Commission des affaires sociales

Réunion du 28 septembre 2022 à 15h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

présidente. – Mes chers collègues, après avoir auditionné ce matin les représentants de l’Unédic, nous entendons cet après-midi M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, et Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels, sur la feuille de route du ministère du travail et le projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.

Notre commission devrait examiner ce texte le 12 octobre, sa discussion en séance publique commençant le 25 octobre, si l’Assemblée nationale veut bien nous le transmettre selon le calendrier prévu.

Cette audition fait l’objet d’une captation vidéo.

Nous accueillons avec plaisir au sein de notre commission M. Abdallah Hassani, en remplacement de M. Dominique Théophile, devenu membre de la commission des lois.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion

– J’ai plaisir à vous présenter la feuille de route du ministère pour le quinquennat qui s’ouvre, ainsi que le projet de loi portant diverses mesures d’urgence en faveur du plein emploi, en cours d’examen par l’Assemblée nationale.

Notre feuille de route vise un objectif quasiment unique : le plein emploi. Au cours du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, le taux de chômage a baissé de 9,5 à 7,4 %, l’économie française créant 1,5 million d’emplois nets dans le secteur privé. Ainsi, la moitié du chemin a déjà été parcourue, puisque nous estimons que le taux de chômage significatif d’un plein emploi se situe autour de 5 %. Cet horizon peut être atteint, mais, pour cela, la plus grande mobilisation est nécessaire.

Cette feuille de route comporte huit chantiers, que je passerai en revue sans entrer dans le détail de leur contenu, faute de temps ; mais je répondrai volontiers à vos questions, cet après-midi ou lors de réunions ultérieures.

Premièrement, nous ouvrons le chantier de l’assurance chômage, avec un projet de loi conçu pour apporter une réponse – ce n’est évidemment pas la seule – aux tensions de recrutement. Le chômage a baissé, mais il est encore de 7,4 %, un des taux les plus élevés en Europe, et notre chômage structurel reste important. Dans le même temps, les tensions de recrutement sont devenues, nonobstant l’énergie, le principal sujet de préoccupation des chefs d’entreprise : 60 % des entreprises disent avoir du mal à recruter et, plus significatif encore, 30 % des entreprises industrielles déclarent être limitées dans leur production ou leur développement par le manque de main-d’œuvre.

Le projet de loi a été adopté ce matin par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. Nous espérons qu’il le sera dans les mêmes conditions en séance, pour que Mme la présidente soit exaucée et que le texte vous soit transmis dans les délais indicatifs que nous envisageons aussi.

Deuxièmement, les mois à venir verront la mise en place de France Travail. J’ai désigné Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, comme préfigurateur : il est chargé d’arrêter d’ici au 15 décembre, dans le cadre d’une concertation avec l’ensemble des parties prenantes, le schéma général de ce futur organisme, puis de mener, tout au long de l’année prochaine, les expérimentations nécessaires et concertations complémentaires.

France Travail ne sera pas une superstructure, fusionnant tout en tout : il s’agit de penser le service public de l’emploi comme un guichet aussi unique que possible, offrant le plus souvent et le plus longtemps possible un interlocuteur unique aux demandeurs d’emploi, aux bénéficiaires du RSA et aux entreprises qui recrutent. La mission de M. Guilluy devra définir une gouvernance nationale et territoriale qui permette cette efficacité.

Troisièmement, nous entendons favoriser l’accès à l’emploi des publics qui en sont le plus éloignés. Je pense en particulier aux bénéficiaires du RSA, dont seulement 40 % sont inscrits comme demandeurs d’emploi ; tous ne sont pas en mesure d’aller directement vers l’emploi, pour de nombreuses raisons tout à fait légitimes, mais certains pourraient l’être plus rapidement. L’accompagnement renforcé vers l’emploi des bénéficiaires du RSA, annoncé par le Président de la République, sera d’abord expérimenté dans une dizaine de départements volontaires – c’est l’une des missions confiées à Thibaut Guilluy. Il s’agit de mieux coordonner l’action de tous, un peu sur le modèle du contrat d’engagement jeune.

De même, nous prêtons une attention particulière aux bénéficiaires de l’insertion par l’activité économique (IAE) ou des procédures d’insertion en entreprise adaptée. Le budget 2023 prévoit d’ailleurs une montée en puissance des moyens consacrés à l’IAE, pour passer de 88 000 à 95 000 équivalents temps plein (ETP).

Quatrièmement, nous entendons favoriser l’accès des jeunes à l’emploi et à la formation. L’année prochaine, nous reconduirons les crédits nécessaires à la signature de 300 000 contrats d’engagement jeune, avec un accompagnement renforcé de 15 à 20 heures par semaine. Il s’agit d’aider les jeunes concernés à évoluer vers un emploi ou une formation qualifiante. En six mois, 178 000 contrats d’engagement jeune ont déjà été signés, et tous les acteurs sont satisfaits de la mise en œuvre de ce dispositif ; plus des deux tiers des signataires bénéficient déjà de 15 à 20 heures d’accompagnement.

Cinquièmement, nous comptons favoriser le maintien dans l’emploi et l’accès à l’emploi des seniors. Il convient aussi d’assurer la durabilité et une meilleure justice de notre système de retraite, chantier que nous ouvrirons prochainement pour, comme l’a annoncé le Président de la République, améliorer le système – pensions minimales, pénibilité, égalité femmes-hommes – et en assurer la pérennité, ce qui implique la marche vers le plein emploi, mais aussi de travailler un peu plus à l’échelle de chacune de nos vies. Nous nous appuierons sur le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) publié voilà une dizaine de jours, ainsi que sur l’avis du Comité de suivi des retraites.

Le dernier chantier que j’aborderai, deux autres relevant directement de Carole Grandjean, porte sur la qualité de l’emploi et du travail. Aller vers le plein emploi doit être l’occasion d’aller aussi vers le bon emploi, et le droit au travail ne doit pas effacer le droit du travail.

À cet égard, notre action suivra trois axes : prévention de la pénibilité, qualité de vie au travail et prévention des accidents du travail. Chaque année, entre 500 et 600 accidents mortels ou graves se produisent : c’est l’un des chiffres qui m’ont le plus marqué depuis mon arrivée au ministère du travail. La situation est moins mauvaise qu’il y a dix ou quinze ans, mais nous sommes sur une sorte de plateau : nous gagnerions à nous mobiliser à nouveau pour que le nombre de ces accidents baisse encore.

Pour chacun des huit chantiers de notre feuille de route, Carole Grandjean et moi-même, nos équipes et nos services se tiennent à votre disposition pour répondre à vos questions et trouver, chaque fois que nous le pouvons, des points de convergence.

J’en viens au projet de loi relatif au marché du travail, qui comporte, dans sa version initiale, cinq articles : trois ont une portée essentiellement technique, les deux autres contiennent des mesures à nos yeux essentielles.

L’article 5 ratifie 21 ordonnances, afin de les sécuriser juridiquement. Je sais l’attention que porte le Sénat, notamment sa commission des lois, à la ratification des ordonnances. Vingt de ces ordonnances se rapportent aux mesures prises pendant la crise de la covid-19 ; les dispositifs sont aujourd’hui fermés pour la plupart. La dernière concerne la modernisation du recouvrement de la contribution des entreprises au financement de l’apprentissage.

L’article 3, lui aussi très technique, fait suite à une décision du Conseil constitutionnel, rendue à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), qui a abrogé, à compter du 1er novembre, l’article du code du travail relatif à l’élaboration des listes pour les élections professionnelles. Nous proposons de le rétablir pour sécuriser les élections professionnelles de début décembre.

Carole Grandjean reviendra sur l’article 4, relatif à la validation des acquis de l’expérience (VAE).

J’en viens aux deux articles portant sur l’assurance chômage. L’article 2, extrêmement technique, autorise les Urssaf à transmettre aux entreprises concernées par le calcul du bonus-malus la liste nominative des contrats pris en compte dans le calcul de leur position.

L’article 1er fait suite à la réforme de 2019, destinée à lutter contre l’augmentation exponentielle du recours aux contrats courts – entre 2010 et 2019, le nombre de contrats courts avait été multiplié par 2,5, contre 1,4 pour les CDI – et à contribuer au redressement financier de l’Unédic, dont le déficit annuel moyen était de 2,9 milliards d’euros entre 2009 et 2019.

Cette réforme s’est traduite par une modification du salaire journalier de référence et des exigences pour accéder à l’indemnisation, passées de 4 mois sur 28 à 6 sur 24, mais aussi une dégressivité des allocations à partir du septième mois pour les salariés ayant un revenu supérieur à 4 500 euros bruts. Elle a mis en place le bonus-malus dont je viens de parler dans sept secteurs particulièrement exposés aux contrats courts ; ce dispositif s’applique depuis le 1er septembre dernier, 6 000 entreprises ayant été « malusées » et 12 000 « bonusées ». Ce résultat meilleur qu’attendu s’explique par la prise en compte de la loi – les bonus et malus peuvent atteindre 1 % de cotisation sur la masse salariale – et la conjoncture économique, qui justifie le recours à des contrats plus longs.

Aujourd’hui, l’Unédic revient à une situation excédentaire, et le nombre de contrats courts proposés à l’embauche est stable, alors que celui des CDI a augmenté. Au premier semestre de cette année, plus de 52 % des propositions d’embauche concernaient des CDI, ce qui est une bonne nouvelle pour la lutte contre la précarité.

Ces règles sont prévues par un décret de carence, pris après l’échec des négociations interprofessionnelles de 2019. Ce décret arrivant à échéance le 1er novembre prochain, nous proposons de proroger les règles actuelles jusqu’au 31 décembre 2023, pour que la réforme de 2019 aille à son terme et puisse être totalement évaluée. Nous proposons aussi de proroger le bonus-malus jusqu’en 2024.

Nous voulons rendre ces règles plus incitatives et plus efficaces pour le retour à l’emploi. Notre système d’assurance chômage est contre-intuitif dans ses résultats : au cours des quinze dernières années, quand le chômage était supérieur à 10 %, seuls 55 % des demandeurs d’emploi étaient indemnisables ; quand le chômage est inférieur à 10 %, nous atteignons 61 % d’indemnisables. La logique voudrait que le système protège plus quand le chômage est plus élevé. Notre système, considéré comme l’un des plus protecteurs en Europe, est un peu paradoxal avec le maintien d’un taux d’emploi extrêmement élevé.

Nous proposons donc de moduler les règles d’indemnisation en fonction de la conjoncture et de l’état du marché du travail. Les critères seront fixés dans le cadre d’une concertation avec les partenaires sociaux, que j’ouvrirai dans les prochaines semaines. Nous souhaitons une application différenciée dans les départements d’outre-mer. Par ailleurs, nous entendons que le montant mensuel de l’indemnité ne soit pas intégré dans les critères de modulation : nous ne pouvons pas, d’une part, prendre des mesures de protection du pouvoir d’achat et, d’autre part, courir le risque d’une baisse de l’indemnité ; par ailleurs, si notre système est plus protecteur que la moyenne européenne pour la durée d’indemnisation et les conditions d’accès, il est dans la moyenne en matière de taux de remplacement.

Si le projet de loi est adopté, les nouvelles règles seront fixées par décret avant la fin de l’année. Après cette concertation sur la modulation des règles d’indemnisation, nous ouvrirons une négociation sur la gouvernance de l’assurance chômage. Notre objectif est que France Travail et l’accompagnement des bénéficiaires du RSA soient opérationnels au 1er janvier 2024 et qu’à la même date la convention tripartite Unédic-Pôle emploi-État ait été renouvelée et la négociation ait fixé des règles d’indemnisation renouvelées. C’est pourquoi nous proposons la suspension de la compétence des partenaires sociaux pendant quatorze mois. Ce calendrier permet de mener ces chantiers en parallèle et de manière coordonnée, en vue d’un nouveau cadre d’intervention au 1er janvier 2024.

Debut de section - Permalien
Carole Grandjean, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels

ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion et du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l’enseignement et de la formation professionnels. – À mon tour, je vous présenterai ma feuille de route et sa contribution au plein emploi.

Cette feuille de route repose sur trois axes : réforme des lycées professionnels, apprentissage et forte simplification de la formation continue.

La réforme du lycée professionnel est conduite sous l’autorité du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse : je n’y reviendrai donc pas aujourd’hui, mais elle concourt à cette dynamique.

S’agissant de l’apprentissage, nous visons 1 million d’apprentis chaque année d’ici à la fin du quinquennat. Le dispositif d’aide exceptionnelle, prolongé jusqu’à la fin de cette année, a permis, malgré les crises, la signature de 732 000 contrats en 2021, soit deux fois plus que pendant la période 2012-2017. Des concertations auront lieu sur les primes de l’année prochaine, qui devront diminuer sans casser cette dynamique.

Cette croissance exceptionnelle doit être consolidée et optimisée. Nous devons notamment travailler à l’augmentation du nombre d’apprentis préparant un diplôme de niveau infrabac ou bac. À cet égard, je salue la qualité du rapport de vos collègues Frédérique Puissat, Martin Lévrier et Corinne Féret sur France compétences, dont nous partageons largement les préconisations.

Tous ces sujets feront l’objet de concertations avec les partenaires sociaux.

D’autre part, nous voulons renforcer l’efficacité de la formation professionnelle continue, afin de mieux préparer les actifs aux métiers de demain. Il s’agit de permettre à un plus grand nombre d’actifs d’accéder à des parcours sécurisés, pour leur donner les moyens de faire face aux mutations économiques.

D’abord, nous simplifierons radicalement les dispositifs d’accompagnement et de transition : entre Pro-A, CPF de transition, Transitions collectives et FNE-Formation, on a du mal à s’y retrouver.

Ensuite, nous voulons faire du compte personnel de formation (CPF) un véritable outil de réussite des transitions professionnelles pour l’ensemble des actifs. S’il a popularisé l’accès à la formation, son catalogue doit désormais être mieux orienté vers les besoins de l’économie. Il convient aussi de lutter contre les fraudes qui entourent ce dispositif ; une proposition de loi en ce sens sera débattue à l’Assemblée nationale dans les prochains jours.

Le CPF a pour vertu d’avoir soutenu l’entrée en formation des femmes : la moitié des utilisateurs sont des femmes. Par ailleurs, 70 % sont des ouvriers ou employés : il s’agit donc d’un vrai progrès social, que nous devons consolider et orienter mieux vers des dispositifs employabilité.

Nous souhaitons travailler aussi sur le droit d’accès aux compétences de base et aux savoirs fondamentaux, afin de rendre universel le droit de savoir lire, écrire et compter. Plus de 2,5 millions d’adultes sont en situation d’illettrisme dans notre pays, dont la moitié en activité professionnelle. Nous prévoyons de systématiser la détection de l’illettrisme, y compris en entreprise, de poursuivre les efforts d’orientation et de construire un Observatoire de l’illettrisme, pour que les acteurs disposent de ressources fiables et territorialisées. Enfin, nous souhaitons bâtir avec les acteurs un programme pluriannuel de sensibilisation aux enjeux de l’illettrisme.

Enfin, le projet de loi dit « marché du travail » simplifie et modernise la validation des acquis de l’expérience (VAE). Cette réforme est cohérente avec celle de l’assurance chômage : si nous incitons au retour à l’emploi, c’est en permettant à chacun de renforcer son employabilité – telle est notre philosophie d’action.

Nous voulons permettre au plus grand nombre de personnes d’accéder à une certification, donc de progresser sur le chemin de l’emploi. Pour cela, une rénovation profonde est nécessaire, car, aujourd’hui, la VAE ne convainc pas : elle est vécue comme un parcours du combattant et n’est pas perçue comme une troisième voie d’accès à la qualification. Elle souffre d’un manque flagrant d’attractivité, avec seulement 30 000 parcours réalisés l’an dernier, deux fois moins qu’il y a dix ans. C’est pourquoi nous voulons la redynamiser pour soutenir efficacement les parcours de promotion, d’évolution et de reconversion des actifs, ce qui contribuera aussi à la lutte contre les tensions de recrutement et à l’atteinte du plein emploi.

Si nous voulons permettre aux actifs de mieux faire face aux mutations de l’économie, nous devons mieux reconnaître les compétences acquises tout au long de la vie. En ce sens, ce projet de loi marque un grand progrès social en ouvrant à la reconnaissance des compétences sociales, associatives ou bénévoles, notamment celles des proches aidants – nombre de parlementaires ont travaillé à cette reconnaissance, en particulier sous la dernière mandature.

L’article 4 du projet de loi lève les freins entravant l’accès à la VAE, en vue d’atteindre 100 000 parcours initiés par an d’ici à la fin du quinquennat. Pour y parvenir, nous visons deux objectifs : élargir l’accès à la VAE en intégrant les compétences acquises dans le cadre de périodes de mise en situation en milieu professionnel et sécuriser les parcours des candidats en travaillant à une meilleure individualisation et à un accompagnement en amont de la phase de recevabilité. Les associations de transition professionnelle pourront financer des parcours d’accompagnement à la VAE pour les salariés désireux de se reconvertir.

Je compte sur les débats parlementaires pour approfondir la réflexion sur ces enjeux. La VAE mérite d’être valorisée : elle est au cœur non seulement de la bataille du plein emploi, mais aussi de notre pacte social et républicain. Faisons de la reconnaissance permanente des compétences un droit réel tout au long de la vie, au cœur de la société du savoir et des compétences que nous souhaitons construire.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

rapporteur. – Ce projet de loi a une portée technique et financière, mais aussi politique.

En ce qui concerne la VAE, je salue la reconnaissance des compétences des proches aidants. Mais, plus largement, était-il vraiment nécessaire de faire évoluer la législation ? Ne faudrait-il pas plutôt approfondir l’accompagnement et augmenter le nombre de jurys ? Quels moyens prévoyez-vous de consacrer à cette ambition ?

S’agissant de l’activité partielle, quelles mesures d’urgence pourraient-elles perdurer ? Quel bilan dressez-vous de l’activité partielle et de son coût et comment voyez-vous son évolution ?

Nous aimerions vous entendre aussi sur l’évaluation de la précédente convention d’assurance chômage. On a un peu l’impression qu’on passe d’une convention à une autre sans véritable évaluation...

Par ailleurs, le remplacement de cotisations salariales par une fraction de CSG pose la question de la gouvernance. Quelle vision avez-vous du paritarisme en matière d’assurance chômage ?

Enfin, si le succès quantitatif en matière d’apprentissage est à saluer, l’évolution est forte surtout pour les bac+3 et bac+4. Ne serait-il pas temps de faire un effort sur le post-bac et l’avant-bac, où les objectifs n’ont pas été atteints ? Par ailleurs, le développement de l’apprentissage n’est-il pas parfois une manière déguisée de financer les études supérieures ?

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

rapporteur. – Mes trois questions porteront, pour le principal, sur l’assurance chômage.

S’agissant d’abord du budget de l’Unédic, je vous ai trouvé, monsieur le ministre, bien optimiste – ou bon communicant – devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale... Considérer que le retour à l’équilibre est lié essentiellement à la réforme de 2018 et au décret de carence me paraît quelque peu excessif. De fait, le budget de l’Unédic était sur le chemin du retour à l’équilibre avant la loi de 2018 et le décret. Sans compter que la dette de l’Unédic avoisine les 60 milliards d’euros, dont 30 % résultent de la crise de la covid-19. Le « nettoyage » du budget de l’Unédic ne serait-il pas un neuvième chantier à ouvrir ? Ne serait-il pas temps de ramener à l’Unédic ce qui relève de l’assurantiel et d’en retirer ce qui relève des décisions de l’État, dont l’activité partielle, qui a pesé lourd pendant la crise de la covid-19 ?

En ce qui concerne la logique contracyclique, tout le monde est séduit sur le papier. Mais, lorsqu’on creuse, les choses sont plus compliquées. J’ai bien noté que vous aviez exclu les DOM-TOM du dispositif. Reste que, en métropole même, les situations sont très diverses d’un bassin d’emplois à l’autre. Quelle maille territoriale allez-vous retenir ? Les périodes retenues seront-elles trimestrielles, annuelles ? Nous sommes en France : quand une décision est prise, il y a un peu de latence avant qu’elle se mette en place... Sur cette question, nous sommes séduits, mais très interrogatifs sur le plan opérationnel.

Pour ce qui est du bonus-malus, il met certains chefs d’entreprise dans une grave difficulté. Certes, ils sont prévenus et peuvent former un recours. Mais, saisir l’Urssaf, on sait que ce n’est pas très simple... Le malus représente parfois 200 000 ou 300 000 euros de cotisations supplémentaires pour une entreprise. Le projet de loi prévoit la transmission aux entreprises de la liste des personnes comptabilisées, mais le vice-président de l’Unédic, représentant le Medef, se demandait ce matin : qu’allons-nous faire de cette liste ? D’ici à la parution du décret, peut-être en janvier, les entreprises devront régler à l’aveugle, sans savoir ni pour qui ni pourquoi. En votre âme et conscience, considérez-vous vraiment ce système comme vertueux ?

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre

– Lorsque j’ai indiqué que le budget de l’Unédic reviendrait à l’excédent en 2022 à hauteur de 2,5 milliards d’euros, je reprenais une prévision de l’Unédic elle-même. En mon âme et conscience, je pense que cette prévision est peut-être moins-disante.

Il est estimé que les résultats financiers de la réforme de 2018 participent pour 1,9 milliard d’euros à cette prévision d’excédent, la conjoncture économique pour 600 millions d’euros. Ces chiffres devront être précisés avec le résultat de l’année.

Je forme le vœu que cette tendance soit durable, pour que notre assurance chômage soit la plus solide possible.

S’agissant de la gouvernance, je me suis engagé à ouvrir une négociation interprofessionnelle à l’issue de la période de concertation sur la contra-cyclicité. Elle sera lancée avec un document d’orientation le plus ouvert possible.

Nous savons qu’il y a quatre grandes familles de scénarios. Le « tout-étatisation » ne fera pas partie de la concertation. Je laisserai les partenaires sociaux travailler sur les trois autres pour nous proposer un système respectueux du paritarisme. La discussion sera ouverte aussi sur certains sujets que vous avez évoqués, notamment le périmètre de l’assurance chômage.

En ce qui concerne l’activité partielle, le Gouvernement considère qu’elle fait partie du champ d’action de l’Unédic ; les mesures prises en la matière, financées à 70 % par l’État, ont permis d’éviter un chômage structurel de masse et de fortes dépenses de long terme, ainsi qu’une mise à mal de la cohésion sociale. Il en va de même pour une partie du financement de la formation des demandeurs d’emploi à travers le financement de Pôle emploi, qui contribue indirectement à améliorer la situation de l’Unédic.

Sur la contra-cyclicité, vous avez raison de souligner les difficultés liées à la territorialisation. Elles m’ont amené à reporter de quelques jours l’ouverture formelle de la concertation, pour que mes services puissent instruire plus avant cette question. Nous devons éviter des effets de bord autant que la création d’un système incompréhensible. En outre-mer, j’ai parlé de différenciation plus que de non-application ; nous verrons ce qui ressort du débat sur ce point. Comme vous, je pense que nous devons travailler sur les règles de modulation de la durée d’indemnisation et des conditions d’affiliation. Je ne suis pas convaincu que le taux de chômage, volatile, soit le meilleur indicateur : d’autres indicateurs, portant sur les évolutions de l’économie et le rapport entre le nombre d’offres déclarées et de demandeurs d’emploi inscrits, me paraissent intéressants à étudier. Par exemple, depuis 2017, le nombre d’emplois disponibles est passé de 50 à 170 pour 1 000 demandeurs inscrits.

Le bonus-malus s’applique sur la base du taux médian dans les entreprises de plus de 50 salariés. Les entreprises de la liste S1 du décret covid-19, dont l’activité a été très perturbée, ne sont pas concernées. Oui, ce système nous paraît vertueux : il invite les secteurs les plus exposés aux contrats courts à réinterroger ces pratiques. Quant à la transmission des données nominatives, c’est une demande insistante des organisations d’employeurs ; si certains parmi eux doutent de son utilité, d’autres devraient pouvoir répondre.

Le paritarisme, nous y sommes attachés. C’est pourquoi je souhaite que la gouvernance de l’assurance chômage fasse l’objet d’une négociation interprofessionnelle. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons limité la suspension de leur compétence à quatorze mois, ce qui, à l’échelle administrative, est relativement bref ; cette durée est cohérente avec le calendrier de tous les chantiers que j’ai mentionnés, et une durée supérieure aurait été une mauvaise manière faite aux partenaires sociaux.

Pourquoi proposons-nous d’en passer par la loi ? Si nous avions voulu enchaîner une nouvelle période après le décret de carence, il aurait fallu lancer la concertation préalable puis la négociation interprofessionnelle entre l’élection présidentielle et les élections législatives, une période qui ne s’y prêtait pas. Par ailleurs, sur un sujet de cette importance, il était compliqué d’ouvrir une négociation avec une lettre de cadre qui aurait engagé nos successeurs. Nous sommes ainsi rattrapés par le temps, ce qui nous amène à vous proposer ce régime dérogatoire.

Debut de section - Permalien
Carole Grandjean, ministre déléguée

– Les règles relatives à la VAE sont trop rigides : en témoigne la déperdition de demandeurs entre le début et la fin de la procédure – seulement 10 % vont au bout. La durée de validation est d’environ dix-huit mois, alors que, pendant une telle durée, la vie personnelle ou professionnelle évolue.

La VAE a déjà été rénovée, mais le nombre de dossiers diminue. Preuve qu’il faut la rendre plus flexible, ce qui est cohérent aussi avec la variabilité des réalités sectorielles. Il s’agit de se concentrer sur l’examen plutôt que sur des exigences administratives de recevabilité, qui opèrent une présélection par les inégalités devant la constitution d’un dossier.

La modernisation de la VAE permettra d’individualiser l’accompagnement pour favoriser la réussite des parcours. Nous le ferons avec les régions et l’appui des opérateurs de compétences (Opco) et des associations de transitions professionnelles (ATPro).

C’est ainsi la recherche d’agilité qui guide notre approche, sur la base des résultats de l’expérience Reva, qui a montré combien la levée de verrous administratifs facilitait le recours à la VAE, notamment pour des personnes moins à l’aise avec les enjeux administratifs.

L’apprentissage a augmenté aussi aux niveaux bac et infrabac : nous sommes passés de 180 000 à 280 000 diplômés de CAP et bac professionnel. Il a parfois rendu possible un parcours de formation dans le supérieur pour des étudiants plus modestes, qui n’avaient pas de bourse ou qui ont ainsi évité un job étudiant qui aurait rendu leurs études plus difficiles. L’enseignement supérieur a probablement participé au changement d’image de l’apprentissage. Je ne pense pas qu’il faille opposer les différents niveaux d’apprentissage, mais nous devons renforcer l’apprentissage aux niveaux bac et infrabac.

Mme Annick Petrus. – À Saint-Martin, une mission locale pour l’emploi a vu le jour l’année dernière – dernière née des missions locales. Grâce à elle, nous nous inscrivons dans le droit commun et sommes en mesure d’organiser la réponse institutionnelle aux problèmes rencontrés par les jeunes saint-martinois.

En 2007, les missions antérieurement assurées par la mission locale ont été partiellement dévolues aux services de l’accueil et de l’orientation de la nouvelle collectivité de Saint-Martin. Cette organisation a montré ses limites dès qu’il s’est agi de mettre en œuvre les dispositifs d’accompagnement en faveur des jeunes – les contrats d’avenir en sont une parfaite illustration.

Les missions locales étant incontournables dans le cadre de plusieurs dispositifs du plan de relance, comme « 1 jeune, 1 solution », il devenait impensable qu’une telle structure n’existe pas à Saint-Martin. L’État a donc souhaité nous accompagner dans la création d’une mission locale, qui a aujourd’hui un peu plus d’un an. Cette décision a été perçue comme un acte fort envers la jeunesse.

À la suite des annonces de la Première ministre, je souhaite vous interroger sur l’éventuelle fusion des missions locales et de Pôle emploi. Je m’inquiète des conséquences qu’aurait une telle mesure à Saint-Martin. Est-ce toujours d’actualité ? Les territoires d’outre-mer seront-ils concernés, et si oui à quelle échéance ?

M. Abdallah Hassani. – On connaît bien l’intérêt du mentorat pour l’orientation des jeunes. Le Président de la République a impulsé le dispositif « 1 jeune, 1 mentor ». Les acteurs associatifs aussi sont très impliqués. Quel rôle pourront-ils jouer dans la mise en œuvre des politiques publiques d’emploi et de formation ?

Mme Monique Lubin. – Présenté comme très technique, ce projet de loi est, en réalité, très politique. Vous trouvez toujours d’excellents arguments, monsieur le ministre. Reste que, pour nous, il s’agit ni plus ni moins que d’une reprise en main de l’assurance chômage par le Gouvernement et de la privation des partenaires sociaux de leurs prérogatives – c’est du moins ainsi qu’ils l’entendent.

La période pendant laquelle vous entendez prendre la main est de plus d’un an. Nous avons du mal à croire qu’il ne s’agit pas d’une réorientation de la gestion de l’assurance chômage.

Par ailleurs, le Gouvernement parle abondamment du plein emploi, mais quelle est votre définition de cette notion ? Aujourd’hui, il suffit de travailler quelques heures pour être considéré comme ayant retrouvé un emploi... De quel plein emploi parle-t-on ? S’agit-il d’emplois de qualité ou d’emplois précaires ?

Ensuite, pensez-vous qu’il suffise d’indemniser moins longtemps les demandeurs d’emploi pour qu’ils retrouvent un emploi ? Le but du Gouvernement n’est-il pas de changer la philosophie de l’assurance chômage ? Ce projet de loi le montre : votre objectif n’est pas de donner à une personne privée d’emploi le temps de se former ou de se réorienter, mais de la pousser à reprendre le plus vite possible un emploi, fût-il moins qualifié et moins bien payé que celui qu’elle avait avant.

Enfin, monsieur le ministre, comme vous avez parlé de l’IAE, je me permets d’attirer votre attention sur les difficultés dans lesquelles ces structures, que je connais bien, se retrouveront à la fin de l’année prochaine, si des souplesses ne sont pas ménagées sur la limitation à deux ans du pass IAE. Ces structures sont, en quelque sorte, victimes de l’amélioration de l’emploi : certains ne viennent plus à elles, ce qui est une bonne chose, et elles n’arrivent pas à faire venir les personnes les plus éloignées de l’emploi.

Mme Victoire Jasmin. – Différencier le traitement des outre-mer, c’est une très bonne chose. Récemment encore, des mesures qui n’auraient pas dû y être appliquées ont provoqué dans nos territoires des conflits sociaux.

Je recommande d’améliorer la formation des conseillers d’orientation psychologues, qui ne peuvent pas orienter comme des robots, favorisant l’exode des jeunes de nos territoires vers l’Hexagone ou le Canada. Il faut changer de logiciel et mettre en cohérence les politiques publiques avec les besoins du territoire.

Lors de la précédente mandature déjà, j’ai souligné l’inorganisation des branches professionnelles. La pandémie a peut-être aggravé les choses, mais il reste que les efforts nécessaires n’ont pas été faits.

Aujourd’hui, pour des métiers essentiels, notamment dans le secteur des BTP, on fait appel aux jeunes du service militaire adapté (SMA) ou à des travailleurs venant de l’est de l’Europe, alors que le taux de chômage est si élevé chez nous !

Enfin, il ne faut pas oublier que la Guadeloupe est un territoire agricole. Si l’on veut développer l’apprentissage et la formation professionnelle, il ne faut pas, comme c’est le cas en ce moment, enlever des moyens aux lycées agricoles, mais au contraire leur accorder des ressources supplémentaires. Respecter notre objectif de souveraineté alimentaire exige de valoriser les métiers de l’agriculture et de la pêche.

Enfin, il faut travailler davantage avec les employeurs pour que les jeunes trouvent des lieux de stage, ce qui est très difficile aujourd’hui.

M. Daniel Chasseing. – Monsieur le ministre, je me réjouis de la réponse que vous avez apportée à Olivier Henno concernant le paritarisme que vous souhaitez, si j’ai bien compris, privilégier.

Nous sommes aujourd’hui confrontés, notamment en milieu rural, à des problèmes de mobilité pour les entreprises adaptées, en particulier lorsque leurs salariés veulent se former. Quelles réponses pouvez-vous apporter à ces difficultés ?

Vous avez évoqué l’emploi des seniors. Il me semble – cela rejoint une question qui a été posée – qu’il serait intéressant de développer le tutorat par des seniors. Cela pourrait répondre à deux objectifs en même temps : l’emploi des seniors et l’accompagnement des jeunes.

L’apprentissage est une méthode d’excellence dont l’image change – fort heureusement. Vous avez fixé un objectif d’un million d’apprentis, mais il est déjà difficile de trouver des stages. Comment allez-vous faire si, en plus, vous diminuez la prime ?

Les besoins vont énormément croître dans les prochaines années pour accompagner les personnes âgées. La VAE est une réponse intéressante pour former des aides à domicile, dont les métiers ont besoin d’être reconnus. Ne serait-il pas intéressant de développer l’apprentissage dans ce secteur ?

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre

– Madame Petrus, la création de France Travail ne consiste pas à fusionner des structures ; il n’est donc pas dans notre objectif de fusionner Pôle emploi et les missions locales. Nous devons renforcer les partenariats, faire converger les différents acteurs en termes de qualité du diagnostic et sur la précocité de celui-ci : plus le diagnostic est précoce, plus vite les personnes accèdent à un emploi. Nous devons aussi améliorer l’orientation, c’est-à-dire la prescription d’actions d’insertion, de formation et d’accompagnement.

Madame Lubin, notre volonté n’est pas de « reprendre en main » l’assurance chômage. Si tel était notre objectif, je n’aurais pas proposé une négociation interprofessionnelle sur la gouvernance et la place du paritarisme. D’ailleurs, parmi les différents scénarios soumis à la négociation, je n’ouvrirai pas celui de l’étatisation de l’assurance chômage. Nous sommes dans une période provisoire pour les raisons que j’ai évoquées : transition vers un nouveau système global, problème de calendrier...

Vous me demandez ce que signifie le plein emploi. Il y a plusieurs réponses.

Du point de vue du Préambule de la Constitution de 1946, « chacun a [...] le droit d’obtenir un emploi ». De ce point de vue, nous considérons que nul n’est inemployable et nous développons des outils en matière d’insertion par l’activité économique, d’insertion des personnes en situation de handicap, d’accompagnement des bénéficiaires du RSA, etc.

Si nous adoptons une approche plus économique, on considère généralement, pour la France, que le plein emploi correspond à un taux de chômage de 5 %, mais que le taux d’emploi doit progresser. Je me félicite d’ailleurs que le taux d’emploi ait progressé en France ces dernières années et que nous ne subissions pas le phénomène de « grande démission » : nous n’avons jamais été aussi nombreux en proportion à travailler. C’est heureux, parce qu’avec le travail il y a un revenu, de l’autonomie, de l’émancipation, de la dignité. C’est en cela que la valeur travail est au cœur de notre action.

Sur la question de l’incitation à la reprise d’un emploi par la diminution de la durée maximum d’indemnités, il se trouve que toutes les études convergent pour montrer que le taux de retour à l’emploi est très fort au début de la période d’indemnisation, qu’il baisse progressivement et qu’il remonte à la fin de la période d’indemnisation. Notre but est d’accélérer les choses et de faciliter le retour à l’emploi, mais j’ai toujours dit que ce n’était pas le seul outil qu’il fallait mettre en place.

En ce qui concerne l’insertion par l’activité économique, je ne partage pas tout ce que vous avez dit, madame Lubin, mais je veux vous rassurer. Les moyens consacrés à ce secteur vont augmenter de 85 millions d’euros par rapport à l’exécution 2022. Nous allons renouveler le plan d’investissement dans les compétences de l’insertion par l’activité économique (PIC IAE) qui était financé par le plan de relance, en l’augmentant – il passera de 85 millions d’euros à 100 millions, en plus de l’enveloppe de 1,3 milliard que j’ai évoquée pour l’insertion.

En revanche, j’ai une difficulté avec l’idée que les personnes accompagnées dans le cadre de l’IAE restent dans le système au-delà de deux ans. Cela peut se comprendre dans certains cas, en particulier lorsque les publics concernés sont très éloignés de l’emploi, cabossés par la vie, si vous permettez cette expression, mais en faire un principe général nous pose un problème. Nous sommes cependant ouverts à travailler avec vous sur l’adaptation de certains dispositifs pour répondre aux situations que vous évoquez.

Madame Jasmin, je ne connais pas assez bien la question de l’organisation des branches professionnelles outre-mer pour vous répondre aujourd’hui, mais je vais regarder le sujet.

Debut de section - Permalien
Carole Grandjean, ministre déléguée

– Monsieur Hassani, l’accompagnement des jeunes vers les dispositifs de formation est une question très importante partout sur le territoire. C’est dans cet esprit que nous avons travaillé dans le cadre de la prépa-apprentissage qui concerne des personnes ayant entre 16 et 29 ans, en encourageant les structures à personnaliser l’accompagnement.

Pour nous, le mentor ne joue pas un rôle de conseiller ; il sert de modèle, d’inspiration, et va aider le jeune à dessiner un parcours et à préparer son projet. Nous avons mis en place le programme « 1 jeune, 1 mentor » avec cette idée.

Madame Jasmin, les lycées agricoles ont bénéficié de l’augmentation générale du nombre des apprentis. En outre, des exonérations de taxe d’apprentissage ont été mises en place dans le secteur agricole qui a pleinement bénéficié des aides de l’État.

Monsieur Chasseing, nous sommes bien conscients que l’effort en faveur de l’apprentissage doit être collectif. Les entreprises doivent aussi s’engager dans l’accompagnement des apprentis et des jeunes en général. En tout cas, nous entendons poursuivre la dynamique, comme je le disais tout à l’heure.

La VAE doit devenir un outil pour accéder à un emploi et, le cas échéant, se reconvertir. Elle permet l’acquisition de blocs de compétences. Les aidants pourront s’orienter, à l’issue de la procédure, vers une action de formation initiale ou continue qui leur permettra d’obtenir une certification. La VAE permettra de réduire le temps de formation nécessaire au strict minimum, en faisant reconnaître les compétences déjà acquises.

Mme Raymonde Poncet Monge. – La feuille de route du Gouvernement vise au plein emploi, c’est-à-dire un taux de chômage de 5 % d’ici à la fin du mandat. Cela se combine assez bien avec les recommandations européennes dans le cadre du plan d’action sur le socle européen des droits sociaux qui vise une augmentation du taux d’emploi d’ici à 2030 – il devrait atteindre 78 %.

Mais le contexte global au sein duquel vous voulez lancer les réformes a changé ! Il ne vous a pas échappé que la Banque centrale européenne (BCE) a décidé de revoir ses taux directeurs à la hausse. Or, si on se penche sur le rapport de la Banque des règlements internationaux (BRI) ou sur les publications du Fonds monétaire international (FMI), cette hausse provoquera un ralentissement de l’économie, voire une récession, qui entraînera une hausse du chômage.

Dans un tel contexte, il faut m’expliquer comment vous combinez vos réformes avec la politique monétaire de la BCE. Ne prenez-vous pas le risque de créer une société du plein emploi de piètre qualité ? Les travailleurs ne seront-ils pas obligés d’accepter, tant du fait de la conjoncture économique que des réformes structurelles actuelles, des emplois de mauvaise qualité ?

Comment pouvez-vous espérer une hausse de la production et du taux d’emploi en France dans les prochaines années via vos réformes, alors même que la politique monétaire de l’Union européenne va, semble-t-il, totalement à l’encontre de ce projet, flirtant même avec le risque de récession ?

Enfin, une question ponctuelle : où en est le rapport sur la réalité et les conséquences du non-recours aux droits en matière d’assurance chômage, promis par l’article 62 de la loi du 5 septembre 2018 sur la liberté de choisir son avenir professionnel ? Il devait nous être remis à la fin de 2020...

M. Xavier Iacovelli. – En cinq ans, le taux de chômage a baissé de manière inédite et nous avons constaté une hausse de l’activité et du taux d’emploi. Ces résultats, évidemment perfectibles, sont le fruit des réformes engagées durant cette période. Le plein emploi, un engagement du Président de la République durant la campagne, est à portée de main et le Gouvernement a annoncé huit chantiers pour y parvenir.

Pour autant, des secteurs d’activité de plus en plus nombreux ne réussissent plus à recruter.

En France, le taux d’emploi des jeunes, comme celui des seniors d’ailleurs, est inférieur aux moyennes des pays comparables.

Quelles actions entendez-vous mettre en place pour pallier les difficultés de recrutement que j’ai évoquées et garantir un meilleur accès à l’emploi pour les jeunes ?

M. Alain Milon. – Le projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi contient effectivement peu d’articles, monsieur le ministre, et je ne peux qu’espérer que cela restera ainsi à l’issue des débats à l’Assemblée nationale... Par ailleurs, ce texte vise à ratifier nombre d’ordonnances ; il est souhaitable que le principe des ordonnances ne s’impose pas de manière pérenne. Le Parlement doit pouvoir jouer pleinement son rôle. Les menaces de recourir à des ordonnances comme celles liées à l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution ne sont pas les bienvenues.

Une question simple. La formation pour devenir infirmière en pratique avancée (IPA) dure deux ans. Or, dans ma région, le financement n’est assuré que sur un an. Comment régler ce problème ?

Mme Pascale Gruny. – En ce qui concerne l’accompagnement des bénéficiaires du RSA, allez-vous travailler avec les départements ? Ce sont quand même eux qui exercent cette compétence... Si vous demandez un accompagnement plus important, allez-vous leur donner de nouveaux moyens, sachant que nombre d’entre eux sont exsangues financièrement ?

Allez-vous faire sortir du système de bonus-malus les entreprises particulièrement touchées par la crise sanitaire ou qui subissent fortement les conséquences de la crise énergétique ou de la hausse des coûts des matériaux ?

S’agissant des accidents du travail, pourrez-vous nous fournir un bilan de la mise en place du document unique d’évaluation des risques professionnels ?

Je regrette que vous ayez peu parlé des personnes handicapées...

Enfin, en ce qui concerne la prime d’apprentissage, sachez que, si vous la diminuez, il y aura nécessairement une baisse du nombre des apprentis.

Mme Corinne Féret. – Frédérique Puissat, Martin Lévrier et moi-même avons publié un rapport sur France compétences – vous en avez parlé – qui s’intitulait « France compétences face à une crise de croissance ». Les moyens de cet organisme sont clairement insuffisants à ce stade. Par conséquent, si l’ambition du Gouvernement est réellement d’atteindre un million d’apprentis, j’espère que la contribution de l’État à France compétences va augmenter...

Vous avez évoqué le fait qu’un effort serait fait pour développer l’apprentissage pour les jeunes qui ont un niveau pré-bac ou bac. Il me semble effectivement important de ne pas opposer les différents niveaux de qualification.

Pour autant, nous devons veiller à ce que les apprentis ne prennent pas la place de salariés en CDI : il faut aider les entreprises, mais trouver un juste milieu.

Vous avez évoqué la lutte contre la fraude en ce qui concerne le compte personnel de formation. J’imagine que vous ne parlez pas des utilisateurs, mais bien des organismes qui se présentent comme des centres de formation. Je crois qu’il faudrait préciser les choses.

Le Gouvernement a annoncé la création d’un Observatoire de l’illettrisme. Or il existe déjà une Agence nationale de lutte contre l’illettrisme. Comment les deux organismes vont-ils s’articuler ?

Mme Jocelyne Guidez. – En ce qui concerne la VAE, certains aidants sont inquiets : il ne faudrait pas limiter leur accès au dispositif pour les seules certifications liées au secteur médico-social.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – Je ne vais pas allonger les débats : beaucoup de sujets vont venir en discussion dans les prochains mois et il est clair que nous devrons opérer une véritable révolution.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre

– L’objectif de plein emploi ne dépend pas uniquement de la conjoncture. D’ailleurs, la plupart des autres pays européens ont des prévisions de taux de chômage autour de 3 % ou 4 %. Il faut mobiliser l’ensemble des acteurs et des moyens et je suis persuadé que nous pouvons y arriver.

Madame Poncet Monge, le rapport sur le non-recours à l’assurance chômage avait été transmis à ma prédécesseure qui avait demandé à l’Unédic de compléter un certain nombre d’éléments, notamment sur les causes du non-recours. Le nouveau document m’a été adressé à la fin de la semaine dernière et il sera transmis au Parlement dans les jours qui viennent.

Monsieur Iacovelli, la réforme de l’assurance chômage permettra de lutter contre les tensions de recrutement, mais ce n’est pas le seul outil que nous mettons en place. Depuis octobre 2021, nous avons mobilisé 1,4 milliard d’euros pour former les demandeurs d’emploi dans le cadre du plan de réduction des tensions ; cela a permis le retour à l’emploi de 250 000 demandeurs d’emploi de longue durée sur un an, ce qui est une très bonne nouvelle pour les entreprises qui recrutent, mais aussi bien sûr pour ces hommes et ces femmes qui étaient très durablement éloignés de l’emploi et qui retrouvent ainsi pied dans la vie active.

Nous mettons en œuvre avec Pôle emploi de très nombreux dispositifs – vous les voyez se déployer sur le terrain. Dans quelques jours, j’aurai l’occasion d’annoncer la phase 2 du plan de réduction des tensions de recrutement et j’ai demandé à Pôle emploi d’identifier, au niveau de chaque agence, et non au niveau régional ou national, les demandeurs d’emploi qui peuvent être très rapidement mobilisés, éventuellement après avoir suivi une formation. Nous allons continuer d’actionner tous les leviers à notre disposition pour que personne ne reste sans solution.

Monsieur Milon, nous ferons tout pour que le Gouvernement ne propose pas d’article additionnel au projet de loi. Mais plusieurs dispositions nouvelles ont déjà été évoquées durant les débats à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale et pourraient donner lieu à quelques articles additionnels. Pour autant, ces mesures sont utiles – je pense notamment à celle permettant de considérer un abandon de poste, en termes d’accès à l’indemnisation, comme une démission plutôt que comme un licenciement pour faute.

Je partage votre point de vue sur les ordonnances. Il s’agira ici de ratifier des ordonnances – le Gouvernement avait naturellement reçu habilitation de la part du Parlement pour les prendre.

M. Alain Milon. – Nous avions voté la ratification des ordonnances du 22 septembre 2017 sur le dialogue social, dites ordonnances Pénicaud.

– Madame Gruny, j’ai évoqué à plusieurs reprises la situation des personnes handicapées. Je crois en tout cas que, pour les personnes les plus éloignées de l’emploi, comme cela peut être le cas pour des personnes handicapées, il faut mixer les solutions et continuer de les accompagner même après qu’elles ont signé un contrat de travail.

Nous avons parfois un problème de consommation des crédits : sur les 34 millions d’euros ouverts en 2022 pour la formation des personnes en situation de handicap salariées de structures adaptées, nous n’en avons consommé que 10 millions. Là aussi, nous devons mobiliser les acteurs et les dispositifs tous azimuts pour avancer et offrir un maximum de solutions.

J’ajoute – hasard du calendrier – que j’ai eu une réunion ce matin avec Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées, sur la feuille de route Emploi et handicap et sur le projet stratégique de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph).

Nous allons naturellement travailler avec les départements sur l’accompagnement des bénéficiaires du RSA. Notre objectif est de conserver les compétences actuelles – je ne souhaite pas les remettre en cause – et de le faire avec les mêmes budgets. Nous avons déjà rencontré les représentants de l’Assemblée des départements de France, notamment pour avancer sur l’expérimentation dont je vous ai parlé.

Il existe des dispositifs pour aider les entreprises les plus touchées par la crise énergétique, y compris par de l’activité partielle, et ce ne sont pas nécessairement celles qui ont le plus recours à des contrats courts. En outre, le système du bonus-malus s’applique au sein de sept secteurs d’activité et est pensé pour être neutre au niveau d’un secteur, puisque les bonus compensent les malus.

Aujourd’hui, France compétences est en déficit. Celui-ci s’explique notamment par l’augmentation très importante du nombre d’apprentis. Nous revoyons au cas par cas le niveau de prise en charge des coûts de formation. En tant qu’ancien ministre du budget, je dois dire qu’on ne peut pas à la fois rester sur les niveaux précédents de prise en charge et rétablir les comptes publics. Nous devons trouver un nouvel équilibre pour maintenir la dynamique tout en restant à un niveau soutenable. En 2023, France compétences consacrera encore plus de 10 milliards d’euros à l’apprentissage, ce qui est exceptionnel. Il faut toutefois que France compétences revienne à l’équilibre et cela ne passe pas seulement par la dotation de l’État, mais aussi par des recalibrages. Nous ne tiendrons pas si l’enveloppe atteint 12 ou 13 milliards...

Debut de section - Permalien
Carole Grandjean, ministre déléguée

– En ce qui concerne l’accompagnement des jeunes, nous souhaitons mieux les orienter, notamment par une découverte des métiers dès la classe de cinquième – cela fait l’objet d’une expérimentation. D’autres actions sont menées dans les lycées professionnels. Je pense aussi au développement des prépas-apprentissage, dont le taux de réussite est très intéressant, 60 %.

Monsieur Milon, la formation pour être qualifiée infirmière en pratique avancée peut être financée par les régions, par l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH) ou par l’employeur. Des discussions sont en cours avec les fédérations d’employeurs pour faciliter l’accès à cette formation comme pour encourager l’apprentissage vers les métiers d’infirmière et d’aide-soignant.

Madame Guidez, nous souhaitons permettre l’accès des aidants à toutes les certifications qui sont en lien avec leur parcours, qu’il soit personnel ou professionnel. Leur engagement doit être mieux reconnu. Les métiers du soin sont une orientation possible, mais ils ne sont pas les seuls.

Enfin, l’Observatoire de l’illettrisme a été placé au sein de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme. L’objectif est de permettre à l’Agence et à tous les acteurs concernés de disposer de données fiables, actualisées et territorialisées. Il n’y a donc aucune concurrence entre les deux organismes.

Ce point de l’ordre du jour a fait l’objet d’une captation vidéo qui est disponible en lien sur le site du Sénat

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

présidente. – Nous entendons à présent M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, sur la feuille de route de son ministère, dont le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 qui a été présenté lundi dernier en conseil des ministres constitue la première étape.

J’indique que cette audition fait l’objet d’une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées

– Le ministère dont j’ai la responsabilité est celui des solidarités concrètes et j’ai pour mission d’apporter des réponses très opérationnelles à ces problématiques. Ces réponses doivent être coconstruites avec l’ensemble des acteurs concernés : le Parlement, les collectivités locales, les associations, les entreprises, etc., mais aussi les personnes accompagnées elles-mêmes, qu’il faut impliquer très en amont dans l’élaboration des politiques publiques.

C’est aussi le ministère de toutes les vulnérabilités, du premier au dernier jour de nos vies, et je souhaite que cette manière de voir les choses nous amène à dépasser l’approche en silos, trop souvent présente dans notre pays. Il faut accompagner les personnes de manière globale.

L’ensemble des chantiers que je vais porter doit répondre à un triple objectif, mais aussi à une double urgence.

Le premier objectif, c’est d’adapter notre système aux besoins sociaux d’aujourd’hui – les familles monoparentales, la grande pauvreté ou encore le vieillissement de la population.

Le deuxième, c’est la réduction des inégalités de destin dès la naissance et tout au long de la vie pour aller vers une société réellement inclusive.

Le troisième, c’est de contribuer à la société du plein emploi. Il ne faut pas opposer l’économie et le social ; les deux fonctionnent ensemble et s’alimentent. D’ailleurs, le secteur médico-social est le quatrième secteur d’activité pourvoyeur d’emplois dans notre pays, ce qui doit nous motiver encore plus pour travailler à l’attractivité de ses métiers.

La double urgence, c’est celle du quotidien et celle d’anticiper les grandes transitions démographiques et écologiques pour mieux accompagner les populations. Notre mission est de protéger nos concitoyens les plus vulnérables face aux crises climatiques, sociales ou économiques. Nous avons répondu à cette première urgence du quotidien dès cet été avec, par exemple, la revalorisation des minima sociaux et l’allocation exceptionnelle de solidarité qui a été distribuée le 15 septembre à 11 millions de familles.

Le périmètre de mon ministère couvre donc tous les âges de la vie et il devra s’attacher à la performance de notre modèle de protection sociale et à l’inclusivité de notre société.

Concernant le début de la vie, nous allons nous atteler, dans la suite du travail entrepris par Adrien Taquet, en particulier la politique des 1 000 premiers jours, à la question du bien grandir.

La priorité du soutien aux familles se traduit directement dans le PLFSS par une hausse du budget de la branche famille de près de 1,6 milliard d’euros et par deux objectifs : favoriser l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ainsi que contribuer à la société du plein emploi, en développant l’accès à un mode de garde pour les jeunes enfants et continuer à lutter contre les inégalités de destin, en intervenant dès la petite enfance et en soutenant les familles les plus fragiles.

Pour cela, nous engageons une réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG), d’une part en révisant son barème pour permettre aux familles qui n’ont pas de place en crèche de faire garder leurs enfants au même coût par une assistante maternelle ou une garde à domicile, d’autre part en allongeant, pour les familles monoparentales, son bénéfice aux enfants de 6 à 12 ans.

Comme vous le savez, la situation de famille monoparentale concerne, dans 90 % des cas, une femme et 30 % de ces femmes vivent sous le seuil de pauvreté. La mesure que nous proposons permettra de réduire le nombre de familles monoparentales qui vivent sous le seuil de pauvreté.

Nous avons également choisi d’augmenter de 50 % l’allocation de soutien familial (ASF) qui sera revalorisée de 123 à 185 euros par mois et par enfant.

La réforme du CMG s’inscrit aussi dans le cadre du lancement de la trajectoire qui nous permettra de créer 200 000 places d’accueil du jeune enfant d’ici à 2030. C’est évidemment une question très importante, en particulier pour les 160 000 parents qui, aujourd’hui, ne reprennent pas de travail faute de solution d’accueil pour leur enfant.

Nous posons ainsi la première pierre du service public de la petite enfance que le Président de la République souhaite que nous mettions en œuvre avec les collectivités locales, en particulier le bloc communal, et l’ensemble des acteurs du secteur autour de trois priorités : plus de solutions de qualité ; plus d’égalité d’accès sur le plan financier et sur l’ensemble du territoire pour répondre aux inégalités sociales et territoriales ; des réponses aux problèmes de pénurie de personnel.

Soutenir les familles, c’est aussi soutenir la parentalité et la conjugalité, mieux prévenir les conflits intrafamiliaux et les ruptures de liens familiaux. Cela est évidemment dans l’intérêt des enfants, mais aussi dans celui des parents, notamment des femmes, et dans celui de la collectivité dans son ensemble.

À l’autre bout de la vie se pose la question du bien vieillir dans un secteur en crise de confiance, confronté à la fois à l’inflation, en particulier à la flambée des prix de l’énergie, et au manque de personnel.

Nous avons déjà pris un certain nombre de mesures pour restaurer la confiance dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et soutenir la transformation du secteur. Le PLFSS pour 2023 prolongera les actions engagées au début de l’année par Brigitte Bourguignon. L’impact de l’inflation sera compensé par l’extension à l’ensemble des Ehpad du gel tarifaire sur l’énergie. Dans la continuité du Ségur, nous poursuivrons les revalorisations salariales. J’ai aussi annoncé l’extension de l’augmentation du point d’indice de la fonction publique à l’ensemble du secteur, en particulier aux établissements privés.

Dans le cadre du Conseil national de la refondation, nous allons travailler sur la question de la transition démographique autour de trois axes prioritaires : la prévention, la citoyenneté et le lien social, les métiers.

En ce qui concerne la prévention, il s’agit de retarder la perte d’autonomie et de permettre aux personnes âgées de vivre dans la cité. Nous faisons ainsi le choix de la vie à domicile. Cela se traduit déjà dans le PLFSS par la création de nouvelles places de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), la mise en place d’une tarification qui prenne mieux en compte le profil des bénéficiaires, la revalorisation du tarif plancher pour tenir compte de l’inflation et le financement de deux heures supplémentaires chaque semaine pour les 780 000 bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) à domicile. Ces deux heures supplémentaires seront dédiées à la convivialité et à la prévention, mais elles permettront aussi d’améliorer les conditions de travail des intervenants à domicile qui subissent trop souvent des temps partiels ou fractionnés.

Bien vivre à domicile nécessite souvent d’adapter les logements. Nous travaillons donc dès maintenant au déploiement à partir de 2024 de MaPrimeAdapt’ qui permettra d’adapter au moins 400 000 logements d’ici à 2027.

En ce qui concerne la citoyenneté et le lien social, nous devons garantir la participation des personnes âgées à la société et à l’élaboration des politiques publiques et nous devons lutter contre l’isolement social, un véritable fléau pour nos aînés.

En ce qui concerne les métiers, la rémunération n’est pas le seul élément d’attractivité sur lequel nous devons travailler ; nous devons aussi agir sur la qualité de vie au travail, la formation, les parcours professionnels, la valorisation des acquis de l’expérience, etc. Cela passe par des mesures d’urgence : ainsi, malgré les difficultés de recrutement dans le secteur, nous voulons montrer notre volontarisme et engager une dynamique, en prévoyant le financement à terme de 50 000 nouveaux postes dans les Ehpad, dont une partie est inscrite dans le PLFSS pour 2023.

Devons-nous passer par une loi sur le grand âge ? J’entends beaucoup de commentaires sur ce sujet… En ce qui me concerne, je crois que, avant de choisir un contenant, nous devons parler du contenu. Il existe en fait trois temps : nous devons d’abord prendre des mesures dans le PLFSS pour répondre aux problématiques actuelles et aux urgences que connaît le secteur médico-social ; nous devons ensuite poursuivre la transformation du secteur avec le virage domiciliaire et la modernisation des Ehpad ; nous devons enfin porter une ambition forte dans le cadre du Conseil national de la refondation, cette ambition pouvant aboutir le cas échéant à des mesures législatives.

Concernant les débats actuels sur la fin de vie, les discussions que nous allons avoir et auxquelles je participerai ne doivent pas être le symbole de l’échec d’une société qui ne saurait pas prendre soin des plus vulnérables et les accompagner. Les personnes vulnérables ne sont pas un poids pour la société, mais au contraire une richesse. Ces débats ont évidemment une dimension à la fois personnelle, intime et familiale, et collective ; ils touchent à la manière dont nous considérons la fragilité, la souffrance, la liberté et la mort, et ils concernent naturellement les soignants et les aidants. Nous devrons écouter la parole de chacun.

De manière générale, notre système de protection sociale, s’il est l’un des plus performants des pays de l’OCDE, est aujourd’hui complexe ; il favorise parfois la défiance, par son illisibilité, et ne facilite pas toujours le recours aux droits. C’est pourquoi nous devons le transformer, le moderniser, à partir d’objectifs partagés pour qu’il soit plus efficace, plus juste et mieux orienté vers l’insertion des personnes. Nous devons aller vers une solidarité « à la source », en simplifiant notre système, en ciblant les aides vers ceux qui en ont réellement besoin et en inscrivant celles-ci dans un véritable parcours d’insertion.

Dans le cadre de ma feuille de route, Mme la Première ministre m’a demandé d’aboutir au renouvellement du pacte de solidarité entre l’État, les collectivités locales et les acteurs de la solidarité d’ici à la fin de cette année. Nous allons ainsi engager le renouvellement de la stratégie de lutte contre la pauvreté. J’ai déjà réuni les acteurs concernés et commencé les consultations en ce sens.

Un autre de mes objectifs est de réussir la transition écologique et solidaire. Nous devons accompagner les personnes les plus vulnérables dans ce sens, en travaillant notamment sur les trois principaux postes de dépenses contraintes des ménages : le logement, la mobilité et l’alimentation. Nous devons ainsi lutter contre la précarité énergétique, faciliter la rénovation des passoires thermiques et déployer à grande échelle des solutions solidaires de mobilité. En ce qui concerne l’alimentation, les débats sur le projet de loi de finances rectificative voté cet été ont permis de doubler les crédits de l’aide alimentaire et nous devons poursuivre les travaux sur le chèque alimentaire pour que les personnes précaires puissent avoir accès à une alimentation saine, durable et équilibrée. De manière générale, nous devons lutter contre l’obésité qui touche aujourd’hui 17 % de nos enfants.

Je sais que vous allez auditionner Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des personnes handicapées, mais je veux quand même vous dire quelques mots sur ce sujet. Le PLFSS pour 2023 respecte scrupuleusement les engagements pris lors de la dernière Conférence nationale du handicap : 700 millions d’euros supplémentaires seront consacrés au développement de l’offre médico-sociale, ainsi qu’à la détection précoce et à l’accompagnement des troubles du spectre autistique et du polyhandicap ou de ceux des personnes âgées vieillissantes. Nous devons aussi mieux articuler l’école et le secteur médico-social en faveur de l’inclusion. Nous devons renouveler la stratégie de l’autisme et des troubles du neurodéveloppement qui s’achève à la fin de cette année. Des concertations vont évidemment avoir lieu sur tous ces sujets et un comité interministériel se réunira début octobre pour préparer une grande conférence du handicap pour février 2023.

En conclusion, j’aborderai deux sujets transverses indispensables pour conduire cette feuille de route : d’une part, la richesse humaine, c’est-à-dire les femmes et les hommes qui s’engagent pour mettre en œuvre la transformation de ces politiques publiques – pour sortir de la crise actuelle des vocations dans le secteur et retrouver une dynamique plus pérenne et plus structurelle, il faut en finir avec l’approche cloisonnée que nous avions jusqu’à présent – ; d’autre part, la confiance dans notre système, fragilisé par la fraude, mais aussi par la maltraitance, question majeure trop longtemps mise sous le tapis – j’ai d’ailleurs annoncé la semaine dernière la saisine du Haut Conseil de la santé publique, celle de la Conférence nationale de santé et celle de l’IGAS à cette fin, et une grande stratégie sera décidée ici à la fin de l’année.

J’aurai à cœur de rendre régulièrement des comptes sur l’avancée de cette feuille de route et la mesure de son impact. Il y va de la crédibilité de nos politiques publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

présidente. – Bon courage pour cette feuille de route ambitieuse !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

rapporteur pour la branche autonomie. – Monsieur le ministre, vous n’avez pas évoqué la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Pouvez-vous nous confirmer que le décret sera bien publié à la mi-décembre ?

Toujours dans le domaine du handicap, la rentrée scolaire a eu lieu et, conformément aux engagements pris par le Gouvernement, de nouveaux postes d’AESH ont été créés. Dans le même temps, nous constatons une désorganisation importante sur le territoire national : des besoins ne sont aujourd’hui pas pourvus et des familles sont dans l’attente. Qu’allez-vous faire ? Il y a urgence !

Sur l’automatisation du versement à la source des prestations sociales pour lutter contre le non-recours, quel est le calendrier ? Comment est-ce financé, puisque cela entraînera nécessairement des dépenses supplémentaires ?

Par ailleurs, confirmez-vous que les contrôles concerneront l’ensemble des groupes gestionnaires d’Ehpad et pas seulement les établissements eux-mêmes ? Concernant le dossier Orpéa, le montant à récupérer a été fixé à 56 millions d’euros, mais Orpéa a annoncé qu’il ne paierait pas une telle somme. Comment allez-vous faire ?

Comment comptez-vous articuler le PLFSS que nous voterons prochainement, la concertation sur le grand âge qui aura lieu au début de l’année prochaine, la Conférence nationale du handicap (CNH), alors même que nous attendons une loi Grand Âge ? Le monde du handicap est assez mécontent – une partie est d’ailleurs dans la rue aujourd’hui –, considérant que les moyens financiers ne sont pas là et qu’il n’y a pas de réforme. Ce PLFSS s’inscrit dans une continuité a minima des engagements du comité interministériel. Où en est-on au regard des enjeux globaux – structures, personnel, attractivité des métiers – et surtout des annonces faites au moment de l’élection présidentielle ?

Je terminerai par un petit clin d’œil : il y a quelques semaines, vous étiez de l’autre côté de la barrière et souhaitiez fortement que l’on avance sur le volet grand âge et autonomie ; aujourd’hui, j’entends votre calendrier. L’échéance du printemps 2023 sera-t-elle tenue ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

rapporteur pour la branche famille. – L’accueil du jeune enfant est une question clef de notre société. Cela a des incidences en termes de natalité, de renouvellement des générations. Voulons-nous suivre le sillage de pays à la démographie déclinante comme le Japon ? Pour faire le lien avec d’autres questions déjà évoquées, la mauvaise conciliation entre vie professionnelle et vie familiale peut être un frein au retour à l’emploi des allocataires du RSA. Dans les foyers monoparentaux, qui plus est quand il s’agit de femmes seules, la question de la garde d’enfants revient souvent.

Se pose donc la question de la structuration du service public de la petite enfance et donc celle du financement et de la complexité de l’articulation entre la prestation de service unique (PSU) et la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje). Vous avez également engagé une réflexion sur la maltraitance en établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE) après les drames tragiques que nous avons en tête. L’amélioration des conditions d’accueil se pose alors que la pénurie de professionnels dans la petite enfance se trouve parmi les sujets brûlants de votre ministère. Il y a un équilibre difficile à trouver entre les financements, la qualité et les objectifs quantitatifs.

Le nombre de places en EAJE est en effet une question centrale pour notre société. Il faut retrouver le souffle des années 2000 en matière de création de places en crèche tant au niveau de l’impulsion nationale qu’au niveau du bloc communal.

En définitive, comment comptez-vous associer le Parlement à ces questions ? L’amorce de la réforme, sous la précédente législature, a été adoptée par ordonnance, à notre grand désarroi.

Enfin, quid de la réforme du calcul du CMG « emploi direct » prévu dans le PLFSS ? Cette réforme pourrait s’avérait perdante pour certaines familles. Avez-vous une estimation du nombre de familles concernées ? Avez-vous envisagé d’éventuelles compensations ?

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Combe, ministre

– Monsieur Mouiller, je vous confirme que le décret relatif à la mise en œuvre de la déconjugalisation de l’AAH sera signé au plus tard au mois de décembre. Je fais même tout pour qu’il le soit avant.

Concernant la rentrée scolaire, vous avez raison de dire que le nombre de postes d’AESH a une nouvelle fois augmenté : il atteint 125 000. Ainsi, 430 000 enfants sont scolarisés. Certes, des besoins restent non couverts, ce qui est un drame pour les familles concernées. Nous avons mis en place pour cette rentrée un canal de communication avec les familles qui n’avaient pas de solution. Dans une perspective de plus long terme, la Première ministre s’est engagée à ce que la question de l’école inclusive fasse l’objet d’une nouvelle dynamique, dans un acte II de l’école inclusive : cela fera l’objet de discussions dans le cadre de la Conférence nationale du handicap de février 2023. Il faut savoir si les ressources sont aujourd’hui suffisantes pour continuer à scolariser les enfants en situation de handicap, évaluer les dispositifs d’accompagnement et voir si l’on ne peut pas faire un peu évoluer le système.

La solidarité à la source est un projet de quinquennat. Nous en examinons les contours et envisageons un premier périmètre regroupant un panier de prestations – RSA, prime d’activité, aide au logement –, ce qui couvre à peu près 90 % des bénéficiaires des prestations sociales dans notre pays. Ce projet inclut plusieurs étapes, la première pouvant être la simplification et le préremplissage des formulaires de demandes de prestations, dans une démarche de « aller vers » ; cela permettrait également de lutter contre la fraude, en sécurisant le renseignement des formulaires de demandes de prestations.

Je vous confirme que les mesures incluses dans le PLFSS visent bien à donner aux inspections des moyens de contrôle des sièges des groupes, quelle que soit la nature de ces derniers, conformément aux recommandations du rapport d’information de vos collègues Bernard Bonne et Michelle Meunier.

Des discussions sont aujourd’hui en cours entre la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et Orpéa. Je tiens à ce que l’État ait une position très ferme dans cette affaire : un titre de recette de 56 millions d’euros a été émis et nous ne sommes pas dans une posture de transaction.

Nous présentons un PLFSS d’urgence, de fin de cycle structurel sur les grandes politiques. C’est pourquoi nous laissons le temps à la concertation sur le handicap avec la préparation de la future CNH et sur le bien vieillir avec le Conseil national de la refondation (CNR). Il faudra bien évidemment croiser les travaux, puisque l’autonomie concerne à la fois les personnes âgées et les personnes en situation de handicap. Nous prenons le temps de la réflexion et cela devrait se traduire soit dans les textes financiers de l’automne 2023, soit dans des véhicules législatifs ou réglementaires. Sur le bien vieillir, l’objectif qui m’a été fixé dans ma feuille de route est d’aboutir au plus tard au printemps 2023.

Monsieur Henno, le projet de service public de la petite enfance témoigne d’une ambition majeure, qui se trouve au carrefour des politiques de natalité, de plein emploi et de la promotion de l’égalité homme-femme. Le PLFSS contient de premières mesures sur la réforme du CMG. Des discussions sont également prévues dans le cadre de la renégociation de la convention d’objectifs et de gestion de la CNAF. Nous ouvrirons cet automne une concertation avec les acteurs de la petite enfance et nous avons monté un comité de filière pour traiter notamment de la question de l’attractivité des professions de la petite enfance. Ils seront mis à contribution pour la création du service public de la petite enfance. Nous ouvrirons également une concertation avec les collectivités : une des difficultés principales s’avère la répartition des compétences entre l’État, la branche famille, les départements qui exercent les contrôles et les communes ou intercommunalités qui développent l’offre sur les territoires. Pourquoi ne pas envisager pour le bloc communal une compétence obligatoire sur le développement de places d’accueil du jeune enfant ? Cela a été par exemple proposé par un rapport du Comité économique, social et environnemental.

M. Xavier Iacovelli. – La part des familles monoparentales atteint plus de 25 % aujourd’hui. Dans plus de 80 % des cas, c’est la mère qui élève seule un ou plusieurs enfants. Qui plus est, la plupart des familles monoparentales vivent dans un logement dit surpeuplé où il manque au moins une pièce, ce qui a des conséquences directes sur le développement et la scolarité des enfants. Par ailleurs, ces enfants sont deux fois plus touchés par la pauvreté que l’ensemble des enfants.

Face à ce constat alarmant, vous avez annoncé la révision de plusieurs aides financières concernant la garde d’enfant et la revalorisation de l’allocation de soutien familial (ASF). Pouvez-vous nous préciser la nature de ces révisions, leur impact concret pour les familles et le nombre de familles concernées ?

Il existe aujourd’hui un certain nombre de numéros d’urgence concernant les enfants. Ne pensez-vous pas que nous pourrions faire plus simple et créer un numéro d’urgence spécifique à l’enfance – le 119 étant le plus représentatif et celui qui fonctionne mieux ?

J’en viens à la revalorisation de 183 euros pour le secteur médico-social prévue par le Ségur 3. Dispose-t-on un premier bilan de ce versement par les départements, puisqu’il semblerait que tous n’aient pas joué le jeu ?

M. Daniel Chasseing. – De nombreux maires regrettent le nombre insuffisant d’AESH, même si les effectifs ont augmenté ; qui plus est, ces personnels sont insuffisamment payés.

Dans la mesure où les personnes âgées souhaitent rester à domicile, l’augmentation du nombre de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) va dans le bon sens, mais il faut également adapter les logements. Le président de la République a souhaité dans son programme créer 50 000 emplois pour les Ehpad, ce qui correspond à environ cinq emplois par établissement. Il faut également augmenter le nombre d’Ehpad, puisque la dépendance est appelée à augmenter de façon très importante. Quid du financement de la cinquième branche de l’assurance maladie pour prendre en charge le plan Grand Âge, qui doit s’accompagner d’un plan massif de création d’emplois d’aide-soignants et d’infirmiers ?

M. Abdallah Hassani. – Comment cette feuille de route sera-t-elle déclinée dans les outre-mer ?

Mme Laurence Cohen. – La loi Grand Âge est une Arlésienne ! Nous sommes là face à un problème de société : quelle société peut-on construire pour vieillir ensemble et en bonne santé le plus longtemps possible ? On ne peut pas remettre ce dossier toujours à demain. Dans le département du Val-de-Marne, mais cela se retrouve ailleurs, la situation de la filière gériatrique dans les hôpitaux et dans les Ephad est catastrophique : réduction du nombre de lits, dégradation des conditions de travail, mainmise du privé avec sa vision lucrative dont on a vu les dégâts…

Vous annoncez la création de 50 000 emplois, alors que les besoins sont évalués à 100 000 emplois par an pendant trois ans ! Cela suppose également de la formation, des salaires à la hauteur, de la reconnaissance. Ce métier n’est absolument pas reconnu, ce qui entraîne une perte de sens. Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation ?

Vous parlez à juste titre d’une école inclusive, mais, pour que cela ne reste pas un slogan, il faut des moyens à la fois humains et financiers. Or les AESH sont en nombre insuffisant et, là encore, elles n’ont pas de formation suffisante et ont des horaires plus que hachés. Le candidat Emmanuel Macron s’est engagé sur la contractualisation des AESH à hauteur de 35 heures. Où en est-on ?

La stratégie nationale de mobilisation et de soutien Agir pour les aidants s’achève en 2022. Il reste de nombreux points à améliorer pour une meilleure prise en compte des aidants, notamment pour préserver leur santé, lutter contre l’isolement social et la précarité, développer l’offre de relais et améliorer la conciliation entre vie personnelle, vie familiale et vie professionnelle. Que comptez-vous mettre en œuvre pour améliorer la situation des aidants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

rapporteure générale. – Face à ces chantiers qui ne manquent pas, monsieur le ministre, si vous ne voulez pas avoir besoin d’un casque de protection, il va falloir adapter la méthode ! Il convient de tirer les leçons des différents Ségur : comme beaucoup de parlementaires, je continue d’être inondée de courriers de professionnels du secteur médico-social ou social qui se demandent quand ils pourront bénéficier d’une revalorisation de leur salaire. Augmenter les salaires était la chose à faire, mais, dans ce dossier, c’est la méthode qui a fait défaut : il aurait fallu annoncer le calendrier des revalorisations et ne pas mettre en concurrence ceux qui exercent le même métier selon leur statut ou leur lieu de travail. Cela a suscité beaucoup de frustrations et un fort sentiment d’injustice.

Le secteur de l’accueil familial des personnes âgées est en difficulté : les départements ont de plus en plus de mal à recruter, car ces professionnels ne sont pas suffisamment rémunérés.

Il faut également travailler sur la difficulté que rencontrent les assistantes maternelles lorsqu’elles ne sont pas payées par leurs employeurs : il est très complexe d’obtenir des indemnités pour remplacer le salaire impayé et elles peuvent se retrouver en précarité.

Vous avez indiqué que, dans le cadre du PLFSS, deux heures supplémentaires seront proposées pour sortir de la précarité ces métiers de l’accompagnement au domicile. Quand on a augmenté les salaires des aides à domicile, on a souvent baissé le nombre d’heures prévues dans les plans d’aide, ce qui n’a pas été sans conséquence pour les familles. D’ailleurs, comment comptez-vous financer cette mesure avec les départements ?

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Combe, ministre

– Monsieur Iacovelli, merci d’avoir souligné l’ambition des mesures de ce PLFSS notamment à l’adresse des familles monoparentales. L’objectif, c’est de faire reculer de plus deux points le taux de pauvreté de ces familles, pour que les femmes n’aient plus à choisir entre vie maternelle et vie professionnelle. Nous avons envisagé un certain nombre de cas types : ainsi, une mère célibataire qui gagne 1 300 euros par mois et qui place ses deux enfants trente heures par mois chez une assistante maternelle bénéficiera d’une aide mensuelle de 108 euros grâce à la réforme du CMG. Celle-ci concernera environ 840 000 familles. Nous avons pour intention de linéariser le barème pour éviter les effets de seuil. Nous veillerons également à tous les cas dits atypiques et ferons en sorte qu’il y ait le moins de perdants possible.

Il y a bien un enjeu de simplification des numéros d’urgence, que nous aborderons dans le cadre de la stratégie de lutte contre la maltraitance, mais qui concerne plus spécifiquement la secrétaire d’État Charlotte Caubel.

M. Xavier Iacovelli. – Mais quel est votre avis personnel sur ce point ?

– Je crois qu’il faut, de façon générale, une simplification des numéros d’urgence, d’autant que nous savons faire aujourd’hui des aiguillages et des routages en fonction de la nature des appels.

Sur la question des revalorisations du secteur médico-social, un certain nombre de départements ne jouent en effet pas le jeu. Je rappelle que le dernier accord date du mois de juin dernier et fait suite à la conférence des métiers du 18 février ; un comité des financeurs sera organisé au mois d’octobre prochain avec les départements, pour voir si toutes les parties ont tenu leurs engagements : par exemple, pour l’État, les compensations liées à l’avenant 43. Ce comité sera également l’occasion de revoir la relation État-départements pour ce qui concerne le financement de ces politiques publiques, dans un objectif de simplification.

Monsieur Chassaing, le nombre d’AESH a augmenté. La feuille de route prévoit de travailler sur leur statut, de revoir leurs conditions de travail pour pouvoir leur offrir des temps complets en CDI, de travailler sur les ruptures de parcours entre temps scolaire et périscolaire.

Je vous confirme que nous tiendrons le cap des 50 000 recrutements en Ehpad. Le problème aujourd’hui, c’est plutôt l’attractivité des métiers et notre capacité à former et recruter des professionnels. Il faudra à l’avenir une programmation des finances publiques qui intègre aussi la montée en charge liée à la transition démographique. Cette année, 1,5 milliard d’euros sont injectés dans la politique en faveur de l’autonomie ; l’année prochaine, la branche bénéficiera d’un morceau de contribution sociale généralisée (CSG) complémentaire de 0,15 point qui devrait rapporter plus de 2 milliards d’euros.

Monsieur Hassani, nous travaillerons avec le ministre des outre-mer à la déclinaison de cette feuille de route dans les territoires ultramarins, dont la spécificité sera prise en compte – Mayotte, ce n’est pas la Martinique ! –, même si des points communs existent : taux de pauvreté et de chômage plus forts, retards en termes d’équipements médico-sociaux, transition démographique accélérée… Dans quinze ans, la Martinique sera le département le plus âgé de France.

Madame Cohen, vous craignez que la loi Grand Âge n’arrive jamais. Pourtant, ma feuille de route est très claire et j’en ai décrit la temporalité tout à l’heure. Nous ne méconnaissons pas l’urgence de la situation, mais on ne peut pas dire que rien n’a été fait ! Le secteur de la santé, c’est 12 milliards d’euros ; sur l’autonomie, c’est 3,5 milliards d’euros en année pleine. Il s’agit donc d’un effort considérable, qui se traduit par 15 % d’augmentation pour une infirmière diplômée d’État. Certes, on ne pourra pas rattraper en une fois le retard de rémunération, il faut inscrire cette dynamique dans le temps et faire en sorte qu’elle soit soutenable pour les finances publiques.

Qui plus est, la question salariale n’épuise pas celle de l’attractivité de ces métiers. De ce point de vue, il faut apprendre à parler de façon plus positive de ces métiers pour donner envie aux jeunes de s’engager. La valorisation de ces professions est indispensable. C’est pourquoi nous finançons un certain nombre de campagnes de communication.

La stratégie de mobilisation et de soutien aux aidants arrive à son terme et nous en élaborerons une nouvelle dans les prochains mois.

Madame Doineau, pour avoir été de l’autre côté de la barrière, je vous confirme que la méthode Ségur n’est pas la bonne ! Elle a créé beaucoup de tensions dans les établissements et a surtout montré notre incapacité collective à piloter des politiques très complexes, qui dépendent de canaux de financement très différents. Qui plus est, l’État n’a pas forcément une vision transversale de tous les opérateurs qui constituent l’écosystème social et médico-social. De mon point de vue, il faut remettre en place une gouvernance transversale et avoir une approche globale quand il s’agit de missions d’intérêt général financées par l’argent public.

Il ne faut pas que les personnels techniques et administratifs des établissements s’attendent à recevoir 183 euros de la part de l’État et je renvoie les employeurs à leur responsabilité. Le Ségur de la santé, qui répondait à une urgence et à un besoin de reconnaissance dans un moment difficile, a dévoyé notre fonctionnement collectif et il faut revenir un système durable et sain, celui des négociations salariales.

Je place beaucoup d’espoir dans la création de la convention collective unique étendue de branche du secteur privé non lucratif.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

rapporteur. – Courage !

M. Xavier Iacovelli. – Cela prendra du temps !

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Combe, ministre

– Il faut mettre en place une gouvernance et l’État et les départements doivent prévoir un pilotage économique. Qui plus est, il faut inclure tout ce qui est relatif à l’aide à domicile dans cette dynamique, car il existe une concurrence dans les départements entre le domicile, le médico-social et l’hôpital.

Aujourd’hui, la CNSA ne finance pas seulement l’APA et la PCH, elle intervient aussi dans l’aide à domicile via le complément qualité et la revalorisation salariale issue de l’avenant 43. Elle sera peut-être le canal pour financer les deux heures supplémentaires.

Mme Jocelyne Guidez. – Quand un enfant handicapé est en maison d’accueil, le transport est remboursé à 100 %. Quand cet enfant devient adulte, il doit changer d’établissement et n’en trouve pas nécessairement un dans son département. Dans ce cas, il n’est plus question de remboursement : seul un forfait d’environ 200 euros est prévu, et ce sont par conséquent les aidants qui prennent en charge les allers-retours. Je connais une famille qui fait 380 kilomètres chaque week-end pour aller chercher son enfant handicapé…

Il faut donc revoir la question des transports, travail qui n’a toujours pas été fait. Où en est-on ?

Mme Corinne Féret. – J’interviens au nom de Monique Lubin, qui n’a pas pu rester jusqu’à maintenant. Monsieur le ministre, vous avez dit que la loi Grand Âge suscitait des débats et qu’il fallait d’abord s’entendre sur son contenu. Pourtant, nous avons maintenant une idée assez précise des besoins !

Avez-vous conscience de l’exaspération qui est en train de prendre le pas sur l’attente dans les territoires et dans les familles ? Cette loi est bien une Arlésienne ! Elle a été annoncée sous le précédent quinquennat et elle est attendue depuis. C’est un véritable sujet sociétal : comment accompagner les personnes âgées ? Comment la société intègre-t-elle cette population ? L’attente est très grande et concerne les personnels, les structures d’accueil, les familles, les aidants, mais aussi les élus, qui imaginent souvent des solutions dans leur commune.

Un certain nombre de choses ont été faites, la cinquième branche a même été créée, mais nous attendons toujours cette grande loi et pas seulement des mesures au détour de PLF, de PLFSS ou du Ségur. La loi est le bon niveau de réponse.

Mme Victoire Jasmin. – Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur la situation des structures associatives qui prennent en charge les personnes en situation de handicap, particulièrement celles qui ont des troubles autistiques. Elles ont des budgets contraints, on leur demande de plus en plus de mettre en place des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM).

Je m’associe à la question relative aux transports des personnes en situation de handicap, qui s’est posée singulièrement en outre-mer. S’il faut en discuter davantage avec vous, j’y suis prête.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

rapporteur pour la branche vieillesse. – Monsieur le ministre, vous faites beaucoup d’annonces. Attention à ce que les départements n’aient pas l’impression que vous faites de la politique sur leur dos !

Il n’est qu’à prendre l’exemple des deux heures de convivialité. Il faut savoir que les départements qui gèrent l’APA perçoivent une dotation, mais que leurs dépenses sont bien sûr beaucoup plus importantes que les recettes. Qui plus est, l’APA à domicile coûte plus cher que l’APA en hébergement. Par conséquent, l’augmentation du coût de l’heure a conduit à une diminution du nombre d’heures sur le territoire. Tout cela doit être pris en compte pour pouvoir améliorer le dispositif.

Il en est de même pour le RSA. La solidarité à la source me paraît tout à fait intéressante, notamment pour lutter contre le non-recours. Le Sénat a produit un rapport d’information sur l’unification du recouvrement social, notamment le recouvrement des cotisations par les Urssaf : le système n’est pas d’une fiabilité exceptionnelle ! La situation est telle qu’aujourd’hui cela risquerait de générer plus d’indus qu’autre chose. Il faudrait en effet des données nominatives, alors que l’Urssaf travaille davantage sur des données agrégées. Pour le calcul, il faut tenir compte à la fois des revenus du travail et des revenus de la solidarité.

Par ailleurs, il faut prévoir des devoirs en contrepartie des droits. Je sais ce que vous partagez ce point de vue, monsieur le ministre. C’est ainsi que l’on unira la société. En outre, comme cela coûtera nécessairement plus cher, cela pénalisera également les finances des départements. On risque l’asphyxie complète !

Mme Laurence Rossignol. – Deux points positifs, monsieur le ministre : l’augmentation de 50 % de l’ASF dès le budget 2023 et la prolongation du CMG jusqu’à l’âge de douze ans. Ce sont de très bonnes nouvelles, puisque la question de la garde d’enfants pèse lourdement sur les familles monoparentales.

Dans la même veine, je vous invite à réfléchir à la déconjugalisation de l’allocation de soutien familial et à vous pencher sur une proposition de loi discutée au Sénat, mais qui n’a malheureusement pas été adoptée, relative à la suspension de l’allocation de soutien familial en cas de reprise d’une relation amoureuse par la mère. La situation actuelle est pénalisante pour la remise en couple des femmes.

Votre engagement relatif aux 200 000 places d’accueil mode de garde est très ambitieux, mais je n’ai pas bien identifié les moyens. Dans le quinquennat précédent, l’engagement était beaucoup plus modeste, de l’ordre de 30 000, et n’a pas été atteint. Cette mesure coûterait entre 1,6 et 2 milliards d’euros par an ; or cette somme ne figure pas dans le budget 2023, c’est qui signifie qu’elle est d’emblée reportée.

Par ailleurs, depuis quelques années, les places de crèche créées l’ont été essentiellement par des structures privées à but lucratif. On se demande toujours comment certains arrivent à dégager des bénéfices alors que les autres n’y arrivent pas… Il ne faudrait pas que ce que nous avons connu dans d’autres domaines du secteur médico-social touche un jour les crèches.

Vous avez annoncé une grande réflexion sur le service public de la petite enfance, avec éventuellement une compétence obligatoire des communes en la matière. Le problème, ce n’est pas l’investissement, c’est le fonctionnement ! Quand on parle de 200 000 nouvelles places de crèches, c’est un transfert de charges énorme sur les communes.

Je soutiens l’idée d’un service public de la petite enfance, d’un droit opposable à une place en crèche, mais je suis perplexe sur les moyens mis en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

rapporteure pour la branche assurance maladie. – Les mesures que vous proposez ont un impact direct sur les conseils départementaux.

Aujourd’hui, les départements ayant la direction d’autonomie qui préparent le budget primitif pour 2023 prennent en compte l’inflation, l’impact du Ségur et de l’avenant 43. Ils subissent par ailleurs la pression des oubliés du Ségur, avec des revendications pour lesquelles il n’y aura pas de compensation, etc. Tout cela se chiffre en millions d’euros, malgré la compensation par l’État à travers la CNSA.

Vous évoquiez les départements qui ne joueraient pas le jeu aujourd’hui, mais il y a peut-être des départements qui ne pourront pas jouer le jeu demain.

Sur l’article 34 du PLFSS relatif aux deux heures supplémentaires, est-ce une façon de compenser la perte d’heures liée à l’augmentation du tarif pour des bénéficiaires de l’APA qui sont au maximum du plan d’aide ou est-ce, comme cela est annoncé, pour prévenir la perte d’autonomie, repérer des fragilités, bâtir du lien social ? Cette rédaction n’exclut-elle pas les bénéficiaires GIR 1 et GIR 2 ?

Vous avez prononcé le mot magique, la « coconstruction », qui était aussi très employé par votre prédécesseure : elle déclarait d’ailleurs, sur le projet de loi Grand Âge et Autonomie, que, lorsque l’État mettrait un euro, les départements devraient également mettre un euro. Partagez-vous cette logique ?

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Combe, ministre

– Concernant la question des transports, un groupe de travail a été mis en place par Sophie Cluzel et doit prochainement rendre ses conclusions.

Mme Annie Le Houerou. – Quelles conclusions comptez-vous tirer du rapport d’information de Bernard Bonne et Michelle Meunier ?

Par ailleurs, comment est envisagé le remboursement par Orpéa des sommes indûment perçues ?

– Nous avons bien conscience de l’attente que suscite la loi Grand Âge. La réflexion que nous menons ne se fait pas au mépris des travaux qui ont pu être conduits et des rapports qui ont été produits par l’ensemble des parlementaires. Certaines des réponses qu’ils apportent ont d’ores et déjà été inscrites dans ce projet de loi, mais nous voulons avoir une vision sociétale et inclure les citoyens dans ce débat sur le vieillissement et la place des aînés dans notre société. Nous souhaitons nous donner encore un temps de concertation. Il s’agit également de prioriser et de planifier la mise en œuvre de l’évolution de ces politiques publiques. Il y a également des questions qui tiennent aux financements et à la programmation.

Madame Jasmin, je connais bien la situation du monde associatif et des gestionnaires d’établissements, notamment dans le secteur du handicap. Dans ce PLFSS, nous essayons de répondre à des besoins immédiats : attractivité des métiers, impact de l’inflation… Ainsi, 440 millions d’euros de crédits supplémentaires seront délégués aux ARS pour soutenir les acteurs médico-sociaux. J’ai annoncé le gel des tarifs sur l’énergie pour les Ehpad, nous examinons s’il est possible de faire la même chose pour le secteur du handicap. Par ailleurs, nous reconduirons des crédits exceptionnels en 2023, à hauteur de 670 millions d’euros, pour soutenir les opérateurs du secteur de l’autonomie. Nous serons très attentifs à l’évolution de la situation.

Monsieur Savary, je partage tout à fait votre analyse et votre regard sur les risques. Je me suis engagé auprès de M. Sauvadet et l’Assemblée des départements de France à construire une nouvelle méthode de travail. Le comité des financeurs sera réuni dans quelques jours d’abord pour aborder les sujets urgents, ensuite pour évoquer la question de la relation entre l’État et les départements. Avant de prendre des décisions structurelles pour l’avenir, il faut trouver les bons canaux de financement.

Dans la trajectoire des finances publiques sont déjà inscrits des crédits de l’État pour compenser les coûts qu’engendrerait la mise en place de la solidarité à la source, notamment dans la lutte contre le non-recours. On ne peut pas nier la dynamique de la branche autonomie ; il faut trouver d’autres canaux de financement, par exemple le financement privé, la contribution des familles ou de nouvelles ressources. Je sais bien qu’aujourd’hui le financement des plans se fait davantage via les moyens de la CNSA qu’en fonction des besoins et des dépenses réels des conseils départementaux. Nous souhaitons inscrire un contrat de confiance.

Sur la philosophie du RSA, je me suis beaucoup exprimé sur l’articulation social-travail qu’il ne fallait pas opposer. Ce sera l’objectif de toutes nos politiques publiques. Le plan de lutte contre la pauvreté visera aussi à beaucoup mieux accompagner les bénéficiaires du RSA ou les personnes très exclues vers une reprise d’activité. Nous sommes tous choqués de constater un taux de chômage et un nombre de bénéficiaires du RSA aussi élevés dans un marché du travail extrêmement tendu. On parle d’attractivité des métiers, mais cela montre bien que notre système ne fonctionne pas si bien.

Madame Rossignol, je vous remercie pour votre soutien et vos compliments. Les mesures que nous prenons en faveur des familles monoparentales sont fortes ; elles étaient attendues.

J’entends votre remarque sur la perception de décalage entre l’ambition affichée des 200 000 places d’accueil et les réalités de terrain. Je précise de nouveau qu’il ne s’agira pas uniquement de places en crèche. Aujourd’hui, environ 60 % des places d’accueil sont fournies par des assistantes maternelles ou des modes de garde à domicile. La renégociation de la convention d’objectifs et de moyens de la branche famille sera l’occasion de mettre les choses en place. Nous devrons de toute façon discuter avec l’ensemble des acteurs concernés, en particulier les collectivités locales. J’ai du mal à voir comment nous pourrons atteindre les objectifs fixés sans confier cette responsabilité aux collectivités. L’offre d’accueil repose aujourd’hui uniquement, dans certains territoires, sur le secteur privé, ce qui n’est absolument pas souhaitable. Nous devons développer une offre diversifiée qui offre le choix aux familles afin d’assurer l’égalité, la qualité, l’accompagnement et la sécurité pour tous les enfants. Tout cela devra faire l’objet – je le répète – de discussions avec l’ensemble des acteurs du secteur et les familles.

Madame Imbert, en ce qui concerne les deux heures supplémentaires pour les bénéficiaires de l’APA à domicile, nous devons trouver un mécanisme coconstruit avec les départements pour qu’il s’agisse bien de deux heures supplémentaires. Cela concernera les personnes appartenant aux groupes iso-ressources (GIR) 1 à 4.

M. René-Paul Savary. – Si vous voulez vraiment accentuer les efforts sur la prévention, il faudra revoir cette dichotomie entre, d’une part, les GIR 1 à 4 et, d’autre part, les GIR 5 et 6.

– Madame Le Houerou, nous avons repris dans le PLFSS des propositions du rapport du Sénat pour renforcer de nouveau les mesures de contrôle sur les Ehpad : soumission à l’accord préalable des autorités de tarification de la possibilité pour un groupe de signer un CPOM ; limitation dans le temps de l’usage des excédents sur les financements publics afin qu’ils soient effectivement dépensés ; extension du pouvoir de contrôle des Agences régionales de santé (ARS) sur le siège d’un groupe gérant plusieurs Ehpad ; autorisation de recourir à des astreintes journalières, lorsqu’un organisme contrôlé ne transmet pas les documents demandés ; obligation de transmettre une comptabilité analytique attestée retraçant les flux financiers entre les établissements médico-sociaux et le groupe ; sanctions et astreintes affectées à la CNSA dès lors que les établissements concernés relèvent de l’objectif global de dépenses (OGD) ; récupération d’indus par la CNSA.

Enfin, en ce qui concerne le groupe Orpea qui conteste une partie des 56 millions d’euros qui lui sont réclamés, l’État sera très ferme au regard de la situation et du comportement de ce groupe.

La réunion est close à 18 h 15.

Cette audition a fait l’objet d’une captation vidéo vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat