Séance en hémicycle du 25 juillet 2017 à 21h30

Résumé de la séance

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  • syndicale

La séance

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La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Conformément aux articles 56 et 13 de la Constitution, M. le président du Sénat a saisi la commission des lois pour qu’elle procède à l’audition et émette un avis sur la nomination de M. Michel Mercier, qu’il envisage de nommer aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel, en remplacement de Mme Nicole Belloubet.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport du Conseil supérieur de l’Agence France-Presse au Parlement et le rapport de contre-expertise du dossier d’évaluation socio-économique du projet d’opération de construction d’un établissement pénitentiaire à Loos, accompagné de l’avis du Commissariat général à l’investissement.

Acte est donné du dépôt de ces documents.

Ils ont été transmis aux commissions permanentes compétentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’amendement n° 227, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Simplifiant les modalités permettant d’attester de l’engagement des négociations dans le cadre des négociations obligatoires ;

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre du travail

Cet amendement tend à envisager des pistes de simplification des modalités de conclusion ou, plus particulièrement, d’absence de conclusion des accords.

Dans certains cas, par exemple, l’établissement d’un procès-verbal de désaccord est compliqué. En effet, les parties qui n’ont pas fait aboutir la négociation doivent s’entendre sur le procès-verbal de désaccord, qui doit être déposé à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE. Faire signer par toutes les parties qu’il n’y a pas eu d’accord prend quelquefois beaucoup de temps, sans apporter aucune plus-value sur le fond.

Cet amendement vise donc à simplifier les modalités attestant l’engagement de négociations et l’échec de celles-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Vous l’avez compris, nous sommes opposés à ce texte en général et nous voterons contre cet amendement en particulier. En effet, non seulement il ne reste que peu d’obligations à négocier, mais vous allez en plus simplifier et alléger les modalités permettant d’attester de l’engagement des négociations.

Quand des négociations sont engagées, nous ne sommes déjà pas certains qu’elles aboutiront. Avec cet amendement, l’engagement même de ces négociations sera encore un peu plus flou.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Je suis également opposé à cet amendement. Le procès-verbal qui constate le désaccord et en explique les causes et les attendus sert la plupart du temps de fondement en cas de recours juridique. En l’absence de procès-verbal détaillé, les plaignants n’auront plus la possibilité de faire valoir les points de désaccord qui sont imputables à leur employeur.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 26 rectifié est présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 95 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l’amendement n° 26 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Cet amendement a pour objet l’un des alinéas les plus importants du projet de loi, dont il traduit parfaitement la philosophie. En l’absence de délégué syndical, le texte prévoit qu’il est possible de négocier avec le délégué du personnel ou le personnel directement. C’est inimaginable ! Comme il existe un rapport de subordination, les pressions sont très faciles à opérer.

Même en l’absence de telles pressions, on peut imaginer que les personnels salariés chargés de négocier aient des craintes, des réticences, voire des appréhensions sur les représailles éventuelles, même si l’employeur n’a pas de mauvaises intentions.

Il faut, pour négocier, une personne totalement indépendante et protégée, qui ait la certitude que rien de négatif ne pourra s’exercer contre elle.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Évelyne Rivollier, pour présenter l’amendement n° 95.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Rivollier

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous demandons la suppression de l’alinéa 12 de l’article 1er pour une raison très simple, que notre collègue vient d’expliquer : le rapport de subordination des salariés envers les employeurs.

Quiconque a déjà été salarié ou employeur sait pertinemment qu’il y a un rapport de domination de l’un sur l’autre. C’est dans ce cadre d’ailleurs qu’ont émergé les organisations syndicales qui, par leurs droits collectifs d’expression et d’action, peuvent pour partie rétablir l’équilibre des rapports de force dans une négociation.

L’alinéa 12 permet à un employeur d’organiser la signature d’un accord sans les organisations syndicales, mais par le biais d’élus du personnel sans mandat syndical. Il remet en cause ce principe de négociations peu ou prou équilibrées.

Vous le savez, les syndicats se forment pour connaître les textes qui régissent le droit du travail et ce n’est pas le cas pour des personnels sans appartenance syndicale. Ainsi, des salariés sans appui syndical, potentiellement soumis à des pressions patronales sur l’emploi, pourront négocier des accords au risque de se faire imposer des décisions contraires à leur intérêt.

Vous ne faites donc que renforcer le pouvoir de domination de l’employeur sur l’employé en permettant le contournement des organisations syndicales qui sont pourtant les garantes d’une force collective de négociation.

Finalement, la mesure proposée à l’alinéa 12 de cet article permet la généralisation du chantage à l’emploi et l’affaiblissement des droits collectifs d’organisation des salariés. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons, mes chers collègues, de le rejeter.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’amendement n° 190, présenté par M. Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Costes, MM. Arnell, Bertrand, Castelli et Collombat, Mme Malherbe et M. Collin, n’est pas soutenu.

L’amendement n° 239, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Remplacer les mots :

en permettant notamment aux employeurs, dans les entreprises employant moins de cinquante salariés dépourvues de délégué syndical, de conclure des accords collectifs directement avec les représentants élus du personnel ou, en leur absence, avec le personnel

par les mots :

notamment dans les entreprises dépourvues de délégué syndical sous un certain seuil d’effectif

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Nous devons nous interroger sur les dispositions relatives à la négociation en l’absence de délégué syndical. Je rappelle que 4 % des entreprises de moins de 50 salariés ont un délégué syndical, contre 27 % des entreprises employant de 50 à 99 salariés.

Le sujet de fond que nous abordons avec les partenaires sociaux et le Parlement est le suivant : doit-on priver de possibilité d’accord les entreprises n’ayant pas de délégué syndical, ainsi que leurs salariés ?

Nous souhaitons absolument conserver le monopole syndical et donner la priorité au développement du syndicalisme, mais nous devons tenir compte du fait que 55 % des salariés du secteur privé dans notre pays travaillent dans des entreprises de moins de 50 salariés. Les priver d’une représentation leur permettant de signer des accords revient aussi à les priver, ainsi que leurs employeurs, d’une capacité à développer la culture de la négociation collective.

Le Gouvernement souhaite mener à bien la refonte du droit du travail en s’appuyant sur les concertations avec les partenaires sociaux qui viennent tout juste de s’achever. Sur certaines questions, elles ont été très convergentes ; sur ce sujet, elles ne l’ont pas été. En effet, il faut, à la fois, prendre en compte la réalité – le nombre de délégués syndicaux ou de salariés mandatés est très faible dans les petites entreprises – et le souhait que cette situation change. Pour autant, nous ne pouvons pas agir par incantation…

Dans ces conditions, quelle est la dynamique permettant d’aller en ce sens ? Nous partageons le constat dressé par votre commission, selon lequel cette question concerne principalement les entreprises en deçà d’un certain seuil de salariés. Nous ne pouvons porter la même appréciation sur les petites entreprises et les grandes.

Nous proposons donc un ajustement rédactionnel pour tenir compte de ce constat, en gardant toutes les options ouvertes, puisque, à ce stade, plusieurs solutions sont envisageables.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Les amendements identiques n° 26 rectifié et 95 visent à supprimer l’alinéa 12, donc les apports de la commission.

Je rappelle une évidence : personne ne peut obliger un salarié à devenir délégué syndical ou à être mandaté. Or, comme la conclusion d’un accord est aujourd’hui par principe un monopole du délégué syndical, les petites entreprises et leurs salariés se retrouvent à l’écart de la négociation collective. Doit-on accepter cette situation ? Doit-on fermer les yeux et ne s’occuper que des entreprises dotées de délégués syndicaux ? La réponse est évidemment non.

C’est pourquoi nous avons voulu trouver une solution pragmatique pour encourager le dialogue social dans les petites entreprises sans délégué syndical.

Je tiens à apporter une précision : nous ne supprimons pas le mandatement, nous en faisons une option au même niveau que la conclusion d’un accord avec les instances représentatives du personnel ou avec le personnel, sans faire du mandatement un préalable obligatoire.

L’avis de la commission est donc défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 239, qui vise le mandatement, il nous semble moins précis que la rédaction de la commission. J’ai dit néanmoins, lors de la réunion de la commission, que j’étais prêt à donner un avis de sagesse si le Gouvernement clarifiait le seuil d’effectif mentionné dans son amendement – 300 salariés, ou moins ?

En répondant cet après-midi à notre collègue Philippe Mouiller, vous avez montré, madame la ministre, votre volonté de développer le dialogue dans les entreprises dépourvues de délégué syndical. Nous vous faisons donc confiance pour avancer sur ce sujet et émettons un avis favorable sur votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques n° 26 rectifié et 95 ?

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Je ferai la même remarque que M. le rapporteur : nul ne peut obliger un tiers à devenir délégué syndical. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Je reviens à l’amendement n° 239 : doit-il viser les entreprises de 11 à 50 salariés, voire celles de 50 à 300 salariés ? Je ne puis prendre aujourd’hui d’engagement devant vous, car notre réflexion n’est pas achevée. Le problème est forcément plus évident dans les petites entreprises, et les questions sont de nature différente dans les grandes entreprises. Ce sont là les « bornes » de cet amendement. Quelle que soit la solution retenue, il faudra s’assurer qu’elle encourage le fait syndical.

Notre réflexion doit aboutir pour les ordonnances. Pour l’instant, je ne suis pas en mesure de donner la conclusion définitive du Gouvernement sur ce sujet.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 26 rectifié et 95.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Je souhaite revenir sur la logique qui a présidé au dépôt de mon amendement, que je voterai bien entendu !

Vous regrettez, madame la ministre, qu’il n’y ait pas de délégués syndicaux dans certaines entreprises, notamment dans la quasi-totalité celles de moins de 50 salariés. Par conséquent, vous allez faire sans… Une autre attitude envisageable aurait été de chercher à pallier cette difficulté. Le mandatement était une solution. Vous estimez que ce dispositif ne marche pas, mais il vient à peine d’être mis en place ; de quelles possibilités disposons-nous pour le développer ?

Par ailleurs, l’adoption de votre amendement doit permettre, selon vous, de développer le syndicalisme. Je pense le contraire : dès l’instant où les entreprises n’ont plus besoin des syndicats, je ne vois pas pourquoi elles feraient appel à eux. Sur le fond, les négociations ne seront jamais équilibrées. Les risques seront grands alors d’aboutir à une véritable régression des conditions de travail et de salaire dans les entreprises.

Vous dites que les entreprises n’ayant pas de délégué syndical ne peuvent pas conclure d’accord collectif. Mais jusqu’à présent, un certain nombre de règles régissent les rapports entre l’employeur et le salarié : il s’agit de l’accord de branche. Pourquoi ne pas continuer à le mettre en œuvre tant qu’il n’y a pas de possibilité de négocier un accord collectif ? Cela constituerait une bonne incitation à la mise en place de représentations syndicales locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Les amendements identiques n° 26 rectifié et 95 et l'amendement n° 239 doivent être examinés ensemble. Le mandatement ne disparaît pas dans la formule du Gouvernement : il fait partie des solutions. Ce dispositif ne date pas d’hier, et n’a connu qu’une réussite, dans le cadre de la loi Aubry de 1998 sur les 35 heures : il fallait absolument signer un accord pour toucher le soutien financier prévu par le gouvernement. Depuis lors, le mandatement n’a pas fonctionné.

Je remercie notre rapporteur d’avoir annoncé en commission, comme il vient de le répéter, qu’il émettait un avis de sagesse. En effet, l’adoption de l’amendement du Gouvernement, qui ne précise pas de seuil, permet de trouver au Sénat une solution de compromis entre les deux positions. Nous avons résolu une difficulté, car nous n’aurions pas voté le texte de la commission sans l’amendement du Gouvernement.

En effet, nous savons très bien ce que signifie le seuil de 50 salariés. Cela doit marcher partout, il ne faut pas exclure les petites entreprises. Mme la ministre a rappelé les chiffres ; sans cette solution, nous n’y parviendrons jamais, et les petites entreprises seront laissées de côté une fois encore.

C’est ainsi qu’il faut concevoir le problème. Nous voterons donc l’amendement du Gouvernement. Le Sénat aura ainsi adopté une bonne rédaction, qui, je le souhaite, sera conservée par l’Assemblée nationale. Sinon, nos efforts auront été inutiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

J’évoquerai également, comme Mme Bricq, l’ensemble des amendements, car on ne peut pas dissocier les deux amendements identiques de l’amendement du Gouvernement.

Dans les entreprises, en particulier dans les petites entreprises – TPE et PME –, des accords d’entreprise sont conclus de façon informelle, sans sécurité ni valeur juridique. Autant les formaliser en ne perdant pas de vue que l’objectif premier est de multiplier le nombre d’accords sécurisés, dans l’intérêt des entreprises et des salariés. Il faut trouver le moyen d’aller en ce sens.

J’aurais préféré la rédaction de la commission, mais la proposition du Gouvernement me paraît acceptable, puisqu’elle vise le même objectif, tout en laissant les choses ouvertes.

S’agissant du mandatement, Mme Bricq a rappelé qu’il avait fonctionné au moment de la loi Aubry. Certes, mais de manière purement faciale ! À l’époque, des accords de réduction du temps de travail ont été conclus dans les entreprises ; puis, on a fait appel aux syndicats, afin qu’ils mandatent des salariés pour la signature. C’était, en quelque sorte, un mandatement à l’envers ! Voilà comment les choses se sont réellement passées dans la plupart des TPE et des PME.

Aujourd’hui, la possibilité d’un mandatement demeure en l’absence de délégué syndical. Les délégués du personnel sont élus pour trois ans et souvent renouvelés ; il faut donc éviter de les disqualifier par rapport aux délégués syndicaux. Si on veut améliorer leurs capacités, il faudrait éventuellement leur proposer des dispositifs de formation.

Je connais de nombreux délégués du personnel qui adhèrent à un syndicat, sont élus au premier tour des élections de délégués du personnel, mais ne veulent pas être délégués syndicaux. C’est une réalité quotidienne. Les délégués du personnel me paraissent tout à fait aptes à négocier.

Le dernier cas est celui de la consultation de l’ensemble du personnel. Il faut conserver l’ensemble de ces possibilités, afin d’obtenir le maximum d’accords sécurisés aussi bien pour les salariés que pour les entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Je souhaite vous faire part, madame la ministre, d’une inquiétude concernant votre amendement, dont nous avons bien compris les motivations, mais qui vous oblige à un résultat au moment de l’écriture des ordonnances.

Remettre à plus tard la fixation des seuils permettra de négocier et de discuter avec les syndicats, notamment de la question du développement de la représentation syndicale dans les plus petites entreprises.

Néanmoins, il faut trouver rapidement une solution, sinon nous risquons de nous retrouver dans une situation de blocage. Nous avons une réelle occasion de faire évoluer les choses. Vous renvoyez le débat à une autre négociation extrêmement compliquée : comment augmenter le taux de 4 % des entreprises de moins de 50 salariés disposant d’une représentation syndicale ?

Le sujet est complexe et, je le répète, vous avez la responsabilité d’éviter qu’une situation de blocage ne s’instaure. C’est la raison pour laquelle la rédaction de la commission me paraissait plus intéressante : elle permettait de clarifier la situation pour les entreprises de moins de 50 salariés, quitte à laisser la liberté aux entreprises de 50 à 300 salariés de continuer à négocier avec les différents syndicats.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

J’ai cosigné l’amendement n° 26 rectifié, que je soutiens bien évidemment. Je rappelle qu’il prévoit la suppression de l’alinéa 12 dans la rédaction issue des travaux de la commission des affaires sociales.

Nous mesurons tous la difficulté de susciter une présence syndicale dans les petites entreprises, mais, je l’ai déjà dit, le renforcement du dialogue syndical ne peut aller sans le renforcement de la présence syndicale, avec des syndicats dotés de moyens et bénéficiant de formations.

Madame la ministre, pour développer ce dialogue le plus rapidement possible, il importe de trouver des solutions. J’insiste sur le fait qu’elles doivent être impérativement trouvées lors d’une négociation étroite avec les organisations syndicales, et avec leur accord. Il n’est pas impossible d’imaginer que ces solutions soient mises en place pour une durée limitée ou qu’elles soient expérimentales.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, vos propos signalent un sujet important. En souhaitant obtenir une convergence pour la rédaction des ordonnances, nous avons un double objectif : d’une part, mener des actions en faveur de la syndicalisation dans les petites et moyennes entreprises ; d’autre part, développer notre vision d’un dialogue social renforcé avec des organisations syndicales.

Nous agirons de façon pragmatique, afin de ne pas priver les employeurs et les salariés de la possibilité de formaliser leurs accords – vous avez raison, monsieur Gabouty, il existe de nombreux accords informels et non sécurisés – ou de favoriser une plus grande culture de la négociation.

L’expérience prouve que la syndicalisation constitue souvent une première marche, mais d’autres actions peuvent être menées en même temps que cette ouverture.

Je veux apporter une précision sur le mandatement. Il est de notre responsabilité collective – Parlement et Gouvernement – d’élaborer un droit opérationnel et accessible aux entreprises, quelle que soit la taille de ces dernières, ainsi qu'aux salariés. Sinon, le droit reste formel, ce qui ne fait pas progresser les choses.

S’agissant du mandatement, le délégué syndical restera bien évidemment prioritaire. Le mandatement restera possible. Ce dispositif, qui date de 1996, est aujourd’hui très peu utilisé. En revanche, on constate une dynamique en ce qui concerne les délégués du personnel : ils sont présents dans 27 % des entreprises de moins de 50 salariés et dans 80 % de celles qui comptent de 50 à 99 salariés.

Si l’on considère les choses de façon statique, on oppose le raisonnement exigeant un délégué syndical et des règles syndicales – tant pis si, en leur absence, il n’y a pas de négociation – à celui qui promeut une ouverture totale et un contournement des syndicats. Ces deux voies sont des écueils.

Pour notre part, nous cherchons les moyens d’accompagner cette culture de la négociation et de la syndicalisation de façon dynamique. Nous n’avons pas encore trouvé la solution, mais je tenais à vous faire partager l’état d’esprit qui est le nôtre dans la discussion avec les partenaires sociaux : trouver la meilleure voie pour une culture dynamique de la négociation et donc de la syndicalisation. Nous voulons non pas procéder par oukases, mais tenir compte de la réalité de la situation des petites entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je mets aux voix les amendements identiques n° 26 rectifié et 95.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 27 rectifié est présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 96 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour présenter l'amendement n° 27 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Il s’agit de revenir à la disposition consistant à exiger un seuil de 50 % pour qu’un accord collectif soit validé. On souhaite ici définir un seuil de 30 %, ce qui est largement insuffisant et ne traduit pas une véritable majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 96.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Dans la continuité de nos précédents amendements, qui visaient à dénoncer, alinéa par alinéa, les dangers de ce texte, nous proposons cette fois-ci de supprimer l’habilitation donnée au Gouvernement de faciliter le recours à la consultation des salariés pour valider un accord.

Certes, la formulation « consultation des salariés […] pour valider un accord » pourrait paraître positive et représenter un véritable signe de dialogue social tel que nous le concevons, mais, en y regardant de plus près, la dimension de cette consultation est quelque peu particulière, pour ne pas dire partisane. En effet, l’objectif réel de cette disposition est de contourner les syndicats.

Bien évidemment, pour qu’un accord dérogatoire d’entreprise soit valable, il faut qu’il soit adopté. La loi El Khomri a déjà permis de contourner le refus d’un syndicat majoritaire de signer un accord en autorisant les syndicats minoritaires à avoir recours à un référendum.

Votre projet de loi va encore plus loin, madame la ministre, en offrant à présent à l’employeur la possibilité d’être lui-même à l’initiative d’un référendum pour faire passer un accord, avec la liberté de choisir les conditions, le contenu, le périmètre et, bien sûr, celle de faire voter des salariés sur des mesures qui ne les concernent pas obligatoirement ou sur lesquelles ils pourraient même avoir des intérêts contradictoires à ceux d’autres salariés. On connaît d’avance les chantages ou les pressions qui pourraient être exercés – nous avons déjà dénoncé cela ici –, surtout si l’on considère le chômage important qui sévit actuellement.

Je précise par ailleurs, non sans malice, mais avec gravité, que ce référendum à l’initiative de l’employeur est une grande revendication du MEDEF. Cela n’est pas pour nous étonner et, si certains se faisaient des illusions sur le but du Gouvernement ou sur la proximité de vue entre le Président de la République et les organisations patronales, ils trouveront ici une preuve concrète de leur naïveté…

Derrière un argument démocratique et populaire – le référendum –, c’est l’existence et la légitimité mêmes des syndicats représentatifs qui sont attaquées. Finalement, on pourrait faire une analogie entre ce référendum à l’initiative de l’employeur visant à dire aux syndicats « circulez, il n’y a rien à voir » et ces ordonnances qui disent la même chose aux parlementaires, tout cela bien sûr sous couvert de dialogue social et de modernité.

Les pouvoirs jupitériens du Président de la République s’accompagnent de pouvoirs tout aussi jupitériens des employeurs. Dans les deux cas, les représentants du peuple, des collectivités ou des salariés sont contournés, et ce, nous n’en doutons pas, dans l’intérêt du plus fort !

Pour résumer, cet alinéa 13, qui se pare d’une belle apparence démocratique, constitue un véritable danger et un chèque en blanc donné aux employeurs, c’est pourquoi nous en demandons la suppression.

M. Alain Néri applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’amendement n° 97, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Remplacer le mot :

Facilitant

par le mot :

Encadrant

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Ce projet de loi élargit tant le champ de la primauté de l’accord d’entreprise par rapport à l’accord de branche que les possibilités de négociation en l’absence de délégué syndical. Dans ce cadre, l’alinéa 13 de cet article propose de favoriser les conditions de mise en œuvre de la négociation collective en « facilitant le recours à la consultation des salariés, notamment à l’initiative de l’employeur, pour valider un accord ».

À l’image de l’ensemble du texte qui nous est soumis, cette proposition nous semble pour le moins floue. Selon nous, toute consultation devrait au minimum respecter certaines règles.

Tout d’abord, en matière d’information : les tenants et les aboutissants de l’accord doivent être notifiés clairement et de manière intelligible.

Ensuite, le périmètre de cette consultation doit être raisonnable et réfléchi. En effet, pour qu’une consultation soit juste, elle doit faire appel à l’avis des employés mêmes qu’elle concerne. Si un accord impose, par exemple, le travail de nuit aux ouvriers d’une entreprise, les cadres de cette même entreprise non concernés par la mesure ne peuvent être invités à s’exprimer sur cet accord. Cela relève du bon sens, mais mérite d’être précisé, afin d’éviter tout détournement du processus.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il s’agit là d’un amendement de repli par rapport à l’amendement précédent, mais, comme les mots ont un sens, alors que le Gouvernement s’octroie déjà de larges pouvoirs dans la rédaction des ordonnances, essayons d’encadrer autant que possible les larges dispositions proposées, en remplaçant le terme « facilitant » par « encadrant ».

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’amendement n° 191, présenté par M. Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Costes, MM. Arnell, Bertrand, Castelli et Collombat, Mme Malherbe et M. Collin, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Supprimer les mots :

, notamment à l’initiative de l’employeur,

La parole est à M. Guillaume Arnell.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Le présent amendement procède de la même logique que notre amendement précédent, l’amendement n° 190, que je n’ai pas eu la chance de pouvoir défendre.

Il s’agit de maintenir la présence syndicale au sein des petites entreprises. La commission des affaires sociales a souhaité permettre à l’employeur d’organiser un référendum pour valider un projet d’accord afin de surmonter l’opposition des syndicats majoritaires. Cet amendement, qui se justifie par son texte même, vise à supprimer cette possibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’amendement n° 185 rectifié bis, présenté par MM. Assouline, Cabanel et Durain, Mmes Guillemot et Lepage, M. Roger, Mmes Monier et Blondin et M. M. Bourquin, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Compléter cet alinéa par les mots :

, dans le cadre des dispositions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 2232-12 du code du travail

La parole est à M. David Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cet amendement vise un sujet dont nous avons eu l’occasion de débattre l’an dernier. En effet, depuis la loi El Khomri, un accord peut être validé par seulement 30 % des organisations syndicales s’il est approuvé par référendum, c’est-à-dire même si 70 % des organisations syndicales et 49 % des salariés y sont opposés.

Pourtant, l’alinéa dont je propose la modification semble réviser ce mode de fonctionnement, avec une formulation particulièrement vague laissant craindre – on l’évoque même ouvertement –, que la procédure de consultation des salariés puisse être déclenchée sur la seule initiative de l’employeur.

Cela paraît d’autant plus regrettable que le Gouvernement doit rendre au Parlement un rapport d’évaluation sur l’application des nouvelles règles de majorité relatives aux accords portant sur la durée du travail, les repos et les congés, ainsi qu’aux accords de préservation ou de développement de l’emploi. Sans attendre, on légifère à nouveau ! Une méthode permettant de renforcer le dialogue social consisterait à attendre ce rapport, ce qui nous permettrait d’évaluer utilement l’opportunité de généraliser, par un acte législatif, de nouvelles règles de validité pour l’ensemble des accords collectifs.

En effet, il faut le rappeler, le risque de court-circuiter les organisations syndicales existe, des exemples récents ayant montré que le recours au référendum d’entreprise est trop souvent utilisé comme un outil de contournement des syndicats.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

S’il existe des blocages, ce n’est pas par défiance envers le dirigeant d’entreprise, mais parce que les solutions proposées ne conviennent pas à plus de 50 % des salariés et à plus de 30 % des organisations syndicales.

Ce sont bien ces seuils qui garantissent que les syndicats représentants et élus du personnel peuvent jouer leur rôle au sein de l’entreprise. Ils apportent une garantie au maintien des corps intermédiaires dont, pourtant, l’article 2 du présent texte loue l’utilité – vous indiquiez vous-même, madame la ministre, que l’objectif de ce projet de loi était d’encourager à la confiance au travers de ce que vous avez appelé la culture de la négociation.

Cet alinéa témoigne d’une défiance envers les organisations syndicales et laisse la porte ouverte à l’arbitraire d’un chef d’entreprise…

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

… qui déciderait d’imposer ses choix par référendum, avec le rapport de force que cela implique vis-à-vis du salarié.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

En ce qui concerne les amendements identiques n° 27 rectifié et 96, contrairement à ce que pensent nombre de nos collègues, il est déjà possible pour un employeur d’organiser un référendum en vue d’entériner un accord, par exemple en matière d’intéressement et de participation – sur le fondement des articles L. 3312-5 et L. 3322-6 du code du travail – ou de dérogation préfectorale au repos dominical – sur le fondement de l’article L. 3132-25-3 du même code.

Le Gouvernement a la volonté de développer les référendums décisionnels. Nous partageons cette ambition et avons seulement rappelé que ces référendums doivent aussi pouvoir être déclenchés par l’employeur et non seulement par les syndicats, par parallélisme des formes. Je l’avais dit en commission, nous avons précisé « notamment à l’initiative de l’employeur » et non « exclusivement à l’initiative de l’employeur ». Les deux sont donc possibles.

J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Pour ce qui concerne l’amendement n° 97, je crois qu’il ne faut pas, mon cher collègue, être méfiant à l’excès à l’égard des outils de démocratie directe, qu’il s’agisse de la démocratie politique ou de la démocratie sociale.

M. Jean Desessard s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Cet amendement vise à encadrer, plutôt qu’à faciliter, le développement des consultations des salariés. Les auteurs de cet amendement sont donc à l’opposé de la philosophie du Gouvernement et de la commission sur ce point, c’est pourquoi celle-ci a émis un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 191 n’est pas acceptable, car il tend précisément à revenir sur les travaux de la commission des affaires sociales.

Je tiens à préciser un point : la commission et moi-même sommes opposés à la généralisation des accords majoritaires, mais si celle-ci doit être maintenue, il convient de donner à l’employeur, et non seulement aux syndicats minoritaires, la possibilité d’organiser un référendum pour faire valider un accord. C’est une question d’équité entre employeur et syndicats dans l’entreprise.

Enfin, en ce qui concerne l’amendement n° 185 rectifié bis, la commission des affaires sociales a adopté la semaine dernière un amendement visant à supprimer l’accélération de la généralisation de l’accord majoritaire. Je ne souhaite donc pas faire référence, dans la loi d’habilitation, à l’article L. 2232-12 du code du travail, qui consacre justement cet accord majoritaire, généralisé à partir de 2019. Ce serait envoyer un signal contradictoire de la part du Sénat.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Sur les amendements identiques n° 27 rectifié et 96, nous émettons un avis défavorable.

Je veux revenir un instant sur nos intentions dans ce domaine. Ces amendements identiques tendent à supprimer un alinéa qui couvre deux sujets. Il s’agit d’abord de la consultation des salariés visant à valider un accord recueillant l’approbation d’au moins 30 % des syndicats, pour toute taille d’entreprise.

Cette disposition existe déjà

Mme Anne Émery-Dumas opine.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Ces amendements identiques visent ensuite à supprimer la faculté de consultation par référendum pour valider un accord dans les petites entreprises. Or cela est déjà utilisé ; par exemple, bien des accords d’intéressement et participation existent grâce à cela, dans des entreprises n’ayant pas de délégués syndicaux.

Là où je pense que nous serons tous d’accord, c’est pour dire que le référendum ne doit pas devenir un outil permanent de gestion courante et encore moins un contournement des organisations syndicales ; il n’y a en tout cas aucune ambiguïté de notre part à ce sujet.

Néanmoins, en complément, que ce soit d’ailleurs sur l’initiative de syndicats qui représentent 30 % ou 35 % des voix – ils aiment bien voir leur position confortée par un référendum – ou dans d’autres situations, pour les entreprises de petite taille, voire de très petite taille, nous voulons laisser cette possibilité ouverte, dans le respect, bien sûr, des règles fixées par l’OIT et par la convention de Genève. C’est ce calibrage fin que nous sommes en train de ciseler avec les partenaires sociaux.

Encore une fois, il ne s’agit pas d’en faire un outil permanent de gestion ; toutefois, l’expérience prouve que, avec ce qui est déjà possible sur le fondement du code du travail, cela permet tout de même d’encourager ou de conforter une dynamique de négociation.

Mme Annie David s’exclame.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Notre avis est également défavorable sur l’amendement n° 97. Effectivement, je pense que le changement sémantique n’apporte pas grand-chose.

Nous estimons par ailleurs que l’amendement n° 191 est déjà couvert par les autres sujets discutés. Nous proposons donc le retrait de cet amendement, dont nous ne voyons pas l’apport.

Enfin, j’ai le même avis défavorable que M. le rapporteur sur l’amendement n° 185 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je mets aux voix les amendements identiques n° 27 rectifié et 96.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l’amendement n° 97.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

M. Dominique Watrin. Je veux simplement dialoguer avec M. le rapporteur, dont je respecte tout à fait le point de vue. Il affiche là son soutien à la logique d’ensemble du texte

M. le rapporteur opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Simplement, lorsqu’il affirme que nous ne faisons pas confiance au dialogue social, cela me semble un peu exagéré.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

En effet, on peut discuter du référendum organisé dans une entreprise ; ce n’est pas si simple.

Je veux prendre l’exemple de la société Smart, qui est emblématique. On y a demandé aux salariés s’ils voulaient travailler plus sans gagner plus, pour aller vite, ou plutôt sans gagner tout ce qu’ils pourraient revendiquer. C’est dans ce contexte de chantage à l’emploi, soyons clairs, qu’il y a eu un vote des salariés.

Ce contexte pose déjà en soi un problème. Par ailleurs, on a remarqué que les ouvriers concernés par l’augmentation du nombre d’heures de travail à la chaîne ont voté contre, mais que le périmètre de ce référendum incluait des cadres qui, eux, ont voté pour. Finalement, l’ensemble a donné, de justesse, un résultat positif à cette consultation et le référendum a permis de valider la demande de la direction.

Je pense donc que ce n’est pas faire preuve de méfiance vis-à-vis du dialogue social que de demander que les référendums soient encadrés ; les points que j’ai soulevés dans mon intervention visaient précisément cet exemple. Ainsi, je regrette que le verbe « faciliter » laisse trop de pouvoir à l’employeur pour faire passer, dans un contexte de chômage massif, des reculs sociaux.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’amendement n° 191 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 185 rectifié bis.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 243, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

c) Modifiant les modalités d’appréciation du caractère majoritaire des accords ainsi que le calendrier et les modalités de généralisation de ce caractère majoritaire ;

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Il s’agit, au travers de cet amendement, de rétablir l’alinéa concernant l’accélération de la généralisation de l’accord majoritaire, qu’une loi précédente avait prévue.

Toute l’économie de la loi d’habilitation vise à renforcer le dialogue social. Il est donc assez logique d’accélérer, en même temps, la mise en œuvre de l’accord majoritaire dans l’entreprise, c’est-à-dire de l’accord signé, je le rappelle, par 50 % des syndicats ou par 30 % des syndicats et approuvé par référendum. En effet, comme on donne plus de grain à moudre, plus de possibilité de négociation à l’entreprise, en contrepartie, il faut accélérer le calendrier sur l’accord majoritaire.

Tel est le sens de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’amendement n° 201 rectifié, présenté par Mme Lamure, MM. G. Bailly, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit et César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Dassault et Delattre, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, MM. Dufaut et Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Grand, Gremillet, Grosdidier, Guené, Huré, Husson, Joyandet, Karoutchi, Kennel, Laménie, Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mme Mélot, MM. Nègre, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Perrin, Pierre, Pillet, Pointereau, Poniatowski et Poyart, Mme Primas, MM. Raison, Rapin, Reichardt, Retailleau, Revet et Savin, Mmes de Rose et Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Supprimant la généralisation des accords majoritaires pour rétablir la signature des accords par les organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel ;

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

En commission, M. le rapporteur a supprimé l’habilitation créée par le projet de loi visant à accélérer la généralisation des accords majoritaires.

Dans le même esprit, le présent amendement vise à supprimer la généralisation elle-même des accords majoritaires, qui risque de bloquer le dialogue social. C’est ce que précise l’alinéa à insérer.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

M. Alain Milon, rapporteur. Au travers de l’amendement n° 243, le Gouvernement souhaite accélérer la généralisation de l’accord majoritaire. Or, l’an dernier, le Sénat s’était opposé, madame la ministre, aux accords majoritaires qui seront généralisés en 2019.

Mme Nicole Bricq s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Personne ne connaît, madame Bricq, la typologie actuelle des accords, y compris au ministère. On ne sait pas s’ils sont approuvés à 60 %, à 55 %, à 70 % ou à 80 %.

Mmes Annie David et Laurence Cohen s’exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Quant à l’amendement n° 201 rectifié, il s’agit du pendant des travaux de notre commission de la semaine dernière, Mme Lamure l’a dit. Nous nous sommes opposés à l’accélération de la généralisation des accords majoritaires en supprimant l’habilitation demandée par le Gouvernement.

Cet amendement en tire les conséquences en tendant à rétablir les règles de validité des accords antérieures à la loi Travail et en remplaçant l’obligation de recueillir 50 % des suffrages par celle de recueillir une approbation de 30 %. La commission a émis un avis de sagesse sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 201 rectifié ?

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Logiquement, mon avis est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mme Nicole Bricq. L’amendement du Gouvernement me semble important. Il s’agit tout de même de rappeler une règle de base

Protestations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Franchement, soyez bien conscients, mes chers collègues, qu’il est très difficile de ne plus parler de l’accord majoritaire, dans la mesure où il s’agit d’une revendication portée par certaines organisations syndicales, notamment par les réformistes.

Mme Laurence Cohen s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Nous en avons parlé pendant des jours et des nuits lors de l’examen de la loi El Khomri, c’est la contrepartie évidente de certaines avancées réalisées par les organisations syndicales et qui vont plutôt dans le sens d’une conciliation avec l’autre partenaire social. Si vous ne l’acceptez pas, mes chers collègues, il deviendra difficile pour le Gouvernement de trouver une voie de passage. L’Assemblée nationale reviendra, je l’espère, aux accords majoritaires, mais, j’y insiste, il ne s’agit pas d’un problème d’appréciation.

Monsieur le rapporteur, vous indiquez que l’on ne sait pas si les accords seront approuvés à 50 %, à 30 % ou à 40 % et que l’on n’a pas le recul nécessaire, mais il est tout de même basique de considérer qu’il vaut mieux que ce soit majoritaire, sans quoi les salariés seront vraiment lésés.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. Je veux juste expliquer le sens de notre vote, et je pense que Mme la ministre ne nous en voudra pas, même si elle fait preuve de beaucoup de pédagogie dans ses explications et ses argumentaires.

Mmes Laurence Cohen et Évelyne Rivollier s’esclaffent.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Il ne s’agit pas d’un débat nouveau, pour nous. Nous avions adopté, sur ces questions-là, des positions très précises ; M. le rapporteur l’a rappelé et il vient, encore une fois, de les exposer.

Dans la proposition initiale du Gouvernement, qui n’a pas, me semble-t-il, été amendée par l’Assemblée nationale, le projet de loi d’habilitation prévoyait, pour préciser cette question, que l’ordonnance modifierait tant les modalités d’appréciation que le calendrier de la généralisation. Dans un second temps, la commission des affaires sociales a adopté un amendement de suppression de cette disposition.

Le groupe Les Républicains tire tout simplement les conséquences de ce que nous avons dit pendant la discussion de la loi El Khomri et de ce qu’a fait la commission des affaires sociales en supprimant cette généralisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Pourquoi faisons-nous ce choix ? Ce n’est pas du tout parce que nous serions opposés au dialogue social ; au contraire, nous pensons justement que la précipitation, c'est-à-dire l’accélération de cette généralisation du passage de 30 % à 50 %, que cela concerne la durée du travail, le repos ou les congés, va bloquer, dans certaines entreprises, le dialogue social. C’est cela qui nous fait peur, en réalité.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle – j’imagine, puisque je n’y siège pas moi-même – la commission des affaires sociales avait fait cette proposition. Et c’est en tout cas la raison pour laquelle nous avons présenté l’amendement défendu à l’instant par Élisabeth Lamure.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas l’amendement du Gouvernement, mais soutiendrons l’amendement qu’Élisabeth Lamure a présenté.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’amendement n° 240, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Remplacer le mot :

Facilitant

par les mots :

Fixant à vingt-quatre mois les délais mentionnés aux IV et V de l’article 25 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels relatifs à

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Il s’agit également d’un amendement de cohérence ; puisse-t-il avoir plus de chance que le précédent.

Dès lors que nous renforçons le pouvoir de négociation dans les branches, comme nous l’avons fait précédemment pour les entreprises, il nous paraît logique d’en accélérer aussi le processus de restructuration.

Je rappelle qu’il existait 750 branches, qu’il y en a actuellement 650 et que nous visons un total d’environ 200 branches. Il y en a encore beaucoup qui n’ont pas négocié depuis 5 ans, 7 ans, voire 10 ans, qui n’ont donc aucune activité conventionnelle ou qui sont de très petite taille. Nombre de branches ont entamé les discussions ; pour d’autres, c’est plus long à démarrer, voire c’est inexistant. Il nous semble donc cohérent, dès lors que l’on dit qu’il y a plus de matière à négocier dans la branche, que l’on accélère cette restructuration.

Nous proposons de fixer le délai de cette restructuration à 24 mois. Je rappelle que ce délai court à partir de la promulgation de la loi du 8 août 2016, ce qui nous amène au mois d’août 2018, dans un an.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Cet amendement tend à réduire à 24 mois le délai pour la restructuration des branches professionnelles. Il s’agit d’un compromis entre le droit en vigueur – 36 mois – et la version adoptée par l’Assemblée nationale – 18 mois.

J’ajoute, madame la ministre, que notre rédaction ne se focalisait pas sur le calendrier de la restructuration ; elle donnait la possibilité au Gouvernement de modifier les règles d’opposition des partenaires sociaux à un projet de fusion.

Après avoir analysé votre amendement, la commission a émis un avis de sagesse positive.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 99 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 186 rectifié bis est présenté par MM. Assouline, Cabanel, Courteau et Durain, Mme Jourda, MM. Labazée et Roger, Mmes Guillemot et Blondin, MM. Leconte et M. Bourquin et Mme Lepage.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 16

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 99.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 16, qui prévoit de supprimer l’article 1er de la loi El Khomri, censé refonder la partie législative du code du travail.

La suppression de la commission de refondation du code du travail démontre le refus de refonder celui-ci dans un sens d’amélioration des droits et de simplification des règles, au profit d’une méthode visant à supprimer les protections collectives des salariés.

Comme vous vous en souvenez sans doute, mes chers collègues, la création de cette commission avait fait ici même l’objet de longues discussions. Nous avions obtenu que les organisations syndicales soient consultées.

En décidant de supprimer cette commission, madame la ministre, vous montrez finalement, vous qui prétendiez être une praticienne du droit devant la commission des affaires sociales, que vous vous êtes transformée en experte et que vous vous passeriez volontiers des praticiens que sont les organisations syndicales…

C'est la raison pour laquelle nous nous opposons à la suppression de cet article, peut-être l’un des seuls de la « loi El Khomri » que nous avions soutenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. David Assouline, pour présenter l'amendement n° 186 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Comme l’a fort justement déclaré ma collègue, on nous sert souvent comme argument, pour toucher au code au travail, que celui-ci est très volumineux, qu’il est le fruit d’un empilement de droits obtenus à l’issue de luttes sociales de plusieurs décennies, qu’il peut parfois devenir difficilement lisible pour ceux qui doivent l’utiliser pour se défendre, qu’il se résume à de la paperasserie incompréhensible, etc.

Ce qui est paradoxal, madame la ministre, c’est que vous voulez supprimer, au détour d’un alinéa, ce qui a été intégré à la loi El Khomri comme méthode pour réécrire le code du travail de manière simplifiée, avec un ordonnancement et un chapitrage qui permettent la clarté.

Je rappelle que cette méthode de réécriture claire et rigoureuse, devant permettre d’améliorer l’articulation entre les niveaux de négociations sans jamais remettre en cause les principes fondamentaux garantis par notre code du travail, avait été arrêtée à l’issue d’un très large débat, notamment dans cet hémicycle.

À l’Assemblée nationale, vous avez rappelé que le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel seraient saisis. Or le Conseil constitutionnel ne vérifiera pas que la comptabilité entre les lois d’habilitation et de validation et le texte de l’ordonnance ! Vous devrez saisir le Conseil d'État, mais celui-ci ne rendra qu’un avis et, une fois la validation votée, il ne pourra plus juger des mesures qui se trouvent dans l’ordonnance, la loi faisant écran.

Cette commission remodelée aurait pu apporter des garanties supplémentaires, dont cet alinéa nous prive. C’est d'autant plus regrettable que la vocation de votre réforme est de changer en profondeur un droit qui est essentiel à la vie des salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je comprends parfaitement les observations des auteurs de ces deux amendements de suppression de l’alinéa 16.

Le Gouvernement nous assure qu’il sera en mesure de publier rapidement l’ordonnance pour clarifier l’articulation entre les accords de branche et les accords d’entreprise et remplir ainsi les objectifs de la feuille de route fixée par la commission de refondation.

J’avoue avoir été longtemps perplexe, madame la ministre, car le rapport Combrexelle prévoyait qu’il faudrait quatre ans pour refondre le code du travail. Cependant, nous vous faisons confiance. Nous espérons que vous pourrez honorer vos engagements.

Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

D’une certaine manière, la mise en place de la commission de refondation est rendue sans objet par la loi et les ordonnances qui seront prises sur son fondement. En effet, le but de cette commission était d’attribuer une place centrale à la négociation collective, en élargissant ses domaines de compétence et de son champ d’action, et de réécrire, sur cette base, toute la partie du code du travail concernée.

La loi d’habilitation et les ordonnances reposent précisément sur l’élargissement du champ de la négociation collective dans différents domaines clés qui sont concernés par la commission de la refondation. Nous allons donc en quelque sorte faire ce qui était prévu sous une autre forme, plus rapide – je crois que, pour tous ces sujets, la notion d’urgence est importante –, en concertation avec les partenaires sociaux, mais aussi en tentant compte de l’avis du Conseil d'État et de toutes les instances nécessaires. Cela fait donc partie de notre méthode.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Pour ma part, j’émets un avis favorable sur ces deux amendements.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Il est parfois désagréable d’avoir eu raison trop tôt. Je revois Mme El Khomri me dire, il y a un an, dans ce même hémicycle, avec à peu près les mêmes personnes et le même débat : « Ayez confiance, monsieur Desessard, nous avons tout prévu, tout va bien se passer… »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Nous lui avions fait remarquer qu’elle était en train de mettre en place un cadre qui éclaterait au prochain changement politique. Nous l’avions prévenue que le prochain gouvernement s’y engouffrerait, sans respecter les prétendus garde-fous.

La loi El Khomri est un exemple bien précis de ces garde-fous qui sautent tranquillement, alors qu’on nous avait donné la garantie que l’on prendrait le temps de revenir sur ces sujets à l’issue du débat législatif.

Je suis donc quelque peu déçu d’avoir eu raison lorsque nous avons montré à Mme El Khomri qu’elle mettait la dynamite dans le code du travail et qu’il suffisait qu’un nouveau gouvernement entre en fonction et allume la mèche… J’avais pourtant soutenu le Gouvernement auquel elle appartenait. Nous aurions pu faire des choses ensemble ! Mais je ne suis pas ici pour me lamenter.

Pour ce qui concerne le présent texte, nous n’en sommes qu’au début ; l’explosion aura lieu par ordonnance. Et bien sûr, vous irez un peu plus loin, nous engageant dans une dynamique incontrôlée.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Il y a quelque chose que je ne comprends pas.

Je me souviens, chers collègues du groupe CRC, que, quand nous avons discuté de la loi El Khomri, vous aviez voté contre l’article 1er, qui créait la commission de refondation.

Or, aujourd'hui, vous votez contre la suppression de l’article 1er de la loi El Khomri, alors que vous étiez absolument opposés à cette commission d’experts.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Si ! Je me souviens très bien des échanges que nous avions eus avant l’article 2. Le débat avait eu lieu aussi à l’Assemblée nationale. Je suis donc quelque peu étonnée que vous défendiez aujourd'hui son maintien.

Aujourd'hui, la méthode n’est pas du tout la même. Je ferai tout de même remarquer que le précédent gouvernement n’a explicitement pas voulu mettre en place cette commission avant les élections du printemps. Il faudrait peut-être se demander pourquoi !

Quant à l’argument qui touche à la compréhension du code du travail, lorsque Mme la ministre a été entendue par la commission, elle a pris l’engagement de réaliser un code du travail numérique qui serait rédigé dans le langage courant, de manière qu’il soit compréhensible par tout le monde, y compris par les parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je veux répéter que, dans cette commission, la seule chose qui était intéressante était la possibilité de consulter les organisations syndicales. Il avait d'ailleurs fallu batailler pour l’obtenir, parce que cela ne figurait pas dans le texte initial.

Nous avions finalement obtenu que les organisations syndicales soient sinon complètement intégrées dans cette commission d’experts, du moins consultées.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Sauf que, là, vous supprimez purement et simplement cette commission.

Oui, madame la ministre, les organisations syndicales sont reçues par le ministère, mais on ne peut pas dire qu’elles sont consultées ! Je ne suis pas certaine qu’elles soient entendues, et encore moins qu’elles soient réellement écoutées.

D'ailleurs, il en va de même pour nous dans cet hémicycle : nous sommes entendus – encore qu’il y ait parfois trop de brouhaha pour que nous le soyons… –, mais, pour que nos propos soient pris en considération, c’est une autre paire de manches ! Toutefois, tel n’est pas le débat de ce soir.

Pour ce qui concerne la commission, les organisations syndicales étaient associées à la réflexion et consultées par ces experts, ce qui leur permettait de donner leur point de vue sur la refondation du code du travail.

Quand Mme Pénicaud est venue devant nous dans le cadre de la mission dont Jean-Pierre Godefroy était le président, elle était encore DRH de Danone. Elle était accompagnée de M. Lachmann ; M. Larose n’avait pas pu venir et s’était excusé.

Vous nous aviez alors bien dit, madame la ministre, que vous parliez en tant que praticienne du droit du travail. À ce titre, vous nous aviez d'ailleurs dit des choses très intéressantes.

Le défaut d’une commission d’experts, c’est justement que ses membres ne sont pas forcément des praticiens.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Ce débat est extrêmement important. Si nous insistons sur des points qui peuvent paraître redondants à certains membres de cet hémicycle, je crois tout de même que l’intervention de Mme Bricq ne peut pas nous laisser indifférents.

Chère collègue, nous sommes en désaccord profond avec ce que vous défendez. Il ne faut pas prendre les citoyens ni les parlementaires pour des imbéciles.

Dans le projet de loi que nous examinons aujourd'hui, il ne s’agit pas, pour le Gouvernement et pour la ministre qui le représente sur ce banc, de traduire le code du travail en langage que tout le monde peut comprendre. Je trouve cette argumentation inadmissible. En effet, il s’agit d’une refonte complète du droit du travail, par laquelle vous êtes en train de revenir sur les protections des salariés.

Assumez-le, défendez-le, mais ne nous racontez pas de balivernes. Il ne s’agit pas de traduire le code du travail pour des gens trop simplets pour le comprendre. Il s'agit de revenir sur les dispositions de celui-ci, avec des reculs extrêmement importants pour l’ensemble des salariés !

Que chacun assume ses positions ! La clarté est préférable aux élucubrations.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

La situation est complexe. Ces amendements ne sont pas dénués de légitimité. On peut comprendre les attentes de leurs auteurs.

L’attachement aux droits des représentants des salariés est naturel. Tout le monde ici respecte et défend les salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Cependant, les droits vont de pair avec les devoirs.

Pour ce qui concerne la commission dont il est ici question, il faut garder les pieds sur terre. Je salue M. le rapporteur et Mme la ministre, qui font preuve de beaucoup de pédagogie.

Il faut procéder aux simplifications nécessaires. Il y va de la lisibilité et de la bonne compréhension du droit. Dès lors, je suivrai l’avis de la commission.

M. Loïc Hervé applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je mets aux voix les amendements identiques n° 99 et 186 rectifié bis.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 67 rectifié bis, présenté par M. Gabouty, Mmes Billon, Férat, Gruny et Joissains et MM. Capo-Canellas, Chasseing, D. Dubois, Kern, Longeot, Vanlerenberghe et Mouiller, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° De supprimer l’instance de dialogue du réseau de franchise instituée par l’article 64 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 précitée.

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je vais essayer de donner raison au raisonnement de M. Desessard… En effet, cet amendement vise lui aussi à revenir sur une disposition de la loi El Khomri, dont le décret d’application a d'ailleurs été pris très tardivement, le 4 mai dernier, lors du passage de la « voiture-balai », en quelque sorte.

Il s’agit de supprimer l’instance de dialogue du réseau de franchise instituée par cette loi. Je rappelle que le Sénat avait voté contre ce dispositif, introduit dans la loi non sur l’initiative du Gouvernement, mais par voie d’amendement à l’Assemblée nationale.

Il n'y a aucun lien de subordination entre le franchiseur et les salariés des franchisés. Les franchisés disposent eux-mêmes de leurs propres structures, très diverses sur le plan de l’activité professionnelle ou de la taille. La franchise, c’est, je le rappelle, aussi bien le magasin de mode que le supermarché ou le garage automobile. Compte tenu de la déconnexion complète entre les partenaires, il n'y a pas lieu de créer une telle instance de dialogue.

D'ailleurs, j’aimerais bien savoir quel serait, aujourd'hui, sur ce sujet, l’avis de l’Assemblée nationale, dont le profil me semble un peu plus entrepreneurial qu’hier…

Au demeurant, je sais que les dispositions de mon amendement posent un problème de constitutionnalité. S’il ne s’agit que d’un problème de forme, je ne suis pas opposé à ce que l’on déplace le dispositif proposé à un autre endroit du texte, en article additionnel, si cela permet de le maintenir dans le texte du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Selon la commission, cet amendement est manifestement contraire à l’article 38 de la Constitution, qui interdit aux amendements parlementaires de créer une habilitation à légiférer par ordonnance.

Je partage néanmoins le souci de notre collègue Jean-Marc Gabouty de supprimer cette instance, conformément à la position exprimée l’an dernier par le Sénat, lors de l’examen de la loi Travail.

Mme la ministre pourra peut-être nous dresser le bilan de la mise en place de cette instance et des difficultés rencontrées.

Pour ce qui est de l’amendement à proprement parler, du fait de son inconstitutionnalité, la commission avait émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Sur le plan juridique, je suis d’accord avec M. le rapporteur.

Je veux simplement ajouter que, à notre connaissance, aucune instance de ce type n’a encore été mise en place depuis le décret que vous avez évoqué, et qui est en effet récent puisqu’il date du 4 mai dernier.

Je dirais qu’il est urgent d’attendre, c'est-à-dire de voir si les partenaires réclament réellement cette instance et de suivre avec attention ce dossier. Il n’y a pas d’urgence extrême sur ce sujet, l’instance n’étant pas opérationnelle pour le moment et n’étant saisie par personne.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Monsieur Gabouty, l'amendement n° 67 rectifié bis est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Oui, je maintiens cet amendement, madame la présidente, c’est un test de simplification : puisque, de toute évidence, l’instance de dialogue social n’est pas opérationnelle et n’est réclamée par personne, autant la supprimer !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je veux faire une brève suggestion à l’auteur de l’amendement : cher collègue, si vous voulez légiférer sur un point du code du travail qui ne figure pas, aujourd'hui, dans l’habilitation, vous pourrez le faire lors de l’examen du projet de loi de ratification dans quelques mois. Vous feriez mieux de garder votre amendement pour ce rendez-vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Ou pour le prochain gouvernement, dans cinq ans…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Qu’en est-il de cet amendement, monsieur le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

J’invoque l’irrecevabilité, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je consulte le Sénat sur cette exception d’irrecevabilité.

L’exception d’irrecevabilité est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’amendement n° 67 rectifié bis est irrecevable.

L'amendement n° 138 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 3231-4 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À compter du 1er janvier 2018, le montant du salaire minimum de croissance servant de référence pour le calcul de l’indexation prévue au présent article ne peut être inférieur à 1 800 euros bruts mensuels. »

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Cet amendement vise à revaloriser le SMIC brut à 1 800 euros à compter du 1er janvier 2018, soit un peu moins de 1 400 euros nets mensuels. Un quart des Français gagnent moins que cette somme chaque mois.

Depuis des années, les gouvernements successifs nous annoncent systématiquement un coup de pouce du SMIC. Toutefois, que change un coup de pouce pour les intéressés quand on sait que, depuis une dizaine d’années, la hausse annuelle moyenne a été d’environ dix centimes ?

Cependant, les rémunérations moyennes des responsables exécutifs des entreprises du CAC 40 sont passées, elles, de plus de 3 millions d’euros à presque 5 millions d’euros en 2015, soit une hausse de 63 % en six ans.

La quasi-stagnation des salaires limite la demande, donc la production de biens manufacturés et de services. Ce mécanisme entretient en fait une spirale déflationniste, une course aux prix bas dangereuse pour les emplois, les conditions de travail et l’environnement.

C’est pourquoi il nous semble que la question de la rémunération du travail doit être au cœur de nos travaux, sur ce texte comme sur d’autres. Tel est le sens de cet amendement d’appel.

Mme la ministre a dit hier qu’il fallait s’attaquer à tous les problèmes en même temps. Les très bas salaires en sont un ! Quelles sont les intentions du Gouvernement à ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement n’a bien évidemment pas de lien direct avec l’objet du texte.

M. Dominique Watrin le concède.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Cependant, ses dispositions présentent tout de même un petit lien indirect avec lui, puisque, fort intelligemment, nos collègues l’ont relié à l’article L. 3231-4 du code du travail. Nous sommes donc obligés de nous exprimer sur le sujet !

Mon cher collègue, l’évolution du SMIC doit découler d’une analyse économique complexe, car la hausse du pouvoir d’achat de certains travailleurs entraîne comme effet pervers des trappes à pauvreté. Certaines personnes restent au chômage, car leur productivité n’est plus suffisante pour un salaire donné.

Conservons les règles actuelles d’indexation du SMIC pour l’instant. La loi d’habilitation touche déjà énormément de sujets… N’en ajoutons pas !

L’avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Vous proposez une revalorisation du SMIC mensuel.

Outre que ce point est hors champ du projet de loi, je souhaite rappeler que les mécanismes de revalorisation existent dans le code du travail. Ils sont prévus après consultation des organisations syndicales et professionnelles. Je ne puis donc qu’être défavorable à cet amendement. Ce n’est pas le bon lieu ni la bonne méthode.

En revanche, je rappelle ce que j’ai dit hier, à savoir que la suppression des cotisations d’assurance chômage pour les cotisations salariales au 1er janvier prochain entraînera une augmentation du pouvoir d’achat de 2, 4 % pour tous les salariés, y compris, bien entendu, pour ceux qui touchent le SMIC.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Madame la ministre, je suis favorable à cet amendement de revalorisation du SMIC.

Vous nous avez fourni un argument supplémentaire en ce sens. En effet, cela contribuerait à compenser la baisse de cinq euros de l’aide personnalisée au logement, l’APL, pour les plus modestes !

Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC. – Exclamations sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

J’ai entendu notre rapporteur dire que la hausse du SMIC crée des trappes à pauvreté.

Je vais vous livrer un scoop, mes chers collègues : la France est la championne d’Europe des dividendes versés aux actionnaires. §Tenez-vous bien : 35 milliards d’euros ont été distribués par les grandes entreprises au deuxième trimestre 2016, soit une hausse de 11 % sur un an.

Je reconnais que j’ai cité de manière erronée une étude de la délégation aux entreprises, présidée par Élisabeth Lamure ; quand on commet des erreurs, il faut le reconnaître. En réalité, selon cette étude, un dirigeant de PME sur trois identifie le risque financier, notamment l’accès au crédit et les délais de paiement, comme son principal problème. Pour les PME-TPE, les autres problèmes me semblent tenir à la réputation de l’entreprise, à la qualité des produits et au non-respect des réglementations.

J’ai l’impression que, depuis un certain temps, il y a deux poids deux mesures. Quand on parle de hausse du SMIC, on nous répond : « Attention, trappe à pauvreté ! » Cependant, on ne parle jamais des actionnaires, ni des 60 à 80 milliards d’euros qui quittent la France parce que des personnes ont appris à faire de l’optimisation fiscale. Jamais ce sujet n’est abordé par le Gouvernement !

Or il faudra bien l’aborder un jour, parce que c’est le mal de nos sociétés. Si l’on s’attaque à ce problème, on pourra conserver notre protection sociale, et il n’y aura plus de politique d’austérité. C’est parce que l’on est incapable d’aborder ce problème que l’on est en train de faire payer des personnes qui n’ont pas le sou, que l’on prive d’APL, et des retraités, à qui l’on inflige une ponction de pension inadmissible.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. Jean Desessard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Pour ma part, je voterai aussi cet amendement tendant à augmenter le SMIC.

Je trouve que la question du SMIC est tout à fait révélatrice des modes qui peuvent exister dans la recherche de solutions. Pendant des années et des années, on nous a seriné l’idée que le salaire minimum était un handicap à l’embauche. De nombreuses études attribuaient au SMIC la responsabilité du chômage en France.

Toutefois, récemment, un mouvement inverse s’est opéré. L’Allemagne, que l’on nous cite sans cesse en exemple, a été amenée à accepter, enfin, un salaire minimum. De fait, il y avait dans ce pays du dumping social, et la simple négociation dans l’entreprise amenait les entreprises à ne pas augmenter les salaires. On en arrivait à des systèmes extrêmement négatifs à la fois pour la vie sociale et pour la qualité du travail dans ces entreprises.

L’Allemagne a instauré un SMIC. Nous étions de vieux archaïques, mais force est de constater que l’archaïsme français du salaire minimum a été suivi.

Tony Blair, pour lequel je n’ai pas beaucoup de sympathie, avait déjà accepté de mettre progressivement en place un salaire minimum.

Aujourd’hui, les débats portent partout sur la hausse des salaires minimum. On s’est enfin rendu compte qu’il y avait un problème de demande. La fameuse « offre » est sympathique à la condition que les gens soient en mesure de consommer. À partir du moment où, à longueur de journée, prime est donnée à la baisse des salaires, on réduit les capacités de consommation et donc les débouchés de nos entreprises.

La demande européenne doit se renforcer par l’amélioration générale des salaires. On m’opposera que ce ne sera pas possible en France tant que le SMIC européen n’aura pas été instauré. Ce n’est pas exact : dans les secteurs de forte compétition internationale, en particulier dans l’industrie, ce ne sont pas les salaires qui nous plombent. Les salaires allemands, cotisations comprises, y sont plutôt supérieurs à ceux qui sont pratiqués en France. C’est dans le secteur des services, où il y a peu de concurrence, que les bas salaires pèsent le plus.

Nous avons besoin, pour la relance de notre économie, pour les carnets de commandes de nos entreprises, d’avoir une juste rémunération des salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Comme l’a souligné M. Bourquin, le rapport entre capital et travail s’est tellement détérioré qu’il est temps de le rétablir.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

L'amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 129 :

Le Sénat a adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 100, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 3° de l’article L. 1233-3 du code du travail est abrogé.

La parole est à Mme Annie David.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Au travers de cet amendement, nous revenons de nouveau sur la loi El Khomri.

Il s’agit cette fois, cher David Assouline, d’abroger l’article L. 1233-3 du code du travail qui permet d’élargir le champ du licenciement économique au refus des salariés de modifier substantiellement leur contrat dans le cadre d’une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité.

La loi El Khomri a donc autorisé un employeur à procéder à un licenciement économique dans le cas où un salarié aurait refusé le passage à un temps partiel subi ou la suppression d’une prime.

Ce périmètre bien trop large de la définition du licenciement économique a fait l’objet de fortes contestations lors des débats sur la loi El Khomri. Nous profitons du débat de ce soir pour demander l’abrogation de cette disposition.

M. Jean Desessard s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Cet amendement vise à supprimer la notion de « réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité » qui autorise un employeur à procéder à un licenciement pour motif économique.

Si cette notion a seulement été introduite l’an dernier dans le code du travail par la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, elle est reconnue par la Cour de cassation depuis son arrêt Vidéocolor du 5 avril 1995.

La commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Même avis défavorable, pour les mêmes raisons.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 180 rectifié, présenté par Mme Meunier, M. Tourenne, Mme Lienemann, M. Labazée, Mmes Jourda et Yonnet, MM. Mazuir, Duran, Montaugé, Assouline, Durain et Cabanel et Mme Monier, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le quatrième alinéa de l’article L. 2232-22 du code du travail est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« La validité des accords ou des avenants de révision conclus en application du présent article est soumise à l’approbation par la commission paritaire de branche. La commission paritaire de branche contrôle que l’accord collectif n’enfreint pas les dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles applicables.

« Si cette condition n’est pas remplie, l’accord est réputé non écrit. »

La parole est à Mme Michelle Meunier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Cet amendement vise à réintroduire la validation obligatoire de la commission de validation des accords collectifs pour les accords conclus par des élus non mandatés.

Cela permettra de répondre à une double inquiétude exprimée lors de la présentation de notre amendement de suppression, à savoir, d’une part, le renforcement du rôle régulateur de la branche et, d’autre part, la remontée effective des informations de terrain au niveau de la branche.

Cet amendement s’inscrit pleinement dans ce qui est précisé dans l’exposé des motifs du projet de loi et va dans le sens de ce qui est exprimé dans ledit projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Cet amendement vise à supprimer une souplesse procédurale introduite par la loi Travail.

En outre, je souhaite une refonte globale des règles de négociation dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux, comme y invite l’alinéa 12 de l’article 1er tel que réécrit par la commission.

L’article L. 2232-22 du code du travail prévoit actuellement que les accords conclus par des élus du personnel non mandatés doivent seulement être transmis pour information à la commission paritaire de branche. L’accomplissement de cette formalité n’est pas un préalable au dépôt et à l’entrée en vigueur des accords.

Le Sénat plaidait depuis 2015 pour cet assouplissement, car toutes les branches n’ont pas mis en place cette commission paritaire. Et lorsqu’elles existent, ces commissions tardent à rendre leur décision, voire exercent un contrôle d’opportunité et non de légalité des accords.

L’alinéa 12 de l’article 1er, que nous venons d’adopter, doit lancer le chantier d’une refonte des règles de la négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux.

On ne peut, d’un côté, donner au Gouvernement une habilitation et, de l’autre, traiter directement ce sujet dans le code du travail. Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Même avis que M. le rapporteur.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 116 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 2242-20 du code du travail est abrogé.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Au travers de cet amendement, nous souhaitons supprimer une disposition introduite par la première loi Travail dans ses articles 16 et 21.

En effet, l’article L. 2242-20 du code du travail, issu des débats de l’été dernier, permet l’adaptation des règles de négociation par voie d’accord d’entreprise et ainsi de déroger au droit commun défini par l’article L. 2242-1 du code du travail.

Vous le savez, nous ne sommes pas tellement favorables à ces possibilités de dérogation qui engendrent, si elles ne sont pas encadrées par le principe de faveur, une fragilisation des droits des salariés.

Ainsi, par ces dispositions nouvelles, la périodicité de l’obligation de négociation peut être modifiée pour passer d’une obligation annuelle à une obligation triennale, et ce sur tous les sujets des négociations prévues à l’article L. 2242-1 : non seulement la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise, mais aussi l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes – point sur lequel je vous avais déjà alertée, madame la ministre – et la qualité de vie au travail. Il ne s’agit donc pas de sujets mineurs.

En supprimant l’article L. 2242-20, nous faisons disparaître toute possibilité de revenir, dans l’accord d’entreprise, sur la périodicité de ce type de négociations dont nous estimons qu’elles doivent se dérouler chaque année, dans l’intérêt des salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Cette faculté, ouverte par la loi Travail du 8 août 2016, est bien encadrée : elle suppose l’accord des partenaires sociaux dans l’entreprise et la signature d’un accord sur l’égalité professionnelle ou, à défaut, d’un plan d’action. Par ailleurs, toute organisation signataire d’un accord modifiant la périodicité de la négociation sur les salaires peut revenir sur cette décision et demander qu’elle soit engagée selon la périodicité traditionnelle.

Placé entre les mains et de l’employeur et des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, cet outil permettra de mettre l’accent sur les problématiques essentielles qui doivent être traitées annuellement, tandis que les thématiques secondaires, ou plus consensuelles, pourront voir leur périodicité décalée.

Mais surtout, madame Cohen, cette question est déjà traitée à l’article 1er : notre commission a donné son accord à ce que les ordonnances puissent adapter la périodicité et le contenu des consultations et des négociations obligatoires.

Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Même avis que M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. J’ai un peu de mal à comprendre votre réponse, madame la ministre. J’ai aussi un peu de mal à comprendre celle du rapporteur, que j’aime beaucoup

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Ce que j’ai compris de leur amendement, c’est que nos collègues communistes veulent que la négociation ait lieu chaque année et non tous les trois ans. C’est net !

En revanche, je ne comprends pas votre position, madame la ministre. Vous me direz que ne pas être compris des écologistes, ce n’est pas si grave. Certes, mais ce que vous dites est contradictoire : vous réclamez davantage de dialogue social dans l’entreprise – les branches c’est bien, mais les entreprises, plus proches des gens et de leur quotidien, c’est mieux ! – et demandez que l’on accélère les choses pour passer de 36 à 24 mois. C’est donc que trois ans, c’est très long !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Voilà qui me semble incohérent, madame la ministre !

Mais vous pouvez changer d’avis et, après un temps de réflexion, décider d’émettre un avis favorable sur cet amendement qui vise justement à renforcer la négociation dans l’entreprise.

M. Maurice Antiste applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

J’abonde dans le sens de Jean Desessard : quand on veut favoriser le dialogue social, on ne dit pas que les négociations, notamment celles qui portent sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou sur la rémunération, doivent être triennales.

Vous disiez, monsieur le rapporteur, que les thèmes importants vont pouvoir être débattus selon la volonté des organisations syndicales et de l’entreprise. Mais je ne suis pas certaine que les thèmes importants soient les mêmes selon que l’on se trouve du côté de l’entrepreneur ou de celui du salarié.

Si chacun lutte, in fine, pour le maintien de l’emploi, certains cherchent à maintenir un emploi de qualité sur le même territoire, quand d’autres veulent maintenir un emploi, ici ou ailleurs, qui leur rapporte un peu plus.

Nous vivons tous cette situation, mes chers collègues. Je suis persuadée que chacun d’entre vous est aux côtés des salariés quand une entreprise ferme un site dans son territoire pour en ouvrir un nouveau dans un autre pays ou même dans une autre région de France.

On ne peut tout à la fois vouloir favoriser le dialogue social dans les entreprises et déclarer que des négociations triennales sont bien suffisantes.

Au travers de cet amendement, madame la ministre, nous ne faisons que réclamer un peu de cohérence dans vos propos, comme l’a si bien souligné Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Oh là là, qu’est-ce que je vais prendre !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je n’ai pas dit, cher collègue et ami Desessard, que j’étais contre les ordonnances. J’ai dit que le recours aux ordonnances n’était pas une procédure démocratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

En revanche, il s’agit d’une procédure républicaine, que tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ont utilisée, je pense notamment aux lois Auroux.

Par ailleurs, je vous rappelle que nous sommes dans le cadre d’une loi d’habilitation. Notre rôle consiste donc à habiliter ou non le Gouvernement à adapter la périodicité et le contenu des consultations et des négociations. Nous n’avons pas à décider que les négociations auront lieu tous les mois, tous les six mois ou tous les ans. C’est l’ordonnance qui le dira.

Nous pourrons rediscuter de ces questions dans le cadre de la loi de ratification.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Les ordonnances, c’est votre métier, docteur Milon !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

J’en ai délivré beaucoup dans ma carrière, monsieur Néri. Si vous le souhaitez, je vous en fais une pour laisser parler les autres ?

Je le répète, dans le cadre d’un projet de loi d’habilitation, le Parlement n’est pas là pour écrire les ordonnances, mais pour tracer des frontières à l’action du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Ma réponse un peu courte manquait manifestement de pédagogie.

La loi Rebsamen du 17 août 2015 a mis en place la possibilité, par accord des parties et non unilatéralement, d’adapter le délai de négociation selon les sujets, avec des garde-fous. Il ne s’agit donc pas d’une nouveauté.

En deux ans, il ne semble pas que cela ait diminué les droits des salariés. Ce sont surtout les entreprises pratiquant un dialogue social renforcé qui souhaitent pouvoir traiter certains thèmes chaque année et d’autres de manière pluriannuelle, mais avec des engagements. En général, ces sujets font plutôt l’objet de plans d’action pluriannuels.

La position du Gouvernement est donc cohérente : nous faisons de nouveau confiance au dialogue social. Tout ce qui relève du supplétif demeure dans le cadre d’une négociation annuelle. Le garde-fou instauré par la loi joue donc bien son rôle.

En revanche, quand les parties s’accordent pour dire qu’un sujet peut être négocié sur deux ou trois ans, avec une mise en perspective, pourquoi pas. Il faut leur faire confiance !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Je voudrais abonder dans le sens de Mme la ministre. On ne négocie pas mieux parce qu’on négocie beaucoup.

En Europe du Nord, modèle de dialogue social, il est fréquent que l’on revoie les accords tous les trois ans. Dans certains cas, cela donne plus de visibilité pour l’entreprise et pour les salariés. Cela fonctionne très bien.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L'amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Tourenne et Jeansannetas, Mmes Féret, Génisson et Campion, MM. Daudigny, Durain, Godefroy et Labazée, Mmes Meunier, Yonnet et Jourda, MM. Assouline, Botrel, M. Bourquin, Courteau et Magner, Mme Monier, M. Montaugé et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au quatrième alinéa du III de l’article L. 2254-2 du code du travail, les mots : « L’accord peut prévoir » sont remplacés par les mots : « L’accord prévoit ».

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Martial Bourquin a évoqué il y a quelques instants les profits scandaleux et, surtout, l’augmentation des revenus d’un certain nombre des plus riches de nos concitoyens qui n’en avaient sans doute nul besoin.

Cette situation est d’autant plus scandaleuse qu’un certain nombre d’entre eux bénéficient d’augmentations ou s’accordent des augmentations, alors que leurs entreprises sont en difficulté, certains lorsque l’entreprise commence à licencier, d’autres lorsqu’ils demandent à leurs salariés de baisser leur salaire pour essayer de sauver l’entreprise, en se gardant bien, eux, de s’appliquer les mêmes règles.

L’article L. 2254-2 du code du travail dispose que « Lorsqu'un accord d'entreprise est conclu en vue de la préservation ou du développement de l’emploi, ses stipulations se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération et de durée du travail. […]

L’accord peut prévoir les conditions dans lesquelles fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux autres salariés : les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l'accord ; les mandataires sociaux et les actionnaires, dans le respect des compétences des organes d'administration et de surveillance. »

Cet amendement vise à ce que les dirigeants, les mandataires sociaux et les actionnaires des entreprises concernées fassent un effort proportionnel à ceux qui sont consentis par les salariés, ce qui est bien le moins. Cela aura un effet d’entraînement.

Nos concitoyens n’acceptent plus ces indécentes augmentations, alors que leur pouvoir d’achat est tout juste maintenu, sinon diminué.

Je souhaite donc que cet amendement soit adopté afin que ce soit désormais une obligation qui figure dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

J’entends bien le discours de nos collègues du groupe CRC sur les profits scandaleux. Ils peuvent en parler en toute sérénité puisque, n’ayant pas été au pouvoir depuis des années, ils n’ont pas eu l’occasion de revenir sur cette situation.

(M. Alain Néri s’exclame.) Les profits scandaleux existaient déjà. Ne venez pas reprocher à ceux qui sont au pouvoir depuis un mois de ne pas avoir fait ce que vous n’avez pas fait durant cinq ans !

Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Vous, chers collègues socialistes, avez été au pouvoir de 2012 à 2017 – vous en sortez d’ailleurs avec peu de lustre et peu de réussite au niveau de la population. §

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Il me semble que vous étiez au pouvoir avant nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Tout à fait, mon cher collègue, mais la baisse des profits ne figurait pas dans notre programme !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je comprends la motivation des auteurs de cet amendement qui souhaitent s’inspirer d’un mécanisme déjà prévu pour les accords de maintien de l’emploi que nous avons évoqué voilà quelques instants.

Je voudrais toutefois souligner que les syndicats qui négocient un accord de préservation et de développement de l’emploi, ou APDE, peuvent très bien obtenir des efforts de la part des dirigeants et des actionnaires avec les règles actuelles.

Ensuite, si l’on prévoit trop de contraintes juridiques pour les APDE, ils risquent justement de connaître le même destin funeste que les accords de maintien de l’emploi, les AME.

Il convient de trouver un équilibre dans le régime juridique de l’APDE afin de donner de la souplesse à l’entreprise, sans apparaître comme un repoussoir pour les syndicats et les salariés.

Je crois que les règles actuelles sont équilibrées, restons-en là. Je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Muriel Pénicaud, ministre

Je n’ai rien à ajouter sur le fond.

Quant au processus, j’ai dit il y a quelques instants que nous souhaitions harmoniser les différents accords. Il me semble donc prématuré de vouloir projeter un élément d’un accord dans les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

L’argumentation du rapporteur me surprend. Il nous dit que nous n’avons rien pu faire quand nous étions au pouvoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Le Président de la République a longtemps été…

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

M. Martial Bourquin. J’allais le dire ! Monsieur Desessard me sert de souffleur.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Tout de même, monsieur le rapporteur, nous opposer de tels arguments quand on a créé le bouclier fiscal et que l’on s’apprête à supprimer en partie l’ISF…

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Ne pensez-vous pas qu’il y a une certaine indécence à diminuer l’APL, à ponctionner les retraités, à mettre en place une politique complètement antisociale, alors que les inégalités sont la cause de la croissance molle ?

Bien sûr, aujourd’hui, les temps sont durs, notre continent a ses règles ; malgré tout, n’est-il pas indécent de demander des sacrifices à ceux qui ont le moins ? Alphonse Allais, certes, disait qu’« il faut prendre l’argent là où il se trouve : chez les pauvres. D’accord, ils n’en ont pas beaucoup, mais ils sont si nombreux ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Là est notre désaccord fondamental, madame la ministre. C’est cette logique qu’il faut changer ! Ce projet de loi d’habilitation à prendre des ordonnances est fait pour que vous puissiez travailler pendant le mois d’août à des révisions terribles qui risquent de remettre en cause le code du travail, tout ça parce qu’on ne veut pas s’attaquer à l’évasion fiscale et aux vrais privilèges !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

M. Martial Bourquin. Essayons, au moins ! Ayons le courage de nous attaquer à ces privilèges ! Mais, madame la ministre, c’est précisément la raison pour laquelle vous souhaitez procéder par ordonnances : pour ne pas passer devant le Parlement et ne pas avoir le débat que nous avons aujourd’hui !

Mmes Gisèle Jourda et Anne-Lise Dufour-Tonini applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

M. Jean-Louis Tourenne. Je veux dire tout à fait amicalement à notre président-rapporteur qu’il nous a habitués à de meilleurs raisonnements. Il est vrai que, pendant cinq ans, aucun remède n’a été apporté à une situation qui était difficile à accepter. Mais nombreuses sont les choses qui n’ont pas été faites, que ce soit pendant les cinq ans ou pendant les dix ans qui viennent de s’écouler ! Pour autant, le fait de n’avoir pas fait nous condamne-t-il éternellement à ne faire jamais ?

Mme Françoise Gatel s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

D’ailleurs, si nous avions réalisé tout ce qui doit l’être, que nous resterait-il à faire ? Les assemblées deviendraient inutiles ; on pourrait se contenter de gérer de façon administrative ! Nous aurons toujours des choses à faire : c’est inévitable !

S’agissant du caractère dissuasif d’une telle mesure, j’en doute un peu. Quel encouragement pour l’ensemble des salariés de savoir que tout le monde participe à l’effort nécessaire au redémarrage de l’entreprise ! C’est sans doute en partie parce que tel n’est pas le cas – les efforts ne sont pas partagés – qu’un certain nombre de nos concitoyens salariés répugnent à accepter les conditions qui leur sont proposées.

Dans le cas des accords Smart, je n’ai pas le souvenir que les actionnaires aient fait, eux, des efforts analogues à ceux que les salariés devaient consentir. Quant à Peugeot, si les salariés ont accepté de voir stagner leur pouvoir d’achat, les dirigeants, eux, n’ont fait aucun effort.

Les Français ne comprennent plus ce déséquilibre ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

… il nous faut donc changer cette vision des choses, en cessant de craindre en permanence le départ des entreprises. Pour un certain nombre d’entre elles, elles restent sur le territoire, pour d’autres raisons. Ce pays dont on dit tant de mal, avec ses 35 heures et ses charges sociales, reste un pays d’implantation des entreprises parmi les premiers dans le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

M. Jean-Louis Tourenne. Il faut arrêter de pleurnicher sur notre situation !

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je compléterai l’intervention de mon collègue Tourenne en disant que je ne comprends pas l’argument selon lequel l’application de notre proposition aurait un effet dissuasif sur la signature d’accords.

Mes chers collègues, comme moi, vous entendez les chefs d’entreprise vous expliquer que ce qui compte pour eux, c’est l’avenir de leur entreprise. Ils seraient même, disent-ils, les seuls vrais défenseurs de l’intérêt de l’entreprise, cette préoccupation étant, poursuivent-ils, totalement absente chez les salariés. En réalité, la plupart du temps, les salariés sont bien plus menacés que les chefs d’entreprise eux-mêmes lorsque leur entreprise disparaît.

Exclamations sur quelques travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Quoi qu’il en soit, puisque ces derniers prétendent – pour une part d’entre eux, de bonne foi – que seule compte pour eux leur entreprise, la moindre des choses, lorsque l’entreprise a besoin d’efforts, est bien qu’ils en prennent leur part ! Ou alors, c’est qu’ils font passer leur intérêt personnel…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

ce qui n’est pas du tout la même chose !

De ce point de vue, il me semble tout à fait légitime que les dirigeants, comme les actionnaires, lorsqu’il s’agit d’assurer l’avenir de leur entreprise, de la sauver ou de la développer, prennent leur part des efforts nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Qu’est-ce que vous croyez ? C’est ce qu’ils font !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

S’ils le font déjà, inscrivons-le dans la loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Oui ! S’ils font déjà des efforts, quel mal à le faire figurer dans la loi ?

Les salariés aussi font des efforts. Et, madame la ministre, vous avez inscrit dans la loi l’obligation pour eux d’accepter certains de ces efforts. Inscrivez alors dans la loi, de manière symétrique, l’obligation pour les patrons, pour les propriétaires du capital, de prendre eux aussi leur part des efforts ! C’est cela, la négociation sociale !

Vous nous parlez de confiance ? Que les patrons montrent aux salariés qu’ils peuvent avoir confiance, en faisant les mêmes efforts que ceux qu’ils leur demandent d’accepter !

Mme Gisèle Jourda applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Cet article s’inscrit parfaitement dans la pratique républicaine, apanage de notre pays, telle qu’en particulier l’article II de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en fixe les termes. Il y est expressément dit, en effet, que chaque citoyen doit contribuer aux dépenses de la Nation à raison de ses capacités.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Lorsqu’il s’agit de sauver l’entreprise, il faut donc que chaque membre de l’entreprise, qu’il soit ouvrier, salarié ou actionnaire, participe en fonction de ses capacités audit sauvetage ! C’est pourquoi, en outre, l’actionnaire doit produire un effort plus important. Je ne suis pas favorable, en effet, à un effort proportionnel, mais à un effort progressif ! Il existe un impôt qui n’est pas très juste, mais qui est certainement le moins injuste : l’impôt sur le revenu, créé par Caillaux, fondé sur l’idée que chacun doit contribuer aux dépenses de la Nation par un effort non pas proportionnel mais progressif. Parce qu’il est progressif, il est progressiste !

Si j’ai bien compris, madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous souhaitez promouvoir un dialogue progressiste dans l’entreprise. Vous êtes donc avec nous pour voter cet amendement !

Mme Gisèle Jourda applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Madame la ministre, nous vivons un moment important. Je suis désolé, mes chers collègues, mais votre amendement est timide : « L’accord peut prévoir » serait remplacé par « L’accord prévoit ». Quelle audace !

Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Évidemment, nos collègues de la majorité sénatoriale défendent les intérêts du patronat ; nous le savons bien.

Exclamations amusées sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Mais vous, madame la ministre ? Vous appartenez à un gouvernement dont nous voudrions connaître les objectifs. J’ai entendu M. Macron, et d’autres à sa suite, dire qu’il y a deux France : nous l’avons vu au moment des élections législatives, disait-il ; il faut les rassembler ; il est hors de question de laisser sur le carreau des gens sans emploi, abandonnés à la pauvreté, dans des territoires délaissés. Nous devons faire quelque chose, concluait-il !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Et en même temps, nous attendons des gestes en ce sens !

Madame la ministre, vous nous parlez du dialogue social dans l’entreprise, mais vous ne semblez pas gênée par l’augmentation de 11 % des versements de dividendes aux actionnaires et des plus hauts salaires ! Personnellement, je pense qu’une telle augmentation appauvrit les gens ! Les inégalités n’enrichissent ni les territoires ni la majorité de la population. Au contraire, elles aggravent leur situation ! Certains peuvent se permettre d’acheter des appartements, et beaucoup d’autres choses, facilement ; les autres ont la vie plus difficile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

On attendrait donc, dans le cadre du dialogue social, que l’effort soit partagé. Nous attendons, madame la ministre, que vous définissiez les objectifs sociaux de ce gouvernement. Nous n’en avons pas connaissance !

Jusqu’à maintenant, les citoyens français vous ont accordé leur confiance, sur le mode suivant : « Que les choses changent, c’est bien ; allez-y, faites ce qui n’a pas été fait et aurait dû l’être ! » Promouvoir le dialogue social au niveau de l’entreprise, pourquoi pas. Mais pour quelle raison refuser que les actionnaires, dont, je le rappelle, les dividendes ont augmenté de 11 % cette année, consentent à participer aux efforts lorsque l’entreprise va mal ? Ce refus de la contribution des plus hauts salaires me paraît quand même incompréhensible ! §

L'amendement n'est pas adopté.

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin de mettre en place une nouvelle organisation du dialogue social dans l’entreprise et de favoriser les conditions d’implantation syndicale et d’exercice de responsabilités syndicales, applicables aux salariés de droit privé, en :

1° Fusionnant en une seule instance les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et en définissant les conditions de mise en place, les seuils d’effectifs à prendre en compte, la composition, les attributions et le fonctionnement de cette instance, y compris les délais d’information-consultation, la formation de ses membres, les moyens, et les modalités de contrôle de ses comptes et de choix de ses prestataires et fournisseurs, et en fixant à trois le nombre maximal de mandats électifs successifs des membres de l’instance ainsi que les conditions et modalités de recours aux expertises, notamment la sollicitation obligatoire de devis auprès de plusieurs prestataires ;

2° Déterminant les conditions dans lesquelles l’instance mentionnée au 1° exerce, sauf accord majoritaire contraire, les compétences en matière de négociation des conventions et accords de groupe, d’entreprise ou d’établissement, en disposant des moyens nécessaires à l’exercice de ces prérogatives ;

3° et 4°

Supprimés

5° Renforçant le dialogue social par la possibilité pour le salarié d’apporter au syndicat de son choix des ressources financées en tout ou partie par l’employeur, par le renforcement de la formation des représentants des salariés, par l’encouragement à l’évolution des conditions d’exercice de responsabilités syndicales ou d’un mandat de représentation et la reconnaissance de ceux-ci dans le déroulement de carrière et les compétences acquises en raison de ces responsabilités, ainsi que par l’amélioration des outils de lutte contre les discriminations syndicales ;

6° Définissant, pour certaines entreprises dont l’effectif est inférieur à un seuil, les conditions et modalités selon lesquelles les employeurs peuvent être exonérés pour tout ou partie de leur contribution au fonds paritaire prévue à l’article L. 2135-10 du code du travail ;

Supprimé

8° Modernisant les dispositions du chapitre Ier du titre VIII du livre II de la deuxième partie du code du travail afin de favoriser le droit d’expression des salariés, notamment par le développement du recours aux outils numériques.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Cet article 2 est important : il prévoit la fusion des instances représentatives du personnel. Ses auteurs y vont d’ailleurs à haute dose, et même à marche forcée : le Conseil d’État lui-même note que ce projet de loi d’habilitation « ne réserve pas la possibilité qu’un accord puisse maintenir plusieurs institutions représentatives au sein de l’entreprise ». On peut négocier sur tout, sauf sur l’obligation de regrouper les instances représentatives !

Or les dispositions que nous examinons sont extrêmement dangereuses, en particulier lorsqu’on met bout à bout, d’une part, le principe du référendum, lequel peut être à l’instigation du chef d’entreprise, et, d’autre part, la réduction du champ d’action des institutions représentatives du personnel : de fait, madame la ministre, vous réduisez la capacité d’intervention du monde syndical dans l’entreprise.

Contrairement à ce qui nous est raconté, nous n’assistons pas à un renforcement de la présence des syndicats dans l’entreprise, mais plutôt à une forme de leur contournement. Les syndicats connaissent une double pression : d’un côté, moins de représentants ; de l’autre, en cas de mécontentement affiché de leur part, la menace d’un référendum organisé dans l’entreprise.

La philosophie de votre proposition, madame la ministre, me semble donc extrêmement dangereuse ; il s’agit d’une véritable marche arrière : c’est seulement à partir de 1981 que la question de la négociation et de la présence syndicale dans l’entreprise a été inscrite dans la loi.

Mais votre proposition n’est pas seulement dangereuse dans sa philosophie, madame la ministre ; elle l’est tout autant dans son application. Toute une série de sujets, notamment ce qui touche aux compétences des CHSCT, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, cesseront de constituer des priorités.

Mes chers collègues, regardez dans la longue durée : à défaut d’instances s’occupant exclusivement des conditions de travail, de la sécurité et de l’hygiène, ces sujets sont progressivement négligés et les risques s’accroissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Un danger existe donc aussi s’agissant de l’efficacité du suivi de la négociation sociale sur les sujets relatifs aux conditions de travail. Ces sujets sont pourtant d’autant plus importants que – toutes les enquêtes le montrent – les Français souffrent d’un manque de reconnaissance dans leur travail, et considèrent que leurs conditions de travail sont pénibles. La fusion que vous proposez, madame la ministre, aurait donc des effets négatifs concernant à la fois le rapport au travail et l’efficacité des salariés dans leurs entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Evelyne Yonnet

Cet article souhaité par le Gouvernement, durci par les amendements de M. le rapporteur – ce dernier a notamment supprimé les alinéas 4 et 5, qui étaient importants en termes d’information et de représentation des salariés dans les conseils d’administration – ne me paraît pas renforcer le dialogue social. Tel est pourtant l’intitulé du projet de loi !

J’entends bien la volonté de simplification du Gouvernement, qui est peut-être de bonne foi, notamment pour les TPE et les PME, dont les patrons sont bien, eux, pour une majorité d’entre eux, de bonne foi. Lesdits patrons ont rarement pour ambition principale de s’enrichir au détriment des droits sociaux de leurs employés, qu’ils connaissent et respectent. Ils n’ont pas l’immoralité de certains grands patrons dont le seul objectif est parfois d’amasser des milliards au détriment des droits sociaux et de l’environnement. Songez à la Françafrique !

Madame la ministre, j’ai entendu vos intentions, beaucoup plus claires qu’elles ne l’étaient au départ, s’agissant notamment de la compétence d’ester en justice pour l’institution représentative du personnel unique. Vous m’en voyez quelque peu rassurée, même si ce ne sont là, pour le moment, que des intentions.

M’échappe cependant le lien entre le projet de loi que vous présentez et le constat qui est censé le motiver. En effet, la fusion des IRP, les instances représentatives du personnel, ou la mise en place de seuils concernant la possibilité de mettre en place une DUP, une délégation unique du personnel, auront certes pour effet de simplifier, mais reviendront surtout à atténuer le rôle des syndicats dans les négociations avec la direction.

Au sein de l’usine à gaz que deviendrait une telle IRP, quid des formations des représentants des salariés, alors que ces derniers sont aujourd’hui formés et spécialisés selon qu’ils siègent au CHSCT, au CE, le comité d’entreprise, au CCE, le comité central d’entreprise, ou comme DP, délégués du personnel ? Quid de l’expertise concernant les conditions de travail, celles qui sont liées notamment à la santé, alors que la médecine du travail n’a pas les moyens de suivre tous les salariés, dans un contexte où les maladies professionnelles reconnues sont de plus en plus nombreuses ? Je pense en particulier au burn-out, dont personne aujourd’hui ne connaît l’origine.

Si nous déplorons tous, syndicats eux-mêmes y compris, le manque d’engagement et d’investissement des salariés et des Français dans les organisations syndicales, ce n’est pas en réduisant leur poids dans le dialogue social, donc leur intérêt, que vous les rendrez attractives, madame la ministre. Comme l’a dit notre président de groupe, oui à la flexibilité, mais oui à la sécurité ! De la sécurité, je n’en vois pas ; des dangers, j’en vois.

Pour ces raisons et pour d’autres, nous défendrons différents amendements dont l’ambition commune consistera à ouvrir le dialogue social…

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mes chers collègues, je vous invite à respecter votre temps de parole. Vous êtes très nombreux à intervenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Bienvenue en démocratie ! C’est ainsi que fonctionne le Parlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

La fusion prévue par cet article des délégués du personnel, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et du comité d’entreprise aura pour effet de relativiser les questions de santé au travail.

J’ajoute que chacune de ces instances a une histoire et surtout une raison d’exister, permettant aux salariés d’une entreprise d’intervenir et de s’exprimer.

Par exemple, les CHSCT ont un rôle irremplaçable pour vérifier que les lois et règlements qui ont un rapport avec la sécurité au travail et la santé sont bien respectés. Ils sont également, grâce à la loi de 2013, des lanceurs d’alerte dans le domaine de l’environnement. Leur droit d’enquêter en cas de risque grave avéré ou d’atteinte à la santé est aussi d’importance. Enfin, ils analysent les propositions de l’employeur en matière d’aménagement important concernant par exemple les grilles horaires, dès lors qu’elles ont une incidence sur la santé et la sécurité des salariés.

Comme l’écrivait Louis-Marie Barnier, sociologue du travail, « Les élus du CHSCT constituent d’une certaine manière la mauvaise conscience de l’employeur, lui rappelant sans cesse les conséquences de ses décisions sur les salariés. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Les lois Auroux de 1982 mettaient en avant le projet d’un salarié-citoyen. Quant au droit européen, il impose à l’employeur, par la directive de 1989, de prendre toute mesure pour préserver la santé physique et mentale des salariés.

Et pourtant, je constate que certaines organisations patronales considèrent bon nombre de ces prérogatives comme exorbitantes. Ce contre-pouvoir que constituent les CHSCT dans le domaine de la santé, de la sécurité, de l’organisation du travail semble en effet les gêner. Comme le dit le sociologue que je viens de citer, « Cachons ces conditions de travail que nous ne saurions voir ! »

Bref, madame la ministre, monsieur le rapporteur, il n’est pas bon de fusionner toutes ces instances en une seule. Le faire, c’est enlever à chacune d’elles, à commencer par le CHSCT, de la force et de l’efficacité, et cela sans en analyser toutes les conséquences. Je m’opposerai à cette fusion, et donc à cet article tel que rédigé.

Bravo ! et applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

L’article 2 que nous allons examiner vise à instaurer la mise en place d’une instance unique dans les entreprises dotées de délégués syndicaux, de comités d’entreprise et de CHSCT.

Une telle réforme serait une excellente avancée, qu’il ne faut pas dénaturer en prévoyant des exceptions ou expérimentations. À l’évidence, madame la ministre, si vous n’imposez pas cette création, elle ne se fera pas. Les débats en commission l’ont bien montré au sujet du CHSCT, et je ne doute pas que nos discussions en séance le confirmeront, comme nous venons d’en avoir un aperçu.

L’enjeu est de relancer le dialogue social ; il n’est pas utile de multiplier les instances ou d’en faire vivre de nouvelles telles que les CPRI, les commissions paritaires régionales interprofessionnelles. Il faut simplifier pour que les interlocuteurs soient moins nombreux, mais dotés de compétences élargies et renforcées.

La deuxième partie de l’article 2 prévoit la mise en œuvre du chèque syndical et la valorisation des carrières des représentants du personnel. Pourquoi pas ? Mais cela me semble bien modeste pour qu’il soit possible de parler de « mesures renforçant le dialogue social ».

Il faut revoir en profondeur le rôle et le fonctionnement des organisations syndicales. Il faut notamment revoir leur financement pour le clarifier. Il faut réévaluer l’opportunité de la contribution patronale au dialogue social : prélever une cotisation obligatoire pour financer les syndicats est perçu par certains comme un véritable racket.

Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Madame la ministre, vous semblez regretter le faible taux de syndicalisation, et par conséquent le faible nombre de délégués syndicaux dans les TPE et PME. Votre texte s’intitule « Renforcement du dialogue social » ; il soulève donc, nous semble-t-il, une question importante : pour quelle raison le nombre de salariés syndiqués ou exerçant un mandat électif est-il si faible ?

La réalité est qu’en 2017 être syndiqué est encore mal vu par certains patrons ; le risque de répression syndicale, s’agissant de l’avancement de carrière, est bien réel. Le 13 juillet dernier, le Conseil économique, social et environnemental a rendu un rapport intitulé « Repérer, prévenir, lutter contre les discriminations syndicales ». Y sont recensés les tentatives de licenciement abusif, les sanctions disciplinaires injustifiées, les chantages à l’emploi, les harcèlements ou encore les humiliations que subissent certains salariés syndiqués au sein de leur entreprise.

Selon le baromètre du Défenseur des droits et de l’Organisation internationale du travail cité dans ce même rapport, 11 % des salariés du privé et 11 % des agents du secteur public estiment en avoir été victimes ; 14 % d’entre eux pensent avoir été les témoins de discriminations syndicales. Cela est grave : ces actes discriminatoires ont également « valeur d’avertissement pour les autres salariés que l’on cherche à dissuader de s’engager syndicalement », précise le rapport.

De son côté, la CGT a recensé en 2015, en son sein, 165 cas de médiations et actions en justice liées à la discrimination et à la répression syndicales.

Madame la ministre, ce n’est pas en autorisant les employeurs à passer outre les délégués syndicaux que vous renforcerez la protection des syndicalistes, mais en vous attaquant aux racines du mal.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Comme je le disais précédemment, madame la ministre, vous êtes venue devant la commission des affaires sociales, il y a déjà quelque temps, pour nous présenter votre rapport sur le bien-être au travail.

Vous écriviez, dans ce rapport, que « le sujet de la santé au travail réconcilie le social et l’économique. Investir dans la santé au travail est d’abord une obligation sur le plan humain ; de plus, ce n’est pas une charge, c’est un atout pour la performance. » Vous écriviez également qu’il s’agissait d’un rapport de « praticiens » et non pas d’un rapport d’experts.

Vous aviez alors ciblé de grandes causes de stress : la peur du chômage ; la financiarisation accrue de l’économie, retenant pour seule valeur la performance financière ; l’utilisation à mauvais escient des nouvelles technologies ; les difficultés dans les relations de travail, notamment avec le supérieur hiérarchique, lorsque l’isolement réduit les temps d’échange aux seules consignes. Votre conclusion était alors sans appel sur le rôle fondamental des CHSCT et la nécessité de leur renforcement.

Aujourd’hui encore, quant à moi, je partage votre vision d’alors : le premier des droits des salariés est l’obligation faite à l’employeur d’assurer la sécurité au travail des personnels de son entreprise. Et la fusion des instances représentatives ne peut conduire à autre chose qu’à l’affaiblissement des missions des CHSCT.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Aussi, sauf à décider sciemment de mettre en danger la vie des salariés et de les priver ensuite de leur droit à réparation, cette fusion n’est-elle pas acceptable. Où donc est passée la praticienne de 2010, madame la ministre ? Je conçois qu’il soit pénible, pour les employeurs, d’être déclarés responsables par les tribunaux pour n’avoir pas pris en compte la santé et la sécurité des salariés. Mais quand pensez-vous aux salariés blessés ou malades ?

Les salariés ont des devoirs et des obligations ; les employeurs aussi ! Nous rejoignons ainsi le débat que nous avons eu il y a quelques instants sur le fait que les employeurs doivent eux aussi contribuer à la santé financière de leur entreprise.

Je connais bien ce sujet : en Isère, dans la vallée de la chimie, les salariés des plateformes classées Seveso se battent avec de trop maigres moyens pour prévenir et faire reconnaître le danger auquel ils et elles ont été exposés, leurs maladies professionnelles, les conséquences pour leurs familles. Je pense également, dans le secteur de l’énergie, …

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

… aux agents d’EDF qui interviennent sur la haute tension ou les barrages hydroélectriques.

Pouvez-vous vraiment imaginer, madame la ministre, restreindre plus encore les effectifs et les moyens des CHSCT dans de telles entreprises ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Madame la ministre, à lire votre projet de loi, on constate que le dialogue social que vous appelez de vos vœux est totalement asymétrique. Comment justifier que court-circuiter les syndicats, réduire le nombre d’instances et, de fait, le nombre d’élus, vivifierait la démocratie ?

Au lieu de proposer des mesures contradictoires avec les objectifs annoncés, il conviendrait plutôt de s’interroger sur les raisons de la faible syndicalisation. Si les organisations syndicales doivent s’interroger sur leur modèle d’organisation, il faut aussi explorer d’autres pistes. D’une part – je ne ferai qu’évoquer ce point –, madame la ministre, vous vous doutez bien qu’il est plus difficile de s’engager lorsque la précarité et le risque de déclassement sont forts.

D’autre part – j’insiste sur ce point –, la peur du chômage et le comportement trop souvent impuni d’employeurs peu amènes avec leurs salariés syndiqués ne peuvent que freiner l’engouement pour le syndicalisme.

Poursuites judiciaires répétées jusqu’au dernier recours pour épuiser les salariés concernés, avancements freinés, brimades, délégitimation devant les collègues : tous les moyens sont bons, aux yeux de certains employeurs, pour affaiblir les contre-pouvoirs dans l’entreprise.

On pourrait citer la SNCF, condamnée quatorze fois en 2015 après plusieurs années de procédures ; Ford, qui poursuit et fait condamner pour « dégradation en réunion » quatre syndicalistes qui avaient jeté… des confettis ; la SEPUR, qui tente de licencier pour faute grave un salarié protégé et qui, face à l’opposition de la DIRECCTE, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, décide de poursuivre les fonctionnaires en charge du dossier ; Ikea, qui baisse d’année en année l’évaluation et donc les primes d’un salarié devenu représentant du personnel alors que sa productivité augmente, puis qui, une fois condamnée pour discrimination, épuise tous les recours sans succès.

Et ces exemples ne constituent pas un microphénomène, comme le note le Défenseur des droits, Jacques Toubon, et comme le montre l’avis assorti de vingt-trois recommandations du CESE du 13 juillet dernier. Dans plus du tiers des entreprises interrogées par le ministère du travail, 45 % des représentants du personnel syndiqués déclarent que leur mandat a été un frein pour leur carrière, contre 4 % des représentants non syndiqués, alors même que le salaire de ces travailleurs est plus faible. Ces pratiques répressives et discriminatoires ont forcément des conséquences sur l’engagement des salariés : entre 36 % et 40 % des salariés déclarent que le premier frein à la syndicalisation est la peur des représailles émanant de la direction de l’entreprise.

Si le Gouvernement veut inciter à la syndicalisation, qu’il renforce la législation, qu’il fasse appliquer les lois existantes et qu’il lutte contre ces pratiques d’un autre temps ! À ce titre, le soutien quasiment sans faille des DIRECCTE à des licenciements bien souvent condamnés par la justice ne peut qu’interroger ! Entre 2010 et 2014, l’administration a accepté plus des trois quarts, près de 77 %, des demandes de licenciement, et la quasi-totalité, 95 %, des demandes de rupture conventionnelle de salariés protégés.

Madame la ministre, il y a en effet matière à modifier la loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Madame la ministre, mes chers collègues, je vous propose de prolonger notre séance au-delà de minuit et jusqu’à zéro heure trente afin de poursuivre l’examen de ce texte, et surtout de pouvoir discuter des amendements de suppression qui se situent dans la continuité des prises de parole qui viennent d’avoir lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Le Parlement, c’est un lieu où l’on parle la nuit !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

La parole est à Mme Dominique Gillot, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Les personnes en situation de handicap ont trois fois moins de chances d’occuper un emploi et deux fois plus de risques de connaître le chômage.

Seulement 43 % des personnes reconnues en situation de handicap sont actives, et 35 % sont en emploi. Le taux de chômage des personnes handicapées est deux fois supérieur à celui de la population générale.

Les personnes en situation de handicap sont souvent moins qualifiées, moins formées et plus âgées que la population générale.

Le nombre de personnes en situation de handicap qui travaillent augmente. Aujourd’hui, près de 1 million de personnes handicapées travaillent, dont 80 % en milieu ordinaire de travail.

Quand elles travaillent, les personnes en situation de handicap occupent plus souvent un emploi peu ou pas qualifié, plus souvent que d’autres à temps partiel ou en situation de sous-emploi.

Le handicap est la deuxième cause de discrimination recensée par le Défenseur des droits, et ce principalement dans l’emploi.

Les personnes en situation de handicap ont des qualités, des capacités et des compétences qui doivent pouvoir s’exprimer sur le marché du travail.

Dans le soutien à la politique inclusive des personnes handicapées voulue par le Président de la République, au regard de cette situation, la commission travail-emploi-formation du Conseil national consultatif des personnes handicapées, que j’ai l’honneur de présider, recommande, d’une part, de ne pas dissocier les questions relatives à l’emploi des personnes en situation de handicap de celles qui sont liées à la rénovation de notre modèle social et, d’autre part, d’assurer une sécurisation des parcours vers et dans l’emploi pour tous.

Par conséquent, je demande que le Gouvernement mène systématiquement des études d’impact des réformes envisagées sur l’emploi des personnes en situation de handicap et des proches aidants en matière tant d’accès, d’évolution professionnelle que de maintien dans l’emploi, afin de généraliser et de rendre habituelle l’obligation de recrutement de 6 % de personnes handicapées dans les effectifs salariés des entreprises, qu’elles soient publiques ou privées.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

M. Yves Daudigny. Pour ma part, je suis prêt à accepter l’idée que la fusion des instances d’information et de consultation ne doit pas être écartée dans l’optique du renforcement du dialogue social.

M. Martial Bourquin s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Le sujet n’est d’ailleurs pas nouveau, puisque la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, ou loi Rebsamen, offre une telle faculté aux entreprises de moins de 300 salariés.

La fusion doit permettre de simplifier le dialogue social, mais aussi d’en renforcer le contenu stratégique.

La représentation des salariés est aujourd’hui morcelée en quatre instances différentes au sein de l’entreprise : délégués du personnel, comité d’entreprise, comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et délégués syndicaux. Les témoignages des effets négatifs, tant pour l’employeur que pour les salariés, d’une telle situation abondent. Le système est chronophage, complexe et, en partie, inefficace. Il aboutit à un dialogue social éclaté et à des complications du travail supplémentaires. La quasi-totalité des pays qui entretiennent un dialogue social très développé ont moins d’instances que nous.

Cependant, dans le cadre d’une telle fusion, le champ des responsabilités et des attributions ne doit à l’évidence pas être diminué ou réduit. L’ensemble des compétences du comité d’entreprise, des délégués du personnel et du CHSCT doivent être transférées au nouveau comité. Il ne doit surtout pas être question de baisser la garde sur la santé et la sécurité au travail. À cet égard, je suis favorable à la constitution d’une commission spécifique. La présence d’une instance bénéficiant de la vision stratégique globale ne fait pas obstacle à la création d’une commission spécialisée travaillant sur les métiers dangereux. Un amendement a été déposé en ce sens.

Enfin, et c’est essentiel, la compétence d’ester en justice doit être transférée à cette nouvelle instance.

J’insiste sur un dernier point de vigilance. Puisqu’il est également prévu de limiter le nombre de mandats des représentants du personnel, il est important d’envisager un encadrement du retour à l’emploi des salariés protégés, afin d’éviter la chasse aux sorcières qui a parfois lieu et est source d’un nombre non négligeable de contentieux prud’homaux.

Ces différentes conditions réunies, la fusion pourrait alors peut-être se révéler bénéfique pour tous, c’est-à-dire pour les salariés, les représentants du personnel et les employeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

La parole est à Mme Catherine Génisson, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

À l’instar de plusieurs de mes collègues, je centrerai mon propos sur l’alinéa 2 de l’article 2. Je ne reviens pas sur les arguments qui ont été avancés, notamment par mon collègue Yves Daudigny, sur la fusion.

En revanche, j’insiste sur la nécessité de réserver un statut particulier au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Le rapport que Mme la ministre a remis en 2010 a été largement évoqué. Je ferai pour ma part référence à celui que Gérard Dériot avait rédigé dans le cadre de la mission d’information présidée par Jean-Pierre Godefroy sur le mal-être au travail. Notre collègue insistait sur la nécessité d’approfondir très largement la formation sur les sujets de santé, en particulier de santé psychologique, et de donner une nouvelle légitimité au CHSCT en clarifiant la répartition de ses compétences avec les autres institutions représentatives du personnel. Il proposait également que le regroupement à moyens constants des compétences du comité d’entreprise et du CHSCT au sein d’une instance unique puisse dans certains cas, en fonction des secteurs d’activité ou des effectifs, être envisagé, sous réserve de l’accord des partenaires sociaux.

Cela rejoint ce que vous indiquiez dans votre rapport, madame la ministre : « […] l’articulation entre le comité d’entreprise et le CHSCT demeure insuffisante, alors même que les sujets économiques et les conditions de travail sont fortement connectés. Une redéfinition des modes d’articulation entre ses instances devrait être recherchée […]. Dans certains cas, en fonction des secteurs d’activité ou des effectifs, il pourrait être envisagé de regrouper à moyens constants les compétences du comité d’entreprise et du CHSCT dans une instance unique, sous réserve de l’accord des partenaires sociaux. »

J’espère que nous aurons une discussion approfondie sur le sujet et qu’elle sera positive. Je me doute bien que la majorité sénatoriale ne votera probablement pas les amendements de suppression de l’alinéa 2 et que la fusion sera donc actée. Mais j’insiste sur la nécessité d’avoir une commission ad hoc ou une instance spécifique permettant de reconnaître les compétences particulières du CHSCT ; nous avons déposé un amendement en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Madame la ministre, si vous connaissez la réponse à la question posée – comment peut-on simplifier la santé ? –, il faut la communiquer tout de suite aux médecins, qui nous prescrivent de multiples examens ou nous renvoient vers les spécialistes. Nous savons combien il est aujourd'hui difficile de détecter toutes les causes, qui sont multiples, des problèmes liés à la santé.

Mais le travail et l’environnement professionnel en font partie. Comme cela a été évoqué tout à l’heure, il y a deux conceptions de l’entreprise : d’un côté, l’entreprise citoyenne ; de l’autre, l’entreprise où l’on veut avant tout que ça « marche ».

Dans ce dernier cas, il faut aller le plus vite possible. Et la santé doit alors relever de la compétence du conseil d’administration ou de gestion, car, s’il y a trop de malades, l’entreprise n’est plus rentable.

À l’inverse, l’entreprise citoyenne a un rôle à jouer dans la protection des salariés en général. Et, comme les maladies ne se déclarent pas tout de suite – parfois, cela peut prendre plusieurs années –, l’action du comité doit être centrée sur la prévention, l’alerte.

L’alternative est donc entre la gestion du risque et la prévention. Or la prévention, cela implique de déterminer quelles sont les conditions de travail porteuses de maladies, de stress, voire quelles sont les causes de suicides.

Aujourd'hui, on fait comme s’il n’y avait pas aggravation des conditions de travail dans l’entreprise… Pourtant, c’est le cas, qu’il s’agisse du burn-out, des relations avec la hiérarchie, voire de maladies que l’on a du mal à détecter aujourd'hui et que l’on détectera plus tard.

Le CHSCT doit être le garant de l’ensemble de la santé des travailleurs de l’entreprise, de la branche et même de l’ensemble des entreprises. Les gens doivent s’y intéresser particulièrement. Cela ne doit pas être vécu comme un aléa de gestion.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Il arrive que nous ne nous présentions pas suffisamment. Certains collègues mettent en avant leur diplôme de Sciences-Po ou de l’ENA ; d’autres évoquent leur expérience de chef d’entreprise…

Pour ma part, j’ai été pendant très longtemps délégué syndical en production. Je sais donc de quoi je parle : je crois connaître le monde du travail !

Le monde du travail, ce sont souvent les conditions de travail. Pour représenter une organisation syndicale au sein d’un CHSCT, il faut avoir suivi des mois de formation, afin de pouvoir traiter des questions de santé au travail.

On nous parle aujourd'hui de « burn-out » ; on emploie également d’autres termes. Mais se souvient-on du « syndrome France Télécom » ? Des suicides ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

M. Martial Bourquin. Se souvient-on de ce qui se passe à La Poste ? Des procès de l’amiante ?

M. Roland Courteau acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Et là, je découvre que l’on veut imposer une fusion pour empêcher le CHSCT de fonctionner ! Pire : le représentant ayant exercé deux mandats dans un CHSCT devrait s’en aller, alors qu’il commence à peine à être formé !

Plus important encore : savez-vous que des délégués syndicaux ont engagé des procès contre des directions pour faire reconnaître qu’ils avaient été sanctionnés dans leur vie professionnelle – cela concerne aussi bien des ouvriers que des cadres – et qu’ils les ont gagnés ?

On nous dit aujourd'hui qu’il va y avoir un dialogue, que tout va bien se passer… Mais savez-vous qu’il y a un lien de subordination fondamental dans une entreprise ? C’est le pot de terre contre le pot de fer !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Vous faites semblant de l’ignorer, alors que vous savez très bien que les choses se passent ainsi !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Ce texte sur le dialogue social, j’ai l’impression que vous voulez le faire passer au forceps. D’ailleurs, M. Cadic a été très clair tout à l’heure lorsqu’il vous a exhortée à imposer votre loi, considérant qu’elle n’aboutirait pas autrement.

Bref, c’est marche ou crève !

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Voilà quelqu’un qui connaît l’entreprise !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Pour ma part, je suis favorable à la fusion des trois instances dans une structure ayant des compétences pour négocier les accords d’entreprise. Cette solution pragmatique et efficace pour les salariés permet l’information de tous, des gains de temps et une rationalisation. D’ailleurs, elle s’applique déjà.

Il ne s’agit nullement d’une réduction de la représentation syndicale. Mieux associer le personnel aux décisions ? Je trouve que c’est un plus ! Favoriser les implantations de syndicats ? Nous en avons vraiment besoin.

Pour certains, l’entreprise du XXIe siècle serait un lieu d’affrontements, de subordination

Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Il est vrai que certains patrons ont des salaires exorbitants. Mais faites attention aux amalgames ! Les patrons de TPE ou de PME font le maximum pour sauver ou développer leur entreprise. Ils assument aussi leurs devoirs auprès de leurs employés.

Leur problème, ce n’est pas le dialogue ; ils le pratiquent tous les jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

M. Alain Néri. Il ne faut pas que ce soit un dialogue de sourds !

Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

M. Daniel Chasseing. Mon cher collègue, acceptez que je m’exprime – je ne suis pas beaucoup intervenu jusqu’à présent – et que je dise ce que j’ai vu !

Très bien ! sur certaines travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Le problème des patrons de TPE ou de PME, c’est souvent de trouver des gens formés !

Applaudissements sur les mêmes tr avées . – M. Olivier Cadic applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Dans son édition du 6 juillet, le journal Les Échos titrait : « La France moins compétitive qu’il y a cinq ans ». Quand j’entends certains de nos collègues, qui voudraient encore accroître les contraintes pesant sur les entreprises, je comprends pourquoi !

Nous devons faire le chemin inverse. Je me réjouis que le Gouvernement se soit saisi à bras-le-corps de la problématique de la compétitivité et qu’il ait décidé de s’attaquer à ce fameux code du travail. Pour résoudre le chômage, il est nécessaire de lever un grand nombre des contraintes qui pèsent sur nos entreprises, au lieu d’en rajouter.

Les conditions de travail, qui ont été évoquées lors de l’examen de l’article 1er, doivent, me semble-t-il, être singulièrement rénovées et confortées au sein de l’entreprise.

Je suis particulièrement heureux que l’article 2 tende à la simplification du droit pour les entreprises. Enfin ! Il était temps, car cela ne peut plus continuer ainsi.

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, les entreprises souffrent de l’excès de contraintes de toutes natures qui pèsent sur elles, alors qu’elles devraient s’atteler à résoudre le problème du chômage. Il n’est tout de même pas acceptable que plus de 6 millions de personnes soient toujours inscrites à Pôle emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Ce n’est pas du fait de l’existence des CHSCT !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

M. Michel Canevet. Pourtant, à en juger par certains des propos que j’ai entendus ici, je n’ai pas le sentiment que l’on prenne bien en compte la réalité de l’emploi en France. Le problème, ce sont bien ces plus de 6 millions de personnes qui souffrent de ne pas avoir d’emploi. Nous devons donc tout faire pour leur permettre d’en retrouver un !

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les prises de parole sur l’article.

Nous examinerons les trois amendements tendant à supprimer l’article 2 ce jour, à quatorze heures trente, et Mme la ministre répondra à cette occasion aux différents orateurs qui se sont exprimés.

Nous avons examiné 57 amendements au cours de la journée ; il en reste 165.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 26 juillet 2017, à quatorze heures trente et le soir :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social (637, 2016-2017) ;

Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales (663, 2016-2017) ;

Texte de la commission (n° 664, 2016-2017) ;

Avis de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (642, 2016-2017).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 26 juillet 2017, à zéro heure quinze.