Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation

Réunion du 16 février 2022 à 16h40

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Bonjour à tous. Ce rapport, porté par Agnès Canayer et Eric Kerrouche, traite un sujet qui est au coeur de nos préoccupations et de l'efficacité de l'action publique : les services déconcentrés et préfectoraux du point de vue des collectivités territoriales. C'est une préoccupation constante de la délégation qui, en 2016, s'était déjà arrêtée sur cet enjeu ayant fait l'objet d'un rapport très précis de nos deux collègues, Eric Doligé et Marie-Françoise Pérol-Dumont. Si ce thème est revenu abondamment dans le cadre de la loi 3DS, notre assemblée n'a cessé de regretter, pendant les débats sur les précédentes lois territoriales qui se bornaient à répartir les charges entre les collectivités, que ne soit pas posée la question de la fonction de l'État et des services que celui-ci est supposé rendre.

L'État ne cesse d'être réformé, sans étude d'impact préalable ni évaluation, d'où l'intérêt de ce rapport qui intervient après la RGPP, la RéATE, la modernisation de l'action publique (2012-2017) et la transformation de l'action publique en 2022. Le rapport précédemment évoqué s'intitulait « Où va l'État territorial ? ». Il posait ainsi la question de savoir s'il existait un cadre pour l'action de l'État. Les réformes ont souvent été conduites pour satisfaire des objectifs de modération budgétaire. Elles ont souvent été verticales et peu concertées. Nous assistons ainsi dans nos territoires à une certaine fragilisation des services de l'État. Se pose la question du rôle du préfet et de l'atomisation de l'action de l'État sous l'effet de la création d'agences. Indépendamment du contexte présidentiel, bien qu'il s'agisse de bonnes questions à adresser aux candidats, nous devons nous interroger sur l'État que nous voulons. Agnès Canayer et Eric Kerrouche se sont penchés sur ces questions d'une façon que je sais approfondie et sérieuse. Je les remercie d'avance pour leur rapport d'étape.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Merci, Madame la Présidente, chers collègues. La délégation aux collectivités territoriales nous a en effet confié la mission d'une réflexion sur les services préfectoraux et déconcentrés, dans la continuité des travaux antérieurement menés sous l'égide de nos collègues Doligé et Pérol-Dumont. Nous avons mené, depuis le mois de novembre, un certain nombre d'auditions et avons abouti à un rapport d'étape qui vous présentera les constats qui ont été dressés à la fois par les élus et les services déconcentrés. Nous avons intitulé notre travail « A la recherche de la place de l'État dans les territoires », dans la continuité des travaux menés sur la réorganisation perpétuelle des services déconcentrés, qui rend difficilement assimilable l'ensemble des réformes menées depuis 2007.

Quatre auditions se sont déroulées en séance plénière. Nous avons entendu les préfets Bernadette Malgorn et Christophe Mirmand, ainsi que Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique, et enfin la 4ème chambre de la Cour des comptes, qui a mené une enquête sur cette question centrale, qui fait encore l'objet de vifs débats, dans nos discussions législatives ou au sein de nos territoires respectifs. Nous avons mené douze auditions complémentaires et réalisé une enquête, sous la forme d'un questionnaire, auprès des élus locaux et une autre auprès des préfets et sous-préfets.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

En termes quantitatifs, 1 400 élus environ nous ont répondu, dont seuls les élus communaux ont été retenus, pour des raisons de représentativité : 60 % de maires, 18 % d'adjoints et environ 20 % de conseillers.

Nous sommes également parvenus à diffuser un questionnaire auprès des préfets et sous-préfets. Il apparaissait initialement difficile d'avoir accès directement à la population du corps préfectoral, mais une intervention active de la Présidente de la délégation auprès du Ministre de l'Intérieur a permis de lever ces difficultés. Sur une plateforme de consultation, les préfets ont ainsi pu répondre à un questionnaire qui était en partie le miroir de celui des élus. Nous pouvons nous satisfaire du taux de réponse : sur les 375 noms de préfets et sous-préfets qui nous ont été communiqués par la direction de la modernisation de l'action territoriale (DMAT), 108 personnes ont répondu, 26 % de préfets et 71 % de sous-préfets, soit la répartition au sein du corps préfectoral.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Les premières conclusions que nous pouvons tirer de ce diagnostic peuvent utilement être mises en miroir afin de constater, sur un certain nombre de sujets, une convergence entre les réponses des élus locaux et celles des représentants de l'État.

Sur la question de la nécessité de réformer, d'abord, il faut rappeler que l'État territorial a subi plusieurs réformes successives (RGPP, RéATE, Modernisation de l'action publique à partir de 2012, Action publique2022) qui ont nettement participé à complexifier le schéma d'organisation de l'État déconcentré, d'où cette interrogation initiale sur la nécessité d'une réforme de l'organisation territoriale. Celle-ci a donné lieu à une réponse positive, à hauteur de 60 % environ, de la part des préfets comme des élus locaux. 41 % des élus locaux pensent qu'il est nécessaire et pertinent de réintroduire des réformes, et 50 % des préfets.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Pour autant, cette réforme ne se conduit pas dans de bonnes conditions. On regrette ainsi l'absence d'information et de concertation, tandis que se fait jour un désaccord sur les attentes. 82 % des élus ont considéré qu'ils n'avaient pas été associés aux réformes des services déconcentrés de l'État. 43 % des membres du corps préfectoral considèrent qu'il en va de même les concernant, ce qui paraît être un enseignement très important puisqu'ils sont supposés être en première ligne de cette transformation. Seuls 20 % des préfets et sous-préfets estiment y avoir été associés. 21 % répondent par ailleurs « cela dépend » et 16 % ne se prononcent pas.

Par ailleurs, la réforme de l'organisation territoriale de l'État ne correspond aux attentes ni des préfets, ni des élus. Plus de 30 % des élus font état d'une difficulté à se prononcer sur les attendus réels vis-à-vis de la réforme. Plus d'un tiers des préfets estiment que les transformations ne répondent pas à leurs attentes. La réforme s'opère donc, mais pas nécessairement en phase avec les attentes des acteurs, et surtout sans leur avis initial.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Les préfets et élus ont donc le sentiment de ne pas avoir été bien associés à cette réforme, mais ils ont surtout le sentiment de ne pas comprendre ni connaître les conséquences de ces réformes qui ont eu principalement pour objet de renforcer le rôle des préfets, notamment par de nouveaux outils de pilotage et une réorganisation des compétences. Plus de 60 % des élus ne connaissent pas réellement ces réformes et n'en ont pas perçu les effets. Toutefois, ils sentent qu'elles ont des conséquences sur les collectivités locales et qu'elles ont introduit un transfert de charges sur celles-ci. Près de 50 % des élus ressentent cette conséquence sur leurs compétences et le fonctionnement des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Sur un certain nombre des questions posées, le bilan est mitigé. Environ 60 % des répondants élus estiment que les moyens dont disposent les services déconcentrés de l'État pour répondre à leurs demandes sont insuffisants. 61 % estiment qu'à l'issue de l'ensemble des plans cités par Agnès Canayer, il est de plus en plus difficile de trouver le bon interlocuteur administratif. 70 % considèrent que la ou les personnes concernées ne restent pas suffisamment longtemps en poste pour être de bons interlocuteurs qui connaissent leur territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Ce bilan en demi-teinte se précise avec un regard encore plus critique des élus et représentants de l'État sur cette organisation, à commencer par le constat de la dégradation des services de l'État dans les territoires. Près de 75 % des élus considèrent que les services rendus par l'État territorial sont moins performants dorénavant, et qu'ils répondent moins bien aux attentes des élus locaux, notamment dans l'accompagnement des politiques publiques qu'ils portent. Or, nous savons qu'il n'y a pas de décentralisation effective sans une déconcentration à la hauteur. Les représentants de l'État, préfets et sous-préfets, considèrent eux-mêmes à hauteur de 44 % que le service qu'ils offrent est source d'insatisfaction.

Si cette organisation territoriale doit faire l'objet de réformes, les représentants de l'État considèrent à 85 % que l'organisation territoriale a été trop réformée et que cette succession de réformes a déstabilisé leur efficacité. Cet avis est corroboré par celui des élus locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Sur certains items, les avis des élus et des représentants de l'État convergent, notamment sur l'idée de doublons trop nombreux entre les services de l'État et ceux des collectivités locales. De même, le processus d'agencification de l'État, sur lequel nous sommes revenus de nombreuses fois à l'occasion des auditions, est dénoncé à la fois par les élus et les préfets, sans doute car les agences participent du démembrement des pouvoirs effectifs des représentants de l'État. Cette sectorisation de l'État par agence est donc contestée de l'extérieur comme de l'intérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Les élus et les représentants de l'État demandent une plus grande souplesse de l'organisation de l'État dans les territoires, à la fois par une clarification du rôle de chacun, qui doit concourir à l'abandon par l'État d'un certain nombre de compétences qu'il a décentralisées, pour lesquelles il intervient en doublon. Il s'agit d'une demande de plus de 50 % des élus locaux et de près de 50 % des préfets et sous-préfets. Il se fait ainsi jour la demande d'une répartition plus claire des compétences entre État déconcentré et État décentralisé, dans une complémentarité et non une concurrence. Cette demande de souplesse débouche en outre sur une demande d'adaptation des normes législatives et réglementaires aux spécificités des territoires. Les élus locaux sont en forte attente de cette différenciation, alors que les acteurs de l'État sont plus réticents et défendent une vision plus uniforme de l'organisation territoriale et de l'impact législatif et réglementaire. Ils expriment ainsi leur désaccord à 66 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Se pose ensuite la question de la proximité, que nous avons interrogée via la place du sous-préfet. En ce qui concerne les élus locaux, près des deux tiers considèrent que le sous-préfet est un interlocuteur privilégié. Le premier échelon de l'accessibilité locale est ainsi plébiscité. Sur la question de savoir si la fonction de sous-préfet est importante, les réponses « plus tout à fait nécessaire » et « encore nécessaire » des préfets obtiennent les mêmes proportions que pour les élus locaux. La notion de proximité de l'action locale est donc reconnue à l'intérieur comme à l'extérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

73,2 % des élus estiment que la dilution des compétences de l'État s'est faite au détriment des collectivités territoriales, qui l'ont compensée. Ils ont très largement considéré que ce phénomène induit systématiquement un report de charges sur les collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Il restait à savoir dans quels domaines l'État doit intervenir. Nous avons pour cela proposé une série de compétences aux élus locaux afin qu'ils les notent de 1 (non souhaitable) à 10 (très souhaitable). Comparativement au questionnaire diffusé en 2017, nous observons une évolution, car nous sommes dans un contexte particulier, aussi bien en matière d'urgence terroriste que sanitaire. Nous observons ainsi un plébiscite des jambes droite et gauche de l'État, à travers une volonté de mise en avant de la sécurité, de lutte contre l'immigration, mais aussi un rôle important reconnu pour l'emploi local en matière de santé, d'emploi, de travail, d'équilibre territorial, d'environnement et de cohésion sociale. Pour autant, certains secteurs n'apparaissent pas : la fonction publique territoriale, le logement, l'urbanisme, la commande publique et le sport. Ces domaines sont donc revendiqués comme une volonté d'action locale, l'État se concentrant sur son coeur régalien et l'équilibre local.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

En lien avec le projte de loi 3DS et le volet logement, nous voyons un souhait de territorialisation de la politique du logement, à une échelle qui est souvent celle de l'intercommunalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Nous nous sommes concentrés dans notre étude sur deux axes forts de l'action de l'État : l'ingénierie territoriale et le contrôle de légalité. Sur l'ingénierie territoriale, d'abord, les élus ne trouvent pas de réponse satisfaisante dans les services tels qu'ils sont aujourd'hui offerts. 34 % seulement sont satisfaits et davantage ont une réponse neutre ou ne se prononcent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Nous avons réalisé une comparaison entre le recours à l'ingénierie territoriale en 2017 et désormais. Nous constatons deux évolutions majeures. En matière d'ingénierie, la part du département a progressé entre 2017 et 2021, passant de 28 % à 33 %. La part des prestataires privés a diminué, celle de l'intercommunalité a crû (de 20 % à 25 %) et les autres structures (commune, région, structures parapubliques) ont régressé. L'évolution se fait donc au profit d'un duo : le département et l'intercommunalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Ceci démontre une dilution de la compétence d'ingénierie territoriale entre l'ensemble des acteurs publics, parapublics voire privés. Cette dilution n'est pas contrebalancée par la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui n'émerge pas dans les territoires. A peine un élu sur deux la connaît, et seuls 10 % font appel à ses services.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

S'agissant du contrôle de légalité, on constate une affirmation de la transmission dématérialisée des actes soumis au contrôle de légalité. Pour 76 % des élus, leur commune l'utilise. Celle-ci est considérée comme utile (90 %), rapide (90 %), au coût limité (14 %) et efficace (77 %). Ce fonctionnement dématérialisé est donc rentré dans la norme.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

S'agissant de l'appréciation du contrôle de légalité mis en oeuvre, les représentants de l'État considèrent que celui-ci est protecteur pour les collectivités territoriales à 93 %. Les élus se sentent à 70 % protégés par la mise en place de ce contrôle qui légitime les décisions qu'ils prennent. En revanche, les élus locaux pensent à 40 % que ce contrôle de légalité est contraignant et les représentants de l'État sont 53 % à le penser également. Cependant, 33 % des fonctionnaires ayant répondu ne sont pas d'accord sur le fait que le contrôle de légalité est un axe de contrainte : ils estiment qu'il est plutôt un axe de protection des élus locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Nous avons toutefois identifié quelques limites. D'abord, on constate un contraste dans l'appréciation de l'efficacité du contrôle de légalité. Celui-ci serait efficace pour 60 % des préfets et sous-préfets, mais seulement 40 % des élus. Parmi ces derniers, plus de 60 % ne connaissent pas la technique du rescrit et seulement 7 % l'ont utilisée. Enfin, bien que les préfets et sous-préfets reconnaissent l'intérêt du contrôle de légalité, 74 % disent n'avoir pas suffisamment de moyens pour contrôler les actes des collectivités. Cette proportion fait apparaître une véritable dichotomie entre la perception de l'utilité et l'absence de moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Nous observons, sur ce contrôle de légalité, de réelles différences d'appréciation entre les élus et les représentants de l'État. Nous leur avons posé la question de savoir s'il fallait réduire le nombre d'actes soumis au contrôle de légalité. Du côté de l'État, la réponse est claire : les représentants sont opposés à cette réduction et considèrent que le contrôle de légalité est nécessaire car il permet de garantir l'unité de l'État sur les territoires. Pour les élus locaux, en revanche, l'approche est plus partagée. Certains estiment qu'il est nécessaire de réduire ces contrôles de légalité, et d'autres, presque aussi nombreux, qu'ils doivent être maintenus tels quels. Nous avons également demandé si cette réduction pouvait être compensée par des démarches d'autocontrôle de la légalité des actes. Les réponses sont plus homogènes entre les élus et les représentants de l'État. Environ 40 % y sont favorables. Pour les représentants de l'État, la moitié est tout à fait d'accord et l'autre ne souhaite pas cette innovation.

À la lumière de ces différentes analyses, l'objectif est de construire un certain nombre de préconisations pour tenir compte de cette approche et formuler des propositions sur cette demande de simplification et d'un meilleur accompagnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Merci à tous deux pour ce travail d'une grande richesse, qui nous conforte dans les doutes que nous pouvions avoir sur un certain nombre de sujets. Ce regard croisé des élus et des préfets est très intéressant.

Je souhaiterais mentionner quelques points qui m'ont particulièrement frappée, notamment cette idée de doublons entre les services de l'État et les collectivités, ainsi que l'articulation entre une mission telle que la santé, répartie entre l'État au niveau régalien et les territoires. Vous avez en outre évoqué le démembrement des fonctions de l'État par le biais d'agences autonomes, ainsi que la difficulté pour un élu local de trouver le bon interlocuteur. Rémy Pointereau, dans son rapport sur la simplification en matière d'urbanisme, avait évoqué l'idée que, quand un dossier fait appel à plusieurs services de l'État, le préfet ou le sous-préfet puisse désigner un interlocuteur ayant pour fonction de coordonner et simplifier l'avis de l'État.

S'agissant du recours à la dématérialisation, il est frappant de constater que 24 % des collectivités n'y ont pas recours. Cela s'explique-t-il par des difficultés de connexion ou parce que certaines collectivités ont recours à un secrétaire de mairie ?

Sur le sujet de la richesse du sous-préfet, nous avons, dans mon département d'Ille-et-Vilaine, un préfet de département qui est également préfet de région, avec un secrétaire général de préfecture qui est également sous-préfet d'arrondissement. J'observe une claire différence entre les élus des arrondissements qui bénéficient d'un sous-préfet qui peut s'y consacrer et les autres, qui n'ont pas d'interlocuteur propre.

En ce qui concerne le pouvoir réglementaire, dont nous avons beaucoup parlé dans le cadre de 3DS, il se pose un sujet sur la souplesse en matière de pouvoir réglementaire local, avec les principes de précaution, de responsabilisation voire d'égalité.

Des collègues ont manifesté leur souhait de prendre la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Merci Madame la Présidente, et merci à nos rapporteurs pour leurs conclusions très intéressantes à deux niveaux : d'une part, la relative convergence entre l'État de proximité et les élus et, d'autre part, une modestie dont nous devons faire preuve à propos des effets des réformes que nous avons menées. De plus, contrairement à ce que beaucoup disent, il apparaît que d'autres réformes seraient nécessaires, à condition qu'elles soient bien menées.

Concernant le contrôle de légalité, le fait que les élus le trouvent contraignant n'est-il pas le résultat de l'application des textes et règlements ? Ce dispositif est très protecteur. Un certain nombre de nouveaux élus doivent trouver ce contrôle contraignant, souvent parce qu'ils ne connaissent pas les textes.

Sur l'ingénierie territoriale, je souhaiterais rappeler que l'ANCT est relativement jeune. Une proposition de loi de Philippe Bas vise à redonner plus de pouvoir aux collectivités via une nouvelle ANCT. Nous devons également nous interroger sur le fait que si l'ANCT vise à apporter de l'ingénierie, elle a aussi vocation à inciter les collectivités à appliquer les politiques d'Etat. Par ailleurs, l'ANCT ne coûte pas cher aux collectivités. En revanche, selon l'adage « qui commande paie », si nous changeons le mode de fonctionnement de cette agence, nous devrons apporter nous-mêmes des moyens. Il est en outre intéressant de constater qu'un mouvement se dessine d'une ingénierie passant aux mains des départements et des intercommunalités.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Merci à nos collègues pour ce travail très intéressant. J'aurai donc deux questions : d'une part, avez-vous pu identifier des écarts entre les réponses apportées par les élus des petites communes et ceux des plus grandes ? D'autre part, avez-vous trouvé des exemples concrets de compétences que l'État devrait abandonner ?

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Sur la question de la dématérialisation, soulevée par Madame la Présidente, beaucoup de collectivités locales qui n'y recourent pas car elles ne sont pas dotées du logiciel Acte, notamment les plus petites communes. Un enjeu important porte donc sur le financement de ces communes pour qu'elles puissent acquérir ce logiciel.

S'agissant du contrôle de légalité, les élus locaux le jugent trop contraignant parce qu'ils n'y trouvent pas ce qu'ils recherchent, à savoir l'accompagnement dans leurs projets. Nous l'avons largement entendu dans nos différentes auditions. Cet accompagnement intervient en effet a posteriori, lorsque les décisions sont prises, dans une vision contraignante. Les élus locaux sont en demande d'un accompagnement en anticipation sur les prises de décision. Ils n'ont effectivement pas connaissance de toutes les lois auxquelles ils pourraient recourir pour les aider à porter leurs projets.

Enfin, en ce qui concerne l'ingénierie territoriale, il ressort très clairement de l'étude une dilution et des doublons de compétences. Les réponses sont variables d'une taille de collectivité à l'autre, mais tout le monde fait de l'ingénierie territoriale. Ce phénomène pose une autre question : quel type d'ingénierie pour quel type de projet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Sur la question des données, réaliser un questionnaire suppose de gérer la frustration. Une question ouverte était posée en fin de questionnaire. Nous pourrons reprendre quelques verbatim, qui illustrent l'état d'esprit de certains élus locaux.

Les plus petites communes ont davantage répondu que les plus grandes. Nous ne nous inscrivons pas dans une logique d'échantillon représentatif, mais d'enquête. Pour répondre à votre question, les différences entre strates permettent d'établir trois catégories : moins de 1 000 habitants, 1 000 à 5 000 habitants et 5 000 habitants. Il s'agit cependant de la seule variable significative pour trier les réponses. Ainsi, l'âge, le sexe ou le rôle ne jouent que très peu. Nous devrons par la suite affiner l'analyse, car il est possible de mettre à jour de réelles différences d'appréciation et de besoin, qui permettront d'approfondir le rapport.

S'agissant du contrôle de légalité, je rechercherai une éventuelle variation en fonction de l'âge et de l'ancienneté dans le mandat.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Merci pour ce rapport très intéressant, qui s'inscrit dans la réalité du terrain. Les préfets ont également en charge la question du transfrontalier. Ils sont parfois donneurs d'ordre, comme nous l'avons vu ces trois dernières années. Les petites communes sont sous tension et reçoivent des messages très tardifs, quand les mairies sont fermées. Le surplus d'information est également néfaste. Concernant les logiciels, un maire m'a fait part du désarroi de sa secrétaire de mairie. Les charges ont considérablement augmenté ces trois dernières années, et l'intercommunalité n'est pas toujours une aide. Par ailleurs, le préfet pourrait se décharger d'une partie des informations à travers l'association des maires, ce qui ne se fait pas systématiquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Nous nous apercevons qu'au niveau de l'ANCT, les préfets n'ont pas fait leur travail. Ils sont en effet supposés étudier l'ingénierie sur leur territoire et s'organiser avec les élus. Dans mon département, nous avons considéré que l'ingénierie juridique et financière était assurée par l'association des maires de France (AMF). Nous sentons ici que l'ANCT ne remplit pas son rôle, ou que les préfets sont réticents pour en être les organisateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Sur la question de l'ANCT, nous voyons qu'il serait nécessaire de coordonner la réponse de l'ingénierie. Nous n'avons pas trouvé de territoire exemplaire, où nous serions à la fois en capacité d'assurer un recensement complet de l'offre et de spécifier la forme d'ingénierie, pour en informer ensuite les élus locaux. Tout est aujourd'hui opaque. Cette observation vaut à la fois pour les petites communes et celles de taille intermédiaire. Ceci pose une question de fond : celle de la place du préfet dans le département et de sa maîtrise sur l'ensemble des services dévolus dans son département.

En réponse à Patricia Schillinger, je n'ai pas beaucoup d'éléments sur le transfrontalier. Les acteurs que nous avons auditionnés n'ont pas soulevé ce sujet. Celui-ci va de pair avec la demande d'adaptation de l'organisation de l'État territorial aux spécificités des territoires.

S'agissant des petites communes submergées par les tâches, ce constat est effectivement récurrent. Les communes doivent à la fois s'adapter aux outils numériques et suivre l'évolution constante des normes.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Il se pose également une question de montée en qualification, que ne peuvent pas toujours suivre les secrétaires de mairie, qui sont déjà surchargés.

En ce qui concerne l'ingénierie territoriale, si celle-ci manque, il est difficile de savoir où précisément. Le directeur du Cerema nous indiquait que de grandes collectivités peuvent avoir besoin de ses services sur des points d'investigation extrêmement ponctuels et précis, en fonction de l'expertise manquant à ces collectivités.

Par ailleurs, la question de la géographie a été indirectement abordée. Des données démontrent que la distribution des agents de l'État n'est pas liée à la démographie des départements et que certaines inégalités persistent, nous ne parvenons pas à les corriger. Certains départements ruraux sont suradministrés, alors que des départements urbains manquent de renforts. Il n'est donc pas possible de raisonner de manière uniforme en la matière. De surcroît, lors d'une ou deux auditions, il nous a été indiqué que certains départements pouvaient certes être considérés comme peu peuplés, mais pour autant, l'histoire administrative des services de l'État a conduit à leur faire bénéficier d'une bonne expertise.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Je souhaitais revenir sur la dématérialisation et ses limites. La première est liée à un problème de connectivité. Je souhaiterais également mentionner l'isolement des secrétaires de mairie, qui manquent parfois de formation. Il existe d'ailleurs une crise pour recruter des secrétaires de mairie compétentes. Ces personnels souffrent d'une forme de déshumanisation, qui devient insupportable. Si une proximité avec la population est nécessaire pour un certain nombre de sujets, pour tous les points plus complexes, comme la comptabilité, des plateformes de travail pourraient-elles permettre aux secrétaires de mairie d'échanger sur leurs pratiques et de s'entraider ?

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

C'est une très bonne idée. Nous faisons en effet ce constat dans de nombreuses mairies. Les secrétaires de mairie sont seules et entretiennent un binôme très fort avec le maire.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Il existe des possibilités, cependant très peu exploitées : dans le cadre intercommunal, il est possible d'organiser des services communs. Ceci suppose cependant de révéler l'activité de la commune, donc ses difficultés. La coopération se met dès lors difficilement en place. Des rapprochements peuvent se faire jour, par le biais de secrétaires de mairie partagées entre plusieurs communes. Les pools posent un risque juridique, financier, voire pénal pour les maires. Cet enjeu est essentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

La solitude du ou de la secrétaire de mairie, qui doit être polyvalente, est un véritable sujet. De plus, l'appétence pour ces emplois ne cesse de diminuer. Les personnes préfèrent les structures intercommunales ou les grandes collectivités, qui présentent des possibilités d'évolution et des conditions financières et de protection plus favorables. L'intercommunalité pourrait être l'employeur, tout en s'assurant que le temps de travail de la personne est dédié à la mairie, en garantissant le secret et l'autonomie de la commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Je souhaitais revenir sur la question de la réalité de certains territoires ruraux suradministrés. Pour mesurer le phénomène, il n'est pas pertinent de ne retenir pour seul critère que le nombre d'habitants. Il est nécessaire de prendre l'habitude d'intégrer d'autres critères, de densité et de spatialité par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Lucien Stanzione

S'agissant des secrétaires de mairie, au-delà des intercommunalités, il se pose la question du rôle des centres de gestion des communes, du point de vue du partage des secrétaires et de la formation qu'ils doivent assumer. Ces centres de gestion peuvent être des outils très intéressants.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Nous vous présentons aujourd'hui un constat. Vous disposerez des solutions dans quelques mois. Nous souhaitions vous proposer un retour factuel, sur la base d'enquêtes, qui représentent une matière précieuse, eu égard au taux de réponse, tant chez les élus locaux et les représentants de l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

À chaque fois que nous pourrons le faire, nous mettrons en lumière les variations par type, par strate, par ancienneté voire par fonction (préfet et sous-préfet).

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Merci pour le travail de fond que vous avez effectué et pour l'argumentation objective que vous apportez à ce qui pourrait, sinon, relever du seul ressenti. Nous auditionnons demain matin François Sauvadet au titre de sa présidence de l'Association des Départements de France (ADF), puis, dans le cadre du suivi de l'agression sur les élus, Madame Adeline Hazan, qui a été maire de Reims et contrôleur des lieux de privation de liberté. Elle était magistrat et elle est l'auteure d'un rapport sur les relations entre le parquet et les élus locaux. Nous auditionnerons en outre le Garde des Sceaux mercredi prochain, à la suite des questions d'actualité au gouvernement.

Merci à tous.

L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à 18 heures.