Séance en hémicycle du 4 novembre 2010 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.

M. Yvon Collin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Marsin

Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée de l'outre-mer.

Madame la ministre, tout en affirmant la priorité du logement social outre-mer, la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM, a bouleversé les dispositifs de défiscalisation de la loi Girardin, notamment en programmant le tarissement du financement de la production de logements libres et intermédiaires.

Pour quel résultat aujourd’hui ? Un blocage total de la situation : en Guadeloupe, peu de logements construits en 2009 et 2010, l’activité du bâtiment et travaux publics en chute de plus de 35 % en deux ans, détruisant plus de 2 800 emplois et affectant plus de 5 000 familles, vingt-quatre plans sociaux en cours d’élaboration et plus de 20 000 demandeurs de logements sociaux en attente ! On assiste ainsi à l’agonie de la seule activité locale non délocalisable pourvoyeuse d’emplois et au naufrage certain de l’économie guadeloupéenne ! Le coup de rabot porté sur les niches fiscales risque d’aggraver encore la situation en 2011.

Cela ne peut plus continuer, madame la ministre ! Le Gouvernement doit débloquer de toute urgence la situation !

La procédure de défiscalisation est opaque, longue, sinueuse et périlleuse. C’est un véritable parcours du combattant pour les opérateurs immobiliers, qui espèrent obtenir l’avantage fiscal et la subvention prévue au titre de la ligne budgétaire unique, la LBU.

Ces opérateurs se retrouvent, d’une part, face à la complexité de la détermination de la base défiscalisable avec les nombreuses exclusions et, d’autre part, confrontés à la lenteur et au durcissement de la délivrance de l’agrément par Bercy, fragilisant ainsi leur santé financière et bloquant la construction de plus de 7 000 logements pour 2010 et 2011, dont 2 600 pour la seule Société immobilière de Guadeloupe.

Mais les incertitudes ne s’arrêtent pas là : le financement du logement social peut-il bénéficier à la fois de la défiscalisation prévue par la LODEOM et de la subvention prévue au titre de la LBU ? Votre circulaire du 1er juin 2010 n’a bien sûr pas clarifié la situation. Le recours à la LBU doit bien rester le socle du financement du logement social – et non un dispositif d’aubaine –, comme l’a souhaité le législateur en 2009.

Pour sortir la Guadeloupe de cette paralysie, il est urgent de prendre les bonnes décisions, madame la ministre, surtout en termes de clarification des règles du jeu et d’opérationnalité. Dès lors, que comptez-vous faire ?

En tout cas, agissez vite, car, vous le savez, les investissements se font maintenant, lors du dernier trimestre de l’année. L’inaction conduirait à reporter encore d’un an le lancement des programmes et à porter un coup fatal au logement social et à toute l’économie en outre-mer, rendant la relance plus longue et, surtout, plus chère, avec tous les risques, notamment sociaux, qui en découlent.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme la ministre chargée de l’outre-mer.

Debut de section - Permalien
Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Monsieur le sénateur Daniel Marsin, vous avez raison, la loi pour le développement économique des outre-mer a réorienté la défiscalisation du logement libre vers le logement social, et ce pour trois raisons.

Premièrement, le logement libre a incontestablement porté un préjudice à la construction de logements sociaux.

Deuxièmement, les prix se sont envolés, notamment le prix du foncier.

Troisièmement, on ne peut pas accepter de ne pas construire de logements sociaux, car cela reviendrait à priver nombre de nos compatriotes de conditions de vie décentes.

La circulaire du 1er juin 2010, dont vous avez fait état, ne remet nullement en cause le principe du financement cumulé de la ligne budgétaire unique et de la défiscalisation. Cette circulaire précise que nous pouvons financer les opérations avec trois sources de financement.

Première source, la ligne budgétaire unique, qui est le socle du financement du logement social en outre-mer. J’en veux pour preuve le nombre de dossiers beaucoup plus important en 2010, puisque l’enveloppe engagée aujourd’hui s’élève à 140 millions d’euros, à comparer aux 71 millions d’euros pour la période précédente.

La deuxième source de financement est la défiscalisation et sur ce point, compte tenu des besoins, M. le Premier ministre a souhaité que le coup de rabot de 10 % ne s’applique pas au logement social.

La troisième source de financement – c’est l’objet de votre question – est le cumul de la ligne budgétaire unique et de la défiscalisation. Si le cumul n’est pas interdit au regard de la loi, vous avez raison, l’application de ce cumul LBU plus défiscalisation ne peut être systématique parce qu’il serait contraire à la loi et à son esprit. Cette procédure doit rester exceptionnelle et ne doit pas permettre de financer des opérations de logements sociaux à 2 300 euros le mètre carré alors que, un an avant la défiscalisation, les bailleurs sociaux pouvaient le faire à 1 600 euros le mètre carré.

Nous sommes vigilants, mais pour autant j’ai bien conscience que les bailleurs sociaux ont aujourd’hui des difficultés compte tenu de la complexité du montage de ces opérations. Nous avons pris des mesures de simplification et nous les accompagnons pour que demain, en Guadeloupe, les opérations soient financées de manière juste et correspondant vraiment au coût des opérations.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Certaines dispositions de la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation sont entrées en vigueur le 1er novembre dernier.

Le Gouvernement avait proposé un texte très largement inspiré des différentes propositions de loi sur ce sujet. Je rappellerai simplement que j’avais déposé une proposition de loi dès 2006, puis une autre en novembre 2008, avec mes collègues Muguette Dini et Michel Mercier.

Quatre années se sont écoulées depuis ! Nous avons perdu quatre ans en quelque sorte… pendant lesquels la situation n’a cessé de se détériorer ! En effet, 2, 6 millions de Français sont surendettés et leur nombre a augmenté de 15 % entre septembre 2008 et septembre 2009.

Madame la ministre, je sais bien que sur ce sujet le Gouvernement est tiraillé entre deux impératifs : l’un moral, qui inconsciemment vous dicte de lutter de la manière la plus efficace possible contre le surendettement et, l’autre économique, qui vous incite à ne pas casser le moteur de la croissance poussé par la consommation, dont le crédit est l’un des carburants.

Nous sommes favorables au crédit à la consommation, mais tout à fait hostiles au laxisme dans sa distribution, qui plonge des emprunteurs dans la spirale infernale du surendettement et à des taux souvent prohibitifs.

Le texte ne résout cependant pas tous les problèmes.

Bien sûr, je me réjouis de l’entrée en vigueur de l’avertissement de la responsabilité de l’emprunteur sur les publicités proposant des crédits.

Cependant, je souhaite savoir dans quelle mesure vos décrets permettront de prévenir d’autres causes de la spirale du surendettement.

Que comptez-vous faire concernant les taux prohibitifs de certains crédits à la consommation, qui avoisinent ou dépassent parfois 20 %, alors que le marketing affiche « officiellement » des taux très bas, mais pour des sommes très limitées ?

Si la loi prévoit, pour les établissements prêteurs, l’obligation de consulter le fichier national qui recense les « emprunteurs défaillants », vos décrets peuvent-ils améliorer la responsabilisation des établissements prêteurs, sociétés de crédit, en les rendant directement caution des emprunts souscrits par un emprunteur figurant dans ce fichier ?

Je vous remercie de nous apporter des réponses qui permettront d’atténuer à l’avenir les difficultés des emprunteurs et de regagner leur confiance.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.

Debut de section - Permalien
Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur

Monsieur le sénateur, Mme Christine Lagarde m’a tout d’abord chargée de vous demander de bien vouloir l’excuser et de vous remercier de nouveau de vos contributions à l’élaboration de la loi de juillet portant réforme du crédit à la consommation, réforme rendue particulièrement nécessaire en raison de la crise.

Comme vous le savez, depuis cette semaine, depuis le lundi 1er novembre, les mesures de la loi destinées à accompagner les personnes surendettées sont applicables. La durée des plans de surendettement est réduite de dix ans à cinq ans. La durée d’inscription des personnes concernées au fichier des incidents de remboursement est réduite de dix ans à cinq ans et, dès lundi, ce sont 120 000 personnes qui sont sorties du fichier et qui vont pouvoir retrouver une situation normale.

Par ailleurs, la loi accélère les procédures de surendettement, procédures qui durent longtemps avec quel gâchis familial et social ! La Banque de France a désormais trois mois au lieu de six pour décider de l’orientation des dossiers et la durée de 95 % des procédures de rétablissement est réduite de dix-huit mois à six mois.

La loi suspend les voies d’exécution parce que la procédure de surendettement est une procédure non pas de harcèlement, mais bien au contraire de règlement des difficultés. Dans le même esprit, la loi impose aux banques d’assurer la continuité des services bancaires. Voilà une nouvelle étape.

Mais depuis le 1er septembre, vous le savez, monsieur le sénateur, la loi portant réforme du crédit à la consommation a encadré la publicité et le marketing, que vous avez cité. À partir du 1er mai prochain, la loi introduira des sécurités à l’entrée dans le crédit pour prévenir le surendettement dans l’esprit de responsabilisation que vous avez souhaité : les banques auront l’obligation de vérifier la solvabilité des candidats à l’emprunt ; les magasins auront l’obligation de proposer le choix entre un crédit renouvelable et un crédit amortissable et les mensualités sur un crédit amortissable devront obligatoirement comprendre un remboursement minimum en capital.

Avec ces mesures législatives et leurs décrets d’application, la loi Lagarde encadrera, en effet, le crédit à la consommation pour empêcher les abus et les excès sans pénaliser pour autant la consommation qui, comme vous l’avez rappelé, est l’un des moteurs de notre croissance et de la lutte pour l’emploi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le 30 juillet dernier, le Conseil constitutionnel a censuré un certain nombre de dispositions concernant la garde à vue dans notre pays.

Il y a trois semaines, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour le même motif.

Voilà quinze jours, la Cour de cassation a également jugé que notre procédure était illégale.

Aujourd’hui même, la Cour européenne des droits de l’homme vient de nouveau de condamner la France, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

… pour des violences commises sur un mineur lors d’une garde à vue qui, il est vrai, remonte à quelques années.

Pendant des années, la Chancellerie nous a expliqué qu’il n’y avait rien à voir et que, au fond, dans le meilleur des mondes, la garde à vue était tout à fait acceptable.

Madame le garde des sceaux, vous avez – je vous en rends hommage – proposé un nouveau texte que vous avez déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale. Je reconnais qu’il comporte des avancées, notamment le fait – paradoxal – de rétablir le droit au silence que la loi Perben II avait supprimé en 2004. Ce nouveau texte institue également le droit à l’assistance d’un avocat.

Pourtant, il me semble que vous réformez à regret et je voudrais vous en donner trois exemples.

Le premier est simple. Vous voulez diminuer le nombre de gardes à vue – 800 000 par an actuellement, soit 1 % de la population – …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

… et pour cela vous inventez une « garde à vue light » que vous dénommez pudiquement « audition libre ». Mais dans cette cure d’amaigrissement, la personne commence par perdre ses droits, notamment son droit à être assistée d’un avocat.

Deuxième exemple : qui peut être placé en garde à vue ? Vous nous proposez de placer en garde à vue seulement les suspects susceptibles d’une peine d’emprisonnement. Dans un rapport récent, le Sénat note que la plupart des pays sont plus réservés : en Allemagne, il faut au minimum six mois d’emprisonnement ; en Italie, trois ans ; en Espagne, cinq ans. S’il vous plaît, faites encore un effort pour relever ce seuil !

Troisième exemple, enfin, est-il normal que ceux qui risquent le plus soient ceux qui disposent du moins de droits ?

Bien entendu, il faut lutter contre la criminalité organisée et le terrorisme. Mais nous devons le faire en respectant les libertés fondamentales, comme nous y invitent les juridictions précitées.

Madame le garde des sceaux, ma question est simple : allez-vous faire évoluer ce texte pour éviter à la France d’être de nouveau condamnée ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur Anziani, il y a, d’un côté, des décisions que bien sûr je respecterai, qui sont celles du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, et, de l’autre, des décisions qu’il ne faut pas mal interpréter.

Je vous rappelle en particulier que la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme portait sur des conditions d’audition d’un témoin qui n’étaient effectivement pas acceptables mais pour lesquelles des textes ont déjà été adoptés. Cette condamnation concerne donc une situation juridique bien antérieure à la situation que nous connaissons actuellement.

Avant tout, il faut noter qu’un nouveau régime de la garde à vue doit être mis en place avant le 1er juillet prochain. À cet égard, j’ai d’ores et déjà déposé un projet de loi sur le bureau de l'Assemblée nationale, texte qui sera examiné ensuite par le Sénat.

À l’instar de tous les projets de loi que j’ai présentés, nous avons essayé de le rédiger le mieux possible, mais il fera l’objet de discussions et d’amendements ; comme d’habitude, je serai très ouverte aux amendements.

Pour autant, certains éléments très précis sont inscrits dans le texte que je propose, à savoir le droit au silence et le droit à l’assistance d’un avocat – que vous avez rappelés –, ainsi que les conditions de la détention, avec l’interdiction des fouilles intégrales. Ce droit à l’assistance d’un avocat constitue une grande avancée, puisque c’est une assistance continuelle. Il ne s’agit cependant pas d’augmenter le nombre de gardes à vue.

Le texte prévoit de recentrer la garde à vue sur son véritable rôle : faire avancer une enquête sans prendre le risque que la personne soupçonnée disparaisse ou fasse disparaître des preuves. C’est ce qui va nous permettre de réduire considérablement le nombre des gardes à vue, surtout si l’on tient compte du fait que les personnes ayant commis certaines infractions routières et étant placées en cellule de dégrisement ne feront plus l’objet d’une garde à vue.

Aux termes du texte proposé, une personne est placée en garde à vue lorsqu’il y a risque d’emprisonnement. C’est une logique. Le texte exclut donc toute garde à vue si la personne n’encourt pas une peine privative de liberté. Pour autant, faut-il aller plus loin, comme vous le suggérez, monsieur le sénateur ?

Cela signifierait que la mise en garde à vue serait impossible pour les auteurs d’un certain nombre d’infractions telles que des soupçons d’attouchement sexuel ou d’entrave syndicale, alors que l’on a précisément besoin, dans ces cas, de recueillir un certain nombre de renseignements pour mener l’enquête ! Je doute que ce soit cela que vous souhaitiez. Nous en discuterons.

De la même manière, il ne me semble pas absolument obligatoire de mettre en garde à vue, pendant douze heures, une jeune femme qui a volé un tube de rouge à lèvres dans un Monoprix. Ce délit très simple exige juste de recueillir quelques renseignements.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ma question s'adresse à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Le débat portant sur la réforme des retraites a, de toute évidence, montré que vos préférences allaient au MEDEF

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

À preuve : alors qu’elle a été adoptée par le Parlement, votre réforme montre que les salariés ont tout à perdre, tandis que le patronat et les hyper-riches ont tout à gagner puisqu’ils ont obtenu que celle-ci soit financée quasi exclusivement par les travailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Pendant que vous maintenez le gel des cotisations patronales, vous obligez les salariés à travailler jusqu’à 62 ans, et ce sans que le niveau des pensions soit revalorisé. Pis, avec les décotes, il baissera !

Pendant que vous permettez aux actionnaires de continuer à multiplier les dividendes qu’ils perçoivent, vous repoussez à 67 ans l’âge permettant à un salarié de bénéficier d’une carrière à taux plein, à condition qu’il puisse justifier de 41, 5 annuités de cotisations. Autant dire que c’est impossible !

Pendant que vous affirmez sauver les retraites par répartition, vous multipliez les mécanismes de retraite par capitalisation, comme l’exigeaient d’ailleurs les banques et les assurances, qui ne rêvent que d’une chose : mettre la main sur les 230 milliards d’euros de retraites que gère la sécurité sociale…

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

… et sur lesquels elles veulent tant spéculer !

Pendant que vous affirmiez de manière mensongère conserver la solidarité intergénérationnelle, votre majorité adoptait ici même, au Sénat, un amendement prévoyant un basculement prochain de notre système de retraite de répartition vers un système par points, qui n’obéit qu’à une règle : le chacun pour soi.

Ce double discours, nos concitoyens l’ont si bien compris que la mobilisation ne faiblit pas et la colère est grandissante. C’est d’autant plus vrai que le Président de la République lui-même a été contraint d’annoncer qu’il avait entendu les « inquiétudes, souvent légitimes exprimées sur la réforme des retraites » et qu’il prendrait « des initiatives le moment venu pour y répondre ».

Si les inquiétudes de nos concitoyens sont légitimes

Mme Janine Rozier manifeste son impatience.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

, c’est bien que les solutions que vous proposez ne le sont pas ! Dès lors, nous avons une proposition toute simple à vous faire : la non-promulgation de la loi

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Marques de satisfaction sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le Premier ministre, nos concitoyens vous enjoignent d’agir maintenant. Entendez-vous, comme ils le réclament, demander au Président de la République de ne pas promulguer la loi ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Madame la sénatrice, les Français ont tout à gagner à la réforme des retraites

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… parce que c’est le sauvetage du régime de retraite de tous les Français. Et il faut bien que tous les Français, selon leurs capacités, fassent un effort pour que ce sauvetage ait lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous pratiquez la langue de bois, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Ils doivent faire un effort sur l’âge et un effort financier, en contribuant plus au financement du régime de retraite. Ainsi, ceux qui gagnent plus participeront à hauteur de 4 milliards d’euros ; …

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… les entreprises financeront également la solidarité à l’intérieur de notre système de retraite pour un montant de 4 milliards d’euros.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Nous avons élaboré cette réforme ensemble, après des semaines de discussions, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mais non ! Vous allez devoir faire une nouvelle réforme !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. … au cours desquelles chacun a exposé ses propres idées, et vous y avez participé activement – je n’emploierai pas d’autre qualificatif ! –, avec beaucoup de sérieux.

Marques d’ironie sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… à un moment donné – et peut-être devrons-nous le faire régulièrement –, nous ne devons pas hésiter à modifier certaines règles qui régissent notre système de retraite. Tous les pays le font.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Pierre Signé

Si on les modifie, c’est que les règles ne sont pas bonnes !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Quand on vit plus longtemps, …

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… il est naturel de repousser l’âge de la retraite, car le système de retraite est le miroir de la vie.

Avec ce système de retraite que nous avons conçu, avec cette réforme telle que nous l’avons voulue, telle que le Président de la République l’a souhaitée et telle qu’elle a été portée par le Premier ministre, …

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. … nous avons voulu que l’on travaille un peu plus longtemps, tout en intégrant, dans le même temps, des droits nouveaux, tels que le droit à la pénibilité.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Nous avons voulu permettre aux personnes qui ont vécu des périodes professionnelles plus dures que les autres de pouvoir partir plus tôt à la retraite.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Nous avons fait en sorte de prolonger la loi Fillon sur ce que l’on appelle les « carrières longues », des dispositions étant d’ores et déjà inscrites dans la loi pour ceux qui ont commencé à travailler tôt, dispositions que vous n’aviez d’ailleurs pas votées ! Pourtant, il est juste de considérer qu’une personne ayant commencé à travailler avant dix-huit ans puisse partir plus tôt. Ainsi, ce sont 20 % des Français qui continueront à partir à 60 ans ou avant.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Cette réforme est profondément juste et elle l’est d’autant plus qu’elle sauve le régime de retraite par répartition.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Elle ne sauve rien du tout ! Vous avez déjà prévu une autre réforme en 2013 !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Il n’y a pas de capitalisation.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Le seul risque de la capitalisation serait de ne pas oser sauver le régime de retraite par répartition.

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

Mardi 2 novembre 2010 ont été signés les accords de Londres sur la défense entre la France et le Royaume-Uni.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Disons-le d’emblée, ces accords sont dans la logique des choses.

En effet, nos deux nations fournissent, à elles seules, l’essentiel de l’effort de défense européen. L’addition de nos deux budgets dédiés représente la moitié des dépenses militaires et les deux tiers des dépenses de recherche et de technologie. Nos deux nations sont les dernières en Europe à avoir la capacité et la volonté d’effectuer les missions militaires les plus exigeantes et d’en assumer le financement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

De plus, elles sont les seules à disposer d’une force de dissuasion nucléaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Je me félicite donc de ces accords, qui permettront la mutualisation de certains équipements et de certaines formations, ainsi qu’un partage des coûts de la recherche et du développement. C’est l’assurance d’une défense plus efficace sans le renoncement à notre souveraineté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

M. Jacques Gautier. Néanmoins, je m’interroge, ces accords doivent-ils être interprétés comme un coup d’arrêt à l’Europe de la défense, tirant ainsi les conséquences, reconnaissons-le, du faible engagement de nos autres partenaires ?

M. Didier Boulaud s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Ou bien, au contraire, et de façon paradoxale, est-ce une sorte de première application, grandeur nature, d’une coopération structurée permanente, un noyau dur d’États pilotes, que le traité de Lisbonne autorise désormais à aller de l’avant sans attendre l’accord de tous ? L’avenir le dira.

Quoi qu’il en soit, ces accords renforceront-ils, monsieur le ministre, la dissuasion nucléaire dont dispose chacun de nos pays ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

M. Jacques Gautier. Arriverons-nous, de ce fait, à avoir une position commune au sommet de l’OTAN, qui se tiendra à Lisbonne dans quelques jours et qui abordera notamment la question cruciale de la défense anti-missile balistique, « complément à la dissuasion », comme nous le défendons, ou « substitut à celle-ci », comme le souhaiteraient nos amis allemands ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Où est le temps où la France était indépendante ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Monsieur le sénateur, votre question étant très précise, je tenterai d’y répondre précisément.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Vous l’avez dit, il s’agit de deux pays amis, partenaires, alliés, européens, qui, ensemble, se sont rapprochés. Un tel rapprochement n’avait pas eu lieu depuis les accords de Saint-Malo.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Vous l’avez dit, le contexte est aujourd'hui fort différent. Cet accord est-il antieuropéen ? Pas pour la France ! Au contraire, c’est un rapprochement – je l’espère, plus tard, avec d’autres pays –, mais dans le sens de l’Europe.

Votre question concerne la dissuasion nucléaire. Il n’est pas question des autres accords qui concernaient, comme vous l’avez dit rapidement, un certain nombre d’activités qui sont essentielles et qui seront désormais complémentaires, dans le respect absolu, pour la dissuasion nucléaire comme pour ces activités militaires ou la recherche, de la souveraineté nationale. Il est évident qu’il n’y a pas d’automaticité à travailler ensemble.

Pour ce qui concerne la dissuasion nucléaire, vous avez souligné qu’il y avait deux domaines, un domaine d’exploration et un domaine de reproduction en laboratoire. Dans cette perspective, nous travaillerons avec les Britanniques sur le site de Valduc en France.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

En effet, c’est très important de le souligner.

De la même manière, pour ce qui concerne les technologies, notamment l’amélioration des ogives ou le tir de missiles en laboratoire, nous travaillerons ensemble en Grande-Bretagne à Aldermaston.

Vous m’avez très précisément demandé quelle sera l’attitude de la France et de la Grande-Bretagne à Lisbonne lors de la réunion de l’OTAN.

Dans une déclaration commune, sur laquelle nous avons longuement travaillé, les deux pays défendront l’idée selon laquelle l’OTAN devra rester une puissance collective nucléaire tant qu’il existera des dangers nucléaires.

Toutefois, il n’est pas question de substituer à cette dissuasion nucléaire quelque défense anti-missile que ce soit, au contraire. Ce dernier projet, comme vous l’avez très bien dit, monsieur le sénateur, doit être vécu comme un complément et non comme un remplacement de la dissuasion.

De toute façon, le désarmement se discute en dehors du cadre du traité de l’Atlantique Nord, dans d’autres enceintes.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie.

Il y a trois semaines, la direction américaine de l’entreprise Molex a décidé de déposer le bilan de sa filiale française

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Cette décision inadmissible, prise au mépris du droit français, s’accompagne mécaniquement du refus de continuer à financer le plan social, privant les 19 représentants du personnel de leur congé de reclassement et de leurs indemnités de licenciement et frustrant tous les autres salariés de leur formation, ce qui représente, de la part de Molex, un désengagement financier de l’ordre de cinq millions d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Or, la semaine dernière, nous avons appris avec stupeur et indignation – les mots sont faibles –, de la part de ceux-là mêmes qui, pendant de long mois, ont tenté de justifier, pour des raisons économiques, la fermeture du site de Villemur-sur-Tarn, une hausse du chiffre d’affaires de l’entreprise de 33 % sur un an, avec, à la clé, une augmentation de près de 15 % des dividendes versés aux actionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Un tel cynisme, car c’est le mot qui convient, a provoqué…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

… de vives réactions en Haute-Garonne, et c’est un département tout entier qui vous demande des comptes aujourd'hui, monsieur le ministre, car le Gouvernement a engagé sa responsabilité à travers la signature apposée par Mme Lagarde sur le plan social.

Par ailleurs, faut-il vous rappeler que, le 24 mars 2010, M. Woerth, nouveau ministre du travail, a autorisé, contrairement à la décision prise par l’inspection du travail, le licenciement pour motif économique de ces mêmes 19 représentants du personnel, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

… qui se trouvent aujourd’hui dans les plus grandes difficultés ? Vous avez donc, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, une dette morale et sociale imprescriptible à l’égard de ces 19 salariés.

Monsieur le ministre, les mesures que vous avez annoncées à Toulouse l’autre jour n’ont pas rassuré, et le mot est faible, ceux qui vous ont entendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Il est donc urgent et indispensable de répondre à deux questions.

Premièrement, que comptez-vous faire pour assurer la pérennité du plan social et des salaires ?

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

M. Jean-Jacques Mirassou. Deuxièmement, que comptez-vous faire, sur le plan pénal, pour contraindre les patrons voyous à respecter le droit français et à remettre les choses à l’endroit ?

Mme Odette Terrade applaudit

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

M. Jean-Jacques Mirassou. En effet, au moment où je vous parle, deux représentants du personnel sont convoqués dans les locaux de la police judiciaire à la suite d’une plainte déposée par les mêmes patrons voyous.

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C’est la criminalisation des syndicalistes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

M. Jean-Jacques Mirassou. Vous conviendrez avec moi, monsieur le ministre, que ce n’est pas le moindre des paradoxes.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Monsieur Mirassou, si je peux partager en partie votre indignation face à l’injustice dont sont victimes 19 salariés de Molex, je ne puis accepter les accusations que vous avez formulées, notamment en ce qui concerne la décision d’autoriser leur licenciement économique. Celle-ci, je vous le rappelle, a été prise par la Direction générale du travail qui, dans ce type d’affaires, se prononce ainsi dans 70 % des cas.

Pour le reste, comme vous le savez puisque je vous invite, depuis près d’un an, à participer à chacun des comités de pilotage que j’organise au sujet de l’avenir de Molex, je m’oppose, d'une part, à ce qu’un seul salarié soit laissé sur le bord du chemin et, d'autre part, à ce qu’on mette un terme à l’activité industrielle à Villemur-sur-Tarn, dans la région Midi-Pyrénées.

J’ai mené le combat au moment où l’on considérait qu’il n’y avait plus rien à faire. Nous avons obtenu que Molex France maintienne une petite partie de ses activités, à travers une société qui s’appelle Villemur-Industrie : le site, qui n’accueillait plus que 15 salariés, en emploie désormais près de 50. Ceux-ci sont soutenus par le Gouvernement, qui a aidé à la signature de nouveaux contrats pour l’entreprise.

Ensuite, un nouvel événement s’est produit : après que des salariés eurent déposé un recours devant les prud’hommes, ce qui était parfaitement leur droit, Molex États-Unis – et ce comportement est inacceptable – a mis sa filiale française en situation de cessation de paiement, comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, pour qu’elle ne puisse faire face à ses obligations à l’égard des 19 salariés protégés.

Si 264 salariés sur 283 ont d’ores et déjà touché la totalité de leurs indemnités, nous serons attentifs à ce que ces 19 représentants du personnel perçoivent également les leurs.

C’est la raison pour laquelle je me suis rendu à Toulouse il y a dix jours, pour prendre, au nom du Gouvernement, un double engagement : d'une part, l’AGS, l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, prendra en charge les congés de reclassement pour ces 19 salariés ; d'autre part, l’État lui-même financera la totalité de la cellule de reclassement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

J’ai demandé également à PSA et à Renault d’indiquer très clairement à Molex États-Unis qu’ils n’adresseraient plus de commandes à ce groupe, que ce soit directement ou par l’intermédiaire de leurs équipementiers, s’il ne respectait pas le droit des salariés en France. Je les remercie d’avoir accédé à la demande du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

M. Christian Estrosi, ministre. Enfin, un liquidateur a été nommé ce matin par le tribunal de commerce.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

Oui, monsieur le sénateur, lorsqu’on ne respecte pas le droit des salariés dans notre pays le Gouvernement est fondé à mettre en œuvre, avec toute l’énergie nécessaire, les moyens adéquats pour les défendre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans le passé, on a souvent vu l’État baisser les droits, …

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre

M. Christian Estrosi, ministre. … baisser les bras, veux-je dire. Vous le voyez, aujourd’hui, nous faisons preuve de volontarisme.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le terrible attentat perpétré contre les chrétiens d’Irak a bouleversé l’ensemble de nos concitoyens, parce que la protection des chrétiens d’Orient est une mission traditionnelle de la France et parce que cet acte a frappé une communauté historique et autochtone qui ne combat que pour vivre en paix chez elle.

En pleine célébration, à la veille de l’une des fêtes des plus solennelles pour les chrétiens, les armes ont parlé. Désormais c’est à une autre parole de s’exprimer : celle de la paix et du dialogue, pour rétablir la confiance et la coexistence civiles.

Aujourd’hui, l’avenir de cette population et, à travers elle, de la démocratie dans ce pays ne peut laisser la France indifférente, compte tenu de la position que nous avons prise dans le débat sur l’intervention militaire en Irak.

Les chrétiens fuient en masse, et la France les accueille chaleureusement. Toutefois, dans la mesure où il s'agit de la sécurité de ces citoyens et du respect des libertés fondamentales, ce débat, nous semble-t-il, doit être porté à un autre niveau, au-delà de la seule hospitalité.

Il doit être porté, tout d’abord, dans la sphère internationale. Ne pensez-vous pas que la saisine de l’ONU, voire de son Conseil de sécurité, s’impose ? La France est-elle prête à y défendre cette parole ?

Il doit être porté, ensuite, à l'échelle européenne. Au moment où l’Union européenne met en place le Service européen pour l’action extérieure, la France est-elle prête à encourager une démarche commune, pour que l’Europe montre sa capacité d’action et défende les libertés fondamentales ?

Il doit être porté, enfin, au niveau irakien. Dans la mesure où ces communautés sont vivantes et liées aux autres, la France doit tout mettre en œuvre pour soutenir le tissu social qu’elles ont constitué.

Ne convient-il pas, dès lors, que notre pays recense les projets de soutien aux écoles, hôpitaux, universités, commerces et entreprises qu’il est susceptible d’aider au travers de l’aide au développement et du commerce extérieur, en liaison avec l’État irakien ?

La présence des chrétiens en Irak est un vecteur de paix pour l’Orient, mais aussi pour le monde. La France, sous l’autorité du Président de la République, est-elle prête à relever ce défi, pour que cette communauté historique et autochtone puisse, tout simplement, continuer à vivre chez elle ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Madame la sénatrice, le 31 octobre dernier, c’est un acte odieux et barbare qui a été perpétré. Ce n’était pas le premier, hélas ! en Irak. Il a frappé, dans l’église syriaque de Bagdad, des chrétiens qui assistaient à la messe. Il y eut 50 morts, vous le savez, et le retentissement mondial que cet acte a connu nous impose, une fois de plus, de réagir.

Comment faire ? Tout d’abord, il faut faire face à l’urgence. Ce matin, j’ai reçu les représentants des communautés chrétiennes d’Orient, qui nous demandent de prendre en charge une vingtaine de blessés graves. Nous sommes en train de le faire : ceux-ci seront traités dans les hôpitaux parisiens.

Debut de section - Permalien
Bernard Kouchner, ministre

Cette aide était élémentaire. Que pouvons-nous faire d’autre ? Comme vous l’avez montré à juste titre, madame la sénatrice, et je ne reprendrai pas tous vos arguments à cet égard, les chrétiens font partie de l’histoire de ce pays. Avant le dernier conflit, qui aujourd'hui s’éternise, ils étaient d’ailleurs très nombreux, plusieurs centaines de milliers. Désormais, personne ne peut dire s’ils sont seulement 300 000.

En tout cas, nous ne pouvons, hélas ! les protéger un par un. Aussi, vous avez raison de demander une démarche européenne. Celle-ci sera engagée. J’ai d’ores et déjà demandé que ce sujet soit abordé au plus vite par les vingt-sept pays de l’Union européenne et que Mme Catherine Ashton puisse réagir.

Toutefois, comment faire ? Devons-nous suspendre la coopération avec l’Irak que nous avons engagée ? Celle-ci est tournée très majoritairement, et même presque complètement, vers la formation de la police, des juges et du système judiciaire. Il ne convient donc pas de la supprimer.

Peut-on protéger, comme vous le souhaitez, madame la sénatrice, les écoles chrétiennes, les centres communautaires et les églises ? C’est au Gouvernement irakien de le faire. Nous lui demanderons d’y veiller, mais nous ne pouvons nous en charger nous-mêmes, hélas !

Pouvons-nous nous tourner vers les Nations unies ? Nous nous efforcerons de le faire, en proposant au Conseil de sécurité un débat sur la situation en Irak.

En effet, avec tout le respect que je dois à votre démarche, madame la sénatrice, je suis au regret de vous rappeler que cet attentat n’est pas le premier commis en Irak et que d’autres communautés ont été frappées plus lourdement encore. Je le déplore, mais c’est la réalité. Toutefois, nous formulerons une telle demande à propos de la situation en Irak et nous verrons bien ce qui en résultera.

Sur le fond, il n’est pas question de renoncer à accueillir les chrétiens d’Irak. Brice Hortefeux, Éric Besson et moi-même avons créé depuis 2008 des centaines de places d’accueil dans cette perspective et nous sommes prêts à continuer à le faire.

Toutefois, ce n’est pas la solution. Les autorités irakiennes, ou du moins la communauté chrétienne d’Irak, nous demandent au contraire, comme vous l’avez suggéré, madame la sénatrice, d’engager une démarche internationale, au nom des droits de l’homme et de la liberté de culte. Nous nous y attellerons avec acharnement.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Ma question s'adresse à Mme le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Les dispositions générales de l’ordonnance du 2 février 1945 disposent que : « Les mineurs auxquels est imputée une infraction qualifiée crime ou délit ne seront pas déférés aux juridictions pénales de droit commun, et ne seront justiciables que des tribunaux pour enfants ou des cours d’assises des mineurs. »

Or l’évolution récente de la délinquance juvénile est marquée, malheureusement, par une augmentation considérable du nombre des mineurs ayant commis des crimes et délits. Selon les dernières statistiques de la Direction centrale de la police judiciaire, 207 821 mineurs ont été mis en cause pour crimes et délits en 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Alors que, en 1990, 7, 2 % des crimes et délits contre des personnes étaient commis par des mineurs, ce taux atteignait, en 2008, près de 16, 2 %. En outre, 26 % des viols et 17 % des délits avec coups et blessures volontaires sont perpétrés par des jeunes mineurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Le visage de la délinquance des mineurs a ainsi fortement changé depuis 65 ans, malheureusement. Notre appareil judiciaire devrait adapter ses méthodes et ses règles à cette évolution d’une délinquance dont le caractère est d’autant plus violent que l’impunité est, pour le moment, pratiquement assurée à ses auteurs.

Cette situation est d’autant plus grave que les policiers sont démotivés de façon croissante, à force de voir des mineurs les agresser avec des projectiles de plus en plus dangereux…

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

… et ressortir du tribunal libres et sans aucune condamnation.

Les mineurs de 16 à 18 ans, grâce à cette ordonnance, sont manipulés par des majeurs pour effectuer des opérations pour lesquelles ils savent qu’ils ne risquent rien. Cela doit cesser. La sécurité de nos quartiers en dépend.

En outre, plutôt que de les incarcérer dans des centres pénitentiaires, il vaudrait mieux obliger ces jeunes à suivre une formation professionnelle ou les intégrer dans une école de la deuxième chance, afin qu’ils puissent trouver un emploi...

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

... et vivre normalement.

Si nos jeunes étaient mieux formés à une activité professionnelle dès le collège, dès 14 ans, ils ne sortiraient plus du système scolaire à 16 ans sans aucune formation et ne deviendraient pas des délinquants par inactivité. De fait, l’insécurité diminuerait.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Ainsi cette proposition sauverait-elle un grand nombre de nouveaux délinquants en leur permettant d’acquérir une formation professionnelle au lieu qu’ils soient abandonnés à leur sort.

Madame la ministre d’État, que pensez-vous de cette proposition ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Claude Biwer applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le sénateur, tous les pays européens ont fixé l’âge de la majorité pénale à dix-huit ans, voire plus tard. C’est également ce que préconise la Convention internationale des droits de l’enfant.

Pour autant, le droit français contient un certain nombre de dispositions concernant les jeunes âgés de 16 ans à 18 ans, car il convient de prendre en compte le fait que, psychologiquement, ils ont une plus grande maturité.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

Par conséquent, des conditions spécifiques peuvent leur être réservées.

C’est ainsi que, aujourd’hui déjà, pour les jeunes appartenant à cette tranche d’âge, des règles plus sévères ont été fixées en matière de détention provisoire. Des mesures existent également afin de déroger aux dispositions législatives relatives aux peines minimales et à l’atténuation des peines applicables aux mineurs. La possibilité de les soumettre à des règles de procédure plus rigoureuses, notamment la comparution immédiate, est aussi prévue.

Monsieur le sénateur, vous avez également soulevé le problème de la formation. Nous avons créé des centres éducatifs fermés afin d’accueillir ces jeunes, qu’il s’agisse de jeunes mineurs ou de jeunes majeurs.

Les jeunes mineurs sont soumis à une obligation de suivi scolaire. Grâce au concours du ministère de l’éducation nationale, cette formation est assurée par des enseignants.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

Les jeunes majeurs ont, quant à eux, accès à la formation professionnelle. Cela leur offre un contact avec le monde extérieur : ils réintègrent le centre éducatif fermé à la fin de la journée.

Tel est le dispositif en vigueur qui permet des sanctions plus sévères à l’égard des jeunes de 16 ans à 18 ans.

Pour autant, monsieur le sénateur, je partage votre opinion sur l’ordonnance du 2 février 1945 : notre société a évolué et les mineurs ont changé.

C’est pourquoi, avec des professionnels mais également des parlementaires de la majorité comme de l’opposition, je travaille actuellement à une réforme permettant de rédiger un code pénal des mineurs qui sera discuté devant le Parlement.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre d'État

Les dispositions qui sont pour l’instant à l’étude permettraient notamment de réduire le laps de temps entre l’acte de délinquance commis et le jugement. C’est très important, car nous savons tous que les jeunes oublient très vite et que, pour eux, le temps n’a pas la même valeur.

En outre, cette nouvelle procédure pénale applicable aux mineurs prendra en compte la récidive. Il s’agit là d’une préoccupation majeure.

Cette réforme fera l’objet d’un vaste débat. Il va de soi que ce sujet concerne directement le ministère de la justice, mais la chaîne de la sécurité, la chaîne de la prévention et la chaîne de l’action vis-à-vis des mineurs commence avec la famille et engage aussi l’éducation, la police et la gendarmerie, la justice et les collectivités locales. C’est sur tous ces maillons qu’il faut travailler.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie.

Avec plus de 400 000 emplois directs, dont 10 % se trouvent en Franche-Comté, la filière automobile joue aujourd’hui en France un rôle considérable d’entraînement sur les autres secteurs de l’industrie, en particulier à travers l’innovation. Au nombre des secteurs de production pour lesquels la Franche-Comté est bien classée figurent notamment les activités de transformation de tôles, de fils, de tubes, de plastiques ou bien encore de caoutchouc et de boulonnerie-visserie ; autant de secteurs qui interrogent les stratégies de développement des PME et leur organisation.

Les stratégies suivies par les équipementiers et les sous-traitants influent naturellement sur le niveau des emplois.

Ces stratégies dépendent des pressions qu’exercent les constructeurs en matière de qualité, de prix, de taille, d’innovation et, de plus en plus fréquemment, d’internationalisation. Il s’agit pour ces derniers de disposer d’un réseau de sous-traitants dotés de fortes capacités d’innovation et en mesure de fournir des sous-ensembles complets. De plus en plus complexe et sophistiqué, le produit automobile évolue rapidement. Au cours des années quatre-vingt-dix, les PME ont ainsi été confrontées à des évolutions sans précédent.

Des inquiétudes s’expriment aujourd’hui quant aux perspectives du marché automobile. Ces inquiétudes, nous le savons, ne peuvent être minorées, car l’industrie automobile représente en France 15 % de la recherche et développement et 10 % de la population active. Le marché automobile européen devrait en effet connaître un recul significatif au cours des prochains mois.

Si les grands équipementiers profitent du dynamisme des marchés émergents, la situation d’autres sous-traitants reste inquiétante et les difficultés structurelles demeurent. La baisse d’activité risque ainsi de fragiliser des PME dont le niveau de rentabilité et de trésorerie peut être faible, voire insuffisant.

Les questions de taille critique, d’aptitude à faire face à la pression qui s’exerce sur les prix et au renchérissement du coût de l’énergie et des matières premières se posent avec une exceptionnelle acuité.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quelle est la situation réelle du marché automobile français et, surtout, quelle action le Gouvernement entend mener pour continuer à protéger les sous-traitants et l’ensemble de la filière ?

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Claude Biwer applaudit également.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Monsieur le sénateur, je connais votre engagement en Franche-Comté pour défendre non seulement les constructeurs et l’ensemble des équipementiers mais également les PME et les sous-traitants de notre pays.

Ce n’est pas à vous que je rappellerai le courage du Président de la République

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie

Grâce à ces initiatives, nous avons pu enregistrer en 2009 le record des ventes de véhicules automobiles en France depuis les vingt dernières années : 2, 3 millions. Voilà le résultat de la politique du Gouvernement et du Président de la République !

Nous constatons, au dixième mois de l’année 2010, une diminution de 1, 4 % du nombre de véhicules automobiles vendus dans notre pays. Autant dire que, même avec cette baisse par rapport à une année record, 2010 reste à un niveau de ventes particulièrement élevé. Il faut toutefois noter une différence fondamentale : alors qu’en 2009 la politique qui prévalait était celle du déstockage, qui ne profitait pas aux sous-traitants puisque aucun composant n’était plus commandé auprès des PME et autres sous-traitants, en 2010 l’heure est à la relance de la production, avec une augmentation de 22 % de cette dernière chez les constructeurs français et de 20 % chez les sous-traitants.

Monsieur le sénateur, vous avez raison : parce que nos PME ont souffert et n’ont pu se moderniser au même rythme que les grands constructeurs ou les gros équipementiers, il nous faut, dans cette période charnière où le secteur automobile sort de la crise, où notre pays a gagné 2 points sur le marché européen, où les parts de marché des constructeurs français représentent plus de 55 % en France, prendre des mesures d’accompagnement.

Je pense à la mise en place du FMEA de rang 2, doté de 50 millions d'euros.

Je pense aussi à l’avenant de 10 millions d'euros signé par Christine Lagarde, Laurent Wauquiez et moi-même et destiné à accompagner les sous-traitants dans leur modernisation, la formation de leur personnel, l’expertise et le diagnostic en vue de leur restructuration.

Je pense encore à l’issue des états généraux de l’industrie, à la décision de nommer un médiateur des relations interentreprises industrielles et de la sous-traitance.

Je pense enfin à la mise en place d’un comité stratégique de filière qui impose désormais des règles entre les constructeurs et les sous-traitants. Il s’agit en effet de sortir d’une relation « donneurs d’ordre–sous-traitants », dominants-dominés, au profit d’une véritable relation entre clients et fournisseurs, pour que le « fabriqué » redevienne une réalité chez nos sous-traitants.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Claude Biwer applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Ma question qui s'adresse à vous, madame la ministre de la santé et des sports, concerne la mise en place de la télémédecine, que vous venez d’annoncer à grands renforts médiatiques.

Nous avons été nombreux à être interrogés, notamment par ceux qui, à tort ou à raison, appréhendent une généralisation de ce nouveau type de consultation.

La téléconsultation est particulièrement présentée, par vous-même, madame la ministre, comme étant la solution miracle…

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Je n’ai jamais dit cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

… pour compenser l’inquiétante progression des déserts médicaux.

Sur le fond, l’utilisation des moyens modernes de communication est susceptible de jouer un rôle précieux pour améliorer les relations entre les patients et les médecins. Cependant, il est nécessaire qu’il soit répondu aux interrogations légitimes quant à son coût, à son partage, à la responsabilité du praticien et à la confidentialité.

Surtout, il ne faudrait pas se tromper d’objectif : la télémédecine pour aider les praticiens, oui. Mille fois oui. La télémédecine pour remplacer les praticiens, ce serait une erreur grave.

À ce sujet, je note avec regret que les observations essentielles de la CNIL, la commission nationale de l’informatique et des libertés, notamment sur la sécurisation des données de santé et toutes les garanties de confidentialité des données personnelles, n’ont pas été prises en compte.

Au sujet du coût, la télémédecine, pour se développer, doit s’accompagner d’une généralisation des moyens modernes de communication sur les territoires. Le Gouvernement compte-t-il prendre des mesures financières pour couvrir tout le territoire par le haut débit ?

La télémédecine, pourquoi pas ? Mais il est illusoire de penser qu’elle puisse remplacer l’examen clinique. En effet, le médecin peut-il être efficace sans voir, toucher, écouter le patient ? En résumé, la consultation médicale ne peut se passer de la relation humaine dans l’intimité du cabinet médical.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Voyons les choses en face. L’officialisation de la télémédecine met finalement en exergue le vrai problème, le réel problème, plus profond et qui devient de plus en plus préoccupant, celui du non-remplacement en milieu rural des médecins partant à la retraite.

Nous sommes nombreux, dans cette assemblée, à mesurer et à appréhender le vide qui est en train de se créer, jour après jour, sur nos territoires. Tout cela va de pair avec la disparition des services publics de proximité.

Malheureusement, on est en droit de craindre que la télémédecine, contrairement à ce que vous avancez, ne constitue qu’un faible moyen pour juguler ce phénomène, ou pire, si cet encouragement est pensé comme un moyen pour remplacer les médecins disparus de nos territoires.

J’en viens donc à ma question. Madame la ministre, disposez-vous d’autres propositions innovantes et efficaces pour pallier le déficit de médecins dans les secteurs démographiquement défavorisés, et pour offrir partout, comme le prévoit la loi, des soins de qualité ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme la ministre de la santé et des sports.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Monsieur le sénateur Claude Domeizel, à part la conclusion quelque peu polémique de votre question, je partage entièrement vos préoccupations.

Le développement de la télémédecine n’a évidemment pas pour objet de remplacer le contact privilégié du médecin et de son malade. Rien ne pourra jamais le remplacer.

Ce que nous constatons, c’est que la télémédecine présente plusieurs modalités : la télé-expertise, comme dans l’échange des données médicales, entre radiologues par exemple, le télé-suivi d’un certain nombre de malades chroniques et la téléconsultation.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’encadrer un certain nombre de pratiques qui sont en train de se développer. En effet, ce n’est pas le décret sur la télémédecine qui instaure la téléconsultation. Cette dernière existe déjà. Il y a un certain nombre de sites payants qui proposent des consultations par internet.

Je veux que ces pratiques soient encadrées, afin que s’y livrent des médecins qui disposent du droit d’exercer la médecine sur le territoire français, et pas sur une plateforme située dans un pays en voie de développement. C’est une garantie absolument indispensable.

Je veux aussi que la télémédecine, qui peut venir en complément de la médecine traditionnelle, de la médecine en face-à-face, soit accessible aux gens modestes. Or, actuellement, c’est un système payant, non-remboursé par la sécurité sociale. Je veux donc faire entrer la téléconsultation dans le champ des activités remboursées par l’assurance maladie.

Vous le voyez, je souhaite encadrer et sécuriser la télémédecine. Bien entendu, les observations de la CNIL sur la sécurisation et la confidentialité des données seront respectées. La télémédecine n’est donc absolument pas destinée à être une solution miracle au problème de la désertification médicale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - Permalien
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports

Vous avez vu, à travers la loi « hôpital, patients, santé et territoires » et un certain nombre de mesures prises dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale, que nous avons mis en place des outils pour tenter de résoudre ce problème. Quels sont-ils ? Il s’agit de tout ce qui concerne la formation des médecins, le développement de la filière de médecine générale, l’augmentation du numerus clausus dans les facultés de médecine situées dans les zones sous-denses, l’ouverture de bourses attribuées par les agences régionales de santé pour fixer les étudiants dans les zones sous-denses, les ARS constituées en guichets uniques.

Avec l’aide de Michel Mercier et du ministre de l’intérieur Brice Hortefeux, nous avons créé des plateformes logistiques pour aider les médecins à s’installer de la meilleure façon et échapper à un cheminement administratif souvent lourd. Nous avons également développé de nouveaux modes d’exercice : les maisons médicales pluridisciplinaires, la coopération de tâches.

Tous ces dispositifs sont en place et je n’aurai garde d’oublier que, dans les zones sous-denses, les médecins bénéficient d’une rémunération supérieure de 20 %, prise en charge par l’assurance maladie.

C’est dans ce cadre que la télémédecine prend sa place, toute sa place, mais rien que sa place.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures quinze pour le débat sur les effets sur la santé et l’environnement des champs électromagnétiques produits par les lignes à haute et très haute tension.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Guy Fischer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, par lettre en date de ce jour reçue de M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement, le Gouvernement rectifie l’ordre du jour de la séance du mardi 9 novembre 2010 comme suit :

Mardi 9 novembre 2010

Le matin, à 9 heures 30, l’après-midi et le soir :

- Conclusions de la commission mixte paritaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

… sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales ;

- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je vous rappelle que nous avions prévu, conformément au dernier alinéa de l’article 48 de la Constitution, une séance de dix-huit questions orales mardi matin, que nous sommes donc amenés à reporter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Monsieur le président, rarement un rappel au règlement n’aura été aussi justifié à mes yeux que celui que je souhaite faire à présent.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, force est de constater que, depuis maintenant plusieurs semaines, et de manière accrue, le Sénat est particulièrement la cible de la frénésie législative du Gouvernement, frénésie qui nous amène aujourd’hui à considérer, en effet, que notre assemblée est véritablement bafouée et désavouée ; ce que nous venons d’entendre et de vivre nous le confirme.

Oui, le Sénat est désavoué sur le fond mais aussi bafoué sur la forme.

Le Sénat est désavoué sur le fond, puisque, en prenant connaissance du contenu de la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, chacun d’entre nous a pu constater que les grands principes qui avaient été rappelés au Sénat, lors de la lecture de ce texte, ont été totalement méprisés par la décision finale, celle de la majorité. À cet égard, je ne voudrais pas être dans la peau d’un certain nombre de nos collègues qui, dans cette enceinte, avaient fait part de leurs états d’âme et, au-delà, de leur conception, de leur vision d’une vraie réforme territoriale pour expliquer pourquoi ils s’opposaient au texte que nous présentait le Gouvernement.

M. Jean-Pierre Godefroy acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

On sait dans quelles conditions les choses se sont passées. Notre assemblée, censée représenter les collectivités territoriales, est ici confrontée à un vrai problème. Elle se trouve non seulement prise véritablement en porte-à-faux, mais également confrontée à une offensive de nature à remettre en question nombre de principes sur lesquels nous, sénateurs et sénatrices, nous appuyons.

Mais le Sénat est aussi totalement bafoué sur la forme, puisqu’il est bousculé au gré des desiderata du Prince et d’un calendrier qui me paraît complètement ahurissant.

S’agissant en effet de cette réforme des collectivités territoriales dont la discussion dure maintenant depuis plusieurs mois, nous voyons bien le retard qui a été pris pour arriver à cette « espèce de texte », pardonnez-moi l’expression, je veux dire à ce texte tout à fait incohérent, hybride, injuste, lui aussi, pour les collectivités territoriales, tel qu’il est issu des travaux de la commission mixte paritaire.

On nous disait que le texte devrait être adopté avant l’été ; or nous sommes au mois de novembre et nous attendons encore le vote des conclusions de la commission mixte paritaire. Où est donc l’urgence, monsieur le président ? Quelle est cette urgence au nom de laquelle on impose au Sénat d’inscrire à son ordre du jour la lecture des conclusions de la CMP sur la réforme des collectivités territoriales dès mardi prochain, à 9 heures 30, plutôt qu’à un autre moment ?

Monsieur le président, vous nous avez vous-même rappelé le principe posé par le dernier alinéa de l’article 48 de la Constitution. Nous avons eu droit à une révision constitutionnelle ayant notamment pour objet de garantir les droits de l’opposition. Il a été décidé, et l’ancien président du groupe UMP aujourd’hui ministre chargé des relations avec le Parlement s’en souviendra, que le mardi matin serait réservé aux groupes pour qu’ils puissent tout simplement se réunir, pour que les sénateurs et sénatrices puissent se concerter afin de décider collectivement des orientations à suivre.

Or, avec l’inscription à notre ordre du jour de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, c’est la seconde fois en quinze jours qu’il nous sera interdit de nous réunir le mardi matin.

Je le répète, quelle était l’urgence pour le Gouvernement d’inscrire la lecture des conclusions de cette CMP à notre ordre du jour le mardi matin plutôt que le mardi après-midi ? D’où émane, au sein de notre république, un tel calendrier qui contraint le Sénat à bousculer ses habitudes, et singulièrement celles des groupes politiques, qui ne peuvent plus travailler comme devraient le faire des groupes politiques dignes de ce nom dans une assemblée digne de ce nom ?

Le président du Sénat aurait eu son mot à dire sur l’ordre du jour. Je souhaite, monsieur le président, que vous lui fassiez part de notre opposition et de notre stupéfaction de voir, chaque jour davantage, le Sénat désavoué et bafoué.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur Bel, je prends acte de votre déclaration, que je ne manquerai pas de transmettre à M. le président du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, un rappel au règlement se justifie également, puisque mon intervention a trait à l’organisation de nos travaux.

Je veux à mon tour protester et m’opposer à un nouveau coup de force du Gouvernement, le second en quinze jours, sans doute dû à l’impatience du Président de la République de voir consacrer définitivement la véritable Bérézina sénatoriale à laquelle nous avons assisté hier, lors de la réunion de la commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Chacun sait, en effet, que, si le texte du projet de loi de réforme des collectivités territoriales tel qu’il était issu des travaux du Sénat différait de celui qu’avait adopté l’Assemblée nationale, c’est parce que l’assemblée dont nous sommes membres et qui, aux termes de la Constitution, assure la représentation des collectivités territoriales, avait eu à cœur à tout le moins d’atténuer un certain nombre de dispositions afin de prendre en compte l’immense opposition des élus locaux à cette réforme.

Nous avons donc assisté, en quelque sorte, à un dédit de la part des sénateurs de la majorité par rapport au vote qu’ils avaient émis au Sénat, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

… dédit que le Président de la République est sans doute pressé de voir acté par un vote définitif, probablement du Sénat, bien que j’ose encore espérer que tel ne sera pas le cas, et, en tout état de cause, de l’Assemblée nationale.

Quoi qu’il en soit, s’agissant de l’organisation de nos travaux, je constate à mon tour que le Gouvernement nous impose une modification de l’ordre du jour qui nous est particulièrement défavorable, puisqu’elle affecte les réunions des groupes, qui sont, selon le terme que vous affectionnez, « sanctuarisées » le mardi matin.

M. Jean-Pierre Godefroy acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Or ces réunions du mardi matin sont précisément très importantes en ce qu’elles permettent aux groupes de décider de leurs options et de leurs votes. Si la majorité n’a pas besoin de ces réunions, l’opposition, quant à elle, y tient beaucoup.

Au surplus, le calendrier que le Gouvernement nous impose n’a aucune raison d’être. Non seulement l’idée même d’urgence en l’occurrence est dépassée depuis bien longtemps, mais, de surcroît, la réforme ne doit s’appliquer qu’ultérieurement, comme si la majorité elle-même avait peur de l’appliquer. On ne voit donc pas pour quelle raison il serait urgentissime de procéder au vote dès mardi !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Gouvernement, représenté ici par Mme la secrétaire d'État et par M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, connaît donc le teneur de ce rappel au règlement, mais je vous demande, monsieur le président, de faire part à M. le président du Sénat, absent, du profond mécontentement que suscite de notre part cette façon de traiter les sénateurs en général, et ceux de mon groupe en particulier, puisque c’est en leur nom que je m’exprime en cet instant.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Madame Borvo Cohen-Seat, je ne manquerai pas de transmettre votre déclaration à M. le président du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais ajouter ma voix à celle de mes collègues. Au nom du président du groupe RDSE, je voudrais aussi faire un rappel au règlement et demander si la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire ne pourrait pas être reportée, dans la mesure où, il est vrai, comme cela a été rappelé, les groupes parlementaires se réunissent traditionnellement le mardi matin.

En l’occurrence, la CMP s’est réunie hier en fin d’après-midi, alors que nous étions nombreux à ne plus être à Paris et en séance. Nous avons donc besoin de davantage de temps pour relire ses conclusions, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Elles méritent en effet d’être relues ! Il faut que chacun les lise !

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

… pour en débattre entre nous, et pour revenir très sereinement en discuter le mardi – si du moins ce jour est retenu –, mais certainement pas à neuf heures trente !

Notre groupe aurait préféré que l’on puisse reporter, ne serait-ce que pour la décaler un peu, la discussion des conclusions de la commission mixte paritaire. Telle est ma demande, monsieur le président, et je suis sûre que vous voudrez bien la transmettre au président du Sénat.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Madame Escoffier, à quand voudriez-vous reporter cette discussion ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Notre vœu serait qu’elle ait lieu mardi en début d’après-midi, pour laisser le temps à notre groupe d’en débattre un minimum auparavant. À défaut, nous pourrions admettre qu’elle ait lieu dans la matinée, mais plus tard, aux alentours de dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Monsieur le président, je voudrais simplement, au nom de la logique du fonctionnement de notre assemblée, préciser que c’est la deuxième fois que l’on reporte la séance de questions orales du mardi, des questions qui pourraient, de ce fait, perdre beaucoup de leur actualité. C’est regrettable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

C’est invraisemblable ! Cela n’a pas de sens !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Cela étant, retarder la discussion des conclusions de la CMP d’une heure n’aurait pas changé grand-chose, mais je ne partage pas la philosophie consistant à dire que les groupes doivent se réunir au préalable ; les uns et les autres savent en l’occurrence ce qu’ils veulent faire. Je laisse donc à chacun sa responsabilité en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe UMP a en effet, comme l’ensemble des groupes du Sénat, l’habitude de se réunir le mardi matin. Ce n’est pas une disposition de notre règlement, mais c’est une coutume bien confortable, je le reconnais volontiers ; elle permet la coexistence des réunions de groupe avec des séances de questions orales qui revêtent, admettons-le, un caractère un peu marginal.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

La discussion de ces questions orales est certes utile, elle donne au Sénat une présence supplémentaire dans le Journal officiel, mais les reporter ne compromet en rien la qualité de nos travaux !

Je souhaiterais vivement connaître le point de vue du Gouvernement à ce sujet, et je partage certaines des contraintes qui sont les siennes.

Je suis en désaccord total avec mon collègue Jean-Pierre Bel sur la réforme des collectivités territoriales. Cette réforme a été initiée par le Président de la République, qui en a exprimé la volonté en juillet 2008. Nous avons donc longuement réfléchi, nous avons consulté des comités et, ici même au Sénat, nous en avons débattu à l’initiative de Claude Belot.

Nous avons eu une première lecture, puis une deuxième lecture, puis une commission mixte paritaire. On nous propose ici de débattre une semaine après la réunion de cette CMP de conclusions qui reprennent pour l’essentiel des dispositions que le Sénat avait adoptées lui-même !

Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. Relisez-les vous-mêmes, vous verrez ! Jean-Patrick Courtois, qui représentait mon groupe au sein de la commission mixte paritaire, pourrait en témoigner. Pour l’essentiel, la CMP a repris les dispositions du Sénat.

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je dois reconnaître, à la décharge du Gouvernement, que la semaine prochaine est compliquée, parce qu’elle est amputée – il est bien qu’il en soit ainsi – par la commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918, jour traditionnellement férié que nous consacrons les uns et les autres à la mémoire de nos morts.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

J’ajoute que le 9 novembre de cette année marquera le quarantième anniversaire de la disparition du général de Gaulle. Beaucoup de mes collègues sénateurs – je m’efforcerai de les suivre – se rendront à Colombey-les-Deux-Églises. Ce n’est évidemment pas une circonstance qui facilite la mobilisation pour l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire, mais je dois dire que, en contrepartie, le groupe UMP avait préalablement annulé sa réunion de groupe, tant il était certain de ne pas faire le plein de ses effectifs ce jour-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il faut leur faciliter la tâche, pour qu’ils puissent aller à Colombey !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je comprends aussi très bien que les élus locaux, qui se réuniront bientôt en ce mois de novembre, veuillent savoir très clairement ce que le Parlement a décidé. Dans ces conditions, sept jours de réflexion sur les conclusions de la CMP me paraissent suffisants !

Il n’y a pas de solution idéale. Celle que le Gouvernement propose déroge à nos habitudes, mais elle n’est pas non plus totalement inacceptable. Lors d’une semaine amputée comme celle-ci, le fonctionnement des groupes ne peut de toute façon pas être optimal.

En revanche, parce que nous sommes très tolérants, nous sommes disposés à retenir un autre créneau horaire dans la matinée de mardi prochain, s’il convient mieux.

Faites donc au mieux de vos propositions ! Quant à nous, nous voterons la proposition qui permet d’apporter enfin une réponse à une question largement approfondie, débattue et re-débattue, et qui mérite aujourd’hui que nous ayons la capacité de tirer, ensemble, toutes les conséquences du travail accompli.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.- Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Monsieur le président, je vous remercie de me donner la parole à ce titre, car c’est bien en tant que présidente de la commission des affaires sociales que je m’exprime, et que je me trouve très partagée.

Il est évident que, si nous examinons les conclusions de la commission mixte paritaire mardi après-midi, nous décalerons d’autant la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui de ce fait prendra beaucoup de retard.

D’un côté, je pense donc que cet examen devrait avoir lieu mardi matin, afin que nous ne perdions pas de temps dans la discussion du PLFSS. De l’autre, je comprends les remarques de mes collègues ainsi que les contraintes des uns et des autres.

À choisir, je rejoindrais plutôt la démarche du président Longuet et d’Anne-Marie Escoffier : peut-être pourrait-on, tout en inscrivant la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire mardi matin, ménager un temps de réunion pour les groupes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Pour la clarté du débat, je rappelle l’article 6 ter de notre règlement : « Les groupes se réunissent en principe le mardi matin à partir de dix heures trente. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Chacun peut donc constater que cette organisation est gravée dans le marbre du règlement.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement

Je demande la parole.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’écoute évidemment avec la plus grande attention l’opinion des uns et des autres, et il me semble que beaucoup de choses tout à fait sensées ont été dites.

Comment expliquer ce choix et cet horaire ? Par des raisons très simples. Il ne faut pas toujours aller chercher des motivations compliquées ! Le président Fischer vient de rappeler un article de votre règlement, mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui constitue, pour le coup, un vrai rappel au règlement : « Les groupes se réunissent en principe le mardi matin à partir de dix heures trente. »

Nous avons retenu neuf heures trente précisément pour ne pas être en contradiction avec votre règlement !

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Si nous avions proposé dix heures trente, l’opposition n’aurait pas manqué de nous reprocher avec véhémence de prévoir l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire à l’heure précise à laquelle se réunissent les groupes…

Eh bien non, mesdames, messieurs les sénateurs ! Par respect et par égard pour le Sénat, nous proposons neuf heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Les collectivités territoriales méritent mieux que cela !

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Et ne me dites pas que ce changement est de nature à troubler vos consciences avant le vote ! C’est la loi de la démocratie, on sait pertinemment aujourd'hui qui va voter pour, qui va voter contre.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Certes, j’ai beaucoup de chance, monsieur Sueur. Mais, contrairement à vous, je n’ai pas participé aux travaux de la commission mixte paritaire. Je sais toutefois ce qu’ont voté les parlementaires socialistes. C’était d’ailleurs leur droit le plus absolu ! Je sais aussi ce qu’ont voté les parlementaires de la majorité. Et je ne vois pas aujourd’hui ce qui pourrait, la semaine prochaine, vous amener, messieurs les sénateurs socialistes, à changer votre vote quant à des conclusions que vous avez dès hier rejetées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La Constitution prévoit que le vote est libre et personnel !

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Bien entendu, ce n'est pas moi qui vais dire le contraire ! Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit !

Je confirme en outre ce qu’a dit Mme Dini s’agissant du PLFSS : sa discussion doit commencer l’après-midi, et nous avons considéré qu’il n'était pas du tout souhaitable, ni même possible, d’alourdir un programme déjà bien contraint en y ajoutant la lecture des conclusions de la CMP sur la réforme des collectivités territoriales.

Vous savez très bien qu'à cette période de l'année le calendrier est extrêmement chargé, …

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

… que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, et que nous sommes enserrés dans des contraintes de délais constitutionnels que nous ne pouvons pas assouplir.

S’agissant du fond de la réforme des collectivités territoriales, chacun a bien évidemment le droit de penser et d’exprimer ce qu’il veut, et ce n’est pas en fixant un débat à neuf heures trente le mardi matin que l’on y changera quoi que ce soit ! D’ailleurs, je n’ai pas entendu d’argument qui soit de nature à convaincre le Gouvernement de changer d’avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Ce débat a une telle importance pour vous que vous l’évacuez en dix minutes !

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Si l’opposition préfère fixer cet examen à mardi matin, dix heures, soit, mais il ne faudra pas dire ensuite que cela perturbe ses travaux de groupe !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Mais bien sûr que si : il faudra au moins deux heures pour la CMP !

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

M. Henri de Raincourt, ministre. Non, pourquoi voulez-vous que l’examen des conclusions d’une CMP dure deux heures ? Ce n'est pas un débat fleuve !

Applaudissementssur les travées de l’UMP.- Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Avant de mettre aux voix cette modification de notre ordre du jour, et étant rappelé que l’examen du PLFSS commence lundi 8 novembre, l’après-midi, je voudrais clarifier un point avec M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

Plusieurs horaires ont été proposés : de neuf heures trente initialement, nous sommes passés à dix heures, puis à dix heures trente. Monsieur le ministre, quelle solution faut-il retenir ?

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Monsieur le président, je n’ai jamais parlé de dix heures trente. J’ai simplement proposé, par égard pour les groupes, neuf heures trente. Si les responsables des groupes préfèrent dix heures, j’y consens. Mais il ne faudra pas me retourner l’argument et se plaindre que cet horaire perturbe les travaux des groupes ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je vous remercie de cette clarification, monsieur le ministre.

Personne ne demande plus la parole ?...

Je vais mettre aux voix l’inscription à l’ordre du jour du mardi 9 novembre 2010, à dix heures, de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici le résultat du scrutin n° 95 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’ordre du jour du mardi 9 novembre 2010 est ainsi complété.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je vous rappelle que, par courrier en date du 2 novembre 2010, M. Jean-Pierre Bel, président du groupe socialiste, a demandé le retrait de l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe le mardi 16 novembre 2010 de la proposition de loi relative à l’aide active à mourir.

Il demande, en remplacement, l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution n° 674 (2009-2010), présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative aux enfants franco-japonais privés de liens avec leur parent français en cas de divorce ou de séparation, déposée le 13 juillet 2010.

Acte est donné de cette demande.

Il est proposé :

- d’attribuer un temps d’intervention de vingt minutes à l’auteur de la proposition de résolution ;

- de fixer à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

- à cinq minutes les explications de vote par groupe et à trois minutes pour les non-inscrits.

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 15 novembre 2010.

L’ordre du jour du mardi 16 novembre est donc modifié comme suit :

Mardi 16 novembre 2010

À 9 heures 30 :

1°) Dix-sept questions orales.

À 14 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

2°) Proposition de loi relative à la modernisation du congé maternité ;

De 17 heures à 17 heures 45 :

3°) Questions cribles thématiques sur « Outre-mer et Union européenne » ;

À 18 heures et le soir :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

4°) Suite éventuelle de la proposition de loi relative à la modernisation du congé maternité ;

5°) Proposition de résolution, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative aux enfants franco-japonais privés de liens avec leur parent français en cas de divorce ou de séparation.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J’informe le Sénat que le groupe de l’Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la place laissée vacante par M. Jean-Claude Etienne, dont le mandat de sénateur a cessé.

Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L’ordre du jour appelle le débat sur les effets sur la santé et l’environnement des champs électromagnétiques produits par les lignes à haute et très haute tension.

La parole est à M. Daniel Raoul, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je prends aujourd’hui la parole devant vous à la fois en tant que vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST, et en tant qu’auteur du rapport dont nous allons débattre.

En effet, notre collègue Jean-Claude Etienne, qui était encore il y a peu premier vice-président, a été nommé au Conseil économique, social et environnemental et a quitté la Haute Assemblée. Qu’il me soit permis ici de lui rendre brièvement hommage.

Auteur de plusieurs rapports, notamment sur les thématiques médicales, il aura marqué nos débats et nos travaux par ses développements qui, s’ils n’étaient pas marqués par la brièveté - et c’est un euphémisme ! - étaient toujours nourris par un savoir encyclopédique et une volonté de précision scientifique. Il les émaillait, en outre, de traits d’humour dont il était souvent la première victime.

Frappé par un grave accident de santé, il nous avait impressionnés par sa volonté de retrouver la totalité de ses facultés et de reprendre son travail parlementaire au service de nos concitoyens.

Le professeur Etienne, je le sais, s’était fait une joie de participer pour la première fois, au nom de l’Office, à la conférence des présidents, à l’invitation de M. Gérard Larcher, pour la programmation des travaux de contrôle.

L’inscription à l’ordre du jour de nos séances d’une question orale avec débat répond à la fois au souhait du président et du bureau du Sénat d’intégrer les activités des délégations parlementaires dans la politique générale de contrôle et d’évaluation de notre Haute Assemblée et au souci que nous avons, sous la direction de notre collègue député Claude Birraux, président de l’Office, de donner plus d’écho à nos travaux, en permettant au Gouvernement de prendre position tant sur les propositions adoptées par notre délégation que sur des problèmes d’ordre scientifique ou technologique, comme cela a été le cas, le 17 juin dernier, avec les nanotechnologies.

Le sujet qui retient aujourd’hui notre attention est en débat surtout dans les départements de la Manche et de la Mayenne, où il existe un projet de construction d’une ligne à très haute tension, la ligne Cotentin-Maine. C’est aussi un sujet de questionnement, voire d’inquiétude dans beaucoup de lieux traversés par ces lignes. Nos concitoyens se demandent s’ils peuvent, sans risque, habiter ou mener une activité agricole à leur proximité.

L’Office a donc été saisi par la commission de l’économie de notre assemblée d’une question très concrète pour de nombreux Français afin d’y apporter une réponse aussi précise et informée que possible. C’est la mission qui m’a été confiée.

Pour y parvenir, ma démarche s’est appuyée sur plusieurs piliers qui caractérisent les travaux de l’Office.

J’ai voulu, malgré mon passé professionnel, aborder le sujet sans a priori, quoique sans naïveté, et ai cherché à entendre toutes les opinions. Je suis allé rencontrer en Mayenne l’ensemble des protagonistes : élus locaux, professionnels agricoles, responsables d’associations et de syndicats, citoyens engagés, sans oublier RTE, Réseau de transport d’électricité, et les représentants de l’État.

J’ai également fondé mon enquête sur les informations scientifiques les plus fiables et les plus récentes, c’est-à-dire les publications validées par les pairs et les experts reconnus par tous pour leur compétence sur le sujet, sans pour autant exclure de mon analyse les opinions divergentes, même si elles sortent du consensus scientifique international en la matière. Les auditions n’ont d’ailleurs pas concerné que les «sciences dures ». Je les ai volontairement élargies, comme cela est de plus en plus fréquent à l’OPECST, aux sciences de l’homme et de la société, ce qui a été extrêmement instructif.

Sur ce sujet difficile, j’ai aussi souhaité avoir une démarche éthique. En effet, ma responsabilité de parlementaire est à la fois de rechercher l’intérêt général et de proposer la meilleure voie pour ce faire, mais cet objectif ne doit pas toujours nous faire basculer vers un utilitarisme froid, un rapport coût-avantage déshumanisé.

Quand il y a lieu de craindre qu’une vie humaine puisse être en danger, on se doit d’y accorder la plus grande importance. Sur ce sujet débattu, où beaucoup d’éléments inexacts circulent, une démarche éthique et scientifique consistait également à expliquer ce que l’on croit savoir avec certitude tout en ne dissimulant aucune inconnue ou incertitude.

Grâce à cette démarche rigoureuse, j’espère que l’Office a répondu à la saisine de la commission de l’économie, mais aussi aux attentes de nos concitoyens en proposant un diagnostic clair et des propositions responsables.

Ce diagnostic, quel est-il ? Quelles sont les conclusions de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ?

Elles sont de trois ordres différents. Les premières portent sur le réseau et les champs électriques et magnétiques. Les deuxièmes sont consacrées aux effets mêmes de ces champs sur l’homme et l’environnement. Les troisièmes ont trait à l’amélioration du dialogue autour des ouvrages électriques et tentent de tirer les leçons des recherches en sciences humaines et sociales.

Le premier constat est que la France dispose du plus important réseau de lignes à haute et très haute tension d’Europe, soit près de 100 000 kilomètres.

Cet important réseau est le fruit de l’histoire, et le fruit d’une histoire politique. En effet, notamment sous le Front populaire et encore plus nettement à la Libération, s’est manifestée la claire volonté de faire du réseau de distribution d’électricité un bien et un service public national.

C’est toujours le cas aujourd’hui. Avant même le développement du parc nucléaire, la France était dotée de l’un des plus importants réseaux du monde. Le développement du parc d’énergie nucléaire, la mise en place d’interconnexions entre le nord et le sud de l’Europe et l’augmentation de la demande d’électricité qui accompagne la croissance de l’économie n’ont fait que renforcer le caractère stratégique du réseau et sa montée en puissance.

Ce réseau va continuer à se développer - c’est une nécessité économique et sociale -, car il continue de répondre à une demande qui évolue en quantité comme en qualité, mais aussi en termes de répartition géographique. Il doit, en outre, continuer d’accompagner le développement de la production, sous un aspect tout particulier aujourd’hui, le raccordement des centrales de production éoliennes et solaires.

Le réseau continue également de répondre à plusieurs exigences techniques et économiques fondamentales. L’électricité, qui n’est pas un produit comme les autres, ne peut pas être stockée. Elle ne peut, à un horizon prévisible, être produite dans des quantités importantes et compatibles avec la gestion du réseau que de manière centralisée et, donc, dans des lieux nécessairement éloignés de certaines zones de consommation.

Enfin, le réseau doit garantir, par sa redondance, la sécurité de l’approvisionnement des populations. Nous nous sommes rendu compte l’hiver dernier combien la situation de « péninsule électrique » pouvait être problématique pour la Bretagne ou la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Nous avons également mesuré combien étaient nécessaires les interconnexions européennes pour faire face aux pics de demande et pour éviter les délestages, voire une rupture du réseau.

Notre réseau correspond donc à un choix politique ancien et de long terme. Il continue d’être pleinement pertinent par rapport à nos objectifs de développement économique et social, même si son impact sur le paysage est aujourd’hui plafonné puisque RTE, le gestionnaire public du réseau, s’est engagé auprès de l’État, dans son contrat de service public, à ne pas étendre le réseau aérien et à compenser toute construction nouvelle par l’enfouissement de lignes anciennes.

Outre leur inconvénient paysager, ces lignes à haute et très haute tension sont, depuis 1979, mises en cause pour leur impact sur la santé humaine et l’environnement.

Plus exactement, ce sont les champs électriques et magnétiques à très basse fréquence, soit 50 hertz dans notre pays, qui sont incriminés.

Il faut, tout d’abord, bien comprendre que cette incrimination, que l’on retrouve dans l’expression commune de « champs électromagnétiques », est, pour le moins, abusive.

En effet, si un téléphone portable ou une antenne-relais peut émettre un champ électrique et magnétique combiné, c’est-à-dire une onde électromagnétique, tel n’est pas le cas d’une ligne électrique. À 50 hertz, à très basse fréquence, ces deux champs sont distincts. Ils doivent être examinés séparément.

Ce point est important, car, comme nous le verrons, pour la santé humaine, c’est le champ magnétique qui est incriminé, et non le champ électrique, sauf rupture du câble et électrocution, tandis que, pour les élevages et la santé animale, ce sont plutôt des problèmes électriques qui sont identifiés.

Autre distinction pour ces lignes et cette fréquence, le module du champ électrique est constant, tandis que l’intensité du champ magnétique va varier en fonction de la charge de la ligne et, donc, de la consommation d’électricité selon l’heure du jour ou la saison.

Un autre point important est de savoir que les lignes électriques sont loin d’être les seules émettrices de champs magnétiques dans notre environnement quotidien. Un très grand nombre d’appareils ménagers – quelquefois insoupçonnés – peuvent être des sources intermittentes non négligeables. À tel point d’ailleurs qu’une étude canadienne portant sur des coiffeuses professionnelles à Montréal a pu montrer que leur exposition du fait de l’usage intensif de sèche-cheveux dépassait les normes fixées pour les professionnels !

L’exposition générale de la population aux champs magnétiques reste cependant mal connue. Des études récentes ont été conduites en France sous l’égide de l’AFSSET, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, et de l’école Supélec. Elles ont eu plutôt tendance à attirer l’attention sur des sources domestiques, comme les radios-réveils, sur d’autres sources continues, comme les lignes de chemin de fer, ou encore sur des sources importantes et occasionnelles, comme les portiques électroniques des magasins, sans parler des chauffages électriques par le sol.

Plus généralement, hors radios-réveils, les études récentes montrent que les enfants sont nettement moins exposés que les parents, car ils prennent moins les transports en commun, mais que les rares cas d’exposition supérieure s’expliquent par une exposition résidentielle liée aux lignes électriques ou de chemin de fer au domicile et à l’école.

Si les lignes électriques ont retenu l’attention, c’est qu’il s’agit de la source continue la mieux identifiée dans l’espace et dans le temps.

En ce qui concerne la mesure de l’exposition de la population française au champ magnétique émis par les lignes à haute et très haute tension, la référence est une étude qui a été réalisée en Côte-d’Or, en 2004, sur 240 foyers environ.

Sur la base de cette étude, on estime généralement que 375 000 Français pourraient être soumis à un champ supérieur ou égal à 0, 4 microtesla, un seuil qui est évoqué par certaines études épidémiologiques comme pouvant poser un problème pour la santé des plus jeunes enfants ; j’y reviendrai. Cette évaluation de la « population exposée » est essentielle, car elle sert de base aux calculs de risques de déclenchement de maladies éventuelles.

En la matière, la préconisation de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques est de développer la connaissance réelle de l’exposition de la population française aux champs magnétiques. Ce ne sont pas simplement les lignes à haute ou très haute tension qui devront être explorées.

Ces premiers éléments sont importants pour comprendre les conclusions et les propositions centrales du rapport, celles qui portent sur la santé humaine et l’environnement.

En matière de santé humaine, je vous rassure, mes chers collègues, la conclusion majeure du rapport est que nous avons toutes les raisons d’être rassurés sur l’impact éventuel des champs magnétiques et électriques à très basse fréquence.

Un consensus international s’est dégagé sur ce sujet et s’est exprimé dans divers rapports d’expertise de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, de l’Union européenne et, en France, des organes compétents – le Conseil supérieur d’hygiène publique de France, le CSHPF, et l’ancienne Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et au travail, l’AFSSET.

De ces documents, on peut tirer plusieurs conclusions.

Premièrement, les champs électriques d’extrêmement basse fréquence et les champs magnétiques statiques n’ont pas d’impact sur la santé.

Deuxièmement, pour les champs magnétiques alternatifs d’extrêmement basse fréquence, c’est-à-dire du 50 hertz, les effets à court terme sont exclus tant que les normes internationales d’exposition instantanée de la population – 100 microteslas à 50 hertz – sont respectées.

Troisièmement, sur le long terme, presque tous les effets possibles sont aujourd’hui exclus, sauf dans trois domaines, qui sont, par niveau croissant de préoccupation : l’électrohypersensibilité, ou EHS, certaines maladies neurodégénératives et certaines formes de leucémie de l’enfant.

Les lignes électriques à haute et très haute tension peuvent être mises en cause, au même titre que les antennes- relais ou le WiFi, dans l’hypersensibilité électromagnétique.

Nous savons encore peu de chose de ce syndrome. Cependant, il s’agit non pas d’une maladie objectivement diagnostiquée par un médecin mais d’un syndrome autodéclaré. Ce n’est pas le médecin qui diagnostique la maladie, c’est le patient qui se déclare « malade » ; cet état est donc subjectif, même si certaines personnes peuvent être confrontées à un profond mal-être et à de réelles souffrances, que je ne nie pas.

Nous savons également que les tests scientifiques en double aveugle n’ont pas pu mettre en évidence de lien de cause à effet.

Face à cette situation, il nous faut tout de même prendre au sérieux les malades et leurs souffrances, et prendre en charge les personnes pour leur proposer une solution thérapeutique.

C’est la solution que j’ai soutenue auprès de Mme la ministre de la santé. J’ai été heureux d’apprendre que la remise de mon rapport avait coïncidé avec la décision de financer la mise en place d’un programme de recherche initié par le professeur Choudat.

Celui-ci, s’appuyant sur un réseau national de consultations pour pathologies professionnelles, pourra proposer une prise en charge pluridisciplinaire aux personnes se déclarant électrohypersensibles et diffuser l’information utile auprès des médecins de ville.

L’hypothèse principale émise par ce professeur est que, dans la grande majorité des cas, il s’agirait d’une intolérance environnementale idiopathique liée à un événement ou à un choc. Ce médecin proposera donc aux patients une objectivation de leur exposition et de leurs symptômes en leur confiant un appareil de mesure portatif et entamera un processus de désensibilisation. Cette démarche est d’ailleurs analogue à celle qui prévaut pour le traitement de l’agoraphobie ou de ce type d’hypersensibilité.

Le deuxième sujet de préoccupation pour la santé est l’hypothèse selon laquelle les champs magnétiques émis favoriseraient certaines maladies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer et la démence sénile. Toutefois, ni la sclérose latérale amyotrophique, ou SLA, ni la maladie de Parkinson ne seraient impliquées.

Cette hypothèse de recherche a été soulevée par plusieurs études récentes portant, d’une part, sur des professionnels – les conducteurs de train suisses – et, d’autre part, sur des populations résidant auprès des lignes – les résidants de maisons de retraite – et mettant en évidence un lien dose-effet entre l’exposition et le déclenchement des maladies.

Les experts français et européens ne sont pas en accord pour estimer le niveau de risque. L’opinion de l’Office a été de se rapprocher des experts européens, c’est-à-dire de ne pas négliger le risque, car les études publiées, si elles n’ont qu’un pouvoir probant limité, portent néanmoins sur des populations professionnelles et mettent en évidence la possibilité d’une relation dose-effet, deux éléments induisant la nécessité d’une vigilance.

Il faut ajouter que ces pathologies sont communes et pourraient donc concerner un très grand nombre de personnes.

J’ai d’ailleurs cherché à savoir ce qu’il en était en France.

La RATP m’a apporté une réponse très satisfaisante, puisqu’une importante étude épidémiologique a été réalisée dans cette entreprise. Elle s’est révélée totalement négative ; il faut dire toutefois que la RATP utilise du courant continu.

En revanche, la SNCF ne m’a pas fourni la réponse que j’espérais et je souhaite vivement qu’elle entreprenne la démarche nécessaire avec les scientifiques compétents pour mener une étude similaire.

Sur ce deuxième sujet, la préconisation de l’Office est la vigilance et la nécessité de mener des recherches pour vérifier si cette hypothèse mérite une attention plus grande.

Le troisième sujet de préoccupation est de très loin le plus important : il s’agit d’un possible lien entre les champs magnétiques d’extrêmement basse fréquence émis par les lignes électriques à haute et très haute tension et certaines leucémies aiguës des jeunes enfants qu’ils favoriseraient.

Cette hypothèse a commencé à être discutée en 1979. Depuis cette date, un très grand nombre d’études ont été réalisées sans toutefois aboutir à une conclusion certaine.

Aujourd’hui, ce risque est classé « 2B » par le Centre international de recherche sur le cancer, le CIRC, l’organe compétent de l’OMS. Cette classification signifie qu’il s’agit d’un « cancérogène possible ».

La décision a été prise en 2002 sur la base des études épidémiologiques qui ont été jugées suffisamment consistantes, sans toutefois apporter la preuve d’une relation de cause à effet. L’auteur lui-même remettait en cause les conclusions de son étude.

L’OMS a également constaté dans le même temps que les études in vivo et in vitro n’apportaient aucune confirmation à l’épidémiologie – au contraire – et que ces champs magnétiques alternatifs d’extrêmement basse fréquence ne pouvaient pas être classés dans le sous-groupe 2A – les « cancérogènes probables » – ou dans le groupe 1 – les « cancérogènes certains » pour l’homme.

Il faut également tenir compte de ce que la catégorie 2B est extrêmement large, puisqu’elle regroupe à la fois le café et la chlordécone.

Cette classification, qui date maintenant de près de dix ans, n’a pas été remise en cause et a été plutôt confirmée – sans toutefois conduire à une élévation passant éventuellement du niveau 2B au niveau 2A – par les rapports d’expertise et les publications scientifiques intervenues depuis lors aussi bien au niveau international qu’en France.

Nous sommes donc bien face à un risque. Mais quelle est son importance ?

Ces leucémies sont fort heureusement des maladies rares et dont le taux de guérison est relativement élevé – il est de l’ordre de 80 %. Elles touchent essentiellement les enfants de 0 à 6 ans, avec un pic à 3 ans. On a dénombré 6 640 cas entre 1990 et 2004.

Les causes de ces maladies sont multifactorielles et il y a beaucoup d’inconnues. Les champs magnétiques, s’ils étaient impliqués, n’en seraient qu’une des causes et n’expliqueraient pas tous les cas constatés.

En France, on estime que seulement 2 % des enfants malades pourraient être exposés à des champs magnétiques supérieurs à 0, 3 microtesla. Parmi ceux-ci, seul un quart serait soumis à ces champs du fait des lignes à haute et très haute tension. Comme je vous le disais, il y a d’autres sources potentielles.

Ainsi, compte tenu de ce que l’on sait sur l’exposition de la population française, de 0, 5 cas à 3 cas par an pourraient s’expliquer par les lignes électriques, soit une mortalité annuelle inférieure ou égale à 1.

Nous sommes donc face à un risque scientifiquement possible avec une très faible occurrence.

Je n’ai toutefois pas voulu, comme cela s’est fait au Royaume-Uni, le balayer au regard d’une simple relation coût-avantage : éviter un tel risque serait beaucoup trop coûteux par rapport à d’autres risques, plus élevés et moins difficiles à réduire – par exemple, les accidents mortels de la circulation.

J’ai estimé que nous devions considérer pleinement l’inquiétude légitime des familles et la possibilité que les lignes électriques soient une cause certes très faible, mais récurrente, de mortalité pour quelques enfants.

J’ai donc proposé à la fois de poursuivre et d’approfondir les recherches pour, dans toute la mesure du possible, lever les doutes qui existent aujourd’hui, ou les confirmer.

J’ai ensuite proposé, dans un cadre temporel limité – cinq ans avant d’obtenir de nouveaux résultats scientifiques – de prendre une mesure de prudence à caractère non obligatoire. Cela signifie que, au niveau local, en fonction des possibilités concrètes, il convient d’éviter d’accroître la population des enfants de moins de 6 ans soumis au cours de l’année à un champ supérieur ou égal à 0, 4 microtesla en moyenne.

Pour formuler cette préconisation prudentielle, je me suis appuyé sur des recherches de législation comparée réalisées par le service des études juridiques du Sénat, qui a mis en lumière qu’un dispositif similaire avait été retenu aux Pays-Bas.

En revanche, j’ai exclu toute mesure obligatoire de couloirs de protection avec une distance déterminée, ce qui est à la fois trop contraignant, trop coûteux et mal fondé scientifiquement, en tout cas tel que cela avait été préconisé par l’AFSSET. C’est l’une de nos divergences avec le rapport de l’Agence.

Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais savoir quelles décisions vous allez prendre à ce sujet à la lumière des travaux de l’AFSSET, du rapport de l’OPECST et du rapport que vous avez demandé aux conseils généraux du ministère et dont les conclusions ne nous sont pas encore parvenues.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j’en viens maintenant au second volet de ce rapport – rassurez-vous, mon intervention sera plus brève que sur le volet précédent – : l’impact sur l’environnement.

En la matière, nous pouvons avancer en terrain plus connu.

De nombreuses études ont été réalisées en Amérique du Nord, où la question a pris par le passé une grande importance, et en Scandinavie.

Toutes ces études conduites sur la faune et la flore sauvage ou cultivée aboutissent au résultat que presque aucun effet n’est perceptible en raison du champ magnétique ou du champ électrique, y compris avec des lignes d’une tension de près de 1 million de volts.

Cela ne veut pas dire pour autant que l’on sache tout sur le sujet. J’ai eu le sentiment que de nombreux travaux scientifiques pouvaient être conduits pour approfondir les connaissances.

Ainsi, concernant la France, j’ai demandé à RTE d’approfondir la coopération existant avec les chasseurs, les apiculteurs et de nombreux autres acteurs par des partenariats scientifiques.

Par exemple, des études récentes ont montré que les lignes aériennes pouvaient provoquer un effet de lisière, de réserve et de trame très bénéfique pour la flore. Mais on ne dispose pas des données relatives à un état initial qui pourraient nous permettre d’effectuer une comparaison.

De même, les pylônes servent souvent de nichoirs à des espèces de valeur, comme les rapaces ou les cigognes, mais nous manquons de données scientifiques d’ensemble.

En matière d’apiculture, si des ruches sont installées sous les lignes, il serait intéressant de pouvoir en faire le suivi selon un protocole scientifique.

Plus généralement, j’ai proposé que RTE, EDF et ERDF fassent émerger un organe large de dialogue et de recherche sur l’impact des lignes sur l’environnement sauvage, dont le noyau pourrait être le Comité national avifaune, qui, aujourd’hui, ne s’intéresse qu’à la mortalité aviaire et ne réunit que quelques protagonistes.

Cela étant, les difficultés rencontrées en relation avec les lignes électriques sont essentiellement apparues dans des élevages bovins laitiers. Les problèmes, consultations et demandes d’information répertoriés depuis 1998 sont au nombre de 24 pour la France entière. Nous ne sommes donc pas face à un grand problème vétérinaire national.

Ces difficultés sont d’ailleurs bien connues depuis la publication du rapport Blatin-Benetière en 1997. Elles sont dues à des courants parasites liés soit à des phénomènes d’induction électrique ou magnétique, soit à des courants de fuite à proximité d’installations électriques en raison principalement de défauts de mise aux normes ou de mise à la terre des installations.

Si les causes sont connues, elles ne sont pas pour autant aisées à diagnostiquer et le problème n’est pas facile à résoudre. C’est un véritable travail de spécialistes. Il doit être accompli aussi bien d’un point de vue vétérinaire que d’un point de vue électrique.

C’est pour cette raison qu’existe, depuis 1998, le GPSE, le Groupe permanent de sécurité électrique, chargé d’un travail d’information, de prévention, de recherche et de résolution des cas litigieux, qui a été très bénéfique.

Le rôle du GPSE doit, aujourd’hui, être éclairci et renouvelé. J’espère que vous pourrez, madame la secrétaire d’État, nous apporter, au nom de votre collègue de l’agriculture, toute la lumière utile.

L’Office a constaté que l’État n’était plus assez engagé dans le GPSE, dont le financement est assuré pour l’essentiel par RTE ; cela pose des problèmes évidents.

Ces difficultés sont d’autant plus aiguës qu’il n’y a plus de séparation entre le GPSE « national », chargé de la recherche, de l’information et de la prévention, et des comités « locaux » chargés de traiter les cas litigieux sous l’autorité du préfet, comme cela avait été imaginé en 1997. RTE peut donc apparaître comme « juge et partie ». Cette impression est renforcée par le fait que l’intervention du GPSE est conditionnée par l’acceptation, de la part de l’agriculteur, d’un protocole « secret » aux termes duquel il s’engage à abandonner toute poursuite à l’encontre de RTE...

J’ai donc préconisé que le GPSE soit prolongé, car telle est la demande des professionnels de l’agriculture et de RTE, mais qu’il soit renouvelé dans ses modalités de fonctionnement : un plus grand formalisme et une responsabilité de l’État mieux identifiée, un réinvestissement dans l’information et la pédagogie par le développement d’un site internet, désormais en ligne, et une intervention locale transparente assurant le développement des bonnes pratiques et excluant tout soupçon de collusion.

Dans ces conditions, je suis convaincu que le GPSE pourra poursuivre sa tâche de sécurisation électrique et verra sa crédibilité renforcée pour résoudre les cas les plus complexes.

Ces questions relatives à la santé et à l’environnement autour d’ouvrages technologiques majeurs, comme les lignes à haute et très haute tension, posent directement le problème de la relation de notre société avec la science.

Cette relation est désormais de plus en plus difficile. Il y a une véritable perte de confiance vis-à-vis des experts et des hommes de science, qui dépasse ce que nous avons connu par le passé. Cette césure, qui s’exprime beaucoup plus vivement en matière de plantes génétiquement modifiées ou de nanotechnologies, doit être comprise pour être résolue.

Pour cela, les recherches conduites par les sociologues, les philosophes ou les historiens nous aident grandement. Ils ont pu mettre en lumière, ces dernières années, qu’il nous fallait dépasser la dichotomie traditionnelle – et confortable ! – entre savants et ignorants. Non, ces questions ne partagent pas, d’un côté, des sachants et disants et, de l’autre, des incultes. Le réel manque d’informations, voire la désinformation très entretenue qui se fait jour parfois ne suffisent pas à expliquer les réticences actuelles.

Il nous faut inventer un dialogue à la fois plus large et plus précis, une participation à la décision et à l’analyse des effets sur le long terme, qui aille au-delà du débat public actuellement organisé. Les lignes à haute tension nous offre une opportunité formidable en la matière. Je souhaite que nous la saisissions.

Ces lignes sont le résultat d’un projet politique de développement économique. C’est donc fondamentalement l’affaire des élus locaux et nationaux, et j’espère que ce débat y contribuera. Élus locaux et nationaux doivent en être pleinement saisis : participer au diagnostic du réseau, approuver les travaux de court terme, c’est-à-dire d’entretien, et ceux de moyen ou long terme, c’est-à-dire de rénovation, construction et développement. Ils doivent notamment intervenir pour faire un choix coût-bénéfice en matière d’enfouissement.

Beaucoup est fait, d’ores et déjà, par RTE, mais j’ai l’impression que le dialogue doit être encore plus développé.

Le dialogue doit aussi s’étendre à l’ensemble des acteurs économiques et associatifs. La demande des agriculteurs visant à mettre en place une ferme témoin devrait être entendue. Diffuser des bonnes pratiques est dans l’intérêt de tous.

De même, on peut approfondir tous les mécanismes collaboratifs esquissés par RTE avec les chasseurs, les apiculteurs et les naturalistes. Il est possible d’imaginer des dispositifs participatifs pour construire un diagnostic commun sur les impacts. C’est nécessaire et utile. On se rend compte, également, qu’une ligne électrique est perçue par la population comme presque aussi « impactante » qu’une ligne TGV.

Ces demandes nouvelles sont contraignantes et coûteuses, mais elles sont aussi, pour l’avenir, la garantie des bases d’un dialogue et d’une acceptation possible. Ce dialogue ne doit pas être organisé une fois pour toutes, au moment de la construction ; il convient de trouver les voies et moyens d’entretenir une relation collaborative et inclusive tout au long de la vie des ouvrages.

Voilà quelles sont les quelques préconisations de l’Office parlementaire. J’espère vous avoir convaincus que ces débats entre la science et la société nous feront progresser, à condition de faire preuve d’honnêteté intellectuelle, de transparence, d’ouverture, mais aussi de responsabilité.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’humilité que je m’apprête à intervenir devant vous.

Mon expérience du sujet se limite en effet à l’installation d’une ligne à haute tension à Goutrens, dans mon département, ce qui n’a pas manqué de créer quelques problèmes, et à la remise en état de tronçons à Saint-Victor-et-Melvieu, sur la grande ligne électrique qui descend vers le sud de l’Aveyron. N’ayant aucune compétence en la matière, je sollicite votre indulgence, mes chers collègues, car je n’ai ni le talent ni les connaissances en la matière de mon collègue Daniel Raoul.

Le débat qui nous occupe aujourd’hui, sur l’initiative de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, a le mérite de permettre à la représentation nationale d’aborder de façon claire un problème rarement posé : celui de l’effet qu’a, ou n’a pas, sur la santé l’environnement des champs magnétiques produits par les lignes à haute et très haute tension. Nous devons nous en féliciter et remercier notre collègue Daniel Raoul de l’excellence de son rapport, que j’ai essayé de comprendre autant que faire se peut.

Ce débat est d’autant plus justifié que notre pays possède 80 000 kilomètres de lignes à haute et très haute tension, c’est-à-dire comptant entre 63 et 400 000 volts, soit le plus grand réseau d’Europe et aussi l’un des plus anciens, puisque sa création a débuté en 1922.

À titre personnel, je remarque que, très tôt, l’État s’est pleinement investi dans cette mission en créant, dès 1936, un secrétariat d’État à l’électricité et aux combustibles solides, dont le premier titulaire fut un homme à la mémoire duquel vous comprendrez que je veuille rendre hommage : Paul Ramadier, député de l’Aveyron, à qui nous devons cette reconnaissance de la distribution d’électricité comme un service public essentiel.

Nous savons tous, en effet, quel rôle considérable ces structures ont joué dans l’essor économique de la Nation au cours du demi-siècle qui a suivi, contribuant à son plein développement, en particulier celui des territoires les plus fragiles. Certes, l’ouverture du marché européen de l’électricité à la concurrence a récemment modifié la donne ; je pense en particulier à la transformation d’EDF en société anonyme, en 2004. Mais cela ne change pas véritablement la problématique qui nous occupe, à savoir les questions que se posent nos quelque 400 000 compatriotes vivant dans la proximité plus ou moins immédiate de ces lignes, quant à l’incidence de celles-ci sur leur santé. Ces questions sont parfaitement légitimes ; nul ne saurait en douter dans cet hémicycle.

Au vu des expertises menées depuis plusieurs années, au niveau tant mondial qu’européen ou national, ces lignes – ou plus exactement le champ magnétique produit par ces lignes... – sont-elles dangereuses pour la santé humaine ? Si l’on se fie au consensus scientifique international, il semble qu’elles n’auraient d’autres effets sur la santé que ceux qui sont identifiés lorsque les expositions sont plus élevées que la norme autorisée.

Trois groupes de pathologies font toutefois débat : l’électrohypersensibilité, les leucémies de l’enfant et certaines maladies neurodégénératives, sur lesquelles, objectivement, la communauté scientifique ne s’est pas encore définitivement prononcée.

La sagesse est donc de poursuivre les recherches et d’attendre des conclusions fiables, sans négliger aucune piste, comme il convient de le faire lorsque la santé publique est en jeu. C’est l’une des préconisations du rapport. Nous ne pouvons qu’y adhérer et souhaiter que le ministère de la santé prenne en charge, le plus rapidement possible, cette relance de recherche, en particulier en trouvant un lien statistique fiable, voire en convainquant nos partenaires européens d’initier une démarche semblable ; je retiens cette autre recommandation.

Quelles que soient les préconisations retenues par l’État, nous devons reconnaître qu’elles ont toujours pour origine l’initiative de nos compatriotes, qui ont droit, plus que les autres, au plus élémentaire service de précaution sanitaire.

Il en va probablement de même des impacts potentiels sur l’environnement et sur l’agriculture, puisque nous disposons de très peu de données scientifiques quant aux effets potentiels directs des champs électriques et magnétiques. Mais, comme dans le cas précédent, il appartient à l’État, ou aux États européens, de prendre toutes leurs responsabilités en la matière, puisque l’on ne saurait admettre que l’entreprise EDF fasse des bénéfices sans se soucier des conséquences humaines, écologiques et économiques qu’induit son activité industrielle.

Il nous reste, en attendant des conclusions épidémiologiques qui, nous le savons, seront par définition longues à venir, à réfléchir ensemble sur la politique que nous devons mettre en œuvre face aux lignes à haute et très haute tension.

Bien entendu, l’enfouissement pourrait, a priori, apparaître comme la solution la plus tentante au regard de l’esthétique environnementale. J’en ai moi-même fait l’expérience à Goutrens, une importante zone touristique implantée au milieu des vignobles de Marcillac – vin ô combien intéressant ! –, sur de magnifiques terres rouges. L’installation de lignes à haute tension, qui seraient venues barrer ce paysage, avait alors suscité de nombreux conflits, que j’ai tenté de résoudre.

Nous savons pourtant que l’enfouissement ne règle pas le problème puisque, même enterrées, les lignes continuent à produire un champ magnétique. Cela pose la question de l’opportunité des dépenses considérables qu’engendre un enfouissement : 40 millions d’euros pour 21 kilomètres de lignes ! De surcroît, cet enfouissement peut être rendu inutile, du fait de l’incontestable amélioration technique des câbles ; l’élue d’un département rural que je suis ne saurait l’oublier. Par ailleurs, les agriculteurs n’y sont pas favorables, car cela induit des contraintes négatives.

À cette heure du débat, il me paraît difficile de se précipiter pour adopter quoi que soit dans ce domaine, sans disposer des informations qui nous manquent et que nous avons souhaitées.

Je voudrais, pour ma part, me limiter à un seul vœu : que l’État, ou les États européens, profitant de la déréglementation du marché de l’électricité, ne se désengage pas de ce domaine, même s’il ne s’agit que de surveillance. C’est bien le contraire que les usagers attendent – pas seulement ceux qui habitent à côté des lignes ! – et, avec eux, l’ensemble de la collectivité nationale dans ses domaines d’activité les plus variés.

Permettez-moi d’ajouter, un peu en marge de ce débat, que des problématiques de même nature s’appliquent au WiFi, au WiMax, autant qu’à la téléphonie mobile. S’il avait été présent, François Fortassin aurait exprimé, lui aussi, son inquiétude à cet égard.

Dans ces domaines, la vigilance est indispensable. Je ne veux pas manquer, en cet instant, de saluer la mémoire de cet exceptionnel anthropologue et ethnologue, Claude Lévi-Strauss, décédé l’an dernier, qui est le premier à avoir fait naître le concept d’humanisme écologique. Dans Tristes tropiques, il s’écriait : « Un humanisme bien ordonné ne commence pas par soi-même, mais place le monde avant la vie, la vie avant l’homme, le respect des autres êtres avant l’amour-propre ».

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objet de l’étude du rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques est dense et complexe.

La question de l’impact des lignes à haute et très haute tension sur la santé et l’environnement nécessitait que les parlementaires s’y intéressent plus dans le détail, mais surtout qu’ils disposent d’une information complète et large afin de pouvoir répondre, dans les meilleures conditions, aux inquiétudes de nos concitoyens.

Je voudrais, à ce titre, saluer le remarquable travail scientifique et pédagogique mené par notre collègue Daniel Raoul au sein de l’Office parlementaire.

Le travail de définition scientifique et de délimitation de sujet, les distinctions fort utiles entre les champs électriques et magnétiques, et les divers renvois à des littératures plus spécialisées ont rendu la lecture du rapport d’autant plus riche et éclairante. Le passage sur le paradigme de Paracelse, la toxicologie intuitive de Slovic ou les travaux du psychologue Paul Rozin, sont très éclairants sur la représentation du risque dans nos sociétés.

Je souhaiterais aborder ici quelques points précis du rapport. Je déclinerai donc mes sept minutes en trois points : démocratie, indépendance de la recherche scientifique, engagement financier de l’État.

Premièrement, mon cher collègue, vous avez insisté sur la nécessité de renforcer l’information et la participation des élus, des associations, des syndicats et des citoyens. Bien sûr, nous partageons cette préconisation qui passe en partie, comme vous l’avez rappelé, par le réengagement des services de l’État dans l’information du public. Il s’agit là d’assurer la transparence et la démocratie dans des domaines qui touchent la santé publique.

La nécessité de mettre en place des procédés démocratiques dépasse la question de la peur de la technologie. Elle est motivée par la défense de la démocratie locale et la réelle et sincère envie que le citoyen aient les moyens de participer au débat public.

En outre, il est essentiel que les élus locaux, et nous en sommes, soient formés et informés afin de prendre les décisions d’aménagement de leurs territoires en toute connaissance de cause. Je pense ici au problème des autorisations de lotir sous les lignes à très haute tension, mais également aux équipements accueillant de jeunes enfants.

Enfin, les expériences des différents acteurs du terrain, non seulement des agriculteurs et des apiculteurs, dont vous parlez dans votre rapport, mais plus largement de tous les représentants de la société civile, sont sources de connaissance.

Deuxièmement, si la qualité de l’information délivrée est un élément fondamental, cela présume que la puissance publique, les autorités soient en possession de cette information. Il s’agit donc ici d’assurer une expertise scientifique indépendante et d’octroyer les moyens nécessaires à la recherche publique.

Comme vous l’avez noté, monsieur Raoul, RTE est aujourd’hui « le principal et le quasi seul financeur des recherches conduites dans notre pays » sur les champs magnétiques d’extrêmement basse fréquence. Vous avez raison de souligner la faiblesse des financements, et le faible nombre des projets de recherche s’explique par le fait que la communauté scientifique ne les identifie pas « comme étant porteurs en termes de production de connaissance scientifiques au niveau mondial ».

On retrouve ici toute la problématique de l’indépendance de la recherche, en particulier vis-à-vis de la production à court terme. Or bon nombre de questions liées au champ magnétique continu et alternatif restent en suspens, notamment en ce qui concerne les impacts potentiels sur la santé des personnes.

Vous proposez de confier à l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, compétence pour lancer des appels d’offres. Nous verrons bien, au moment de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, quel sort sera réservé aux crédits de l’Agence après fusion dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

Le meilleur moyen de remplir l’objectif prévu dans le contrat de service public liant l’État et RTE, qui stipule « que RTE s’engage à soutenir la recherche biomédicale sur les effets potentiels des champs électromagnétiques émis par les lignes électriques en garantissant l’indépendance des chercheurs et en assurant la publication des résultats obtenus », est que l’État donne à la recherche publique les moyens nécessaires. J’attends vos réponses sur ce point, madame le secrétaire d’État.

Il s’agit ici des risques potentiels sur la santé, en particulier celle des enfants en bas âge, liés aux grands projets industriels de l’État, comme M. le rapporteur l’a si bien expliqué.

Cela aurait également le mérite d’éviter les polémiques quelque peu déroutantes sur l’expertise scientifique. Je pense ici aux déclarations de huit experts associés aux travaux de l’Agence qui estimaient, dans une lettre ouverte adressée au ministre de la santé et de l’environnement le mercredi 19 mai, que l’AFSSET « a trompé délibérément le public et bafoué l’expertise scientifique en mettant en cause les lignes à haute tension dans son avis du 6 avril dernier consacré aux effets sanitaires des champs électromagnétiques basses fréquences ».

À la lecture du rapport et de divers documents cités, issus du Comité international de recherche sur le cancer, du Comité scientifique des risques sanitaires nouvellement identifiés et émergents, ou du Conseil supérieur d’hygiène publique de France, un doute apparaît sur les effets à long terme d’une faible exposition aux champs électriques et magnétiques d’extrêmement basse fréquence.

Face à ce doute et à des conséquences potentiellement graves, nous considérons que l’AFSSET a raison de préconiser « de ne pas installer ou aménager de nouveaux établissements accueillant des enfants […] à proximité immédiate des lignes à très haute tension, et de ne pas implanter de nouvelles lignes au-dessus de tels établissements ». De même, elle a raison de recommander aussi une distance minimum de cent mètres entre les lignes à très haute tension et ces établissements.

J’attends également des explications, puisqu’il semblerait qu’il n’y ait pas tout à fait accord sur ce point. Et encore ne s’agit-il que de recommandations qui devront être relayées par le ministère compétent afin de leur donner un effet contraignant.

Troisièmement, enfin, au moment où le Gouvernement brade une partie de la production nucléaire d’EDF, au moment où il serait question d’augmenter la contribution au service public de l’électricité, et donc la facture énergétique des Français, pour couvrir les dépenses de RTE, alors que l’état du réseau de transport et de distribution de l’électricité nécessite de lourds investissements, comment imaginer que RTE puisse s’engager financièrement dans les travaux nécessaires à l’enfouissement des lignes à haute tension ?

Même si, en effet, ce type de travaux n’est pas la solution à tous les problèmes et ne doit en aucun cas occulter les conséquences de ces installations sur la santé et l’environnement, comme vous le notez, mon cher collègue, « le passage en souterrain offre des avantages réels et permet de diminuer le champ magnétique tout en supprimant le champ électrique ».

Le contrat de service public prévoit que RTE doit protéger les paysages, les milieux naturels et urbains en réalisant en technique souterraine au moins 30 % des circuits haute tension à créer ou à renouveler. Mais ces opérations ont un coût énorme et sont souvent prises en charge par plusieurs entités. Or les communes et les communautés de communes auront de plus en plus de mal, au regard de l’impact de la réforme des collectivités territoriales sur leurs budgets, à faire face à de telles dépenses.

En conclusion, madame la secrétaire d’État, il serait utile de faire appliquer le droit existant, notamment les servitudes de trente mètres prévues par le décret du 19 août 2004, en interdisant l’attribution des permis de construire sous des lignes à très haute tension. Il faut également réfléchir à limiter l’exposition du public à 0, 25 microtesla, comme le recommande le Parlement européen.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis quelques années, les lignes à haute et très haute tension suscitent de vives inquiétudes. Les lignes électriques sont-elles dangereuses pour la santé ? La question fait débat depuis le début des années quatre-vingt.

D’après les sources officielles, il n’y a pas de certitude scientifique sur la relation possible entre les risques biologiques et l’exposition. Du côté de l’opinion publique, les avis sont plutôt controversés. Or le simple fait qu’il existe une controverse, entre les scientifiques officiels et ceux qui sont indépendants des industriels et de l’État, sur la dangerosité des lignes à très haute tension pour la santé, constitue en soi la matérialisation de l’existence d’un risque.

Ces lignes se situent à 65 % en zone agricole et à 15 % en zone forestière. Ce sont donc environ 300 000 personnes qui vivent à proximité des 100 000 kilomètres de lignes, dont la moitié est à très haute tension, à environ 400 000 volts, générant des champs électromagnétiques basse fréquence de 50 hertz.

En 1991, le Conseil supérieur d’hygiène publique de France, observe, dans un avis, qu’en l’état des connaissances de l’époque, « on ne peut imputer aux champs électromagnétiques engendrés à proximité de lignes à haute tension des effets nuisibles pour la santé de l’homme ».

Quelques années plus tard, certaines nuances apparaissent. Un colloque organisé à l’Assemblée nationale en mai 1994, consacré aux champs électromagnétiques et à la santé publique, ne permet cependant pas de remettre en cause les avis émis par l’INSERM, le Conseil supérieur d’hygiène publique de France et l’Académie nationale de médecine, même s’ils ne permettent pas d’exclure totalement l’action des champs électromagnétiques dans un certain nombre de pathologies particulières.

Parallèlement, le ministère de l’industrie de l’époque met au point, en collaboration avec le ministère des affaires sociales et de la santé, un document de synthèse intitulé « Champs électromagnétiques et lignes électriques, état de la question et aspects sanitaires », établi à partir des analyses scientifiques les plus récentes réalisées à ce sujet, notamment l’avis de l’Académie de médecine.

Ce document est adressé en septembre 1994 aux services instructeurs des projets de lignes, préfectures, DRIRE, DDE, afin de leur permettre de mieux traiter les problèmes rencontrés et de répondre aux nombreuses questions qui leur sont posées lors des procédures d’examen des projets de lignes électriques.

La question se pose donc : la circulation du courant dans une ligne électrique, créant autour de celle-ci des champs magnétiques à très basse fréquence, peut-elle induire, à l’intérieur de l’organisme, des champs et des courants électriques, avec d’éventuels effets biologiques et sanitaires ?

En 2001, un rapport publié par le Centre international de recherche sur le cancer a classé les champs magnétiques à très basse fréquence dans la catégorie des agents « peut-être cancérogènes pour l’homme », tout en recommandant de nouvelles recherches « pour aboutir à des informations plus concluantes ».

Le Centre de recherche et d’information indépendantes sur les rayonnements électromagnétiques, le CRIIREM, rend publique une enquête, menée en 2008 auprès de 2 868 personnes demeurant à proximité de la ligne à très haute tension de Normandie. L’enquête conclut à « une dégradation significative des conditions de vie et de travail à proximité des lignes très haute tension qu’il n’est plus acceptable de nier. »

Enfin, le CRIIREM refuse de cantonner les problèmes de santé aux seuls cancers et leucémies et considère, comme certains orateurs l’ont évoqué, que le stress, les perturbations sonores et du sommeil, les états dépressifs et les maux de tête relèvent également de la santé publique.

« Les rayonnements électromagnétiques émis notamment par les lignes haute tension posent un certain nombre de problèmes », reconnaissait votre prédécesseur, madame la secrétaire d’État, après la parution de cette étude.

« Il est indéniable que ces rayonnements électromagnétiques émis notamment par les lignes à haute tension et d’autres sources posent un certain nombre de problèmes et qu’on est loin de tout savoir sur cette question », estimait en effet Mme Kosciusko-Morizet. « Les choses évoluent, néanmoins », malgré « une résistance de certains secteurs industriels et syndicats professionnels » dans le domaine de la santé et de l’environnement.

En 2004, une étude de chercheurs de l’université d’Oxford avait conclu à « une légère augmentation du risque de leucémie pour les enfants vivant à proximité ». Les auteurs de cette étude soulignaient que le risque de leucémie augmentait de 69 % pour les enfants dont le domicile se trouvait à moins de 200 mètres des lignes à haute tension au moment de leur naissance et de 23 % pour ceux qui étaient domiciliés à une distance située entre 200 et 599 mètres, par rapport à ceux qui étaient nés à plus de 600 mètres. La secrétaire d’État allait proposer une circulaire au ministre de l’écologie, invitant les préfets à réglementer les permis de construire sous des lignes à haute tension.

RTE reconnaît, dans un communiqué du 28 janvier 2009, la légitimité des préoccupations des riverains des lignes électriques quant aux effets sur la santé. Selon RTE, toutes les études et expertises menées depuis plus de trente ans n’ont jamais révélé d’effets sur la santé liés aux expositions aux champs magnétiques à très basse fréquence, ce que confirme l’AFSSET, tout en recommandant, dans son communiqué du 6 avril dernier, de ne plus installer de telles lignes à proximité d’établissements accueillant les enfants, au nom du principe de précaution.

L’AFSSET reconnaît qu’une association statistique a été démontrée par plusieurs études, au point que le Centre international de recherche sur le cancer a classé en 2002 les champs d’extrêmement basses fréquences comme cancérogènes possibles pour l’homme, mais avoue ne pas connaître le mécanisme d’action en jeu.

Pour l’OPECST, « un consensus international existe : les champs électriques ou magnétiques n’ont vraisemblablement aucun impact sur la santé. Les normes existantes n’ont pas à être modifiées. Cependant, trois cas font débat : l’électrohypersensibilité, certaines maladies neurodégénératives et les leucémies infantiles ».

L’agriculture et l’élevage paraissent, eux aussi, concernés et impactés, comme l’a souligné notre collègue. Selon certains, on relève régulièrement de graves problèmes sur des élevages à cause des lignes à haute tension ou des prises de terre des transformateurs électriques. Ils avancent que l’on peut recenser des problèmes tels que des baisses des défenses immunitaires, des baisses de fécondité, des avortements spontanés, du cannibalisme, des ulcères, des malformations par manque de calcium, des excès de fer dans le sang, des problèmes thyroïdiens.

La cour d’appel de Limoges, dans un arrêt du 1er mars 2010, vient de préciser le régime de l’action en réparation engagée par l’éleveur se prétendant victime des effets de l’exposition de ses installations d’élevage au champ électromagnétique induit par une ligne à très haute tension.

Le tribunal de grande instance de Tulle, dans une décision du 28 octobre 2008, avait innové en faisant une application entre personnes privées du principe de précaution, retenant à l’encontre du gestionnaire du réseau de distribution d’électricité une présomption de dangerosité de l’ouvrage, à défaut pour lui de rapporter la preuve de son innocuité.

Ce faisant, le tribunal a condamné RTE à verser à l’éleveur concerné une indemnité, afin de compenser le préjudice subi par l’exploitation du fait de l’exposition à la ligne à très haute tension.

À défaut pour l’éleveur d’avoir mis en évidence, de manière certaine, l’existence d’un lien de causalité suffisamment caractérisé, la cour d’appel n’a pu que réformer le jugement déféré et débouter l’éleveur de sa demande indemnitaire.

Cette décision est conforme à la position de la Cour de cassation, qui rejette, dès lors qu’il n’existe aucune certitude scientifique quant à la dangerosité.

Ainsi, il paraît difficile, voire impossible, pour un exploitant d’obtenir la réparation des préjudices qu’il peut subir du fait de la proximité d’une ligne à très haute tension.

L’OPECST propose des pistes de recherche et des mesures concrètes. Au-delà des questions sanitaires et environnementales, il plaide pour le réengagement de l’État et un meilleur dialogue avec les élus et les citoyens.

Afin de préciser les conditions de compatibilité d’un élevage à proximité d’une ligne électrique et d’offrir un dispositif pédagogique sur les courants parasites, RTE propose de choisir deux à quatre fermes témoins au voisinage de la future ligne Cotentin-Maine ou d’une ligne à 400 000 volts déjà existante. Elles feront l’objet d’un diagnostic complet – électrique, zootechnique et sanitaire – renouvelé tous les trois ans.

Ou encore, RTE et l’AMF ont signé une convention, dans laquelle la situation des tiers à proximité des lignes à haute tension et à très haute tension est prévue. RTE va mettre à disposition des maires un nouveau dispositif permettant de mesurer les champs magnétiques à proximité des lignes à très haute tension par des laboratoires agréés. Une plaquette vient d’être diffusée à l’ensemble des élus concernés par ces ouvrages.

Dans le cadre de la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, aux termes de l’article 42 de la loi Grenelle I et de l’article 183 de la loi Grenelle II, un dispositif de surveillance des niveaux de champs électromagnétiques à proximité des lignes à très haute tension doit être instauré. Il serait souhaitable que le décret devant être soumis à l’examen du Conseil supérieur de l’énergie voie le jour avant la fin de cette année.

Enfin, le 2 avril 2009, le Parlement européen a adopté une résolution sur les préoccupations quant aux effets pour la santé des champs électromagnétiques. Parmi ses vingt-neuf recommandations figure une invitation à la Commission à présenter un rapport annuel sur le niveau de rayonnement électromagnétique dans l’Union, sur les sources de ce dernier et sur les mesures prises par l’Union pour mieux protéger la santé humaine et l’environnement.

Le Parlement s’interroge vivement sur le fait que les compagnies d’assurance tendent à exclure la couverture des risques liés aux champs électromagnétiques des polices de responsabilité civile. À l’évidence, les assureurs européens font déjà jouer leur version du principe de précaution.

Nous y voilà !

Le principe de précaution, aux termes duquel est recommandée l’étude des actions qui permettraient d’éviter des dommages possibles, même si leur survenue est incertaine, est défini et interprété de façon très variée. L’approche est essentiellement fondée sur l’idée selon laquelle « mieux vaut la sécurité que les regrets ».

Alors, bien sûr, il s’agit non pas d’être pour ou contre le progrès, mais de choisir de vivre dans une société qui ne fabrique pas de profit au détriment de la santé publique. Nous sommes tous concernés par l’adoption ou non d’une réglementation de protection de la santé publique vis-à-vis des rayonnements électromagnétiques.

Madame le secrétaire d’État, vous qui êtes sensible à l’exposition de la population française aux ondes émises par les antennes-relais et qui préconisez l’interdiction du téléphone portable à l’égard des plus jeunes et le port de l’oreillette par tous, je vous remercie des éléments de réponse que vous voudrez bien nous apporter.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, un constat a fort bien été posé dans le rapport qui nous a été présenté : le développement des technologies a radicalement changé la conception même du risque. Le « risque majeur », c'est-à-dire celui qui pourrait toucher la grande majorité de la population, est aujourd’hui possible, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Sans céder à l’hystérie ou à l’angélisme technologique, nous devons réellement mettre en balance les risques face aux bénéfices que la société peut attendre des nouvelles technologies.

À ce titre, les contributions de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques – je pense notamment aux radiofréquences ou aux nanotechnologies – sont souvent empreintes de bon sens, de pragmatisme et de réalisme.

Le rapport consacré aux effets sur la santé et l’environnement des champs électromagnétiques produits par les lignes à haute et très haute tension dont nous discutons aujourd’hui fera date, je l’espère. En effet, il constitue enfin une base solide de discussion, dans la ligne des autres rapports récemment publiés, notamment par l’AFSSET. Voilà moins de quinze jours, j’ai reçu le rapport de la mission confiée au Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, et au Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies, le CGIET ; je le remettrai aux commissions concernées dès la semaine prochaine.

Debut de section - Permalien
Chantal Jouanno, secrétaire d'État

Oui, ces lignes à très haute tension sont nécessaires pour notre pays, et vous l’avez reconnu. Oui, nos concitoyens ont des doutes à leur égard. Oui, il faut reconnaître que l’impact de ces lignes soulève des questions auxquelles il est essentiel d’apporter des réponses.

Antoine Lefèvre a très bien rappelé le temps qu’il nous a fallu pour reconnaître ces zones d’ombre et ainsi franchir un grand pas.

Commençons par le premier sujet que vous avez évoqué : la connaissance de l’exposition de la population française et l’impact de ces lignes sur la santé.

Vous l’avez rappelé, selon une projection de RTE, 375 000 personnes seraient exposées à 0, 4 microtesla. Il faut connaître finement la population et le bâti concernés, ainsi que les expositions. Les dispositions des lois Grenelle I et Grenelle II vont nous aider dans cette tâche. Elles permettent une mesure et un contrôle régulier des champs électromagnétiques, notamment à proximité des réseaux de transport d’électricité.

Elles rendent aussi possible un accès à une mesure objective. En effet, dorénavant les collectivités locales ou des associations pourront demander une mesure, qui sera réalisée par un organisme accrédité, et ce à la charge du transporteur d’électricité.

Les lois précitées prévoient la transparence et la diffusion des études, puisque tous les résultats, en tout cas pour ce qui nous concerne ici, seront transmis à l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, qui doit les rendre publics.

S’agissant du recensement précis du bâti et des populations, je vais demander à RTE un bilan précis et exhaustif des établissements dits « sensibles » exposés à des champs magnétiques importants. Nous devons en effet savoir précisément combien de crèches ou d’écoles sont implantées dans cette zone des 100 mètres de chaque côté et combien sont exposées à 0, 4 microtesla, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Sur cette base, nous pourrons clairement évaluer l’impact des décisions que nous prendrons.

Parallèlement, il convient de progresser dans le domaine de la recherche et de l’expertise sur l’impact des lignes en cause – c’est une proposition unanime – pour essayer de réduire autant que possible les zones d’ombre.

Comme cela a été rappelé, l’étude Expers est actuellement menée par Supélec. Elle permettra d’estimer et de caractériser l’exposition de l’ensemble de la population aux champs magnétiques de basse fréquence, à partir d’environ mille adultes et mille enfants. Les résultats de ce travail nous fourniront des pistes.

Par ailleurs, une étude de cohorte, qui permettra de suivre 20 000 enfants de la naissance jusqu’à l’âge adulte, s’intéressera également à l’exposition aux champs magnétiques de basse fréquence.

Les domaines de recherche dans lesquels nous devons encore progresser sont très nombreux, vous l’avez rappelé, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je pense, en premier lieu, aux maladies neurodégénératives, même si le risque n’est pas avéré, comme l’indique dans son apport l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

La France a décidé de lancer le plan Alzheimer, doté d’une enveloppe de 200 millions d’euros sur cinq ans, qui prendra en compte cette dimension dans les axes de recherche.

Je pense, en deuxième lieu, à l’électrohypersensibilité, point très difficile que le rapport a abordé avec une très grande justesse. Comme sur la question des ondes émises par les antennes-relais ou par les téléphones portables, jusqu’à présent, rien ne permet d’expliquer les troubles dont souffrent certaines personnes et d’identifier les mécanismes en cause.

Pour autant, la souffrance est réelle et ne doit pas être ignorée.

C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de la table ronde sur les radiofréquences, avait été décidée la mise en place d’un protocole de prise en charge de ces personnes sous la coordination de l’hôpital Cochin. Ce protocole permettra de prendre en compte ces deux dimensions d’hypersensibilité aux ondes magnétiques ou aux radiofréquences.

Je pense surtout, en troisième lieu, aux leucémies aiguës de l’enfant. C’est tout le paradoxe, les études épidémiologiques font apparaître une corrélation statistique entre une exposition à 0, 4 microtesla et le doublement des cas de leucémies, mais, dans le même temps, on est totalement incapable d’expliquer le mécanisme qui permettrait d’apporter un éclairage sur cette corrélation.

C’est d’ailleurs à partir de ces études épidémiologiques, que, en 2002, le CIRC avait classé le champ magnétique de basse fréquence comme un cancérogène de catégorie 2B, et non de catégorie supérieure, dans la mesure où le mécanisme demeure inexpliqué.

Donc, j’y insiste, contrairement à ce que l’on constate pour ce qui est des ondes émises par les antennes ou par les téléphones portables, il existe, en l’espèce, une grande convergence entre les études effectuées sur le sujet.

En attendant la progression de la connaissance sur l’exposition et une explication des mécanismes, un certain nombre de mesures peuvent cependant être prises.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur Raoul, pour des raisons évidentes, il est essentiel que la recherche relative à l’impact des lignes de haute tension ne soit pas intégralement financée par RTE, même si, je tiens à le rappeler, ce dernier est indépendant d’EDF. Il est donc nécessaire que l’État développe des financements publics à cette fin.

Le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer a demandé à l’ANR, l’Agence nationale de la rechercher, d’intégrer dans ses programmes pour la question des champs magnétiques d’extrêmement basse fréquence, notamment leurs effets sur les enfants.

Par ailleurs, nous allons demander à l’ANSES de tenir compte de ses propres recommandations en matière de recherche lors de l’élaboration de ses appels à projets dans les domaines de la santé et de l’environnement.

L’enfouissement des lignes est souvent présenté comme « la » solution. Mme Escoffier l’a très bien souligné, cette technique présente principalement trois limites.

Tout d’abord, l’impact sur la santé lorsqu’une construction est située juste au-dessus d’une ligne enfouie peut être supérieur aux conséquences d’une ligne aérienne. N’oublions pas non plus que le coût de l’enfouissement est dix fois supérieur à celui d’une ligne aérienne. Enfin, techniquement, une telle solution n’est pas possible partout. En effet, on ne peut enfouir une ligne que sur de très courtes distances au sein d’un même réseau. Comme le souligne le rapport, cette option technico-économique ne peut être fondée que sur une démarche prenant en considération le coût et l’avantage de l’enfouissement. Cette position est totalement lucide.

Cependant, il reste de marges de progrès pour enfouir ces fameuses lignes. D’ailleurs, dans le projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité sont prévues les modalités de participation financière de RTE à la mise en souterrain d’ouvrages existants. Je rappelle également que, dans le contrat de service public conclu avec RTE, figurent des objectifs d’enfouissement des lignes.

Pour autant, l’Office recommande principalement, à titre de précaution ou de prudence – ne jouons pas sur les mots – de ne pas exposer un nombre encore plus élevé de personnes sensibles. Cela relève du bon sens. D’ailleurs, un certain nombre de pays, comme le Luxembourg, l’Allemagne ou, avec une autre force juridique, la Suisse, appliquent d’ores et déjà cette recommandation en prévoyant un certain éloignement par rapport aux bâtiments.

La mesure de bon sens non contraignante que vous préconisez s’impose à nous, car il est impossible aujourd’hui d’établir un lien mécanique entre le constat épidémiologique et les raisons sanitaires. Dans tous les cas, une mesure contraignante aurait juridiquement une portée relativement faible.

Suite aux recommandations de l’AFSSET, nous avions saisi, avec M. Jean-Louis Borloo, le Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, et le Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies, le CGIET, qui aboutissent à peu près à la même conclusion : l’État doit préconiser une recommandation non contraignante pour éviter, dans la mesure du possible, l’installation de bâtiments sensibles dans des zones de prudence.

À vrai dire, je vois que les débats que suscitent les conclusions de votre rapport par rapport à celui de l’AFSSET sont pratiquement inexistants. Simplement, l’un formule sa recommandation en termes de distance, d’éloignement par rapport à une ligne, l’autre la formule en termes de niveau d’exposition, avec le fameux seuil de 0, 4 microtesla.

Nous allons élaborer des recommandations à destination des préfets et des maires sur ce sujet. Cela devrait répondre à votre demande, madame Schurch.

Mais, puisque nous avons un doute sur le bon critère à adopter – la distance de 100 mètres ou le seuil de 0, 4 microtesla –, nous vous proposons de mettre en place un groupe de travail, avec les représentants des collectivités locales, l’objectif étant d’aboutir, dans moins d’un an, à des recommandations concrètes.

Par ailleurs, vous le savez, les SCOT, schémas de cohérence territoriale, et certains PLU, plans locaux d’urbanisme, doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale, et certains grands projets d’urbanisme doivent également faire l’objet d’une étude d’impact au cas par cas.

La question de l’analyse de l’exposition aux champs de basse fréquence sera intégrée aux éléments à prendre en compte dans ces études.

Enfin, toute nouvelle ligne devra éviter les établissements sensibles et les choix seront faits en fonction de ce critère.

Vous avez également émis des recommandations en termes de concertation. Là encore, nous retrouvons les sujets que nous avions identifiés au sujet des radiofréquences.

Vous soulignez, à juste titre, que la nécessité de réaliser des lignes à très haute tension doit être l’expression d’un projet collectif. Cela me semble effectivement fondamental.

Les procédures actuelles de construction des lignes prévoient d’ores et déjà des participations, parfois complexes, du public et des élus. Il faudra sans doute les améliorer et surtout améliorer leur compréhension. Le contrat de service public de RTE contient également des dispositions allant dans ce sens.

Pour répondre un peu plus précisément sur la question de la transparence, je vous indique qu’il existe une page, sur le site internet de RTE, consacrée à se sujet. Nous avons également créé un site, « ondes-info », consacré à l’ensemble des ondes et intégrant les données issues de votre rapport, monsieur le sénateur.

Par ailleurs, nous avons créé un groupe de travail sur les risques émergents, dans le cadre du plan national santé-environnement. Nous souhaitons qu’il puisse se saisir de cette question de la concertation.

J’y suis très sensible, votre rapport a abordé l’impact de ces ondes sur l’environnement. Je m’en réjouis, puisque, je vous le rappelle encore une fois, 2010 est toujours l’année internationale de la biodiversité…

A priori, nous n’avons pas repéré d’impact des champs magnétiques sur la santé des animaux. En revanche, nous avons bien identifié un problème électrique.

J’en viens donc à votre recommandation concernant le GPSE, le groupe permanent sur la sécurité électrique. Nous avons pu échanger avec le ministère de l’agriculture et son rôle sera réaffirmé et conforté.

RTE travaille en lien étroit avec le ministère de l’agriculture et la profession agricole depuis plus d’un an pour améliorer l’organisation du GPSE et lui donner un statut d’association, au sein de laquelle le ministère sera présent. Cette association devrait voir le jour dans les prochains mois. Elle sera totalement en phase avec les différentes recommandations que vous avez émises sur le sujet.

Pour conclure, je n’ai pas de citation aussi belle que celle de Mme Anne-Marie Escoffier, mais, comme elle, je pense que c’est effectivement avec beaucoup d’humilité que l’on doit aborder ce sujet. En effet, de nombreuses zones d’ombre persistent mais nous ne pouvons pas, pour autant, ignorer le problème. La société dans laquelle nous vivons désormais ne le permet plus.

Nous devons donc faire face à ces questions avec pragmatisme, en évitant la surenchère et en assumant les zones d’ombre. C’est la raison pour laquelle je vous remercie du rapport fait par l’Office : il clarifie la situation et apporte des réponses de bon sens que nous allons, pour l’essentiel, reprendre à notre compte.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous en avons terminé avec ce débat sur les effets sur la santé et l’environnement des champs électromagnétiques produits par les lignes à haute et très haute tension.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 4 novembre 2010, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire de la République française et à leur retour dans leur pays d’origine ainsi qu’à la lutte contre les réseaux d’exploitation concernant les mineurs.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je rappelle au Sénat que le groupe de l’Union pour un Mouvement Populaire a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Mireille Oudit membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication à la place laissée vacante par M. Jean-Claude Etienne, dont le mandat de sénateur a cessé.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 8 novembre 2010, à quatorze heures trente et le soir :

1. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Saint-Christophe-et-Niévès relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (744, 2009-2010).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (10, 2010 2011).

Texte de la commission (n° 14, 2010-2011).

2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Saint-Vincent-et-les-Grenadines relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (743, 2009-2010).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (10, 2010 2011).

Texte de la commission (n° 13, 2010-2011).

3. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (742, 2009-2010).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (10, 2010 2011).

Texte de la commission (n° 12, 2010-2011).

4. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Grenade relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (741, 2009-2010).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (10, 2010 2011).

Texte de la commission (n° 11, 2010-2011).

5. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement d’Antigua-et-Barbuda relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (22, 2010-2011).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (32, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 33, 2010-2011).

6. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Vanuatu relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (745, 2009-2010).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (10, 2010 2011).

Texte de la commission (n° 15, 2010-2011).

7. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l’Uruguay relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (746, 2009-2010).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (10, 2010 2011).

Texte de la commission (n° 16, 2010-2011).

8. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2011 (84, 2010-2011).

Rapport de M. Alain Vasselle, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. André Lardeux, Dominique Leclerc et Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales (88, 2010-2011) ;

Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (90, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-huit heures cinq.