Au cours d'une seconde séance tenue l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, sur l'exécution du budget de 2010 et sur l'immobilier de l'Etat.
La commission a l'honneur d'accueillir M. François Baroin, ministre du budget, qui va nous présenter l'exécution du budget de 2010 et nous informer des derniers développements de la politique immobilière de l'État.
ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. - Votre commission étant familière des communications de Bercy, j'irai à l'essentiel sur l'exécution du budget de 2010.
Nous avons respecté le déficit budgétaire. Celui-ci est tombé à 148,8 milliards d'euros, contre 149,8 milliards prévus dans la dernière loi de finances rectificative. Si nous nous réjouissons de cette légère amélioration de 1 milliard, nous ne nous en satisfaisons pas. Nous devrons faire mieux l'an prochain.
Nous avons strictement tenu notre engagement de maîtrise des dépenses de l'État. Ces dernières s'établissent à 352,6 milliards d'euros, ce qui représente une moindre dépense de 1 milliard, puisque le taux d'inflation a été de 1,5 %, et non de 1,2 % comme nous l'avions prévu lors de la construction du budget. En outre, ce budget comprenait des dépenses exceptionnelles non reconductibles de plus de 70 milliards, dont 32,4 milliards d'investissements d'avenir, la même somme pour la compensation relais de la taxe professionnelle et 5,2 milliards au titre du plan de relance. Ces dépenses sont, elles aussi, parfaitement conformes au plafond fixé. Nous nous sommes conformés, j'y insiste, à la première des règles budgétaires : nous n'avons pas dépensé un euro de plus de ce qu'avait autorisé le Parlement ! Pour le ministère du budget, c'est un devoir de chaque instant. Ensuite, nous avons également apuré, en 2010, la dette de l'État envers la sécurité sociale, qui s'élevait à 7 milliards fin 2006, et celle vis-à-vis du Crédit foncier de France au titre des primes d'épargne logement. La moindre charge liée aux intérêts de la dette a permis de financer des efforts particuliers de soutien de l'emploi et de protection des plus fragiles dans un contexte de crise. Enfin, s'agissant des dépenses de personnel, nous avons poursuivi la politique de non-remplacement d'un départ sur deux à la retraite. Ces dépenses atteignent un peu moins de 117,4 milliards d'euros, soit un dépassement net de 250 millions par rapport à la loi de finances initiale. Ce décalage, qui a justifié un décret d'avance, s'explique par un nombre de départs en retraite inférieur en 2009 et en 2010, sans doute en raison de la crise économique et de la réforme des retraites. On assistera donc certainement à un rattrapage en 2011 et les années suivantes.
J'en viens aux recettes. Nous avons enregistré des recettes de TVA supplémentaires, pour un montant de 500 millions d'euros. La somme définitive est de 127,3 milliards d'euros ; un clignotant intéressant qui nous renseigne sur la bonne tenue de la consommation. En revanche, le produit de l'impôt sur les sociétés s'établit à 32,9 milliards d'euros, soit un rendement inférieur de 2 milliards d'euros par rapport à la loi de finances rectificative. Néanmoins, il faut tenir compte du fait que cet impôt avait progressé de 57 % entre 2009 et 2010, en raison du contrecoup des mesures de relance décidées en 2009. Cette moins-value, que nous sommes en train d'expertiser, s'explique peut-être par des dispositifs de provisions amplifiés par rapport à la réalité auxquels ont recouru les entreprises pour anticiper les mesures fiscales et l'effort qui leur a été demandé pour boucler le budget à hauteur de 9 milliards d'euros. Les recettes non fiscales, pour leur part, sont globalement « en ligne » : on observe une légère moins-value de 400 millions d'euros. Pour autant, celles qui sont les plus liées à la situation économique sont au rendez-vous : je pense, entre autres, aux dividendes perçus sur les entreprises publiques ou encore sur la Coface. Nous avions d'ailleurs réévalué à 3,6 milliards d'euros le montant attendu des recettes non fiscales entre la loi de finances initiale et le collectif budgétaire. Enfin, deux événements spécifiques ont joué favorablement sur le solde des comptes spéciaux. D'une part, la Grèce n'a pas mobilisé la dernière tranche du prêt qui lui avait été consenti, soit 1,4 milliard d'euros. D'autre part, le surplus de 500 millions d'euros qu'affiche le solde du compte d'avance aux collectivités territoriales est lié à la révision à la baisse du coût de la réforme de la taxe professionnelle pour 2010 - nous en avons longuement débattu. Au total, le produit des recettes fiscales net s'établit à 253,6 milliards d'euros, contre une prévision de 255 milliards d'euros. L'écart, dû principalement au moindre rendement de l'impôt sur les sociétés, est mineur : il représente seulement 0,5 % des recettes fiscales.
Fort de tous ces éléments, le Gouvernement confirme sa prévision de déficit public pour 2010 à 7,7 % du PIB. La tenir est, pour nous, un objectif intangible.
Après m'être réjoui que la prévision de déficit public ait été réduite, permettez-moi quelques questions. Comment expliquer le relatif dynamisme des impôts à assise patrimoniale, dont l'ISF ? Quelles sont les recettes exceptionnelles tirées du contrôle fiscal et de la cellule de régularisation créée en 2009 pour résoudre la situation des évadés fiscaux ? Comment expliquer la forte hausse du produit des droits de donation ? Enfin, côté recettes toujours, le Sénat s'interroge sur la réalité du recouvrement des impositions qui ont remplacé la taxe professionnelle. Est-elle conforme aux prévisions établies par Bercy ?
S'agissant des dépenses, si la norme a été respectée, c'est notamment grâce à la charge de la dette. Nous avons eu un moment d'émoi quand vous nous avez soumis le décret d'avance du mois de novembre afin de payer les salaires de décembre et d'honorer certaines dépenses de guichets sociaux. Êtes-vous sûr que cette situation ne se reproduira pas en 2011 ? Le risque existe, si le service de la dette s'avérait plus contraignant et plus coûteux qu'en 2010.
Pour terminer, les dernières adjudications de titres de l'État. J'ai eu communication par vos services aujourd'hui des dernières émissions. Le court terme reste à des taux très faibles, inférieurs à 0,5 %. Quelles sont vos prévisions pour tenir l'objectif de 2011 ?
La presse a donné une interprétation un peu rapide du relatif dynamisme de l'ISF. En réalité, la plus-value est seulement de 50 millions d'euros en 2010 : nous avions prévu 3,55 milliards d'euros, le rendement a été de 3,6 milliards d'euros. Nous sommes donc dans la ligne de l'épure. Comment expliquer ce surcoût de recettes ? Il résulte essentiellement des produits exceptionnels liés à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Cela n'aura donc pas d'incidence sur les besoins de financement liés à la réforme de la fiscalité du patrimoine, dont nous discutons actuellement.
Le bilan de la cellule de régularisation fiscale fait apparaître un produit d'ISF de 500 millions d'euros et des produits du contrôle fiscal et de déclarations tardives de 400 millions d'euros. Dans les deux cas, cela est nettement supérieur aux prévisions. Pour autant, ces chiffres, parce qu'ils sont liés à l'action de contrôle, laquelle prend en compte les trois années précédentes et les éléments de pénalité, ne signifient pas que l'assiette de l'ISF a augmenté. Le bilan de la cellule de régularisation est extrêmement positif. Pas moins de 4 740 contribuables ont régularisé leur situation pour des avoirs de 7,1 milliards d'euros. L'État a ainsi encaissé 1 milliard d'euros de recettes supplémentaires, dont 700 millions d'euros en 2010. Au 31 décembre 2010, 3 744 dossiers avaient été traités, ce qui représente 880 millions d'euros de droits et 72 millions d'euros de pénalités. La ventilation définitive est la suivante : 19 % d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, 56 % d'ISF et 25 % de droits de succession qui ont été ciblés dans la composition des patrimoines soumis à l'administration fiscale.
Non, dans celle des 880 millions.
Les 1 000 dossiers restants sont, pour 80 % d'entre eux, en cours de taxation, ce qui représente 96 millions d'euros de droits et de pénalités. En un mot, cette cellule, fermée en 2011, a bien fonctionné. Les dossiers les plus délicats, qui imposaient un examen plus attentif, seront traités dans le cadre de la procédure de droit commun.
La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la cotisation foncière des entreprises (CFE) et les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (IFER), qui ont remplacé la taxe professionnelle, n'ont pas causé de surprise particulière : l'exécution est proche de 16,5 milliards d'euros, contre 16,1 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale et 16,6 milliards d'euros dans le dernier collectif. Le coût de la réforme de la taxe professionnelle devrait être de 4,7 milliards d'euros en régime de croisière ; il a été de 7,7 milliards d'euros en 2010, contre une prévision de 12 à 13 milliards d'euros.
Nous avons effectivement bénéficié d'une moindre charge de la dette, de l'ordre de 2 milliards d'euros, en raison de taux d'intérêt favorables. Les dépenses financées par redéploiement, insistons-y, étaient largement exceptionnelles : du fait de la crise, il a fallu financer un dépassement du budget « Emploi » de 1,4 milliard d'euros pour développer les contrats aidés et un autre de 400 millions d'euros du budget « Solidarité » pour l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Les dépenses de personnel sont clairement liées : 8 000 départs en moins en 2009, 5 000 à 6 000 en 2010. Ce mouvement va se résorber. L'exécution finale est d'ailleurs inférieure aux 700 millions d'euros de crédits supplémentaires ouverts : de 250 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale et de 450 millions d'euros si l'on ne tient pas compte des moindres dépenses de pension. Nous avons tenu compte de ces dépassements pour 2011 : 400 millions d'euros ont été ajoutés pour l'AAH, 1 400 millions d'euros pour les contrats aidés et 700 millions d'euros pour les dépenses de personnel.
Les relations entre l'État et la Sécurité sociale avaient fait l'objet d'un débat approfondi dans l'hémicycle. Les réserves très sérieuses que la Cour des comptes avait émises sur cette dette ont été l'une des raisons structurantes qui ont poussé le Gouvernement à solder totalement la dette du passé, soit 7 milliards d'euros en 2006. Nous sommes sur le bon chemin.
Concernant les premières adjudications des titres d'État intervenues en 2011, les taux de couverture sur les titres du moyen et long termes ont varié entre 1,76 % et 5,44 %. Ce sont de très bons résultats, meilleurs que le taux moyen de 1,5 % qui constitue l'un des indicateurs de performance de l'Agence France Trésor. Les taux d'intérêt observés sur le marché des dettes souveraines ne sont pas de nature à infléchir la prévision annuelle. Sur le court terme, les quatre premières adjudications font apparaître des taux nettement inférieurs à la prévision annuelle. Le taux supérieur constaté lors de la première adjudication sur le moyen et long termes doit être relativisé : outre son très faible impact budgétaire sur l'année en cours, ce mouvement doit être replacé dans un contexte de hausse internationale des rendements obligataires qui traduit une normalisation des conditions de marché. L'écart vis-à-vis de l'Allemagne est resté stable : il se situe autour de 40 points de base entre novembre et janvier. Les taux d'intérêt à long terme restent bas au regard d'une moyenne de long terme : 4,45 % entre 1998 et 2007 et 3,17 % en 2010. Pour être précis, nous avions retenu une hypothèse de taux à trois mois de 1 %, le taux constaté pour les adjudications est de 0,46 % ; une hypothèse de taux à deux ans de 1,35 %, celui-ci est de 1,49 % ; une hypothèse de taux à cinq ans de 2,2 %, celui-est est de 2,54 % et une hypothèse de taux à dix ans de 3 %, celui-ci est de 3,36 %. Nous sommes très satisfaits de la réalisation de ces premières adjudications.
Monsieur le ministre, je me réjouis de la justesse de vos prévisions pour les recettes de l'État. En revanche, je m'inquiète de vos estimations de recettes pour les collectivités territoriales, fondées notamment sur le produit de la CVAE. En l'espace de moins d'un mois, vous nous avez communiqué deux estimations faisant apparaître des écarts variant entre 10 % et 40 %. Or la première, transmise en décembre, a servi à construire nos budgets. Soit, nous avons des garanties ; il existera, notamment, un fonds national de compensation. Cela étant, si les recettes sont très inférieures aux prévisions, il faudra attendre des années avant d'envisager un rattrapage de la somme prévue, puis une progression. Les chiffres réels seront connus cet été. En attendant, pourquoi avoir communiqué des fourchettes aussi larges ? Celles-ci compliquent évidemment la réalisation de nos budgets. La réduction est de l'ordre de 40 % pour le Rhône, de 16 % pour mon département et de 19 % pour le Maine-et-Loire. Comment l'expliquer ? Est-ce le coup du hasard ? Et je n'évoque pas les droits de mutation à titre onéreux (DMTO)...
Attendons la fin du premier exercice pour parler de la CVAE. Les entreprises ont-elles anticipé les modifications ? Peut-être. S'agissant des collectivités territoriales, on note surtout, durant le dernier trimestre, qu'elles ont mis un frein assez fort sur l'investissement. Est-ce lié au succès du remboursement anticipé de FCTVA dans le plan de relance ? Nous le saurons après l'exécution budgétaire. Je vous propose que nous nous retrouvions en juillet. Il est impératif que nous parvenions, avant les échéances de 2012, à un constat partagé sur le coût de la réforme de la taxe professionnelle.
Pour que les écarts soient si importants, la base de calcul n'est pas bonne ! La masse globale est juste, mais sa répartition inégale sur le territoire. Peut-être les entreprises ont-elles concentré leurs ressources dans certains territoires ?
De toute façon, nous avons prévu, avec le Comité des finances locales, des verrous de sécurité : le FCTVA a été sorti du gel des dotations de l'État de même que le fonds de péréquation de feue la taxe professionnelle. Nous en saurons davantage, via la péréquation, sur la répartition, les éventuels phénomènes de concentration et les besoins de financement de certains départements. Pour autant, nous pouvons penser que les départements à dominante industrielle vont voir leur assiette évoluer et que ceux marqués par de fortes concentrations urbaines et des activités de services bénéficieront d'une progression de leurs recettes. Des surprises ne sont pas exclues : la Seine-Saint-Denis pourrait, malgré toutes ses difficultés, afficher un potentiel fiscal intéressant.
Il faut donc attendre pour en savoir plus sur la répartition. Pour l'heure, seule la masse globale est connue.
Un mois après le vote de la loi de finances pour 2011, tout est « en ligne », vient d'affirmer le ministre. J'ose à peine poser des questions de peur de paraître mal intentionnée. D'ici fin avril, date à laquelle le Gouvernement devra soumettre le programme de stabilité au Parlement avant de le transmettre à Bruxelles, il semble peu probable que vous modifiiez votre trajectoire. La charge de la dette, d'après vous, n'augmentera pas considérablement. Pas d'inquiétude, donc, sur les taux d'émission de la dette ! Quant aux taux de croissance de 2010 et de 2011, sur lesquels le rapporteur général avait émis des hypothèses différentes des vôtres, j'ose à peine vous interroger. Il me faut conclure que tout va bien et que cela ira même mieux lors de notre rendez-vous d'avril !
Madame Bricq, je n'ose voir, dans les précautions oratoires que vous prenez, le signe de votre soutien à la politique du Gouvernement ! N'oublions pas que la première prévision de déficit public pour 2010 était de 8,5 %...
Soit ! Mais n'oublions pas, non plus, le décret d'avance de novembre. Mais vous me rétorquerez, sans doute, que cela ira mieux étant donné la progression des départs en retraite en 2010 et en 2011...
Le Gouvernement a révisé sa prévision de déficit de 8,5 % à 8,2 % en janvier, puis de 8,2 % à 8 % en avril ; et maintenant de 8 % à 7,7 %. Tous les éléments montrent que nous tiendrons cette prévision : c'est clair, c'est net, c'est définitif !
Les premières adjudications se déroulent bien. Nous sommes à l'unisson d'un mouvement international d'évolution des taux qui concerne aussi bien les États-Unis que l'Allemagne. Pour le reste, compte tenu des indicateurs tels que l'évolution du coût de la vie et de l'activité économique, il n'y a aucune raison de corriger les prévisions. Nous aurons l'occasion d'en reparler en avril, un nouveau rendez-vous qui participe du renforcement des pouvoirs du Parlement. De fait, il n'y aura plus ce décalage, peu acceptable pour des personnes qui ont une culture parlementaire comme moi, entre le niveau d'information du Gouvernement et du Parlement.
Bonne surprise, les DMTO ont progressé en 2010 dans tous les départements. Le Parlement, avec l'encouragement du Gouvernement, a voté un dispositif de péréquation. La difficulté tient à ce que nous ne connaissons toujours pas les chiffres de cette péréquation fin janvier. Or chacun connaît les données dans son département. Pourquoi ne dispose-t-on pas du montant national des DMTO ? Paris aurait révisé ces chiffres, dit-on. Les services fiscaux, me semble-t-il, ont les moyens de procéder aux vérifications nécessaires...
Nous sommes à votre disposition. Il n'y a rien à cacher.
Les données vous seront communiquées.
Quel est le produit définitif de l'impôt sur le revenu en 2010 ? Un chiffre à mettre en rapport avec le produit des niches. L'avez-vous chiffré ?
Quelques mots des taux d'intérêt : si les taux à court terme sont assez stables, ceux à moyen terme augmentent. Or je m'inquiète de l'appétence des marchés financiers pour les obligations du Trésor indexées sur l'inflation. Nous en avons émis 15 milliards d'euros l'an dernier, sur 160 milliards d'euros au total. S'il y avait le moindre dérapage inflationniste, les conséquences budgétaires seraient immédiates : en 2008, nous avions dû renflouer le budget de financement des intérêts de la dette de 4 milliards d'euros. Il ne faudrait pas céder à la facilité qui consiste à placer des obligations indexées parce que la demande existe.
L'impôt sur le revenu était de 46,7 milliards d'euros en 2009 ; nous avions tablé sur 46,6 milliards d'euros en loi de finances initiale ; l'exécution est de 47,4 milliards d'euros.
Quant aux taux d'intérêt, la question est affaire de professionnels. Nous faisons toute confiance à France Trésor.
Les collectivités territoriales représentent 75 % de l'investissement public en France. Par manque de visibilité sur les impositions qui ont remplacé la taxe professionnelle, elles risquent de mettre la pédale douce sur l'investissement. Est-ce le moment quand nous avons besoin de relance ? L'ISF a donné de meilleurs résultats que prévu. C'est bien la preuve que, dans notre pays, certains de nos concitoyens souffrent et d'autres un peu moins...
Face à la crise, nous aurions pu faire d'autres choix, notamment celui de demander un effort collectif aux Français. L'État prend sa part ; la sécurité sociale et les collectivités territoriales doivent la prendre également. Nous avons été à l'écoute des collectivités territoriales : nous avons gelé en valeur les dotations mais sans y inclure le FCTVA. Autrement dit, si l'investissement ralentit, ce n'est pas le fait de l'État. Les collectivités territoriales peuvent faire des économies, notamment de personnel, pour alimenter l'autofinancement et réduire le recours à l'emprunt. Bref, avec ce verrou de sécurité du FCTVA, vous avez toute latitude pour continuer d'investir. Le niveau de péréquation, défini au sein du Comité des finances locales, devrait être satisfaisant et juste.
J'en viens à notre modèle de redistribution. Le patrimoine des Français s'élève à 10 000 milliards d'euros, dont plus de 60 % est concentré dans l'immobilier. Une grande partie des actifs est concentrée dans peu de mains. Est-ce spécifique à la France ? Non, notre niveau de concentration du patrimoine est comparable à celui des États-Unis ou de l'Allemagne. Autrement dit, il constitue un fait général de sociétés modernes et très avancées : l'argent appelle l'argent. En revanche, notre modèle de redistribution est le plus développé. Grâce à lui, nos concitoyens qui ont 3 000 euros en moyenne ont 7 000 euros en réalité ; et, à l'inverse, ceux qui ont 52 000 euros en moyenne disposent, en fait, de 46 000 euros. C'est la conclusion objective que l'on peut tirer des dernières statistiques de l'INSEE, non celle du ministre du budget ! Soit, il est toujours possible d'apporter des corrections à la marge. Mais le modèle est bon, gardons cette idée en tête.
Vous avez évoqué une rallonge de 400 millions d'euros pour l'AAH. Qu'en est-il de l'aide personnalisée au logement (APL) ?
Au moment où les communes préparent leur budget, certaines d'entre elles constatent que leur DGF est aberrante en comparaison de la dotation de communes similaires. J'ai signalé cette difficulté à l'administration, sans parvenir à obtenir de réponse satisfaisante.
Il n'y pas de réponse globale à cette question.
Je ne prendrai pas l'initiative de ce débat !
Les nouvelles évaluations de potentiel fiscal et financier, qui tiennent compte du niveau de la DGF, permettront sans doute de déterminer des fonds de péréquation et d'apporter des correctifs.
Concernant l'APL, monsieur Jégou, le dérapage est d'un peu moins de 200 millions d'euros.
Passons à l'immobilier de l'État. Lors de l'examen des crédits de la mission « Justice », le Parlement, très sensible aux recommandations de Bercy, avait confirmé, par un amendement, le choix de la Porte de Bagnolet pour y regrouper les services du ministère de la justice, contre celui de la Porte d'Issy. De fait, le premier était évalué à 150 millions d'euros, le second à 220 millions d'euros. Le ministère de la justice va-t-il se porter acquéreur ou tergiverser en passant des conventions de location ? En tant que ministère de tutelle de l'immobilier de l'État, qu'entendez-vous faire ?
Vous aviez trouvé une solution technique très astucieuse pour faire obstacle au projet initial, en minorant les autorisations d'engagement ouvertes à cet effet. Ce choix du Parlement ne m'a pas choqué. Cela étant dit, le ministère de la justice souhaite, durant un an, garder en location ses locaux actuels, le temps de trouver des locaux correspondant aux critères définis par la politique immobilière de l'État, soit un loyer inférieur à 400 euros le mètre carré. Je ne vous cache pas que le coût de la location actuelle est élevé. Nous en reparlerons, étant entendu que l'activité de France Domaine est la plus contrôlée de l'État et que le Conseil de l'immobilier de l'État, au sein duquel siègent des parlementaires, jouera un rôle prépondérant dans le suivi de ce dossier.
Le ministère de la justice ne veut pas de l'implantation envisagée Porte de Bagnolet !
Quelque 35 000 mètres carrés. Peu importe le lieu, seule compte l'efficacité de l'État.
S'agissant des fonctions régaliennes de l'État et de leur implantation immobilière, où en est-on du projet de concentration des services du ministère de la défense sur le site dit « Balard » ? Je crois me souvenir que, parmi les ressources affectées à cette opération, figuraient notamment la restructuration du périmètre Saint-Germain et la valorisation, éventuellement via un bail emphytéotique, de l'Hôtel de la Marine. Or il y a eu des évolutions depuis. Quelles sont-elles ? L'Hôtel de la Marine constitue un point très sensible : ce bâtiment a été construit pour l'État et a toujours fait partie du patrimoine de l'État. Le régime de son utilisation par l'éventuel preneur d'un bail, à désigner après appel à la concurrence, reste peu clair... Je suis très dubitatif, pour ne pas dire plus, sur les schémas exposés.
L'orientation qu'avait retenue le Parlement pour la Justice était claire : Bagnolet. La Chancellerie a demandé un an. Peut-être faut-il considérer les locaux disponibles aux autres portes de Paris.
S'agissant de l'Hôtel de la Marine, avec l'autorisation du ministre, France Domaine m'a communiqué le volumineux dossier d'appel à projets. J'ai également visité le bâtiment. Le dossier évoque un cahier des charges, qui fixerait les normes d'utilisation du bâtiment. Hélas, impossible de mettre la main dessus : il n'existe pas. Nombreux sont ceux qui estiment qu'une large partie du bâtiment devrait être réservée au public. Or plus on ouvre le bâtiment, moins l'affaire sera rentable.
En tant que rapporteure spéciale, je défends les intérêts de l'État et je ne suis pas choquée qu'il cherche à valoriser son patrimoine. Depuis que je m'occupe de ce dossier, j'ai toujours dit que les cessions immobilières, notamment celles du patrimoine haut de gamme, ne pouvaient pas constituer, à elles seules, une politique de gestion immobilière. Loin de moi l'idée de dire qu'il ne faut pas valoriser des bâtiments comme l'Hôtel de la Marine, car ces immeubles coûtent très cher à entretenir et il faudra bien que quelqu'un paye, on ne peut pas tout transformer en musée. Mais pourquoi, dans ce cas précis, n'y a-t-il pas de cahier des charges ?
J'ai fait il y a un an et demi un rapport d'information sur l'État locataire. Quelques mesures ponctuelles ont été prises mais une renégociation des baux devait avoir lieu, ainsi qu'une expérimentation dans les départements de la région de l'Île-de-France pour confectionner un tableau de bord. J'aimerais savoir où en est cette expérimentation, qui a fait suite aux préconisations de mon rapport.
Concernant le grand pôle « Défense » à Balard, la décision visant un éventuel partenariat public-privé sera prise en avril. L'une des questions que pose ce que certains appellent le « Pentagone à la française » concerne l'Hôtel de la Marine. Il n'est pas question de céder un élément de notre patrimoine aussi prestigieux - je rappelle que c'est là, notamment, qu'a été annoncée l'abolition de l'esclavage. Dans l'appel à candidatures, il n'a jamais été question de cession mais de bail emphytéotique dont le régime est, je vous le rappelle, très encadré par la loi. L'État restera propriétaire de ce lieu.
Comme ce sujet animait depuis quelques temps les milieux historiques, culturels et politiques, le Président de la République a mandaté, la semaine dernière, le ministre de la culture pour mettre en place une commission composée de personnalités diverses, afin d'aider l'État à choisir l'affectation de ce lieu. Le 7 février, le dépôt des candidatures sera clos. Une fois constituée, il appartiendra à la commission de réfléchir, d'auditionner les candidats, d'assurer une publicité plus large autour du projet et de formuler des propositions pour l'affectation du bâtiment, d'un seul tenant ou par fractions. Ce dossier ne doit pas « abîmer », dans tous les sens du terme, la politique immobilière de l'État.
Avant de valoriser l'Hôtel de la Marine, l'État doit déterminer si la valeur patrimoniale du bien permet d'envisager une transaction. Si tel est le cas, il peut évaluer les bénéfices de l'opération. Je vous rappelle que nous avons 1 700 biens disponibles, sans vendre les « bijoux de famille ». L'Hôtel de la marine est un dossier particulier qui n'empêchera pas l'État de mener à bien sa politique immobilière.
En ce qui concerne l'État locataire, nous présenterons les résultats de l'expérimentation en Île-de-France au Conseil immobilier de l'État le mois prochain et nous proposerons une déclinaison régionale des normes.
Monsieur le ministre, une société foncière pour l'immobilier de l'État à l'étranger a-t-elle une chance de voir le jour ?
Nous en discuterons avec Mme la ministre d'État demain lorsque nous dresserons un état des lieux de la RGPP : la solution consisterait à utiliser la Société de valorisation foncière et immobilière (Sovafim) pour mettre en oeuvre les principes et les règles de l'État en matière immobilière à l'étranger.