Nous sommes heureux d'accueillir Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, pour une audition organisée conjointement avec la mission d'information « Uberisation de la société : quel impact des plateformes numériques sur les métiers et l'emploi ? », que préside Martine Berthet.
Madame la ministre, notre délégation s'est penchée récemment sur l'impact des nouveaux modes de travail, sur la situation des travailleurs indépendants et sur le cas des travailleurs des plates-formes, d'où l'utilité d'une audition conjointe avec nos collègues de la mission d'information.
Même si l'audition d'Alain Griset est programmée dans deux semaines, nous espérons que vous nous donnerez plus de détails sur le plan en faveur des indépendants, car le travail de nos rapporteurs, Martine Berthet, Michel Canévet et Fabien Gay, montre qu'il est illusoire de se pencher sur le travail indépendant sans mener un exercice d'analyse comparée avec le salariat. Nos collègues ont ainsi proposé, en juillet dernier, plusieurs mesures : dialogue social avec l'ensemble des représentants des indépendants, définition juridique du travail indépendant ou encore simulation des mesures visant à garantir plus d'équité en matière de protection sociale entre indépendants et salariés. Nous aimerions connaître votre avis sur ces propositions.
Par ailleurs, nous nous inquiétons toujours des difficultés de recrutement et de l'inadéquation entre compétences et évolution des métiers et des besoins des entreprises, sujet qui a fait l'objet d'un précédent rapport de notre délégation, rédigé par Michel Canévet et notre ancien collègue, Guy-Dominique Kennel. Pourriez-vous évoquer l'apprentissage et l'utilisation du compte personnel de formation pour mieux former aux métiers de demain ?
Je rappelle que cette audition est retransmise en direct et ouverte à la presse.
La mission d'information que je préside, constituée fin juin, présentera ses conclusions le 29 septembre.
Madame la ministre, vous êtes entendue ce soir, par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, sur le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d'exercice de cette représentation et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes. Le Sénat s'était déjà emparé de ce sujet, pourquoi donc avoir fait le choix de l'ordonnance ?
Par ailleurs, la mise en oeuvre effective de ce dialogue social suppose que les obstacles liés au droit européen de la concurrence, notamment l'interdiction des ententes, soient levés ; pouvez-vous faire le point sur l'évolution de ce dossier ?
De nos auditions se dégage un très fort consensus pour traiter la question de la rémunération minimale des travailleurs des plates-formes, exclue du champ du dialogue social ; pourquoi avoir exclu le principal sujet de préoccupation des intéressés ?
On a fait le choix, au travers de cette ordonnance, de renforcer l'autonomie des travailleurs de plate-forme pour limiter les risques de requalification en contrat de travail ; pouvez-vous nous en donner les raisons ?
Enfin, tous nos interlocuteurs ont insisté sur l'enjeu que représente la mobilisation des services de votre ministère pour fournir des données fiables et collectées régulièrement sur les travailleurs des plates-formes. Cette réalité économique nouvelle doit être mieux appréhendée, afin de construire des politiques publiques adaptées.
Je vous remercie de votre invitation, qui me donne l'occasion de m'exprimer sur les évolutions du monde du travail devant la délégation aux entreprises et la mission d'information sur l'uberisation de la société.
Le monde du travail connaît des mutations profondes, que la crise a largement accélérées et qu'il est essentiel d'accompagner. Notre société et notre économie doivent considérer ces évolutions comme des opportunités, même si elles peuvent inquiéter nos concitoyens ; le rôle de l'État est donc de rassurer et protéger les Français, en leur donnant les moyens d'être parties prenantes à ces changements. La formation et le dialogue social sont des clefs de la réussite de cette transformation. Le numérique a déjà pris une place importante dans nos vies et dans l'économie ; la transition écologique est en marche et la crise sanitaire a également amené son lot de transformations.
Ces mutations concernent l'organisation du travail, l'évolution des compétences et l'apparition de nouvelles formes d'emplois. Je salue la qualité des travaux de la délégation sur l'évolution des modes de travail ; votre rapport, adopté de façon consensuelle en juillet dernier, propose de nombreuses pistes intéressantes.
J'aborderai également le chantier des travailleurs de plate-forme, puisque votre mission d'information, lancée en juin dernier, doit remettre ses conclusions prochainement.
Quelques mots, d'abord, sur le contexte général : notre économie connaît actuellement un rebond vigoureux ; on n'a jamais autant embauché qu'aujourd'hui, puisque le pays a enregistré 2,2 millions d'embauches au deuxième trimestre. Ainsi, le taux de chômage est revenu à son niveau d'avant-crise, avec une réduction inédite, entre avril et juillet derniers, de 270 000 demandeurs d'emploi sans aucune activité. L'action du Gouvernement, notamment au travers du « quoi qu'il en coûte », produit les effets espérés. Nous avons préservé notre économie et nos emplois, et nous soutenons la reprise avec le plan de relance.
Toutefois, ces bonnes nouvelles ne nous font pas oublier la nécessité d'accompagner les entreprises qui connaissent des transformations profondes, entraînant une modification de l'activité et du rapport au travail.
Le développement massif du télétravail a entraîné un bouleversement durable des organisations de travail, dont les implications dépassent le monde de l'entreprise. Cette évolution était incontournable pour protéger les salariés du risque sanitaire et assurer la continuité de la vie économique de notre pays. Nous avons fait, à la rentrée, le choix de redonner la main aux entreprises, afin que chacune d'elles définisse, au travers du dialogue social, ses propres conditions de télétravail. Pour cela, elles peuvent s'appuyer sur l'accord national interprofessionnel (ANI) conclu par les partenaires sociaux en novembre dernier.
Nous suivrons de près les évolutions du recours au télétravail dans les entreprises, en étant attentifs au risque d'isolement et aux difficultés d'intégration des salariés.
Nous ne sommes qu'au début des transformations induites par le télétravail. Votre rapport s'en fait l'écho en soulignant l'existence d'une alternative : le télétravail à domicile ou les tiers-lieux, qui peuvent contribuer à redynamiser les territoires. L'association France Tiers-Lieux a remis son rapport au Gouvernement au sujet du plan de développement de ces lieux. Nous voulons faire de ces derniers un moyen d'accès à la formation pour les stagiaires et les apprenants et un facteur de rapprochement entre les acteurs de la formation. Ainsi, dans le champ de mon ministère, 50 millions d'euros seront engagés pour soutenir le développement de la formation professionnelle dans les tiers-lieux. Enfin, un atelier se penchera sur ce sujet dans le cadre du groupe de travail paritaire que j'ai institué sur l'après-crise.
La crise a renforcé l'aspiration à une meilleure qualité de vie au travail ; c'est tout l'enjeu de la bonne mise en oeuvre de la loi pour renforcer la prévention en santé au travail, un modèle d'enrichissement mutuel entre démocratie parlementaire et démocratie professionnelle, puisque la proposition de loi qui en est à l'origine reprend le contenu de l'ANI du 10 décembre 2020. Je remercie à cet égard le Sénat pour son débat constructif, qui a permis à la commission mixte paritaire d'aboutir à un texte et à une promulgation rapide.
Ce texte comporte des avancées importantes pour notre système de santé au travail. Il renforce la logique de prévention et la capacité de conseil et d'accompagnement des services. Il vise aussi à renforcer la qualité des prestations, en définissant une offre socle homogène pour le tout le territoire, ainsi qu'un processus de certification des services de prévention et de santé au travail. Nous avons désormais besoin de la mobilisation de tous les acteurs - professionnels, parlementaires, partenaires sociaux, employeurs - pour faire vivre cette loi dans les entreprises. Les aspirations des travailleurs, renforcées par la crise - le désir d'autonomie, la quête de sens, la qualité de vie -, deviennent de plus en plus des facteurs d'attractivité et donc de compétitivité des entreprises.
Au-delà de l'organisation du travail, toute la politique de formation et d'évolution des compétences doit s'adapter aux nouveaux enjeux. De nombreuses entreprises sont confrontées à des difficultés de recrutement, dans l'hôtellerie-restauration, dans le bâtiment, mais aussi dans l'industrie. Nous avons donc lancé, avec Pôle emploi, des plans d'action visant à réentraîner les demandeurs d'emploi et à les orienter vers ces secteurs. Nous développons des formations s'appuyant sur l'entreprise, au travers des périodes de mise en situation en milieu professionnel et des préparations opérationnelles individuelles ou collectives qui favorisent le retour à l'emploi durable.
Nous avons également mobilisé les présidents de région pour les inviter à renforcer leurs efforts en matière de formation des demandeurs d'emploi pour les orienter vers les secteurs en tension. Une concertation est en cours pour converger vers un investissement supplémentaire, dans le cadre des pactes régionaux d'investissement dans les compétences.
Les branches professionnelles concernées doivent également engager des négociations pour accroître les rémunérations et améliorer les conditions de travail, afin de rendre plus attractifs leurs emplois.
Plusieurs branches, dans le cadre du chantier relatif aux travailleurs de « deuxième ligne » de l'agenda social, se sont saisies de la question. Certaines - la propreté ou la sécurité - ont déjà pris des engagements en ce sens.
Au-delà des travailleurs de la « deuxième ligne », d'autres secteurs, dont les minima conventionnels sont inférieurs au SMIC, doivent engager des négociations pour revaloriser leur grille ; je pense notamment à l'hôtellerie-restauration.
En outre, parce que la formation de la jeunesse reste notre priorité, nous avons prolongé les aides à l'apprentissage jusqu'au 30 juin 2022 ; il s'agit d'une voie d'insertion durable et de qualité dans l'emploi pour les jeunes, puisque cela répond au besoin de compétences des entreprises.
Pour lutter contre les difficultés de recrutement, il est également indispensable d'adapter les compétences des actifs d'aujourd'hui aux grandes transitions écologiques et numériques, toutes deux accélérées par la crise, d'autant que les actifs sont appelés de plus en plus à exercer plusieurs métiers au cours d'une carrière, ce qui suppose d'adapter leurs compétences et de recourir à la formation tout au long de la vie. Le ministère du travail est aux côtés des entreprises pour faciliter la montée en compétences des salariés ou leur reconversion professionnelle lorsqu'elles sont souhaitées ou nécessaires.
La formation professionnelle est au coeur de l'agenda social et nous poursuivons ce travail, sur le fondement des propositions des partenaires sociaux. Le Premier ministre présentera prochainement un nouveau plan d'investissement dans les compétences, à la fois pour amplifier l'effort de formation des demandeurs d'emploi vers les métiers en tension, avec une orientation prioritaire vers les chômeurs de longue durée, et soutenir les dispositifs de formation continue des salariés, afin d'accompagner l'adaptation de leurs compétences aux mutations écologiques et numériques ou favoriser leur montée en compétences.
Si nous investissons dans les compétences de tous les actifs, c'est aussi pour donner à nos entreprises les moyens d'être compétitives. La capacité des entreprises à attirer puis à garder leurs talents, permettant à ceux-ci de se former et d'évoluer, sera déterminante.
Au-delà de l'emploi salarié, les nouvelles aspirations à l'autonomie doivent nous inciter à mieux accompagner les formes de travail indépendant. Le Président de la République a annoncé un nouveau plan en faveur des plus de 3 millions de travailleurs indépendants. Sans empiéter sur ce sujet, qui relève des attributions de mon collègue Alain Griset, je rappelle que les indépendants bénéficient de droits spécifiques à l'assurance chômage, via l'allocation pour les travailleurs indépendants (ATI), depuis le 1er novembre 2019. Les conditions d'accès à cette allocation seront bientôt assouplies ; il ne sera plus nécessaire aux indépendants d'attendre une liquidation ou un redressement judiciaire. Sous réserve de respecter les autres critères, ils pourront accéder à l'ATI, dès lors qu'ils auront cessé de manière définitive leur activité, lorsque cette dernière n'était pas viable économiquement.
Par ailleurs, dès le 1er janvier 2022, l'appréciation des conditions de ressources tirées de l'activité sera également assouplie afin de permettre à davantage d'indépendants d'accéder à cette allocation. Il s'agit d'un pas supplémentaire dans la reconnaissance collective du travail, du mérite et de la prise de risque, marques de fabrique des indépendants. Ce sujet sera au coeur de l'examen, au Sénat, au mois d'octobre, du projet de loi en faveur des travailleurs indépendants.
Ensuite, il est évidemment nécessaire de poursuivre la sécurisation des nouvelles formes d'emploi, qui offrent des gisements d'emplois confortés par la crise. Je me centrerai sur le sujet des travailleurs des plates-formes, que je connais pour avoir défendu la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, au début du quinquennat. Depuis juillet 2020, dans le cadre de l'agenda social, nous nous attachons à mieux accompagner les travailleurs les plus vulnérables, notamment les travailleurs des plates-formes ; vous l'avez dit, je serai ce soir à l'Assemblée nationale pour présenter le projet de loi concernant la mise en oeuvre du dialogue social dans le secteur des plates-formes de mobilité, qu'il s'agisse des voitures de transport avec chauffeur (VTC) ou des livreurs à vélo.
Nous proposons, au travers de ce projet de loi, de ratifier l'ordonnance du 21 avril 2021 précitée, qui pose les premiers jalons d'un dialogue social en permettant aux travailleurs de ces plates-formes d'avoir accès à une représentation ; concrètement, une élection nationale à tour unique sera organisée par vote électronique au printemps 2022, pour permettre aux travailleurs d'élire leurs organisations et de désigner leurs représentants.
Pour répondre à votre question, Madame la présidente, nous sommes convaincus que la régulation sociale de ce secteur passe par la structuration d'un dialogue social entre les plates-formes et les représentants des travailleurs indépendants. En revanche, il doit y avoir un malentendu, parce que la question de la rémunération fera naturellement partie des sujets qui pourront être traités dans le cadre de ce dialogue social. Cela pourra être précisé dans le cadre d'une habilitation incluse dans ce projet de loi de ratification de la première ordonnance, puisque ce texte ratifie l'ordonnance qui permet l'organisation des représentants des travailleurs des plates-formes, prévoit une représentation des plates-formes et définit le cadre de la négociation ; parmi les sujets à traiter, il y aura bien celui de la rémunération.
Quant à votre question relative au renforcement de l'autonomie, je puis indiquer que, depuis le départ, la position du Gouvernement consiste à ne pas préjuger du statut du travailleur - salarié ou indépendant - ; néanmoins, comme nous avons commencé à le faire dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités (LOM), nous affirmons que, si un travailleur a un statut d'indépendant, alors il faut lui donner toutes les garanties pour l'être réellement. C'est en ce sens que des compléments sont prévus dans l'une des habilitations proposées.
Un travail est en cours à l'échelon européen. La Commission a engagé une consultation sur les différentes voies possibles pour répondre à l'objectif que nous partageons tous, je pense : renforcer le droit des travailleurs des plateformes et s'assurer que, quel que soit leur statut, ces travailleurs aient bien des droits et puissent bénéficier d'une protection sociale. La Commission devrait présenter ses textes, supposés inclure des propositions sur le droit de la concurrence européen, d'ici à la fin de l'année. Il s'agit de l'un des sujets dont nous souhaitons nous saisir à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne à partir du 1er janvier 2022.
Cette régulation du secteur passe, selon nous, par la structuration d'un dialogue social entre les plates-formes et les représentants des travailleurs. C'est le développement de ce dialogue qui permettra un meilleur équilibre des relations commerciales, une rémunération et des conditions de travail adaptées aux nouvelles formes d'emploi. En outre, au travers de la négociation collective, nous voulons mettre ces travailleurs en mesure de définir les solutions les plus adaptées à un univers de travail très spécifique et encore en pleine évolution.
En ce qui concerne les plates-formes de livraison, nous menons un autre chantier avec le ministère de l'intérieur et le ministère délégué aux transports : la lutte contre l'exploitation des travailleurs vulnérables par la sous-location de comptes, que nous constatons dans ce secteur. Nous avons obtenu des plates-formes des engagements fermes et concrets afin qu'elles assument leurs responsabilités en la matière.
Nous avons échangé avec le commissaire Nicolas Schmit sur ces questions, que nous souhaitons également aborder dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne.
La crise a accéléré certaines mutations profondes du monde du travail - organisation, évolution des compétences ou formes d'emploi - ; nous cherchons à tirer les leçons de ces bouleversements, à doter des entreprises d'outils pour y faire face, avec le plus d'anticipation, de résilience et de force possible, en s'assurant que le dialogue social reste au coeur des décisions de l'entreprise et en contribuant à diffuser des outils, comme les tiers-lieux. Si les entreprises sont au coeur de ces mutations, le rôle des pouvoirs publics est, plus que jamais, de les écouter, de les accompagner et, évidemment, de s'assurer que les salariés soient bien protégés.
Sur les plates-formes numériques de travail, nous avons déjà eu plusieurs échanges, à l'occasion de l'examen de certains projets de loi.
Vous évoquez l'ordonnance du 21 avril dernier et vous indiquez que la question de la rémunération et des conditions de travail fera l'objet de négociations. C'est bien, mais je me demande pourquoi ne pas l'avoir intégré dans l'ordonnance dès l'origine, car cela correspond à une attente des dirigeants et des travailleurs des plates-formes numériques de travail. Il aurait été préférable d'inclure les objets du dialogue social dans le texte.
Nous évoquons souvent la question des livreurs et des chauffeurs, c'est-à-dire des plates-formes numériques de mobilité, mais il ne s'agit là que de la partie émergée de l'iceberg, car d'autres domaines sont touchés : la traduction, l'expertise comptable, la finance, ainsi que les services à la personne. Pourquoi cette ordonnance ne concerne-t-elle que les plates-formes de mobilité ?
Vos rencontres de la semaine dernière visaient à trouver des solutions au travail dissimulé. J'ai lu que la piste de la reconnaissance faciale y a été évoquée ; allez-vous écarter cette piste ? La Commission nationale de l'informatique et des libertés de France (CNIL) considère que cela constitue un traitement de données biométriques, donc sensible. La lutte contre le travail dissimulé doit passer, selon moi, par un autre outil.
Vous avez rencontré Deliveroo, mais cette entreprise est poursuivie devant le tribunal correctionnel de Paris pour travail dissimulé, grâce au travail de l'inspection du travail et de l'Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI). Il faut mettre fin à ces contradictions. Qu'en pensez-vous ? On ne peut pas convoquer les dirigeants des plates-formes pour lutter contre le travail dissimulé tout en ayant, autour de la table, des dirigeants relevant du pénal. Il faut prendre parti !
Que pensez-vous de la proposition du Parlement européen consistant à instaurer une présomption réfragable de relation de travail ? Cela permettrait aux travailleurs réellement indépendants de le rester. En effet, il faut clarifier la distinction entre l'autonomie et l'indépendance. Il faut affirmer un véritable statut à l'indépendance, mais aussi donner un statut à ceux qui sont dans une relation de subordination. Ce sont des plates-formes numériques de travail et non des plates-formes commerciales ; cela n'a rien à voir avec des échanges commerciaux ! Il y a un lien de subordination, un donneur d'ordre, des algorithmes.
Nous allons prendre une nouvelle ordonnance pour préciser le contenu de la négociation ; nous n'avons pas pu le faire dans l'ordonnance du 21 avril dernier, car la loi d'habilitation ne nous le permettait pas. C'est pourquoi nous demandons une nouvelle habilitation au travers de la loi de ratification de la précédente, parce que nous souhaitons organiser des élections au début de l'année prochaine. Nous souhaitons que les travailleurs connaissent vite les thèmes de la négociation pour s'en emparer.
Pourquoi nous occupons-nous des plates-formes de mobilité ? Ce choix remonte, là encore, à la loi d'habilitation. En outre, les plates-formes de mobilité ont permis le développement de nouveaux services ; les livreurs à vélo ou les VTC n'existaient pas avant les plates-formes. Cela crée donc de nouveaux emplois.
Oui, des emplois, qui doivent, selon vous, être occupés par des salariés, mais peut-être serait-il intéressant de demander leur avis aux intéressés... Pour avoir échangé, à de nombreuses reprises avec des chauffeurs, j'ai constaté que ceux-ci, dans une proportion écrasante, ne souhaitaient pas être salariés, en raison des contraintes liées à ce statut. Il me semble important de respecter ces choix.
Néanmoins, nous partageons la volonté que ces travailleurs puissent bénéficier, quel que soit leur statut, d'une protection sociale. Parallèlement au projet de loi que j'ai cité, nous avons lancé une mission visant à améliorer la protection sociale de ces travailleurs.
Sur la reconnaissance faciale, j'ai échangé avec les plates-formes. Il est très choquant qu'un livreur connecté à une plate-forme de livraison puisse sous-traiter sa course à des travailleurs vulnérables, qui touchent 30 % du prix de la prestation. Nous demandons aux plates-formes de rendre impossible cette sous-traitance illégale. Je ne suis pas une fanatique de la reconnaissance faciale, mais les plates-formes proposent cet outil pour s'assurer que le livreur qui livre est bien celui qui est inscrit sur la plate-forme. J'imagine qu'elles feront valider cette possibilité par la CNIL.
Si vous avez de meilleures idées, je suis preneuse !
La reconnaissance faciale s'appliquerait aux travailleurs les plus précaires, mais non à tous les autres...
Je souhaite en l'occurrence éviter ces sous-traitances illégales à des personnes très vulnérables. Si vous avez d'autres idées, soumettez-les aux plates-formes. Pour ma part, je demande que cela s'arrête.
J'en viens à la proposition du Parlement européen. Nous constatons que ces plates-formes permettent la création d'emplois, indépendants ou salariés. Nous ne souhaitons pas définir un statut a priori. Nous souhaitons que les travailleurs soient protégés, quel que soit leur statut, qu'ils puissent établir un meilleur rapport de force avec les plates-formes et améliorer leur protection sociale. Ensuite, la Commission a formulé différentes hypothèses ; la présomption réfragable de salariat est une solution ; l'inversion de la charge de la preuve en est une autre, qui n'est pas très différente. L'idée est que les travailleurs puissent choisir leur statut, négocier avec les plates-formes et bénéficier d'une protection sociale améliorée.
Comment les travailleurs indépendants pourront-ils discuter de rémunération sans tomber sous le coup des règles du droit de la concurrence, sans être soupçonnés d'entente ?
Vous évoquiez les travaux du commissaire Nicolas Schmit. J'insiste sur le rapport de Sylvie Brunet, adopté largement au Parlement européen la semaine dernière. Il y est proposé la présomption de salariat. Je connais votre position à ce sujet, mais comment ce dossier peut-il évoluer ?
Un arrêt du 16 septembre dernier de la cour d'appel de Paris a clarifié les choses sur le sujet : jusqu'à présent, les travailleurs qui demandaient une requalification au conseil de prud'hommes se heurtaient à un renvoi vers le tribunal de commerce. Cette fois, la cour d'appel a précisé que c'est le conseil de prud'hommes qui est compétent. C'est un progrès.
Sur le travail dissimulé, vous dites que des contrôles ont lieu, mais je constate, dans la rue, que la profession de livreur à vélo est ethnicisée au maximum et les enquêtes universitaires montrent qu'il y a un problème majeur. Le travail illégal est de la distorsion de concurrence par rapport à d'autres professions et entraîne des rémunérations inadmissibles. Pourquoi le juge n'intervient-il pas pour mettre fin à ces situations obscènes ?
Je le répète, l'inspection du travail est mobilisée sur ce sujet. La procédure en cours contre Deliveroo résulte d'ailleurs d'un contrôle de cette dernière. Entre mars et juin derniers, il y a eu une vingtaine d'opérations de contrôle, portant sur la situation de 400 livreurs. Nous sommes très mobilisés et nous lançons des procédures pénales. Cela dit, je ne commenterai pas les décisions de justice, qui peuvent varier, jusqu'à ce que la Cour de cassation tranche définitivement.
Sur la concurrence et la capacité des travailleurs à négocier ensemble, ce sujet fait partie des propositions européennes. Nous souhaitons anticiper ce sujet, car la Commission devra s'assurer que la négociation entre représentants des travailleurs et plates-formes sera possible. C'est ce que souhaite clarifier la Commission et je pense qu'il n'y aura pas d'opposition des autres pays. L'objectif est de sécuriser les conditions de travail de ces travailleurs.
J'ai entendu la question sur le rapport de Sylvie Brunet : nous ne souhaitons pas définir à l'avance le statut des travailleurs ; quel que soit celui-ci, nous souhaitons qu'ils puissent améliorer leur protection sociale. Nous ne sommes pas favorables à la présomption de salariat, mais il y a tout un panel de solutions entre la présomption réfragable de salariat et l'inversion de la charge de la preuve. L'idée est de favoriser la reconnaissance des travailleurs qui se considéreraient dans une forme de salariat déguisé.
Alors que le taux de chômage baisse effectivement, les entreprises rencontrent des difficultés pour trouver les collaborateurs qu'elles recherchent.
Si l'ordonnance prévoit que la taxe versée à l'autorité de régulation sera due par l'ensemble des plateformes, elle ne fait référence au dialogue social que pour les plateformes de mobilité. Quid des autres plateformes ? Est-il envisagé d'instituer des prestations ? Sur quelles bases le dialogue social s'établira-t-il ? L'idée d'une rémunération minimale ou d'une garantie minimale de revenus pour les travailleurs - c'est une préoccupation qui est régulièrement exprimée - pourra-t-elle être examinée ?
Il faut effectivement qu'il puisse y avoir choix du statut. Mais nous savons bien que des évolutions sont nécessaires sur la protection sociale des indépendants, notamment au regard du faible niveau des rémunérations.
Puisque des accords de secteur et des accords avec des plateformes vont intervenir, y a-t-il un risque de primauté des uns sur les autres ?
Dans le secteur de la mobilité - nous pouvons tous nous rejoindre sur ce point -, les plateformes créent de nouveaux services, donc de nouveaux emplois.
Mais restons vigilants : le développement de plateformes dans d'autres secteurs ne doit pas remettre en cause le travail salarié là où il existe. Par exemple, il ne me semble pas nécessaire d'encourager une telle évolution dans la restauration. Nous voulons au contraire renforcer les contrôles. C'est bien pour nous prémunir contre le risque de transformation de travail salarié en faux travail indépendant que nous avons fait le choix d'avancer dans le secteur de la mobilité, mais pas dans les autres.
Une concertation avec les représentants des travailleurs et des plateformes est prévue. Les questions liées aux conditions de travail et aux rémunérations seront nécessairement abordées. Ce sont des thèmes de négociation importants.
Je ne suis pas en mesure de vous répondre sur la hiérarchie entre les accords, car cela reste à caler avec les acteurs concernés. Mais la concertation nous permettra de préciser de tels éléments dans le cadre des ordonnances.
Madame la ministre, vous parlez d'« emploi » ; je parle d'« activité ». Ce n'est pas exactement pareil. Une clarification s'impose pour que nous ayons bien les mêmes repères, quitte à ce que nos choix diffèrent ensuite.
Quelle distinction faites-vous entre le travail et la mise en relation ? Il ne s'agit pas d'emplois créés. Des femmes et des hommes ont simplement une activité économique, qui existe d'ailleurs parfois depuis très longtemps, comme le fait de livrer du lait. Ce que d'aucuns voudraient aujourd'hui faire passer pour une solution miracle présente tout de même beaucoup de similitudes avec le travail à la pièce.
L'algorithme est-il un moyen numérique de mise en application d'une prérogative d'employeur ? Le sujet, qui est extrêmement important, ne concerne pas seulement le secteur de la mobilité. Qu'il s'agisse des services aux personnes, de la traduction, de la finance, de l'expert-comptabilité, beaucoup de professions sont concernées par l'uberisation de la société. Certains peuvent se retrouver dans des situations extrêmement difficiles en raison de cette logique algorithmique, dont ils n'ont pas forcément la maîtrise. Cela touche à notre culture de la négociation collective. L'algorithme doit être dans la négociation collective, avec un esprit de confidentialité de l'entreprise. C'est tout de même lui qui définit les conditions de travail et la rémunération, et ce en ignorant parfois des outils de travail. Je pense par exemple à la question des produits utilisés par les personnes qui vont faire de l'entretien ou du ménage chez des particuliers via des plateformes numériques. Tout le monde sait que de telles plateformes existent déjà.
Cette évolution rampante, qui s'accélère dans notre société, suscite des interrogations. Nous avons besoin de garanties, notamment sur les droits des personnes. L'État doit jouer le rôle que vous avez indiqué dans votre propos liminaire.
Je ne parlerai pas d'« employeurs ». Les plateformes que nous évoquons mettent en relation non pas des salariés et des employeurs, mais, par exemple, des chauffeurs et des clients.
Les enjeux liés aux algorithmes sont effectivement importants. Nous avons ainsi prévu un encadrement dans la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, afin que des chauffeurs ou des livreurs ne soient pas pénalisés en cas de refus de se connecter à toute heure du jour et de la nuit. Nous avons également introduit des dispositions relatives aux plateformes de mobilité dans le projet de loi d'habilitation qui sera examiné ce soir. Nous continuerons de renforcer l'encadrement de ces algorithmes. Un rapport de l'institut Montaigne a mis en lumière les dérives pouvant résulter du management algorithmique. Nous avons souhaité prendre des précautions pour nous en prémunir.
Cela me paraît une très bonne chose que les règles puissent faire demain l'objet de discussions entre les représentants des travailleurs et ceux des plateformes. Si nous commençons à décider des produits que les personnes assurant des services à domicile doivent utiliser, nous allons, me semble-t-il, nous éloigner du travail indépendant.
Madame la ministre, dans votre propos liminaire, vous avez à juste titre fait référence au développement de l'apprentissage.
En 2020, dans le privé, le nombre de contrats d'apprentissage est passé de 350 000 à 510 000, soit une augmentation de 40 %. C'est considérable. Cela traduit bien l'appétence des jeunes pour cette filière. Et c'est aussi l'intérêt des entreprises de proposer de tels postes.
En revanche, dans le public, tous secteurs confondus, qu'il s'agisse de l'État ou des collectivités territoriales, le nombre de contrats a quasiment stagné, passant simplement de 14 600 en 2019 à 15 300 en 2020. Il y a là un gisement de contrats potentiels. C'est une piste qui mériterait d'être creusée. Il faut que l'État et les collectivités locales s'y intéressent. Ayant géré une commune importante, je sais qu'il y a de quoi accueillir des jeunes en apprentissage dans les villes, dans les agglomérations et dans les services non seulement techniques, mais également tertiaires de l'État. Une action particulière du Gouvernement en la matière serait peut-être souhaitable.
Je pense comme vous qu'il est possible de développer davantage l'apprentissage dans les fonctions publiques. Simplement, il existe aujourd'hui un certain nombre de freins.
Le premier est lié au plafond d'emplois. Des dispositions ont donc été prises dans la fonction publique de l'État, notamment depuis cette année, pour que le recrutement d'un apprenti ne vienne pas percuter ce plafond. Je ne sais pas ce qu'il en est dans les collectivités locales, mais il est possible que, là aussi, le plafond d'emplois constitue un frein.
Le deuxième concerne le mode de recrutement dans les fonctions publiques. Les perspectives d'avoir un emploi à la clé sont plus faibles. Avoir effectué son apprentissage dans une collectivité ne permet pas d'avoir le concours.
Le troisième a trait au modèle financier. Nous avons mis en place des aides très incitatives pour les entreprises, notamment pendant la crise. Nous avons d'ailleurs fait le choix de les proroger jusqu'au mois de juin 2022. Certes, nous avons également institué des aides pour les collectivités territoriales. Mais le financement des contrats ne repose pas sur le même modèle que pour les entreprises. En l'occurrence, il s'agit de la contribution unique à la formation professionnelle et à l'alternance (Cufpa). Les collectivités participent au financement des contrats d'apprentissage. Notre volonté est que cela ne vienne pas empiéter sur les ressources du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) en termes de formation continue des fonctionnaires territoriaux.
Nous discutons de ces sujets avec ma collègue Amélie de Montchalin et les associations de collectivités. Je pense comme vous qu'il y a beaucoup de métiers propices au développement de l'apprentissage dans les fonctions publiques, notamment dans la fonction publique territoriale. Simplement, il reste des freins à lever. Nous nous y employons.
Aujourd'hui, des jeunes qui s'engagent dans des formations en alternance débouchant sur des métiers liés à la sphère publique, par exemple dans l'environnement ou la médiation culturelle, ne trouvent pas de stage ou de contrat d'apprentissage. C'est un véritable problème.
Je trouve extrêmement intéressante l'idée, formulée dans le rapport Frouin, de créer une autorité indépendante qui aurait des missions extrêmement élargies vis-à-vis des plateformes. Selon le texte de l'ordonnance, la fameuse Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi (ARPE) s'occupera uniquement de dialogue social. Elle aurait aussi pu arbitrer les discussions sur les rémunérations, émettre des avis sur des licences à accorder aux plateformes et être un observatoire. Nous n'avons quasiment aucune connaissance sur les plateformes ; c'est le brouillard absolu. La création de la ARPE est-elle est un premier pas pour aller plus loin ? À mon sens, il y a des missions importantes à remplir pour combler l'asymétrie de relations que met en oeuvre l'uberisation.
Je souhaite également vous interroger sur la transparence de l'algorithme. S'agit-il véritablement d'emplois créés, comme vous venez de l'affirmer, quand les conditions générales d'utilisation d'Uber prévoient que les personnes peuvent être déconnectées sans autre forme de préavis ? Le syndicat représentatif des VTC, INV, a mené un travail d'enquête extrêmement intéressant sur les motifs de déconnexion. Les conclusions sont affligeantes. Nous ne sommes plus dans l'État de droit. On ne comprend pas les raisons pour lesquelles un chauffeur perd son activité.
La CNIL a une expertise extrêmement forte et reconnue, même si elle manque de moyens. Ne pourrait-on pas lui confier des missions particulières pour remettre du droit dans l'algorithme ?
Il est nécessaire d'avoir de la visibilité au-delà de trois ans sur les investissements dédiés à l'apprentissage. Le nombre de centres de formation interprofessionnels ayant augmenté, des engagements s'imposent. Certes, j'ai bien compris que des évolutions allaient intervenir dans le cadre des pactes régionaux d'investissement dans les compétences. Mais des financements d'investissements pourront-ils également être octroyés ?
Il y a aujourd'hui un problème d'inadéquation des compétences aux besoins des entreprises. La formation a du mal à évoluer dans les entreprises de 50 à 300 salariés. Il est pourtant nécessaire que les salariés montent en compétences. Je pense que le compte personnel de formation n'est pas suffisamment utilisé. Des actions seront-elles menées pour permettre aux salariés de monter en compétences et répondre aux besoins des entreprises ?
Alors que des jeunes travailleurs fréquentent régulièrement de telles plateformes, je m'interroge sur le « revenu d'engagement » en cours d'élaboration. Apparemment, sur la question budgétaire, ce n'est pas encore très clair entre vous et Bruno Le Maire. La presse parle de 2 milliards d'euros. Qu'en sera-t-il réellement ?
Combien de jeunes seront concernés ? 300 000 ? 350 000 ? Y aura-t-il un budget dédié pour les conseillers des missions locales ou de Pôle emploi qui les accompagneront ? D'après les retours que j'ai eus dans mon département, il n'y a pas eu de hausse significative des effectifs au sein des missions locales. Je connais très bien l'argumentaire du plan « 1 jeune, 1 solution ». Ce que je ne connais pas, c'est la solution de l'équation budgétaire du revenu d'engagement. Pourriez-vous m'éclairer ?
Alors que le nombre de jeunes en apprentissage a très fortement augmenté, combien y a-t-il eu de créations de centres de formation des apprentis (CFA) et d'unités de formation par apprentissage (UFA) depuis l'entrée en vigueur de la loi donnant la main aux branches qui prennent ces structures en charge ?
Existe-t-il des incitations fortes pour que les plateformes informent beaucoup mieux les personnes avec qui elles contractent sur toutes les différences, en particulier de protection, entre salariés et travailleurs indépendants ?
Vous le savez, notre logique a été de permettre aux régions de garder les budgets d'investissement dont elles disposaient. Celles-ci ont donc aujourd'hui deux enveloppes : une sur le budget d'investissement et une autre pour soutenir les CFA, dans une logique d'aménagement du territoire. Dans les discussions que nous avons eues avec elles, les régions nous ont demandé de faire de la fongibilité. Nous sommes en train d'instruire ce dossier. Il faut effectivement permettre aux CFA de continuer à moderniser leur plateau technique ; c'est un enjeu important pour la qualité de la formation qui y est délivrée.
Les partenaires sociaux ont effectivement soulevé la question de la formation dans les centres. Il y a une forte attente des entreprises de pouvoir bénéficier de fonds mutualisés, comme cela pouvait être le cas par le passé. Cela pose la question des ressources globales de France compétences. Aujourd'hui, on ne peut pas dire que ce budget soit inemployé, grâce notamment au très fort essor de l'apprentissage et du compte personnel de formation (CPF). L'an dernier, un million de Français ont mobilisé leur CPF pour se former, et ils seront sans doute le double cette année.
Les entreprises de 50 à 300 salariés peuvent avoir le sentiment d'un manque. Nous avons donc financé des formations, y compris en complément des fonds mutualisés. Nous mobiliserons de nouveau des fonds dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences, qui sera présenté par le Premier ministre. Cela laissera du temps pour réfléchir aux grands équilibres de France compétences.
Je partage votre sentiment. Il est fondamental d'accompagner les entreprises, notamment les entreprises de moins de 300 salariés, pour qu'elles puissent adapter les compétences de leurs salariés aux transformations économiques. Le dialogue social doit également porter sur les moyens de mieux mobiliser le CPF, qui est un dispositif utile pour l'évolution professionnelle individuelle du salarié, mais qui doit aussi permettre de répondre aux besoins des entreprises en termes d'adaptation des compétences. Cela fait partie des pistes de travail qui ont été présentées par les partenaires sociaux.
Nous sommes passés de quelque 900 CFA à environ 2 000. Je suis très impressionnée - j'imagine que vous constatez la même chose dans vos territoires - par la réactivité que la loi a donnée au CFA pour adapter à la fois le contenu des formations aux besoins des entreprises et la pédagogie à la diversité des profils des apprentis.
Monsieur Jacquin, l'ARPE aura pour première mission d'organiser les élections. Son rôle sera aussi de développer le dialogue social et, éventuellement, d'intervenir en cas de litiges entre les plateformes et les travailleurs. Il y a certainement beaucoup d'intérêt à exploiter des données de ces plateformes.
Le message qui a été passé à l'assemblée générale de l'Union nationale des missions locales (UNML) est que les moyens sont là. Notre volonté est véritablement d'avoir la meilleure qualité d'accompagnement adaptée aux besoins du jeune. L'objectif est de mobiliser toutes les solutions qu'on peut avoir dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », qu'il s'agisse des ateliers collectifs, de la mise à niveau sur des savoirs de base ou de la découverte des métiers. Les missions locales ont pu recruter largement grâce à l'augmentation importante de la subvention qui leur est attribuée. Il y a donc suffisamment de conseillers et suffisamment de solutions pour accompagner chaque jeune dans un parcours vers un emploi durable. Les missions locales - c'était la tonalité générale à l'assemblée de l'UNML - considèrent que nous avons été à leurs côtés et que nous avons su leur donner des moyens dont elles avaient besoin.
Madame la ministre, avec ma collègue Martine Berthet, présidente de la mission d'information sur l'uberisation de la société, nous vous remercions d'avoir participé à ces échanges.
La réunion est close à 18 h 50.