En cette réunion de rentrée de notre commission, je tiens à exprimer d'abord une pensée émue pour Hubert Haenel, décédé le 10 août dernier. Il a été président de la délégation à l'Union européenne puis de la commission des affaires européennes du Sénat de 1999 à 2010, date de sa nomination au Conseil constitutionnel. Le Président du Sénat lui a rendu hommage en séance publique. Certains d'entre nous étaient présents hier aux Invalides pour la cérémonie à sa mémoire.
Hubert Haenel avait une personnalité attachante et de grandes convictions européennes ; il a fait preuve d'une grande détermination à défendre le rôle des Parlements nationaux dans la construction européenne, illustrée par sa participation à la convention sur l'avenir de l'Europe et par l'intérêt particulier qu'il portait à la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC). Tous se souviennent de son sens du dialogue et de l'écoute. Il se souciait constamment que chacun trouve sa place et respectait les convictions tout en rapprochant les points de vue. Il n'attisait jamais les clivages. Il a beaucoup contribué au rayonnement de notre commission et à la reconnaissance de la qualité de ses travaux. Grâce à lui, le Sénat a su se faire écouter et respecter à l'échelle européenne.
Nous abordons le dossier compliqué de la crise migratoire, qui a occupé une partie de l'été, et ce n'est pas fini, malheureusement. L'Europe est confrontée à une crise migratoire sans égale, d'après les observateurs, depuis la Seconde Guerre mondiale. Frontex a comptabilisé 500 000 arrivées dans l'Union européenne de janvier à août 2015 contre 280 000 en 2014. Par ailleurs, 106 000 migrants ont été secourus en Méditerranée centrale au cours des huit premiers mois de l'année 2015.
Le 13 mai dernier, la Commission européenne a proposé de déclencher le mécanisme d'intervention d'urgence prévu par le traité. La relocalisation, sur deux années, de 40 000 migrants devait soulager l'Italie à hauteur de 24 000 personnes et la Grèce à hauteur de 16 000. Selon la clé de répartition retenue, la France recueillerait 20 % de ces réfugiés.
Après le Conseil européen des 25 et 26 juin qui a préconisé la poursuite de la discussion sur la question des quotas, le Conseil Justice et affaires intérieures (JAI) du 20 juillet est parvenu à un accord sur la relocalisation de 32 256 personnes et sur la réinstallation de 22 504 personnes déplacées sous protection du Haut commissariat aux réfugiés (HCR) sur une base volontaire.
La crise migratoire s'aggravant, le 9 septembre, la Commission a souhaité alléger la pression pesant sur les États membres les plus touchés - en particulier la Grèce (50 400 réfugiés), l'Italie (15 600 réfugiés) et la Hongrie (54 000 réfugiés) - en proposant la relocalisation d'un contingent supplémentaire de 120 000 personnes, portant le total à 160 000. La clé de répartition obligatoire était fondée sur les mêmes critères qu'en mai, dont la taille de la population et le produit national brut. Le nouvel effort demandé à la France, de 20 % du total, porte sur 24 000 personnes sur deux ans. Globalement, il s'agirait donc d'environ 30 000 personnes, soit 15 000 chaque année.
La Commission a proposé, d'autre part, un règlement établissant une liste, commune à l'Union européenne, de pays d'origine sûrs. Pourraient s'ajouter l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, l'ancienne République yougoslave de Macédoine, le Kosovo, le Monténégro, la Serbie et la Turquie. La Commission préconise aussi un mécanisme permanent et obligatoire de relocalisation pour tous les États membres, afin de soulager ceux qui traversent une situation de crise migratoire, ainsi qu'un « fonds fiduciaire pour l'Afrique » doté d'un budget de 1,8 milliard d'euros.
Au Conseil JAI du 14 septembre consacré aux propositions de la Commission, les ministres ont buté sur la question des quotas de réfugiés refusés par plusieurs États. Le Conseil JAI du 22 septembre a adopté à la majorité qualifiée prévue par les textes - la Hongrie, la Roumanie, la Slovaquie et la République tchèque ayant manifesté leur opposition - le principe d'une répartition volontaire de 66 000 demandeurs, dont 50 400 présents en Grèce et 15 600 en Italie. En revanche, le refus de la Hongrie de participer à l'accord a repoussé la résolution du sort des réfugiés présents sur son sol, pris en compte par la proposition de la Commission du 9 septembre.
Dans l'attente du Sommet européen du 15 octobre, le Conseil européen informel du 23 septembre est parvenu à un consensus apaisé en renonçant à la référence explicite aux quotas obligatoires. Les chefs d'État et de gouvernement ont implicitement validé l'idée d'une répartition volontaire en deux phases et sur deux ans de 120 000 demandeurs d'asile présents notamment en Grèce et en Italie et se sont concentrés sur la question du contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne ainsi que sur l'aide financière susceptible d'aider à une solution de la crise.
Alors que l'attention était surtout focalisée sur les boat people de la Méditerranée centrale, notamment en provenance de Libye, notre collègue Jean-Yves Leconte avait mis l'accent sur l'importance grandissante de la route des Balkans comme voie d'accès privilégiée aux destinations le plus souvent souhaitées, notamment l'Allemagne et la Suède, ainsi que sur la situation très exposée de la Hongrie. Il ne s'était pas trompé. Le 15 octobre, la commission pourrait entendre l'ambassadeur de Hongrie, avec lequel je me suis déjà entretenu à la mi-septembre. Les prises de position flamboyantes de ce pays l'ont placé sous le feu des projecteurs.
L'effort demandé à la France ne doit pas être sous-estimé. L'addition des 30 000 personnes des plans européens de relocalisation et des 60 000 demandeurs d'asile enregistrés dans les conditions ordinaires donnent un total de 75 000 personnes à gérer en 2016 et en 2017. Ce chiffre doit être comparé aux 800 000, voire un million de réfugiés que l'Allemagne s'apprêterait à accueillir en 2015, malgré les messages à géométrie variable de la chancelière.
L'effort français est potentiellement important. La France s'est engagée à prendre en charge quelque 20 % des demandeurs d'asile en Europe, contribuant de façon non négligeable à l'effort commun, face à un flux dont l'ampleur reste incertaine pour les mois et les années à venir.
Le programme européen tendant à une plus juste répartition des réfugiés apparaît comme une manifestation de la plus élémentaire solidarité au sein de l'Union. Mais quid de la mise en oeuvre ? Dans leur communication du 11 juin, nos rapporteurs ont rappelé que si certains pays de l'Union européenne possédaient une culture de l'asile, d'autres en étaient totalement dépourvus. Une famille de réfugiés acceptera-t-elle de s'installer durablement dans un pays et une société qui ne souhaitent pas sa présence ? La crise migratoire actuelle fait apparaître un choix résolu en faveur de pays comme l'Allemagne ou la Suède. Une relocalisation non souhaitée est-elle plausible dans l'espace européen de libre circulation ? La question est facile à poser, la réponse difficile à formuler : sommes-nous capables d'accueillir et d'assimiler ces personnes ?
Comme le soulignait récemment avec justesse l'ancien ministre des affaires étrangères Hubert Védrine, abandonner Schengen serait un échec et un risque. Et d'ajouter, avec le sens de la concision et de la justesse qui le caractérise, que selon le principe même de Schengen, la circulation interne est libre parce qu'il existe un contrôle externe. En effet, l'article 23 du code sur les frontières de Schengen dispose qu'un État membre peut exceptionnellement réintroduire le contrôle à ses frontières intérieures en cas de menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure. À chacun d'apprécier ces termes. La mise en place très rapide d'un contrôle effectif des frontières extérieures de l'espace Schengen m'apparaît donc comme une des grandes priorités de l'heure. Il faut encore renforcer l'agence Frontex. Il y a plusieurs années, nous avions préconisé la création d'un corps de gardes-frontières européens. N'est-il pas urgent d'activer la mise en place de ce projet ? Il en va de même pour la mise en place des hot spots, ces centres d'enregistrement et de tri en Italie, en Grèce et peut-être en Bulgarie qui doivent être dotés de moyens très conséquents. Certains proposent même de suspendre provisoirement de l'espace Schengen les États membres situés aux frontières extérieures qui, sous la pression, ne parviennent plus à contrôler la situation.
J'appelle au renforcement urgent des budgets alloués aux agences européennes telles que Frontex, Europol ou le Bureau européen d'appui en matière d'asile et de notre contribution au financement des agences de l'ONU. Le budget de notre aide alimentaire, dans le cadre du Programme alimentaire mondial (PAM) au profit des réfugiés syriens, aurait été récemment drastiquement réduit faute de crédits. Si l'on songe au fonctionnement du programme américain de food stamps, on peut penser que l'aide au PAM constituerait une façon élégante, économique et humaine de donner à nos concitoyens une autre image de l'Europe.
Je rappelle que la Turquie héberge aujourd'hui quelque 2,2 millions de réfugiés syriens, le Liban, un million, et la Jordanie, 650 000. N'oublions pas non plus l'afflux potentiel représenté par les sept millions de Syriens actuellement déplacés à l'intérieur de leur pays par les combats. Les décisions prises les 22 et 23 septembre par la Commission et le Conseil européen, parmi lesquelles le programme d'aide financière aux centres de réfugiés turcs, libanais et jordaniens, me paraissent aller dans le bon sens.
Un représentant du Haut-Commissariat pour les réfugiés vient d'estimer que 5 500 nouveaux réfugiés arrivaient chaque jour sur les îles grecques. Si ce flux devait perdurer, le quota de 20 % de la France ne représenterait pas 30 000 réfugiés sur deux ans, mais plutôt 700 000, auxquels s'ajoutent les autres flux migratoires en provenance de Libye notamment. On s'approcherait du million de réfugiés. Il est urgent d'agir.
Le groupe de travail présidé par notre collègue André Reichardt sur les migrations et l'espace Schengen suit ces questions avec la plus grande attention. Il devrait nous communiquer des conclusions dans les prochaines semaines. Le 16 septembre, la commission des lois a, pour sa part, créé une mission de suivi et de contrôle du dispositif exceptionnel d'accueil des réfugiés, dont M. François-Noël Buffet est rapporteur.
Je ne me lasse pas, tout d'abord, de dénoncer nos nouvelles méthodes de travail. Le Président du Sénat, qui a reçu le bureau de notre commission au mois de juillet, a - me semble-t-il - conscience d'être allé un peu loin. Notre commission a pris un gros coup sur la tête. En ce moment même, la délégation aux collectivités territoriales organise une réunion sur l'accueil des migrants.
Je l'ignorais. Si cette annulation est liée à la réunion de notre commission, c'est une bonne nouvelle. Sinon, ma remarque perdure.
Je suis très sceptique quant aux chiffres indiqués, qui me paraissent très faibles. En septembre, plus de 200 000 réfugiés seraient arrivés en Allemagne. Au deuxième trimestre, l'Union européenne aurait reçu 213 000 demandes d'asile formelles dont 44 000 de Syriens. La réponse de l'Europe n'est pas à la hauteur de la situation, même si elle a toujours accueilli des réfugiés. Dans ma région Languedoc-Roussillon, nous n'oublions pas que quelque 500 000 réfugiés espagnols ont franchi les Pyrénées, lors de la Retirada, après la victoire des forces conservatrices de Franco dans la guerre civile espagnole. Un élu gardois m'a raconté avoir traversé les Pyrénées sur le dos de sa mère. Souvenons-nous des camps du Roussillon, à Rivesaltes, notamment...
où un musée, dû à l'impulsion de notre ancien collègue feu Christian Bourquin, perpétue le devoir de mémoire.
Ainsi, nous avons connu des périodes difficiles au cours de l'histoire. La France accueillera quelques dizaines de milliers de personnes, en respectant son quota de 20 %. Mais il arrive tous les jours des cohortes éligibles au droit d'asile, auxquelles s'ajoutent des ressortissants des Balkans. L'Union européenne va rétrécir les critères qualifiant un pays de sûr.
Nous avons tous un avis sur ces questions extrêmement complexes. Au regard de leur degré de difficulté, nous devons fournir une réponse unitaire. Je suis agacé qu'il n'en aille pas ainsi, même au sein des collectivités territoriales où nous sommes parvenus à nous inoculer le virus de la division nationale. Les élections régionales du mois de décembre et l'omniprésence de l'élection présidentielle créent un climat horrible autour de ces thématiques. L'Europe, dont l'image n'était déjà pas brillante dans l'opinion publique, se voit d'autant plus remise en question. C'est la pertinence du modèle européen qui est en cause, même chez ses partisans les plus fervents.
Notre commission doit jouer tout son rôle à cet égard, comme elle l'a fait avec sa résolution relative à la lutte contre le terrorisme, dont il faut s'inspirer pour trouver des solutions transpolitiques. Nous devons exprimer des préconisations, publiquement et au sein de cette Assemblée.
La Russie est souvent évoquée, comme hier lors de l'approbation du protocole d'annulation de la vente des navires Mistral. Le président de la commission des affaires étrangères et de la défense a largement plaidé pour une meilleure prise en considération du point de vue russe, en particulier en Syrie. Cette question nous empoisonne.
Outre la question économique, la politique étrangère provoque un découplage entre une Europe du sud proche du point de vue français et une Europe du nord très méfiante à l'égard de la Russie, celle-là étant exposée à l'arrivée de migrants, celle-ci exprimant une position très différente. Évitons la division entre des États dénonçant l'impérialisme de la Russie et d'autres qui la jugent indispensable.
La « défense au large » doit être abordée. Au-delà des hot spots en Grèce et en Bulgarie, l'enjeu est d'interrompre le flux à la source, par des réponses militaires mais aussi économiques. La carte de l'Europe affichée dans notre salle de réunion s'arrête au Sahel. N'y figurent ni le sud du Sahel, ni la Libye, source et voie de migrations. Le montant des aides à l'Afrique est intéressant mais inadapté. Autant les opérations militaires de la France sont extrêmement efficaces, autant ses capacités ne sont pas à la hauteur des enjeux financiers de la zone subsahélienne. Nous devons mobiliser davantage l'Europe sur la « défense au large » et le développement économique.
Je tiens à vous féliciter, Monsieur le Président, pour votre intervention précise et large à la fois. Il faut parler de crise humanitaire et non migratoire, au vu de son ampleur. Les réfugiés sont 5 à 6 millions, dont plus de 2 millions en Turquie et environ un million au Liban - des réservoirs considérables. La crise durera, nous devons nous y préparer. La pression extrême sur les pays d'accueil a été identifiée : l'Italie - dont on parle moins ; la Hongrie ; la Grèce - démunie face à un flux qui augmente sans cesse. Il n'existe qu'un centre d'enregistrement des migrants à Athènes, alors que les réfugiés débarquent par milliers sur les îles frontalières de la Turquie. L'Europe est à un tournant. Cette crise est révélatrice de sa capacité à affronter les difficultés. Soit elle affirme sa solidarité, soit elle y échoue et les égoïsmes nationaux prennent le pas.
L'intervention russe en Syrie a-t-elle frappé l'État islamique ou des rebelles plus modérés ? Elle accroît la pression sur la population locale et ainsi le flux de réfugiés.
L'Europe doit faire montre de solidarité et apporter une réponse globale. Les accords de Schengen, en danger, doivent être respectés. La réponse politique passe par une sécurisation des frontières extérieures - le président de la Commission va proposer un texte créant des gardes-frontières et des garde-côtes. L'Europe et d'autres membres du conseil de sécurité de l'ONU doivent peser pour obtenir l'autorisation d'intervenir en Méditerranée afin de mettre les passeurs hors d'état de nuire. Après avoir fermé les frontières pour un temps donné, il faut aussi les rouvrir dans les délais indiqués et ouvrir des centres d'accueil communautaires à l'intérieur de l'espace Schengen et pas seulement dans les pays limitrophes. La hausse des moyens est encore trop limitée. Alors que la coordination de la politique étrangère européenne devrait être renforcée, on entend peu la Haute représentante de l'Union européenne.
Il faut aussi refonder la politique de codéveloppement. Les migrants sont aussi poussés par des motifs économiques. La solution serait qu'ils puissent rester chez eux.
La situation crée un risque de tension politique extrême en France. Songeons aux déclarations de ces derniers jours... Ne jouons pas sur les peurs ! Le débat sur le droit des étrangers au Sénat, pour ne pas être instrumentalisé, doit être mené en responsabilité face à une opinion publique proche du point de bascule entre l'égoïsme et une solidarité fragile.
Il est très difficile de discuter de chiffres, à propos d'anticipations, alors que les facteurs qui influencent les mouvements que nous observons sont multiples. On connaît le nombre de demandes d'entrée mais le nombre d'installations réelles sur le territoire de l'Union européenne est plus difficile à évaluer. La croissance naturelle de la population française est de 350 000 personnes par an, le solde migratoire de plus de 100 000. Le pays semble l'absorber sans crise. La situation des réfugiés doit être bien distinguée de celle des autres migrants. La France est signataire depuis 64 ans d'un accord international l'obligeant légalement à accueillir des réfugiés, radicalement distincts des autres migrants.
Sans émettre le moindre doute sur l'impartialité des juridictions, avec 70 % de demandes ne remplissant pas les conditions, le taux de sélection de la France est bien supérieur à celui d'autres États de l'Union européenne tels que l'Allemagne ou les pays du Nord. Une seule source d'arrivée sur cinq concentre l'attention : les conflits continuent en Afghanistan, au Soudan, en Érythrée. Quant à la Libye, l'absence d'État y est facteur de déstabilisation. Oui, il faut faire de l'aide au développement, sans oublier que nous avons cinquante ans d'expérience sur le sujet et beaucoup d'économistes montrent qu'il est très difficile de savoir si une telle politique produit des effets sur la croissance.
Ainsi, les mouvements migratoires en Afrique n'ont rien à voir avec le niveau du produit intérieur brut (PIB) par habitant. Ainsi, le Mali connaît une émigration vers l'Europe dix à quinze fois plus importante que d'autres pays dont le PIB par habitant est similaire. Le raisonnement selon lequel la pauvreté implique l'émigration est simplificateur.
Les perceptions et l'engagement à l'égard des réfugiés diffèrent beaucoup d'un pays à l'autre de l'Europe. Les mentalités collectives, la situation politique, les pulsions sociales en Europe centrale et orientale diffèrent de chez nous. L'élargissement de l'Union européenne comportait cette dimension. Le rapprochement des mentalités souhaité par Robert Schuman et Jean Monnet avance lentement. Rendons hommage à l'esprit de responsabilité du gouvernement polonais qui perdra les prochaines élections au profit de personnalités nettement moins estimables. Enfin, je constate que l'unité politique, dont devraient faire preuve les partis de gouvernement, en particulier dans notre Assemblée, est absente.
Nous butons, en effet, sur le problème des chiffres. Quelque 500 000 réfugiés sont arrivés au cours des six premiers mois de l'année, soit un million en un an. Cette tendance perdurera-t-elle ? Je note que 20 % d'un million égalent 200 000 personnes. Nous devons distinguer celles qui viennent pour une période limitée et rentreront chez elles de celles qui resteront. J'ai été frappé, lorsque j'habitais en Allemagne, par la reconduite amicale des ressortissants des Balkans vers chez eux, une fois la situation apaisée. Politiquement, il est très différent d'intégrer quelqu'un et de lui offrir un abri pendant un à deux ans. La population syrienne formée est désireuse de rentrer chez elle.
Il est dangereux de modifier les accords de Schengen, mais ils présentent des difficultés d'application. Le règlement de Dublin ne fonctionne pas. Si les hot spots constituent une mesure de bon sens, l'expérience montre que l'Union européenne a beaucoup de bonnes idées qui ne sont pas concrétisées. Cette excellente idée le sera-t-elle ?
Abordons aussi la répartition avec les autres États. Les pays du Golfe ne font guère d'efforts. Et le Koweït, que nous sommes allés aider lorsqu'il fut envahi par l'Irak ? Et la Russie ?
Ne peut-on exercer une pression internationale ? Mutualiser davantage l'accueil ?
L'Europe a connu des difficultés bien plus grandes. Souvenons-nous de ses Pères fondateurs ? Elle a été construite sur trois guerres. La génération des Trente Glorieuses, heureuse, n'est pas habituée à de telles difficultés. Les dirigeants européens sont apparus désemparés, manquant d'anticipation et de réflexion.
J'ai lu cet été un article très intéressant d'Agnès Sinaï dans le Monde diplomatique montrant que le réchauffement climatique était en partie à l'origine du conflit syrien. S'y sont greffés, ensuite, le manque d'eau, des transferts de population et les attitudes criminelles d'Assad. Nous sommes au début d'un phénomène mondial. Notre réflexion doit se situer à ce niveau. Nous avons agi en Europe de façon franco-française. Maintenant, les problèmes sont mondiaux. Des murs s'élèvent en Europe, quand nous sommes plongés dans la mondialisation. Resituons les enjeux en conséquence. À cet égard, J'attends avec impatience le rapport d'information de Leïla Aïchi sur les conséquences géopolitiques du changement climatique.
Dans ce débat politique important, je m'éloignerai des réflexions politiques sur la résolution du problème global des migrations pour me focaliser sur les mesures concrètes et simples à mettre en oeuvre dans l'espace Schengen. J'ai été mandaté par notre commission pour mener un groupe de travail sur ce sujet avec Jean-Yves Leconte. La situation véritable de Schengen est victime d'une grande méconnaissance générale. On n'y voit pas assez clair et le comportement des pays européens n'est pas du tout uniformisé. La commission des affaires européennes doit poser un diagnostic clair. Par exemple, le règlement de Dublin ne fonctionne pas du tout. Nous devons partager une position commune sur un diagnostic et des solutions. Nous mènerons des auditions d'ambassadeurs, dont celui de Hongrie, mais devrons aussi nous déplacer, rencontrer les responsables de Frontex et mener une réflexion étayée sur le règlement de Dublin. Nous aurions intérêt à mener une réflexion commune avec la commission des affaires étrangères tant les domaines s'interpénètrent.
Sans mélanger les problématiques, n'oublions pas les risques potentiels de terrorisme que ces migrations particulièrement importantes font courir.
Merci pour ces interventions nécessaires. Il faut éviter à la fois l'émotion et l'inhumanité sur ce sujet extrêmement sensible, en le traitant avec humanisme et responsabilité. La France a une tradition d'accueil et souscrit depuis longtemps à des engagements internationaux, auxquels je suis favorable.
J'ai pris l'initiative, dans ma ville normande de Condé-sur-Noireau d'accueillir des réfugiés - trois familles maximum alors qu'une centaine de logements sociaux sont libres. J'ai été extrêmement surpris de la provenance de certaines réactions négatives. Elles m'ont poussé à m'interroger sur la capacité d'acceptation de la population, dont une proportion importante est à la limite du racisme, et sur l'incompréhension de ce que nous vivons actuellement. C'est extrêmement dangereux. Nous avons assurément beaucoup de pédagogie et de clarifications à accomplir. Personne ne comprend rien à Schengen ni à Dublin. Je suis inquiet de la capacité de compréhension et d'acceptation de ce phénomène par des citoyens dont je n'aurais pas soupçonné les réactions.
Avec plusieurs collègues, nous travaillons à un rapport sur le partenariat oriental. Il nous faudra intégrer la nouvelle donne internationale. Nous ne pouvons plus faire comme si la Russie n'existait pas.
Nous pourrions engager une réflexion prospective sur les réfugiés climatiques. Ce serait parfaitement en phase avec le rôle de notre commission.
J'ai toujours rêvé à ce que Jean Monnet avait écrit sur l'Europe de la défense : si nous l'avions suivi, nous aurions une Europe plus intégrée. Nous avons très mal engagé nos négociations avec l'Ukraine : nous ne pouvions pas ignorer la Russie. En Syrie, qui essaie de trouver une réponse ? C'est Poutine, en lien avec Obama, alors que l'Union européenne est totalement absente du dossier syrien. Cette crise migratoire est imputable à l'inefficacité de l'Europe.
Il y a de quoi s'interroger sur les statistiques de demandes d'asile. Au deuxième trimestre, la France se contente d'un nombre modeste, 14 700, soit 7 % du total, un peu faible pour la patrie des droits de l'homme et de la liberté. En face, l'Allemagne, qui n'a pas la même réputation dans le monde, a reçu 38 % des demandes ; la France est au même niveau que la Suède, alors qu'une bonne partie des réfugiés viennent d'un territoire anciennement sous mandat français. Il faut nous rendre à l'évidence : ils ne sont guère attirés par la France...
Nous ne pouvons pas incriminer la position géographique de notre pays : la Suède est plus éloignée. Je me demande donc si une bonne partie d'entre eux ne sont pas des migrants économiques, qui savent comme tout le monde que l'Allemagne a un fort besoin en main d'oeuvre. Il sera intéressant de voir dans la future répartition entre pays européens quels sont ceux que l'Allemagne gardera et quels sont ceux qu'elle enverra vers ses voisins...
Ces sujets peuvent être pris par le petit bout de la lorgnette ou avec plus de distance. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une crise purement migratoire ; c'est la conséquence prévisible des crises du Moyen-Orient et en Afrique. Travailler avec la commission des affaires étrangères et de la défense est une bonne idée. Je lisais l'interview de Jacques Attali - qui n'est pourtant pas ma référence idéologique préférée... Je crois qu'il a raison de parler d'un monde qui passe d'une population sédentaire à une population de plus en plus mobile, pour différentes raisons, dont le changement climatique. Comment qualifier les migrants climatiques : sont-ils des réfugiés ou des migrants économiques ? Faut-il d'ailleurs faire cette distinction entre les « bons » réfugiés qui fuient la guerre et les « mauvais » migrants qui fuient la famine ? Serait-ce une moins bonne raison de se déplacer ?
Outre son impréparation à cette situation, il semble difficile au monde politique de s'extraire de problématiques de politique intérieure, où règne la petite phrase, comme celle sur « la race blanche »... La stigmatisation des étrangers n'est pas nouvelle : il n'y a pas si longtemps, c'était « le bruit et l'odeur »... Il est normal que la population soit inquiète de l'arrivée d'un nombre inconnu de migrants, mais qui seront demain plus nombreux qu'aujourd'hui. Je me souviens d'un débat, il n'y a pas si longtemps, où le patronat lui-même s'inquiétait de voir se tarir le flux de main d'oeuvre immigrée dans certains secteurs. Il faudrait une discussion franche sur la politique migratoire ; je ne crois pas, malheureusement, que nous pourrons l'avoir dans le cadre du prochain projet de loi.
Je salue la qualité des interventions sur un sujet auquel nous devions nous intéresser en priorité à la reprise de nos travaux. Le groupe de travail sur les migrations doit poursuivre ses réflexions. Nous devrions rencontrer Frontex, dont le responsable est un Français. Il est effectivement difficile d'obtenir des chiffres précis. Les migrants prennent souvent la précaution de jeter leurs papiers d'identité, quand ils en ont, avant d'entrer sur le territoire européen. Alors, quand on nous présente des chiffres à l'unité près...
Je suis très attaché à Schengen : la libre circulation à l'intérieur des frontières de l'Europe n'est possible qu'avec un contrôle aux frontières extérieures. Les faits ont montré l'impossibilité de mettre en oeuvre la procédure de Dublin. Quant à la réponse unitaire des États membres, nous voyons déjà les difficultés que cela pose à la société française. Des postures différentes par pays apparaissent sur la PAC qui est pourtant la première politique communautaire. Jacques Attali est souvent très pertinent dans ses observations - un peu moins dans ses propositions... La crise des subprimes nous est venue d'Outre-Atlantique. La France n'est pas étrangère à la situation en Libye, où elle n'a sans doute pas suffisamment préparé la suite de son intervention ; mais était-ce possible ? L'Union européenne doit entretenir des relations apaisées avec son grand voisin oriental, la Russie. Le partenariat oriental a été mené maladroitement : il était maladroit de demander à l'Ukraine de choisir entre ce partenariat et l'Union eurasiatique, comme l'on demanderait à un enfant de choisir entre son père ou sa mère divorcés...
Nous en payons le prix fort aujourd'hui. Ce qui s'est passé à l'ONU offre peut-être l'occasion d'une main tendue que nous ne pouvons pas refuser. Didier Marie a raison, nous ne pourrons pas faire face à un afflux de plusieurs millions de personnes. Les pays du Golfe ne se préoccupent guère de leurs voisins. L'Union européenne est confrontée à un problème très difficile auquel nous devons remédier en augmentant les moyens de Frontex, en créant des postes de gardes-frontières et de garde-côtes.
L'Allemagne, à une certaine époque, considérait que les réfugiés avaient vocation à retourner dans leur pays ; mais une partie restera. Jacques Attali a raison de parler de bouleversement mondial. Nous continuerons donc notre réflexion avec André Reichardt sur Schengen. Espérons des rapports plus normalisés avec nos voisins russes, même si nous ne sommes pas dupes de leur diplomatie.
La politique de voisinage de l'Union européenne se décline en un partenariat oriental avec des pays comme l'Ukraine, la Biélorussie ou la Moldavie et un partenariat euro-méditerranéen avec les pays de la rive sud de la Méditerranée.
Le 13 avril dernier, les ministres des affaires étrangères des 28 États membres de l'Union européenne et des pays de la rive sud de la Méditerranée, à l'exception notable de la Libye - à cause du chaos qui y règne, avec deux gouvernements rivaux - se sont réunis à Barcelone afin d'évaluer les contours actuels de la politique de voisinage. La présidence lettone était surtout préoccupée par le partenariat oriental - je l'avais d'ailleurs fait remarquer à l'ambassadrice lettone. Le secrétaire général de l'Union pour la Méditerranée (UPM), comme celui de la Ligue arabe, était associé à cet échange, mais cette organisation n'a pas constitué le cadre de cette rencontre.
La présidence lettone voulait promouvoir une nouvelle approche, audacieuse et flexible, pour reprendre ses mots, qui prenne mieux en compte le contexte régional et réponde à l'instabilité qui fragilise plusieurs pays de la rive sud. Comme nous l'avions déjà relevé en septembre 2013 à l'occasion d'un déplacement de notre commission au Maroc et en Tunisie, la présidence comme la Commission européenne ont constaté que l'Union européenne n'a pas forcément bien négocié le virage des printemps arabes. Elle n'a pas su anticiper l'aspiration des populations concernées au changement. Elle ne semble pas en mesure de répondre dans le cadre actuel, aux conséquences de ces mouvements, qu'il s'agisse de l'explosion des migrations ou de la dérive djihadiste. L'Union européenne s'est certes dotée d'instruments financiers destinés à financer des projets politiques, économiques ou sociaux. Nous les avions détaillés dans notre rapport. Elle a également multiplié les soutiens à des organes externes : l'Union pour la Méditerranée ou la Fondation Anna Lindh. Ces actions peuvent néanmoins apparaître en décalage avec l'urgence terroriste ou la nécessité de lutter contre les esclavagistes modernes que sont les passeurs.
Ce tableau peut vous paraître noir. Je reste cependant, comme vous le savez, un ardent défenseur de la politique méditerranéenne de l'Union européenne. Je milite depuis des années pour une sanctuarisation de ses crédits. La présidence lettone aurait d'ailleurs bien voulu grignoter au profit du partenariat oriental, comme je l'avais fait remarquer à l'ambassadrice de Lettonie quand nous l'avons auditionnée ! L'approche retenue n'est pas financière mais bien politique. La question est simple : que devons-nous faire de cet instrument qui fait suite au processus de Barcelone, fondé sur l'économie, mais qui, au vu des récentes évolutions, devrait passer à autre chose ?
Pour y répondre, je souhaiterais que nous écoutions un peu plus nos partenaires méditerranéens. Le point de vue algérien, dont on parle peu, est sans doute l'un des plus pertinents sur cette question. Contrairement à ses voisins tunisien ou marocain, l'Algérie n'a pas signé de plan d'action avec l'Union européenne. Sa rente pétrolière l'a longtemps tenue à l'écart du dialogue avec la rive nord, le pays privilégiant une stratégie de développement indépendante. La nécessité de réformer son modèle économique la conduit aujourd'hui à s'ouvrir un peu plus. Or que constate-t-elle quand il se tourne vers l'Union ? Un empilement de structures, qu'un ancien ambassadeur algérien à Bruxelles qualifie de mille-feuilles - il y en a beaucoup - subtilement complexe et dont la valeur ajoutée n'est pas immédiatement perceptible pour nos partenaires.
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, vice-président -
Le ministre algérien des affaires étrangères indique, dans la même veine, que le modèle actuel a atteint ses limites. Il n'abandonne pas pour autant l'idée d'un partenariat entre les deux rives et appelle à la mise en place d'un espace européen commun de sécurité et de prospérité partagée. Il faut capitaliser sur cette envie pour définir une nouvelle orientation partagée par nos partenaires traditionnels. Car la déception est palpable en Tunisie et même au Maroc, malgré son partenariat avancé avec l'Union européenne. Tous deux déplorent l'absence d'une vision stratégique sur les grands enjeux.
Notre dialogue avec le Maroc se focalise malheureusement plus aujourd'hui sur le prix de la tomate ou sur les zones de pêche, dans le cadre de l'accord de libre-échange complet et approfondi (Aleca), que sur la question des migrations illégales, via les enclaves espagnoles de Ceuta ou Melilla. On peut se demander en quoi consistera, dans ces conditions, le partenariat avancé, que l'Union européenne veut proposer demain à la Tunisie ? S'il se résume à un accord de libre-échange poussé, je doute qu'il séduise des Tunisiens plus intéressés par un soutien politique et sécuritaire concret face au péril islamiste.
Miguel Angel Moratinos, ancien ministre des affaires étrangères espagnol et père du processus de Barcelone, est également partisan d'un tel renouvellement, en insistant notamment sur la différenciation entre politique méditerranéenne et partenariat oriental. Cessons de suivre des modèles qui ont mal résisté aux dernières évolutions géopolitiques. Cela est aussi vrai pour le partenariat oriental d'ailleurs... La politique étrangère de l'Union européenne ne saurait être stéréotypée et se limiter à l'exportation d'un modèle qui ne serait in fine qu'économique, renforçant l'impression de paternalisme que peuvent ressentir nos partenaires sur la rive sud. La notion de différenciation doit également être au coeur de notre démarche avec les pays de la Méditerranée. Le cas marocain n'est pas similaire au cas jordanien - la Jordanie étant particulièrement intéressée par l'aide de l'Union européenne pour nourrir plus de 800 000 réfugiés syriens - et la Tunisie ne présente pas les mêmes caractéristiques que l'Algérie.
Avec Louis Nègre, tous deux élus de départements méditerranéens, nous allons prolonger nos travaux sur cette question dans les prochains mois et suivre particulièrement les futures orientations de la Commission européenne, qui devraient être rendues publiques cet automne. Le Sénat italien, à qui nous devons rendre visite à la fin du mois, est particulièrement demandeur d'une coopération avec notre Assemblée, afin de proposer une feuille de route parlementaire dans ce domaine. Nous échangerons donc pour aboutir à un texte commun, rédigé par les représentants de deux grands pays méditerranéens, qui connaissent bien les spécificités de Mare nostrum. Avec en filigrane l'idée que l'avenir de l'Union européenne est aussi au Sud.
Je vous remercie. Il est normal qu'après le Maroc et la Tunisie, nous nous intéressions à l'Algérie. Le Sénat est particulièrement demandeur d'échanges sur cette question avec nos homologues italiens que nous rencontrerons prochainement.
Le Gouvernement nous saisit de deux textes sur lesquels nous devons nous prononcer en urgence.
Le premier est une recommandation de décision autorisant l'ouverture de négociations en vue d'un accord-cadre avec l'Arménie, afin de remplacer l'actuel accord de partenariat et de coopération entré en vigueur en 1999. L'Arménie a adhéré le 2 janvier 2015 à l'Union économique eurasiatique créée à l'initiative de la Russie, décision qui avait entraîné en 2013 la suspension du paraphe d'un précédent accord d'association approfondi avec l'Union. La Commission européenne veut poursuivre le rapprochement avec l'Arménie en s'appuyant sur l'acquis de la négociation de l'accord d'association avorté sans que cela soit incompatible avec son engagement dans l'Union économique eurasiatique.
Nous avons constitué au sein de notre commission un groupe de travail sur le partenariat oriental. Le président Jean Bizet propose que celui-ci suive l'évolution des négociations de cet accord-cadre et nous fasse part en temps voulu de ses conclusions. À ce stade, je pense que nous pouvons donc lever la réserve d'examen parlementaire. Qu'en pensez-vous ?
Cette problématique doit effectivement être intégrée dans les réflexions de notre groupe de travail.
Je précise que la « réserve d'examen parlementaire » assure au Sénat que le gouvernement ne prendra pas une position définitive au Conseil pendant un délai qui est de huit semaines pour un projet d'acte législatif. Lorsqu'un texte doit être inscrit à l'ordre du jour du Conseil, le gouvernement nous interroge pour savoir si cette « réserve d'examen parlementaire » peut être levée. À défaut de pouvoir réunir la commission, le président Bizet doit décider lui-même. Il peut arriver que l'on refuse. Ce fut le cas pour un projet d'accord PNR avec les États-Unis sous le gouvernement Fillon. Cette commission a des pouvoirs très importants, qui ne sont malheureusement pas assez connus dans cette assemblée...
En tant que président du groupe d'amitié Caucase du Sud, je rappelle que subsiste un vrai problème entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, dont 20 % du territoire - le Haut-Karabakh - est occupé par l'Arménie, en dépit de toutes les résolutions des Nations-Unies exigeant son retrait, sur lesquelles elle s'assoit. La France devrait le rappeler. Même si l'Arménie et la Russie ont une relation particulière, nous ne nous en sortirons pas si nous ignorons les conflits « gelés » comme celui-ci, l'Ossétie du Sud ou la Transnistrie. D'autant que la France est vice-présidente du groupe de Minsk consacré au Haut-Karabakh. Des conventions sont en train d'être signées, une semaine culturelle française sera organisée au Haut-Karabakh... La France doit rappeler sa position.
Les conflits « gelés » créent beaucoup d'interférences. Je regrette que la commission des affaires étrangères et de la défense ne s'en saisisse pas. Mon groupe demandera que ces sujets y soient abordés.
Le deuxième texte concerne la position de l'Union européenne à adopter au sein du Conseil des aspects de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Adpic) de l'Organisation mondiale du commerce, sur la demande des pays les moins avancés de proroger les décisions les exonérant de l'obligation d'assurer la protection des brevets et d'octroyer des droits exclusifs de commercialisation en ce qui concerne les produits pharmaceutiques.
Ces décisions remontant à 2002 et expirant le 1er janvier 2016 sont la concrétisation de la Déclaration de Doha sur l'accord Adpic et la santé publique de 2001 qui reconnaissait la nécessité d'aider les pays en développement à lutter contre les trois pandémies mortelles que sont le Sida, le paludisme et la tuberculose - Alain Mérieux m'a confirmé récemment qu'il y a là un champ énorme à couvrir. Un accord était intervenu entre membres de l'OMC autorisant les pays émergents à reproduire sous forme générique des médicaments brevetés dans les pays développés, et à les commercialiser aux pays les moins avancés.
La proposition de décision qui nous est soumise envisage que l'Union se range à la décision la plus consensuelle parmi les membres de l'OMC. Elle établit ainsi deux hypothèses : le soutien à une majorité de pays qui opterait pour une prorogation des décisions sans véritable limite fixée au préalable, donc jusqu'à ce qu'ils ne fassent plus partie du groupe des pays les moins avancés ; le soutien à une majorité qui se dégagerait en faveur d'une prorogation temporaire comme ce fut le cas en 2002.
Ces sujets sont délicats. Je crois que notre groupe de travail sur la propriété intellectuelle pourrait utilement examiner cette question dans un avenir proche. Dans l'immédiat, je vous propose de lever la réserve d'examen parlementaire sur ce texte.
Le gouvernement nous a transmis au mois d'août la liste des candidats proposés par la France pour le renouvellement du comité économique et social européen. Il est regrettable que ces listes arrivent toujours en dehors des sessions. Dans le comité sortant, le président de cette assemblée était un Français. Nous voyons passer les wagons, comme pour le Conseil économique, social et environnemental, ou les contrats d'objectifs et de moyens d'entreprises audiovisuelles. C'est cavalier, d'autant plus que les négociations pour ces nominations ont commencé depuis longtemps entre l'exécutif et les représentants du patronat et des salariés.
Notre collègue député européen Michel Dantin m'a envoyé un rapport du Comité économique et social européen présentant une analyse très approfondie de la répartition de la PAC. Ce rapport vous sera transmis.
Quand un nouveau président sera élu - espérons que ce soit à nouveau un Français - il serait intéressant de le recevoir.
Nous avions reçu l'actuel président en février 2014.
La réunion est levée à 10 h 20.