La commission désigne M. François-Noël Buffet rapporteur sur la proposition de nomination de Mme Jacqueline Gourault, candidate proposée par le Président de la République, et de M. François Seners, candidat proposé par le président du Sénat, aux fonctions de membres du Conseil constitutionnel ainsi que de M. Julien Boucher, candidat proposé par le Président de la République, aux fonctions de directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
Sont désignés membres de la mission d'information sur la question migratoire M. François-Noël Buffet, rapporteur, M. André Reichardt, M. Jean-Yves Leconte, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mme Éliane Assassi, Mme Maryse Carrère, M. Dany Wattebled et M. Guy Benarroche.
Sont désignés membres de la mission d'information sur la mise en oeuvre des dispositifs créant les métropoles de Lyon et d'Aix-Marseille-Provence M. Mathieu Darnaud et Mme Françoise Gatel, rapporteurs, Mme Agnès Canayer, M. Jean-Pierre Sueur, M. Ludovic Haye, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Yves Roux, M. Alain Marc et M. Guy Benarroche.
Nous examinons les amendements de séance au texte de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte et la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte. Nous commençons par l'examen d'un amendement du rapporteur sur la proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
EXAMEN DE L'AMENDEMENT DU RAPPORTEUR
Article 6
L'amendement n° 1 vise à corriger une erreur matérielle.
L'amendement n° 1 est adopté.
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
EXAMEN DE L'AMENDEMENT DU GOUVERNEMENT
Article 1er bis
Par l'amendement n° 1, le Gouvernement propose de lever le gage afin que le nouvel adjoint du Défenseur des droits, chargé de l'accompagnement des lanceurs d'alerte, puisse être rémunéré pour l'exercice de ces fonctions. Mon avis est favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1.
La commission désigne M. François-Noël Buffet rapporteur sur la recevabilité de la demande d'attribution des prérogatives d'une commission d'enquête à la commission des affaires sociales pour mener une mission d'information sur le contrôle des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.
La commission des affaires sociales a demandé l'attribution des prérogatives de commission d'enquête pour une mission d'information portant sur « le contrôle des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) », pour une durée de six mois.
Cette demande a été examinée par la Conférence des présidents le 8 février dernier, et inscrite à l'ordre du jour du Sénat sous réserve de sa recevabilité par la commission des lois, comme le prescrit l'article 22 ter de notre Règlement.
Je constate, en premier lieu, que cette demande détermine avec précision l'objet et la durée de la mission, laquelle n'excède pas six mois, et, en second lieu, qu'elle respecte l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. En effet, elle n'a pas pour effet d'octroyer des prérogatives de commission d'enquête sur un objet pour lequel elles ont déjà été octroyées à une commission pour des travaux achevés depuis moins de douze mois ; ou sur lequel une commission d'enquête a achevé ses travaux depuis moins de douze mois.
En outre, elle concerne la gestion de services publics, puisque la commission des affaires sociales devrait faire porter ses investigations sur la façon dont les pouvoirs publics, en particulier les agences régionales de santé (ARS), exercent leurs prérogatives de contrôle sur les Ehpad, sujet dont vous connaissez l'actualité.
Je vous invite donc à constater la recevabilité de cette demande de la commission des affaires sociales, sans qu'il soit nécessaire d'interroger le garde des sceaux.
La commission constate la recevabilité de la demande d'attribution des prérogatives d'une commission d'enquête à la commission des affaires sociales pour mener une mission d'information sur le contrôle des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Nous examinons maintenant le rapport de Catherine Belrhiti sur la proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l'art, déposée par Catherine Morin-Desailly et plusieurs de nos collègues, qui nous revient en seconde lecture.
La première lecture de ce texte remonte au mois d'octobre 2019. Notre ancienne collègue Jacky Deromedi était alors rapporteur, et je veux lui rendre hommage pour le travail considérable qu'elle a accompli.
Le calendrier d'examen de ce texte a été fortement perturbé par l'épidémie de covid-19. La commission des lois de l'Assemblée nationale l'a examiné dès le mois de février 2020, mais les députés n'ont adopté le texte en séance publique que la semaine dernière.
Quelques mots pour vous remettre en mémoire le contenu de ce texte.
Malgré son intitulé, cette proposition de loi ne traite ni de l'intégralité du marché de l'art ni seulement du marché de l'art. Elle porte sur le système de régulation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, qui concerne aussi bien des oeuvres d'art que toutes sortes d'objets mobiliers, y compris des machines industrielles et même des animaux, notamment des chevaux.
La vente volontaire de meubles aux enchères, qui était autrefois le monopole d'une catégorie d'officiers ministériels, les commissaires-priseurs, a été progressivement libéralisée depuis le début des années 2000, sous l'effet du droit européen.
La profession de commissaire-priseur a donc été scindée en deux, avec, d'un côté, les opérateurs de ventes volontaires, et, de l'autre, les commissaires-priseurs judiciaires, qui restent seuls compétents pour réaliser les ventes dites judiciaires, c'est-à-dire à la fois les ventes forcées et les ventes ordonnées ou autorisées en justice. À compter du 1er juillet prochain, les commissaires-priseurs judiciaires seront réunis avec les huissiers de justice pour former une seule profession, celle de commissaire de justice.
L'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères, quant à elle, s'exerce désormais librement, sous réserve de satisfaire à certaines conditions de nationalité, d'honorabilité et de qualification, et à celle de s'être préalablement déclaré auprès du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (CVV), qui est l'autorité de régulation du secteur.
L'objet principal de la proposition de loi est de réformer cette autorité de régulation.
Rebaptisée « Conseil des maisons de vente », l'autorité verrait ses missions précisées et élargies, notamment en ce qui concerne la promotion de l'activité de ventes aux enchères, l'information sur la réglementation applicable et la prévention des différends.
La composition du collège serait profondément modifiée. Alors que le Conseil des ventes volontaires actuel est exclusivement composé de membres nommés, dont quatre magistrats judiciaires, administratifs ou financiers parmi lesquels est choisi le président, la proposition de loi prévoit que le collège du Conseil des maisons de vente soit désormais constitué en majorité de membres élus par la profession et de manière à assurer une juste représentation des territoires.
Le texte adopté par le Sénat prévoyait que le président soit désigné par le ministre de la justice parmi les membres du collège et sur proposition de celui-ci. Dans un souci d'équilibre, les députés ont estimé préférable que le président soit choisi parmi les membres nommés, et ils ont supprimé le pouvoir de proposition du collège. C'est un choix que l'on peut comprendre et que je vous proposerai d'entériner.
Enfin, la proposition de loi prévoit de modifier sensiblement les conditions d'exercice, par le Conseil, de sa fonction disciplinaire. Sur ce point, la position de l'Assemblée nationale a beaucoup évolué entre l'examen en commission et le passage en séance.
Initialement, les députés avaient prévu d'ôter au Conseil des maisons de vente son pouvoir disciplinaire, pour le transférer au tribunal judiciaire de Paris. L'autorité de régulation sectorielle aurait ainsi été privée de l'une de ses compétences les plus importantes. Mais les députés se sont ravisés, et ils ont rétabli en séance publique un texte dont la rédaction est très proche de celle du Sénat. Je vous en rappelle brièvement la teneur : le pouvoir disciplinaire serait désormais exercé par un organe distinct du collège, dénommé « commission des sanctions » ; l'instruction des dossiers et l'exercice des poursuites disciplinaires seraient confiés à un magistrat de l'ordre judiciaire, assisté d'un ancien professionnel du secteur ; enfin, le régime des sanctions serait revu, avec, notamment, l'introduction d'une sanction pécuniaire.
La principale modification apportée par les députés consiste à prévoir que, lorsqu'aucune procédure disciplinaire n'est engagée, c'est le président du Conseil des maisons de vente lui-même, et non le président de la commission des sanctions, qui dispose du pouvoir de suspendre temporairement l'activité d'un professionnel, à titre conservatoire. Cette modification me paraît bienvenue. L'article 1er, qui constitue le coeur du texte, me paraît donc pouvoir être adopté en l'état.
Les autres articles de la proposition de loi résultent, pour la plupart d'entre eux, d'ajouts apportés par notre commission des lois, à l'initiative de Jacky Deromedi. Au-delà de la réforme de l'autorité de régulation du secteur, il avait paru opportun de profiter de ce véhicule législatif pour moderniser le régime des ventes volontaires et aider ainsi nos maisons de vente à affronter la concurrence internationale et à reconquérir le terrain perdu au fil des années. Je vous rappelle, en effet, que Paris était, dans les années 1950, la capitale mondiale des ventes aux enchères. Aujourd'hui, notre pays n'occupe plus que le sixième rang mondial, avec environ 6 % du volume des ventes dans le secteur des objets d'art et de collection.
Plusieurs de ces dispositions ont été adoptées conformes par l'Assemblée nationale. Ainsi, l'article 1er bis, introduit à l'initiative du président Jean-Pierre Sueur, autorise les opérateurs de ventes volontaires à réaliser des inventaires « fiscaux » ; l'article 3 étend aux meubles incorporels le régime légal des ventes volontaires de meubles aux enchères ; l'article 7 autorise le regroupement du livre de police et du répertoire des procès-verbaux ; l'article 8, enfin, inscrit dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux conditions de résolution de la vente après folle enchère.
Concernant les autres dispositions du texte, les députés n'y ont apporté que des modifications assez minimes.
Certes, ils ont supprimé l'article 1er A, introduit à l'initiative de Jean-Pierre Sueur, qui prévoyait de supprimer dans l'ensemble de la législation l'appellation d' « opérateur de ventes volontaires », pour la remplacer par une périphrase renvoyant aux personnes physiques et morales remplissant les conditions pour exercer cette activité. Même si l'on peut regretter cette suppression, l'article 2 prévoit de faire renaître le titre protégé de « commissaire-priseur » au bénéfice des personnes physiques qui réalisent des ventes. Les députés ont précisé la rédaction de cet article, sans en modifier la portée. En ce qui concerne les personnes physiques, le titre de « commissaire-priseur » pourra donc être préféré à l'appellation d' « opérateur de ventes volontaires » dans l'usage courant.
L'article 4, dans la rédaction adoptée par le Sénat, visait à supprimer le monopole légal des commissaires de justice sur les ventes ordonnées ou autorisées en justice, tout en laissant le soin au pouvoir réglementaire de déterminer au cas par cas, dans le code de procédure civile, lesquelles de ces ventes pourraient être réalisées par un opérateur de ventes volontaires. L'Assemblée nationale a amoindri la portée de cet article, puisqu'elle a maintenu le monopole de principe des commissaires de justice, tout en introduisant directement dans la loi une seule exception pour la vente de biens appartenant à une personne sous tutelle.
L'article 5 avait été introduit par notre commission pour mettre fin à une anomalie, à savoir le fait que, parmi les professionnels habilités à réaliser des ventes volontaires de meubles aux enchères, les notaires sont les seuls qui n'aient pas l'obligation de constituer à cet effet une société distincte de leur office. L'Autorité de la concurrence a appelé le législateur à mettre fin à cette distorsion.
Nous avions également prévu d'assujettir les notaires souhaitant réaliser des ventes aux mêmes conditions de qualification renforcées que celles qui seront désormais imposées aux commissaires de justice. En revanche, nous avions estimé légitime de dispenser de formation les notaires et commissaires de justice ayant déjà une expérience de la vente de meubles aux enchères.
À cet article, l'Assemblée nationale a supprimé, sans aucune explication, l'ensemble des dispositions relatives au notariat - je le regrette. Les députés ont en revanche maintenu, sous une forme légèrement modifiée, la dispense de formation au bénéfice des huissiers de justice, devenus commissaires de justice, ayant déjà une expérience de la vente aux enchères.
L'article 6 vise à alléger le formalisme des ventes de gré à gré. Je rappelle, en effet, que, à côté des ventes aux enchères, les opérateurs de ventes volontaires peuvent vendre des biens de gré à gré, au nom du propriétaire. Ils doivent pour cela informer préalablement le propriétaire de sa faculté de vendre le bien aux enchères, disposer d'un mandat écrit et réaliser un procès-verbal de la vente. Ce formalisme est extrêmement lourd et d'autant moins justifié que les galeristes et autres marchands d'art, par exemple, n'y sont pas soumis. Sur ce point, les députés nous proposent un compromis consistant à maintenir la double exigence d'une information préalable et d'un mandat écrit, tout en supprimant le procès-verbal. Cette proposition me semble acceptable.
Enfin, l'article 9, introduit par le Sénat à l'initiative du Gouvernement et qui vise à organiser l'accès partiel des ressortissants européens à l'activité de ventes volontaires, n'a fait l'objet que de retouches par l'Assemblée nationale.
Un seul article nouveau a été inséré par l'Assemblée nationale : l'article 1er B prévoit d'assujettir les personnes physiques qui réalisent des ventes aux enchères à une obligation de formation professionnelle continue. Je n'y vois pas d'objection.
Dans l'ensemble, le texte adopté par les députés me paraît constituer une excellente base de compromis. Malgré quelques motifs d'insatisfaction, je vous propose de l'adopter sans modification, afin de ne pas prolonger davantage la navette parlementaire. Cette réforme, très attendue par la profession, pourra ainsi voir le jour avant la fin du quinquennat.
La vie parlementaire nous réserve parfois quelques surprises : alors que nous pensions que ce texte était en quelque sorte enterré, voilà qu'il ressurgit deux ans après. Catherine Morin-Desailly se félicitera de voir sa proposition de loi adoptée. Même s'il est opportun de ne pas adopter d'amendements, permettez-moi de revenir sur plusieurs points.
Notre proposition de permettre aux « opérateurs » de ventes volontaires de pratiquer les inventaires fiscaux émane de l'excellent rapport de Mme Chaubon et de M. de Lamaze, qui fait autorité en la matière. Il est heureux que l'Assemblée nationale ait retenu cette disposition.
Selon Albert Camus, « mal nommer les choses, c'est ajouter aux malheurs du monde ». Aussi, considérant que l'appellation « opérateur » recouvrait une notion quelque peu absconse et technocratique, nous avions proposé de lui substituer les termes « personnes physiques et morales », plus empreints d'humanisme. Mais l'Assemblée nationale n'a pas été convaincue. Généraliser le terme de commissaire-priseur n'est pas tout à fait conforme à l'esprit initial du texte, mais nous n'en ferons pas une affaire...
Enfin, concernant le pouvoir disciplinaire, il est judicieux de prévoir une instance distincte du Conseil des ventes pour traiter les manquements aux règles. Il est aussi souhaitable que le président de ce conseil puisse suspendre la personne visée le temps que le conseil de discipline statue. En revanche, il est prévu que le Conseil des maisons de vente comprenne majoritairement des professionnels et minoritairement des personnes nommées. Le Sénat avait proposé que le président soit désigné parmi le collège des professionnels, mais l'Assemblée nationale a préféré que le président soit choisi parmi les membres nommés. Vous avez indiqué, madame le rapporteur, que ce choix se comprend. Je ne suis pas d'accord avec vous, car l'objet du texte est d'accroître les pouvoirs et les prérogatives des professionnels. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre position à cet égard ?
J'aimerais savoir si le droit local alsacien-mosellan sera affecté par ce texte. Vous le savez, il n'y a pas de commissaires-priseurs en Alsace-Moselle ; ce sont les notaires qui sont chargés de ces missions. Comme vous avez indiqué que l'Assemblée nationale avait supprimé des dispositions concernant le notariat, je m'interroge. Certes, l'Institut du droit local alsacien-mosellan ne m'a pas saisi, mais ce ne serait pas la première fois que l'on remet en cause le droit local par ignorance.
Monsieur Sueur, il était important de conserver un contrôle sur le fonctionnement de cette instance, dans laquelle les professionnels seront désormais majoritaires : cela représente déjà une grande avancée. Désigner le président parmi les membres nommés constitue à cet égard un bon point d'équilibre.
Monsieur Reichardt, aucune disposition spécifique n'est prévue pour l'Alsace et la Moselle. Ce texte n'aura donc aucun impact sur le droit local.
Je ne suis pas convaincu par votre argument. La position du Sénat visait à donner davantage de place aux professionnels : le président de la commission était nommé par le Gouvernement, sur proposition du collège professionnel.
Je souscris à votre analyse. Toutefois, la rédaction est le fruit d'un compromis avec nos collègues députés.
Eu égard à ses activités, cette profession est susceptible de participer à la lutte contre le blanchiment et le recel. Cette préoccupation de sécurité et de puissance publique, consubstantielle à cette activité, justifie pleinement que le président de la commission soit nommé par le garde des Sceaux parmi les membres nommés.
Il m'appartient de vous rappeler les règles de recevabilité des amendements qui résultent de l'article 45 de la Constitution.
La proposition de loi que nous examinons comportait initialement des dispositions relatives au système de régulation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. En première lecture, la commission des lois avait considéré comme recevable tout amendement relatif au régime légal de ces ventes.
En deuxième lecture, en revanche, c'est la règle dite de l'entonnoir qui s'impose : seuls les amendements présentant un lien direct avec l'une des dispositions du texte restant en discussion doivent être considérés comme recevables.
Je rappelle que les dispositions restant en discussion concernent la terminologie applicable aux opérateurs de ventes volontaires dans les textes législatifs ; la formation professionnelle continue des personnes physiques qui dirigent des ventes volontaires ; les attributions, la composition et le financement de l'autorité de régulation des ventes volontaires, ainsi que le régime des sanctions disciplinaires ; le titre porté par les personnes physiques qui dirigent des ventes volontaires ; la compétence des opérateurs de ventes volontaires pour diriger certaines ventes dites « judiciaires » ; les conditions d'exercice de l'activité de ventes volontaires par les notaires et les commissaires de justice ; le régime des ventes de gré à gré réalisées des opérateurs de ventes volontaires ; et, enfin, l'accès partiel des ressortissants européens à l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
Ce texte n'a fait l'objet d'aucun amendement. Notre rapporteur nous suggère d'adopter un texte conforme à celui qui a été adopté par l'Assemblée nationale.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er A (supprimé)
L'article 1er A demeure supprimé.
Article 1er B (nouveau)
L'article 1er B est adopté sans modification.
Article 1er
L'article 1er est adopté sans modification.
Article 2
L'article 2 est adopté sans modification.
Article 4
L'article 4 est adopté sans modification.
Article 5
L'article 5 est adopté sans modification.
Article 6
L'article 6 est adopté sans modification.
Article 9
L'article 9 est adopté sans modification.
La proposition de loi est adoptée sans modification.
Nous en venons à l'examen de la proposition de loi organique visant à garantir la qualité du débat démocratique et à améliorer les conditions sanitaires d'organisation de l'élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19 et de la proposition de loi visant à améliorer les conditions sanitaires d'organisation des élections législatives dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19, présentées par notre collègue Philippe Bonnecarrère et plusieurs de ses collègues.
Ces deux textes proposent des éléments de réponse à des questions que le pouvoir exécutif a apparemment choisi, de manière difficilement compréhensible, de ne pas aborder : à sept semaines désormais du premier tour de l'élection présidentielle, le Gouvernement n'a prévu aucune mesure pour adapter aux conditions sanitaires les modalités d'organisation des scrutins à venir, pourtant majeurs pour la vie démocratique de notre pays.
Cette absence d'anticipation est d'autant moins compréhensible que le Gouvernement, en prolongeant jusqu'au 31 juillet la possibilité d'appliquer le passe sanitaire, puis vaccinal, considère lui aussi que les circonstances sanitaires des élections à venir demeurent incertaines. Or la persistance de l'épidémie de covid-19 pourrait faire peser un risque important tant sur la participation des électeurs aux scrutins présidentiel et législatifs que sur la sécurité sanitaire des personnes chargées de les organiser.
Par ailleurs, les conséquences de l'épidémie sur le déroulement de la campagne électorale, la tenue des meetings politiques et, plus généralement, la couverture audiovisuelle de la campagne méritent également d'être posées.
Je souscris donc pleinement aux objectifs poursuivis par ces deux textes.
Je vous proposerai tout d'abord de présenter les dispositions communes à ces deux textes, visant à aménager les conditions d'organisation des élections présidentielle et législatives en fonction du contexte sanitaire, avant d'aborder la disposition, propre à la proposition de loi organique, relative aux obligations pesant sur les médias audiovisuels pendant la campagne présidentielle.
S'agissant des mesures visant à adapter les conditions d'organisation des scrutins présidentiel et législatifs au contexte sanitaire, je soulignerai tout d'abord qu'elles correspondent quasiment toutes à des mesures déjà adoptées par le Parlement et mises en oeuvre lors des élections locales et territoriales de 2020 et 2021, et qu'elles ont, le cas échéant, démontré pleinement leur intérêt et leur efficacité. Il en va ainsi de l'assouplissement des conditions de vote par procuration, qui se traduit par deux dispositions : l'ouverture du droit à la double procuration, d'une part, et la facilitation de l'établissement des procurations à domicile, d'autre part.
Comme vous le savez, le droit pour chaque mandataire d'être porteur de deux procurations établies en France avait été consacré à titre provisoire par la loi pour le second tour des élections municipales ; cette disposition avait été reconduite pour les élections départementales et régionales de juin 2021.
Cette mesure revêt un intérêt pratique indiscutable, en facilitant, pour les électeurs ne souhaitant ou ne pouvant pas se déplacer au bureau de vote le jour de l'élection, la recherche de mandataires. Très concrètement, elle permet, par exemple, à un électeur de disposer d'une procuration pour ses deux parents ou ses deux grands-parents.
Si personne, parmi les élus et les électeurs, ne conteste la pertinence d'une telle mesure, l'obstacle qu'oppose le ministère de l'intérieur est, de manière quelque peu surprenante, d'ordre technique. Le répertoire électoral unique, opérationnel depuis le 1er janvier 2022, a été paramétré pour n'accepter qu'une seule procuration établie en France. Alors que, depuis deux ans, nous faisons face à une pandémie, ce choix est curieusement déconnecté de toute considération sanitaire et pratique.
En tout état de cause, il ne revient pas au Parlement de légiférer en fonction des difficultés techniques qui se poseraient au ministère de l'intérieur en raison de son propre manque d'anticipation. Aussi vous proposerai-je d'adopter cette disposition de bon sens.
Quant à l'établissement des procurations à domicile, ses modalités sont aujourd'hui strictement encadrées : l'électeur doit accompagner sa demande d'une attestation sur l'honneur de son incapacité à se déplacer dans une brigade de gendarmerie ou dans un commissariat en raison d'une maladie ou d'une infirmité graves ; il ne peut exprimer sa demande que par écrit.
Les propositions de loi organique et ordinaire déposées par notre collègue Philippe Bonnecarrère visent à reprendre le même dispositif que celui qui a été prévu lors du second tour des élections municipales de 2020, afin d'apporter à l'électeur plus de souplesse et de simplicité par rapport au droit en vigueur. Ainsi, toutes les personnes vulnérables qui souhaitent éviter de prendre le risque d'une contamination pourront établir ou retirer une procuration depuis leur domicile. Je vous propose d'adopter également cette disposition, qui permettra d'éviter que le contexte sanitaire ne constitue un frein à la participation électorale.
Par ailleurs, afin d'éviter une trop forte concentration des électeurs dans les bureaux de vote, sous l'effet d'une mobilisation que nous espérons forte, les propositions de loi organique et ordinaire visent à ouvrir aux préfets la possibilité d'augmenter le nombre de bureaux de vote. Il s'agit là d'une mesure proposée par notre commission des lois en octobre 2020 en vue des élections départementales et régionales prévues initialement en mars 2021 ; elle avait à l'époque été adoptée par le Sénat, mais n'avais pas été reprise par l'Assemblée nationale.
Aujourd'hui, le code électoral oblige les préfets à fixer le périmètre des bureaux de vote avant le 31 août de l'année précédant le scrutin. Avec la disposition prévue par les deux propositions de loi, ils auront la possibilité, après cette date, de dédoubler, si besoin, ces bureaux de vote dans des communes qui seraient marquées par une résurgence particulière de l'épidémie. Il s'agit d'un outil supplémentaire, qui nécessitera des mesures réglementaires d'application, mais dont il serait regrettable de se passer compte tenu du contexte sanitaire qui, malgré tout, demeure incertain.
Je précise que, pour les élections départementales et régionales de l'an dernier, nous avions voté une disposition permettant au maire de déplacer le lieu du vote en extérieur, par exemple dans la cour de l'école. Je ne vous ai pas proposé de reprendre cette disposition au stade de notre examen en commission, mais nous pourrons en reparler, au besoin, d'ici la séance publique.
J'en viens à présent à la disposition propre à la proposition de loi organique, relative à la couverture audiovisuelle de la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle.
Comme vous le savez, la campagne électorale est encadrée par des conditions strictes, qui s'articulent en trois périodes. Depuis le 1er janvier et jusqu'au 7 mars, veille de la publication de la liste des candidats, les médias doivent respecter un principe d'équité dans le traitement des temps de parole et des temps d'antenne accordés aux candidats déclarés ou présumés. À partir du 8 mars et jusqu'au 27 mars, nous passerons en période dite « d'équité renforcée » pour les temps de parole et d'antenne accordés aux candidats officiels, en tenant compte des horaires de diffusion. Enfin, pendant toute la période de la campagne officielle et jusqu'au vendredi précédant le deuxième tour, les médias devront respecter un principe d'égalité stricte dans le traitement des temps d'antenne et des temps de parole des candidats.
Tout en s'inscrivant dans ce cadre, la proposition de loi prévoit de le compléter pour obliger l'ensemble des médias audiovisuels placés sous la régulation de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qui a succédé au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) le 1er janvier dernier, à consacrer, chacun, au moins quatre heures d'antenne par semaine aux débats structurant l'élection présidentielle.
L'idée de notre collègue Philippe Bonnecarrère est claire : il s'agit de compenser, par un traitement « renforcé » de la campagne électorale à la radio et à la télévision, la plus grande difficulté que rencontrent les candidats à faire campagne sur le terrain, compte tenu de la crise sanitaire, et la plus grande difficulté à mobiliser les sympathisants et les électeurs dans ce contexte.
Telle qu'elle est formulée, sa proposition de loi pose néanmoins plusieurs questions.
Tout d'abord, compte tenu de l'importance prise depuis une dizaine d'années par les chaînes d'information en continu, son objectif paraît en partie satisfait en pratique. Certes, certaines grandes chaînes généralistes - je pense notamment à TF1, à Canal+ en clair ou à M6 - se sont largement désengagées du traitement de l'actualité politique. Mais c'est notamment parce que ces chaînes appartiennent à des groupes qui ont choisi, dans le cadre de politiques éditoriales et d'organisation internes propres à chacun d'eux, de « spécialiser » certaines de leurs chaînes sur ces questions. Si l'on raisonne globalement, ou ne serait-ce que par groupe, l'objectif de consacrer au moins quatre heures par semaine à la campagne électorale est déjà largement satisfait - les chaînes d'information en continu retransmettent même désormais les grands meetings, dont les rediffusions sont également disponibles sur leur site Internet : l'information est donc bien disponible pour l'électeur qui souhaite s'informer.
De ce fait, la proposition de loi organique soulève un problème juridique. Pour s'immiscer dans la politique éditoriale et l'organisation interne des groupes, il faut un motif d'intérêt général fort. Or, comme on l'a vu, la campagne électorale bénéficie déjà d'un traitement par les médias : cela poserait problème en cas d'examen du dispositif par le Conseil constitutionnel.
J'ajoute, pour terminer, que cette proposition paraît difficile à mettre en oeuvre compte tenu de l'obligation faite à chaque chaîne d'annoncer ses grilles de programme au moins trois semaines avant leur diffusion. De plus, cela représenterait un coût pour les chaînes.
Il m'a donc semblé que cet article ne pouvait pas être adopté en l'état. Pourtant, il a le mérite de poser de vraies questions, notamment celle de la difficulté rencontrée par les candidats moins connus pour faire entendre leur voix. Il met également le doigt sur les travers d'une campagne qui se déroule, en quelque sorte, « en silo », chaque candidat faisant campagne de son côté sans que les propositions des uns et des autres ne soient véritablement débattues entre eux. Comme notre collègue Philippe Bonnecarrère, je déplore que le Président de la République, non seulement ne se soit pas encore déclaré candidat, mais qu'il ait en outre laissé entendre qu'il ne participerait à aucun débat avant le premier tour. Cette situation est regrettable et dommageable pour la mobilisation et la bonne information des électeurs, comme pour la qualité du débat démocratique de façon générale.
C'est ce qui m'a conduit à vous proposer un amendement tendant à rédiger différemment l'article 1er de la proposition de loi organique, en vue d'obliger l'ensemble des candidats à débattre entre eux avant le premier tour de l'élection présidentielle. Il appartiendrait aux candidats et aux différentes chaînes de s'entendre sur les modalités concrètes d'organisation et de diffusion de ce ou ces débats, sous le contrôle de l'Arcom et dans le respect des principes d'équité ou d'égalité applicables selon la période à laquelle le débat a lieu.
Tel est le sens de ma proposition, qui me paraît répondre de façon plus adéquate aux préoccupations ayant guidé nos collègues, mais qui pourra bien entendu faire l'objet d'évolutions d'ici la séance publique, pour tenir compte notamment des échanges que nous aurons entre nous ce matin.
Je conclurai en disant que ces deux textes proposent des dispositions bienvenues pour sécuriser le déroulement des élections à venir et prévenir le risque d'abstention. En conséquence, je vous propose d'adopter la proposition de loi organique ainsi modifiée, et la proposition de loi sans modification.
Je remercie la rapporteure pour la qualité de sa présentation.
Comme vous l'aurez compris, ces dispositions n'ont aucune chance d'être adoptées, car le Gouvernement a refusé d'appliquer la procédure accélérée, à laquelle il a pourtant souvent recours. Ces deux textes sont un appel au pluralisme ; je refuse que la société française s'accoutume à l'abstention.
Les dispositions ne visent pas à réformer le fond de la procédure applicable aux élections. Ces réformes structurelles sont impossibles à quelques semaines du scrutin.
Je suis frappé de voir l'inexactitude des arguments présentés par Marlène Schiappa pour justifier son refus de toute évolution. Celle-ci soutient que ce débat a déjà eu lieu lors de l'examen de la loi organique de mars 2021 portant diverses mesures relatives à l'élection du Président de la République ; c'est faux, car ce texte ajustait simplement certaines dispositions juridiques relatives à l'élection présidentielle. Les circonstances particulières créées par l'épidémie n'avaient alors pas été prises en compte.
La ministre affirme ensuite qu'il n'est pas raisonnable de modifier les règles moins de six mois avant la tenue du scrutin. Mais, en l'espèce, cette règle ne s'applique pas ! J'en veux pour preuve le fait que des modifications ont été introduites quelques semaines avant l'organisation respective des élections municipales et départementales et régionales. La loi du 22 février 2021 a ainsi reporté, de mars à juin 2021, le renouvellement général des conseils départementaux et des conseils régionaux.
Enfin, j'estime que le Gouvernement fait montre d'une certaine désinvolture à l'égard du Parlement. Après la visite du ministre de l'intérieur, le président du Conseil constitutionnel a évoqué, par le biais d'un communiqué de presse, « de nouvelles mesures d'organisation qui apparaîtraient rendues nécessaires par la crise sanitaire afin de garantir le bon déroulement de l'élection présidentielle », dont nous n'aurons jamais connaissance. Le ministre est donc bien conscient de la réalité du problème. Lorsque nous l'avons interrogée à ce sujet, Marlène Schiappa nous a indiqué qu'il s'agissait d'examiner les missions de la commission dirigée par Jean-Denis Combrexelle, qui pourtant ne nécessitent aucune disposition législative ou réglementaire. En ne nous livrant aucune information, le Gouvernement fait preuve de peu de transparence. Le fait que le répertoire électoral unique ne puisse être adapté à la possibilité d'une double procuration laisse par ailleurs songeur.
Je reconnais les faiblesses de ma proposition relative à la couverture audiovisuelle de la campagne électorale et j'accepte bien volontiers les remarques de la rapporteure. Les groupes télévisuels indiquent avoir renoncé à privilégier l'information sur leur chaîne principale ; c'est désormais le rôle des chaînes d'information en continu, dont l'audience est cependant moins importante et dont le modèle est fondé sur le principe de l'immédiateté. Dès lors, la campagne présidentielle se résumera à la dramaturgie du débat du second tour : je regrette cette situation, qui nuit à la stabilité de nos institutions et à la démocratie. Dans ce contexte, ces propositions de loi sont un cri d'alarme, dont je reconnais bien volontiers la modestie !
Je salue le travail de notre rapporteure.
Je souscris pleinement aux analyses exprimées et aux dispositions contenues dans les propositions de loi, qui visent à faciliter les opérations de vote que la situation sanitaire complexifie singulièrement. L'enjeu est de garantir un niveau suffisant de participation au scrutin majeur de notre système démocratique, l'élection présidentielle, dont le Président de la République tire sa légitimité et sa capacité à agir.
Le droit en vigueur garantit peu ou prou l'accès des candidats moins connus aux chaînes de radio et de télévision. Toutefois, la presse écrite, dont le rôle demeure important, n'est pas soumise à ces obligations : c'est un angle mort qui n'a jamais été traité. Il est vrai qu'une tâche de cette ampleur alourdirait le travail de l'Arcom.
Face à ce malaise démocratique, il serait illusoire de croire que de nouvelles mesures, telles que le vote électronique, pourraient à elles seules résoudre la crise de la représentation. Le malaise est plus profond. Je pressens que la question restera entière demain, surtout si la participation aux prochaines élections atteint des taux historiquement bas.
Je soutiens ces propositions de loi, mais je crains que celles-ci ne permettent pas de répondre aux défis qui nous attendent pour les prochains mois.
Je remercie Philippe Bonnecarrère et Nadine Bellurot pour la qualité de leur travail.
Il est désolant de constater que le processus d'examen de ces deux textes n'aboutira pas. Ceux-ci mettent en lumière un fait inexplicable : ce qui a été possible pour les élections locales en 2020 et 2021 ne le sera pas pour les élections présidentielle et législatives. Dans le même temps, le Gouvernement nous a demandé en janvier dernier de maintenir l'arsenal des instruments mis à sa disposition dans la lutte contre la possible recrudescence de la covid-19. Or la période actuelle est teintée d'optimisme : si l'épidémie prenait fin, il conviendrait alors de mettre fin aux pouvoirs d'exception octroyés au Gouvernement par le législateur.
D'un côté, le Gouvernement admet que la menace épidémique reste forte, et, de l'autre, il refuse de mettre en oeuvre des modalités de vote qui, certes, ne bouleverseraient pas le taux de participation, mais qui faciliteraient l'engagement citoyen des personnes que la covid-19 intimide. C'est inacceptable.
Les arguments utilisés devant nous par Marlène Schiappa sont d'une mauvaise foi inqualifiable. Il est faux de dire qu'il est impossible de modifier la loi organique relative à l'élection présidentielle dans les mois qui la précèdent. La loi organique adoptée en février 2002 pour tirer les conclusions d'un avis du Conseil constitutionnel rendu à l'automne précédent en est l'illustration. Aucun obstacle tiré de la Constitution ou de la tradition républicaine ne s'oppose à la modification de l'organisation de l'élection présidentielle quelques mois avant son organisation. Or les propositions de loi de Philippe Bonnecarrère sont utiles à la démocratie. Notre débat aura au moins le mérite de souligner publiquement l'incongruité de la position du Gouvernement, qui s'est montré très imprévoyant.
Je remercie Nadine Bellurot pour le travail accompli.
Monsieur Bonnecarrère, je ne sais pas si les textes désespérés sont les plus beaux, pour paraphraser Musset, mais il est sûr que notre débat est symbolique.
Je souscris aux propos de François Bonhomme : croire que des solutions techniques réduiront la crise de la participation est illusoire, mais celles-ci peuvent toutefois contribuer à améliorer la situation.
La crise de la participation existe dans tous les pays, mais elle s'accentue en France, car l'élection présidentielle écrase le paysage démocratique français. Or une seule élection, qui engendre souvent une déception immédiate quelques mois plus tard, ne saurait résumer la vie démocratique d'un pays. Certes, le Gouvernement a fait montre d'imprévoyance en ce qui concerne les élections. Toutefois, nous n'avons pas non plus été à la hauteur : nous aurions pu proposer des mesures pour faire entendre notre voix.
Il me semble difficile d'imposer aux différents acteurs les dispositions contenues dans les deux textes sur les procurations, compte tenu de l'entrée en vigueur du répertoire électoral unique le 1er janvier dernier, comme l'a rappelé la rapporteure.
J'avoue ne pas comprendre la fétichisation française de la double procuration. La procuration simple ne fonctionne pas bien et est régulièrement dénoncée par les organisations internationales travaillant sur ce sujet. Marlène Schiappa nous a de plus indiqué que les doubles procurations, lorsqu'elles ont été autorisées, n'ont représenté que 8 % du nombre total de procurations, qui elles-mêmes s'élevaient à 8 % de la participation électorale. Je préfère le vote par correspondance à la procuration, qui comporte le risque d'influencer le choix des citoyens. En outre, les procurations ne font que renforcer la participation des citoyens déjà les plus investis dans le vote et, en cela, elle accentue les inégalités existantes : elles ne constituent en aucun cas un remède à l'abstention.
La déterritorialisation des procurations a été autorisée par la loi « Engagement et proximité ». Par ailleurs, le dédoublement des bureaux de vote suppose également de dédoubler les listes électorales, ce qui peut être à l'origine de problèmes.
Pour conclure, je comprends les mesures défendues par notre collègue, mais nous estimons que les solutions proposées ne sont pas à la hauteur de la situation. Or il est trop tard désormais : nous nous acheminons peut-être vers une élection présidentielle qui sera ébranlée par l'abstention et qui placera notre système politique dans une position délétère, comme en témoignent les prises de parole de certains candidats. Nous nous abstiendrons sur ce texte.
Je salue le travail mené par nos collègues. Je déplore moi aussi que ce texte ne puisse pas arriver au terme de son parcours.
Personne n'est dupe : même si elles entraient en application, les mesures contenues dans ces propositions de loi ne pourraient pas à elles seules résoudre la crise politique et la montée de l'abstention, scrutin après scrutin. Toutefois, nous avons toujours soutenu ce type de mesures, et nous continuerons à le faire cette fois encore.
On peut regretter l'attitude du Gouvernement, qui ne s'est pas donné les moyens d'adapter le scrutin présidentiel au contexte de la crise sanitaire. Même si la situation sanitaire s'améliore, l'inquiétude des Français perdurera.
En tout état de cause, le mode d'organisation des élections ne réglera pas tous les problèmes. Nous devons réfléchir à la profonde crise politique que traverse notre pays.
Je concentrerai mon propos sur la double procuration, et les raisons pour lesquelles le Gouvernement n'a pas soutenu cette mesure.
Lors du scrutin présidentiel de 2017, une seule procuration était possible par personne, et le mandant et le mandataire devaient résider dans la même commune ; pourtant, quelque 3,5 millions de procurations avaient alors été établies. Lorsque le scrutin est important, le dispositif actuel renforce d'ores et déjà la participation. Le fait de pouvoir confier sa procuration à un électeur résidant dans une commune différente apporte une facilité supplémentaire.
La double procuration suscite des réticences, qui procèdent d'une méfiance vis-à-vis d'un usage de la procuration qui serait quasi « industriel ». D'aucuns profitent de la faiblesse de certains électeurs, les personnes très âgées notamment. Certes, la procuration représente une commodité pour la plupart des électeurs, mais il convient d'éviter sa banalisation et de ne pas encourager les abus. Nous ne considérons pas que l'examen de ce texte réponde à des enjeux essentiels ; c'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.
Je remercie Philippe Bonnecarrère et Philippe Bas pour leurs explications.
Monsieur Kerrouche, j'entends vos arguments sur la faible utilisation de la double procuration. Certes, lors des dernières élections locales, les 20 509 doubles procurations établies représentent un chiffre modeste, mais ce sont autant d'électeurs qui ont renforcé le taux - très faible - de participation. Comme l'a souligné Alain Richard, il est désormais possible de donner une procuration à une personne habitant dans une commune différente de la vôtre. Ces mesures contribuent à l'augmentation du nombre de votants. Il en va de même pour le dédoublement des bureaux de vote - je rappelle qu'il s'agit non pas d'une obligation, mais d'une simple faculté.
Madame Cukierman, vous avez bien compris notre démarche : nous souhaitons tous ici apporter des outils supplémentaires aux électeurs pour ces rendez-vous importants pour notre pays. Je vous remercie pour votre soutien.
Monsieur Richard, j'ai écouté vos arguments avec attention. Mais qui peut le plus peut le moins ! Certes, le dévoiement des procurations est toujours possible, mais, là encore, celles-ci contribuent à mieux associer nos concitoyens aux échéances électorales. La double procuration représente un outil supplémentaire dont nous ne devrions pas nous priver.
Madame la rapporteure, je souhaite lever un doute : lorsqu'une procuration est confiée à un électeur résidant dans une autre commune, pouvez-vous nous confirmer que le mandataire doit voter dans le bureau de vote du mandant ?
Je souscris en partie aux propos des différents intervenants. Une double procuration se justifie davantage dans des circonstances extrêmes, telles que la situation sanitaire que nous connaissons depuis deux ans. Elle ne doit pas nécessairement revêtir un caractère définitif.
Avant l'examen des amendements, et en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter les périmètres indicatifs de ces deux propositions de loi.
Je vous propose de considérer que le périmètre de la proposition de loi organique inclut les dispositions relatives à l'organisation de l'élection présidentielle de 2022 dans le contexte de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, notamment les règles encadrant la propagande électorale audiovisuelle durant la période allant du 1er janvier au 27 mars 2022 ; le nombre de procurations pouvant être détenues par les mandataires en vue de l'élection présidentielle d'avril 2022 ; les modalités d'établissement et de retrait des procurations en vue de l'élection présidentielle d'avril 2022 ; et enfin l'organisation des bureaux de vote lors du scrutin présidentiel d'avril 2022.
Quant à la proposition de loi ordinaire, je vous propose de considérer que son périmètre inclut les dispositions relatives à l'organisation des élections législatives de 2022 dans le contexte de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19, notamment le nombre de procurations pouvant être détenues par les mandataires en vue des élections législatives de juin 2022 ; les modalités d'établissement et de retrait des procurations en vue des élections législatives de juin 2022 ; et enfin l'organisation des bureaux de vote lors des scrutins législatifs de juin 2022.
EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement COM-2 vise à obliger l'ensemble des candidats à débattre entre eux avant le premier tour de l'élection présidentielle.
L'amendement COM-2 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
Le paragraphe IV de l'article 2 vise à permettre au mandant de confier sa procuration à tout électeur, y compris lorsque celui-ci est inscrit sur la liste électorale d'une autre commune. Or le droit en vigueur offre déjà cette possibilité. C'est pourquoi l'amendement COM-1 vise à supprimer cette disposition.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3
L'article 3 est adopté sans modification.
La proposition de loi organique est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
EXAMEN DE LA PROPOSITION DE LOI
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'article 1er est adopté sans modification.
Article 2
L'article 2 est adopté sans modification.
La proposition de loi est adoptée sans modification.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion, suspendue à 10 h 55, est reprise à 11 h 10.
J'ai souhaité compléter les auditions entamées mercredi dernier sur l'organisation des prochaines élections présidentielle et législatives par l'audition du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, Stéphane Bouillon, que je remercie de sa présence, accompagné de Béatrice Bourgeois-Machureau, présidente du comité éthique et scientifique, et de Gabriel Ferriol, chef du service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum).
Plus que jamais, les campagnes électorales sont affectées par l'usage grandissant de l'outil numérique et, pour cette raison, sont susceptibles de manipulations ou d'ingérences nouvelles qui peuvent être le fait de concitoyens, mais aussi de puissances étrangères.
Cette situation a conduit à la création, l'année dernière, d'un service dédié du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) : Viginum, qui vient prêter son concours, avec l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), aux organes garants du bon déroulement de la campagne électorale que sont la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle (CNCCEP) et l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Viginum est un point de connexion, si je puis me permettre l'expression, qui permettra à ces structures de contrôler le déroulement de la campagne.
J'ai donc demandé à M. Bouillon et ses services de bien vouloir nous présenter cette structure, ses objectifs et ses moyens, puis, dans un second temps, de nous présenter un état de la situation, en décrivant, si vous le voulez bien, les actions de veille, de détection et de caractérisation de la menace actuelle - par exemple, les « usines à trolls » ou autres actions de déstabilisation qui peuvent être lancées dans le cadre de la campagne.
Merci de l'honneur que vous nous faites en nous donnant l'occasion de vous présenter notre dispositif, mais aussi de vous en rendre compte. En tant que service administratif de l'État, nous nous devons de vous expliquer comment nous agissons pour faire face à ce que l'on appelle les « menaces hybrides » visant à donner une influence occulte à un État étranger, sans que l'on puisse lui imputer l'origine de l'attaque, et sans perdre de soldats ou de subir de dommages à sa réputation.
Ces menaces sont croissantes : citons la crise en Ukraine, théâtre d'un travail de déstabilisation politique, technique et numérique, la situation dans le Sahel, où nos armées font face à des attaques réputationnelles fomentées par un État étranger et redoutablement efficaces vis-à-vis de certaines catégories de la population locale
D'abord en matière de relations avec l'islam : depuis l'assassinat de Samuel Paty, le discours du Président de la République au Mureaux le 2 octobre 2020, et certaines prises de position des plus hautes instances du pays, mais aussi les vôtres, mesdames et messieurs les sénateurs, sur le terrain, des attaques très dures et non revendiquées ont été menées sur les réseaux sociaux, propageant des accusations d'islamophobie.
Je pourrais aussi citer la crise sanitaire, avec le dénigrement de certains vaccins, les encouragements aux antivax et les complotismes de toute sorte.
Enfin, dans le contexte de notre élection présidentielle, l'expérience du dernier scrutin présidentiel aux États-Unis et celle des élections législatives fédérales allemandes à l'automne 2021 montrent que certains États sont à la manoeuvre pour orienter le résultat de la consultation.
Vous connaissez ces craintes puisque, par la loi du 22 décembre 2018 vous avez donné au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), aujourd'hui devenu Arcom, le pouvoir de lutter contre la désinformation de l'opinion publique dans le but de créer des troubles à l'ordre public ou de nuire à la sincérité des scrutins.
Dans un premier temps, nous avions mis en place un comité de lutte contre les manipulations de l'information rassemblant l'ensemble des administrations. Ce comité est apparu insuffisant : la coordination était trop irrégulière, alors que les manipulations de l'information nécessitent des réactions immédiates pour éviter que le feu ne prenne.
Ensuite, dans le domaine juridique, un sujet aussi sensible nécessite un cadre précis : textes, contrôle du Parlement, institutions de suivi comme le comité éthique et scientifique de Viginum.
Enfin, face aux ingérences numériques, la meilleure arme que nous ayons est la transparence : nous devons avoir pignon sur rue et être en mesure de présenter clairement, si nécessaire, l'ensemble des techniques que nous mettons en oeuvre pour convaincre le public qu'une information qui lui est présentée relève de fake news orchestrées par un État ou une institution étrangère.
Après l'assassinat de Samuel Paty, nous avons mis en place une task force baptisée « Honfleur », du nom de la salle où nous nous réunissions... Nous nous sommes ainsi aperçus que certains États et institutions utilisaient les réseaux sociaux pour attaquer une France décrite comme colonialiste et isolée, à travers le hashtag #boycottfrance. Au Pakistan, la rumeur que la France tatouait les enfants musulmans a été propagée. Nous avons réussi à bloquer ces attaques de justesse.
Le Président de la République m'a ensuite demandé de pérenniser cette structure, en ciblant son action sur les ingérences numériques étrangères : il n'est pas question pour nous de traiter du débat politique national. Nous nous intéressons aux différents moyens de rendre artificiel un débat : faux comptes, tweets multipliés en un clic, trolls qui se font passer pour de « braves gens issus de nos provinces » et qui travaillent en réalité depuis des capitales étrangères... Ces actions nuisent à la sincérité du débat en créant ou en amplifiant artificiellement certaines positions.
Or les chaînes d'information en continu consultent les réseaux sociaux : dès qu'un tweet, un hashtag prend de l'ampleur, elles y consacrent un reportage ; les chaînes nationales suivent, puis, le lendemain, la presse. Ainsi, le départ de feu est créé. En général, dans les opérations de manipulation qui nous intéressent, beaucoup de ces tweets ou de ces likes sont lancés, simultanément, par une personne installée dans un bureau à travers un ensemble de comptes créés pour cela, et qui disparaissent immédiatement après.
Ainsi la task force Honfleur a découvert un compte, inconnu des renseignements territoriaux comme des services secrets, qui ventilait l'ensemble des informations en provenance de l'étranger vers des associations musulmanes françaises. Ses contenus étaient très inspirés de ceux de l'agence de presse officielle d'un grand pays oriental, eux-mêmes très proches des communiqués de presse de la présidence du pays en question.
Constatant l'efficacité d'États étrangers dans la conduite de ces manoeuvres, nous avons conclu à la nécessité d'une structure, qui ne soit pas un service de renseignement, travaillant en source ouverte, et qui ait pignon sur rue. Nous voulons en effet la transparence.
C'est pourquoi je suis venu, bien avant la création du service, vous présenter ma mission, ainsi qu'aux présidents Gérard Larcher, Christian Cambon et Laurent Lafon, ainsi qu'à la plupart des présidents de groupes parlementaires. J'ai fait la même démarche à l'Assemblée nationale.
Fallait-il une loi pour créer le service ? Votre conseil, monsieur le président, était judicieux : le Conseil d'État a, comme vous, estimé qu'un décret suffirait - décision prise à l'unanimité en section de l'intérieur puis en assemblée générale, en posant les principes relatifs à la question des fichiers et à leur utilisation.
Viginum a donc été créé par un décret du 13 juillet 2021 ; un autre décret, le 7 décembre 2021, a autorisé son fichier. Il est accompagné d'une note de l'assemblée générale du Conseil d'État, qui indique que le traitement Viginum répond aux exigences constitutionnelles de protection des intérêts fondamentaux de la Nation comme de protection de la liberté de communication, lorsqu'elle est menacée par la manipulation de l'information, et de protection du fonctionnement démocratique des institutions, notamment en période électorale. Le cadre juridique est précis.
Nos textes prévoient que nous rendons des comptes au Parlement ; ils mettent en place un comité éthique et scientifique chargé de remettre au Premier ministre un rapport annuel public sur notre action, assorti de recommandations. Nous avons aussi travaillé avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
Nous avons commencé à travailler avec nos collègues allemands à l'occasion des élections législatives outre-Rhin. Nous nous sommes aussi intéressés à l'environnement du référendum en Nouvelle-Calédonie pour nous assurer de l'absence d'ingérences étrangères destinées à fausser l'issue du scrutin.
Viginum se veut totalement impartial. Dans la perspective de l'élection présidentielle, nous travaillons sous l'autorité et au service du Conseil constitutionnel, juge de l'élection. Nous nous sommes déjà présentés devant la CNCCEP et nous collaborons étroitement avec l'Arcom, afin d'informer ces instances en temps réel de ce que nous faisons, mais aussi de recueillir leurs orientations et demandes.
La menace est réelle pour les élections à venir, avec des risques d'attaque contre le principe même de démocratie. Elle se décline en quatre types de menaces. Premièrement, nous avons été frappés par le fait que certains, aux États-Unis, ont tenté de discréditer le dispositif électoral. Or nous savons bien que certains pays considèrent l'autocratie comme supérieure à la démocratie... Il faut être extrêmement vigilant sur ce point.
Le deuxième type d'attaque consiste à fomenter des troubles en mettant en exergue des débats sociétaux clivants afin d'exciter les passions de manière artificielle.
Enfin, il faut signaler les attaques ad hominem ou ad feminam contre les personnalités qui se présentent aux élections. En Allemagne, la candidate des Verts, Mme Annalena Baerbock, avait ainsi été prise pour cible.
Nous ne surveillons pas seulement l'action de certains États, mais aussi celle d'organisations comme QAnon. L'ultradroite américaine suit attentivement ce qui se passe sur le continent européen. Nous sommes sensibles à cette menace, comme à celle de Daech ou al-Qaïda qui peuvent être tentés d'exciter certaines passions ou une certaine partie de la population pour susciter des troubles.
Les missions du service, au nombre de quatre, sont fixées par le décret n° 2021-922 du 13 juillet 2021.
La première, et la plus importante, consiste à observer le débat d'idées lorsqu'il se noue sur les plateformes numériques. Viginum est un service technique et opérationnel : nous menons des opérations pour détecter et caractériser les ingérences numériques étrangères.
Cette notion répond à quatre critères précis, fixés dans le décret, qui ressortent de jurisprudences du Conseil constitutionnel.
Le premier critère est une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, notion juridique bien assise, qui figure dans le code de la sécurité intérieure et le code pénal. Cela explique le rattachement de Viginum au SGDSN.
Deuxième critère, la diffusion artificielle ou automatisée, massive et délibérée. L'accroissement de la visibilité d'une idée par ces moyens est une manière de manipuler l'information.
Troisième critère, le contenu manifestement inexact ou trompeur. Promouvoir des idées dans le débat public fait partie du jeu de la démocratie, sauf lorsqu'il s'agit sciemment de tromper ou déjouer l'information des participants au débat, à commencer par les électeurs, et de fausser ainsi le déroulement du débat public.
Le dernier critère est, bien sûr, l'origine étrangère : le décret vise les acteurs étatiques - services de renseignement et forces armées - mais aussi des réseaux non étatiques comme QAnon ou l'islamosphère. L'implication d'un acteur étranger peut être directe ou indirecte.
Le travail de Viginum consiste à détecter et caractériser. Que détectons-nous ? Des situations qui nous paraissent inauthentiques ou anormales. Cela peut être des centaines de comptes affichant le même visage sur leur profil, indice de comptes générés automatiquement par des machines. Nous scrutons aussi le comportement : un utilisateur qui ne dort jamais, qui réagit dans la seconde aux messages publiés par un autre utilisateur. Le volume de publication est observé : des comptes qui publient 3 000 à 4 000 messages par jour sont suspects. Enfin, le critère le plus délicat à établir est l'inauthenticité des messages. Elle est par exemple indiquée par la syntaxe employée, qui peut dénoter l'emploi d'algorithmes. Par ailleurs, des images peuvent être retouchées.
Cette étape de détection ne sert qu'à établir des soupçons, qui sont confirmés, ou levés, par la phase de caractérisation. Durant cette phase, nous essayons de déterminer si des marqueurs lient le phénomène à une activité étrangère : heure où sont postés les messages, informations sur les comptes ou les narratifs.
Nous examinons également la propagation des thématiques, pour voir si elle a fait l'objet d'une amplification artificielle ou automatisée. Nous utilisons, pour cela, des métriques statistiques comme, par exemple, la part de l'ensemble d'un débat générée par les utilisateurs les plus actifs : si elle est trop élevée, il y a un fort soupçon de manipulation.
Nous recherchons de même des éléments objectifs de manipulation dans le contenu. Cela peut être, par exemple, une photographie présentée comme prise la veille dans un pays donné, alors qu'elle a été prise trois ans auparavant dans un autre pays.
Enfin, l'atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation est évidente en période électorale, mais nous essayons de l'objectiver - à travers l'audience du phénomène, ou l'impact sur les autres utilisateurs. Toutes les tentatives de manipulation ne réussissent pas.
La deuxième mission de Viginum consiste à assister le secrétaire général dans l'animation de la coopération interministérielle en matière de lutte contre la manipulation de l'information. Cette animation se fait à plusieurs niveaux (technique, opérationnel). Ensemble, nous examinons les phénomènes détectés, avec une appréciation croisée, des échanges. Viginum a des correspondants dans les ministères de l'intérieur, des armées et de l'Europe et des affaires étrangères. Le service joue, sous l'autorité du secrétaire général, le rôle d'assemblier de la coopération, pour que la réponse soit aussi intégrée que possible.
Notre troisième mission est de nous mettre au service de l'Arcom et de la CNCCEP. Elle a été présentée par le secrétaire général.
Enfin, notre quatrième mission consiste à établir des contacts internationaux. Confrontés aux mêmes phénomènes que la France, d'autres États se dotent de structures et de capacités de détection. Nous échangeons avec eux sur les bonnes pratiques, le cadre juridique. Nous travaillons aussi avec l'Union européenne.
Pour détecter les ingérences numériques étrangères, il est indispensable d'observer les réseaux sociaux. Il nous est donc impossible de travailler sans traiter des données à caractère personnel. Ces données, ce sont les messages échangés, les contenus partagés, les identifiants de compte.
Le décret du 7 décembre 2021 a arrêté le cadre juridique de ce traitement. Il permet de travailler selon deux modes. Le premier est un mode veille, assez artisanal. Les agents patrouillent en quelque sorte sur les plateformes, sans avoir recours à des algorithmes - le décret interdit toute collecte automatisée de données à caractère personnel pendant la phase de veille.
Le second mode opératoire, la collecte de données, est encadré par des garde-fous : la collecte s'opère sur la base de critères techniques identifiés par des travaux de veille ; la plateforme concernée doit recevoir plus de cinq millions de visiteurs uniques par mois ; les données collectées ne peuvent être conservées plus de quatre mois. La liste des personnes ayant accès à ces données et les modalités de leur suppression sont également prévues.
Le décret du 7 décembre 2021 interdit aux agents de Viginum d'interagir avec les autres utilisateurs sur les plateformes : il n'y a pas de manipulation d'avatars. De plus, nous n'avons accès qu'à ce qui est publiquement accessible, et non aux boucles ou aux conversations fermées. Nous ne pouvons pas même solliciter auprès de l'administrateur l'autorisation d'y accéder.
Le deuxième enjeu est celui des ressources humaines. Notre effectif cible est de 65 agents à la fin 2022. À mi-parcours, nous sommes dans les temps : 33 agents travaillent aujourd'hui pour Viginum. Dans le recrutement, nous recherchons un équilibre entre data scientists, spécialistes de la recherche sur les réseaux ouverts et informaticiens d'une part, et personnes issues du domaine régalien d'autre part, avec une expérience des enjeux géopolitiques et des techniques d'investigation. Viginum est une sorte de start-up du régalien...
Pour nourrir la croissance de nos effectifs, nous travaillons avec d'autres administrations à l'identification d'un vivier. Nous sommes également très attentifs aux enjeux de formation et d'aguerrissement des équipes.
La moyenne d'âge de nos agents est de 37 ans. Environ 60 % sont des femmes, et la majorité sont des contractuels.
Le SGDSN finance entièrement nos dépenses de personnel et nos loyers. Pour le reste, une enveloppe couvre les investissements et le fonctionnement ; l'essentiel de l'investissement est constitué par les équipements informatiques et de logiciel.
Sur le plan technique, nous suivons les règles applicables à la manipulation des données à caractère personnel. Nous avons entamé la construction du système d'information de Viginum, qui nous permettra de collecter les données dans le respect du cadre applicable, de les manipuler puis de les supprimer.
Ce socle technique autonome s'appuie sur des technologies acquises auprès de prestataires français. C'est un enjeu en termes de souveraineté et de construction d'un écosystème. L'État doit s'armer contre la manipulation de l'information, mais c'est un effort de la Nation tout entière : il faut que les savoir-faire et les techniques se mettent en place dans la sphère industrielle. Sans attendre la finalisation de ce socle technique, nous travaillons d'ores et déjà avec des solutions mises à disposition par nos prestataires.
Enfin, la sécurité est un enjeu important à plus d'un titre. La manipulation de l'information n'est pas un phénomène spontané : elle est le fait de nos adversaires, qui sont très curieux des capacités dont nous nous dotons et de nos ressources contre leurs actions malveillantes.
Nous sommes donc particulièrement soucieux de la discrétion de nos activités. Certaines d'entre elles sont protégées par le secret de la défense nationale. Nous veillons à la sécurité et à l'habilitation de notre personnel et de nos locaux.
Enfin, notre sécurité repose aussi sur la conformité au cadre légal : pour cela, nous sommes en contact avec la CNIL et nous avons recruté ce lundi une conseillère juridique. Enfin, nous sommes naturellement en contact étroit avec le comité éthique et scientifique, qui assure un suivi de nos activités.
Les contours des missions du comité éthique et scientifique ont été tracés progressivement. Son rôle a été repensé après l'avis de la CNIL et l'examen du second décret, relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel, par le Conseil d'État.
Le comité est placé auprès du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale. Ses compétences, telles que les décrit le décret de juillet 2021, sont classiques : il suit l'activité de Viginum, adresse le cas échéant des recommandations au directeur, établit un rapport annuel qui doit être rendu public. Pour ce faire, le comité peut demander la communication de toute information relative à l'accomplissement par le service de ses missions.
Le décret de décembre 2021 lui octroie des compétences supplémentaires dans le cadre du traitement de données. Il prévoit que le comité est immédiatement informé du déclenchement de chaque collecte, et le cas échéant de son renouvellement ; à cette occasion, les critères techniques servant à sélectionner les contenus à collecter, tels que les mots clés, et les modalités de leur détermination doivent lui être communiqués.
Le décret énumère différents points devant être examinés dans le cadre du rapport annuel public : les mesures de sécurité mises en place pour la confidentialité et l'intégrité des données collectées, ou encore les conditions de mise en oeuvre du traitement de données.
Les compétences du comité éthique et scientifique sont donc particulièrement larges. Il est le garant du respect par Viginum de ses missions et du bon usage de l'outil de traitement de données. Il a, globalement, a un rôle de veille et d'alerte.
Outre sa présidente, venue du Conseil d'État, le comité comprend un membre de l'Arcom et six personnalités qualifiées. Leurs profils sont très divers, ce qui est précieux : certains ont des compétences techniques, dans le numérique ou la cybersécurité, d'autres des compétences juridiques, d'autres enfin sont de fins connaisseurs du fonctionnement des plateformes en ligne. Un représentant du ministère de l'Europe et des affaires étrangères y siège également : c'est indispensable pour un service tourné vers l'extérieur de nos frontières.
Le comité a entamé ses travaux en décembre 2021. Il a commencé par définir les moyens d'exercer concrètement son rôle. L'axe essentiel de notre mission est de nous assurer que le service reste, dans l'exercice de ses compétences, et dans l'usage des outils dont ils disposent, à l'intérieur du périmètre que les textes lui ont assigné. Toute l'action de Viginum doit en effet tendre uniquement à la caractérisation des opérations relevant des quatre conditions cumulatives rappelées par Gabriel Ferriol. C'est très restrictif.
Cette exigence vaut aussi pour l'usage fait par Viginum des moyens de collecte dont il dispose. Une collecte ne peut être réalisée que dans la mesure où elle concourt à la caractérisation d'opérations qui remplissent ces conditions, et à partir d'une sélection de contenus proportionnée à cette finalité. C'est un équilibre très délicat à trouver : le service doit avoir un champ d'action suffisant pour caractériser des ingérences numériques étrangères ce qui ne peut se faire qu'à l'issue du processus de recherche ; mais dans le même temps, le champ doit rester limité, en application du principe de minimisation des données, aux éléments pertinents au regard de la finalité poursuivie.
C'est une mission complexe ; pour la mener à bien, le comité a des échanges nombreux avec Viginum et le SGDSN. Il a besoin de réponses précises aux questions qu'il pose. Je salue à cet égard la qualité des échanges avec le directeur de Viginum et le secrétaire général, et leur souci de transparence vis-à-vis de notre comité.
On a le sentiment que la création de Viginum répond à une préoccupation qui est à l'intersection du rôle de l'Arcom, des services de renseignement et de l'Anssi, ce qui peut laisser penser que ces derniers ne parvenaient pas à faire correctement face à la menace.
À vous écouter, on a l'impression que ce sur quoi vous travaillez devrait, pour une large part, être traité par les services de renseignement, sauf que ces derniers travaillent a priori sur des données qui ne sont pas publiques, quand vous travaillez sur des données accessibles. Est-ce la seule différence ? Au reste, ces données n'auraient-elles pas pu être traitées par les services de renseignement ? Réciproquement, les services de renseignement ont-ils un problème pour traiter les informations disponibles publiquement et pour répondre aux menaces qu'elles peuvent éventuellement engendrer ?
Vous avez évoqué la situation au Mali, et ce qu'elle peut impliquer en termes de sécurité. Quelle réaction adopter face à ces menaces d'agression ?
Si vous établissez que l'élection a été manipulée, que ferez-vous ? Allez-vous travailler avec le juge de l'élection ?
Merci de votre présentation très intéressante.
Avez-vous des interactions avec la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) ?
Merci pour votre présentation de l'organisation de cette nouvelle fonction au sein du SGDSN. Je pense qu'elle est très utile, et même nécessaire.
Pourriez-vous revenir sur les conséquences qui seront tirées des observations que fera ce service ?
Quelle est votre politique de communication, à l'égard du public et des institutions - sur les résultats que vous obtenez, les situations concrètes de manipulation, le développement de fausses informations... -, afin de faciliter la prise de conscience du public et la vigilance citoyenne ?
Nous ne sommes pas un service de renseignement. Par principe, nous jouons la transparence. Notre mission est d'abord de renseigner l'opinion publique sur le fait qu'une information est en train de circuler et qu'elle est manifestement manipulée par une organisation étrangère - État ou organisation spécifique.
Notre but n'est pas de punir, même si nous essayons évidemment d'imputer et d'attribuer : notre objectif est de convaincre l'opinion publique qu'elle est en train de se faire embarquer dans un débat artificiel. Notre objectif est donc de faire comprendre que le débat politique et démocratique, auquel nous n'avons évidemment pas à participer nous-mêmes, risque d'être influencé par quelque chose qui ne correspond pas à la réalité et à la nécessité de la transparence.
Par conséquent, monsieur Leconte, nous avons une mission tout à fait différente de celle des services de renseignement. À ces derniers, on demande de regarder ce qui se passe à tel endroit et de récolter des renseignements sur un point précis. Nous en avons parlé avec les chefs des services de renseignement : leur rôle est de travailler dans tel ou tel pays, pour le compte de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), et, en France, sur tel type de menaces et tel type de personnes. Pour notre part, nous travaillons sur les sources ouvertes. Évidemment, nous pourrons recevoir des informations de la part de ces services et, le cas échéant, leur en transmettre dès lors que nous considérons que notre devoir de fonctionnaire est de les prévenir - je reviendrai sur les suites qui peuvent être données aux informations que nous avons -, mais nous n'avons pas le même objectif : le nôtre est d'assurer la réalité, la transparence et la clarté du débat.
Les services de renseignement exercent donc un métier à la fois complémentaire et totalement à part. Je ne dirige ni ne coordonne les services de renseignement ; je travaille avec eux, mais c'est auprès de moi que ce dispositif a été installé.
À cet égard, madame Di Folco, nos relations avec la CNCTR sont inexistantes. Je suis allé voir son président, Serge Lasvignes. Je lui ai expliqué ce que nous allions faire. Il m'a répondu que, n'étant pas un service de renseignement, n'entrant pas dans la vie privée des gens, ne pénétrant pas à l'intérieur des boucles privées, nous n'avions pas à relever de ses compétences.
Notre rôle croise celui de l'Arcom, mais celle-ci a reçu de la loi une mission très précise : contrôler ce qui se passe dans les médias. C'est à une autorité indépendante de travailler sur ce qui est publié, édité, dit, etc. En tant que service de l'État, nous nous garderons bien d'émettre un commentaire sur ce qui aura pu être dit ou écrit.
En revanche, nos liens avec l'Anssi sont très forts parce que la cybersécurité, les cyberattaques sont des préoccupations constantes. L'Anssi relève du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale : c'est un service à compétence nationale qui est placé sous mon autorité. Il en va de même pour Viginum, qui, en quelque sorte, est le petit frère de l'Anssi.
Les deux services travaillent très étroitement ensemble, parce que leurs missions sont complémentaires. Et, si les deux missions sont placées auprès du SGDSN, c'est parce qu'elles participent de la protection des intérêts fondamentaux de la Nation, qui relève fondamentalement des missions du SGDSN.
Les relations avec le juge constitutionnel seront très simples : nous n'entreprendrons rien à l'égard d'un candidat ou d'un parti politique sans l'autorisation du juge constitutionnel. Si nous apprenons une attaque contre un candidat, nous prévenons le juge constitutionnel : c'est lui qui nous autorise à prévenir ce candidat ou à agir. Il ne saurait en être autrement. Nous tenons à garder une neutralité et une impartialité totales. Dès que nous aurons connaissance d'une information fausse consistant à attaquer tel ou tel candidat ou à faire passer tel ou tel message, nous nous tournerons immédiatement vers le Conseil constitutionnel.
Dans l'affaire des MacronLeaks voilà cinq ans, l'Anssi, qui avait découvert ces cyberattaques, a demandé au Conseil constitutionnel l'autorisation de prévenir le candidat Emmanuel Macron et a travaillé avec lui sur la rédaction du communiqué qu'il a publié pour expliquer que les MacronLeaks étaient des fake news. Tant mieux si cela se passe ainsi ! En effet, si, demain, la même situation advenait, M. Macron étant président sortant, chacun pourrait s'interroger sur la nature des relations que nous avons avec lui. Nous tenons donc vraiment à passer par le filtre du Conseil constitutionnel.
Pour ce qui concerne les suites données à ce type d'attaques, notre objectif est d'expliquer clairement à la population ce qui se passe. Un travail va être fait sous mon égide. Comme en cas de cyberattaque, l'ensemble des services compétents se réunissent. Nous regardons si nous pouvons « imputer », voire « attribuer » - c'est le degré supplémentaire - celle-ci à un État.
Les États sont capables de bien s'organiser. On peut aisément imaginer que des cyberattaquants usurpent un mode d'action utilisé par tel ou tel État pour lui imputer des actions dont il n'est pas l'auteur. De même, en matière de manipulation de l'information, des sites, des fermes à trolls, des bots peuvent être installés dans d'autres pays que celui qui est à l'origine de l'attaque.
En cas de détection d'un État auteur, la première phase sera donc de travailler avec le Quai d'Orsay pour que des observations puissent être faites au pays concerné, auquel nous ne donnerons évidemment pas de preuves, pour éviter qu'il ne corrige sa façon de faire la fois suivante. Par exemple, je vais régulièrement voir mon homologue russe pour lui expliquer que nous avons identifié une attaque qui correspond au savoir-faire de tel ou tel service. Je lui refuse les preuves qu'il me demande, mais nous sommes dans le cadre de la discussion diplomatique.
S'agissant d'une manipulation de l'information, nous travaillons, deuxièmement, avec le service d'information du Gouvernement (SIG), ainsi qu'avec le secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR) du ministère de l'intérieur.
Troisièmement, nous avons donc la possibilité de saisir la justice et de lui signaler une infraction, en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale et de la loi de 1986. Il appartient à la justice d'y donner suite.
Enfin, nous avons à mener un travail de communication vers le public.
Nous agissons donc sous des angles à la fois juridique et diplomatique et en direction du grand public. Bien évidemment, nous pourrons réfléchir avec le comité éthique et scientifique, qui comprend à la fois une magistrate, un ambassadeur de France, des spécialistes des réseaux sociaux, un représentant de l'Arcom et des représentants de la presse, à la palette des outils que nous allons pouvoir utiliser pour proposer la réaction qui sera adaptée.
Pour ce qui concerne l'actualité, nous avons invité tous les candidats annoncés à venir au SGDSN vendredi 18 février. Nous leur ferons une deuxième présentation - nous en avions déjà fait une au mois d'octobre, mais, depuis, d'autres candidats se sont annoncés - pour leur présenter les types de menaces auxquels ils seront confrontés durant la campagne électorale et pour insister sur les précautions nécessaires. À cette réunion participeront l'Arcom, la CNCCEP et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), que nous avons invitées. Par ailleurs, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) nous a demandé de l'informer si nous parvenons à démontrer qu'un candidat utilise tel ou tel relais des réseaux sociaux pour se faire une publicité, de façon qu'elle puisse, le cas échéant, réintroduire dans les comptes de campagne les sommes qui auront été dépensées à cette fin.
Durant la présentation, nous allons insister sur trois types de menaces.
La première est l'espionnage par des États étrangers : pour ces États, il est important de connaître les idées, les propositions, les analyses des candidats et de leurs équipes. Accessoirement, il peut être intéressant pour eux de connaître les personnes qui travaillent dans les états-majors de campagne, qui sont en général des gens brillants et travailleurs et qui sont susceptibles de se retrouver un jour en situation d'exercer des responsabilités, et, le cas échéant, de connaître l'emprise qu'ils pourraient avoir sur elles.
La deuxième menace est la cyberattaque. Je rappelle que le campus cyber a été inauguré hier à Puteaux. Les cyberattaques sont de plus en plus nombreuses, de plus en plus graves et de plus en plus efficaces. Elles concernent l'ensemble du système administratif, des entreprises, des médias, des services publics. Elles peuvent prendre la forme d'un rançongiciel, par exemple pour extorquer une rançon à un hôpital que celui-ci est incapable de payer. Elles peuvent consister à aller « pomper » des éléments dans des institutions, y compris juridiques, de façon à savoir ce qui s'y passe et ce qui s'y prépare. Elles peuvent aussi, tout simplement, consister en du prépositionnement, pour faire du sabotage - c'est ce que les Ukrainiens sont en train d'expérimenter. Il s'agit alors de pénétrer dans un service, de s'y installer secrètement pour y récupérer des informations, mais aussi pouvoir débrancher l'ensemble du système le jour où l'on reçoit l'ordre.
La troisième menace est la manipulation de l'information, que nous venons d'évoquer.
Pour ce qui concerne la période électorale à venir, nous allons communiquer des informations et donner des conseils à chacun. Si le service informatique d'un candidat est attaqué, nous n'interviendrons que si le Conseil constitutionnel nous le demande ; en attendant, nous proposerons des adresses de prestataires agréés par l'Anssi.
Nous essaierons également de faire le point sur l'état des attaques que nous connaissons aujourd'hui.
Nous sommes également très vigilants sur les attaques personnelles qui pourraient exister. Il est encore trop tôt pour qu'il puisse y en avoir, mais je ne doute malheureusement pas que nous en aurons à un moment ou un autre. Nous serons d'autant plus vigilants que la campagne avance, car nous savons que, plus tard une attaque est lancée, plus elle est susceptible de nous mettre en difficulté. Nous devrons être particulièrement réactifs, avec l'ensemble des autorités de contrôle. C'est aussi la raison pour laquelle nous travaillons plusieurs fois par semaine à la fois avec la CNCCEP, l'Arcom et le Conseil constitutionnel.
Madame, messieurs, je vous remercie de votre présence parmi nous ce matin, de vos explications et de votre vigilance.
La réunion est close à 12 h 15.