La réunion est ouverte à 11 h 35.
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat s'est réunie à l'Assemblée nationale le 10 février 2016.
Elle a procédé à la désignation de son bureau, qui a été ainsi constitué :
Frédérique Massat, députée, présidente ;
Jean-Claude Lenoir, sénateur, vice-président.
La commission a également désigné :
Marie-Hélène Fabre, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale ;
Michel Houel, sénateur, rapporteur pour le Sénat.
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.
Lors de ses travaux, le Sénat a entendu apporter au texte adopté par l'Assemblée nationale certaines inflexions concernant les chambres de commerce et d'industrie (CCI). Ces inflexions concernent l'organisation territoriale du réseau des CCI et la prise en compte des territoires ruraux trop souvent laissés sur le bord de la route. Il est indispensable de prévoir les conditions d'un maillage territorial effectif de l'ensemble du territoire national afin de préserver l'appui de proximité aux entreprises. Cela est d'autant plus nécessaire que la donne a complètement changé depuis l'examen de la loi du 6 août 2015 dite « loi Macron » : les nouvelles grandes régions ont été instituées et les populations se sont exprimées dans un certain nombre de territoires. En conséquence, le Sénat a prévu la présence, dans chaque département, d'une structure du réseau consulaire : une chambre territoriale ou, à défaut, une délégation de la chambre régionale lorsqu'il n'existe aucune structure de niveau infrarégional. Par ailleurs, le Sénat a apporté deux précisions : d'une part, il a souhaité lever toute incertitude sur l'impossibilité de remettre en cause, contre leur gré, le statut des chambres territoriales de la Seine-et-Marne et de l'Essonne et, d'autre part, il a entendu ne conférer un caractère juridiquement opposable qu'aux schémas directeurs adoptés après l'entrée en vigueur de la présente loi. Enfin, le Sénat a voulu que la péréquation financière entre les chambres prenne en considération, véritablement, la situation souvent difficile des chambres situées en zones hyper-rurales.
À l'heure où nous sommes appelés à nous concerter pour parvenir à un texte commun, je souhaite indiquer que le Sénat n'a pas entendu remettre en cause le coeur du projet de loi, qui est de rationaliser les réseaux consulaires pour leur donner davantage d'efficacité dans l'accompagnement économique. Néanmoins, il importe que cette rationalisation préserve l'action au plus près du terrain. Le département reste une circonscription territoriale pertinente pour la structuration du réseau : l'affirmer, ce n'est pas remettre en cause l'objectif de rationalisation ; c'est au contraire en garantir la pleine effectivité. C'est, j'en suis persuadé, un objectif sur lequel nous pouvons nous retrouver.
Nous sommes dans le cadre d'une urgence. Si notre commission mixte paritaire (CMP) échoue aujourd'hui, les élections consulaires, prévues à la fin de l'année, ne pourront pas avoir lieu. Nous vous faisons deux propositions afin d'arriver à un compromis. Nous vous proposons tout d'abord de supprimer les alinéas 6 à 8 de l'article 1er tel qu'adopté par le Sénat. En effet, la notion de délégation d'une chambre de commerce et d'industrie de région n'est, pour l'heure, pas définie par la loi. De plus, ces dispositions remettraient en cause les réorganisations déjà mises en place dans les territoires et seraient sources de contentieux. Par ailleurs, nous vous proposons une nouvelle écriture de l'alinéa 12 de ce même article 1er afin de prévoir que les schémas directeurs régionaux définissent le nombre et la circonscription des chambres en tenant compte du « maintien des services de proximité d'appui aux entreprises dans les départements et les bassins économiques ». Nous vous proposons enfin d'aménager le dispositif du fonds de péréquation en portant à 25 % minimum, au lieu de 50 %, la part des fonds affectés aux CCI des départements ruraux, tout en élargissant l'utilisation de cette enveloppe aux CCI des départements et régions d'outre-mer.
Nous devons aujourd'hui avoir une approche économique et non politique. Je souhaite de tout coeur que cette CMP réussisse.
Ce texte est très attendu par les CCI des territoires urbains comme ruraux et il est donc très important que nous aboutissions à un accord. 76 % des CCI se sont exprimées, à l'occasion d'une assemblée générale, en faveur du projet de loi du Gouvernement. Cela étant, il est utile d'écouter les échanges qui ont eu lieu au Sénat pour améliorer la prise en compte des territoires ruraux. Les propositions de la rapporteure de l'Assemblée nationale vont dans le bon sens. Il convient de faire confiance au monde économique, tout en prenant en compte la spécificité des territoires ruraux. S'agissant des départements de la Seine-et-Marne et de l'Essonne, le statut de leurs CCI figure déjà dans le code de commerce mais nous pouvons y ajouter des précisions pour qu'il n'y ait plus d'inquiétude. Il faut aboutir à des résultats sur les cinq ou six départements où des difficultés peuvent demeurer sans obérer les résultats positifs existants, qui seraient remis en cause si nous n'arrivions pas à un accord.
Le monde économique attend de nous de la responsabilité. Un consensus est apparu au sein de celui-ci pour que ce texte soit voté aujourd'hui. Les quelques différends qui sont apparus ont été abordés avec beaucoup d'ouverture. Je voudrais rendre hommage à M. Alain Bertrand, qui a soutenu la ruralité et l'extrême ruralité. Une réponse lui a été faite grâce au fonds de péréquation et cette réponse peut convenir pour les CCI en grande difficulté.
Il est nécessaire que les élus donnent leur point de vue. Les occasions sont rares de donner des signes positifs en direction des territoires en difficulté. L'architecture des CCI et leur présence dans les départements est quelque chose d'extrêmement souhaitable dont on aurait tort de se passer.
Le Sénat considère que la présence des CCI est extrêmement importante dans l'aménagement du territoire et le développement économique. Je relève dans les discours de ce matin une contradiction s'agissant de la confiance qu'on accorde au monde économique : d'un côté, il faudrait faire confiance aux CCI pour s'organiser, mais de l'autre, on dit qu'elles s'organiseraient mal, ce qui justifierait d'instaurer un fléchage de leur fonds de péréquation vers les CCI les plus en difficulté. S'agissant du maillage territorial, je pense que le Sénat souhaiterait que la position de principe soit une CCI par département, avec des dérogations possibles.
J'avais obtenu en 2010 que les CCI de l'Essonne et de la Seine-et-Marne restent indépendantes. Elles font un remarquable travail sur le terrain. L'amendement adopté par le Sénat consiste à demander que ces chambres restent indépendantes et continuent à travailler comme elles le font depuis 2010 à la satisfaction des industriels des deux départements.
En tant que sénateur écologiste, je partage le souhait fort d'arriver à un accord sur un texte. J'ai apprécié l'ouverture vers les territoires ruraux. Concernant le fléchage du fonds de péréquation, nous ne prenons pas la place du monde économique mais nous jouons notre rôle politique.
Nous recherchons tous un accord. J'entends vos propositions, Madame la rapporteure, comme une volonté de faire confiance aux acteurs économiques tout en assumant la responsabilité qui est la nôtre de ne pas ignorer les craintes de certains territoires ruraux et de les rassurer, notamment à travers ce fonds de péréquation. Les acteurs économiques sont légitimes pour porter une organisation économique du territoire, tout comme nous le sommes pour prévoir un traitement spécifique pour certains territoires. Il faut qu'ensemble, élus et acteurs économiques, nous trouvions le bon équilibre.
C'est par les territoires que nous pourrons sortir des difficultés économiques. Les CCI ne doivent donc pas oublier certains territoires, au risque de voir certaines collectivités devoir se substituer à elles. Le nécessaire équilibre des territoires doit donc venir d'une péréquation efficace : je rejoins à ce titre les propositions du Sénat.
L'esprit de ce mécanisme de péréquation n'est-il pas contraire à la loi de finances pour 2016 ?
Le compromis de Mme la rapporteure vise à prévoir un fléchage : la responsabilité de la péréquation reste du ressort de CCI France.
Ce fléchage est cependant contraignant.
La réalité des territoires suppose de ne pas laisser les CCI s'organiser toutes seules. Voici ma proposition : si localement un accord peut être trouvé, et si les conseils départementaux expriment leur accord, alors une fusion des structures peut être envisagée.
Cette proposition comporte un risque juridique non négligeable en vue des élections consulaires à venir. Il faut prévoir un dispositif sécurisé pour une application rapide de ce texte.
L'incertitude nouvelle de la déclinaison des compétences économiques dans les collectivités territoriales est une difficulté. En matière de réseaux consulaires, il faut éviter de perdre en efficacité et en juste maillage des territoires. L'implantation départementale du réseau des CCI est essentielle. S'agissant du fonds de péréquation, je suis d'avis d'envoyer un message positif aux territoires ruraux en leur affectant 50 % de son montant. Je soutiens donc les propositions du Sénat.
La péréquation à elle seule n'est pas une garantie d'efficacité, car nous ne sommes pas dans un monde parfait où ceux qui ont les besoins les plus importants sont aussi ceux qui reçoivent le plus de soutien. Les petites CCI territoriales sont particulièrement à risque, et appellent notre vigilance. Il n'y a pas d'obstacle majeur à fixer le fléchage du fonds vers les zones rurales à 50 % car les sommes qui ne seraient pas consommées retourneraient au « pot commun » de 18 millions d'euros. De plus, le chiffre de 50 % permet d'envoyer un message clair, fort et symbolique. Il importe que l'hyper-ruralité soit intégrée à l'avenir de la République. Ne pas aider les « petits », en matière de développement économique, serait commettre une erreur. En outre, une absence de CCI dans un département devrait résulter d'un accord entre les CCI de deux départements ayant voulu fusionner. A minima, une délégation territoriale devrait être présente dans ce département.
Sur la question de la péréquation, il n'y a pas de problème majeur. Sur la question de l'Essonne et de la Seine-et-Marne, il n'y a pas davantage de difficultés : la lecture faite est la même, même si le Sénat s'est attaché à être plus précis.
Reste la question de l'organisation des compétences économiques sur notre territoire. En 2010, les CCI se sont réorganisées sans connaître la future organisation du territoire, ni le rôle dévolu aux régions, décidés par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) du 7 août 2015. Mais il est aujourd'hui de notre devoir de remettre l'ensemble des organisations en cohérence. C'est pourquoi le Sénat est attaché à la disposition adoptée à l'article 1er, qui remet le département au centre de l'exercice de cette compétence économique. Décaler le calendrier des élections ne me paraît pas si important : nous avons déjà surmonté ce type de difficultés auparavant, et la date du 31 mars, fixée par décret, peut sans difficulté être repoussée. C'est la raison pour laquelle nous tenons beaucoup à la formulation faite par le Sénat. Une ouverture est faite par M. Éric Straumann, qui serait la seule alternative possible au texte que nous avons voté. Si vous n'êtes pas d'accord pour nous suivre, je vous invite, Mme la présidente, à constater que la CMP a échoué.
Concernant les problématiques de redécoupage du territoire, la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron », du 6 août 2015, a été votée alors que chacun avait déjà les nouvelles données territoriales en tête. En ce qui concerne les élections, celles-ci ont déjà été reportées et un nouveau report serait inopportun.
Par ailleurs, en cas d'échec de la CMP, il n'est pas garanti que l'Assemblée nationale soit en mesure de porter à nouveau les propositions faites aujourd'hui, notamment celle d'un fonds de péréquation fléché à 25 % vers les territoires ruraux. Au contraire, ces dispositions seraient votées par l'Assemblée si elles étaient actées par la CMP. Un échec renverrait le texte en nouvelle lecture et probablement en lecture définitive à l'Assemblée nationale, ce qui décalerait d'autant plus les agendas. Nous avons exprimé ce qui était bloquant pour nous, et la nouvelle formulation que nous proposons, qui maintient la proximité des services dans les territoires. À partir de là, chacun prendra ses responsabilités.
Il est essentiel de trouver un accord, au vu des conséquences qu'un échec emporterait en matière de renvoi en nouvelle lecture aux assemblées et de report des élections. Certes, un fonds de péréquation à 25 % n'est peut-être pas suffisant, mais c'est peut-être davantage que ce à quoi l'on aboutirait après une nouvelle lecture.
Il est important que s'instaure une relation de confiance entre les réseaux consulaires et les parlementaires, même si cette confiance doit être empreinte de vigilance. Or tout retard pris dans l'adoption de cette loi entamerait la confiance : il est donc nécessaire que cette CMP aboutisse. Chacun doit faire des compromis.
Concernant l'inquiétude exprimée par certains de nos collègues sénateurs, je voudrais rappeler que ma proposition de rédaction à l'article 1er prévoit explicitement que des services consulaires de proximité seront maintenus dans les départements et les bassins d'emploi. Par ailleurs, revenir à une départementalisation du réseau risquerait de créer de lourds conflits dans certains territoires qui se sont déjà engagés dans des opérations de fusion.
La situation économique est aujourd'hui particulièrement compliquée : il est donc essentiel de sécuriser les réseaux des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat en adoptant ce texte le plus rapidement possible. Un échec de la CMP conduirait à un nouveau report très dommageable.
Cette réforme est attendue dans nos territoires. Il faut donc que la CMP aboutisse pour que cette loi soit promulguée le plus rapidement possible.
Je partage l'objectif de faire aboutir cette CMP. Je propose donc que l'on retienne le taux de 25 % pour le fonds de péréquation, en le considérant comme la première étape d'une démarche devant être poursuivie.
Je regrette que l'on renonce au taux de 50 % qui eût été un signal fort adressé à nos territoires.
Nous sommes très proches d'un accord. À mon sens, le risque juridique de la proposition que j'ai formulée est minime.
Pour le fonds de péréquation, nous avions envisagé que les 25 % soient une limite. Cela pourrait être moins, et dans ce cas les montants non utilisés seraient reversés au pot commun.
Ma proposition de rédaction n° 1 supprime les alinéas 6 à 8 de l'article 1er. Elle permet de ne pas remettre en cause les projets de fusion de CCI territoriales qui sont souhaités par les établissements départementaux. Une puissante dynamique de réorganisation des réseaux a été lancée à l'initiative des réseaux eux-mêmes. Il convient de ne pas la freiner.
La proposition de rédaction n° 2 modifie l'alinéa 12 de l'article 1er tel qu'adopté par le Sénat, afin de prévoir que les schémas directeurs régionaux définissent le nombre et la circonscription des chambres en tenant compte du maintien des services de proximité d'appui aux entreprises dans les départements et les bassins économiques.
Je suis sceptique quant à votre proposition de rédaction n° 2. Pour moi, le « bassin économique » n'est pas une entité reconnue.
La notion de « bassin économique » est à l'heure actuelle un critère utilisé pour opérer des fusions de chambres, notamment en Normandie ou dans la métropole de Lyon.
Ma proposition de rédaction n° 3 vise à porter de la moitié à un quart la part du fonds de modernisation et de solidarité du réseau des CCI destinée à être allouée aux CCI territoriales situées en zones hyper-rurales.
La proposition de rédaction n° 4 élargit l'affectation de la part de ce fonds consacrée aux CCI en difficultés financières aux régions et départements d'outre-mer, afin d'assurer une égalité de traitement entre toutes les CCI. Je propose également d'ajouter, pour faire suite aux remarques de M. Yannick Vaugrenard, la phrase : « Si le montant mentionné à la deuxième phrase du présent b n'est pas utilisé dans sa totalité par les chambres de commerce et d'industrie qui en sont destinataires, le reliquat est reversé au fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région et de CCI France. ». Pour rassurer M. Serge Dassault, je tiens à confirmer que nous proposons le maintien du statut des chambres territoriales de Seine-et-Marne et de l'Essonne.
Enfin, la proposition de rédaction n° 5 supprime la non-opposabilité des schémas directeurs adoptés avant la promulgation de la loi car nous risquons de créer des contentieux pour les CCI qui ont déjà enclenché des fusions.
Nous faisons une exception pour la Seine-et-Marne et l'Essonne. Pouvons-nous faire de même pour le Haut-Rhin et le Bas-Rhin ?
Nous cherchons avant tout à aboutir, de manière constructive, à un accord à partir des modifications adoptées par le Sénat. Nous faisons des concessions les uns et les autres pour essayer d'avancer.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er bis Affectation obligatoire d'une partie du fonds de financement des CCI de région et de CCI France
La proposition de rédaction n° 3 et la proposition de rédaction n° 4, modifiée dans le sens indiqué par la rapporteure pour l'Assemblée nationale, sont successivement adoptées.
L'article 1er bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la CMP.
Article 1er ter Non-opposabilité des schémas directeurs régionaux adoptés avant l'entrée en vigueur de la loi
La proposition de rédaction n° 5 est adoptée.
En conséquence, l'article 1er ter est supprimé.
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux réseaux des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat.