En abordant le premier point de notre ordre du jour, qui porte sur l'examen des articles et des missions qui nous avons précédemment examinés et réservés, je voudrais faire le point sur le stade où nous en sommes de la procédure.
Nous poursuivons aujourd'hui et demain l'examen en commission des missions et des articles rattachés.
L'Assemblée nationale adoptera aujourd'hui le projet de loi de finances, qui nous sera transmis jeudi matin. Nous tiendrons donc jeudi matin à 9 heures notre traditionnelle « réunion balai », au cours de laquelle nous nous prononçons formellement sur le texte transmis par l'Assemblée nationale, ce qui nous permet de confirmer les positions que nous avons déjà prises ou de les faire évoluer, notamment pour tenir compte de modifications apportées par l'Assemblée nationale postérieurement à la date de notre examen en commission.
Depuis le 21 octobre, nous avons réservé notre position sur quatre missions car les rapporteurs spéciaux ont souhaité disposer d'un délai supplémentaire ou d'informations complémentaires avant de se prononcer.
Par ailleurs, le rapporteur général, dans le cadre de son analyse globale du texte et des modifications qu'il souhaite apporter à son équilibre, peut aussi nous faire des propositions sur les crédits des missions.
Une liasse d'amendements présentés par les rapporteurs spéciaux et le rapporteur général a été distribuée, ainsi que le texte des articles rattachés.
Je vous propose de statuer sur les quatre missions et les articles qui leur sont rattachés dans l'ordre alphabétique dans lequel les missions figurent dans le projet de loi de finances : « Enseignement scolaire », « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Immigration, asile et intégration » et « Santé ».
Les rapporteurs spéciaux et moi-même vous présentons des amendements sur les missions que nous avions voulu réserver, ayant tous pour objectif de faire des économies, pour compenser les mesures que nous avons adoptées en première partie pour montrer que faire des économies est possible sans pour autant compromettre le budget de l'État : des mesures courageuses, notamment sur la fonction publique, et pas seulement des coups de rabot.
ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
Article 32 (État B)
C'est un rapporteur spécial malheureux qui vous présente son amendement n° 1 : non certes à cause de la matière, qui est passionnante, ou de l'auditoire, des plus distingués, mais de l'insuffisance de mes travaux sur un budget de 66 milliards d'euros, qui engage l'avenir de notre pays puisqu'il concerne la formation de sa jeunesse. Nous n'avons pas tout à fait les moyens d'assurer nos missions : prendre en marche le train du budget de l'enseignement scolaire quelques semaines avant le vote est impossible. Comment auditer les comptes d'une aussi grande entreprise en si peu de temps ? Je plaide donc coupable ; coupable de superficialité, mais avec les circonstances atténuantes qui s'attachent aux conditions dans lesquelles un sénateur de la Ve République exerce ses fonctions.
Je vous propose d'adopter les crédits sous réserve d'un amendement - sans préjudice d'un second amendement, personnel, que je pourrais présenter ou soutenir en séance - qui revient sur la création d'emplois supplémentaires. Dans le texte de l'Assemblée nationale, une confusion est faite entre les enseignants actuellement stagiaires - qu'il est impossible de ne pas titulariser dans le courant de l'année prochaine - et ceux qui le deviendront en 2015 en réussissant les concours de recrutement. Je propose de revenir sur ces dernières créations de 6 569 postes, pour 90 millions d'euros d'économies, dont 47 millions d'euros au titre du programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré », 32 millions d'euros à celui du programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré » », 7 millions d'euros à celui du programme 139 « Enseignement privé du premier et second degrés » et 4 millions d'euros à celui du programme 230 « Vie de l'élève », en autorisation d'engagements comme en crédits de paiement.
En France, les effectifs des enseignants du premier degré sont dans la moyenne de l'OCDE ; ce n'est pas le cas pour le second degré, pour des raisons, nullement scandaleuses, qui tiennent à la dispersion de l'offre pédagogique. Nous proposons donc en outre le non-remplacement d'un enseignant sur deux dans le secondaire, soit 5 200 postes, pour une économie estimée pour le seul tiers d'année 2015 à 55 millions d'euros sur le programme 141 et 15 millions d'euros sur le programme 139. Cela représente au total une économie de 160 millions d'euros, montant qui doublera dès 2016.
S'agissant de l'article 55, supprimer les crédits mettrait les collectivités territoriales en face de responsabilités qu'elles ne peuvent pas assumer ; mais voter les crédits tels quels signifierait l'acceptation d'une situation inacceptable. Le moindre mal, en attendant un éventuel amendement de la commission des affaires culturelles, c'est d'accepter le statu quo, sachant qu'à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a décidé d'abonder le fonds d'amorçage de la réforme des rythmes scolaires ; faute de mieux, acceptons cette proposition insuffisante : ne pas la voter aggraverait la situation financière de nombreuses communes.
Nous devons enfin engager un travail de fond sur la performance du ministère de l'éducation nationale. Nous manquons singulièrement d'analyses précises sur son efficacité, même si nous sommes conscients qu'il lui faut gérer une faible densité géographique et une grande diversité de publics scolaires.
Quelques mots sur les résultats PISA : le nombre d'enseignants est plus élevé en France que dans les pays de l'OCDE, mais avec des résultats qui se dégradent. La hausse des effectifs n'est pas la seule réponse possible. Avec la multiplicité des options au collège et au lycée, nombre de professeurs ont très peu d'élèves, voire pas du tout. Je voterai cet amendement courageux et vertueux budgétairement.
En France, le rapport est d'un enseignant du secondaire pour 12,5 élèves, contre 13,5 dans l'OCDE. Cet écart de 8 %, soit un douzième, représente 36 000 enseignants sur 450 000. Ils ne sont pas en sureffectif, mais nous ne pouvons pas nous abstenir de toute réflexion. J'ai la satisfaction de constater qu'autrefois les enquêtes PISA étaient traités comme quantité négligeable par le ministère, mais qu'aujourd'hui tout le monde y fait référence, y compris notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin dans son rapport sur la situation de l'enseignant. Sans être une référence absolue, cette enquête pose la question et oblige le ministre à répondre. Je souhaite donc que la commission des finances interroge le ministre à ce sujet.
Les rapports de Brigitte Gonthier-Maurin et PISA signalent qu'il y a plus d'enseignants par élève en France qu'ailleurs ; mais n'oublions pas qu'ils sont nettement moins payés. Vous proposez de baisser leur nombre tout en continuant à les payer moins que dans les pays qui réussissent mieux que nous. La majorité du Sénat a beau jeu de chercher des économies au-delà des 21 milliards d'euros du Gouvernement ; encore faut-il qu'elles soient fiables. Même si l'on peut souhaiter une réorientation de l'enseignement secondaire sur laquelle votre amendement a le mérite d'ouvrir le débat, votre position serait impossible si vous étiez aux responsabilités. Nous voterons contre.
Je suis opposé à l'amendement de mon collègue, avec qui je m'accorde toutefois pour regretter que nous n'ayons pas le temps d'un travail en profondeur. Cessons de toujours nous comparer avec nos voisins et assumons une certaine identité française dans ce domaine. Je suis préoccupé par la mise en place des rythmes scolaires. Le maintien du fonds d'amorçage à son niveau actuel répond en partie aux attentes des collectivités territoriales, sans pour autant répondre à la question de la pérennisation de ces ressources, nécessaire et que les élus appellent de leurs voeux.
Même le ministre de l'agriculture se pose des questions sur les formations passées de quatre à trois ans ; des Limousins m'ont rapporté qu'un jeune en compagnonnage à Limoges dans le cadre d'un bac pro+2 n'avait pu se rendre en cours cette semaine, faute de financement, car sur les dix jeunes intéressés, seuls cinq avaient pu s'inscrire. Pourquoi ? Parce qu'ils n'avaient pas trouvé d'entreprise pour leur alternance. Cela est d'autant plus regrettable qu'il existe une pénurie de certains métiers.
Les élus locaux font pression chaque année sur le recteur ou sur l'inspecteur d'académie pour sauver un poste d'enseignement ici ou là. Soyons cohérents ! En montagne, les distances sont parfois telles qu'elles peuvent occasionner une rupture de l'égalité des chances. Ces créations de poste desserrent l'étau. Il faut maintenir le nombre de postes pendant trois ans tout en optimisant la carte scolaire ; je ne peux voter cet amendement.
Il n'est jamais facile de procéder à une coupe budgétaire ; mais si nous n'agissons pas, nous risquons d'être taxés d'irresponsabilité. Les postes non pourvus - je le vois en Seine-Saint-Denis - posent souvent un problème plus grave que le nombre théorique de postes, car ils obligent le ministère à recruter directement à l'ANPE des personnes au niveau master, non formées. Cela met en cause la façon dont le ministère gère ses ressources humaines. Mon groupe votera cet amendement en responsabilité.
C'est la vocation de la commission des finances de poser des questions financières. Je comprends l'attitude de Pierre Jarlier, mais distinguons enseignement primaire, où il n'est pas question de toucher au nombre d'enseignants, et secondaire, où nous serons obligés de procéder à des regroupements. Il n'est pas possible de défendre un enseignement professionnel à haute valeur ajoutée et spécialisé sans accepter l'internat ; les parents doivent accepter de se séparer de leurs chers bambins qui, souvent, en meurent d'envie...
Si nous nous refusons à l'optimisation financière, nous n'avons aucune chance de remettre en question les habitudes. Jean Germain a bien compris mon intention d'ouvrir le débat...
La commission adopte l'amendement n° 1 et décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » ainsi modifiés.
Article 55
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 55.
GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES
Article additionnel après l'article 55
L'amendement n° 2 est le fruit des travaux menés ces dernières années avec Philippe Dallier et notamment des auditions que nous avions conduites lorsque nous étions rapporteurs spéciaux de cette mission ; il instaure dans les trois fonctions publiques les trois jours de carence déjà votés pour la seule fonction publique hospitalière lors du débat au Sénat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015. L'impact d'une telle mesure est très fort sur la réduction de l'absentéisme, comme le montre l'INSEE. Alain Tourret, rapporteur pour avis de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le budget de la fonction publique, propose d'ailleurs de revenir au jour de carence qui existait avant sa suppression. De nombreux salariés du privé, peut-être les deux tiers, sont couverts par leur complémentaire, mais cela ne concerne que les seuls salariés en contrat à durée indéterminée, et cette couverture a un coût pour eux sous forme de cotisations. C'est une mesure d'équité et d'efficacité, qui pour un jour avait rapporté, hors charges, 164 millions d'euros par an. Trois jours pourraient rapporter environ 500 millions d'euros pour les trois fonctions publiques, dont environ 200 millions d'euros pour la fonction publique d'État.
Certains d'entre nous ne sont pas opposés à de tels dispositifs ; mais avec trois jours, vous allez un peu loin. Nous nous abstiendrons.
Merci de faire vivre le débat. Nous pouvons parler du coût que représente l'absentéisme pour l'hôpital, qui pèse aussi sur les présents.
Nous avons déjà longuement discuté cette question ; nous voterons contre.
La commission des finances devrait traiter globalement la question des différences entre salariés du privé et fonctionnaires ; votre vision purement financière passe un peu vite sur un si vaste sujet. Trois jours, c'est exagéré. D'autre part, votre estimation du rendement de trois jours de carence - trois fois ce que rapporte un seul jour - me semble un peu haute.
Cette estimation ne multiplie pas par trois les économies que permet un jour de carence, car bien des personnes peuvent n'être malades qu'un ou deux jours. Nos échanges avec l'administration nous permettent d'estimer l'économie à environ 200 millions d'euros avec les charges sociales. Si nous voulons comparer fonctionnaires et salariés du privé, nous pouvons aussi évoquer la sécurité de l'emploi dont jouissent les premiers. Ce n'est pas rien !
C'est certes une vision financière qui préside à une telle mesure, mais elle est aussi nécessaire pour des raisons d'équité. Pourquoi la ministre Marylise Lebranchu a-t-elle supprimé cette journée alors qu'elle avait prouvé son efficacité ? On ne peut pas demander aux gestionnaires de réaliser des économies et leur refuser les outils nécessaires.
La commission adopte l'amendement n° 2, ainsi que l'amendement n° 3 de conséquence sur les crédits de la mission.
Le premier président de la Cour des Comptes nous invite à aller plus loin dans les économies et évoque des mesures qui y contribuent immédiatement, telles que le ralentissement du glissement vieillesse-technicité (GVT) positif prévu par l'amendement n° 4. Sachant que nous devrons emprunter 188 milliards d'euros sur les marchés pour finir l'année, nous devons faire des choix courageux. Le ralentissement - et non le gel - de l'avancement des fonctionnaires aurait un impact budgétaire considérable, chiffré à 550 millions d'euros.
Pour parler d'un domaine que je connais - les sciences dures, les mathématiques - le recrutement des professeurs se heurte à la concurrence des sociétés de services en ingénierie informatique (SS2I), qui proposent des salaires bien plus élevés que les traitements de départ dans l'éducation nationale. S'il n'y avait plus de GVT positif, cela serait complètement dissuasif. Par ailleurs, il serait peut-être judicieux de se pencher sur les pratiques de certains ministères, consistant à nommer tout le monde maréchal à six mois de la retraite, ce qui n'est pas sans répercussion sur le salaire de la dernière année, mais aussi sur la retraite, sans aucune justification. Cela mériterait une étude.
Vous avez évoqué l'équité entre public et privé. En 2013, la masse salariale du secteur privé a augmenté de 2 %, alors que le point d'indice est bloqué depuis quatre ans. Si vous supprimez le GVT positif, vous désespérez tous les fonctionnaires qui, en catégorie C, n'ont pas des salaires aussi extraordinaires que cela.
Il faut choisir dans les économies ; on ne peut pas agir partout : supprimer des postes, bloquer le point d'indice, mettre en cause les mesures catégorielles... De surcroît, vous n'étendez pas cette mesure à toutes les fonctions publiques, puisque vous la réservez à la seule fonction publique d'État. Nous voterons contre.
Nous ne proposons jamais des économies de gaieté de coeur. Dans la fonction publique territoriale, la masse salariale a aussi augmenté de 2 %, avec notamment la garantie individuelle du pouvoir d'achat (GIPA).
C'est une contrepartie dans la négociation sur les retraites : vous savez à qui vous la devez.
Je ne parle pas du passé, mais de l'avenir : des économies sont indispensables. Je voterai cet amendement, qui est en fait un amendement d'appel. Le blocage du point d'indice n'est pas suffisant : il ne faut pas oublier les revalorisations catégorielles...
L'amendement a le grand avantage de mettre en évidence que les efforts s'imposent à tous.
Si le Gouvernement était cohérent, il donnerait un avis favorable à l'amendement : c'est la suite logique de la réduction des dotations des collectivités locales de 11 milliards d'euros. Le Gouvernement prétend qu'elles n'auront qu'à limiter la progression de leur budget de fonctionnement. Non seulement c'est faux, mais si c'était vrai, cela méconnaîtrait le fait que 60 % de ce budget est grevé par la masse salariale, qui augmente à effectifs constants de 2,5 ou 2,8 % par an. Combien a coûté cette année la revalorisation de la catégorie C ?
Cet amendement a un grand intérêt : il permet de mesurer la différence qui existe entre la rigueur financière et la régression sociale. Nous ne pouvons accepter cette politique d'austérité. Notre abstention sur le jour de carence montrait que nous n'étions pas opposés aux économies, mais là, vous avez franchi la ligne rouge.
La question se pose pour les autres fonctions publiques ; mais ici, nous traitons des crédits de l'État. Il ne s'agit pas de stopper l'avancement, mais de ralentir un GVT positif d'1,2 milliard d'euros par an en le diminuant de 550 millions d'euros, laissant au Gouvernement le choix des moyens : décaler l'avancement de quelques mois, supprimer les étoiles distribuées libéralement avant la retraite... Nous voulons éviter que la masse salariale continue à déraper : un décret d'avance de 540 millions d'euros doit nous être transmis pour abonder les crédits de dépense de personnel. Le Gouvernement achète ainsi la paix sociale, comme à Bercy avec son régime indemnitaire ou face aux contrôleurs aériens, dont les postes budgétaires ont diminué de cent, mais dont la masse salariale augmente néanmoins. Nous devons prendre des mesures courageuses de ce type. Je remercie Daniel Raoul pour la piste qu'il nous indique.
La commission adopte l'amendement n° 4 et décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » ainsi modifiés.
IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION
Roger Karoutchi, retenu, propose de ne pas adopter les crédits la mission « Immigration, asile et intégration ». Ceux-ci avaient été réservés dans l'attente des réponses du ministre, mais elles n'ont pas rassuré notre rapporteur spécial. De plus, l'Assemblée nationale a adopté des mesures contradictoires. Lors d'une première délibération, le Gouvernement a proposé d'augmenter de 3,5 millions d'euros les crédits de l'asile pour répondre à l'urgence la situation à Calais. Mais lors d'une seconde délibération, l'Assemblée nationale a réduit de 15,8 millions d'euros les crédits de la mission, toujours à l'initiative du Gouvernement ...
Absolument ! Mais il faut être cohérent. Comment annoncer 500 places d'accueil supplémentaires à Calais et diminuer en même temps les crédits ! On manque d'évaluation. D'autres interrogations concernent aussi l'enseignement du français ou la gestion de l'asile. Pour toutes ces raisons, Roger Karoutchi propose de ne pas adopter les crédits.
La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
SANTÉ
ARTICLE RATTACHÉ 59 SEXIES
Le budget de la mission « Santé » est modeste, 1,5 milliard d'euros, l'essentiel des dépenses figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » ne pose aucun problème. En revanche, je vous propose d'adopter un amendement au programme n° 183 qui concerne l'aide médicale d'État (AME). L'AME a augmenté de 50 % depuis 2008. Dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014, le Gouvernement a prévu d'ouvrir un supplément de crédits de 155 millions d'euros pour couvrir les besoins additionnels, portant ainsi les crédits alloués en 2014 à 760 millions d'euros. Cet amendement constitue un signal. Il diminue les crédits de 156 millions d'euros, à 475 millions d'euros, afin de les ramener au niveau de 2008. Il ne s'agit pas de remettre en cause son rôle pour les soins urgents, mais chacun constate que l'AME de droit commun suscite bien des critiques. Il faut la recentrer, revoir les critères d'attribution. Nos voisins l'ont déjà fait. Nos collègues de la commission des affaires sociales partagent cette analyse et souhaitent une remise en ordre. S'il est normal de soigner les personnes sur notre territoire dès lors que les soins sont urgents, il convient de réformer le système sinon il disparaîtra ; certains réclament d'ailleurs déjà sa suppression. Une réflexion de fond est nécessaire. Les crédits sont passés de 200 millions d'euros à plus de 760 millions d'euros en 2014. En 2015, 632,6 millions d'euros sont prévus, ce qui pose d'ailleurs la question de la sincérité de ce budget. Je proposerai aussi l'adoption de l'article additionnel 59 sexies rattaché, introduit à l'Assemblée nationale, qui réduit le délai de facturation de deux à un an des séjours hospitaliers des patients bénéficiaires de l'AME, ce qui constitue une mesure de saine gestion. Une précision : les demandeurs d'asile, dès lors qu'ils ont déposé un dossier, bénéficient de la gratuité des soins. Ils ne sont pas visés. En outre, ceux qui souhaitent bénéficier de l'AME exercent souvent, à l'égard des personnels des hôpitaux, une forte pression pour qu'ils ne soient pas regardants... C'est pourquoi je propose d'adopter cette mission en ramenant les crédits à leur niveau de 2008.
La dérive de l'AME est préoccupante. Nous avons depuis longtemps attiré l'attention du Gouvernement sur la question, mais en vain ! Une mission devrait se constituer rapidement pour aider le Gouvernement à cadrer le dispositif, en fixant des règles humaines mais en évitant la logique de guichet. Je voterai l'amendement d'appel du rapporteur.
C'est un appel à 156 millions d'euros ! L'AME a été créée en 2000 pour les sans-papiers résidant en France depuis plus de trois mois dont les ressources sont inférieures à 720 euros par mois. Les dépenses par an et par personne de l'AME, 1 714 euros, sont plus importantes que pour le régime général, 1580 euros, contre 2 606 euros pour la CMU. Dans la mesure où il s'agit de personnes en situation de grande précarité, le surcoût n'est pas considérable. Personne ne conteste l'existence de fraudes ou de tourisme médical, mais il ne s'agit que de 6 ou 7 % des cas.
Les gouvernements de droite et de gauche ont une approche différente. Une franchise de 30 euros avait été instaurée. La toile de fond est liée à l'immigration. L'AME concerne de plus en plus des personnes venues des pays de l'Est et qui réclament l'asile. La lutte contre la fraude oblige les administrations des hôpitaux à plus de paperasserie et à une suradministration pénible. Le rapporteur, conscient de la complexité du dossier, est partagé entre rationalité et sensibilité : il souhaite réduire les crédits tout en conservant l'accès aux soins urgents pour les étrangers en situation irrégulière. Mais est-ce une bonne méthode de frapper d'abord pour réfléchir ensuite ? Il faut traiter ce problème en lien avec le Gouvernement, le Défenseur des Droits et le Parlement. Nous ne voterons pas cet amendement. Le problème existe mais nous ne sommes pas d'accord avec la tactique choisie.
Il y a en effet un problème de méthode. Vous proposez de baisser les crédits de 20 % d'abord puis de créer une mission ensuite. Il faudrait faire l'inverse ! L'un de nos rapporteurs ne devait-il pas chercher une solution avec le Gouvernement ? Où en sont ces discussions ?
Il semble que ces discussions n'aient pas été très fructueuses.
Je note que vous avez tous conscience du problème. Les crédits, en hausse constante et rapide, atteindront bientôt un milliard d'euros. Il faut aussi faire preuve d'équité : bien des personnes en France n'ont pas un accès aux soins satisfaisants car ils ne possèdent pas de mutuelles. Certes, il faut conserver l'AME pour les soins d'urgence ou les soins de prophylaxie, mais il faut revoir l'AME de droit commun. La voie budgétaire est un bon moyen de poser la question. Pourquoi ne pas nous inspirer des systèmes européens comparables ?
Ce dossier n'est pas simple. J'ai écrit à la ministre à la suite de mon rapport à la commission des finances le 22 octobre. Elle ne m'a pas répondu... Aussi ai-je décidé d'élaborer un amendement. Tous les pays réfléchissent au meilleur système. L'Espagne a ainsi instauré un droit d'entrée. Nous pourrions envisager de recentrer l'AME de droit commun sur les publics fragiles, comme les mineurs ou les femmes enceintes. Nombreux sont nos compatriotes en fin de droit qui n'arrivent plus à se soigner... Le dossier est d'une grande complexité. Si nous ne réduisons pas les crédits, rien ne bougera.
La commission adopte l'amendement n° 5 et décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Santé » ainsi modifiés.
Article 59 sexies
La commission adopte l'amendement n° 6 et décide de proposer l'adoption de l'article 59 sexies ainsi modifié.
Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial sur les programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriale de l'État » et M. Daniel Raoul, rapporteur spécial, sur la mission « Politique de la ville» de la mission « Politique des territoires » (et article 57 ter).
La mission « Politique des territoires » comporte trois programmes. Je vous présenterai les crédits du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » (PICPAT), et du programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE). Daniel Raoul présentera les crédits du programme 147 « Politique de la ville ».
La mission « Politique des territoires » conserve la dimension interministérielle qui la caractérise mais son périmètre est modifié en raison de l'intégration en son sein du programme 147 « Politique de la ville », auparavant rattaché à la mission « Égalité des territoires et logement », dans le prolongement du débat d'orientation des finances publiques de juillet 2014. Cette évolution résulte de la création du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), qui, placé sous l'autorité du Premier ministre, regroupe depuis 2014 la délégation à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR), le secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV), et l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé).
Selon le périmètre 2015 de la mission, en termes d'évolution par rapport aux crédits ouverts en loi de finances pour 2014, soit 812,22 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 815,31 millions d'euros en crédits de paiement (CP), les moyens demandés pour la mission par le présent projet de loi de finances sont en baisse de 12 %, pour les AE et de 6,64 % pour les CP. Au titre de la mission « Politique des territoires », le présent projet de loi de finances prévoit en effet des crédits à hauteur de 708 millions d'euros en AE et 295,4 millions d'euros en CP. Ces montants sont conformes aux plafonds prévus par le projet de loi de programmation des finances publiques. En dépit de ce volume de crédits limité, la mission se trouve tout de même au coeur de la politique d'aménagement du territoire.
Le PICPAT « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » correspondait traditionnellement aux moyens mis à la disposition de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) ; avec la disparition de cette dernière, il retracera désormais les moyens mis à la disposition du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET).
Sur le fond, les actions prévues pour 2015 constitueront la poursuite des actions engagées en 2014. Le programme est doté de 222,53 millions d'euros en AE et de 270,58 millions d'euros en CP, soit une baisse de 18 % et de 4 % par rapport à 2014.
Ces crédits seront employés au financement de nombreux dispositifs. Il s'agit, par exemple, des contrats de plan État-régions (CPER), dont la génération 2007-2013 a été prolongée sur 2014 et qui sera remplacée par une nouvelle génération l'année prochaine. Notre commission a reçu de la Cour des Comptes une enquête sur ces contrats, en application de l'article 58-2° de la loi organique aux lois de finances, et notre collègue Albéric de Montgolfier a formulé plusieurs axes d'amélioration dans son rapport. Il s'agit aussi des pôles d'excellence rurale (PER) et de diverses actions en faveur des territoires ruraux, telles que les maisons de santé pluridisciplinaires, les maisons de services au public et la revitalisation des centres-bourgs ; de la prime d'aménagement du territoire (PAT), recentrée en 2015 ; du plan d'accompagnement du redéploiement des armées ; des pôles de compétitivité ; du financement d'opérations décidées en comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT), à l'image du rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel, etc.
Le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE) relève du Premier ministre mais sa gestion a été confiée au ministère de l'intérieur. Il est proposé de le doter en 2015 d'un niveau de 30 millions d'euros d'AE et de plus de 33 millions d'euros de CP, soit une baisse de 18 % et 11,5 % par rapport à 2014. La majorité de ces crédits se trouverait, comme à l'accoutumée, affectée à l'action relative à la Corse (54 %). Cette dernière action serait, en outre, abondée par des fonds de concours, à hauteur de 20 millions d'euros en AE et de 10 millions d'euros en CP, en provenance de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), ce qui constitue une forme de débudgétisation importante.
Ce second programme comporte quatre actions interministérielles de portée régionale : la « reconquête » de la qualité de l'eau en Bretagne, avec notamment le « plan de lutte contre les algues vertes » ; le plan d'investissements en Corse, qui absorbe la plus grande part des crédits du programme ; les dépenses consacrées à l'écologie du marais poitevin ; enfin le plan mis en oeuvre à la Guadeloupe et à la Martinique pour faire face aux dangers du chlordécone, ce pesticide hautement toxique qui a été utilisé contre le charançon du bananier.
La baisse constante des crédits consacrés à l'aménagement du territoire affaiblit les ambitions de cette politique qui poursuit un objectif d'égalité entre les territoires. Le risque d'un creusement des écarts existe et les moyens fournis par le présent projet de loi de finances me semblent, de ce point de vue, insuffisants. De plus, l'Assemblée nationale a adopté la semaine dernière un amendement du Gouvernement minorant de 13,33 millions d'euros les crédits de la mission !
En outre, les actions participant à cette politique excèdent, de loin, le périmètre de la mission puisque chaque année près de 6 milliards d'euros sont engagés par l'État pour l'aménagement du territoire, (5,7 milliards d'euros en 2015). Les trois programmes de la mission « Politique des territoires » ne représenteront en 2015 que 13 % de la totalité de ces crédits, dont 4,7 % pour le programme chef de file, le PICPAT. La politique d'aménagement du territoire, éclatée entre 14 missions et 31 programmes, manque de lisibilité. La création du CGET aurait à cet égard pu constituer une occasion de rendre plus cohérente la maquette budgétaire, mais on a choisi de maintenir une mission consacrée à l'égalité des territoires et au logement. Une mission unique offrirait une vision plus large des crédits et porterait ainsi, dans une stratégie globale cohérente, les principaux dispositifs en matière d'aménagement du territoire, d'autant plus qu'ils sont transversaux et interdépendants.
Ensuite, en ces temps de rigueur budgétaire, certains de nos territoires, en souffrance accentuée, ont des besoins plus marqués. Il est plus que jamais nécessaire de cibler les dispositifs et d'éviter la fâcheuse tendance au « saupoudrage » en matière d'aménagement du territoire. Cette remarque vaut aussi pour les dépenses fiscales rattachées à la mission. Leur efficacité est conditionnée par une concentration des moyens sur les zones les plus fragiles.
Enfin, il convient de changer le mode d'intervention de l'État afin d'accompagner de plus en plus des projets de territoire, de contractualiser avec les collectivités, régions, départements et intercommunalités, dans des stratégies de développement territorial. L'État ne doit pas s'inscrire dans une logique de guichet, il doit apporter des moyens opérationnels mais aussi l'ingénierie qui fait parfois défaut au niveau local. L'expérience du programme européen de développement rural (Leader), des projets de revitalisation des centres-bourgs et des pôles de compétitivité ou des pôles d'excellence rurale représentent de bonnes initiatives de ce point de vue. Il faudra aller plus loin dans une stratégie intégrée d'accompagnement des projets de territoire.
Pour toutes ces raisons, à commencer par la réduction marquée des crédits, je vous propose de ne pas adopter les crédits pour 2015 de la mission « Politique des territoires ».
Le programme 147 s'inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine et tient compte de la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville. Il a été déplacé de la mission « Égalité des territoires, logement et ville » à la mission « Politique des territoires », à la suite de la création du Commissariat général à l'égalité des territoires, qui regroupe désormais les activités du secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV), de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) et de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé).
L'article 57 ter rattaché à la mission prévoit le report d'un an, soit au 1er janvier 2016, du transfert des activités de l'ACSé à l'État et de la dissolution de l'agence.
Avec 456 millions d'euros en AE et 457 millions d'euros en CP, le programme 147 « Politique de la ville » connaît une baisse de respectivement 10 % et 8 % qui n'entament pas les actions menées dans le cadre de la politique de la ville. En effet, cette réduction des crédits s'explique principalement par la mise en extinction progressive de l'exonération de charges sociales applicable dans les zones franches urbaines (ZFU) au 31 décembre 2014 et par les modes de calculs applicables depuis 2009 pour les exonérations déjà accordées.
Les crédits d'intervention sont quant à eux préservés, avec en particulier 332 millions d'euros en AE et en CP sur l'action 1 « actions territorialisées et autres dispositifs spécifiques de la politique de la ville ».
Les dépenses fiscales associées au programme restent importantes, d'autant que le taux réduit de TVA pour les opérations d'accession sociale à la propriété devrait être applicable, en vertu de l'article 7 du projet de loi de finances pour 2015, dans l'ensemble des quartiers prioritaires de la politique de la ville, dont nous attendons avec impatience la liste... Je suis satisfait d'ailleurs que le critère du revenu moyen par habitant ait été retenu lors de la mise en oeuvre de la technique du carroyage.
La mise en oeuvre de la politique de la ville dépasse très largement les seuls crédits budgétaires inscrits dans le programme 147. Les crédits de droit commun doivent, en effet, être prioritairement mobilisés, tant au niveau national que local. Les crédits spécifiques à la politique de la ville ne constituent qu'un complément destiné à produire un effet de levier. Le Gouvernement doit poursuivre ses efforts en ce sens. Soyons vigilants ! Des conventions ont été signées entre différents ministères et le ministère de la Ville. Il ne faut pas qu'ils se désengagent à son détriment. Il est nécessaire de bien retracer l'évolution de ces crédits de droit commun dans les quartiers prioritaires.
La situation financière de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) reste préoccupante, compte tenu de la baisse annoncée de la contribution d'Action logement à 850 millions d'euros par an. Je regrette qu'Action logement doive contribuer pour 150 millions d'euros supplémentaires au financement du fonds national d'aide au logement (FNAL) plutôt qu'à la rénovation urbaine. Je suis très réservé à l'égard de ce basculement de l'aide à la pierre vers les aides à la personne. L'action de l'ANRU est une réussite, notamment en favorisant la mixité fonctionnelle des quartiers.
J'espère que cette baisse de financement n'entraînera pas de blocage pour les opérations en cours du programme national de rénovation urbaine (PNRU) ni de retard dans le lancement du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) et que le fonds de roulement sera suffisant. Certaines collectivités territoriales ont bénéficié d'avances mais n'ont pas nécessairement lancé de programme...
Le solde des sommes non réclamées sur certaines opérations s'élève à 600 millions d'euros. J'aimerais en connaître l'explication. Pourquoi ne pas faire en sorte que les avances ne soient débloquées qu'en contrepartie d'un ordre de service ?
Ainsi, sous réserve des 150 millions d'euros supplémentaires qui devraient être attribués au financement des aides personnelles au logement plutôt qu'à la rénovation urbaine, je vous propose d'adopter les crédits consacrés à la politique de la ville.
La politique de la ville s'inscrira dans un nouveau cadre, avec un contrat unique tandis que l'existence de l'ACSé a été prolongée d'un an. Les crédits de droit commun seront inscrits dans les contrats de ville. Ils ne concernent d'ailleurs pas seulement l'État, mais aussi les régions ou les départements.
La liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville n'a pas encore été publiée car nous attendons encore les quartiers d'outre-mer. Il y aura donc deux listes que nous attendons tous : l'une des quartiers prioritaires de la politique de la ville et celle des 200 quartiers éligibles à l'action de l'ANRU. Le budget est stable car la baisse des crédits s'explique par l'extinction progressive du dispositif d'exonérations sociales compensées par l'État dans les zones franches urbaines (ZFU). De plus on enregistre aussi la fin des emplois francs, qui n'ont pas été couronnés de succès. Les crédits d'intervention de la politique de la ville ont ainsi été sanctuarisés.
Je partage votre analyse sur l'ANRU. Les négociations semblent en voie d'aboutir avec Action logement pour le financement. S'agissant des avances, je suis favorable au versement des avances dès l'ouverture du chantier. Autrement, bien des communes ne pourront plus lancer de travaux.
Enfin, l'enjeu est aussi de lutter contre le chômage des jeunes. L'Établissement public d'insertion de la Défense (EPIDe) est maintenu ; 45 000 emplois d'avenir supplémentaires sont créés. Si le chômage des jeunes de moins de 25 ans est de 22,5 % à l'échelle nationale, il s'établit à 45 % dans les quartiers défavorisés. Il faut encourager la mobilisation de Pôle emploi, des missions locales et des missions d'insertion.
La multiplicité des dispositifs rend cette politique illisible. Comme Pierre Jarlier, je crois qu'il faut s'interroger sur l'efficacité de certains dispositifs.
Je déplore le déplacement du programme 147. Son appartenance à la mission « Égalité des territoires et logement » était plus pertinente.
Concernant le financement de l'ANRU, l'État a encore modifié les règles concernant Action logement. Tout le monde est fatigué de ces retournements incessants. Je proposerai de supprimer l'article 53 rattaché à la mission « Égalité des territoires et logement » pour laquelle je suis rapporteur spécial au nom de la commission des finances, qui déplace 150 millions d'euros de l'ANRU vers le FNAL.
Les moyens de l'ANRU seront-ils suffisants pour achever le programme national de rénovation urbaine ? Sans doute, certaines avances ont-elles, en effet, été versées par l'ANRU sans que les projets aient été lancés, mais on constate surtout que l'ANRU fait tout pour ne pas verser la totalité des sommes prévues lors de la signature des conventions et pour éviter de redéployer les crédits ! Or le coût des travaux évolue avec le temps. Résultat, il reste environ 600 millions d'euros de solde : la Cour des comptes préconisait de ne pas les réaffecter afin de réaliser une économie. Enfin, la faiblesse de la trésorerie de l'ANRU m'inquiète. Cela aura des effets sur les finances des communes.
Vous préconisez le rejet du programme 112 à cause de la baisse de ses crédits, mais il faut saluer la simplification du dispositif de mesure de la performance grâce à la baisse du nombre d'indicateurs.
Je salue aussi l'effort de désendettement du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, conforme aux préconisations du Sénat. Un effort reste à faire en effet sur la dépense fiscale. Pourquoi notre commission ne lancerait-elle pas une mission de contrôle à ce sujet ? Enfin le suivi de la performance dans le cadre du programme 162 soulève des interrogations. L'action relative à la Corse consomme l'essentiel des crédits. Nous souhaitons plus de transparence.
En ce qui concerne l'ANRU, il est dommage que la possibilité offerte d'intervenir dans le cadre d'opérations portant sur quelques centaines de logements ait disparu. Or, si les communes maîtrisaient le foncier et les relogements dans un rayon d'un kilomètre ...
Sans doute, mais cela permettrait de casser l'économie souterraine. En plus de ces deux conditions, il faudrait que le taux de TVA réduit s'applique largement pour encourager la mixité sociale et ainsi les communes disposeraient de trois leviers suffisants et ne demanderaient même plus nécessairement l'aide de l'État.
Il faudrait repenser les aides de l'ANRU pour éviter le blocage de projets en intervenant sur de plus petites opérations.
Le commissariat général à l'égalité des territoires n'a pas de vision d'ensemble des aides dont bénéficient les zones de revitalisation rurale (ZRR). Comment améliorer les choses ?
Les objectifs initiaux du programme des interventions territoriales de l'État (PITE) ont été perdus de vue : l'interministériel et l'interrégional ont disparu. Ces interventions sont devenues très localisées : faut-il les maintenir ?
Enfin, les CPER en cours de discussion portent sur les périmètres régionaux actuels. Qu'en sera-t-il demain, après la réforme des régions ? Les CPER vont-ils fusionner ou resteront-ils affectés à chaque région ?
Comme l'a dit notre rapporteur, le financement de l'ANRU ne peut nous satisfaire, d'autant que l'on risque un transfert complet vers le fonds national d'aide au logement (FNAL), en risquant une importante réduction des crédits consacrés aux quartiers en difficulté.
La politique de la ville est loin d'aider les quartiers comme elle le devrait : le Gouvernement doit se réengager dans la politique de droit commun en direction des quartiers.
Les carrés de 1 000 habitants et la prise en compte du revenu moyen par habitant ont tout leur intérêt, mais certains quartiers anciens qui se sont dégradés avec le temps ne bénéficient pas de la politique de la ville alors qu'ils mériteraient d'être accompagnés, en raison des efforts menés de non concentration de l'habitat social dans les mêmes secteurs.
Toute cette politique est passée au crible de la maîtrise de la dépense publique, ce qui est inquiétant.
François Marc a remarqué à juste titre que les crédits de la mission diminuaient régulièrement. Cela dit, la politique de l'aménagement du territoire reste en grande partie illisible ; une simplification est indispensable.
Pourquoi ne pas transposer les contrats urbains de cohésion sociale dans les zones rurales ?
Le rapport interministériel de 2009 et le récent rapport de MM. Calmette et Vigier estiment que les ZRR doivent être mieux ciblées afin de porter sur les territoires les plus en difficulté. Pourquoi ne pas créer des contrats ruraux de cohésion territoriale afin d'accompagner les stratégies des collectivités territoriales ? En outre, les moyens d'ingénierie de l'État pourraient être mis à leur disposition.
Un rapport de notre commission permettrait de poursuivre la réflexion.
On pourrait transposer le modèle des contrats de ville au monde rural, sous réserve qu'une collectivité ou son groupement porte le projet et aille chercher les fonds disponibles.
J'ai rencontré le directeur général de l'ANRU. 150 millions d'euros de trésorerie devraient suffire mais avec 100 millions d'euros, la situation serait extrêmement tendue. Le décollage du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) devrait être possible.
On ne peut être que d'accord avec Francis Delattre, mais qui serait le porteur de ces « mini projets » de rénovation urbaine ?
Les opérations seraient alors dissociées des contrats de ville, ce qui change considérablement le champ des interventions par rapport à ce qui existe.
Madame Beaufils, jusqu'à présent l'État a toujours respecté ses engagements envers l'ANRU, ce qui n'est apparemment pas le cas de certaines collectivités. De plus, la baisse de la TVA de 7 % à 5,5 % a eu un effet certain.
Enfin, les crédits d'intervention ne diminuent que de 0,06 %. Je ne partage donc pas la remarque de Marie-France Beaufils.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Politique des territoires ».
Article 57 ter (nouveau)
L'amendement n° 1 est de coordination, dans la mesure où l'Assemblée nationale a repoussé le transfert au 1er janvier 2016 des activités de l'ACSé au CGET.
L'amendement n° 1 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 57 ter ainsi modifié.
Puis la commission procède ensuite à l'examen du rapport de MM. Jacques Chiron et Bernard Lalande, rapporteur spéciaux sur la mission « Économie » (et article 51) et le compte de concours financier « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
La mission « Économie » rassemble une série de d'instruments pour soutenir la croissance des entreprises, et notamment des PME, dans les secteurs de l'artisanat, du commerce et de l'industrie, sous forme de subventions, de prêts, de garanties ou encore d'exonérations fiscales. Elle porte aussi les crédits des administrations, autorités administratives indépendantes (AAI) et opérateur chargés de la mise en oeuvre de ces politiques.
Les crédits pour 2015 s'élèvent à 1,8 milliard d'euros, en baisse de 4,2 %, soit 79 millions d'euros. À ce titre, cette mission contribue à l'effort de réduction de la dépense publique, ce que confirme la programmation triennale qui prévoit une baisse de 8 % des crédits entre 2014 et 2017.
L'année 2015 est marquée par la mise à contribution du réseau consulaire. Les chambres de commerce et d'industrie (CCI) voient le plafond de leur ressource fiscale baisser de 213 millions d'euros et elles sont soumises à un prélèvement de 500 millions d'euros sur leur fonds de roulement. Cet effort, que le rapporteur général a souhaité modérer, est pleinement justifié. En effet, à l'heure où les ressources de l'État, des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale diminuent, chacun doit apporter sa juste contribution à l'effort. En outre, les 213 millions d'euros demandés bénéficieront aux entreprises puisqu'elles seront moins imposées. La rationalisation du réseau des CCI, prévue par la loi du 23 juillet 2010, en est toujours à ses balbutiements : seules les quatre CCI territoriales du Nord-Pas-de-Calais ont fusionné en une CCI régionale unique. L'effort financier demandé cette année devrait les inciter à accélérer ces rapprochements.
Soixante-dix-neuf dépenses fiscales en faveur des entreprises sont rattachées à la mission « Économie » pour un total de 17 milliards d'euros. Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) est de loin la principale, à hauteur de 10 milliards d'euros. Si le CICE produit incontestablement des effets positifs, il gagnerait à être complété par un dispositif ciblé sur l'investissement des PME-PMI en matériel et outillage de production. Nous proposerons un amendement en vue de l'examen en séance publique de la première partie du projet de loi de finances, afin de prévoir un amortissement sur vingt-quatre mois, ce qui devrait avoir un fort effet de levier pour ces entreprises.
D'une manière générale, la baisse des crédits de cette mission repose sur la réduction du format de certains dispositifs d'intervention en faveur des entreprises, afin de cibler les projets prioritaires.
La récente réforme du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) permet de passer d'une logique de guichet, qui a abouti à une impasse budgétaire totale en raison de l'élargissement des critères d'éligibilité en 2009, à une logique d'appel à projets, circonscrite dans l'enveloppe ouverte en loi de finances. Celle-ci est de 19,3 millions d'euros pour 2015, même si l'Assemblée nationale a déjà voté le déblocage de 8 millions d'euros pour couvrir les engagements des années précédentes. Nous estimons qu'il faut laisser sa chance à cette réforme, mais celle-ci n'aboutira qu'à condition que les aides soient attribuées aux projets qui en ont le plus besoin, notamment en matière d'accessibilité et de sécurité dans les zones rurales et dans les zones urbaines sensibles. Nous prenons acte de la promesse de la secrétaire d'État chargée du commerce et de l'artisanat de mettre fin à la double instruction des dossiers.
Le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » porte essentiellement sur les crédits du fonds pour le développement économique et social (FDES) qui a été réactivé dans le cadre du « plan de résistance économique » annoncé en 2013. Il est doté de 200 millions d'euros en 2015, contre 310 millions d'euros en 2014. Ces montants s'adaptent aux interventions du FDES. Ils sont très largement supérieurs aux 10 millions d'euros prévu lorsque le fonds était en sommeil.
L'article 51 rattaché à la mission supprime l'indemnité de départ (IDD) versée aux artisans et commerçants qui, arrivant à l'âge de la retraite, n'arrivent pas à valoriser leur fonds de commerce. Or, l'IDD ne remplit plus sa mission : elle ne profite qu'à 2 % des artisans, pour un montant de 9 millions d'euros et produit de nombreux effets pervers. Ainsi incite-t-elle les artisans à réduire artificiellement leur volume d'activité pour être éligibles à cette indemnité, ce qui dévalorise encore davantage leur fonds. En revanche, le fonds d'action sociale du régime des indépendants (RSI) dispose chaque année de crédits inutilisés (14 millions d'euros), pour un montant supérieur à celui de l'IDD. Ce fonds pourrait prendre le relais, d'autant qu'il est bien plus à même de prendre en compte les situations individuelles que la rigide indemnité de départ. À cette condition, nous vous proposons donc d'adopter l'article 51.
Le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme », le principal de la mission, porte l'essentiel des instruments d'aide aux entreprises : leur rationalisation explique la baisse des crédits du programme qui s'élève à 875 millions d'euros, soit 54 millions d'euros de moins.
Pour le reste, les crédits de fonctionnement et de personnel sont assez stables : 85 emplois sont supprimés sur un total de 5 219 équivalents temps plein. Les administrations centrales - la nouvelle direction générale des entreprises (DGE), le Trésor et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) - réalisent des économies, il en va de même pour les trois autorités de régulation (CRE, ARCEP, Autorité de la concurrence) ainsi que pour les opérateurs. L'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) et UBIFRANCE vont fusionner afin de rationaliser notre soutien à l'exportation et à l'investissement.
Le programme 134 porte aussi quelques 30 millions d'euros de dotations à la Banque publique d'investissement (BPI), renommée Bpifrance, sous forme de garanties accordées aux PME. L'action de Bpifrance va bien au-delà, avec une large gamme de garanties bancaires, de prises de participations, de prêts en faveur de l'innovation, du numérique ou de l'exportation, auxquels s'ajoute un préfinancement du CICE. Au total, l'encours de crédits et d'investissements de l'établissement a atteint 46,5 millions en 2013 et doit augmenter d'ici 2017.
Le programme 220 « Statistiques et études économiques », qui correspond au périmètre de l'INSEE, est doté de 450 millions d'euros, en baisse de 1,6 %. Les économies prévues sont limitées par le transfert de diverses fonctions au centre statistique de Metz : certains agents ayant refusé leur mutation géographique, il a fallu créer de nouveaux postes.
Le programme 305 « Stratégie économique et fiscale », qui porte sur les crédits du personnel du Trésor, du réseau international des services économiques et de la direction de la législation fiscale (DLF), est doté de 473 millions d'euros. La baisse, de 3,7 %, tient surtout à la réduction de 300 millions d'euros de la subvention versée à la Banque de France. D'importants gains ont en effet été réalisés dans le traitement des dossiers de surendettement.
Doté de 1,4 milliard d'euros, le nouveau programme 343 « Plan France très haut débit » porte la contribution de l'État au déploiement des réseaux d'initiative publique dans les zones les moins denses, soit tout de même 90 % du territoire, zones qui n'intéressent pas les opérateurs télécom. Près de 20 milliards d'euros seront investis dans la fibre optique d'ici 2022, dont 3 milliards d'euros par l'État. Le reste est pris en charge par les opérateurs, les collectivités territoriales et l'Union européenne.
Le très haut débit est essentiel à l'économie française. Le rapport de Philippe Lemoine souligne à la fois les formidables opportunités que représentent la révolution numérique et l'ampleur du chemin à parcourir pour relever le défi. Des millions d'emplois sont concernés dans tous les secteurs de l'économie. Pour peu qu'elles soient accompagnées et qu'elles bénéficient des infrastructures adéquates, nos PME pourraient y trouver un puissant relais de croissance. Les 180 propositions du rapport Lemoine, l'étude de Laurent Berger et le rapport de McKinsey ont évalué les impacts sur la croissance de l'économie numérique d'ici 2020. Cette révolution s'accélère à la vitesse de l'innovation mondiale. Trois changements s'effectuent simultanément : la course technologique n'est plus tirée par les entreprises ou les grands organismes mais par les individus ; les impacts du numérique deviennent transversaux, avec des changements qui concernent l'industrie, les services, le bâtiment, l'agriculture, l'accès à la connaissance, l'expression culturelle et la santé. Selon le MIT, 47 % des emplois américains vont disparaître ou être profondément transformés par le numérique. Le think tank Bruegel en estime l'impact à 54 % en Europe. L'incidence de la technologie numérique se diversifie, ce qui a des effets automatiques sur la productivité du travail, du capital, de l'énergie et des matières premières. La dématérialisation modifie autant les business models des transactions d'affaires que le quotidien des personnes. Au total, la transformation numérique présente pour la France plus d'opportunités que de risques, à condition qu'elle soit rapide, globale et durable.
Au-delà du seul enjeu économique, le déploiement du très haut débit répond à un impératif d'équité entre les citoyens et entre les territoires. Pourquoi ne pas prévoir une péréquation numérique pour financer le déploiement de la fibre optique par la solidarité entre les abonnés des zones denses au profit du reste du territoire ? Ainsi, une modeste contribution sur les factures Internet accélèrerait le déploiement des réseaux car 2022 est peu compatible avec le rythme de la révolution numérique.
Comme pour l'aide personnalisée au logement (APL) en faveur de l'accession, on nous dit qu'il faut supprimer l'IDD car il y a peu de bénéficiaires. Cet argument n'est pas recevable, et l'économie serait minime. Ce dispositif ne coûte pas très cher et est utile à certains artisans en fin de carrière. S'il faut corriger ses effets pervers, pourquoi supprimer le dispositif plutôt que de corriger ces effets pervers ?
Que se passe-t-il au nouveau centre statistique de Metz ? L'État doit-il créer des postes ?
Vous connaissez mon point de vue sur le CICE. Pourquoi ne pas évaluer son efficacité ? Lors du séminaire de la commission des finances à Orléans, les représentants de la direction régionale des finances publiques nous avaient indiqué que les bénéficiaires étaient la grande distribution et le secteur de l'intérim.
Le régime social des indépendants (RSI) fonctionne mal : voyez les délais de remboursement que supportent les commerçants lorsqu'ils sont malades. Pourquoi supprimer l'IDD, alors que certains indépendants sont dans une situation difficile à l'heure de leur retraite ? La commission devrait poursuivre la réflexion.
J'approuve la péréquation numérique car les autoroutes de l'information sont encore loin d'être une réalité dans notre pays, surtout dans le monde rural. Lorsque des collectivités territoriales signent les contrats, les choses se passent en général bien, mais beaucoup moins bien lorsque ce sont les opérateurs qui assurent la couverture. Voilà un enjeu d'aménagement du territoire primordial.
L'IDD ne sera pas purement et simplement supprimée. En revanche, le Gouvernement a demandé au président du RSI de proposer d'ici la fin de l'année une prise en charge adaptée des artisans et commerçants en situation précaire, mais après une analyse approfondie de leur situation.
Nous voudrions que le CICE profite à l'outil de production des PME-PMI, de sorte qu'elles puissent devenir des ETI.
Le projet de déménagement de certains services de l'INSEE au nouveau centre statistique de Metz devait à l'origine porter sur 625 agents, mais le centre ne compte que 240 agents fin 2014. Les économies réalisées sur le programme 220 sont inférieures aux prévisions car, certains agents basés à Paris ayant refusé leur mutation géographique, le Gouvernement a été conduit à créer des postes à Metz.
En partie, oui.
La péréquation numérique nous semble souhaitable car 2022 est un objectif trop lointain. Il ne faudrait pas en rester au béton quand les pays émergents s'adaptent à l'innovation numérique : sachons rattraper notre retard. Les particuliers créant l'économie numérique, notre territoire tout entier doit être équipé, pour éviter une nouvelle désertification rurale et périurbaine. En outre, 70 % des TPE et des PMI sont installées dans des zones peu denses, qui ont besoin de la révolution numérique pour éviter d'être marginalisées. Ne pas déployer le haut débit aujourd'hui, ce serait comme supprimer le téléphone ou l'électricité des générations futures. Nous devons parvenir à une péréquation pour que les autoroutes numériques, privées et publiques, irriguent tout le pays. Un travail pourrait être mené sur le sujet.
Je voudrais souligner que la Banque de France, nationalisée en 1936, s'en sort bien : la situation de ses personnels est confortable, elle a perdu sa vocation d'imprimer et de gérer les billets, et a récupéré une mission de traitement du surendettement qu'elle facture près de 1 100 euros par dossier. S'est-on interrogé sur le coût réel de ce service ?
Les crédits de la Banque de France diminuent de 300 millions d'euros : mieux vaut tard que jamais.
L'idée est d'orienter le CICE vers les PME-PMI car elles investiront rapidement, pour peu que l'amortissement soit de vingt-quatre mois. En outre, la BPI accordera des prêts à faible taux à ces entreprises, ce qui favorisera leurs exportations. Nous ne mentionnons que les PME pour éviter un veto de l'Europe.
Je me bats depuis un an et demi pour que la 4G soit développée en priorité dans les zones isolées ou rurales, afin de résorber les zones blanches et de résoudre la question de l'accès au haut débit. Ne rêvons pas, la fibre n'arrivera jamais dans ces zones, alors que la 4G apporte le haut débit.
Avec la 4G, vous avez une 2CV. Un seul exemple : en Chine, des imprimantes construisent des maisons. L'usine de demain passe sans délai de la conception à la réalisation. Dans peu de temps, nous aurons besoin d'autoroutes du numérique. La 4G ne résoudra pas les nouvelles applications industrielles.
L'ADSL2 n'apporte que 10 mégabits alors que la 4G et la bande des 700 mégahertz assurent 20 à 25 mégabits.
D'après le MIT, le développement technologique des dix prochaines années va profondément modifier près de la moitié des emplois aux États-Unis et plus de la moitié en Europe. Le monde de demain sera nécessairement adossé à une économie numérique. Or, si nous continuons à faire du béton, les pays émergents nous vendront leur technologie. L'investissement à réaliser est à notre portée.
Nous avons entendu des représentants des PME industrielles françaises, qui nous ont appris que les PME industrielles allemandes changeaient de matériel tous les cinq ans. Chez nous, c'est tous les onze ans. Avec notre amendement, nous prévoyons un amortissement du matériel en vingt-quatre mois, d'où un gain d'impôt immédiat qui, additionné à celui du CICE, donnerait un coup de pouce aux entreprises concernées.
Merci pour ces perspectives étonnantes.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Économie ».
Ensuite, elle décide de proposer au Sénat de ne pas adopter l'article 51.
Enfin, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter le compte de concours financier « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
Enfin la commission procède à l'examen du rapport de MM. Charles Guéné et Jean Germain, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 58 à 58 sexies et 59 à 59 quinquies) et le compte de concours financier « Avances aux collectivités territoriales ».
Après le gel des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales en 2013, puis leur diminution de 1,5 milliard d'euros en 2014, l'article 9 du projet de loi de finances propose de les diminuer encore de 3,67 milliards d'euros. L'article 58 répartit cette diminution entre les différents niveaux de collectivités territoriales, en reprenant les critères retenus en 2014. Nous avons adopté, la semaine dernière, lors de l'examen par la commission de la première partie du projet de loi de finances, un amendement minorant de 1,2 milliard d'euros la baisse des dotations afin de tenir compte des dépenses imposées par l'État aux collectivités territoriales.
Les autres mesures du projet de loi de finances pour 2015 sont essentiellement destinées à corriger les effets de la baisse des dotations. Est ainsi prévue une hausse de la péréquation verticale de 228 millions d'euros, portée à 327 millions d'euros par nos collègues députés, financée pour moitié au sein de la dotation globale de fonctionnement et pour moitié par minoration des variables d'ajustement. Cette hausse est donc entièrement à la charge des collectivités. L'amendement que nous avons adopté la semaine dernière revient au rythme d'évolution de la péréquation verticale de 2014, c'est-à-dire à une augmentation de 119 millions d'euros.
Par ailleurs, la loi prévoit d'ores-et-déjà une hausse de la péréquation horizontale de 230 millions d'euros : 210 millions d'euros au titre du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales, et 20 millions d'euros pour le Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France. Afin de limiter la baisse des investissements des collectivités territoriales, le montant du fonds de compensation pour la TVA a été augmenté de 26 millions d'euros, par un relèvement du taux de remboursement, et le fonds a été sorti de l'enveloppe normée. Ainsi, sa hausse (192 millions d'euros au total) ne pèse pas sur les autres concours aux collectivités locales, pour cette année au moins...
Le Gouvernement a également proposé le remplacement des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) par une dotation de soutien à l'investissement local, que nous avons choisi de supprimer la semaine dernière.
Dans son rapport sur l'évolution des finances locales à l'horizon 2017, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation met en évidence les difficultés financières auxquelles seront confrontées les collectivités locales : sans mesures correctives, la baisse de 11 milliards d'euros ferait de l'impasse financière la situation de droit commun des collectivités.
Enfin, d'autres dispositions concernent plus ou moins directement les collectivités territoriales, sans être rattachées à la mission : la suppression des taxes à faible rendement perçues par les communes (article 8), le prélèvement sur le fonds de roulement des agences de l'eau (article 16), plusieurs exonérations et abattements en matière de fiscalité locale, non compensés (articles 42, 42 bis et 42 ter), la revalorisation des valeurs locatives de 0,9 % (article 42 quater), et la convergence des bases minimum de cotisation foncière des entreprises (CFE) lorsqu'une commune rejoint un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) (article 42 quinquies).
Les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales représentent 53,2 milliards d'euros en 2015, alors que le total des transferts financiers s'élève à 101 milliards d'euros. La mission « Relations avec les collectivités territoriales » représente 2,7 milliards d'euros, soit 2,7 % du total et 5 % des concours financiers. Ses crédits sont stables, à l'exception d'une hausse de la dotation générale de décentralisation des régions de 62,6 millions d'euros, recouvrant les compensations versées à Réseau ferré de France pour la circulation des trains express régionaux, et les 24 millions d'euros de subventions exceptionnelles pour la réparation des dégâts causés par les calamités publiques. En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement minorant de 1 million d'euros les crédits des travaux divers d'intérêt local. Notre premier amendement vous propose de revenir sur cette baisse de crédits.
Les crédits du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » s'élèvent à plus de 101 milliards d'euros en 2015. Ce compte retrace les avances sur les recettes fiscales des collectivités territoriales, et celles que l'État peut accorder à des collectivités territoriales connaissant des difficultés de trésorerie. L'évolution de ces crédits n'appelle pas de remarque particulière. Par conséquent, nous vous proposons l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ainsi modifiés, et l'adoption sans modification des crédits du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
L'article 58 modifie l'architecture de la dotation forfaitaire des communes et des départements. Au sein de la dotation globale de fonctionnement (DGF), la dotation forfaitaire comprend la dotation de base, calculée en fonction de la population, la dotation de superficie, le complément de garantie, les compensations et la dotation parcs naturels et marins. L'article 58 consolide ces différentes dotations à partir de 2015. En d'autres termes, la dotation forfaitaire de chaque commune serait égale au montant perçu en 2014, sous deux réserves. D'une part, elle serait majorée ou minorée de la variation de la population, multipliée par un montant par habitant variant de 64,46 euros à 128,93 euros, comme c'est le cas actuellement pour la dotation de base. D'autre part, elle serait écrêtée pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à 75 % de la moyenne nationale, pour financer la hausse spontanée de la DGF et, le cas échéant, la hausse de la péréquation. Actuellement, l'écrêtement porte sur les compensations et sur le complément de garantie, mais n'est péréqué que pour ce dernier.
La dotation forfaitaire des départements, qui ne comprend qu'une dotation de base et un complément de garantie, connaîtrait la même évolution.
En conséquence, les évolutions de dotation forfaitaire des communes en fonction de la démographie, à la hausse comme à la baisse, seraient de moindre ampleur, puisque le nouveau montant par habitant s'appliquerait seulement à la variation de population et non à l'ensemble de la population. L'évolution spontanée de la DGF, au niveau global, devrait être diminuée de quelques millions d'euros. Le nouveau mode d'écrêtement serait plus juste, puisqu'il s'appliquerait à une base plus large et serait intégralement péréqué.
En revanche, les résultats de cette consolidation sont difficiles à évaluer autrement que de manière individuelle, car elle fait intervenir des effets qui peuvent être contradictoires. En définitive, elle devrait conforter les situations existantes. Elle n'est qu'une réponse temporaire - en attendant la réforme de la DGF annoncée pour le projet de loi de finances pour 2016 - aux limites de la DGF actuelle.
L'article 58 procède à la répartition entre les collectivités de la baisse des dotations. Nos collègues députés ont minoré la contribution des régions d'outre-mer et de la Corse, pour près de 7 millions d'euros, qui reposeront, dès lors, sur les autres régions. Je vous proposerai un amendement n° 2 tirant les conséquences de la minoration de la baisse des dotations que nous avons adoptée la semaine dernière, sur la première partie du projet de loi de finances.
Par cohérence avec notre vote de la semaine dernière, je vous proposerai un amendement pour réduire la progression des différents dispositifs de péréquation verticale à son niveau 2014, et un amendement de cohérence avec le maintien des FDPTP et la suppression de la dotation de soutien à l'investissement local.
L'article 58 transforme la dotation de développement urbain (DDU) en dotation politique de la ville (DPV). À ce stade, il s'agit surtout d'un changement de nom. Le rapport sur la réforme de la DDU n'a toujours pas été remis. Enfin, l'article 58 tire les conséquences de la recentralisation sanitaire du dépistage des infections sexuellement transmissibles, prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et prévoit le report de la prise en compte de la compétence « urbanisme » pour le calcul de la DGF bonifiée.
L'article 59 introduit une nouvelle règle de plafonnement de la contribution au Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF) qui ne s'appliquera qu'en cas d'augmentation du montant de ce fonds, pour éviter qu'une seule commune contributrice ne finance plus de la moitié de cette hausse. Pour l'année 2015, la hausse de la contribution de Paris est limitée à 10 millions d'euros, soit la moitié de l'augmentation du FSRIF.
L'Assemblée nationale a adopté quatre amendements portant articles additionnels sur le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). L'article 58 bis assouplit l'encadrement de la répartition dérogatoire du FPIC, qu'il porte à 30 % de la répartition de droit commun. Pour l'instant, seulement 1 % des ensembles intercommunaux ont choisi une répartition dérogatoire (pour le prélèvement comme pour le reversement). Plus de 80 % des établissements publics de coopération internationale (EPCI) préfèrent la répartition de droit commun (86 % pour le prélèvement et 80 % s'agissant du reversement). Cette disposition pourrait favoriser le recours au régime dérogatoire.
L'unanimité du conseil de l'EPCI était requise pour faire application de la répartition libre. L'article 58 ter lui substitue une double majorité (majorité des deux tiers de l'EPCI et l'unanimité des conseils municipaux des communes membres). Ainsi, un seul conseiller communautaire ne pourrait plus bloquer la possibilité d'opter pour cette répartition ; il ne serait pas pour autant possible de prélever une commune sans l'accord de son conseil municipal. En effet, l'assouplissement de la règle d'unanimité se heurte à la nécessité constitutionnelle de garantir une répartition du FPIC qui ne mette pas en difficulté une commune en particulier. Cette procédure nous paraît particulièrement lourde, puisqu'il faudra que chaque commune de l'EPCI délibère spécifiquement sur la question, en plus de la délibération de l'EPCI.
L'article 58 quater prévoit qu'en 2016, seuls les EPCI dont l'effort fiscal sera supérieur à 1 pourront bénéficier du FPIC. Notre amendement propose que le seuil de l'effort fiscal reste à 0,9 : à 1, ce sont 10 % des EPCI qui n'en bénéficieraient plus.
Enfin, l'article 58 sexies dispose que le Gouvernement remettra un rapport au Parlement, qui évalue notamment « la question de la soutenabilité des prélèvements pour les communes contributrices » aux différents mécanismes de péréquation. Notre amendement précise que ce rapport étudie l'efficacité du FPIC et la soutenabilité des prélèvements combinées à la baisse des dotations. Il devra également analyser la cohérence des différents dispositifs de péréquation existant au niveau du bloc communal. Alors que la péréquation augmente chaque année, il nous semble indispensable de disposer d'une véritable évaluation de ces dispositifs.
Je propose un amendement dont l'adoption aboutirait à ce que le FPIC s'élève à 675 millions d'euros, soit une hausse de 105 millions d'euros, divisant ainsi la hausse prévue par deux.
L'article 58 quinquies prend en compte les contrats à durée déterminée d'insertion pour le calcul des attributions du fonds de mobilisation départemental pour l'insertion (FMDI). L'Assemblée nationale a introduit un article 59 bis qui rectifie une erreur relative à la compensation du transfert de la TASCOM lors de la réforme de la taxe professionnelle. L'article 59 ter ajuste le fonctionnement du fonds départemental de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) des entreprises, pour que les départements ne soient pas prélevés au titre du prélèvement sur flux. Il relève également le plafond du prélèvement sur stock et la contribution des départements dont le montant de cotisation par habitant est plus de trois fois supérieur à la moyenne nationale. L'article 59 quater pérennise, d'une part, la possibilité pour les départements de relever le taux des droits de mutation à titre onéreux et, d'autre part, le fonds de solidarité des départements. L'Assemblée nationale a introduit un article 59 quinquies qui modifie la définition des communautés d'agglomération ; nous vous proposerons un amendement de suppression. Nous proposons un article additionnel pour conserver le bénéfice de la dotation de solidarité rurale (DSR) aux communes auxquelles la réforme de la carte cantonale pourrait faire perdre leur éligibilité à la fraction bourg centre de cette dotation.
Je salue vos efforts de pédagogie. Il n'en reste pas moins que nous allons « acheter un lapin dans un sac », pour reprendre l'expression de Jean Arthuis. Notre seule certitude, ce sont les résultats de l'étude Klopfer qui estime que 10 à 15 % des communes et des départements seront dans une situation très difficile. Les collectivités les plus fragiles sont celles de plus de 10 000 habitants ainsi que les départements. L'épargne brute y tourne autour de 7 à 8 %, alors qu'elle atteint 24 % dans les communes plus petites. Dans un scénario au fil de l'eau où l'on augmente les dépenses alors que les recettes stagnent ou diminuent, la situation ne peut que s'aggraver, portant à 30 % la part des communes en difficulté, en 2018.
La baisse des dotations est une catastrophe absolue. Deux tiers des collectivités en difficulté seront touchées, à commencer par les plus fragiles. Le Sénat pourrait limiter les dégâts, en ralentissant le rythme de certains mécanismes de péréquation. L'article 58 expose clairement les moyens mis en oeuvre pour réformer la dotation forfaitaire des communes. Personne ne peut prévoir les effets d'une telle réforme sur les collectivités. Comment voter dans ces conditions ? En faisant progresser la dotation de solidarité urbaine (DSU), la DSR et le FPIC, nous pourrions limiter les dégâts. Pour le reste, nous courons à la catastrophe. Même si nous limitons la baisse des investissements à 30 %, cela ne suffira pas à sortir de l'ornière les collectivités locales en difficulté. Nous devons nous attendre à une flambée des impôts locaux, accompagnée d'un effet récessif. Les investissements vont chuter et le secteur des bâtiments et travaux publics (BTP) trinquera. Les bras m'en tombent.
Nous manquons cruellement d'une vision globale de la situation. L'on adresse un message inquiétant aux collectivités locales les plus fragiles. Avec une baisse de la péréquation, verticale et horizontale, et une diminution des dotations, les écarts de richesses - qui sont déjà de 1 à 3 000 dans le bloc communal - ne pourront que s'aggraver. C'est la double peine pour les collectivités les plus fragiles. L'augmentation de la DSR et de la DSU atténuait légèrement la baisse des dotations.
Dans une période de restriction, on ne peut pas s'en remettre à la solidarité des autres collectivités, sans s'imposer à soi-même un effort fiscal. Certaines collectivités ont encore des marges d'action. Exploitons-les, avant de solliciter les voisins. L'écrêtement global de la dotation forfaitaire est la conséquence mécanique d'une baisse de plus en plus forte de la DGF que le complément de garantie et les différentes compensations ne suffisent plus à maintenir à l'équilibre. Les collectivités pourraient participer activement au redressement du pays, si on maintient leurs capacités d'investissement. La création d'une dotation spécifique pour l'investissement est une bonne mesure, mais son financement pris sur les FDPTP reste discutable. Plutôt que de supprimer ce dispositif, il faudrait créer un fonds sans dépenses supplémentaires, en calculant la baisse de rentrées fiscales provoquée par la diminution des dotations. Moins d'investissement, c'est moins de création de richesses dans les territoires. Affecter directement cette perte de recettes à un fond d'investissement contribuerait à relancer l'économie de notre pays.
Les rapporteurs ont eu beau essayer de l'adoucir, la facture reste lourde, trop lourde. Les mesures prévues ne suffiront pas à redresser la situation. Une réduction des dotations de l'État de 3,7 milliards d'euros aura des conséquences sur le fonctionnement des collectivités territoriales, à la fois sur les services à la population et l'activité économique. Par voie de conséquence, la collectivité nationale sera également touchée, avec une diminution des recettes de l'impôt sur cette activité économique et de l'impôt sur le revenu. Vous l'avez dit, nous manquons cruellement d'une étude d'impact pour pouvoir analyser sereinement la situation. Je suis en désaccord complet avec l'exigence de réduction des dotations des collectivités. Les propositions de l'Assemblée nationale sur la péréquation aggraveront la situation des collectivités les plus fragiles. Tant que la péréquation ne sera pas alimentée par une recette au niveau national, leur situation ne pourra que se dégrader.
Je remercie les rapporteurs d'avoir essayé de « refroidir la machine » et d'avoir ainsi calmé l'emballement de la machine, en reformatant le dispositif de péréquation. Une pause était indispensable afin d'y voir plus clair sur les conséquences de ce mécanisme et sur la manière dont il doit être mis en oeuvre. La péréquation ne peut continuer à ignorer la réalité des charges qui pèsent sur les collectivités. Bientôt, elles n'auront plus les moyens de financer les travaux de sécurité - contre les risques d'avalanche ou d'inondation - ni de payer ce que l'État exige pour les plans de protection contre les risques technologiques. Les mécanismes de péréquation s'additionnent les uns aux autres. Dans les départements, les prélèvements sur recettes au titre des droits de mutation à titre onéreux intègrent de la péréquation ; idem pour les réfactions en matière de DGF. Face à cette péréquation en plein et en creux, les charges ne sont pas prises en compte, hormis par le truchement du revenu moyen par habitant. Or, il faut regarder les charges réelles.
Vous avez fait preuve de beaucoup de pédagogie sur un sujet complexe. Il n'a pas été simple pour le Gouvernement d'élaborer la maquette de 2015, avec cette baisse de moyens. La globalisation de la dotation forfaitaire préserve les collectivités. Sans elle, beaucoup auraient une DGF négative. En 2015, l'ouverture du chantier de la réforme de la DGF apportera plus de transparence et d'efficacité. Certes, il faut limiter les dégâts. Pour moi, les dégâts, ce sont les inégalités considérables qui séparent les collectivités depuis des années, quant aux ressources dont elles disposent. En période de pénurie budgétaire, ces inégalités sont encore plus douloureuses. En préservant la montée en puissance des dispositifs de péréquation, dont certains ont récemment été mis en place par votre majorité, on compense ces inégalités. C'est pourquoi, je suis favorable aux mesures prises par le Gouvernement pour augmenter le rythme de la péréquation verticale, et maintenir celui de la péréquation horizontale.
Hier, j'étais à Chartres, avec Charles Guéné, pour recevoir nos collègues de la commission des lois et le président du Sénat, à l'occasion de la première réunion du « Sénat hors les murs ». Michel Klopfer était présent, ainsi que le directeur général des collectivités locales, qui n'a pas été rassurant. Serge Morvan a évoqué des marges de manoeuvre et de desserrement possibles, autrement dit des impôts nouveaux, citant l'exemple des droits de mutation à titre onéreux qui pourraient être augmentés dans les départements. La prudence s'impose sur tous ces mécanismes. Le FPIC, qui est un dispositif relativement récent a été mis en place dans un contexte différent de celui d'aujourd'hui. Les montants en jeu ne sont pas les mêmes - 3,67 milliards d'euros, aujourd'hui, cela incite à la prudence. Faute de simulation, le FPIC a des effets pervers. La prudence nous incite à ralentir son rythme de progression.
Le rapport Klopfer insiste sur la brutalité du choc que vont subir les collectivités locales avec le prélèvement - Philippe Dallier l'a rappelé. Elles vont être touchées dans leur fonctionnement, comme le disait Marie-France Beaufils. Nous devrons jouer sur la fiscalité directe, autrement dit sur une incitation fiscale plutôt qu'une réduction des dépenses. Les mécanismes sont complexes, mais nous anticipons leur impact. C'est pour cela que nous avons ralenti le rythme de la péréquation, sans tout à fait la bloquer. Le rapport étudie également l'évolution de certaines communes sous l'impact de la transformation de la DGF.
Il était naturel de rappeler le contexte général, car plusieurs de nos amendements découlent de ce qui a été décidé la semaine dernière, notamment sur la péréquation. Le soutien à l'investissement local est une bonne idée, mais la suppression des FDPTP crée des problèmes a posteriori...
Les riches ont été protégés. On prend aux pauvres pour donner aux autres.
Monsieur Bouvard, la péréquation n'ignore pas les charges réelles des collectivités. Les indices synthétiques censés représenter ces charges doivent être évalués. Enfin, monsieur Marc, la diminution générale du rythme de la péréquation n'a pas été une décision facile à prendre.
Certains souhaitaient bloquer le dispositif, d'autres lui laisser libre cours. La péréquation passe parfois pour une double peine. Or, l'effort au redressement de l'État n'a pas le même poids selon que les collectivités sont riches ou en difficulté. Les associations d'élus ont vu dans la péréquation un moyen de rétablir l'équité entre les territoires. Nous avons tenté de trouver une position équilibrée, en attendant la réforme de la DGF.
Le prélèvement est péréqué, tout au moins, la baisse de la DGF des départements.
Le groupe que je représente n'est pas hostile au principe d'une participation des collectivités territoriales au redressement de l'État. Néanmoins, leur effort doit s'étaler sur quatre ans. Tel est le sens de l'amendement que je déposerai. Mon groupe souhaite également la création d'un fonds d'investissement, mais le mode de financement tel qu'il a été prévu ne nous satisfait pas. Nos propositions sur l'investissement et la baisse de dotations ne rejoignent pas celles du rapporteur général. Par conséquent, je ne m'associe pas aux amendements de Charles Guéné, qui découlent des positions prises par la commission sur la première partie du projet de loi de finances.
Toutes les organisations que nous avons rencontrées ensemble souhaitent que la péréquation continue, mais pas forcément au même rythme. Les collectivités de taille moyenne risquent d'être touchées. C'est pourquoi, nous ferons une proposition commune sur l'effort fiscal, dont il faut évaluer l'impact avant de continuer à l'augmenter - de 0,5 il est passé à 0,75, puis à 0,8, à 0,9, et peut-être bientôt à 1. Une étude sur les ressources non fiscales des collectivités reste nécessaire - production d'énergie, utilisation du numérique ou de la 3D par les communes et les EPCI.
Tout ce qui concerne l'eau et les déchets ménagers devra être revu, dans le cadre d'une réflexion visant à adapter le principe d'unité et d'universalité des budgets communaux. Les temps ont changé : que considère-t-on désormais comme une activité industrielle et commerciale ? Des réseaux de production d'énergie se substitueront au grand système centralisé actuel où EDF produit, RTE transporte et ERDF distribue.
L'amendement n° 1 revient sur la baisse d'1 million d'euros des crédits des travaux divers d'intérêt local (TDIL) relevant de l'action « Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales » du programme 122.
Contre cette diminution qui s'ajouterait à celle, déjà considérable, des concours financiers de l'État, cet amendement revient au montant des crédits prévu dans la version initiale du projet de loi de finances.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ainsi modifiés.
Article 58
L'amendement n° 2 tire les conséquences de l'amendement adopté par la commission des finances à l'article 9 du présent projet de loi de finances, qui porte la baisse des dotations de 3 670 millions d'euros à 2 468 millions d'euros environ, afin de tenir compte des dépenses contraintes imposées par l'État aux collectivités.
Il est cohérent avec le choix que nous avons fait la semaine dernière de compenser les charges imposées par l'État et évaluées par la commission consultative d'évaluation des normes.
L'amendement n° 2 est adopté.
L'amendement n° 3 maintient pour 2015 le rythme de progression de la péréquation verticale de 2014.
Je m'oppose à cet amendement pour les raisons que j'ai expliquées.
L'amendement n° 3 est adopté.
L'amendement n° 4 tire les conséquences de la suppression de l'article 9 ter : il n'est plus nécessaire de prévoir un relèvement du plafond d'évolution annuelle des enveloppes départementales de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).
L'amendement n° 4 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 58 ainsi modifié.
Articles additionnels après l'article 58
L'amendement n° 5 préserve l'éligibilité des communes qui en bénéficient actuellement à la DSR « bourg centre ».
L'amendement n° 5 est adopté.
L'amendement n° 6 limite la progression du FPIC en 2015 à 105 millions d'euros au lieu de 210 millions d'euros.
L'amendement n° 6 est adopté.
Article 58 bis
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 58 bis sans modification.
Article 58 ter
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 58 ter sans modification.
Article 58 quater
Comme le disait Jean Germain, l'amendement n° 7 est essentiel : il maintient à 0,9 le seuil d'effort fiscal rendant éligible au FPIC, afin que le nombre de ses bénéficiaires ne soit pas excessivement réduit. L'effort fiscal - critère exclusif - repose en outre sur des valeurs locatives dont l'estimation est totalement obsolète.
Si j'approuve cet amendement pour 2015, je voudrais que nous disposions de l'évaluation de son impact avant de nous prononcer sur le projet de loi de finances pour 2016.
L'amendement n° 7 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 58 quater ainsi modifié.
Article 58 quinquies
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 58 quinquies sans modification.
Article 58 sexies
Afin que l'instruction soit conduite à charge et à décharge, l'amendement n° 8 précise que le rapport sur le FPIC demandé par l'Assemblée nationale étudie l'efficacité du fonds et la soutenabilité des prélèvements, combinées à la baisse des dotations, ainsi que la cohérence des dispositifs de péréquation qui concernent le bloc communal.
Je suis favorable au principe de l'amendement ; mais la remise du rapport, fixée au 1er octobre 2015, ne sera-t-elle pas trop tardive pour que nous l'utilisions lors de l'étude de la loi de finances pour 2016 ?
Cette date a été demandée par la ministre ; nous pourrions peut-être la remplacer par le 1er septembre.
Cela nous donnerait un peu plus de temps pour assimiler le rapport et en tirer les conclusions.
L'amendement n° 8 rectifié est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 58 sexies ainsi modifié.
Article 59
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 59 sans modification.
Article 59 bis
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 59 bis sans modification.
Article 59 ter
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 59 ter sans modification.
Article 59 quater
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 59 quater sans modification.
Article 59 quinquies
L'amendement n° 9 supprime cet article qui prévoit une nouvelle dérogation aux conditions de création d'une communauté d'agglomération en introduisant la notion obscure d'« entité urbaine continue ».
L'amendement n° 9 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits du compte de concours financier « Avances aux collectivités territoriales ».
La réunion est levée à 18 h 46.