Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères, sur son rapport relatif à la France et à la mondialisation.
a rappelé que M. Hubert Védrine avait remis, au mois de septembre dernier, au Président de la République, à la demande de ce dernier, un rapport intitulé « La France et la mondialisation ». Il a souhaité que M. Hubert Védrine puisse développer devant la commission les principales conclusions de son rapport concernant la politique étrangère et la politique de défense de la France, et plus particulièrement la question de l'OTAN. Il l'a également interrogé sur le projet de création d'une Union pour la Méditerranée.
a précisé que la première partie de son rapport portait sur l'attitude de la France face à la mondialisation économique. Il y préconisait de passer d'une méfiance stérile à un dynamisme offensif, grâce à une combinaison de politiques d'adaptations, de réformes, de protections et de régulations. La seconde partie du rapport évaluait, quant à elle, l'opportunité de maintenir ou, au contraire, d'infléchir, les grandes orientations de la politique étrangère de notre pays.
a rappelé que les axes fondamentaux de la politique étrangère française avaient été définis par le général de Gaulle au cours de son second mandat. Constatant l'impossibilité de constituer un « Directoire » où il souhaitait voir la France associée aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne, il avait décidé, en 1966, de suspendre notre participation aux organes intégrés de l'Alliance atlantique. De là date, vis-à-vis des Etats-Unis, une posture que l'on peut résumer par la formule « amis, alliés, pas alignés ». Elle a constitué, depuis lors, pour la politique étrangère française, un fil conducteur dont aucun Président de la République ne s'est jusqu'ici véritablement écarté. La France a eu sa propre politique.
a identifié deux courants de pensée désireux, malgré cela, de remettre en cause ces constantes de la politique étrangère française. Le premier courant qui a été important et que l'on peut qualifier d'européiste, considère que les politiques étrangères nationales sont un vestige du passé et sont appelées à disparaître au profit d'une politique étrangère européenne commune. Toutefois, presque aucun dirigeant européen ne défend encore aujourd'hui cette thèse maximaliste, qui ne s'est pas vérifiée dans la réalité de la construction européenne. L'autre courant, beaucoup plus fort, allie l'atlantisme classique, attaché à la solidarité entre l'Europe et les Etats-Unis, leader de l'alliance, et un « occidentalisme » plus récent, inspiré par les néo-conservateurs américains, qui met l'accent sur une communauté de valeurs distinguant nettement l'Occident du reste du monde et qui prône un interventionnisme qui a été la caractéristique du premier mandat du président Bush.
a ensuite abordé la question du « retour » de la France dans l'OTAN, étant précisé que notre pays n'a jamais quitté l'Alliance, qu'il y a notablement renforcé son implication ces dernières années, mais qu'il ne participe toujours pas à l'intégralité des organes de direction et des structures militaires.
Il a estimé qu'une normalisation de la position française apporterait peu de bénéfices au plan militaire, et qu'elle pourrait, en revanche, comporter un coût politique élevé, car elle serait très certainement perçue dans le monde comme un alignement de la France sur les Etats-Unis. Cette impression ne pourrait être gommée que si était engagée réellement, dans le même temps, une réforme en profondeur de l'OTAN.
a souligné que le Président de la République avait clairement lié une éventuelle évolution de la position française à la rénovation de l'Alliance, avec notamment l'affirmation, en son sein, d'un pilier européen plus affirmé. Cette démarche est assez proche de celle qu'avait tentée le président Chirac en 1995-1996. Il faut cependant constater que les Etats-Unis n'ont jamais réellement levé leurs réticences vis-à-vis d'une plus grande autonomie de l'Europe en matière de défense. De plus, nos partenaires européens demeurent hésitants face à une évolution qui impliquerait un effort financier beaucoup plus élevé en matière de défense, ainsi qu'une prise de responsabilité et de risques beaucoup plus importante.
a rappelé les circonstances de l'accord de Saint-Malo, en 1998, qui a permis tous les développements ultérieurs de la politique européenne de sécurité et de défense. Jusqu'alors, la Grande-Bretagne considérait que la défense relevait exclusivement de l'Alliance atlantique, alors que la France ambitionnait de construire une défense européenne indépendante de l'OTAN. Le compromis de Saint-Malo permettrait le développement d'une défense européenne, l'alliance restant le cadre de la défense collective.
a estimé qu'il n'y avait, à ses yeux, rien de contestable, a priori, à ce que la France se déclare disponible pour reprendre une place pleine et entière dans les organes d'une Alliance atlantique rénovée, dès lors que ce positionnement constituerait un levier pour faire surgir un véritable pilier européen au sein de l'Alliance. Il s'est toutefois interrogé sur les chances de réussite de cette démarche, compte tenu de l'approche américaine traditionnelle et de la position de nombreux pays européens qui se satisfont pleinement du statu quo. Il a estimé qu'en tout état de cause cette démarche ne paraissait pas pouvoir aboutir rapidement.
a également suggéré que la question du statut de la France dans l'OTAN soit considérée en relation avec l'évolution en cours de la nature et des missions de l'OTAN. Il a mentionné, à cet égard, l'élargissement géographique de l'Alliance et son intervention hors de la zone euro-atlantique, les Etats-Unis souhaitant la transformer en bras armé de la sécurité occidentale à l'échelle mondiale. Il a déploré l'absence de débat public et parlementaire sur cette transformation progressive de l'OTAN dans les pays alliés concernés.
Sur un plan plus général, M. Hubert Védrine a estimé que, fait nouveau depuis cinq siècles, les occidentaux perdent le monopole de l'histoire et de la puissance ainsi que de leur primauté absolue en termes économiques et stratégiques, et qu'ils doivent se préparer à gérer cette mutation difficile.
a ensuite évoqué les perspectives des élections américaines et de changement d'administration à Washington. L'un des défis majeurs lancés à la diplomatie américaine sera celui des relations avec les puissances émergentes, dans un monde devenu multipolaire, même si les Etats-Unis restent prédominants, monde qui n'en sera pas pour autant plus stable ou plus amical. Ainsi, faudra-t-il considérer la Chine ou la Russie comme de simples marchés, des partenaires possibles ou des concurrents, voire comme la source de nouveaux risques ou de nouvelles menaces ? Cela nécessitera un choix clair. L'une des interrogations porte également sur le choix des Etats-Unis de se lancer ou non dans la révolution écologique. L'attitude américaine envers les alliés est un autre point important pour nous.
a ensuite souligné l'intérêt pour les Européens de définir ensemble ce qu'ils attendent de la future administration américaine afin de proposer, au printemps 2009, une approche homogène sur des dossiers précis. La présidence française de l'Union européenne, au second semestre 2008, pourrait être mise à profit pour cette préparation.
Abordant le projet de l'Union de la Méditerranée, M. Hubert Védrine a rappelé la pertinence de l'analyse initiale du besoin qui repose sur la lassitude des pays du sud de la Méditerranée face à ce qu'ils considèrent comme une forme de paternalisme imposant des politiques élaborées par le nord. Une preuve en est qu'il n'y ait eu pratiquement aucun représentant des pays du sud pour le 10e anniversaire du processus de Barcelone. Il a toutefois fait remarquer que la présentation de cette ambition, les termes employés et la méthode retenue étaient apparus, notamment à l'Allemagne et à la Commission, comme la volonté de créer une nouvelle structure autonome potentiellement concurrente de l'Union européenne, d'où le vif désaccord actuel.
Il est malgré tout vraisemblablement possible d'atteindre cet objectif en le recentrant sur de grands projets concrets et en renonçant à une dimension institutionnelle trop ambitieuse, faute de quoi on prenait le risque d'un échec lors de la réunion de juillet 2008.
Au terme de l'exposé de M. Hubert Védrine, M. Josselin de Rohan, président, a souhaité connaître son sentiment sur les diverses initiatives françaises envers la Syrie.
a estimé que notre pays tendait à surestimer sa capacité d'influence sur la situation libanaise, et que, de surcroît, ses positions étaient marquées par une confusion fréquente entre son rôle traditionnel d'ami des chrétiens libanais et sa volonté plus récente de s'ériger en auxiliaire de l'entente entre les diverses communautés de ce pays. Cependant, la France ne doit s'interdire a priori aucun dialogue, pourvu qu'il soit utile et conforme à ses intérêts. S'agissant de la Syrie, c'est un règlement régional qui, seul, pourrait la priver de son pouvoir de nuisance. M. Hubert Védrine a donc considéré qu'il convenait de ne pas surinvestir dans cette question et, qu'en fait, la question palestinienne demeurait la clé. Il a rappelé que, face aux difficultés affectant le Moyen-Orient, les recommandations contenues dans le rapport « Baker-Hamilton » de décembre 2006 comportaient la présentation d'une politique occidentale possible, complètement différente sur les questions irakiennes, iraniennes et palestiniennes.
s'est interrogé sur la stratégie de l'OTAN, qui peine à s'imposer en Afghanistan, mais entreprend simultanément une extension tant géographique que fonctionnelle mal maîtrisée. Il a souhaité recueillir l'opinion de M. Hubert Védrine sur la contrepartie politique que pourrait solliciter la France à son éventuelle réintégration dans l'ensemble des organes militaires de l'OTAN, qu'il a jugée indispensable, car cette évolution ferait perdre à notre pays la sympathie que lui vaut sa position singulière.
a souligné les désaccords persistants au sein des vingt-sept Etats membres de l'Union européenne à l'égard de l'attitude à adopter face à la Russie. Il s'est interrogé sur les buts poursuivis par les Etats-Unis en déployant un bouclier anti-missile en Pologne et en République tchèque.
a évoqué l'importance particulière du continent africain pour l'Europe et s'est inquiété d'une éventuelle altération des rapports étroits entre la France et l'Afrique qui découlerait du discours prononcé à Dakar par le Président de la République.
a pris acte du fait multipolaire, estimant qu'il dominera les relations internationales à venir, notamment à partir du pôle asiatique. Il s'est interrogé sur la stabilité de ce pôle, au sein duquel une alliance entre le Japon, les Etats-Unis et l'Inde pourrait équilibrer la Chine et aboutir à une stabilité du type de celle qu'a connue l'Europe du XIXe siècle. De ce point de vue, le rapprochement entre l'Inde et la Chine ne pourrait être qu'apparent. Il s'est interrogé sur la capacité de l'Europe à constituer un pôle à part entière, soulignant ses atouts commerciaux et monétaires, mais également son manque d'unité politique, qui compromet la définition d'une politique étrangère et de défense commune. Il a jugé que cette politique pourrait se fonder sur un accord avec les Etats-Unis, mais que ces derniers réclameraient alors un partage plus équitable des dépenses de défense. Il a estimé qu'une vision globale optimiste de l'Europe pouvait être défendue, en considération des progrès accomplis depuis la conclusion du traité de Rome en 1957.
En réponse, M. Hubert Védrine a apporté les éléments suivants :
- il convient d'être, non pas pessimiste, mais interrogatif sur la volonté des Européens à faire de l'Union européenne une vraie puissance, ce qui ne se fera pas par plus d'intégration, celle-ci étant appelée à se stabiliser avec le traité de Lisbonne ;
- s'agissant de l'évolution de l'OTAN et de la vision du monde, l'émergence d'un courant « occidentaliste » aux Etats-Unis, en Europe et en France est indéniable ; ce courant est fondé sur la volonté de constituer un bloc des démocraties pouvant pallier les carences de l'ONU ou la contourner, élargir le système de sécurité, via l'OTAN ou autre, à des alliés fiables comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande ou le Japon, voire Israël, sous prétexte de conjurer la menace constituée par un « choc des civilisations », notamment Islam-Occident. Or la constitution d'un tel « bloc occidental » s'inscrirait dans la logique du « clash » que l'on prétend conjurer. Une autre politique doit être préférée ;
- la vraie compensation que pourrait obtenir la France à son éventuelle réintégration dans les organes intégrés de l'OTAN consisterait dans l'établissement d'un partenariat euro-atlantique, équilibré au sein de l'alliance entre Etats-Unis et pilier européen, au sein duquel non seulement les dépenses, mais également le pouvoir, seraient partagés ; si ce changement n'était pas obtenu, le coût diplomatique du retour serait disproportionné pour la France ;
- sur la Russie, l'Occident a entretenu des illusions sur sa capacité à évoluer rapidement vers la démocratie après la chute de l'URSS, et le système politique mis en place par Vladimir Poutine est appelé à durer. La Russie se démocratisera et se développera à son rythme et aura ses méthodes propres. La popularité du président Poutine est réelle dans son pays, car elle exprime la volonté de retrouver une vraie place pour la Russie sur la scène internationale. Cette volonté est notamment appuyée sur les atouts énergétiques possédés par Moscou. Face à l'émergence de ce nationalisme, notamment énergétique -qui n'a rien à voir avec la guerre froide- l'Europe fait preuve de divisions profondes entre ses membres les plus anciens, et les nouveaux entrants comme la Pologne ou les Pays baltes. La priorité porte donc sur l'élaboration d'une approche européenne homogène de la question russe, notamment dans le domaine énergétique. La prochaine présidence française de l'Union européenne devrait concourir à un tel objectif. L'Europe doit montrer une capacité de fermeté et de résistance envers la Russie, comme envers la Chine, pour faire respecter ses intérêts, en particulier au travers de l'Organisation mondiale du commerce et autrement. Il y a urgence à faire montre d'une politique européenne à la fois ferme et unie, faute de quoi la dynamique russe restera la plus forte ;
- il n'est pas certain que le projet de bouclier anti-missiles soit poursuivi après le départ de l'actuel président américain du pouvoir. Ce projet, que l'on peut analyser comme un sous-produit croisé de l'obsession iranienne, souffre d'une absence de justifications théoriques, politiques et militaires. Il attise les craintes russes -ou il leur donne des prétextes- et a été lancé sans les nécessaires explications attendues au sein de l'OTAN et de l'Union européenne. M. Hubert Védrine a réitéré son appui aux analyses et recommandations du rapport Baker-Hamilton sur l'attitude qu'il conviendrait d'adopter envers l'Iran ;
- le continent africain est déjà englobé dans la mondialisation économique et politique, qui lui ouvre des perspectives plus larges que ses relations antérieurement limitées aux anciennes métropoles coloniales et à l'Union européenne pour l'essentiel. La France doit continuer à avoir une politique envers l'Afrique, à condition de lui donner une nouvelle légitimité par l'application, dans les faits, d'un réel partenariat, qui passerait par une large et durable discussion avec les responsables et les élites africains. Cette initiative permettrait une clarification des priorités africaines de la France envers l'Europe, et intéresserait aussi les pays européens qui ont une expérience et une politique africaine, comme le Royaume-Uni, l'Italie, le Portugal, l'Allemagne, la Suède ;
- le monde peut être à la fois multipolaire et instable. On ne sait pas, en Asie, comment évoluera le rapport de forces entre l'Inde, le Japon, les Etats-Unis et, par ailleurs, la Chine. L'Europe, quant à elle, est marquée par l'incertitude de sa vision géopolitique. Le continent européen est, en effet, caractérisé par son aspiration, depuis la deuxième guerre mondiale, à un monde post-tragique qui se traduit par un refus de la puissance. Or il faut que l'Europe soit un pôle dans ce monde multipolaire. Les responsables européens doivent s'interroger sur les modalités à retenir pour éclairer leurs opinions publiques sur les réalités actuelles, sans pour autant les inquiéter. C'est par cette prise de conscience que pourra émerger une politique étrangère européenne coordonnée, capable de se faire respecter, tant par la Chine qui viole ses engagements OMC en matière de propriété intellectuelle, que par une Russie qui recourt à la menace énergétique. C'est une attitude ferme et durable qui pourra instaurer des rapports de force favorables aux pays européens ;
- pour se constituer comme un pôle respecté dans le monde, l'Europe doit donc émerger comme un partenaire crédible, notamment face aux Etats-Unis. Citant le livre de M. Edouard Balladur sur « Une union entre l'Europe et les Etats-Unis », il a marqué son accord, mais il a rappelé que les Etats-Unis avaient toujours voulu un partage du fardeau financier, mais sans partage des responsabilités et du pouvoir, et que les Européens hésitaient, de leur côté, à prendre de nouvelles responsabilités.
La commission a désigné M. Robert del Picchia rapporteur sur le projet de loi n° 177 (2007-2008) autorisant la ratification du protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à l'adoption d'un signe distinctif additionnel (protocole III). (Croix-rouge, Croissant rouge).
Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, conjointement avec la délégation pour l'Union européenne, la commission a entendu M. Alain Le Roy, ambassadeur chargé du projet d'Union pour la Méditerranée.
Accueillant M. Alain Le Roy, M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, a rappelé qu'à la suite d'une première carrière dans le secteur privé, M. Alain Le Roy avait rejoint la fonction publique, puis la carrière diplomatique et qu'il avait été à ce titre en poste au Kosovo, en Macédoine, avant d'être nommé directeur des affaires économiques, puis ambassadeur à Madagascar. Evoquant le projet d'Union pour la Méditerranée, M. Hubert Haenel a souligné son ambition, tout en indiquant que des réticences s'étaient fait jour, et que l'Allemagne, surtout, restait à convaincre.
a tout d'abord indiqué que le projet d'Union pour la Méditerranée était fondé sur une série de constats très simples. Avec un PIB de 30 000 dollars par an et par habitant en moyenne sur la rive nord et de moins de 3 000 dollars en moyenne pour la rive sud, la Méditerranée est la région du monde où les écarts de richesse sont les plus importants pour des pays voisins. La seule stabilisation du taux de chômage au sud de la Méditerranée exigerait, selon l'OCDE, la création de 40 millions d'emplois dans les quinze prochaines années. Enfin, si les Etats-Unis consacrent 20 % de leurs investissements directs à « leur sud », notamment au Mexique et en Amérique du sud, et le Japon, 25 % à son « propre sud », l'Europe consacre, quant à elle, moins de 2 % de ses investissements à la rive sud de la Méditerranée.
Ainsi que l'a souligné le Président de la République, la Méditerranée n'est pas seulement notre passé, elle est aussi notre avenir.
a noté que ce diagnostic n'était pas nouveau, et qu'il avait directement conduit à la mise en oeuvre du processus de Barcelone, mais aussi de différentes enceintes de coopération, comme le dialogue « 5 + 5 » ou encore le forum méditerranéen. Ces instruments existent, mais les objectifs qu'ils se sont fixé n'ont été que très partiellement atteints. Ainsi, seule, une faible part des objectifs fixés par la déclaration de Barcelone a été remplie.
Evoqué dès février 2007 par M. Sarkozy, candidat à la présidence de la République, dans son discours de Toulon, le projet de l'Union pour la Méditerranée innove par sa méthode, en proposant une union de projets et de solidarités concrètes qui, toutes proportions gardées, s'inspirerait de la méthode Jean Monnet. Il s'agit, en quelque sorte, de trouver « le charbon et l'acier » de la Méditerranée.
a ensuite évoqué les sujets de consensus. Aucun pays ne conteste qu'il faille faire plus pour la Méditerranée. La méthode de projets et de solidarités concrètes, la géométrie variable des projets et les thématiques retenues, comme l'environnement et l'énergie, sont des sujets d'accord avec nos partenaires.
Le projet fait, à la fois, l'objet d'une très forte attente et d'une très forte adhésion, le Président de la République ayant réaffirmé sa vocation globale lors du discours de Tanger du 23 octobre 2007.
a indiqué que vingt-deux des vingt-cinq pays riverains de la Méditerranée, liste qui comprend les quasi-riverains que sont le Portugal, la Mauritanie et la Jordanie, avaient déjà réagi favorablement au projet. Trois n'avaient pas encore fait part de leur position : le Liban et la Syrie qui, il est vrai, ont à l'heure actuelle d'autres priorités plus immédiates ; la Turquie, qui a réservé, de prime abord, un accueil défavorable au projet, craignant que la participation à l'Union pour la Méditerranée ne lui soit proposée comme substitut à l'adhésion à l'Union européenne. L'appel de Rome a cependant clairement précisé que cette initiative ne devait pas interférer avec les négociations d'adhésion de la Turquie. De surcroît, de nombreux projets pourraient intéresser ses entreprises et il semble que la position turque évolue favorablement. Enfin, lors de la réunion du 20 janvier 2008, les ministres des affaires étrangères du dialogue « 5 + 5 » se sont félicités du projet dans leur déclaration finale et lui ont apporté leur soutien.
a ensuite évoqué les principales difficultés que le projet d'Union pour la Méditerranée rencontrait.
L'Appel de Rome du 20 décembre 2007 prévoit que tous les Etats membres de l'Union européenne sont invités au sommet du 14 juillet prochain, qui sera précédé d'une réunion des pays riverains. La Chancelière allemande, Mme Angela Merkel a posé un certain nombre de conditions : le projet serait acceptable pour l'Allemagne s'il était intégralement conçu dans le cadre européen, sur un pied d'égalité entre les pays européens et les pays riverains, s'il prenait la forme d'une coopération renforcée, si les questions de financement étaient précisées et si l'Europe était puissance invitante pour le Sommet prévu le 14 juillet.
a indiqué qu'il allait se rendre dès le lendemain à Berlin avec M. Henri Guaino, conseiller spécial du Président de la République, afin de commencer à préparer les termes d'un accord en vue de la rencontre franco-allemande du 3 mars 2008. Il conviendrait, dans cette phase, de rapprocher les points de vue. Il a toutefois rappelé qu'une coopération renforcée ne peut juridiquement être mise en oeuvre avec des pays tiers à l'Europe, ce que d'ailleurs les services allemands reconnaissent. En revanche, l'esprit de la coopération renforcée pourrait être utilisé.
Evoquant, en dernier lieu, les projets concrets envisagés dans le cadre de l'initiative d'Union pour la Méditerranée, il a tout d'abord observé que la première réussite du projet avait été de replacer la Méditerranée au coeur des débats et de stimuler la créativité et la volonté de travailler au profit de cette région.
Il a souligné que beaucoup reconnaissent, au sein des instances européennes, la valeur ajoutée du projet au regard au processus de Barcelone : une nouvelle impulsion politique très forte, et des projets concrets, alors que le processus de Barcelone consacre jusqu'à 70 % de son intervention à de l'aide budgétaire, une forte implication du secteur privé, absent du processus de Barcelone.
Il a ensuite évoqué les différents secteurs d'intervention envisagés et en cours d'examen avec les partenaires du projet.
Dans le domaine de l'environnement et du développement durable, la question de la dépollution de la Méditerranée s'impose, avec, en particulier, la mise en oeuvre du programme « Horizon 2020 » lancé dans le cadre du processus de Barcelone, mais qui souffre actuellement de difficultés de financement. L'accès à l'eau pour la consommation humaine, l'industrie ou l'irrigation, et donc le traitement et la récupération des eaux usées sont des sujets d'intérêt commun au nord comme au sud.
Dans le domaine de l'énergie, l'achèvement du bouclage électrique de la Méditerranée pourrait être un projet fédérateur, de même qu'un projet de plan solaire méditerranéen.
Un projet d'autoroute maritime est à l'étude, reliant Méditerranée orientale et Méditerranée occidentale, sur la suggestion de l'Egypte.
Dans le domaine de l'enseignement supérieur, de la formation et de la recherche, la création d'un espace scientifique et universitaire méditerranéen par la mise en réseau des universités et des académies des sciences est en cours d'examen.
Un centre méditerranéen de protection civile permettant de mieux mutualiser les moyens, notamment dans le domaine de la formation et de l'alerte précoce, pourrait voir le jour.
Enfin, une agence financière de la Méditerranée est à l'étude, abordant à la fois la question de l'investissement des PME-PMI, le financement des projets d'infrastructure et la recherche de financements innovants.
En conclusion, M. Alain Le Roy a indiqué que certains de ces projets, sous réserve bien entendu d'un consensus parmi les partenaires, pourraient être présentés au Sommet des 13 et 14 juillet 2008.
Un débat a suivi l'exposé de M. Alain Le Roy.
a estimé que l'idée d'une Union pour la Méditerranée était nécessaire et tout à fait bienvenue, les projets concrets devant améliorer les relations entre la rive nord et la rive sud. Il a toutefois fait observer que la constitution d'un « club dans le club », dont les pays riverains retireraient l'avantage politique tout en le faisant financer par un cercle plus large, faisait peser un risque de difficulté avec nos partenaires. Il s'est interrogé sur le point de savoir si les bénéfices tirés de ce projet étaient réellement supérieurs aux inconvénients que représenterait une détérioration de la relation avec nos partenaires européens, et a considéré qu'il aurait peut-être été plus sage de s'appuyer sur l'Union européenne pour définir une politique plus partenariale à l'égard de la rive sud de la Méditerranée. Enfin, l'absence de prise de position publique du Royaume-Uni ne laissait pas augurer du plein accord de ce pays.
a souligné que les projets de l'Union pour la Méditerranée seraient ouverts à tous les riverains et les Etats membres de l'Union européenne, que l'utilisation éventuelle des fonds européens était, en tout état de cause, subordonnée à l'accord de tous les Etats membres, et que ce projet visait également d'autres fonds que les financements communautaires. Il a confirmé que le Royaume-Uni ne s'était pas encore exprimé publiquement sur ce sujet, mais suivait attentivement ses développements.
a fait observer que, dans son arbitrage, la France devrait prendre en compte les observations de ses partenaires.
a considéré que le projet d'Union pour la Méditerranée était une idée passionnante. Il a estimé que la position de l'Allemagne s'expliquait par le fait que les pays riverains tireraient un avantage plus important de ce projet. Il a souligné que les fonds souverains pourraient certainement être utilisés, dans la mesure où les monarchies du Golfe s'inquiétaient de la progression de l'islamisme alimenté par la misère et le chômage. La Banque islamique de développement devrait également pouvoir être impliquée. Il a noté que le domaine énergétique gazier pouvait constituer un sujet d'intérêt pour l'Allemagne, compte tenu de sa dépendance vis-à-vis de la Russie et de la nécessité de diversifier les sources d'approvisionnement. Il s'est interrogé sur l'intégration de Chypre dans le processus.
a souhaité savoir si le projet comportait des propositions dans le domaine de la sécurité et de l'immigration illégale.
a indiqué qu'il intervenait en qualité de rapporteur sur la politique de voisinage au nom de la délégation pour l'Union européenne et sur l'Union pour la Méditerranée pour la commission des affaires étrangères, ce qui témoignait de l'intérêt du Sénat pour cette proposition. Après avoir partagé le constat de la nécessité d'une réanimation du processus de Barcelone, il a fait état de la crainte des Etats européens de voir la Méditerranée concentrer les crédits de la politique de voisinage. Il a considéré que cette politique, actuellement très bilatérale, pourrait évoluer vers une approche plus régionale, et a insisté, à ce titre, sur la légitimité de la notion de pays riverain, avec une forme d'association des autres Etats membres à inventer. Il s'est interrogé sur la place des coopérations sous-étatiques dans le projet d'Union pour la Méditerranée.
s'est déclaré frappé par le contraste entre la qualité du fond du projet défendu par la France et les défauts de la méthode utilisée. Il a considéré que la France serait la première à protester dans l'hypothèse de la reconstitution d'une ligue hanséatique qui serait instituée sans consultation préalable au niveau européen. Il a estimé que la France fascinait par sa capacité à proposer une vision, tout en irritant par la méthode proposée pour sa mise en oeuvre. Il a souligné que le débat avait été brouillé par la question turque et que la France avait pris un risque à lancer une telle idée en pleine période de ratification du traité de Lisbonne ; notre pays doit accepter de jouer le jeu des discussions avec ses partenaires.
a déclaré partager les préoccupations exprimées par MM. Josselin de Rohan et Christian Cointat. Tout en reconnaissant que la Méditerranée avait effectivement été replacée au coeur des débats, il a souligné que les objections de l'Allemagne étaient des objections de principe tout à fait compréhensibles. Il a estimé que la méthode Monnet passait, certes, par des projets concrets, mais avec l'idée sous-jacente de l'intégration et que l'évocation de cette méthode suggérait ainsi l'idée d'une Union européenne « bis ». Il a considéré que l'Allemagne serait difficile à convaincre et s'est interrogé sur le maintien de l'adhésion enthousiaste des pays méditerranéens dans l'hypothèse d'une réaction négative de l'Union européenne. En effet, la France ne serait pas en mesure alors de répondre à leurs attentes sur le plan financier. Il s'est enfin interrogé sur la capacité d'une Union réduite à la Méditerranée à surmonter les difficultés qui ont bloqué le processus de Barcelone, considérant qu'il fallait toute la force et l'unité des Etats membres face aux difficultés de la région. Il a par conséquent insisté sur la nécessité impérative de trouver un accord avec l'Allemagne.
a salué l'initiative d'Union pour la Méditerranée et a souligné l'urgence de remettre cette zone au coeur du débat. Il a considéré cependant que tous les enseignements n'avaient pas été tirés de la superposition d'une série de dispositifs dans la région (processus de Barcelone, 5 + 5, Forum Méditerranée, politique de voisinage...). Il a noté le décalage entre l'opinion des chefs d'Etat et le scepticisme des opinions publiques arabes qui ont vécu l'élargissement de l'Europe comme se faisant au détriment de la Méditerranée, soulignant la difficulté de soutenir des projets ambitieux dans une région aussi instable. Il a indiqué que l'Europe était perçue comme une forteresse sur les questions d'immigration, ce qui constituait un obstacle à la coopération. Il s'est interrogé sur le financement des projets, alors que l'aide publique au développement est en baisse et que l'argent des migrants est destiné à la survie quotidienne des familles. L'Europe manque de crédibilité, dans cette zone, du fait de son impuissance dans la résolution du conflit israélo-palestinien. Il a enfin souligné qu'en l'absence de l'Europe, d'autres acteurs, comme la Chine, étaient présents, avec des modes opératoires parfois en violation totale des règles internationales.
a apporté les éléments de réponse suivants :
- il importait d'avancer sur les projets concrets ;
- les fonds arabes et la Banque islamique de développement pourraient effectivement être intéressés ;
- le secteur gazier et le développement des interconnexions gazières ont été identifiés parmi les projets sur l'énergie ;
- le projet a reçu le plein accord des autorités chypriotes membres de l'Union européenne. Lors de son passage à Ankara, de nombreuses questions lui ont été adressés sur le mode de participation des Chypriotes turcs. Il faut relever sur ce point que la Commission européenne dispose d'un programme d'aide au développement de la partie nord de l'île, qui peut éventuellement permettre aux Chypriotes turcs de participer aux projets à travers ce programme européen ;
- les questions de sécurité collective et de défense ne font pas partie à ce stade du projet d'Union pour la Méditerranée et resteront traitées notamment dans le cadre du dialogue « 5 + 5 ». La question de l'immigration illégale fait l'objet de négociations européennes, et devrait être traitée dans un cadre européen lors de la présidence française de l'Union européenne ;
- le projet ne s'appuie pas uniquement sur les Etats, mais aussi sur le secteur privé et les collectivités territoriales. Un intérêt tout particulier est d'ailleurs accordé au forum des autorités locales et régionales de la Méditerranée, qui se tiendra à Marseille les 22 et 23 juin 2008 et qui devrait déboucher sur des propositions à soumettre en juillet au Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement ;
- l'évocation du projet d'Union pour la Méditerranée dans les enceintes appropriées de l'Union européenne (Comité des Représentant permanents, Conseil des Affaires générales) interviendra dès qu'un accord franco-allemand aura été obtenu;
- d'autres projets de coopération régionale de même nature que le projet d'Union pour la Méditerranée existent d'ores et déjà, qu'il s'agisse de l'organisation économique des Etats de la Mer noire, du pacte de stabilité pour l'Europe du Sud-Est, de la Dimension septentrionale et surtout du Conseil des Etats riverains de la Baltique, formule proche de celle que nous envisageons pour l'Union pour la Méditerranée et où la France, comme l'Italie n'ont qu'un statut d'observateur ;
- un accord avec l'Allemagne est bien évidemment un élément déterminant pour la dynamique du projet ;
- la répartition des crédits de voisinage entre l'Est (un tiers) et le Sud (deux tiers) a été fixée jusqu'en 2010. La France souhaite que cette répartition ne soit pas remise en cause ;
- de nombreux Etats européens ont actuellement des taux d'aide publique au développement très inférieurs à ceux de la France et les engagements qu'ils ont pris dans le cadre européen de porter cette aide à hauteur de 0,56% de leur PNB dès 2010, puis à 0,7% en 2015 devraient leur permettre de consacrer, s'ils le souhaitaient, une partie des sommes ainsi dégagées à des projets portés par l'Union pour la Méditerranée.