Séance en hémicycle du 12 mars 2019 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • l’ordre
  • manifestation
  • manifester
  • violence

La séance

Source

La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.

Photo de Jean-Marc Gabouty

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 3 bis.

(Non modifié)

Le présent chapitre est soumis à évaluation annuelle de ses résultats par le Parlement.

L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures.

Le Gouvernement adresse chaque année au Parlement un rapport détaillé sur l’application des dispositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 23, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

La majorité, à l’Assemblée nationale, a décidé d’introduire par voie d’amendement cet article qui prévoit un bilan d’application annuel des dispositions des quatre premiers articles de cette proposition de loi. Je passerai rapidement sur le caractère superflu d’un tel dispositif, le Parlement contrôlant l’action du Gouvernement…

Notre amendement de suppression se justifie par notre volonté de voir supprimées les dispositions des articles 1er, 2 et 3.

Quant à l’article 1er A, il ne me semble pas possible de mesurer l’efficacité de son dispositif, car le nombre de manifestations déclarées en préfecture dépend avant tout du contexte national.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La commission a décidé de conserver les articles 1er, 2 et 3 de la proposition de loi, qu’elle estime nécessaires au renforcement de la prévention des violences dans les manifestations. Par cohérence, elle émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Le Gouvernement partage l’avis de la commission, même s’il comprend la logique de cet amendement.

L’utilisation du fichier des personnes recherchées, le FPR, qui est consulté au quotidien par l’ensemble de nos forces de sécurité intérieure, est vraiment encadrée. Seules les personnes agréées y ont accès, et le début et la fin du fichage sont enregistrés dans les meilleures conditions. C’est indispensable pour garantir que la décision, dès lors qu’elle n’a pas été contestée ou qu’elle a été validée par un juge, puisse être exécutée dans de bonnes conditions. Il est essentiel que les policiers ou les gendarmes chargés du maintien de l’ordre public puissent accéder, via des tablettes comme Neogend, par exemple, à ce fichier dont la sécurisation et l’efficacité sont démontrées.

Madame la sénatrice, vous proposez de supprimer l’article 3 bis par cohérence avec les prises de position de votre groupe sur les articles déjà examinés. Par cohérence également, le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à votre amendement. Si l’article 3 bis était supprimé, il nous faudrait alors créer un fichier spécifique, qui n’offrirait pas forcément la souplesse et l’efficacité du FPR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je mets aux voix l’amendement n° 23.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 64 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’article 3 bis.

L ’ article 3 bis est adopté.

(Non modifié)

Après l’article 431-9 du code pénal, il est inséré un article 431-9-1 ainsi rédigé :

« Art. 431 -9 -1. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d’une manifestation sur la voie publique, au cours ou à l’issue de laquelle des troubles à l’ordre public sont commis ou risquent d’être commis, de dissimuler volontairement tout ou partie de son visage sans motif légitime. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 14 est présenté par MM. Durain, Kanner, Sueur, J. Bigot et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 17 rectifié est présenté par Mmes M. Carrère et Costes, MM. Collin, Arnell, Artano, Dantec, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Roux et Vall.

L’amendement n° 24 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 14.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

L’article 4 crée un délit passible d’une sanction d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende pour dissimulation du visage dans une manifestation.

Une première difficulté tient à la caractérisation de l’intentionnalité du délit.

En outre, la proportionnalité entre les atteintes portées au droit de manifester – droit constitutionnellement garanti – et les objectifs visés n’est pas respectée au regard de la peine envisagée.

Toutefois, le quantum de la peine n’est pas seul en cause. Cet article vise, outre des personnes qui seraient « au sein » de la manifestation, des personnes qui se trouveraient « aux abords immédiats », alors que des troubles à l’ordre public ne sont pas en train d’être commis, mais seulement « risquent d’être commis », et sans qu’un lien caractérisé soit établi entre le trouble et la personne qui dissimule juste « une partie de son visage ».

Pour qu’une loi qui pose une restriction aux droits garantis soit compréhensible par le citoyen, elle doit être précise et prévisible, de sorte que ce dernier connaisse la règle qui lui est appliquée. Cette exigence de précision de la loi est le corollaire du principe de sécurité juridique et est inhérente à l’objectif d’intelligibilité de la loi.

Les articles VII et VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen imposent le respect d’un principe de modération dans l’utilisation de l’arme pénale, qui doit aussi répondre à un impératif de prévisibilité pour le justiciable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 17 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 24.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Cet article pose deux problèmes majeurs : d’une part, il instaure une présomption de culpabilité pour toute personne se couvrant le visage dès lors que des troubles se produisent lors d’une manifestation ; d’autre part, la notion de « motif légitime » est trop floue et sujette à interprétation aux yeux de notre groupe.

Nous sommes constructifs : si l’on répond de manière satisfaisante à nos interrogations, nous pourrions retirer notre amendement.

Premièrement, qu’entend-on par « dissimuler volontairement tout ou partie de son visage » ? Cela mérite quand même d’être explicité.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Le champ d’application retenu pour le dispositif est insatisfaisant, chers collègues.

Deuxièmement, qu’est-ce qu’un « motif légitime » de dissimuler tout ou partie de son visage ? Une personne portant des lunettes de soleil sera-t-elle susceptible de tomber sous le coup du nouvel article 431-9-1 du code pénal ?

Troisièmement, dans l’attente d’une réponse précise à ces questions, valable en tout temps et en tout lieu, reste à savoir qui déterminera quand s’appliquera cet article ? Il appartiendra aux forces de l’ordre d’apprécier le contexte, le degré de dissimulation du visage, avant que le juge n’infirme ou ne confirme cette appréciation préalable. Franchement, il me semble que nous pouvons tous admettre le caractère instable et insatisfaisant de ce dispositif !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Quatrièmement, cet article crée une présomption de culpabilité pour toutes les personnes se couvrant le visage alors que des troubles à l’ordre public ont été constatés.

Je pense que beaucoup d’entre nous ont déjà participé à des manifestations, même si ce n’est pas forcément pour défendre les mêmes causes…

M. Philippe Pemezec rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Tous ceux qui ont manifesté le savent : quand il y a des gaz lacrymogènes, on se protège !

Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Comme l’a souligné M. Bonnecarrère, dont je partage totalement l’opinion, nous ne manquons pas de lois pour lutter contre les violences. L’article 4 est délibérément très flou, et son application sera très instable.

Je le dis avec un peu d’humour, mais si vous adoptez cet article, l’acquiescement éclairera peut-être votre visage, chers collègues de la majorité, mais le refus nous donnera la beauté.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Larticle 4, relatif à la création d’un nouveau délit de dissimulation du visage au sein ou aux abords d’une manifestation, est particulièrement attendu par nos forces de l’ordre. Il leur permettra d’interpeller et de placer en garde à vue les fauteurs de troubles qui viennent dans les manifestations, cagoulés ou casqués, non pas pour exprimer leurs revendications, mais pour casser.

Notre commission, qui est particulièrement attachée à cette disposition, a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression. Elle a choisi d’adopter l’article 4 sans modification, plutôt que de chercher à en affiner encore la rédaction.

J’ajoute que le souci de précision dans la définition de l’infraction auquel font référence les auteurs de l’amendement n° 17 rectifié doit être mis en balance avec la nécessité de conserver un dispositif opérationnel, les différents éléments de l’infraction devant pouvoir être établis devant le tribunal.

Enfin, monsieur Savoldelli, contrairement à ce que vous pouvez affirmer, le texte n’instaure pas une « présomption de culpabilité ». Il appartiendra au parquet de démontrer que la personne qui se couvrait le visage le faisait sans motif légitime. Le tribunal appréciera, en fonction des faits de l’espèce, l’existence ou non de ce motif légitime, et ce à l’issue d’un débat contradictoire, qui permettra à la personne mise en cause de donner, pendant l’audience, toutes explications de nature à prouver son innocence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Madame la rapporteure, je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention. Vous parlez d’individus « casqués ou cagoulés », mais où ces termes figurent-ils dans le texte ? C’est une question sérieuse, car ensuite, les actes vont devoir s’accorder aux mots et à leur définition ! Les termes « casqués ou cagoulés » ne figurent nulle part dans le texte dont nous débattons. Il y est seulement fait mention d’une personne qui « dissimule volontairement tout ou partie de son visage ». Quel rapport avec la cagoule et le casque ? Nous en sommes arrivés là, au Parlement ? Tout cela ne tient pas la route ! Je ne suis pas en train de porter une appréciation sur le port de la cagoule ou du casque lors d’une manifestation, je demande ce que signifient exactement les termes du texte !

Par ailleurs, vous évoquez le rôle du parquet, madame la rapporteure, mais où se trouve-t-il pendant la manifestation ?

Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Il n’y a pas vraiment de quoi rire, mes chers collègues !

Les forces de l’ordre devront fonder une présomption de culpabilité sur le fait que le visage d’une personne est totalement ou en partie dissimulé, apprécier la situation en fonction de ce que nous allons voter. Ce n’est qu’ensuite que le parquet interviendra.

Ce sont les libertés individuelles qui sont ici en jeu ! Une responsabilité terrible pèsera sur nos policiers, qui devront déterminer si la dissimulation d’une certaine partie du visage est susceptible de révéler l’intention de commettre un acte délictueux. Franchement, j’attends une autre réponse ! Nous pouvons changer d’avis, mais en fonction d’autres arguments que cette histoire de cagoules et de casques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je voudrais livrer un point de vue plus global.

Certains, M. Retailleau en tête, estiment nécessaire de passer à une nouvelle phase, de changer d’arsenal juridique et législatif pour faire face à un phénomène inédit, appelé à durer, de violences dans les manifestations. Or personne n’a apporté la moindre preuve quant à la réalité d’une telle augmentation des violences. Je me souviens avoir connu, dans le passé, des violences inouïes et beaucoup plus organisées lors de certaines manifestations, notamment celles des sidérurgistes, venus par milliers à Paris affronter les forces de l’ordre face à face, à coups de boulons. Auparavant, il y avait eu mai 68. Dans les années quatre-vingt-dix, on hésitait à appeler à des manifestations lycéennes, parce que, régulièrement, des centaines de jeunes, constitués en bandes organisées que personne ne parvenait à contenir, en profitaient pour dévaster et piller les magasins à Montparnasse, par exemple. C’était une catastrophe ! Il y a aussi eu, plus récemment, les « bonnets rouges », l’incendie du Parlement de Bretagne, à Rennes. Les situations de violence auxquelles ont été confrontées les forces de l’ordre lors de manifestations de toutes sortes, notamment paysannes, ont parfois été inouïes.

Quant à l’usage de cagoules ou de casques par les casseurs pour dissimuler leur visage, il est le lot commun des manifestations de ces quarante dernières années ! Aujourd’hui, on semble découvrir l’eau chaude, et on décide qu’il faut un nouvel arsenal juridique pour lutter contre les violences… Vos prédécesseurs étaient-ils donc si bêtes qu’ils n’y aient pas pensé ? Il faut veiller à protéger les libertés. Dans une Europe où la démocratie est aujourd’hui en danger, c’est l’arsenal législatif qui défend les libertés qui nous protégera le mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je mets aux voix les amendements identiques n° 14, 17 rectifié et 24.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L ’ article 4 est adopté.

(Suppression maintenue)

(Non modifié)

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Après l’article 131-32, il est inséré un article 131-32-1 ainsi rédigé :

« Art. 131 -32 -1. – La peine d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, qui ne peut excéder une durée de trois ans, emporte défense de manifester sur la voie publique dans certains lieux déterminés par la juridiction.

« Si la peine d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique accompagne une peine privative de liberté sans sursis, elle s’applique à compter du jour où la privation de liberté a pris fin. » ;

2° Après le premier alinéa de l’article 222-47, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les cas prévus aux articles 222-7 à 222-13 et 222-14-2, lorsque les faits sont commis lors du déroulement de manifestations sur la voie publique, peut être prononcée la peine complémentaire d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, dans les conditions prévues à l’article 131-32-1. » ;

3° Le I de l’article 322-15 est complété par un 7° ainsi rédigé :

« 7° L’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, dans les conditions prévues à l’article 131-32-1, lorsque les faits punis par le premier alinéa de l’article 322-1 et les articles 322-2, 322-3 et 322-6 à 322-10 sont commis lors du déroulement de manifestations sur la voie publique. » ;

bis La section 2 du chapitre Ier du titre III du livre IV est complétée par un article 431-8-1 ainsi rédigé :

« Art. 431 -8 -1. – Les articles 393 à 397-7 et 495-7 à 495-15-1 du code de procédure pénale sont applicables aux délits prévus à la présente section. » ;

4° Le I de l’article 431-11 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « de l’infraction prévue par l’article 431-10 » sont remplacés par les mots : « des infractions prévues à la présente section » ;

b) Le 2° est ainsi rétabli :

« 2° L’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, dans les conditions prévues à l’article 131-32-1 ; »

bis Au premier alinéa du II du même article 431-11, les mots : « l’infraction prévue par l’article 431-10 » sont remplacés par les mots : « les infractions prévues à la présente section » ;

5° Après l’article 434-38, il est inséré un article 434-38-1 ainsi rédigé :

« Art. 434 -38 -1. – Le fait, pour une personne condamnée à une peine d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, de participer à une manifestation en méconnaissance de cette interdiction est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. »

II. –

Non modifié

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

En commission des lois, j’avais déposé un amendement que je n’ai pas redéposé en séance, eu égard à la volonté de voter ce texte conforme.

Par cet amendement, je posais la question de la déchéance des droits aux minima sociaux pour celles et ceux qui détruisent les biens publics ou privés. Certains pourront considérer qu’un tel amendement était quelque peu brutal, mais une majorité de Français ne comprennent plus que notre pays, qui a le triste privilège d’avoir la pression fiscale la plus importante au sein de l’OCDE, ne redistribue pas à meilleur escient. Accorder des prestations sociales à des casseurs, à des gens qui ne respectent pas le droit, est devenu totalement inacceptable. Plus qu’un amendement d’appel, il s’agissait d’un amendement moralisateur.

Monsieur le ministre, je vous invite à consulter les conclusions du sommet de Göteborg de novembre 2017, qui jetait les bases d’un code de convergence sociale européen. Si nous ne corrigeons pas les dérives actuelles en matière d’accompagnement social dans notre pays, nous resterons à des années-lumière de cette nécessaire convergence que chacun appelle de ses vœux. Évitons d’attribuer des minima sociaux à celles et ceux qui veulent casser notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je souhaite tout d’abord déplorer la déclaration de l’irrecevabilité de notre amendement qui visait à introduire un article additionnel après l’article 6. Il tendait à garantir davantage de protection aux journalistes, qui sont, depuis quelques mois, la cible de violences tant de la part des manifestants que des forces de police. La liberté des médias est précieuse à notre démocratie et sa défense aurait mérité d’être renforcée.

Le présent article 6 ajoute à la liste des peines complémentaires l’interdiction de participation à des manifestations publiques. Une fois de plus, les dispositions proposées viennent inutilement renforcer un arsenal juridique déjà fort répressif en la matière.

Le phénomène des Blacks Blocs n’est pas nouveau, mais se développe toujours davantage dans nos cortèges. La réponse à apporter n’est assurément pas d’ordre législatif, dans la mesure où les dispositifs envisagés ne dissuaderont pas des groupes déterminés et organisés.

L’efficacité recherchée contre les casseurs ne pourra passer que par un changement de doctrine et une adaptation de nos méthodes aux réalités du terrain. Si nous souhaitons qu’un travail de renseignement et de démantèlement soit mené en amont, il serait avant tout nécessaire de doter nos forces de l’ordre de véritables moyens humains et matériels. C’est ainsi que nous pourrons réduire au maximum la capacité de nuisance des « agités » dans les cortèges, dont le nombre ne dépasserait pas 300 en moyenne, selon les services de renseignement français, lors des manifestations des « gilets jaunes ». Il est possible de juguler les violences commises par un nombre si restreint de personnes, à condition d’avoir la volonté de le faire !

Afin de réunir les conditions de la paix sociale, il faut qu’un équilibre soit trouvé entre le nécessaire maintien de l’ordre public et la garantie des libertés fondamentales et constitutionnelles.

En l’état, nous sommes au regret de constater que le texte proposé n’assure pas une telle pondération et mise plutôt sur une répression disproportionnée.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

J’avancerai un autre argument. Nous sommes entrés dans une époque où les extrémismes sont à l’offensive au niveau européen, voire mondial. Il convient donc de nous adapter.

De quels extrémismes parlons-nous ? Des nationalismes, des populismes, de Viktor Orban, de la coalition de droite et d’extrême droite au pouvoir en Autriche, de la montée des extrêmes, non seulement dans la rue, mais aussi dans les urnes. Nous redoutons que cela n’arrive en France, dans la mesure où un courant de ce type, qu’il faut combattre impitoyablement, y est fortement présent, y compris dans le cadre du mouvement des « gilets jaunes ».

Pourquoi tremblons-nous ? Parce que la possibilité de leur arrivée au pouvoir n’est plus une perspective lointaine. Ils ont en effet pris le pouvoir dans un certain nombre de pays, y compris en Italie. S’ils arrivent au pouvoir en France, que feront-ils de nos lois et des moyens que l’État leur donne ?

C’est la raison pour laquelle la défense de notre état de droit et des libertés, que nous avons acquises, de manifester, de contester, de critiquer, de nous organiser sont fondamentales. En effet, ce seront nos armes pour nous défendre si des antirépublicains prenaient le pouvoir.

J’inverse donc votre raisonnement, chez collègues : c’est parce que nous sommes dans cette situation que nous devons faire beaucoup plus attention qu’avant à la garantie de nos libertés.

L’histoire nous le montre, les extrémistes mettent le désordre dans le pays, avant de prétendre incarner l’ordre. Aujourd’hui, ils font pression sur les démocrates pour augmenter l’arsenal répressif qu’ils utiliseront demain contre les démocrates. Je vous le prédis, telle est la situation qui nous attend si nous ne défendons pas nos libertés fondamentales, lesquelles sont notre arme contre les extrémistes, les violents, les racistes et les antisémites.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Chers collègues, vous nous préparez une petite France !

En effet, la France est grande quand elle est ferme sur ses principes. Ce que vient de dire M. Assouline est particulièrement important. On doit toujours avoir, s’agissant des droits et des libertés, la mémoire de l’histoire. Le pire n’est jamais totalement conjuré. Des courants totalitaires peuvent prendre le pouvoir et détourner les lois votées de l’esprit républicain de préservation des droits individuels et collectifs.

Vous le savez bien, les fichages, les privations de liberté, l’affaiblissement du juge par rapport à l’administration sont des mesures qu’il faut prendre avec les plus grandes précautions. En l’occurrence, il s’agit de simples manifestations et non pas de terrorisme.

Mme Benbassa l’a dit, il y a des casseurs, mais le phénomène n’est pas récent. Regardez les documents de l’INA ! Que les manifestations aient été paysannes, provinciales, parisiennes ou estudiantines, elles ont toujours donné lieu à des débordements. De tout temps, certaines minorités ont profité de ces occasions pour déstabiliser la situation.

Aujourd’hui, quel aveu de notre impuissance ! Nos amis européens, notamment allemands, n’ont-ils pas trouvé d’autres méthodes pour lutter contre les Black Blocs ? La France des droits de l’homme, incapable de trouver une réponse technique policière, serait contrainte de remettre en cause les droits des citoyens ? Quelle belle image donnez-vous de la France ! N’êtes-vous pas frappés par le fait que l’on met en cause notre pays à l’ONU ?

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Ce n’est pas vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mme Marie-Noëlle Lienemann. N’êtes-vous pas frappés par le fait que les instances européennes mettent en cause notre pays, non pas parce qu’il ne transposerait pas une directive, mais parce qu’il ne respecte pas les droits de l’homme ?

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous affaiblissez la France, en donnant une mauvaise image de notre pays au monde et à notre jeunesse.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 26, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Prunaud

Il y aurait donc une seule manière de rendre effective l’interdiction de manifester : l’instauration d’un pointage au commissariat tout au long des manifestations visées. À cet égard, on peut s’interroger sur le respect des libertés individuelles fondamentales garanties par notre constitution, notamment celle de circuler librement.

C’est d’autant plus vrai que, en parlant de manifestations sur la voie publique, vous englobez un ensemble de rassemblements, allant des manifestations revendicatives aux festivals, en passant par les rencontres sportives.

Par ailleurs, nous continuons de nous interroger sur la vocation d’un tel article, notamment sur son caractère d’affichage. Ce sentiment est d’ailleurs renforcé par l’existence de l’article 6 bis, qui se juxtapose peu ou prou à l’article 6.

Tant que l’on s’enferme dans ces dispositions plus ou moins techniques, l’on évite de parler de certains sujets, notamment de celui des forces de l’ordre. Au gré des troubles dans les manifestations, la majorité gouvernementale et la majorité sénatoriale ont tenté de rendre responsables les structures organisatrices des missions de police et de maintien de l’ordre.

On voudrait donc que les syndicats et les structures organisatrices maintiennent l’ordre ou se substituent à l’État pour ce qui concerne l’une de ses missions régaliennes, même aux yeux des libéraux… Enfin, l’équilibre entre ordre public et garantie des libertés constitutionnelles n’est pas assuré. Le champ d’application extrêmement large de cette disposition n’est pas pour nous rassurer, vous l’aurez compris.

Comment expliquerez-vous qu’une sanction identique soit prévue pour des faits aussi différents que se couvrir le visage, avec, comme l’a dit mon camarade et collègue Pierre Ouzoulias, des lunettes de piscine et un peu de sérum physiologique, et détruire des biens publics ?

Nous pensons que le droit existant suffit largement. Je pense notamment à la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, que je soutiens et qui fait référence au port de cagoules, de masques et du voile intégral.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La commission souhaite conserver l’article 6 de la proposition de loi, qui donnera à l’autorité judiciaire de nouveaux moyens d’action pour lutter contre le phénomène des « casseurs », d’abord avec l’extension du champ d’application de la peine complémentaire d’interdiction de manifester, ensuite avec la possibilité d’avoir recours aux procédures rapides – je pense notamment à la comparution immédiate – pour les délits liés aux attroupements.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Même avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Je souhaite répondre très brièvement à M. Bizet.

La plus grosse manifestation depuis 1968 a eu lieu à Rennes, en 1994. Ce fut un moment terrible, quand 5 000 marins pêcheurs ont dévasté le centre-ville de Rennes. Les documents de l’époque évoquent une véritable guerre civile. Les victimes se comptaient par dizaines. La manifestation a fini, vous le savez, par l’incendie du Parlement de Bretagne. Au même moment, 1 000 pêcheurs saccageaient, à Rungis, le pavillon de la marée.

Par ailleurs, ce soir, le Parlement britannique n’a pas voté en faveur du traité que l’Europe lui propose. Or, malheureusement, s’il n’y a pas de traité, les premières victimes du no deal seront les marins pêcheurs de la flotte française. Je souhaite très sincèrement que vous n’ayez pas à leur opposer l’article 6 de ce texte, lorsqu’ils seront en désespérance et nous demanderont de les sauver.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 18 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère et Costes, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand, Collin, Gold et Gabouty, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

de trois ans

par les mots :

d’un an

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Le présent amendement vise à réduire à un an la durée de l’interdiction de manifester susceptible d’être prononcée par un juge comme peine complémentaire, celle-ci étant fixée à trois ans dans la rédaction actuelle.

Il s’agit de s’assurer que, à l’avenir, cette disposition ne puisse être dévoyée, pour fragiliser des mouvements sociaux ou d’opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Cet amendement vise à ramener de trois ans à un an la durée maximale de la peine d’interdiction de manifester, laquelle, je le rappelle, est une peine complémentaire qui peut être prononcée par un tribunal.

Notre objectif, par ce texte, est de donner aux autorités administratives et judiciaires, de nouveaux moyens d’action, et non pas d’affaiblir les outils à leur disposition.

La peine d’interdiction de manifester vient sanctionner des comportements délictueux, des violences ou des destructions sur la voie publique. Elle ne saurait donc en aucun cas être utilisée pour réprimer un mouvement social.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Même avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 6 est adopté.

(Non modifié)

Après le 3° de l’article 138 du code de procédure pénale, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :

« 3° bis Ne pas participer à des manifestations sur la voie publique dans des lieux déterminés par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention ; ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 15 est présenté par MM. Durain, Kanner, Sueur, J. Bigot et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 27 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 15.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

L’article 6 bis vise à compléter la liste des obligations et interdictions auxquelles une personne peut être astreinte dans le cadre d’un contrôle judiciaire, en ajoutant l’interdiction de manifester sur la voie publique dans certains lieux déterminés par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention.

Or, dans le droit en vigueur, le contrôle judiciaire peut d’ores et déjà comporter l’interdiction, pour la personne mise en cause, de se rendre dans certains lieux. Cette disposition est donc, selon nous, superflue.

En outre, l’article 6 bis de la proposition de loi permet au juge d’interdire de manifestation une personne mise en examen et placée sous contrôle judiciaire, sans préciser que la mise en examen est due à des violences, notamment commises au cours d’une manifestation.

Enfin, l’Assemblée nationale n’ayant pas ajouté à l’article 141-4 du code de procédure pénale la nouvelle interdiction de manifester dans des lieux déterminés, une interpellation pour sa violation ne pourra donc pas intervenir. Or c’est sur le fondement de cet article que les services de police ou de gendarmerie peuvent placer en rétention judiciaire une personne soupçonnée d’avoir violé ses obligations, pour une durée maximale de vingt-quatre heures, afin de l’entendre sur le non-respect de ses obligations.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous estimons que cette disposition est inutile et imprécise sur la forme et inaboutie sur le plan opérationnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 27.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Vous le savez, nous nous opposons à une peine complémentaire d’interdiction de manifester.

Par ailleurs, nous ne pouvons que constater que l’article 6 bis est largement satisfait par l’article 6. En effet, à partir du moment où une peine complémentaire d’interdiction de manifester est prononcée, il n’y a pas grand sens à inscrire cette mesure dans le cadre du contrôle judiciaire.

Enfin, la définition extrêmement large des manifestations sur la voie publique laisse à penser que cette mesure contrevient au principe de proportionnalité de la peine et aux libertés fondamentales.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 15 tend à supprimer l’article 6 bis introduit par l’Assemblée nationale, qui tend à autoriser le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention à prévoir une interdiction de manifester dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

Sur le fond, cette mesure nous paraît opportune, car elle permettra de réduire rapidement le risque de réitération lorsqu’un individu est mis en cause pour des violences ou des dégradations dans une manifestation. Pour la personne placée sous contrôle judiciaire, cette interdiction sera moins contraignante que l’actuelle interdiction de se rendre dans certains lieux, puisqu’elle visera seulement le fait de manifester. La mesure adoptée par l’Assemblée nationale ne nous paraît donc pas redondante avec le droit en vigueur.

Sur la forme, on peut regretter effectivement qu’une coordination n’ait pas été faite pour autoriser l’interpellation de la personne qui violerait cette interdiction de manifester. Cependant, nous ne pensons pas que cette imperfection, sur un point assez secondaire du texte, justifie de prolonger la navette parlementaire.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

S’agissant de l’amendement n° 27, contrairement à ce que vous laissez entendre, madame Assassi, l’article 6 bis n’est pas satisfait par les dispositions de l’article 6. En effet, ce dernier porte sur la peine complémentaire d’interdiction de manifester, qui peut être prononcée par le tribunal. En revanche, la mesure visée à l’article 6 bis intervient au stade du contrôle judiciaire : il s’agit d’une mesure de sûreté prononcée avant jugement.

La commission est donc également défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Même avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Je voudrais savoir, monsieur le ministre, si vous vous adresserez au Sénat d’ici à la fin de la soirée.

Prendrez-vous part au débat ou vous contenterez-vous de déléguer votre avis à Mme la rapporteure ? À un moment donné, il faut assumer sa politique ! Allez-vous défendre votre point de vue ? Allez-vous déléguer ou assumer votre politique ?

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Vous nous avez manqué tout à l’heure !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Je sais bien que votre parcours politique est quelque peu « caméléon »…

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

M. François Grosdidier. C’est le poisson rouge !

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Toutefois, avez-vous l’intention d’assumer vos positions ?

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

C’est une attaque personnelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Je le répète, allez-vous vous exprimer ce soir ?

Ah ! sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Si M. Savoldelli avait participé à la totalité de nos travaux et était venu cette après-midi, peut-être aurait-il eu le plaisir de m’entendre. Il a fait un choix différent, que je respecte parfaitement.

Monsieur le sénateur, je vous invite a minima, au-delà des désaccords qui peuvent nous opposer, à respecter la personne que je suis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mon intervention relèvera non pas d’une mise en cause personnelle, mais d’une appréciation du débat.

Il est assez surprenant que, sur un texte issu de la droite sénatoriale – il faut rendre à César ce qui appartient à César –, alors que M. Nunez a remarqué à plusieurs reprises que des dispositions de cette loi remettaient en cause les libertés fondamentales – allez vérifier dans le compte rendu intégral des débats ! –, le Gouvernement n’ait rien à dire, sinon son accord avec la droite sénatoriale, sans justifier ni corriger sa position, sans expliquer le cheminement intellectuel lui ayant permis de transformer ce qui était injuste hier en ce qui est juste aujourd’hui.

Je me permettrai d’avancer une explication. Vous avez conscience de la fragilité du dispositif. Dans la mesure où le chef de l’État a saisi le Conseil constitutionnel, nous marchons sur des œufs. Ainsi, tout propos non millimétré du ministre de l’intérieur pourrait fragiliser la position du Gouvernement qui sera examinée par le Conseil constitutionnel.

Vous avez donc décidé de ne rien dire, si ce n’est dans votre intervention liminaire, de peur de déstabiliser la situation. Je me trompe peut-être, mais je m’efforce d’interpréter votre silence.

Quoi qu’il en soit, c’est le signe que, depuis le début, vous avez chevauché ce texte pour des raisons de circonstance. Lors de la première manifestation des « gilets jaunes » en novembre, il y a eu un dérapage, vous n’avez pas maîtrisé la situation. Nous avons tous eu peur, car les manifestants n’étaient pas loin de l’Élysée.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous réagissez de façon non maîtrisée à une situation qui vous a échappé. Ce texte relève de cette absence de maîtrise.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Monsieur Assouline, vous présidiez la séance lorsque je me suis expliqué longuement, et pas seulement dans le cadre de mon intervention liminaire.

À la reprise de la séance à vingt et une heures trente, je me suis exprimé sur l’article 2, qu’il me semblait nécessaire de caractériser pour répondre à l’ensemble des éléments avancés.

Je veux préciser la position du Gouvernement, qui avait été portée par M. Nunez ici présent. C’était un avis de sagesse sur le vote et un rendez-vous. Cela se passait, monsieur le sénateur, bien avant le mouvement des « gilets jaunes ». Nous étions dans un autre contexte.

M. Nunez avait fixé un rendez-vous à la représentation nationale le 15 janvier suivant. Il avait indiqué que, sur un certain nombre de sujets, un groupe de travail interne aux deux ministères, celui de la justice et celui de l’intérieur, devait avancer. Nous avons été au rendez-vous le 15 janvier 2019. Nous avions suffisamment œuvré pour pouvoir nous prononcer sur le sujet. Nous avons éclairé les travaux, en prenant position, notamment devant la commission.

Ensuite, monsieur le sénateur, vous avez indiqué que je m’alignais sur la droite sénatoriale. Pardonnez-moi, mais je pensais m’aligner sur la commission des lois qui a travaillé sur ce sujet. D’ailleurs, cela ne me gêne pas, non seulement de m’aligner sur le travail de la commission, mais aussi de penser qu’un texte, parce qu’il est porté par quelqu’un qui ne partage pas ma couleur politique, n’est pas, par nature, mauvais.

Comme vous, j’ai vécu suffisamment longtemps au parti socialiste pour avoir, très souvent, le sentiment d’être l’otage d’un certain nombre de conditions. Ainsi ne nous posions-nous qu’une seule question face à un interlocuteur : est-il de droite ou de gauche ?

Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

La réponse a systématiquement conditionné de très nombreux votes auxquels j’ai participé.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Aujourd’hui, monsieur le sénateur, j’ai la liberté de me poser une seule question : le texte présenté par M. Retailleau, adopté en première lecture par le Sénat, permet-il d’améliorer la situation, grâce à une meilleure gestion des crises et des comportements de grande violence ? J’ai le sentiment, que l’on peut ne pas partager, que la réponse est oui. C’est la raison pour laquelle je suis venu en début d’après-midi vous présenter la position du Gouvernement. C’est également la raison pour laquelle je suis intervenu plusieurs fois pour la préciser.

Si vous le souhaitez, je peux parfaitement répéter mes propos, comme je l’ai fait à la reprise de la séance, à un moment où, certes, il y avait un peu moins de monde dans l’hémicycle, me semble-t-il.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Je vous remercie, monsieur le ministre, de sortir de votre mutisme. Permettez-moi de vous rappeler les propos de M. Retailleau, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

… qui achevait son intervention liminaire en affirmant que le Gouvernement avait une pensée complexe. Elle est d’ailleurs tellement complexe que je suis perdu et ne sais plus qui est l’auteur de la proposition de loi que nous examinons ce soir…

Je regarde fidèlement Public Sénat, qui est une excellente chaîne, parfaitement rigoureuse, et sur laquelle, monsieur Retailleau, vous êtes intervenu juste après le vote de votre proposition de loi à l’Assemblée nationale. Je vous cite : « L’Assemblée nationale a totalement dénaturé, dévitalisé le texte de la loi. Autant ne pas en faire que de faire une loi qui ne servirait à rien du tout ! » Donc, si je comprends bien, monsieur le ministre, vous défendez ici une loi qui ne servira à rien du tout.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je ne résiste pas au plaisir de répondre !

Monsieur Ouzoulias, j’ai effectivement tenu de tels propos au moment où la commission des lois de l’Assemblée nationale avait totalement détricoté et profondément dénaturé le texte. J’avais alors exprimé un constat objectif. De la même manière, lorsque j’ai eu connaissance du vote intervenu à l’Assemblée nationale en séance publique, j’ai acté le fait qu’un certain nombre d’éléments que je désignais comme étant le cœur du sujet, notamment le délit de dissimulation et d’autres mécanismes de prévention, avaient été, heureusement, sauvegardés.

Chacun ici connaît mes convictions. Parmi vous, mes chers collègues, je ne suis pas le dernier à dénoncer, lorsque je ne suis pas d’accord, la politique du Gouvernement. Chacun peut s’en rendre compte, chacun peut m’en donner acte.

Cependant, je rejoins le ministre de l’intérieur pour dire que, lorsque nous sommes confrontés à des violences, lorsqu’il s’agit de quelque chose d’essentiel comme la République, les républicains doivent se serrer les coudes.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. En effet, les Black Blocs, ces minorités violentes, avaient, au mois de décembre dernier, des visées insurrectionnelles.

Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Parfois, la République peut être mise en danger, et c’est l’honneur des républicains et des élus de la République que de la défendre.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je mets aux voix les amendements identiques n° 15 et 27.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 28, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – L’article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Après le mot : « public », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « elle saisit le juge des libertés qui peut prononcer son interdiction. Cette saisine s’effectue soit au maximum trois jours francs avant le début de la manifestation concernée lorsque celle-ci a été déclarée plus de quatre jours francs avant sa date de tenue, soit au maximum deux jours francs lorsque celle-ci a été déclarée trois jours francs avant sa date de tenue. En cas d’urgence absolue et d’élément nouveau établissant un risque réel et sérieux de troubles graves à l’ordre public, l’autorité investie du pouvoir de police peut toutefois saisir le juge des libertés et de la détention qui a obligation de statuer avant le début de la manifestation concernée. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a)À la première phrase, les mots : «, dans les vingt-quatre heures, » sont remplacés par le mot : « immédiatement » ;

b) À la seconde phrase, après le mot : « échéant, », sont insérés les mots : « dans les vingt-quatre heures suivant la réception de la déclaration de manifestation concernée, ».

II. – Le premier alinéa de l’article L. 332-16-1 du code du sport est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’arrêté est prononcé au plus tard cinq jours francs avant la date prévue du déplacement individuel ou collectif et est notifié immédiatement aux personnes physiques mentionnées aux articles L. 224-1 et L. 224-3. »

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Cet amendement vise à la fois à renforcer la liberté de manifestation, qui est l’objet de ce texte, si j’ai bien compris, et de consolider les impératifs de sécurité publique, ce qui est l’autre objet de ce texte, si j’ai toujours bien compris.

Aujourd’hui, deux problèmes se posent. Le premier, vous l’avez signalé, monsieur le ministre, concerne la liberté de manifestation, qui est une valeur constitutionnelle. Nous regrettons que l’interdiction de manifester puisse être décidée par une seule personne, à savoir le préfet. Il nous semble important que la justice puisse aussi donner son avis et s’exprimer sur les éventuels recours qui seraient opposés à la décision du préfet.

Le second problème est lié aux recours, dans la mesure où il n’est prévu aucune restriction temporelle à la déclaration d’interdiction. De ce fait, malgré la possibilité d’un référé-suspension, les organisateurs des manifestations ou des déplacements collectifs, quand il s’agit de manifestations sportives, sont rarement en mesure d’exercer leurs droits.

Par ailleurs, nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises au cours de cette soirée, il convient d’engager une véritable réflexion sur les interdictions administratives de déplacements dans le cadre de manifestations sportives.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Cet amendement vise à confier au JLD, le juge des libertés et de la détention, le pouvoir d’interdire une manifestation. Ce pouvoir appartient aujourd’hui à l’autorité administrative, c’est-à-dire au préfet, sous le contrôle du juge administratif.

Une manifestation ne peut être interdite que si le maintien de l’ordre est absolument impossible. Il s’agit donc d’une mesure prise en dernier ressort et, dans les faits, très rarement décidée. Confier cette compétence au JLD porterait atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et entraînerait une regrettable confusion. Un juge des libertés et de la détention est mal placé pour apprécier si les moyens dont dispose la préfecture sont suffisants pour garantir, ou non, le maintien de l’ordre.

Il nous paraît donc préférable de conserver l’organisation actuelle, ce qui a conduit notre commission à émettre un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Je suis du même avis.

Le Sénat est très attaché à la responsabilité des maires, et j’ai moi-même été maire pendant seize ans. Aussi, j’ajoute que l’adoption de cet amendement priverait les maires d’une compétence, en supprimant le pouvoir dont ils disposent, au titre de l’article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, d’interdire des manifestations.

Il eût été malvenu que, devant cette assemblée, je ne m’exprime pas pour défendre le pouvoir des maires…

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 6 bis est adopté.

(Non modifié)

Après le premier alinéa de l’article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’État peut également exercer une action récursoire contre les auteurs du fait dommageable, dans les conditions prévues au chapitre Ier du sous-titre II du titre III du livre III du code civil. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. François Grosdidier, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me suis brièvement absenté, pendant l’interruption de séance, pour me rendre au Trocadéro, aux côtés des policiers en colère, qui organisaient une manifestation quatre mois jour pour jour après le décès de Maggy Biskupski. Cette dernière fut présidente de l’association « Mobilisation des policiers en colère ».

Ils regrettent que leur cause ait peu avancé depuis qu’ils la défendent et que les propositions de la commission d’enquête sénatoriale sur l’état des forces de sécurité intérieure aient été si peu suivies.

Ils s’interrogent d’ailleurs sur la commission d’enquête similaire créée à l’Assemblée nationale, se demandant si sa vocation ne serait pas plutôt d’éviter d’enquêter – une commission d’enquête de ce genre a été inventée sur un autre dossier… – ou si elle n’est qu’un prétexte pour gagner six mois ou un an avant de mettre en œuvre les mesures que les policiers appellent de leurs vœux.

Ils sont évidemment de tout cœur avec nous ; ils m’ont répété combien il était important que la République se dote d’un arsenal juridique nouveau et adapté, pour faire face à ces menaces récurrentes et à ces actes de violence dont ils font systématiquement l’objet, à chaque manifestation.

Nous avons adopté des mesures pour une meilleure prévention, pour empêcher les casseurs récurrents de participer aux manifestations et pour mieux les sanctionner. Il s’agit maintenant de traiter la question de la responsabilité.

En cette matière comme en d’autres, frapper au portefeuille est très souvent le moyen le plus efficace d’endiguer la délinquance. On a bien vu que, dans ces manifestations, l’irresponsabilité régnait : l’irresponsabilité, en particulier, de ceux qui, sans être organisateurs à proprement parler, lançaient les mots d’ordre de mobilisation. Et, très souvent, les dégradations commises – les montants en jeu étaient pourtant considérables – l’ont été sans que personne ne voie sa responsabilité civile engagée.

C’est là justement un point très important de la proposition de loi déposée par Bruno Retailleau : la possibilité d’engager la responsabilité civile des casseurs.

Même si cela choque certains à gauche, droite et gauche se retrouvent souvent sur les idées de liberté, d’égalité et de responsabilité. Parmi ces notions, néanmoins, l’une est en quelque sorte la marque de fabrique de la droite : la responsabilité. Nous pensons en effet que les individus sont responsables de leurs actes – les individus en général, et pas seulement les délinquants : je rappelle que c’est sur l’initiative du président Retailleau que nous avons inscrit dans le code civil la responsabilité écologique et le principe du pollueur-payeur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

M. François Grosdidier. Il est donc temps d’instituer le principe de la responsabilité du casseur-payeur !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Quelque chose a été dit que l’on ne peut laisser sans réponse : M. Retailleau, et aussi, d’une certaine façon, M. le ministre, nous a dit que ce débat avait lieu entre les républicains et les autres.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Je n’ai pas dit ça, moi !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Si, c’est à peu près ce que vous avez dit.

Il est normal, monsieur le ministre, que vous puissiez soutenir une proposition républicaine émanant de la droite. Et M. Retailleau a usé des mêmes arguments que vous pour défendre la République.

Je veux dire d’emblée qu’il n’y a sur ce point aucun débat entre nous dans cet hémicycle. Certains, dehors, sont contre la République. Il s’en trouve même ici, dans notre assemblée, mais ils ne siègent que rarement, en tout cas jamais tard dans la nuit… Mais nous, ici, sommes tous républicains. Et notre débat porte sur les meilleurs moyens de défendre la République.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

J’ai dit quel était mon point de vue : le meilleur moyen pour défendre la République et la démocratie, dans cette situation, est de renforcer notre arsenal de libertés publiques et de libertés individuelles, plutôt que de l’affaiblir. C’est cet arsenal, en effet, que les casseurs testent, comme le font les terroristes : ils cherchent à alimenter le cycle provocation-répression et à provoquer les dérapages. Leur but est que nous abandonnions nos principes et nos lois démocratiques.

C’est là mon point de vue ; je ne conteste pas que des républicains puissent en avoir un autre. Voilà pour le débat qui a lieu dans cet hémicycle.

Monsieur le ministre, sur ADP et la privatisation des aéroports, je n’ai aucun problème à être du même avis que la droite républicaine contre votre projet de loi. Je ne saurais donc vous reprocher, sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui, de rejoindre ladite droite.

Je dis simplement que, de fait, vous avez commencé par contester cette proposition de loi venue de la droite.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Et je n’ai pas compris le cheminement intellectuel qui vous a conduit à la reprendre, si ce n’est que la conjoncture vous y enjoignait. Loi de circonstance, donc : c’est cette critique que j’ai développée. Tel est mon point de vue, mon analyse, sur ce qui s’est passé. Et je vous demandais de dire davantage, à titre d’explication, qu’un simple « d’accord avec la commission », afin que nous comprenions votre cheminement intellectuel et les raisons de votre revirement.

Je souhaitais simplement remettre les idées en ordre s’agissant du débat qui opposerait les défenseurs de la République à ses contempteurs. Il est légitime d’évoquer ce débat. Mais, me semble-t-il, le chemin que vous empruntez aujourd’hui n’est pas le bon pour défendre la République et la démocratie. Nous en reparlerons demain : ce combat n’est pas derrière nous ; il est devant nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 30, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

C’est une citoyenne responsable qui propose en cet instant la suppression de cet article 7.

Si la jurisprudence a reconnu dès 1975 le principe de la responsabilité in solidum en dehors de la responsabilité collective conventionnelle ou contractuelle, ce principe doit être manié avec une extrême prudence. En effet, l’exigence de « faute collective » et de participation à cette dernière est difficilement lisible et contrevient dans de nombreux cas aux articles 1240 et 1241 du code civil. Le principe de la faute collective constitue une exception à la règle de responsabilité individuelle instituée par ces deux articles.

Or le présent article prévoit de renvoyer la prise de décision en matière d’action récursoire à l’État, et non à la justice. Il supprime en effet l’un des garde-fous aujourd’hui applicables, celui d’une responsabilité collective déterminée par le juge, qui procède à une mise en responsabilité via une condamnation pénale.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Madame Assassi, votre amendement vise à supprimer l’article 7, au motif que celui-ci établirait une présomption de responsabilité civile collective.

J’aimerais attirer votre attention, et celle de l’ensemble de nos collègues, sur le fait que les travaux de notre commission ont fait disparaître du texte toute référence à une notion de responsabilité collective, …

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

… afin de garantir sa conformité avec nos règles constitutionnelles et avec les grands principes de la responsabilité civile.

Ainsi, une action récursoire ne pourra être engagée contre les manifestants à l’origine des dommages qu’en présence d’un fait générateur de responsabilité, d’un préjudice réparable et d’un lien de causalité entre le fait et ce préjudice.

La commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Nous pourrions être parfaitement d’accord, madame Assassi, si ce que vous indiquez correspondait à la réalité du texte ; or tel n’est pas le cas.

Il ne faut pas confondre faute collective et responsabilité solidaire. Cette proposition de loi ne caractérise aucune faute collective, ni même n’engage cette notion. Elle fait en revanche référence au principe de la responsabilité solidaire.

Il ne s’agit donc nullement ici, comme vous le dites, de la mise en œuvre d’un principe de faute collective, mais plutôt de la traduction d’un principe en vertu duquel tout fait dommageable engage la responsabilité de celui qui en est l’auteur et, en cas de pluralité d’auteurs, leur responsabilité solidaire.

L’article 7 ne porte que sur ce volet-là. Il est important de préciser que cela impliquera, dans tous les cas, que la responsabilité de l’auteur ou des auteurs soit identifiée par une condamnation pénale préalable et par d’autres moyens de preuve permettant de démontrer leur implication personnelle dans ces dommages. Il n’existe, en la matière, aucun risque d’arbitraire, les intéressés pouvant toujours contester leur mise en cause.

Voilà ce que dit le texte : il s’agit du principe du casseur-payeur, et seulement de celui-ci. La dimension collective ne porte en réalité que sur cette définition de responsabilité solidaire dans l’hypothèse où il existe une pluralité de responsables et où il est établi que chacun d’entre eux a contribué au fait sur lequel sa responsabilité est engagée.

A contrario, évidemment, j’aurais rejoint votre position, madame la sénatrice, si la notion de faute collective avait été en jeu dans ce texte.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 7 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Chapitre IV

Application outre-mer

Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

M. Jérôme Durain. Voici venue l’heure où l’on se répète, monsieur le président, mais je pense que ce n’est pas inutile sur un texte de cette importance.

Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Je veux redire – nous avons eu l’occasion de le répéter tout au long du débat – qu’il n’y a dans notre position sur ce texte aucun angélisme. Nous n’avons aucune complaisance à l’égard des casseurs et des violences.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Nous avons la ferme conviction qu’il faut soutenir nos forces de l’ordre. Nous ne sommes pas indifférents aux dégâts qui ont été causés. Mais nous ne sommes pas d’accord sur le résultat de ce travail législatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

En somme, vous êtes pour et en même temps vous êtes contre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Nous persistons à penser que ce texte est inutile, imprécis et dangereux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Je pense d’ailleurs que dramatiser la situation ne rend service à personne. Dire que nous sommes arrivés à un point, dans l’histoire de ce pays, d’insurrection maximale, et qu’il n’y a jamais eu auparavant de violences de ce niveau-là, c’est dire quelque chose d’inexact – de nombreux exemples ont été donnés tout au long du débat. Dire, en revanche, que la violence que nous connaissons est insupportable et qu’elle doit être condamnée avec la plus grande sévérité, c’est dire quelque chose de juste.

Vous entendre dire, monsieur le ministre – c’est ce que vous avez affirmé quand vous êtes sorti de votre mutisme –, que tous ceux qui sont pour ce texte agissent dans la pureté de leurs convictions, loin des calculs politiques et dans le refus du sectarisme, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

… nous laisse quelque peu pantois.

Ce qui nous détermine, moi et mes collègues du groupe socialiste et républicain, ce sont par exemple les propos tenus ce matin par Jacques Toubon, qui parle d’un affaissement des libertés individuelles dans ce pays. Et, puisque vous prétendez que nous ne sommes mus que par des calculs politiciens, je citerai également MM. Mignard et Sureau, qui sont plutôt des soutiens du Gouvernement, M. Charles de Courson, ou encore l’ensemble des collègues des groupes de notre assemblée qui, dans ce débat, sur ce texte, sont partagés. Il n’y a donc pas la vérité et la République, d’un côté, et ceux qui sont dans l’erreur, de l’autre.

Nous pensons – je le répète – que ce texte est une entrave aux libertés de manifestation, d’expression, d’aller et venir, qu’il contient trop d’imprécisions, d’approximations, d’éléments flous, et qu’il n’exclut pas le risque d’arbitraire.

C’est pourquoi notre groupe déposera dès demain matin un recours devant le Conseil constitutionnel.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

M. Jérôme Durain. Nous nous en remettons aux Sages et nous espérons qu’ils trancheront.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous avons bien compris que la majorité sénatoriale voulait voter ce texte conforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous n’avions rien caché de nos intentions !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Certes, monsieur le président de la commission, mais vous appuyez tout de même sur l’accélérateur.

Quant à vous, monsieur le ministre, permettez-moi de regretter que vous n’ayez pas eu la courtoisie de répondre aux intervenants des groupes à l’issue de la discussion générale, et je ne parle même pas de vos interventions au fil de la discussion des articles et du débat d’amendements.

Bien sûr, il n’y a là aucune obligation.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Ce n’est pas dans l’usage !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ce n’est pas dans notre règlement, et encore moins dans la loi. C’est une question de courtoisie, monsieur le ministre, tout simplement.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Ce n’est pas dans vos usages. Sinon, je l’aurais fait volontiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je ne pense pas que l’on puisse me faire l’offense de dire que je ne siège pas suffisamment sur ces travées. Je suis présente, y compris pour des textes qui ne relèvent pas forcément de la compétence de la commission des lois ou de celle de l’aménagement du territoire.

Il est très rare qu’un ministre ne réponde pas aux intervenants des groupes à l’issue d’une discussion générale ; c’est pourquoi je le note.

Marques de lassitude sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Il n’y a aucune volonté de polémique dans cette remarque : c’est un fait. Chers collègues, que vous soyez d’accord ou non n’y change rien.

Sur le fond, loin de la rhétorique, les opposants à ce texte, au nombre desquels figurent les membres de mon groupe, ont porté non seulement leurs convictions, mais aussi la voix de celles et ceux, nombreux aujourd’hui dans le pays, qui pensent que ce texte ne répond en rien aux violences commises par des individus dans les manifestations.

En revanche, monsieur le ministre, ce texte va dissuader d’éventuels manifestants pacifiques de répondre à un appel à manifester.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Ce n’est pas ce que je pense.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

C’est la violence qui dissuade les manifestants, pas ce texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Que vous le vouliez ou non, avec ce texte, vous portez un nouvel uppercut au droit de manifester dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Si, c’est vrai ! Quand vous aurez l’expérience des manifestations dont nous pouvons nous prévaloir, mes camarades et moi, nous en reparlerons.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

En effet, je ne vous ai pas souvent vu, monsieur le ministre, dans les manifestations !

Je dirai un mot sur la saisine du Conseil constitutionnel par le Président de la République. Pour ma part, je ne considère pas qu’il y a là un manque de correction à l’égard du Parlement et en particulier du Sénat : c’est un acte politique fort.

Toutefois, comme le précise aujourd’hui Olivier Duhamel dans un quotidien du soir, comme on dit, le Président de la République retire de cette saisine un avantage politique et surtout juridique. En effet, quelle que soit la décision du Conseil constitutionnel, la loi s’appliquera sans avoir à affronter le risque d’une QPC, une question prioritaire de constitutionnalité. Voilà où nous en sommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je vous remercie de bien vouloir conclure, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. Je conclus en répondant à M. Retailleau. Cher collègue, avec toute l’estime que j’ai pour vous

Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. … la République n’est pas la propriété de quelques-uns ! Nous sommes toutes et tous, ici, des républicains. Par-delà nos désaccords, créons les conditions de la préservation et de la protection de cette République.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Vous avez largement dépassé votre temps de parole, madame Assassi…

La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Ce texte, qui arrive au terme de son parcours législatif, me paraît une réponse graduée et ciblée à un mode d’action violente qui n’est pas tout à fait nouveau – il a une quinzaine d’années –, réponse analogue à celle par laquelle nous avions su, il y a quelques années, endiguer le mouvement des hooligans. Il ne s’agit donc pas d’une loi de circonstance, à moins de considérer qu’une circonstance peut durer.

Au contraire, cette proposition de loi protège et garantit le droit de manifestation. Elle donne les moyens juridiques de distinguer objectivement le manifestant du casseur et de traiter cette dérive fâcheuse que constituent les casseurs professionnels, dont la raison d’être – je le rappelle – est de détruire tout ce qui s’apparente aux symboles du pouvoir et de l’État et de s’en prendre aux forces de l’ordre comme une cible en soi, avec, parfois, la volonté de tuer.

La responsabilité du Sénat, après qu’il s’est assuré que les principes fondamentaux inhérents au droit de manifester sont bien garantis, est de défendre nos concitoyens contre ceux qui prônent et usent d’une violence froide contre l’État, dévoyant ainsi ledit droit, élémentaire, de manifester.

J’ai eu plaisir à entendre l’acte de contrition de M. Castaner sur sa trajectoire politique personnelle et à constater que, finalement, on peut toujours changer.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Christophe Castaner

Vous êtes le bienvenu, monsieur le sénateur !

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Néanmoins, l’examen de ce texte fut surtout l’occasion pour moi de mesurer combien le réel peut se fracasser contre le mur de l’idéologie.

Notre pays, même et surtout après la discussion de cette proposition de loi, demeure l’un des États de droit les plus aboutis s’agissant du respect des droits de manifester et de contester : le pays où les forces de l’ordre sont les plus professionnalisées, où la doctrine d’emploi de la force légitime est la plus soucieuse de préserver l’intégrité humaine et les droits individuels.

Or, malgré toutes les précautions que nous avons prises en donnant différentes garanties, je n’ai entendu de l’autre côté de l’hémicycle – c’est ce qui m’a le plus surpris ce soir – que des fantasmagories, des lubies, qui sont sans doute le produit d’une gauche des années 1970 ou 1980 un peu nostalgique, la logomachie habituelle d’une gauche perdue s’accrochant aux images d’Épinal.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Voilà le sentiment qui est le mien, ce soir, mes chers amis, à vous entendre parler de « frénésie sécuritaire » ou de « loi liberticide » et confondre des modes d’action catégoriels comme ceux des marins pêcheurs avec ceux auxquels nous devons faire face depuis une quinzaine d’années.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Les marins pêcheurs ont beaucoup cassé, eux aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Quant au thème de la criminalisation des manifestants, j’y ai vu une simple déclinaison de la même rhétorique.

Je pense au contraire que c’est l’esprit de responsabilité qui a prévalu. Il y va, mes chers collègues, de notre honneur et de notre responsabilité de législateurs que de voter tout ce qui peut contribuer à la défense du droit de manifester et à celle de nos concitoyens.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républic ains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

J’ai beaucoup de respect pour mes collègues communistes et socialistes ; je reconnais d’ailleurs, chez certains, l’accent de ceux qui ont vécu des manifestations et été sur des barricades. J’en conçois de l’estime pour eux.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Je suis historienne, et certains de vos collègues savent que j’ai même pétitionné pour que L ’ Humanité continue à exister. Vraiment, vous le voyez, je n’ironise nullement.

Toutefois, je ne comprends absolument pas votre obstruction et votre démagogie depuis le début de l’après-midi.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Roger Karoutchi l’a dit : nous sommes nostalgiques de l’époque où vos manifestations se passaient de façon pacifique ; elles sont désormais obstruées par les casseurs.

Il faut rappeler, tout de même, que Bruno Retailleau a déposé cette proposition de loi après le 1er mai, jour de la fête du travail ! Pour vous, ça veut dire quelque chose : c’est la fête du salarié. Mais les Black Blocs ont tout détérioré. Nous avons été la risée du monde entier ; mon fils et ses amis ont été terrorisés de voir l’image que nous pouvions montrer de nous-mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Je ne comprends donc pas pourquoi vous n’êtes pas de notre côté pour faire la part des Black Blocs, ces casseurs qui sont là pour semer le chaos, et de ceux qui veulent réellement exprimer quelque chose en manifestant. C’est un point pour moi très important !

Vous dites que les violences existaient auparavant. Mais, à l’ère du tout-image et des réseaux sociaux, la violence est décuplée ; elle devient un engrenage.

Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Vous affirmez que notre proposition de loi risque d’aggraver les exactions. Mais celles-ci sont perpétrées par des gens que l’on pourrait arrêter en amont, avant qu’ils ne gâchent les manifestations.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Mme Laure Darcos. Une autre chose me gêne : vous avez à peine eu un mot pour tous nos commerçants et artisans qui, pendant des mois, ont subi cette situation.

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je suis élu de Paris : comment les aurais-je ignorés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Lors de la discussion du projet de loi de finances, un vendredi soir, je me souviens avoir vu tout le quartier se barricader, comme en état de siège. Les gens en ont assez !

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Quand une manifestation est pacifique, les choses se passent très bien. Par ailleurs, toucher à un policier, à un pompier ou à un gendarme était considéré comme gravissime il y a encore quelques années ; aujourd’hui, c’est anodin.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Les policiers seraient bien plus sereins s’ils faisaient face non pas à des casseurs, mais à des manifestants pacifiques, exprimant simplement leurs revendications.

N’inversez pas les choses, mes chers collègues !

Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Avec tout mon respect, vous n’avez rien compris. Venez avec nous dans des manifestations pacifiques !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, vous vous en doutez : les arguments que nous avons entendus ce soir n’ont pas fait évoluer, au sein de notre groupe, les positions des uns et des autres. Certains d’entre nous restent déterminés à voter pour ce texte ou à s’abstenir. La majorité du groupe votera contre.

Aucun amendement n’a été adopté, ce qui coupe court à la navette. Il s’agit, à nos yeux, du fait le plus dommageable, et la rédaction retenue ne permet pas de rassurer la majorité d’entre nous quant à l’applicabilité du texte, quant à sa conformité à notre cadre constitutionnel.

Nos inquiétudes se concentrent toujours sur les articles 2 et 4, pour toutes les raisons que nous avons mentionnées. Nous nous en remettons donc aujourd’hui au Conseil constitutionnel : nous espérons qu’il purgera ce texte de toutes les inconstitutionnalités identifiées, notamment, par notre rapporteur, faute d’avoir pu parvenir à le faire nous-mêmes.

Pour ma part, je n’ai pas le sentiment que les sénateurs du RDSE sont moins républicains que les autres… À mon sens, ils l’ont démontré de manière indéniable : ils ont, chevillée au corps, la défense de la République et des libertés individuelles !

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Mme Maryse Carrère. Pour ces raisons, je le répète, une grande majorité d’entre nous voteront contre cette proposition de loi. Nous restons intimement persuadés qu’elle n’aura aucun effet face aux difficultés auxquelles nous sommes confrontés actuellement !

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – MM. Philippe Bonnecarrère et Loïc Hervé applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Mes chers collègues, le débat qui s’achève a été pluraliste, complet et détaillé ; et, bien que nous n’ayons pas adopté d’amendement, il a permis de clarifier un certain nombre de concepts.

Nous nous accordons tous sur ce point : le droit de manifester est, aujourd’hui, réellement menacé. La récurrence des violences organisées en est la preuve concrète, et elle impose de réagir.

Notre désaccord vient du fait que, pour bon nombre d’entre nous, la justice seule peut mettre fin à ces actes. Or l’expérience nous l’a démontré, en de multiples circonstances : parmi les auteurs de ces violences et de ces destructions, nombreux sont ceux qui parviennent à échapper à une enquête judiciaire complète et, partant, aux condamnations.

D’une part, nous avons légèrement élargi l’arsenal pénal : les dispositions adoptées sont tout à fait proportionnées et limitées. D’autre part, nous avons introduit des mesures de contrôle administratif. À cet égard, j’adresse un rappel à ceux d’entre nous qui s’intéressent à la jurisprudence du Conseil constitutionnel : l’ordre public est un impératif de valeur constitutionnelle. Ce principe est rappelé dans des dizaines de décisions du Conseil constitutionnel.

Dès lors, nous devons veiller à maintenir un équilibre, qui est le fruit de la tradition juridique française : l’ordre public et la sécurité sont assurés par des décisions discrétionnaires de l’autorité publique, sous le contrôle vigilant d’un juge. C’est ce principe que nous avons appliqué à un phénomène que nous voulons entraver, parce qu’il menace la vie démocratique de ce pays.

Avec une nette majorité des membres du groupe que je représente, j’estime donc qu’il faut approuver cette proposition de loi. Non seulement ses dispositions seront appliquées dès que le juge constitutionnel les aura appréciées, mais – tous ceux qui ont l’expérience de quelques alternances le savent –, ce texte sera là pour longtemps !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe de l ’ Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

En entendant Mme Darcos, on avait l’impression que, si l’on s’opposait à ce texte, l’on trouvait nécessairement normal qu’il y ait des casseurs, qu’il y ait des Black Blocs, qu’il y ait de la violence…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Par fatalisme, l’on estimerait qu’il n’y a rien à faire : non ! Absolument pas ! Nous sommes totalement hostiles à de telles violences, qui, la plupart du temps, disqualifient les causes de manifestations auxquelles, parfois, nous participons.

Nous posons simplement les questions suivantes : comment faire, concrètement, pour éviter de tels actes ? Quel prix sommes-nous prêts à faire payer à la société française, au titre des droits fondamentaux et des libertés publiques, pour contrecarrer l’action d’une très petite minorité, fût-elle très dangereuse ? Voilà l’enjeu ; c’est une question d’équilibre.

M. Richard vient de dire : pour ceux qui sont comptables de l’ordre public, la sécurité ouvre le champ des décisions discrétionnaires. Mais la loi doit l’encadrer ! Or qu’observe-t-on ? Que, de plus en plus, le champ discrétionnaire s’accroît ; que l’on n’est pas plus efficace pour combattre la violence ; et que, petit à petit, s’érodent les principes sur lesquels se fonde la confiance en la République. Les droits et libertés individuels, ces biens qu’il faut à tout prix préserver, sont menacés dans le monde d’aujourd’hui.

Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous nous dites : « Vous êtes la vieille gauche des années soixante-dix. » Moi, je n’ai pas honte de représenter la vieille gauche, celle des principes de Jaurès !

Jaurès, déjà, s’opposait à la droite.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Jaurès, ce n’est pas les années soixante-dix ! Vous confondez avec Jean-Paul Sartre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Il s’indignait quand, sous prétexte de lutter contre les violences, l’on enfermait les meneurs des mouvements ouvriers !

Nous poursuivons un vieux combat, face au parti de l’ordre, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

… qui a toujours peur de celui qui revendique ses droits !

De votre côté, vous représentez bien la droite d’aujourd’hui ; celle qui fait de complaisantes courbettes en direction du Front national…

Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Joyandet

C’est vous, la gauche, qui avez fait monter le Front national pour tenter de gagner les élections !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je préfère la droite de M. de Courson, je préfère la droite qui s’en tient aux principes fondamentaux de notre République, à celle qui cède à la facilité et qui, finalement, sombre dans l’impuissance, que ce soit devant les thèses de l’extrême droite ou devant les casseurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je connais Mme Darcos et je sais qu’elle est profondément républicaine. Mais, parfois, on veut faire un peu de zèle dans l’hémicycle et l’on dérape.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Très franchement, on ne peut pas dire des élus parisiens qu’ils n’ont pas eu un mot pour les commerçants : Paris, c’est ma ville, notre ville, et elle a été, jour après jour, la proie des destructions.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mes chers collègues, chaque samedi après-midi depuis des semaines, j’appelle plusieurs fois mon fils pour savoir où il est, s’il n’est pas pris dans une nasse, s’il n’est pas confronté à tel ou tel acte de violence.

Ce qui est arrivé à un philosophe, personnage public reconnaissable dans la rue, peut nous arriver à nous-mêmes : à ce moment de la semaine, en se promenant dans les rues, on peut être pris à partie par des énergumènes, dont je précise que ce n’étaient pas des Black Blocs.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Très souvent, ces individus agissent même à visage découvert ; mais ils se révèlent très dangereux ! Ils s’attaquent aux élus, aux juifs, à tout ce qui peut incarner la démocratie.

C’est une erreur que de croire qu’avec une telle proposition de loi vous allez juguler ce phénomène français, européen et même mondial.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Si, cher collègue, mais ne croyez pas que ce texte va changer la situation : c’est une illusion !

Là est notre désaccord. Selon nous, une telle législation risque même de nous affaiblir face à ce phénomène. Notre drapeau, ce qui fera notre force pour résister à ceux qui veulent remettre en cause la démocratie, ce sont nos libertés, ce sont les principes fondamentaux de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Ils sont à la base de notre Constitution et, parmi les droits fondamentaux, figure notamment le droit de manifester.

Je le dis et je le répète : c’est avec nos principes que nous résisterons le mieux à ces gens-là !

Ne faisons à personne le procès d’être plus ou moins républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur Grosdidier, malheureusement, ce combat est devant nous, et nous verrons, y compris dans cet hémicycle, qui consacrera toute son énergie à la défense de la République, dans les moments les plus dangereux pour nous et pour elle !

Quoi qu’il en soit, il faut briser l’engrenage. Hier, les terroristes ont fait subir des épreuves inouïes à notre démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. Aujourd’hui, la question se pose d’une autre manière.

Marques d ’ impatience sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, ici, nous sommes tous des républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Depuis le début de nos débats, chacun, à sa façon, défend les valeurs de la République. Je le salue, en toute sincérité : nos valeurs sont notre honneur, celui de notre République ; elles sont aussi notre force.

Néanmoins, précisément parce qu’elles sont notre honneur, sachons également reconnaître, avec tristesse, avec regret, avec nostalgie, monsieur Assouline, que la société a profondément changé et que nos valeurs sont aujourd’hui attaquées ; quelques malfaisants en viennent à vouloir leur destruction : ce sont des ennemis de la démocratie, et leur seul but est de l’ensevelir.

Défendre nos valeurs, c’est aussi accepter que certains d’entre nous osent agir différemment, avec force, en s’opposant à ces malfaisants, à ces démolisseurs de la démocratie, qui instrumentalisent nos libertés et manipulent ceux qui utilisent leur droit de manifester, droit que nous devons protéger.

Comme d’autres, je citerai le territoire dont je suis l’élue. J’ai en tête le souvenir de samedis tragiques dans la ville de Rennes. J’ai l’image de saccages, de manifestations, d’agressions contre des policiers, dans le sillage des mouvements de Notre-Dame-des-Landes, contre le projet de réforme du droit du travail, ou dans le cadre des manifestations actuelles. Je l’affirme : ces casseurs sont les professionnels d’une guérilla que nous n’osons pas nommer, parce que nous refusons d’admettre que de tels faits puissent se produire.

Aussi, malgré la fragilité constitutionnelle de cette proposition de loi, telle qu’elle est revenue de l’Assemblée nationale et telle que la commission des lois l’a adoptée, nombre de mes collègues centristes et moi-même voterons ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Mme Françoise Gatel. Je suis, moi aussi, une républicaine ; or cette proposition de loi ne s’attaque pas à la liberté de manifester. Au contraire, elle protège la liberté de manifester et s’oppose aux casseurs qui en veulent à notre démocratie !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Didier Rambaud applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 65 :

Nombre de votants343Nombre de suffrages exprimés325Pour l’adoption210Contre 115Le Sénat a adopté définitivement.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 13 mars 2019 à quatorze heures trente :

Explications de vote des groupes puis vote sur la deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants (texte de la commission n° 362, 2018-2019).

Explications de vote des groupes puis vote sur la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit par l’abrogation de lois obsolètes, présentée par M. Vincent Delahaye, Mme Valérie Létard et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 366, 2018-2019).

Débat sur « La juste mesure du bénévolat dans la société française ».

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures quinze.

Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Josiane Costes est membre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, en remplacement de M. Jacques Mézard.