, avouez qu’on partait de loin !
En tant que rapporteur, j’ai fait en sorte de limiter au maximum les ordonnances et d’insérer dans le « dur » de la loi l’ensemble des progrès que le Sénat pouvait apporter, en matière sociale et d’aménagement du territoire. Je me suis attaché à ce que la loi soit très efficace dans ce domaine, de façon à ce que les syndicats et tous ceux qui s’intéressent au sujet sachent que ces dispositions portent la marque du Sénat.
Toutefois, parce que je suis pragmatique, et non dogmatique, j’ai effectivement accepté l’habilitation à légiférer par ordonnances sur certains sujets, le plus souvent techniques, difficiles à inclure dans la loi.
Le texte issu de l’Assemblée nationale renvoyait largement aux ordonnances. J’en ai limité le nombre au maximum, tous les sujets importants figurant dans le corps de la loi.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
On peut raconter l’histoire à l’envers et laisser penser qu’on a ajouté des ordonnances au fur et à mesure du débat parlementaire.
En réalité, c’est tout le contraire. Dès le départ, le Gouvernement avait indiqué que le texte contiendrait une habilitation à légiférer par ordonnance. Tel était le sens du projet de loi que j’ai présenté en conseil des ministres le 14 mars dernier.
Nous avions aussi indiqué que, au fur et à mesure de la concertation, nous souhaitions remplacer les habilitations à prendre des ordonnances par des articles de loi.
C’est ce qui s’est produit tout au long du processus parlementaire, d’abord à l’Assemblée nationale, puis en commission au Sénat.
Ainsi que M. le rapporteur vient de le souligner, les dispositions importantes de la loi sont à présent développées sous forme d’articles.
Les ordonnances ne concernent plus que des dispositions techniques ou d’application des mesures législatives. Ces habilitations sont nécessaires pour assurer le bouclage de la réforme, mais, je le redis, l’essentiel figure maintenant dans le dur du texte.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 49 et 243.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 115 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 79, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Après les mots :
groupe public ferroviaire
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
dans l’objectif de réunifier le système ferroviaire en garantissant l’unicité économique, sociale et technique du groupe :
II. – Alinéas 2 à 16
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Lors des débats sur la loi ferroviaire du 4 août 2014, pour ne reprendre que la législation la plus récente, la nécessité d’un groupe ferroviaire unifié a enfin été reconnue. Après dix-sept années d’éclatement de notre système ferroviaire, un constat s’est imposé : le démembrement du service public a entraîné une dégradation sans précédent du réseau, des fermetures de ligne et une baisse certaine de la qualité de service. Le cloisonnement des métiers et des personnels ainsi que le recours massif à la sous-traitance d’activités essentielles ont mis à mal la complémentarité des métiers et des savoirs, ce qui a abouti à des inquiétudes, des souffrances et des dysfonctionnements.
Pour notre part, dans une démarche constante et cohérente, nous n’avons jamais cessé de pointer les lacunes de la réforme de 1997 : poids des intérêts divergents de RFF et de la SNCF, perte d’énergie dans la gestion des relations entre deux entreprises publiques, qui devaient logiquement travailler ensemble, et remise en cause de la légitimité des cheminots. La séparation en trois EPIC, qui annonçait l’éclatement de la SNCF et sa privatisation, loin de l’objectif d’amélioration du système ferroviaire, a seulement multiplié les structures de coordination, d’arbitrage ou de consultation.
Comme cela a été largement souligné, la gestion par activité n’est pas pertinente dans un système ferroviaire mixte, où les trains de toute nature empruntent les mêmes voies, où les locomotives et les conducteurs peuvent tracter tout type de matériel roulant et au sein duquel l’exploitation ferroviaire est assurée par les agents de la même filière, quels que soient les trains.
En bref, il ne s’agissait à l’époque que de préparer la vente à la découpe du rail français. En effet, la privatisation des services publics en réseau a été systématiquement accompagnée du démantèlement de l’opérateur historique en plusieurs entités.
Nous pensons que l’intégration étroite et réelle est la seule voie raisonnable et pragmatique, ni idéologique ni régressive, pour assurer l’efficacité indispensable de ce grand service public qu’est le chemin de fer français. C’est pourquoi une nouvelle réforme de l’entreprise historique ne doit avoir pour seul objectif que de mettre fin à une organisation qui a déjà démontré son inefficacité. Le service public que nous défendons englobe non seulement l’offre de services, la gestion et le déploiement des réseaux, mais aussi la gestion des gares et du patrimoine ferroviaire.
L’amendement n° 80, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Après les mots :
groupe ferroviaire
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
et garantir son développement, afin de favoriser un développement harmonieux des territoires et la réalisation des engagements de la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique :
II. – Alinéas 2 à 16
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Fabien Gay.
Le 28 février dernier, le CESE a rendu un avis alarmant sur l’application de la loi relative à la transition énergétique votée en 2015. Les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030 et de 75 % à l’horizon de 2050 seront inatteignables en l’absence d’investissements majeurs, notamment dans les alternatives aux transports routiers individuels.
Le présent projet de loi s’inscrit dans un mouvement inverse, alors que nous savons que notre réseau ferroviaire est un atout majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique – nous l’avons dit tout à l’heure – et, plus localement, pour la qualité de l’air dans nos métropoles. C’est également ce qu’expliquent, dans une tribune au Monde, Pascal da Costa et Elwyn Sirieys, respectivement enseignant-chercheur et élève ingénieur à CentraleSupélec – peut-être leur accorderez-vous un crédit légèrement supérieur à celui que vous accordez aux syndicats ou aux parlementaires que nous sommes…
De toutes les critiques adressées au projet de réforme, le respect de l’environnement est celle dont on parle sans doute le moins. Or, comme l’étayent ces deux scientifiques, alors que le réseau ferroviaire représente aujourd’hui près de 10 % du volume de transport sur le territoire métropolitain, il n’est à l’origine que de 0, 52 % du CO2 imputable aux transports et de 6 % des émissions de particules fines de type PM10.
Le refus du Gouvernement de reprendre à son compte des objectifs du Grenelle de l’environnement, qui proposait de faire passer la part modale du non-routier et du non-aérien de 14 % à 25 % d’ici à 2022, et la volonté affichée de restreindre le domaine de pertinence du ferroviaire à partir de considérations financières et comptables emportent des conséquences dangereuses sur le plan de la santé publique et de la préservation de l’environnement. C’est pourquoi nous proposons, avec cet amendement, de favoriser une politique ambitieuse et cohérente de développement du système ferroviaire, qui est un levier majeur de progrès pour notre pays, que ce soit en termes économique, industriel, social et – définitivement ! – environnemental.
L’amendement n° 4 rectifié sexies, présenté par MM. Malhuret, Fouché et Laménie, Mme Goy-Chavent, MM. Piednoir, Babary, Kern, Longeot et Moga, Mmes C. Fournier et Bruguière, MM. L. Hervé et Gremillet, Mmes Bories et Garriaud-Maylam, MM. Dennemont, Mizzon, Delcros, Savin et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après les mots :
transport ferroviaire
insérer les mots :
et dans le respect des engagements de la France dans la lutte contre le réchauffement climatique
La parole est à M. Alain Fouché.
À l’article 1er A du projet de loi, l’adoption d’un amendement de notre groupe a permis d’inscrire la lutte contre le réchauffement climatique dans les objectifs de la SNCF.
Le présent amendement est complémentaire : il vise à préciser le contexte de l’habilitation donnée au Gouvernement pour prendre des ordonnances, en inscrivant la lutte contre le réchauffement climatique comme cadre des décisions à prendre concernant l’avenir du rail français.
En France, le secteur des transports est le principal émetteur de CO2 avec 39 % des émissions totales de gaz à effet de serre, en augmentation de 10 % depuis 1990. Face à l’urgence écologique, le développement de modes de transport décarbonatés et verts est essentiel. Le train est dix fois moins émetteur de CO2 que la voiture, cinquante fois moins que l’avion. Il convient donc, dans le cadre des ordonnances qui seront prises, que la redéfinition du rail français aille de pair avec une politique de verdissement des transports.
L’amendement n° 81, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 16
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
Cet amendement concerne la méthode utilisée, celle des ordonnances, en particulier au sujet de l’ouverture à la concurrence et de la transformation de la SNCF en société anonyme.
Je profite de cette occasion, madame la ministre, pour évoquer l’Europe : l’ouverture à la concurrence n’est pas une obligation européenne, c’est un choix politique !
Depuis sa modification du 14 décembre 2016, le règlement relatif à l’ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer prévoit bien, en ce qui concerne les obligations de service public dans l’Union européenne – ce qu’on appelle les OSP –, que la concurrence doit être la règle, mais avec quelques exceptions notables… Ainsi, le paragraphe 4 bis de l’article 5 de ce règlement prévoit dorénavant que « l’autorité compétente peut décider d’attribuer directement des contrats de service public relatifs à des services publics de transport de voyageurs par chemin de fer lorsqu’elle considère que l’attribution directe est justifiée par les caractéristiques structurelles et géographiques pertinentes du marché et du réseau concernés, […], et lorsqu’un tel contrat aurait pour effet d’améliorer la qualité des services ou le rapport coût-efficacité, ou les deux ».
Vous voyez donc bien que la mise en concurrence, qui vous conduit à utiliser la méthode des ordonnances et à créer des sociétés anonymes, n’est pas imposée par un texte européen ; c’est un choix ! Certes, ce choix est partagé par des majorités politiques dans d’autres pays, mais cela reste une volonté du Gouvernement.
Vous faites le choix de la « concurrence libre et non faussée », alors qu’il existait d’autres possibilités et que nous n’étions pas dans l’obligation d’ouvrir à la concurrence. D’ailleurs, j’espère que l’Angleterre va décider de renationaliser le secteur ferroviaire !
L’amendement n° 174, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, le cas échéant, par la voie de la transformation en sociétés de ces établissements
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement vise à apporter une précision dans la rédaction de l’habilitation pour assurer la continuité juridique des personnes morales dans le processus de transformation des EPIC en sociétés anonymes.
L’amendement n° 259, présenté par M. Cornu, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Remplacer les mots :
des sociétés
par les mots :
de la société nationale
La parole est à M. le rapporteur.
L’amendement n° 82, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après la seconde occurrence du mot :
représentation
insérer le mot :
significative
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Avec cet amendement, nous vous proposons de réfléchir à la composition des organes sociaux des futures sociétés anonymes du groupe public ferroviaire.
Nous sommes satisfaits – une fois n’est pas coutume – que le Gouvernement ait proposé un amendement précisant ses intentions en la matière, en prévoyant la présence, au sein des organes de gouvernance du groupe public ferroviaire, des collectivités territoriales, des autorités organisatrices, des associations d’usagers, ainsi que des représentants des personnels. Nous proposons simplement de préciser que cette représentation doit être significative. Il s’agit d’un enjeu important en termes de démocratisation, qui nous permettrait aussi d’obtenir une meilleure adéquation entre les besoins de mobilité de nos concitoyens et la politique menée par l’entreprise historique.
Je rappelle, à ce titre, que l’article 13 d’une proposition de loi que notre groupe a déposée le 16 mai 2012 prévoyait même que le conseil d’administration de la SNCF soit composé majoritairement de représentants des salariés, des usagers et des élus. Il s’agissait pour nous de prendre en compte la vision décentralisée du service de transport et de permettre aux salariés, comme aux usagers et aux élus, d’avoir une voix prépondérante pour que la politique de transport soit non pas guidée par des impératifs d’austérité budgétaire – cela a trop longtemps été le cas –, mais par les exigences de service public que porte l’ensemble des acteurs du quotidien du ferroviaire : les usagers, les personnels et les organisateurs de transport.
Nous opposons aux politiques de concurrence des politiques de complémentarité, de meilleures réponses aux besoins de mobilité et de limitation des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi – tel est l’objet de cet amendement – des objectifs de démocratisation des organes de décision des entreprises effectuant des missions de service public et détenues par la puissance publique.
À nos yeux, tout l’intérêt de la maîtrise publique réside bien dans cette exigence d’un meilleur contrôle citoyen d’une entreprise financée par l’impôt et qui est l’outil de la Nation pour répondre aux besoins de nos concitoyens. Aujourd’hui, trop de décisions ayant un impact direct sur le service public sont prises dans l’opacité par un nombre réduit de personnes, dont les intérêts sont identiques : réduire le coût de l’opérateur public. Nous n’acceptons pas la répétition de ce scénario, encore moins son accentuation, prévue par les réformes en cours.
L’amendement n° 39, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Fabien Gay.
Nous demandons la suppression de l’alinéa 13 adopté par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui prévoit que le Gouvernement pourra fixer, par voie d’ordonnance, les règles d’investissement de SNCF Réseau dans le cadre de l’ouverture à la concurrence prévue pour 2020. Nous pensons que ce rôle appartient au Parlement. À cet égard, la loi de 2014 était claire : les investissements de développement du réseau ferré national sont évalués au regard de ratios définis par le Parlement, et non fixés par décret ou ordonnance.
Depuis des années, nous dénonçons le sous-investissement dans le réseau ferré. L’ouverture à la concurrence ne changera pas la donne ! Ce qu’il manque, c’est une politique volontariste d’investissements publics massifs. En effet, par nécessité d’améliorer la qualité du réseau, SNCF Réseau peut être amenée à réaliser des investissements, dont la finalité première ne serait pas la rentabilité – c’est bien la limite de la notion de règle d’or –, et à sélectionner des projets d’investissements selon des règles comptables obscures.
La question n’est pas seulement celle de la trajectoire financière de SNCF Réseau, mais aussi celle des ressources nouvelles. Il est nécessaire d’acter de manière pérenne les priorités d’investissements ferroviaires de manière transparente et sur le long terme. C’est bien ce qui manque aujourd’hui en matière de politique industrielle.
De nouvelles ressources sont envisageables, et nous avions fait de nombreuses propositions : par exemple, solliciter l’épargne populaire dans le cadre d’un « livret vert » dédié au financement des infrastructures de réseaux ou mettre à contribution les sociétés d’autoroute, dont les profits sont particulièrement insolents. La liste n’est pas exhaustive !
La priorité doit être donnée à la régénération du réseau ferroviaire et non à enserrer SNCF Réseau dans des contraintes budgétaires décidées loin des besoins des usagers et de nos territoires. Pis, nous ne pensons pas que le système ferroviaire peut s’autofinancer – c’est le propre de ce service public, structurant pour notre territoire.
Madame la ministre, vous pouvez prendre le problème dans tous les sens, mais avoir un réseau de qualité avec un maillage territorial fin qui répond aux nouvelles exigences de mobilité coûte très cher, et le privé ne fera pas de miracle. C’est bien le désengagement de l’État qui est à l’origine de la dette de SNCF Réseau.
Cette disposition va à l’encontre d’un développement équilibré de notre réseau ferroviaire. C’est pourquoi nous vous invitons à supprimer cet alinéa de l’article 1er.
L’intention des auteurs de l’amendement n° 79 – garantir l’unité économique du groupe SNCF et mettre fin à la séparation entre la gestion de l’infrastructure et l’exploitation des services de transport – est manifestement contraire au droit européen, qui, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence, impose la séparation de ces activités. L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 80 est, à mon sens, satisfait. En effet, grâce aux efforts de M. Dantec, …
… nous avons ajouté dans le dur de la loi la lutte contre le réchauffement climatique dans les objectifs de la SNCF. Cela rend donc inutile d’inscrire un objectif identique au niveau de l’habilitation.
C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
Il en est de même pour l’amendement n° 4 rectifié sexies, qui vise lui aussi à conforter les engagements pris par la France dans la lutte contre le changement climatique.
L’adoption de l’amendement n° 81 reviendrait à vider de la quasi-totalité de sa substance l’habilitation donnée au Gouvernement de légiférer par voie d’ordonnance pour déterminer les modalités de transformation du groupe public ferroviaire, qui est prévue à l’article 1er A.
L’avis est donc défavorable.
L’amendement n° 174 du Gouvernement – je sais que je suis attendu là-dessus… – vise à rétablir une précision : l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance prévue à l’article 1er permet de déterminer les conditions du transfert des biens, droits et obligations des établissements publics, « le cas échéant, par la voie de la transformation en sociétés de ces établissements ».
Cet ajout me gêne beaucoup, car j’ai du mal à comprendre son utilité. En effet, nous avons inscrit dans le dur, à l’article 1er A, le principe de la transformation des établissements publics du groupe public ferroviaire en sociétés anonymes. Par ailleurs, il est déjà clairement indiqué que l’habilitation doit permettre le transfert des biens, droits et obligations des établissements publics aux nouvelles sociétés anonymes.
Par principe, nous sommes attentifs à ce qu’une habilitation donnée au Gouvernement de légiférer par ordonnance, qui constitue une procédure exceptionnelle, soit limitée au strict nécessaire. D’ailleurs, cette position vaudra pour d’autres habilitations que nous aurons à examiner durant nos débats.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 82 vise à préciser que la représentation des collectivités territoriales au sein de la gouvernance des entités du groupe public unifié devra être « significative ». Franchement, cette formulation, sauf à la définir plus précisément, ne me paraît pas très opérationnelle et peut être interprétée de nombreuses manières. Je suggère d’en rester à la rédaction actuelle.
L’avis de la commission est donc défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 39, Mme Assassi et M. Gontard, qui ont beaucoup travaillé sur le projet de loi, vont peut-être obtenir une certaine satisfaction…
Cet amendement vise à supprimer l’habilitation donnée au Gouvernement pour déterminer par voie d’ordonnance les règles de financement des investissements de SNCF Réseau. Or ces règles ont été précisées dans le texte de loi grâce à l’adoption de l’amendement n° 254 présenté par le Gouvernement. Certes, les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste ne voulaient pas nécessairement que cette règle d’or soit adoptée, mais le fait est qu’il n’y a pas lieu de maintenir l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance sur ce point.
Par conséquent, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’avis est défavorable sur les amendements n° 79 et 80, qui visent à revenir sur la nouvelle organisation de la SNCF. Il en est de même pour l’amendement n° 81, qui poursuit le même objectif.
L’amendement n° 4 rectifié sexies vise à inscrire la lutte contre le changement climatique dans le cadre de l’habilitation. Je demande son retrait, car le Sénat a déjà introduit ce point dans le texte de loi.
J’ai compris que je n’avais pas convaincu le rapporteur sur l’amendement n° 174 que j’ai présenté au nom du Gouvernement…
Avis favorable sur l’amendement n° 259 du rapporteur.
L’amendement n° 82, qui tend à compléter les dispositions sur la représentation des usagers et des salariés, contient une précision qui n’apporterait rien de particulier.
Elle créerait même de la confusion. Je rappelle que le projet de loi prévoit déjà de légiférer par ordonnance pour assurer une représentation adaptée des différentes parties prenantes.
Je m’étonne tout de même, madame Gréaume, que vous estimiez que les décisions sont prises de manière opaque. Je vous rappelle que, depuis la loi relative à la démocratisation du secteur public et l’ordonnance de 2014, les conseils d’administration sont composés d’au moins un tiers de représentants des salariés, et ce sera encore le cas demain. La présence de ces représentants devrait vous donner une certaine visibilité sur les décisions qui se prennent dans les organes de gouvernance de la SNCF…
En ce qui concerne l’amendement n° 39, j’émets, comme le rapporteur, un avis favorable, non pas pour les raisons exposées lors de sa présentation, mais parce que la règle d’or a été introduite dans le texte de loi grâce à l’amendement n° 254.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 80 est retiré.
Monsieur Fouché, l’amendement n° 4 rectifié sexies est-il maintenu ?
Je le maintiens, parce qu’il a été cosigné par de nombreux sénateurs appartenant à plusieurs groupes politiques.
Le rapporteur critiquait la procédure des ordonnances ; cet amendement vise justement à garantir que cette procédure soit correctement encadrée.
Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié sexies.
Je mets aux voix l’amendement n° 81.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote sur l’amendement n° 39.
Depuis le début de nos travaux, le rapporteur fait une distinction entre le texte de loi, le « dur », et les ordonnances, qui seraient le « moins dur »… En vérité, tous les sujets abordés dans l’habilitation donnée au Gouvernement de légiférer par ordonnance sont très lourds !
Je comprends bien l’habileté de la droite, qui affirme qu’elle a préservé l’essentiel, en particulier en ce qui concerne la place du Parlement, mais, dans les faits, il y a un jeu de rôle entre elle et le Gouvernement, car toutes les dispositions, qu’elles soient dans le « dur », comme vous dites, ou dans les ordonnances, vont dans le même sens : la déréglementation. On le voit bien à l’occasion de cet amendement n° 39.
Monsieur le rapporteur, vous émettez un avis favorable sur cet amendement au motif que le Sénat a déjà inscrit la règle d’or dans le texte de loi. Or vous savez pertinemment que nous combattons cette disposition. C’est pourquoi nous retirons l’amendement n° 39.
J’en reprends le texte, monsieur le président, parce qu’il faut supprimer cette habilitation à légiférer par ordonnance sur le sujet.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 268, présenté par M. Cornu, au nom de la commission, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 39.
Je le mets aux voix.
L ’ amendement est adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 83, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
Cet amendement concerne la négociation collective et le statut des cheminots.
Tout à l’heure, le Gouvernement et la commission nous ont dit que, le problème, ce n’était pas le statut, mais d’abord la convention collective. Dont acte ! Mais il y a un petit oubli, madame la ministre : avec votre loi Travail II, vous avez changé le code du travail. À partir de là, il peut y avoir des accords d’entreprise qui dérogent aux conventions collectives. On voit donc bien ce qui va arriver, ce qui est rampant – c’est clair ! – avec la filialisation du secteur ferroviaire. C’est pourquoi, nous, nous défendons le statut tel qu’il est, en le tirant vers le haut, et la négociation collective.
L’amendement n° 84, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par les mots :
en vue de promouvoir l’emploi au cadre permanent
La parole est à M. Fabien Gay.
Cet amendement nous permet de revenir sur la question du statut. Comme aucune réponse ne nous a encore été apportée sur ce sujet, je vais avancer un autre argument.
Nous pensons que le statut contribue aussi au nombre particulièrement faible des accidents de circulation constatés à la SNCF, nombre bien éloigné – faut-il le souligner ? – de ce qui est observé dans le transport routier soumis aux contraintes du « juste-à-temps » sur des parcours aléatoires et bien plus accidentogènes.
Plutôt que de se demander s’il ne faudrait pas mettre un terme à l’emploi à vie qui découle du statut, il conviendrait de procéder à un renversement dialectique, en se demandant ce que l’expérience du statut des cheminots peut nous apprendre pour le monde du travail en général, notamment sur l’aspiration de plus en plus forte pour une sécurité sociale professionnelle, comme le dit la CGT, ou une sécurité emploi-formation pour utiliser une autre expression.
On ne construit pas une économie développée digne de ce nom sur les ruines du droit du travail et l’extension permanente de la précarité et de la flexibilité, qui imposent au quotidien leur dure loi à des salariés en guerre les uns contre les autres.
Le progrès économique de notre pays réside dans la qualité des statuts et des positions accordés aux salariés ; il découle de leur capacité à échanger, à coopérer et à partager leurs compétences et leurs qualifications pour le bien de la communauté que constitue l’entreprise et, dans le cas du transport ferroviaire, de la collectivité dans son ensemble.
Mettre à mal le statut des cheminots – faut-il le dire ? – ne va rien régler des conditions de travail des chauffeurs routiers, des employés des compagnies d’autocar, ni, j’en suis sûr, des éventuels employés des compagnies ferroviaires qui viendraient concurrencer la SNCF. Le recul des droits des uns ne s’est jamais traduit, depuis la première réforme des retraites version Balladur, par l’avancée des droits des autres, car cette course au moins-disant social se paie toujours en fin de compte. Regardez, par exemple, ce qui s’est passé dans la téléphonie mobile.
Embauchons donc à la SNCF au statut, garantie et gage de qualité pour le service public, autant que pour les intéressés !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote sur l’article.
Madame la ministre, je suis désolé, mais je vais faire du Fabien Gay, avec qui je partage une même passion pour le rugby : vous n’avez pas répondu à ma question ! Pourquoi le Gouvernement a-t-il prévu au troisième alinéa de cet article le retour à l’État de tout ou partie des biens des EPIC ? N’y a-t-il pas un risque de voir SNCF Réseau dépossédée d’une partie de ses biens et qu’elle ne soit plus affectataire unique des infrastructures ferroviaires ?
La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote sur l’article.
M. Olivier Jacquin. Je vais moi aussi faire du Jean-Michel Houllegatte, lui qui vient de fêter ses soixante ans
Sourires.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 116 :
Le Sénat a adopté.
L’amendement n° 26, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 2102-5 du code des transports est ainsi rédigée : « Le projet de contrat-cadre et les projets d’actualisation sont soumis pour avis à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, au Conseil économique, social et environnemental et au Parlement. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Cet amendement a un objectif simple : compléter le code des transports afin de donner au Parlement et au Conseil économique, social et environnemental un droit de regard et d’intervention sur la mise en œuvre de la politique ferroviaire, d’une part, en veillant particulièrement au contenu des contrats-cadres signés entre l’État et l’entreprise nationale SNCF et, d’autre part, en leur conférant un pouvoir d’avis sur ces projets de contrat et d’actualisation de ces mêmes contrats.
Nous souhaitons ainsi nous assurer que ces contrats intègrent bien les attentes des pouvoirs publics, permettent le développement du service public et apportent des réponses effectives aux besoins en transport des usagers et des territoires. Qui mieux que la représentation nationale peut garantir cette prise en compte ? Actuellement, le projet de contrat-cadre n’est transmis qu’à l’ARAFER, ce qui nous semble extrêmement limité et insuffisant.
Cette exigence semble rendue d’autant plus impérieuse par le changement de statut des entreprises publiques constituant le groupe public ferroviaire. Il importe que les organes démocratiques que sont le Parlement et le CESE soient associés étroitement à la préparation du futur contrat-cadre et de son actualisation, qui aura lieu en 2020. Celle-ci devra nécessairement prendre en considération les changements de mission du groupe ferroviaire. C’est un élément de transparence et de démocratie, sur lequel, je l’espère, nous arriverons à nous mettre d’accord.
Le droit en vigueur prévoit déjà que le projet est transmis au Parlement, avec l’avis de l’ARAFER, ce qui permet à chaque assemblée de répondre comme elle le souhaite à cette transmission, notamment en organisant un débat ou une communication sur le sujet. Il ne me semble donc pas utile de prévoir un avis du Parlement.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
Il s’agit non pas seulement de débattre, mais aussi d’avoir un droit d’intervention, ce qui a des conséquences sur la prise de décision.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 21 rectifié quinquies, présenté par MM. Malhuret, Fouché et Laménie, Mme Goy-Chavent, MM. Piednoir, Babary, Kern, Longeot et Moga, Mme Bruguière, MM. L. Hervé et Gremillet, Mme Garriaud-Maylam et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 4 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code des transports est ainsi modifiée :
1° Après l’article L. 2141-13, il est inséré un article L. 2141-13-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2141 -13-… – Les revenus issus de l’activité de gestion domaniale mentionnée à l’article L. 2141-13 doivent être traités de façon transparente dans des comptes distincts de ceux affectés à l’activité de transport. » ;
2° À la première phrase de l’article L. 2141-15-1, les mots : « de SNCF Mobilités » sont remplacés par les mots : « de tout candidat ou entreprise ferroviaire ».
La parole est à M. Alain Fouché.
La réforme ferroviaire prévoit d’introduire SNCF Mobilités dans le champ de la concurrence. Dans cette optique, SNCF Mobilités ne devrait plus bénéficier de prérogatives qui pourraient constituer, dans cette nouvelle configuration, un avantage anticoncurrentiel par rapport aux autres compagnies. Il convient donc de supprimer ces prérogatives de gestion domaniale laissées à SNCF Mobilités, en modifiant le code des transports. Ces facilités doivent être réservées à l’EPIC de tête SNCF et à Gares & Connexions.
Conformément à l’article L. 2141-13 du code des transports, SNCF Mobilités est compétente pour assurer la gestion domaniale de certains biens immobiliers appartenant à l’État ou qui lui sont confiés par convention avec l’État ou l’EPIC SNCF. Ces dispositions facilitent l’accès à des terrains ou à des logements qui peuvent être nécessaires au bon développement des services ferroviaires.
Cette activité, qui constitue une activité commerciale, produit des revenus au profit de SNCF Mobilités. Dès lors, afin de garantir une concurrence équitable entre toutes les entreprises ferroviaires, il nous semble nécessaire d’inscrire dans le code des transports les principes résultant des règles de la comptabilité publique, qui imposent à tout opérateur en situation de monopole ou bénéficiant d’une position dominante d’établir des règles strictes de séparation comptable. En d’autres termes, il convient de garantir une stricte séparation entre les flux financiers issus de la gestion domaniale et ceux qui sont affectés à l’exploitation d’un service de transport.
La deuxième partie de l’amendement vise à garantir que les biens immobiliers utilisés par SNCF Mobilités et nécessaires à la poursuite des missions de transport doivent pouvoir être cédés à l’autorité organisatrice et mis à disposition de tout candidat ou entreprise ferroviaire, et ce afin de prévenir tout avantage anticoncurrentiel.
Cet amendement serait difficile à mettre en œuvre s’il était adopté. Il tend à prévoir que les revenus que tire SNCF Mobilités de la gestion de ses biens immobiliers figurent dans des comptes distincts de ceux qui sont affectés à son activité de transport.
La transformation de SNCF Mobilités en société anonyme nécessitera de revoir le régime des biens immobiliers qui lui sont affectés, en particulier des biens relevant du domaine public, qui pourront, le cas échéant, être transférés à l’État. Tel est d’ailleurs l’objet de l’habilitation prévue à l’article 1er.
C’est un point technique qui mérite d’être approfondi. Il est par conséquent préférable, à mon sens, d’en rester à la rédaction actuelle du projet de loi. L’avis est donc défavorable.
Les questions ayant trait à la domanialité nécessitent effectivement un travail approfondi. Elles seront traitées dans le cadre des ordonnances prévues à l’alinéa 16 de l’article 1er. Sachez que l’affectation et le régime des biens au sein des différentes entités du groupe SNCF respecteront bien évidemment les règles en matière de droit de la concurrence. De ce point de vue, il faudra prévoir un traitement différent pour SNCF Réseau et la filiale chargée de la gestion des gares, qui resteront en situation de monopole, et les entités entrant dans le champ concurrentiel.
Monsieur le sénateur, je vous invite à retirer votre amendement pour nous laisser le temps d’approfondir les règles de gestion domaniale. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Monsieur Fouché, l’amendement n° 21 rectifié quinquies est-il maintenu ?
Compte tenu des explications de Mme la ministre et de M. le rapporteur, je le retire.
L’amendement n° 21 rectifié quinquies est retiré.
L’amendement n° 87, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant la première phrase du sixième alinéa du II de l’article 11 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Afin de répondre à la demande de trafic ferroviaire par wagons isolés, ce système de production est déclaré d’intérêt général. »
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Nous en revenons, là encore, à l’une de nos propositions pour un pacte ferroviaire au service de la transition énergétique et écologique.
Nous souhaitons que soit déclaré d’intérêt général le fret ferroviaire, notamment l’activité de wagon isolé, afin de permettre non pas la recapitalisation de Fret SNCF, fusil à un coup dont l’objectif est de faire passer la filialisation-privatisation, mais bien le financement pérenne par l’État. Les institutions européennes bougent et évoluent en ce sens, comme en témoigne l’exemple italien. Il ne s’agit donc pas d’un simple amendement déclaratoire, mais bien d’un amendement aux conséquences précisées et directes : la possibilité pour l’État français de subventionner cette activité. Nous ne comprenons pas l’acharnement du Gouvernement et de la majorité sénatoriale à refuser de traiter cette question, reportant les enjeux sur d’autres sujets.
La réalité est simple : la concurrence que vous imposez n’est pas compatible avec les enjeux environnementaux que nous défendons. Nous sommes en train de rater le coche, comme le prouve l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre sur notre territoire. Pourtant, l’enjeu est de taille. Selon plusieurs rapports, le volume de marchandises à transporter devrait être multiplié par trois au cours des quinze prochaines années. On assistera donc, globalement, à une explosion du transport de marchandises. Or, aujourd’hui, le fret ferroviaire ne représente que 10 % de ce trafic, alors que l’on avait fixé un objectif général de 25 %.
Nous avons un boulevard. Il existe des besoins immenses d’investissement dans cette activité pour provoquer son essor : la remise à niveau des triages, des machines, des trains, des efforts concernant les infrastructures, mais également l’offre pour la développer. Permettre son subventionnement par l’État n’est donc pas une solution à rejeter d’un revers de main.
Monsieur Gontard, il ne s’agit pas d’un acharnement de la majorité sénatoriale. C’est en fait le droit européen qui ne permet pas d’écrire ce que vous proposez.
L’avis est donc défavorable.
La relance du fret ferroviaire a besoin d’une politique d’ensemble et non d’une déclaration de principe inscrite dans un projet de loi. Je mène ce combat au niveau européen pour restaurer les conditions d’une concurrence loyale, tant sur le plan social qu’en matière de financement des infrastructures.
Cela passe aussi par des choix d’investissement que nous aurons à faire, notamment dans la continuité des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures. Il s’agit d’avoir des sillons de qualité, une politique de péage adaptée et de promouvoir une politique d’aide au transport combiné.
C’est l’ensemble de ces éléments qui constitue le plan de relance du fret ferroviaire que je présenterai prochainement.
Je voudrais redire que le mouvement social actuel met en grande difficulté notre fret ferroviaire et les entreprises qui en dépendent.
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je pense que la situation actuelle ne contribue pas à donner confiance dans le fret ferroviaire, et donc dans sa relance.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Je mets aux voix l’amendement n° 87.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 117 :
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 90, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’État, majoritairement représenté au conseil de surveillance de la SNCF, propose au directoire, et notamment au vice-président représentant SNCF Réseau, l’instauration d’un moratoire sur la fermeture des gares de triage, les points de desserte fret et la suppression des effectifs à Fret SNCF.
La parole est à M. Pierre Laurent.
Madame la ministre, les cheminots apprécieront sûrement la déclaration que vous venez de faire. Vous les rendez responsables de la situation, alors que c’est l’ouverture à la concurrence qui a divisé par deux la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises.
Depuis quinze ans, 400 gares de triage et points de desserte ont fermé. Ce n’est pas la grève des cheminots qui a conduit à cette situation : c’est la politique d’ouverture à la concurrence ! Puisque vous continuez d’affirmer votre attachement à une relance de la politique du fret, vous serez d’accord avec notre amendement, qui a pour objet d’instaurer un moratoire sur la fermeture de ces gares de triage et points de desserte. Vous savez très bien que, si la fermeture de ces infrastructures continue, cela coûtera extrêmement cher et rendra plus difficile encore la relance du fret ferroviaire dans notre pays.
Nous enverrions un signal fort en décidant un tel moratoire, ce qui nous donnerait des atouts supplémentaires dans la politique de reconstruction nécessaire du fret ferroviaire. De toute façon, elle sera indispensable, mais nous espérons qu’elle sera mise en œuvre avant que la catastrophe climatique et environnementale causée par l’envahissement des camions n’ait causé trop de ravages sur les routes de France et d’Europe.
Monsieur Laurent, je partage vos préoccupations sur l’avenir du fret, mais je partage également les propos de Mme la ministre.
Cette grève perlée, comme on dit, ne nous aide vraiment pas. Je n’accuse personne, mais je crains que cette grève longue ne provoque de sacrés dégâts dans le fret ferroviaire.
Les déclarations ne suffisent pas.
Vous allez voir les conséquences de cette grève pour le fret. On reparlera dans quelque temps des responsabilités…
Cela étant, cet amendement contient une injonction au Gouvernement, ce qui n’est pas conforme au principe de séparation des pouvoirs. Il ne relève pas du domaine de la loi de régler ces différents sujets. L’avis est donc défavorable.
Je le répète, je suis très préoccupé par l’avenir du fret avec ce qui se passe actuellement.
Je ne peux pas partager l’idée d’un moratoire. L’activité de fret ferroviaire est fortement dépendante des évolutions structurelles des secteurs industriels et agricoles. Il est donc indispensable que les outils de production de transport de marchandises que sont les gares de triage et les points de desserte puissent tenir compte des évolutions de l’économie.
Il n’en demeure pas moins que je suis particulièrement attentive aux changements apportés sur ces sites, qui ont besoin d’être remis en état, tout comme le réseau ferré principal. Dans le cadre du plan de relance du fret ferroviaire que je présenterai prochainement, il y aura un programme d’investissements pour les voies de service, afin de rénover ces sites. En attendant, je ne pense pas que l’on serve le fret ferroviaire en figeant les outils de production. Il faut au contraire savoir les faire évoluer, je le répète, pour tenir compte des évolutions de l’économie.
L’avis est donc défavorable.
Je m’abstiendrai sur cet amendement.
Depuis des années, on le sait, des voies ont malheureusement été démontées sur des sites de triage dans beaucoup d’endroits. De l’autre côté, même si je respecte le droit de grève, des clients rencontrent des difficultés d’acheminement. L’un de nos collègues avait évoqué le problème lors d’une question d’actualité. C’est le cas dans l’agroalimentaire, avec les silos, par exemple. Le trafic du fret est réellement perturbé. Il risque donc de perdre encore des clients, comme la branche voyageurs, d’ailleurs.
Soyons extrêmement prudents, car il y va de l’avenir de la SNCF et de son personnel. Je me permets d’insister modestement sur ce point.
Mettre en place un moratoire ne veut pas dire geler les outils de production. Vous devriez plutôt prendre notre amendement comme point d’appui pour votre future loi, madame la ministre. Je me réjouis d’ailleurs de vous avoir entendu dire dans l’hémicycle que vous alliez présenter une loi pour relancer le fret ferroviaire, même si nous serons très attentifs à son contenu, car, comme l’a dit Pierre Laurent, nous assistons depuis quinze ans à une casse du fret et nous entendons depuis des années des promesses, dont aucune n’est tenue. Nous allons finir par arriver à un point de non-retour, ce qui sera grave pour la santé publique.
Monsieur le rapporteur, vous nous dites : vous allez voir, les grévistes vont mettre en péril le fret ferroviaire. Mais enfin, à quoi est due la grève, qui est, rappelons-le, l’exercice d’un droit démocratique ? Elle est causée par une réforme qui heurte de plein fouet le statut des cheminots et le service public. Parmi les voyageurs qui sont effectivement gênés parfois par cette grève, j’en vois qui soutiennent le mouvement, car il y va de l’intérêt public d’avoir des trains qui arrivent à l’heure et de meilleures conditions de transport. Sinon, il n’y aurait pas ce degré d’adhésion du public ! §Arrêtez d’asséner des contre-vérités !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 89, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement avant le 31 juin 2018 un rapport sur l’opportunité de créer de nouvelles sources de financement au bénéfice du système ferroviaire et notamment de l’Agence de financement des infrastructures de transport en France. À ce titre, le rapport évalue notamment l’intérêt d’une renationalisation des concessions d’autoroutes, de la création d’un livret de financement des infrastructures ainsi que de la mise en œuvre d’une écotaxe sur les poids lourds.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Nous avions déjà proposé cet amendement lors de la discussion de la proposition de loi de M. Maurey voilà deux mois. Son objet est simple : créer de nouvelles ressources afin de pérenniser les financements du système ferroviaire à la fois pour le désendetter et pour renforcer l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Créée en 2004, l’AFITF a très vite été vidée de sa substance et des moyens qui lui étaient alloués, notamment avec la privatisation des autoroutes – nous en avons déjà parlé dans cet hémicycle –, à tel point que la Cour des comptes estime aujourd’hui qu’il s’agit d’une coquille vide. Autant dire que cette agence n’a pas les moyens de ses ambitions, lesquelles, d’ailleurs, sont réduites à très peu. En effet, il manquerait dans son budget, pour les cinq ans à venir, quelque 10 milliards d’euros.
La mission d’intérêt général du transport ferroviaire est d’assurer un maillage suffisant du territoire national et de proposer un mode de transport non émetteur de gaz à effet de serre. Je pense que nous sommes toutes et tous d’accord ici. C’est pourquoi il est impératif de dégager des ressources à même de financer des investissements de rénovation, ainsi que de nouveaux projets. Pour ce faire, en vertu du principe « pollueur-payeur », nous proposons que la route finance le rail, d’où la renationalisation des autoroutes. La manne financière que constitue cette rente s’élève à près de 2 milliards d’euros et serait beaucoup plus utile dans les caisses de SNCF Réseau que dans les poches des actionnaires d’Eiffage ou de Vinci.
Dans la même logique, nous proposons la mise en œuvre d’une écotaxe poids lourds, qui sera à même de lever 1 milliard d’euros supplémentaires et qui aura également un effet incitatif pour favoriser le fret ferroviaire, que vous appelez de vos vœux, madame la ministre, si j’ai bien compris.
L’adoption de cet amendement pérenniserait les financements du système ferroviaire tout en renforçant l’effort de transition écologique dans le secteur du transport.
L’amendement n° 93, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er novembre 2018, un rapport sur la possibilité et l’opportunité de créer un livret d’épargne sécurisé concourant au financement de projets et d’investissements visant à améliorer les infrastructures de transport.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
La question du financement des investissements nécessaires à la remise en état du réseau ferré comme à son développement à venir est évidemment directement posée par le présent projet de loi.
On aura observé que le changement de statut de la SNCF prévu par le texte présente, de ce point de vue, un risque. En effet, même si elle donne quelques poussées d’urticaire aux instances européennes, l’actuelle forme juridique de la SNCF, à savoir celle d’un EPIC, lui donne un accès de grande qualité aux marchés financiers, par la combinaison du caractère de long terme de l’investissement ferroviaire et du statut d’EPIC. De fait, l’EPIC SNCF bénéficie d’une « garantie implicite et illimitée de l’État », ce qui lui permet à la fois de négocier des emprunts à taux et à conditions privilégiés et d’être prémuni contre tout défaut de paiement.
Pascal Savoldelli en a déjà parlé, mais je préfère rappeler aux adeptes de la transformation de la SNCF en société anonyme à capitaux d’État que l’abandon du statut d’EPIC risque fort de conduire à la « banalisation » des financements accordés à l’entreprise, donc à une remontée des taux d’intérêt grevant sa dette. C’est d’autant plus vrai que, bien qu’activement gérée, la dette de la SNCF a un aspect « boule de neige », qui se traduit par une forme de fuite en avant, les intérêts de la dette amortie devenant le capital de la dette inscrite au bilan. Ajoutons qu’un ajustement comptable à 12 milliards d’euros a ruiné les fonds propres du groupe…
Il est donc temps de se demander s’il n’y aurait pas lieu de créer, comme nous le proposons, un livret d’épargne défiscalisée, sur le modèle du livret A ou du LDD, pour financer les investissements ferroviaires et, de manière plus générale, les investissements nécessaires à l’atteinte de nos objectifs en matière de lutte contre les changements climatiques.
Nous prenons le Gouvernement au mot, madame la ministre ! Au moment où une révision constitutionnelle entend inscrire dans le domaine de la loi la lutte contre les changements climatiques, pourquoi ne pas donner à celle-ci les moyens de devenir réalité en en appelant au sens civique et à l’épargne des Françaises et des Français ?
Tel est le sens de cet amendement, que je vous propose d’adopter, mes chers collègues.
L’amendement n° 230 rectifié, présenté par MM. Jacquin, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Bonnefoy et Cartron, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Daudigny, Tissot et M. Bourquin, Mmes de la Gontrie et Lienemann, MM. Cabanel, Montaugé, Durain et Kerrouche, Mmes Meunier et Lubin, MM. Courteau, Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de trois mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement présentant le bilan de la situation du fret ferroviaire en France et à l’échelle de l’Union européenne et ce dans la perspective des nouveaux financements qui devraient résulter de l’adoption des dispositions issues de la révision de la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 1999, relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures.
La parole est à M. Olivier Jacquin.
La SNCF a annoncé qu’elle procéderait, d’ici à 2020, à la filialisation de sa branche de fret ferroviaire, en vue de sa recapitalisation. De son côté, le Gouvernement a annoncé qu’il présenterait prochainement un plan de relance du fret ferroviaire.
Pour ce qui nous concerne, nous considérons que mener un bilan de l’ouverture du fret à la concurrence engagée en 2006 constitue un préalable. Le soutien au fret ferroviaire est indispensable du fait des externalités positives qu’il représente, en termes de réduction des émissions de dioxyde de carbone. Cette activité doit demeurer sous maîtrise entièrement publique, car elle constitue un levier fondamental de la transition énergétique. Il paraît donc aujourd’hui prématuré de filialiser cette activité, cette filialisation pouvant constituer une étape vers son externalisation et sa privatisation.
Par ailleurs, dans son référé du 3 juillet 2017 sur la situation du transport de marchandises par le groupe SNCF Mobilités, la Cour des comptes a souligné que, à défaut d’un dispositif financier permettant de prendre en compte les externalités négatives de la route, « qui aurait pu durablement inciter les chargeurs à se reporter sur le transport ferroviaire, l’État devrait pouvoir afficher une stratégie de long terme de soutien au fret ferroviaire, qu’il s’agisse de la pérennité des aides financières aux opérateurs de combiné (aide à la pince) ou du maintien de la compensation aux péages fret, permettant de maintenir l’attractivité de ce mode de transport face à l’aptitude très forte de la route à comprimer ses coûts ».
Or l’actualité européenne nous rattrape. Les députés européens viennent de voter le rapport de la députée européenne Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy proposant de rendre de nouvelles redevances obligatoires à partir de 2021, pour tenir compte des externalités négatives de la route selon le principe du pollueur-payeur. Les ressources issues de cette euroredevance seront fléchées vers les transports propres. Le rail devrait donc pouvoir bénéficier à un horizon proche de nouvelles ressources financières, raison pour laquelle le fret ferroviaire en tant que levier de la transition énergétique doit rester public et intégré dans le groupe public SNCF.
Pour toutes ces raisons, nous estimons que le plan de relance du fret ferroviaire doit être conçu dans la perspective de ces nouvelles ressources financières. Nous demandons donc que le Gouvernement remette au Parlement un bilan de la situation du fret ferroviaire en France et à l’échelle de l’Union européenne, dans la perspective des nouveaux financements qui devraient résulter de l’adoption de l’euroredevance.
Je m’attendais à ce que l’on nous soumette des demandes de rapport, pratique désormais habituelle, avec une dizaine de rapports demandés pour chaque texte de loi examiné.
Vous connaissez mon allergie à cette multiplication des demandes de rapport, qui, il faut bien le dire, servent souvent à pallier l’absence de mesures véritables et qui mobilisent des effectifs importants dans les ministères, sans être généralement suivis d’effets concrets.
D’ailleurs, comme l’a souligné Hervé Maurey, président de notre commission, lors de la présentation du bilan annuel de l’application des lois, à peine la moitié des rapports demandés sont effectivement remis, ce qui doit quand même nous inciter à une certaine retenue en la matière.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 89, le Gouvernement a déjà conduit un certain nombre de réflexions à ce sujet dans le cadre des Assises nationales de la mobilité ainsi qu’au travers du rapport de M. Philippe Duron. Il ne s’agirait pas de faire des rapports sur des rapports ! Il nous faut désormais des avancées concrètes. Nous comptons sur la loi d’orientation sur les mobilités pour apporter des solutions pratiques dans ce domaine.
La commission est donc très défavorable à cet amendement.
Pour les mêmes raisons, elle émet également un avis défavorable sur les deux autres amendements, qui visent eux aussi au dépôt de rapports : l’amendement n° 93, qui porte sur le même sujet, et l’amendement n° 230 rectifié, qui concerne le fret ferroviaire, auquel je répète que je suis très attaché.
J’y insiste, il nous faut des mesures concrètes plus que des rapports.
Il me semble un peu exagéré de dire que l’AFITF est une coquille vide. Certes, il faudra augmenter ses ressources, qui s’élèvent actuellement à 2, 4 milliards d’euros par an, mais c’est justement le sens des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures que M. le rapporteur a mentionnés.
Comme l’a dit celui-ci, la loi d’orientation sur les mobilités permettra, dans son volet consacré à la programmation, d’éclairer les enjeux du développement des infrastructures et des financements correspondants, l’objectif étant bien de disposer désormais d’une vision pluriannuelle, avec une programmation équilibrée en ressources et en dépenses.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 89.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 93, je rappelle, au moment où nous reprenons 35 milliards d’euros de la dette ferroviaire, que notre objectif n’est pas de recréer de la dette. Or un livret d’épargne, c’est de la dette. §Si vous prêtez votre épargne à la SNCF, celle-ci contracte une dette à votre égard, parce que vous pouvez espérer récupérer votre argent un jour. Sinon, il s’agit de subventions ou de financement participatif. Un livret d’épargne a, lui, vocation à être remboursé.
Le Gouvernement ne souhaite pas réendetter le système ferroviaire, raison pour laquelle il émet un avis défavorable sur cet amendement.
S’agissant de l’amendement n° 230 rectifié, je pense que la situation du fret en Europe est déjà bien connue. L’heure n’est plus aux rapports. Je souhaite, pour ma part, proposer un plan de relance, un plan d’action.
Je veux préciser notre proposition de « livret vert », notamment sur la base de la directive 2012/34/UE.
En son article 8, cette directive dispose : « Les États membres développent l’infrastructure ferroviaire nationale en tenant compte, le cas échéant, des besoins généraux de l’Union, y compris celui de coopérer avec les pays tiers voisins. Ils publient, à cette fin, au plus tard le 16 décembre 2014, après consultation des parties intéressées, une stratégie indicative de développement de l’infrastructure ferroviaire visant à répondre aux futurs besoins de mobilité en termes d’entretien, de renouvellement et de développement de l’infrastructure et reposant sur un financement durable du système ferroviaire. Cette stratégie couvre une période d’au moins cinq ans et est reconductible.
« Dans le respect des articles 93, 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les États membres peuvent en outre accorder au gestionnaire de l’infrastructure un financement compatible avec ses fonctions visées à l’article 3, point 2, la dimension de l’infrastructure et les besoins financiers, notamment pour couvrir des investissements nouveaux. Les États membres peuvent décider de financer ces investissements par des moyens autres que le financement direct par l’État. En tout état de cause, les États membres se conforment aux exigences visées au paragraphe 4 du présent article. »
Nous tirons du point 1, entre autres conclusions, que la Banque centrale européenne a un rôle particulier à jouer dans le financement des infrastructures ferroviaires de l’ensemble de l’Union européenne, notamment pour la reprise de la dette.
Quant au point 2, il nous montre que notre proposition de livret d’épargne est cohérente et correspond aux possibilités de financement retenues. L’Allemagne, qui est souvent donnée en exemple, n’a-t-elle d’ailleurs pas fait ainsi après la Seconde Guerre mondiale ?
Ne l’oublions jamais, l’épargne populaire est tout de même ce qui a financé le logement social, le développement local, les infrastructures d’intérêt local, le développement touristique, et j’en passe. Elle peut demain, si on le décide, participer au financement de la transition énergétique et écologique, singulièrement par le renouvellement et le développement de notre réseau ferroviaire.
Sur la forme, je partage tout à fait l’avis de M. le rapporteur et de Mme la ministre sur les demandes de rapport, qui ont un caractère superfétatoire.
Sur le fond, en ce qui concerne les amendements n° 89 et 230 rectifié, il importe que nous rappelions, puisque c’est la commission de l’aménagement du territoire qui a été chargée de produire le rapport sur le projet de loi, que, pour des considérations d’aménagement du territoire, justement, le projet d’écotaxe qui a, un temps, émaillé l’actualité de notre pays risquait justement de conduire au « déménagement du territoire ».
Je veux donc appeler l’attention de notre assemblée sur la nécessité de s’engager vers ce type de taxation de manière précautionneuse, pour ne pas handicaper davantage nos entrepreneurs installés au plus loin de notre territoire. Je rappelle que la taxation sur les carburants est déjà assez pénalisante pour les territoires les plus excentrés. Il ne conviendrait pas de rajouter des taxations supplémentaires.
J’appelle donc à la mesure sur ce sujet, pour éviter qu’on ne ressorte les bonnets rouges.
Je veux, à propos de l’amendement n° 89, évoquer la « remise en selle » de l’écotaxe, que j’aborderai en tant qu’élue de la péninsule bretonne.
Mes chers collègues, nous parlons, dans ce débat, d’aménagement du territoire, de maillage de la desserte et de présence économique.
Je tiens à dire ce soir, sans bonnet rouge, paisiblement et avec beaucoup de sérieux, que, s’il est nécessaire d’évoquer des sources de financement inspirées par des préoccupations écologiques, il faut veiller de manière extrêmement attentive à ne pas pénaliser durement des territoires déjà marginalisés par leur localisation géographique, au fin fond de l’extrême Ouest de la France et de l’Europe.
Si l’on veut conserver des emplois en Bretagne centrale, notamment dans l’agroalimentaire et la production de produits frais, dont bénéficient les villes et alors qu’il n’y a pas d’autre desserte que la route et que le rail ne sera jamais suffisant, il ne faut pas pénaliser de nouveau la région, encore sous le coup de l’abandon regrettable du projet de Notre-Dame-des-Landes.
Madame la ministre, je voudrais comprendre.
Vous dites que les livrets d’épargne créent de l’endettement.
Par conséquent, tous les Français qui détiennent un livret A rémunéré et exonéré d’impôts provoquent de l’endettement ?
Je ne veux pas polémiquer, mais vous savez très bien que, depuis très longtemps, l’épargne populaire a été un élément du financement du logement social – pour ma part, je regrette que ses effets soient de plus en plus limités. Pour produire de l’investissement, et c’est vrai pour le transport ferroviaire comme pour le logement, il faut donc s’endetter.
Je ne dis pas qu’il faut s’endetter de manière irresponsable, aveugle. Mais, dites-moi, madame la ministre, vous n’êtes quand même pas pour un endettement zéro pour le secteur ferroviaire ?
Monsieur le rapporteur, je me suis dit que vous aviez peut-être raison à propos des demandes de rapport. Mais pourquoi demande-t-on des rapports ? Parce que ces sujets ne font même pas l’objet de débats. Or, mes chers collègues, c’est l’ouverture à la concurrence, en 2003, du fret international, puis, en 2006, de l’ensemble du fret qui explique le recul de celui-ci. En 2006, 40 % du fret réalisé par la SNCF a été livré à la concurrence. Nos débats sont donc marqués par une histoire.
Par ailleurs, force est de constater, au-delà de l’ambitieux plan ferroviaire, notamment en matière de fret, que, pour le moment, les investissements de la SNCF et l’entretien des infrastructures ferroviaires sont subventionnés à 40 % par l’État, alors que, vous le savez, madame la ministre, le transport routier l’est à 99 %. C’est un choix de société. Ce sont les citoyens, les collectivités qui paient l’entretien et les infrastructures routières.
Par conséquent, quand ma collègue évoque une nationalisation des autoroutes, il faut d’abord regarder s’il existe une recette.
Comme j’ai tenté de l’expliquer, sans un moteur financier particulier pour discriminer positivement le fret ferroviaire, on continuera à produire de beaux discours et à sortir des plans qui n’aboutiront pas – je ne parle même pas des rapports, monsieur le rapporteur.
La situation du fret démontre notre impuissance collective, alors qu’il y a unanimité politique sur cette question. D’ailleurs, dans le texte, on ne trouve pas de dispositif qui permette de résoudre l’inégalité de traitement que subit le transport ferroviaire, pourtant vertueux.
L’usager du transport ferroviaire paie l’infrastructure, contrairement à celui des modes routier ou aérien. Seul le report modal permettra de relever le défi climatique, d’atteindre l’objectif à l’horizon de 2030 fixé dans la loi relative à la transition énergétique et de mieux organiser le flux routier en traitant la question du fret, qui apparaît trop peu ici. Quand il est moins cher de traverser le pays en avion ou en bus qu’en train, il faut s’interroger sur ce besoin d’un dispositif adapté.
Il faut aussi sortir d’une logique malthusienne dans le transport ferroviaire, qui est une industrie de réseau. Plus on fait rouler de trains sur les voies, plus on baisse les coûts unitaires, en travaillant sur le coût marginal. C’est une démonstration qu’a su faire la Suisse en faisant rouler des trains de fret la nuit, en dehors des périodes d’utilisation des voyageurs. Certes, il arrive que fret et transport de voyageurs entrent en concurrence, mais, si l’on veut un fret ferroviaire dynamique et un réseau plus efficace, il faut faire baisser les coûts unitaires.
Je reviens sur la question des rapports.
Monsieur le rapporteur, comme votre nom l’indique, vos fonctions consistent à rédiger des rapports. Pour ma part, j’estime que les rapports sont un véhicule de l’expression démocratique. Comment une démocratie pourrait-elle fonctionner si l’on supprime les rapports ?
Nous sommes tous d’accord pour dire que les rapports inutiles sont désolants. Mais, si chaque rapport était remplacé par une décision, il n’y aurait plus ni de lois ni de beaux débats comme celui-ci, que vous animez parfaitement, monsieur le rapporteur.
Je veux répondre à Mme Gatel sur l’écotaxe.
Le rapport de Mme Revault d’Allonnes-Bonnefoy, qui a été voté au Parlement européen, prévoit une taxe au kilomètre. Je rappelle que, dans le débat, l’eurovignette constituait une autre option.
La taxation au kilomètre présente l’avantage de pénaliser plutôt le grand transit international, qui, je le rappelle, pollue largement la France. Surtout, elle prévoit des adaptations en fonction des territoires.
Pour ma part, je pense qu’il serait préférable que les écotaxes soient définies par les régions. Je me rappelle les débats qui ont eu lieu au moment de l’abandon de l’écotaxe. Des régions comme la Bretagne connaissent de réels problèmes d’enclavement et restent largement à l’écart du grand transit international, tandis que les Hauts-de-France ou l’Alsace subissent un transit international d’autant plus important qu’il existe une taxation, notamment en Suisse, qui joue en sa faveur.
Le système ne doit pas être tellement uniformisateur qu’il en devienne pénalisant pour des régions déjà en difficulté.
Cela dit, le rééquilibrage entre le fret et les camions est le grand enjeu et la grande question à traiter. Il y va de la lutte contre l’effet de serre, ainsi que de la qualité de l’air, comme on le voit dans les vallées. Comme vous le savez, mes chers collègues, la France risque d’être condamnée pour sa mauvaise qualité de l’air, non seulement dans les villes, mais aussi dans les territoires.
Je voulais moi aussi répondre à Mme Gatel, mais Mme Lienemann a pratiquement tout dit.
Comme vous l’avez rappelé hier, madame la ministre, un train de fret, c’est cinquante camions de moins sur la route.
Comme l’a parfaitement expliqué notre collègue, il faut distinguer le trafic lié aux camions de transit de celui qui relève de la desserte. Et si l’on doit un jour se prononcer sur une mesure prenant en compte les externalités imputables au trafic routier, il faut avoir l’intelligence de bonifier les circuits courts, les circuits de desserte, au détriment du trafic de transit !
Je rappelle que, lorsque nous avions travaillé sur la problématique des autoroutes de la mer, nous avions recensé à peu près 1 000 camions qui franchissaient chaque jour la frontière belge pour se retrouver, dans la soirée, à la frontière espagnole. Les externalités de ce trafic de transit doivent être prises en compte. Je crois que le rapport européen que nous avons évoqué en fait mention.
Quand on veut rouler vite et dans le brouillard, il vaut mieux être équipé de phares à longue portée. D’une certaine manière, c’est aussi l’objet des rapports : être capable de se projeter et de bien analyser. D’ailleurs, je rappelle à Mme la ministre qu’elle n’a toujours pas répondu à la question de l’incidence éventuelle sur SNCF Réseau du retour à l’État des biens des EPIC.
Je partage ce qui vient d’être dit sur l’écotaxe. Effectivement, il existe en Europe, notamment en Suisse et en Allemagne, des dispositifs non dénués d’effets de report.
Nous connaissons tous le débat, et je respecte la position de mes collègues, souvent issus de l’ouest de la France, qui sont très sensibles à la question des coûts de transport. Reste que les usagers du fret ferroviaire paient les infrastructures, contrairement à ceux du fret routier. Si l’on veut améliorer la qualité de l’air, il faudra bien évoquer ce sujet un jour, mais dans une vision territoriale et apaisée. En tout état de cause, je ne crois pas que c’est au détour d’un amendement que nous pourrons envisager un dispositif respectueux des territoires.
Par ailleurs, je m’inscris en faux contre un rapprochement hâtif des dates : l’ouverture à la concurrence du fret n’a pas eu les mêmes conséquences partout. En Allemagne, avec les mêmes dates, elle s’est traduite par une augmentation du fret ferroviaire. Il faut donc chercher ailleurs l’explication de l’effondrement du fret ferroviaire français. Là encore, ce n’est pas au travers d’un simple amendement que nous changerons la situation. Mme la ministre nous a proposé un plan d’action. Je vous invite, mes chers collègues, à soutenir cette démarche.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’article L. 2111-25 du code des transports est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le calcul des redevances d’infrastructure mentionnées au 1° de l’article L. 2111-24 tient notamment compte du coût de l’infrastructure, de la situation du marché des transports et des caractéristiques de l’offre et de la demande, des impératifs de l’utilisation optimale du réseau ferré national, de la nécessité de permettre le maintien ou le développement de dessertes ferroviaires pertinentes en matière d’aménagement du territoire et de l’harmonisation des conditions de la concurrence intermodale ; il tient compte, lorsque le marché s’y prête, et sur le segment de marché considéré, de la soutenabilité des redevances et de la valeur économique, pour l’attributaire de la capacité d’infrastructure, de l’utilisation du réseau ferré national et respecte les gains de productivité réalisés par les entreprises ferroviaires. Tant que le coût complet du réseau n’est pas couvert par l’ensemble de ses ressources, SNCF Réseau conserve le bénéfice des gains de productivité qu’il réalise. Les principes et montants des redevances peuvent être fixés de façon pluriannuelle, sur une période ne pouvant excéder cinq ans. » ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En vue d’assurer les dessertes ferroviaires pertinentes en matière d’aménagement du territoire, le niveau des redevances ne saurait exclure l’utilisation de l’infrastructure sur certains segments de marché par des opérateurs qui peuvent au moins acquitter le coût directement imputable à l’exploitation du service ferroviaire sur ces segments, plus un taux de rentabilité si le marché s’y prête. »
L’article 1er bis, introduit dans le texte par un amendement du Gouvernement, prévoit la modulation des péages ferroviaires pour tenter de résoudre un problème de péréquation, qui, en vérité, découle de la logique dans laquelle la loi nous entraîne et risque de mettre en très grande difficulté les lignes dites « déficitaires », soit, selon le rapport Spinetta, 70 % de toutes les lignes.
Or, à nos yeux, les dispositions prévues dans le projet de loi ne permettront pas de garantir le financement de ces lignes. Il en résultera même un système extrêmement complexe et pervers, avec, d’un côté, l’introduction de la notion de paiement du coût complet, laquelle entraînera une augmentation très importante des péages, donc des tarifs, et, de l’autre côté, la possibilité de revenir sur cette disposition pour permettre de financer et d’équilibrer toutes les lignes.
Cette véritable usine à gaz sera extrêmement difficile à gérer et, au final, ne résoudra pas les problèmes d’équilibre de l’ensemble des lignes. D’ailleurs, l’ARAFER a alerté à plusieurs reprises sur les risques de ce système, susceptible de déboucher à la fois sur l’explosion des péages et sur un équilibre difficile pour un nombre grandissant de lignes.
Il faudrait retravailler différemment l’unicité et l’efficacité de l’entreprise, alors que le projet de loi conduit à l’inverse, et continuer à débattre des questions de financement.
Madame la ministre, les propos que vous venez de tenir sur l’épargne sont particulièrement inquiétants. Il faut nous expliquer comment vous allez procéder pour résoudre, en France comme en Europe, les immenses problèmes de la transition écologique sans avance de financement, sans crédit, sans épargne, singulièrement dans le domaine du ferroviaire. Résoudre ces difficultés par le seul autofinancement selon des logiques de marchés est totalement impossible. Vous le savez pertinemment.
… que le transport ferroviaire ne peut pas bénéficier d’un crédit à taux zéro.
L’amendement n° 50, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Cet amendement de suppression vient en grande partie d’être défendu par mon collègue Pierre Laurent.
L’article 1er bis sera utile pour permettre une modulation tarifaire en fonction des enjeux d’aménagement du territoire. Cependant, ce mécanisme ne suffira pas, à lui seul, à assurer le maintien de toutes les dessertes de TGV existantes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons prévu d’autres mécanismes dans le texte de la commission.
De fait, je pense que nous sommes tous ici fortement préoccupés par l’aménagement du territoire, ce qui est tout à fait normal, puisque nous sommes de grands défenseurs des territoires. Il faut faire en sorte que l’ensemble des TGV irriguent le territoire avec des dessertes directes, sans correspondance.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Monsieur le sénateur, l’ouverture à la concurrence va se faire ! Elle a été décidée sous le quinquennat précédent et elle est prévue, pour les TGV, en décembre 2020.
On pourrait ne rien faire, ne rien changer, garder le système de péage tel qu’il existe aujourd’hui, avec la menace qui pourrait en résulter pour un certain nombre de dessertes, auxquelles le Gouvernement est attaché. C’est bien parce que nous sommes attachés à la desserte de nos territoires par le TGV et que, par ailleurs, nous pensons qu’une ouverture à la concurrence, sous forme de franchises, aurait été beaucoup plus violente pour la SNCF que nous avons proposé ce système, qui conduit à procéder à une péréquation, celle qui existe actuellement pour les comptes de l’activité TGV, au travers des péages.
Dans le même temps, le Gouvernement souhaite soutenir le développement du transport ferroviaire. Alors que le contrat entre l’État et SNCF Réseau signé par le précédent gouvernement prévoyait, outre une augmentation des péages pour le fret de 10 % par an, une hausse de 4 % à 5 % des péages pour les TGV, nous pensons, comme l’a annoncé le Premier ministre vendredi dernier, qu’il faut avoir une approche beaucoup plus raisonnable de ces hausses de péage pour favoriser le développement du transport ferroviaire.
Par conséquent, en accord avec l’ARAFER, qui souscrit tout à fait à l’intérêt de ce dispositif, le Gouvernement souhaite utiliser la péréquation au sein des péages afin d’assurer le maintien de la desserte de nos villes moyennes, au-delà des lignes à grande vitesse et des seules métropoles.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Nous ne pouvons qu’apprécier la mise en place d’un mécanisme de modulation, qui est gage, pour un certain nombre de territoires, de la pérennité d’une desserte de TGV.
En revanche, s’agissant du financement, puisque M. le rapporteur vient de dire que les lignes ne seront pas toutes garanties par le mécanisme en question, je voudrais souligner une contradiction. En effet, nous voyons très bien comment nous pourrions maintenir ces dessertes, en nous retournant vers les régions et en leur demandant de mettre la main à la poche. Dans le même temps, le Gouvernement impose à l’ensemble des collectivités de respecter un objectif de dépenses incompatible avec ces enjeux.
Je souhaitais vous faire part de mon inquiétude sur cet aspect.
Je ne soutiendrai pas non plus cet amendement de suppression de l’article.
Chercher des solutions pour atteindre les objectifs d’aménagement du territoire me semble particulièrement important. Si je suis assez critique, voire très critique, sur certains aspects du texte, on ne peut pas dire qu’il n’engage pas de réflexion ou qu’il ne contient pas de proposition concernant l’aménagement du territoire. Simplement, pour faire écho à ce qui vient d’être dit, on sait que cela ne suffira pas.
Je n’ai pas voulu intervenir concernant le refinancement du fret ferroviaire, mais je souhaite insister sur les enjeux de financement du trafic passager, qui nécessitera une péréquation nationale et, sans doute, une nouvelle recette.
Puisque nous sommes aujourd’hui dans un cadre où nous pouvons inventer de nouvelles recettes, n’oublions pas, dans cette concurrence faussée relative aux émissions de gaz à effet de serre, que le transport aérien ne paye rien.
À l’heure actuelle, la Suède met en place une taxe sur le transport aérien domestique, parce que c’est possible. En revanche, pour ce qui concerne le transport aérien international, les conventions internationales de Chicago et de Washington interdisent de telles dispositions.
Si l’on veut que la SNCF redevienne concurrentielle, on ne peut pas continuer à avoir, en France, un transport aérien domestique qui n’est soumis à aucune taxe liée aux émissions de CO2. Ainsi, une famille moyenne ayant les moyens de prendre l’avion ne paye pas ses émissions de CO2, alors qu’une famille qui traverse la France en voiture y est de plus en plus contrainte par le biais de la contribution climat-énergie, que je défends par ailleurs.
Il faudra mener une vraie réflexion sur une recette passagers permettant d’atteindre les objectifs d’aménagement du territoire.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Keller, MM. Huré, Courtial, Morisset, Grosdidier, D. Laurent, Reichardt, Paccaud et Lefèvre, Mme A.M. Bertrand, MM. Bonhomme et Kennel, Mme L. Darcos, MM. Cuypers, Perrin, Raison, Bouchet, Bonne, Savin et Gremillet, Mme Garriaud-Maylam et M. Pointereau, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
, de la nécessité de permettre le maintien ou le développement de dessertes ferroviaires pertinentes en matière d’aménagement du territoire et de l’harmonisation des conditions de la concurrence intermodale ;
par les mots :
et de l’harmonisation des conditions de la concurrence intermodale ; il tient également compte de la nécessité de tenir les engagements de desserte par des trains à grande vitesse pris par l’État dans le cadre de la construction des lignes à grande vitesse et de permettre le maintien ou le développement de dessertes ferroviaires pertinentes en matière d’aménagement du territoire ; enfin,
La parole est à Mme Fabienne Keller.
L’article 1er bis tend à définir le calcul des redevances d’infrastructure, soit le prix du sillon.
De nombreuses collectivités territoriales situées en deçà ou au-delà du tracé des lignes à grande vitesse ont participé à leur financement, en échange d’une desserte de leur gare par des trains à grande vitesse permettant aux usagers d’éviter des ruptures de charge. Je fais référence aux deux cent trente gares desservies aujourd’hui.
Le présent amendement a pour objet de sécuriser ces dessertes en indiquant que le calcul des redevances d’infrastructure perçues par SNCF Réseau doit prendre en compte la nécessité pour l’État de respecter les engagements pris lors de la construction des lignes à grande vitesse à l’égard des collectivités territoriales concernées.
En résumé, il s’agit de prévoir une obligation non pas de moyen, mais de résultat en termes de dessertes, pour ce qui concerne les ajustements des redevances d’infrastructure.
Le sous-amendement n° 130 rectifié septies, présenté par M. Brisson, Mme Troendlé, M. Mouiller, Mme Bonfanti-Dossat, M. Pellevat, Mme Micouleau, M. Grand, Mme Berthet, MM. Revet, Danesi, Laménie et Savary, Mme Imbert et M. Husson, est ainsi libellé :
Amendement n° 2, alinéa 5
Après les mots :
construction de lignes à grande vitesse
insérer les mots :
, y compris pour les gares devant être desservies par le prolongement des lignes nouvelles dont la réalisation a été reportée et qui dans l’attente le demeurent par des trains à grande vitesse utilisant les voies existantes,
La parole est à M. Marc Laménie.
Ce sous-amendement à l’amendement défendu par Mme Keller a été rédigé sur l’initiative de notre collègue Max Brisson et de plusieurs d’entre nous. Il se justifie par son texte même.
L’amendement n° 166 rectifié, présenté par M. Bonhomme, Mmes Bruguière et Micouleau, MM. Pellevat, Paccaud et Mouiller, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Courtial, Sido et Savary, Mmes Di Folco, de Cidrac, Gruny et Duranton, MM. Daubresse, Duplomb, Revet, Pierre et Bonne, Mme Lamure, MM. Bouchet et Savin, Mme Bories, M. B. Fournier, Mmes Garriaud-Maylam et Puissat, MM. Gremillet et Grosdidier, Mme Imbert et MM. Lefèvre, H. Leroy et Pointereau, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
, de la nécessité de permettre le maintien ou le développement de dessertes ferroviaires pertinentes en matière d’aménagement du territoire et de l’harmonisation des conditions de la concurrence intermodale ;
par les mots :
et de l’harmonisation des conditions de la concurrence intermodale ; il tient également compte de la nécessité de tenir les engagements de desserte par des trains à grande vitesse pris par l’État dans le cadre de la construction des lignes à grande vitesse et de veiller à la fois au maintien et au développement de dessertes ferroviaires pertinentes en matière d’aménagement du territoire ; enfin,
La parole est à M. François Bonhomme.
Nombreuses sont les collectivités territoriales situées en deçà ou au-delà du tracé de lignes à grande vitesse à avoir contribué à leur financement, afin de garantir la desserte de leur gare par des trains à grande vitesse et, par là même, d’éviter les potentielles ruptures de charge dont pourraient souffrir leurs usagers.
Le présent amendement entend sécuriser lesdites dessertes, en précisant que le calcul des redevances d’infrastructure perçues par SNCF Réseau devra prendre en compte la nécessité pour l’État de respecter les engagements pris lors de la construction des lignes à grande vitesse à l’égard des collectivités territoriales concernées.
L’amendement n° 40, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
et de l’harmonisation des conditions de la concurrence intermodale
par les mots :
, des missions de service public retenues par la collectivité et de l’intérêt social et environnemental de son utilisation
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Le présent amendement, déjà présenté par notre groupe lors de la discussion de la loi de 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires, vise à prendre en compte dans le calcul des redevances d’infrastructure les missions de service public retenues par la collectivité, mais aussi l’intérêt social et environnemental de leur utilisation.
Alors que le présent article reprend uniquement l’idée d’une modulation en fonction de l’intérêt des lignes en matière d’aménagement du territoire, nous souhaitons élargir les critères de définition du niveau de péage. Selon nous, le calcul de la redevance devrait varier en fonction non seulement de l’utilité des lignes, mais également du caractère plus ou moins énergivore du train. Ainsi, l’utilisation de matériel de traction diesel par certains opérateurs sur des lignes électrifiées pourrait être pénalisée en augmentant les péages, tandis que celle de rames de TGV à deux étages, moins consommatrices de sillons, pourrait être encouragée par une minoration de ces péages.
Je le rappelle, la modulation des péages avait été proposée dans le cadre d’un rapport d’information sur les infrastructures de la commission des affaires économiques remontant à 2007, rapport qui avait été adopté à l’unanimité.
Aujourd’hui, le présent article s’appuie également sur l’idée d’une modulation, mais simplement pour attirer de nouveaux opérateurs. Nous pensons que la possibilité de modulation pour raisons écologiques s’avère indispensable pour optimiser la gestion des flux et l’utilisation des réseaux.
Le rapporteur a par moment une mission difficile… Sa préoccupation est de conserver une formulation générale, pour ne pas introduire dans la loi des discriminations entre les dessertes fragiles du réseau de TGV, quelle que soit leur situation.
Je comprends la volonté de défendre son territoire, et je comprends donc le sens des amendements quasi identiques n° 2 rectifié de Mme Keller et n° 166 rectifié de M. Bonhomme, qui visent à ajouter aux critères pris en compte pour les redevances du réseau « la nécessité de tenir les engagements de desserte par des trains à grande vitesse pris par l’État dans le cadre de la construction des lignes à grande vitesse ».
Dès lors que la problématique des dessertes visées par les auteurs de ces amendements est d’ordre tarifaire, ces amendements sont pleinement satisfaits par le critère du maintien ou du développement de dessertes pertinentes en matière d’aménagement du territoire, déjà prévu par l’article 1er bis. Si le problème pour ces dessertes n’est pas d’ordre tarifaire, un tel ajout n’aura aucune portée. Il ne revient pas à l’outil tarifaire de résoudre des problèmes plus généraux entre des collectivités territoriales et l’État quant au respect d’engagements, dont la forme n’est d’ailleurs pas précisée.
En tout état de cause, cet ajout sera sans doute inapplicable pour le gestionnaire d’infrastructure et l’autorité de régulation, car je ne vois pas comment ils pourront se référer à des éléments objectifs et précis. Cela ne remet pas en cause le bien-fondé de ces amendements, qui témoignent de l’inquiétude des élus locaux dans certains territoires quant à la cohérence dans le temps des décisions de l’État sur les lignes à grande vitesse. Nous comprenons parfaitement le message politique ici exprimé, mais il nous semble inopérant sur le plan technique.
La commission demande donc le retrait de ces deux amendements ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
Quant au sous-amendement n° 130 rectifié septies de M. Brisson, il vise à compléter l’amendement de Mme Keller, en mentionnant les gares devant être desservies par le prolongement de lignes nouvelles dont la réalisation a été reportée et qui, en attendant, sont desservies par des trains à grande vitesse utilisant les voies existantes.
Nous ne pensons pas que le législateur, a fortiori le Sénat, ait à introduire de telles distinctions dans la loi. Que penseront les élus de tous les territoires dont la desserte n’était pas prévue via une LGV ? Ils pourront avoir l’impression légitime d’être oubliés par le législateur.
Si nous visons des situations particulières sans être exhaustifs, nous allons susciter de nouvelles demandes, car certains élus ou concitoyens auront légitimement l’impression d’avoir été oubliés ou lésés. Pourquoi ne pas viser les dessertes situées en zone de montagne ou encore en zone de revitalisation rurale ? Privilégions la concision dans la loi, pour ne pas susciter de malentendus ni créer de discriminations entre territoires.
La commission demande donc le retrait de ce sous-amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je suis un peu gêné d’émettre un tel avis sur des amendements que je comprends fort bien. Toutefois, je ne voudrais pas, en tant que rapporteur, que soient introduites des discriminations entre les territoires.
Concernant l’amendement n° 40, la commission en demande également le retrait ; à défaut elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
Je comprends parfaitement le sens de votre amendement, madame Keller. Il faudra bien évidemment que les engagements de dessertes pris notamment dans le cadre des conventions de financement d’un certain nombre de lignes à grande vitesse soient respectés. Tel est d’ailleurs le sens de la péréquation qui est proposée.
Selon moi, la précision, a fortiori celle qui figure dans le sous-amendement, va trop loin. La péréquation doit permettre l’équilibre de la plupart des dessertes. Le cas échéant, tel est bien le sens des compléments qui ont été apportés par la commission, il faudra prévoir un conventionnement.
Aller à ce niveau de détail sur les obligations concernant la tarification risque d’être inopérant. En tout cas, je peux prendre l’engagement que le travail que nous mènerons avec l’ARAFER visera bien à combiner une péréquation, dans la limite de ce que nous imposent les règles européennes, c’est-à-dire la tarification au coût marginal, et un éventuel conventionnement. Cela devrait conduire à maintenir les dessertes lorsque des engagements ont été pris dans le cadre des financements des lignes à grande vitesse.
Je demande donc le retrait des amendements n° 2 rectifié et 166 rectifié ; à défaut, l’avis sera défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 40, j’en demande également le retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Je soutiens ces deux amendements, et je suis un peu surpris de la position de M. le rapporteur.
Dans un certain nombre de régions, et je veux notamment évoquer la région Grand Est, le TGV n’est apparu que grâce à un financement très important des collectivités. Vous connaissez très bien, madame la ministre, le montant de leur investissement.
J’ai bien compris vos propos, monsieur le rapporteur. Toutefois, je souligne que ces amendements visent non pas à ouvrir de nouvelles possibilités, mais à faire respecter un engagement. Il n’est pas imaginable qu’à court ou moyen terme on demande à ces collectivités de cofinancer le maintien de dessertes, qu’il s’agisse d’arrêts sur la LGV ou de gares situées dans son prolongement, pour lesquelles elles ont déjà contribué.
Je représentais à l’époque la région Lorraine dans les négociations – je me tourne vers Fabienne Keller, avec qui je siégeais –, et je vous assure qu’il serait très lourd de conséquences de renier un engagement ayant permis d’aboutir à une véritable coconstruction de ces lignes à grande vitesse et de ces dessertes.
Vous avez fait un premier pas, madame la ministre, mais il vous faut être plus claire. Nous avons besoin de certitudes s’agissant du respect des engagements compte tenu des financements très importants des collectivités en faveur des lignes à grande vitesse et des dessertes.
La question soulevée par ces amendements est tout à fait intéressante.
Madame la ministre, lorsque vous dites que l’équilibre financier de la plupart des dessertes devrait être satisfait par la modulation des péages, cela sous-entend que certaines d’entre elles ne seront pas en équilibre financier. Selon le chiffre qui avait été donné lors de votre audition par M. Maurey, une ligne sur six ne trouverait pas son équilibre financier dans le cadre du dispositif de modulation des péages, sachant que vous aviez également annoncé ce jour-là que la moitié des LGV actuelles ne seraient pas en équilibre, d’où l’idée d’un conventionnement.
Qui déterminera les segments bénéficiant d’une modulation des péages ? A priori, ce sera le gestionnaire d’infrastructure. Selon moi, il faut un contrôle démocratique de cette question, ce que nous proposerons par une programmation de la notion de desserte d’intérêt national, et un vrai débat sur cette question.
J’ai bien compris la position de M. le rapporteur et de Mme la ministre, selon lesquels ces questions seraient partiellement satisfaites par certaines dispositions du texte. Néanmoins, il me paraît utile d’approfondir la problématique d’un aménagement du territoire équilibré et du respect des engagements et de la parole donnée. Notre groupe votera donc ces amendements.
Je voterai également ces amendements, pour les raisons que Daniel Gremillet vient d’exposer.
Madame la ministre, vous nous dites que la question se réglera dans le cadre de la modulation. Si celle-ci constitue peut-être une réponse financière, elle n’apporte aucune garantie concernant le maintien des dessertes. Si les collectivités territoriales ont mis la main à la poche, c’était pour obtenir une garantie.
Élu de Bretagne, je me souviens des discussions – je me tourne vers mon collègue Louis-Jean de Nicolaÿ – sur le maintien de la desserte du Mans. Je me souviens également du débat que nous avons eu au sujet du maintien des dessertes de Laval et de Vitré. Les engagements pris à l’époque par la SNCF doivent être, d’une façon ou d’une autre, totalement garantis. Ils ne sauraient être remis en cause.
Selon moi, ces amendements sont les bienvenus. Il sera toujours temps de faire évoluer le dispositif sur le plan juridique. À un moment donné, il faut affirmer clairement, d’une façon politique, que ce qui a été décidé ne peut pas être remis en cause.
Je serai bref, car mon collègue Olivier Jacquin s’est exprimé au nom du groupe.
Personnellement, je trouve ces amendements intéressants, et je souhaite que les membres encore présents du groupe socialiste les votent.
J’ai un peu de mal, monsieur le rapporteur – j’espère que vous me le pardonnerez –, avec le terme de « discrimination ». J’ai au contraire le sentiment qu’il s’agit d’une double peine.
Pendant longtemps, des territoires n’ont pas été desservis par les TGV. Pour être desservis, ils ont dû les financer, alors que tel n’était pas le cas pour les premières lignes. Pourquoi ne leur accorde-t-on pas une sécurité sur les engagements qu’ils ont obtenus en contrepartie des financements qu’ils ont apportés ?
Je connais bien le TGV Est, et je sais que les dessertes ont été ainsi inscrites dans la déclaration d’utilité publique, pour les sécuriser. Pour d’autres lignes, ce sont probablement des formes juridiques analogues qui ont été retenues.
Je veux également vous dire, monsieur le rapporteur, qu’il est écrit dans mon amendement : « ou le développement de dessertes ferroviaires pertinentes en matière d’aménagement du territoire. » Je n’ai donc rien retiré aux territoires qui bénéficient de dessertes sur d’autres lignes. Je me suis simplement permis d’ajouter la notion de contrepartie à des financements accordés.
J’évoquerai le sous-amendement déposé par Max Brisson et soutenu par Marc Laménie. M. Brisson se préoccupe de la ligne Tours-Bordeaux, financée par des collectivités comme la communauté d’agglomération Pau-Béarn-Pyrénées ou le département des Pyrénées-Atlantiques, à la condition qu’il y ait des TGV qui passent la gare de Bordeaux et aillent jusqu’à son territoire en termes de dessertes, sans rupture de charge. Il évoque également le rapport Duron, qui a reporté aux calendes grecques, concrètement à 2038, le prolongement de la ligne attendue par ces territoires. Or les financements avaient été obtenus dans cet espoir !
Même si je ne suis pas certaine de vous convaincre, je veux préciser que, s’agissant du TGV Est, la SNCF a signé un engagement de desserte au moment du montage du dossier. A priori, l’ouverture à la concurrence ne va pas la conduire à déchirer cet engagement. Elle ne pourrait en être déliée que si elle démontrait que l’évolution de la concurrence, par exemple l’arrivée d’un opérateur qui écrémerait le marché sur cette ligne, la met dans l’impossibilité de respecter ses engagements.
Je le redis, la SNCF ne sera pas déliée de ses engagements à partir du mois de décembre 2020, au motif qu’il y a une ouverture à la concurrence.
Vous l’avez compris, nous aurions pu faire un choix plus radical, en proposant des franchises. C’est une méthode très violente d’ouverture à la concurrence, que le Gouvernement a souhaité écarter, aucun de nos voisins n’y ayant eu recours. Cela aurait pu conduire à attribuer toutes les dessertes à un seul opérateur. Par exemple, le TGV Est et ses branches auraient pu aller à la Deutsche Bahn et la ligne Paris-Lyon et ses branches à l’opérateur italien Trenitalia.
Nous avons essayé de trouver une organisation qui ne soit pas trop brutale pour notre opérateur historique et permette de garantir les engagements pris. Nous continuerons à travailler et à rassurer. Quoi qu’il en soit, l’objectif est clair : les engagements pris doivent être tenus.
Le sous-amendement est adopté.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, les amendements n° 166 rectifié et 40 n’ont plus d’objet.
Mes chers collègues, nous avons examiné 78 amendements au cours de la journée, soit un rythme de 10 amendements par heure ; il en reste 166.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 31 mai 2018, à dix heures trente, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :
Deux conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
– Projet de loi autorisant l’adhésion de la France à la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale pour son application à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, et dans les Terres australes et antarctiques françaises (n° 97, 2016-2017) ;
Rapport de M. Robert Laufoaulu, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 498, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 499, 2017-2018).
– Projet de loi autorisant la ratification du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur les interprétations et exécutions audiovisuelles (n° 211, 2014-2015) ;
Rapport de M. Richard Yung, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 496, 2017 2018) ;
Texte de la commission (n° 497, 2017-2018).
– Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire (n° 435, 2017-2018) ;
Rapport de M. Gérard Cornu, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 494, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 495, 2017-2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le jeudi 31 mai 2018, à une heure vingt-cinq.
Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a présenté une candidature pour la mission d ’ information sur la réinsertion des mineurs enfermés.
Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai prévu par l ’ article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Maryse Carrère est membre de la mission d ’ information sur la réinsertion des mineurs enfermés, en remplacement de Mme Véronique Guillotin, démissionnaire.