La commission procède à l'audition de M. Jean-Pierre Jouyet, président, et de M. Thierry Francq, secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers (AMF), à l'occasion de la remise du rapport annuel de l'AMF.
Comme chaque année, nous auditionnons aujourd'hui M. Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), à l'occasion de la publication de son rapport annuel.
La régulation financière internationale connaît d'importants bouleversements, sur fond d'incertitudes macro-économiques portant en particulier sur la soutenabilité de la dette américaine et de la zone euro. Le G 20 sous présidence française se concentre sur le suivi des mesures décidées lors des précédents sommets, les établissements financiers systémiques et la prévention des nouveaux risques. Ceux-ci concernent en particulier les marchés de matières premières, le « système bancaire de l'ombre » (shadow banking) ou les innovations technologiques en matière de trading.
Les autorités de régulation américaines poursuivent leurs travaux sur les très nombreuses mesures d'application de la loi Dodd-Franck, parfois avec difficulté. L'Union européenne quant à elle s'efforce de mener à bien son programme très ambitieux de rénovation de la législation. Parmi les thèmes à l'ordre du jour : le règlement sur les ventes à découvert et celui sur les infrastructures de marché et dérivés de gré à gré, les mesures d'application des directives sur la gestion alternative et les OPCVM, la révision de la directive « marchés d'instruments financiers » ou de nouvelles initiatives sur les agences de notation et le marché de l'audit.
L'AMF est pleinement impliquée dans le processus international, par ses contributions aux travaux de l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) ou de la nouvelle Autorité européenne des marchés financiers (AEMF). La loi de régulation bancaire et financière d'octobre dernier a considérablement étendu ses missions, et la loi de finances pour 2011 a renforcé ses moyens financiers, après qu'elle a enregistré un déficit de 20 millions d'euros en 2010.
Toutefois deux défis apparaissent aujourd'hui plus complexes à relever : maintenir la « pression réglementaire » sur le long terme dans un contexte de normalisation de l'activité financière et réduire les facultés d'arbitrage juridique susceptibles de réapparaître entre les Etats-Unis, l'Europe et l'Asie.
Ce contexte ayant été brossé à grands traits, je vous passe la parole pour une intervention liminaire.
Je tiens à vous remercier de votre invitation à vous présenter le huitième rapport d'activité annuel de l'Autorité des marchés financiers. C'est toujours un honneur pour moi.
C'est le troisième rapport que je remets aux pouvoirs publics depuis ma prise de fonction. Celui-ci est publié à mi-parcours de mon mandat et juste après que le Collège a été partiellement renouvelé et, grâce au Président du Sénat, en toute parité comme je l'avais souhaité.
Ce rapport donne la mesure du chemin parcouru en deux ans et demi pour réconcilier les épargnants avec les marchés dont nos économies et nos Etats auront le plus grand besoin pour se financer.
L'AMF a acquis une plus grande visibilité. Les banques, françaises et étrangères, les investisseurs étrangers, fonds souverains compris, les grandes entreprises ou les plus petites ont retrouvé le chemin qui mène à l'AMF. Nous avons su nouer des partenariats avec des associations de consommateurs, avec d'autres régulateurs français, en commençant par l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) au travers d'un pôle commun sur la distribution de l'épargne, mais aussi avec la Commission de régulation de l'énergie (CRE) en ce qui concerne la régulation des marchés de matières premières ou encore avec l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité, notamment sur la question de la commercialisation des produits d'épargne. Nous nouons également des partenariats avec des autorités de régulation étrangères, notamment en Chine, en Russie ou avec des pays du Golfe.
Mais c'est aussi grâce à vous que le bilan de l'AMF est aussi positif puisque vous avez voté la loi de finances 2011 qui nous dote de moyens supplémentaires. La nouvelle assiette de nos recettes nous permettra de résorber un déficit devenu structurel avec la crise et surtout nous rend moins tributaires des aléas du marché. Les dispositions que vous avez prises nous permettront d'éponger ce déficit tout en maintenant une gestion extrêmement rigoureuse. Nos moyens restent comptés au regard de ceux de nos homologues et des enjeux de surveillance de marchés toujours plus rapides, fragmentés et automatisés mais l'effort est important.
Nous ferons un premier bilan de l'utilisation de ces recettes supplémentaires, de l'ordre de 25 millions d'euros, de façon à vous informer sur leur utilisation et à voir si elles ont couvert les différents besoins qui sont les nôtres. Je peux d'ores et déjà vous indiquer que nous investirons en priorité dans le recrutement d'experts spécialisés et dans des outils informatiques nécessaires pour maintenir à niveau notre capacité de surveillance.
Autant nous sommes prêts à rendre des comptes sur chaque euro dépensé - et tel est aussi l'objet de ce rapport -, autant j'ai quelques craintes et incompréhensions par rapport à l'amendement qui a été voté à l'Assemblée nationale lors de l'examen, la semaine dernière, du projet de loi de finances rectificative et qui plafonne nos emplois.
Je vous en remercie ! Certes, je comprends bien le débat qui existe sur le nombre d'autorités indépendantes. Toutefois, à partir du moment où elles sont créées, il me semble difficile de vouloir les considérer comme un opérateur de l'Etat, ce qu'elles ne sont précisément pas. Je m'engage en revanche à vous rendre des comptes sur l'utilisation de nos moyens.
Grâce à vous, la loi de régulation bancaire et financière nous aura également donné des pouvoirs accrus, notamment des pouvoirs d'urgence. Surtout, elle parachève la réforme de notre processus répressif, entamée dès le prononcé de la décision EADS, en décembre 2009. Je suis convaincu que la publicité des séances de la Commission des sanctions et des sanctions elles-mêmes aura, à l'usage, un effet dissuasif, car le risque de réputation, dans certains cas, surtout pour les grandes entreprises, est plus redouté encore que la sanction pécuniaire, même si son plafond a été relevé à 100 millions d'euros. Le Collège n'a pas encore eu à jouer de son pouvoir d'appel d'une décision de la Commission des sanctions, mais cela viendra sans doute. En revanche, la procédure de transaction, dont le décret d'application a été examiné hier matin en Conseil d'Etat, sera très vite rodée et je puis vous donner l'assurance que cette procédure sera transparente et aidera à désengorger la Commission des sanctions. Sur la quarantaine de dossiers traités annuellement, environ une dizaine pourrait faire l'objet d'une transaction. Je tiens à rappeler que les dossiers qui portent sur des abus de marché ou des délits d'initié ne peuvent pas faire l'objet de transaction. La nouvelle procédure vise surtout des dossiers de non respect de leurs obligations professionnelles par les intermédiaires ou prestataires financiers régulés par l'AMF, nous permettant de nous concentrer sur les dossiers les plus importants. Cette procédure permet également de rentrer dans une logique d'indemnisation plus rapide de l'épargnant.
Retenez aussi de ce bilan 2010 la prise en compte plus systématique des intérêts des épargnants dans toutes les décisions qui peuvent les affecter. Le bilan de la direction des relations avec les épargnants, direction transversale à l'AMF, désormais pleinement opérationnelle, est à cet égard éloquent.
La difficulté consiste à maintenir le même tempo dans un contexte particulièrement mouvant. Nous devons trouver le bon équilibre entre la poursuite d'une activité soutenue tout en évitant les risques de sur-régulation, c'est-à-dire un risque de tarissement du financement de l'économie.
Quels sont les sujets qui appellent notre vigilance les mois qui viennent ? J'en vois trois principaux que vous retrouverez en filigrane de la cartographie des risques 2011 : l'avenir de la Place de Paris ; l'agenda européen de la régulation ; et la reconquête de l'épargnant/investisseur.
En ce qui concerne l'avenir de la Place de Paris, si le projet de fusion de Nyse-Euronext et Deutsche Börse devait se concrétiser, je comprends qu'il puisse susciter des inquiétudes, mais il ne faut pas les exagérer.
Nous avons à Paris la moitié des grandes capitalisations européennes, c'est un atout important. Les protagonistes de ce rapprochement n'auraient aucun intérêt à s'aliéner ces grands clients, sauf à prendre le risque de les voir partir non pour Francfort... mais pour Londres.
Ensuite, une place ne se réduit pas à une bourse, régulée ou pas. Pour être une place financière de référence dans la compétition internationale, il faut offrir une gamme de services bien plus large. Or la Place de Paris n'est pas la moins bien dotée. Nous sommes un leader européen de la gestion, bien préparé à l'ouverture des frontières européennes grâce à la transposition rapide et modernisatrice de la directive OPCVM IV ; sur les marchés d'actions, toute la logistique, humaine, matérielle et réglementaire est opérationnelle, surtout depuis la création du compartiment professionnel pour les entreprises internationales ; nous avons relancé le marché obligataire primaire en nous alignant sur les conditions offertes au Luxembourg. Nous sommes quasiment prêts à lancer un marché secondaire obligataire, complétant ainsi l'offre de la Place (il s'agit du projet Cassiopée). Nous avons beaucoup travaillé à l'émergence de nouvelles infrastructures techniques, pour enregistrer et compenser les transactions, notamment de dérivés. Nous avons anticipé l'émergence d'un cadre réglementaire européen du marché des quotas de CO2.
Bref, nous avons quelques atouts, et pas des moindres. Encore faut-il la volonté politique pour bien les exploiter.
Cela étant dit, nous avons trois points de vigilance principaux à propos du projet de fusion : nous souhaitons une gouvernance équilibrée de l'entité fusionnée mais aussi le maintien d'une capacité de développement à Paris d'infrastructures de marché et de post-marché (compensation, dépositaire central,...) essentielles pour l'activité de la Place comme pour notre stratégie réglementaire destinée à favoriser les plateformes de négociation transparentes et la compensation de dérivés de gré à gré. Enfin, il est essentiel de préserver des capacités d'accueil sur le marché des petites et moyennes entreprises (PME). C'est peut-être le sujet le plus difficile à régler. Sur tous ces points, nous demandons des garanties. Or nous accorderons les agréments à la nouvelle entité au vu du respect des engagements pris. De même, l'ACP devra donner ou non le statut d'établissement de crédit aux chambres de compensation. Nous disposons donc d'un certain nombre de moyens légaux pour faire en sorte que l'influence de la Place de Paris soit maintenue.
Deuxième sujet de préoccupation immédiate pour l'AMF, l'agenda européen de la régulation. Avec quatre questions sous-jacentes. Tout d'abord, sommes-nous en retard par rapport aux Etats-Unis ? Les Américains ont frappé fort en légiférant en bloc avec le Dodd-Frank Act mais ils doivent maintenant dérouler toute la phase de transposition en mesures techniques et ils prennent du retard sous la pression des lobbies et parce que le texte initial est souvent peu précis, voire inapplicable. Mais il est rassurant de constater que la volonté de l'Administration Obama, notamment du Secrétaire d'Etat au Trésor Timothy Geithner, et des régulateurs sont néanmoins intactes.
Les Européens sont, quant à eux, liés par leur processus décisionnel et par le calendrier des travaux de la Commission qui a saucissonné en plusieurs règlements et directives chaque sujet. Mais, dans l'ensemble, les textes ne souffrent pas de retard excessif et nous cochons petit à petit toutes les cases. Le commissaire Michel Barnier indiquait avant-hier que dix-huit textes étaient en cours de discussion pour tirer les leçons de la crise, dont trois particulièrement importants, sans compter le travail sur les normes comptables : la révision de la directive sur les marchés d'instruments financiers qui devrait intervenir à la fin de l'été ; la révision de la directive transparence ; la révision de la directive abus de marché.
Mais, qu'il s'agisse des Etats-Unis ou de l'Europe, il faut compter au minimum deux, voire trois ans entre le moment où un principe est acté au G 20 et son application effective. Ce fut le cas pour les agences de notation ou les fonds d'investissement spéculatif.
Notre commission était récemment en séminaire à Bruxelles et nous avions l'impression qu'une sorte d'inertie affectait les mécanismes de préparation des projets de régulation.
Je comprends ce que vous avez pu ressentir parce que ce fut notre crainte à un certain moment. Le départ fut rapide puis il y a eu une sorte de plateau : la première phase a dû être digérée.
Néanmoins, vous connaissez les mécanismes de décision européens qui ne sont pas les plus rapides. En arrière-plan, les institutions communautaires et les pouvoirs publics nationaux se sont aussi focalisés sur la question des dettes souveraines, sujet qui est venu se surajouter aux travaux de régulation.
Pour en avoir débattu avec le commissaire Barnier, chacun se rend compte qu'il y a une seconde étape à franchir et qu'il faut aller vite. Le vrai juge de paix ce sera la révision de la directive « marchés d'instruments financiers » (MIF). C'est à cela que nous verrons si l'Europe a changé et s'est adaptée à l'évolution des marchés, à la spéculation et à la volatilité.
La troisième question porte sur la convergence des normes européennes et américaines. Il y a encore une marge de progrès. Car même si nous apportons des réponses assez proches aux problèmes identifiés en commun, chacun fait selon sa tradition. Vous connaissez la logique de réglementation américaine : elle est d'application extra-territoriale. Ce que nous souhaitons, c'est qu'il y ait une réponse européenne unie, comme l'ont exprimé le Parlement européen ou la Commission. Nous devons avoir les mêmes réflexes que les Etats-Unis, c'est-à-dire veiller à réguler les institutions et les acteurs européens qui travailleraient sur le territoire américain ou en relation avec lui.
C'est un grand progrès auquel je souscris totalement car, à l'asymétrie d'une extraterritorialité unilatérale, je préfère encore une extraterritorialité réciproque, stade nécessaire pour atteindre la signature de vrais accords de reconnaissance mutuelle.
Ce qui nous amène à la quatrième question, la place de l'AEMF. Il y a clairement un risque, celui que les régulateurs nationaux, réunis au sein du Conseil de l'Agence, ne continuent, comme avant, à défendre leurs propres intérêts, c'est-à-dire celui du rendement économique de leur industrie financière nationale, au détriment de la coopération renforcée et de la mutualisation des moyens.
Nous allons devoir apprendre à jouer notre partition. Cette agence est à Paris, ce qui est un atout important. Nous sommes, avec le Royaume-Uni et l'Allemagne, la place financière la plus importante. Mais, dans une Europe à Vingt-Sept, cela ne suffit pas ! Nous devons adapter notre « logiciel » diplomatique d'influence économique à cette Europe, ce qui nous est parfois moins naturel qu'à d'autres. Je suis néanmoins confiant au vue des orientations que dessine depuis peu l'AEMF.
Enfin, le troisième et dernier sujet de vigilance pour le régulateur concerne la reconquête de l'épargnant et de l'investisseur après la très grave crise de confiance.
Le premier terrain d'intervention porte sur la protection de l'épargnant et de l'investisseur. Vous savez que nous avons mis en place des visites mystères, que nous avons participé à la création d'un Observatoire de l'épargne, que nous avons rehaussé les standards professionnels en matière de commercialisation des produits financiers - avec un accent nouveau sur le régime des « biens divers » et autres produits « quasi financiers » - ainsi que sur les enjeux des négociations européennes en cours ou à venir.
J'insisterai sur trois autres enjeux essentiels à la confiance des investisseurs. Le premier d'entre eux s'intéresse à la gouvernance d'entreprise. J'attends beaucoup du groupe de travail dirigé par Olivier Poupart-Lafarge sur le fonctionnement des assemblées générales et l'exercice du droit de vote. L'Union européenne a fait des propositions que d'aucuns jugent audacieuses, notamment sur le fait de savoir si l'assemblée générale doit se prononcer sur la rémunération des administrateurs. Nous n'éviterons pas de nous poser la question en France. J'estime qu'un mécanisme consultatif et ex post permettrait de respecter les prérogatives normales du conseil d'administration et de l'assemblée générale.
Le deuxième enjeu se rapporte à la question des franchissements de seuil. Votre rapporteur général est très sensible à ce sujet et nous espérons avec lui pouvoir saisir une fenêtre de tir dans l'agenda du Parlement pour amender notre législation. Nous ne pouvons pas rester avec des dispositions qui ne sont pas dignes d'une grande démocratie financière. Pour que le marché fonctionne bien il faut que toute influence significative qui s'exerce sur une société cotée apparaisse clairement. C'est l'intérêt des actionnaires, celui de la société mais aussi des intervenants que d'avoir des règles du jeu qui, peu importe les instruments utilisés, soient parfaitement claires.
Enfin, le troisième enjeu a trait à l'indemnisation des préjudices subis par les épargnants. Les pistes de travail esquissées dans le rapport de Martine Ract Madoux et Jacques Delmas-Marsalet pour palier l'insuffisance des voies de réparation actuelles (mise au point d'une méthode de calcul de l'indemnisation, accès du juge civil aux éléments d'enquête recueillis dans le cadre du contrôle d'une société mise en cause, aménagement de l'action en représentation conjointe) doivent être exploitées.
En ce qui concerne la surveillance des marchés, nous avons réorganisé l'AMF : nous disposons désormais d'une nouvelle direction des marchés pour mieux exercer notre fonction de surveillance sur tous les acteurs, tous les marchés et toutes les infrastructures. Dans le même temps, nous étendons progressivement notre dispositif de surveillance automatisé à tous les marchés, en tenant compte des nouvelles techniques de négociation. Mais je suis convaincu que nous devrons pousser plus avant nos réflexions sur les conséquences de la montée en puissance du trading algorithmique. On entend que ces techniques apportent de la liquidité au marché, sans doute, mais ces techniques ne produisent qu'une liquidité artificielle qui peut disparaître en quelques micro-secondes. Américains et Européens sont très sensibilisés à l'influence de ces techniques, d'autant plus qu'elles se développent sur de nouveaux marchés tels que les marchés de matières premières ou de CO2.
Sur ces nouveaux marchés, il nous importe d'avoir accès à un meilleur accès aux données physiques qui existent. Nous ne pouvons pas à nous seuls, régulateurs financiers, malgré la financiarisation dénoncée de ces marchés, mettre un terme à la volatilité excessive et aux comportements parfois très anormaux que l'on rencontre sur ces marchés.
Merci d'avoir d'ores et déjà répondu à nombre de questions que nous avions déjà à l'esprit. Vous avez évoqué les opérations de rapprochement entre NYSE-Euronext et Deutsche Börse. J'ai à l'esprit le souvenir des opérations de consolidation des bourses en 2006. Les banques françaises, actionnaires d'Euronext, avaient réalisé leurs plus-values alors même qu'elles auraient dû être les partenaires de la société de bourse et les garants d'une certaine déontologie. N'y a-t-il pas eu, au final, un appauvrissement d'Euronext et de NYSE alors qu'à l'époque nous avions rejeté le rapprochement avec Deutsche Börse ?
Vous ne pouvez pas avoir de place financière solide sans un engagement des banques. Si les banques françaises ne sont pas aux cotés du régulateur et ne sont pas impliquées, notamment sur les enjeux industriels qui ont trait à la compensation ou à la centralisation des ordres et des achats, si elles se déportent trop vers le marché de Londres ou d'autres marchés internationaux, nous ne pourrons pas agir à leur place. Je suis, pour ma part, très satisfait de l'implication d'Europlace mais, quelquefois, on a le sentiment que les émetteurs, c'est-à-dire les entreprises cotées à Paris, ont une implication plus forte que nombre d'institutions financières françaises. Vous avez tout à fait raison de signaler qu'il s'agit d'un vrai sujet de préoccupation.
L'ironie de l'histoire, c'est d'avoir parcouru tout ce chemin pour se retrouver dans une situation capitalistique moins favorable que celle qui pouvait nous être proposée dix ans auparavant avec Deutsche Börse.
Enfin, on entend ici et là qu'il faudra surveiller l'influence allemande dans le futur ensemble par rapport aux autres pays membres d'Euronext. Je crois, pour ma part, qu'il faudra surtout prêter attention à l'influence américaine qui va exercer, dans quelques années, sur les différentes places européennes que ce soit Francfort ou Paris.
Le problème avec l'Allemagne, c'est la structure de régulation. La BaFin a moins de pouvoirs que nous sur le contrôle des sociétés de bourse. Nous devons discuter avec les régulateurs du Land de Hesse que nous connaissons mal. Nous avons rencontré le président de Deutsche Börse. En ce qui concerne les intérêts industriels, la discussion fut très rationnelle : nous pouvons facilement discuter et identifier les points de désaccords. En revanche, je suis plus inquiet pour la gouvernance du nouvel ensemble, notamment sur le point de savoir si la partie européenne de celle-ci sera bien assurée.
Pour rester sur la concentration des entreprises de marché, je voudrais insister sur le marché des dérivés sur matières premières, c'est-à-dire le MATIF, car celui-ci me semble être, en soi, un enjeu, par exemple en termes de droit applicable ou de localisation des centres de livraison. Je voudrais par conséquent être assuré que cet enjeu est bien perçu comme tel. Je l'ai évoqué auprès de Mme Lagarde à plusieurs reprises mais je reste vigilant compte tenu du contexte actuel des marchés des matières premières. Nous avons un outil qui a repris de la substance ces dernières années et il serait très dommage de le voir absorber par Londres dans le cadre d'un nouvel ensemble européen. Je me suis d'ailleurs demandé s'il ne serait pas intéressant de susciter une offre de reprise de cet outil de marché.
En ce qui concerne le post-marché et compte tenu du poids des entreprises Eurex et Clearstream et du modèle du silo qui a fait ses preuves sur le plan économique, est-il vraiment possible de maintenir à Paris une activité significative de compensation et de règlement-livraison ?
J'en viens à un autre sujet : les nouvelles pratiques de trading, au coeur de la révision de la directive MIF. Quelle est notre stratégie en ce domaine ? Comment concilier l'inévitable innovation technologique avec les risques et les périls d'une intervention humaine ? Est-ce qu'une limitation du trading haute fréquence serait concevable et si oui, serait-elle favorable ou défavorable aux opérateurs français ?
Vous savez également que la commission des finances s'intéresse de près au nouveau marché des quotas de CO2. Elle y voit tout d'abord une source de valeur : ce sont des nouveaux droits qui apparaissent au bénéfice de l'Etat. Il crée un nouvel actif et fait fonctionner cette nouvelle « planche à billet ». Pouvez-vous nous dire comment se passe la régulation, à laquelle nous avons tenu, entre l'AMF et la CRE ? Comment aboutir à un marché réellement sécurisé ? Est-il possible de garantir la traçabilité de tout ce qui s'échange sur le marché ?
Je terminerai enfin sur le sujet des ventes à découvert. Dans la loi de régulation bancaire et financière, nous avons souhaité un renforcement de la traçabilité des titres en considérant que le statu quo crée des zones d'ombre, voire des trous noirs. Est-ce que le projet de règlement sur les ventes à découvert vous satisfait ? Comment peut-il être amélioré ? La règle d'affectation et de suivi, dite « locate rule », vous paraît-elle pertinente ? Est-ce que vous aurez les moyens de suivre les titres et les multiples opérations en cause ? Est-ce que l'on peut réellement escompter un abaissement du délai de règlement livraison à J + 2 ?
En conclusion, je rappelle que j'ai effectivement l'intention de déposer d'ici le 30 juin une proposition de loi sur certaines questions de droit boursier et visant en particulier à renforcer la transparence dans le domaine des franchissements de seuil. J'ai eu l'occasion d'évoquer ce sujet avec différents acteurs de place. Le texte sera certainement imparfait mais je l'ai bâti sur la base de positions communes avec l'AMF. J'espère également que nous pourrons disposer d'un créneau pour faire progresser notre droit boursier sur ce sujet car, pour la confiance et l'attractivité de la place de Paris, cela me semble nécessaire.
Concernant le MATIF, la question est bien de savoir comment on peut le maintenir et le développer à Paris. Je crois que les dirigeants de Deutsche Börse ont bien intégré le savoir-faire de la place de Paris en matière de dérivés sur les céréales. Les discussions sont plus difficiles sur d'autres sujets, en particulier sur les activités de compensation d'Eurex. Elles donnent satisfaction aux utilisateurs des autres Etats, mais nous souhaitons maintenir à Paris des activités de post-marché. Nous devons trouver un accord équilibré, et cela prend du temps. A cet égard, le président Arthuis a raison d'insister sur la nécessaire implication des banques françaises.
Les nouvelles pratiques de trading sont effectivement un sujet important, qui est au coeur de la révision de la directive MIF. Il y a sur ce point un débat au niveau européen : le Royaume-Uni est favorable à ces innovations technologiques, alors que la position française se révèle paradoxalement plus proche des thèses américaines. Que ce soit au niveau national ou européen, l'alternative est simple : soit nous disposerons d'un cadre légal et de moyens techniques qui nous permettrons, en recourant aux sondages et à la technique du faisceau d'indices, de surveiller ces pratiques ; soit il faudra songer à interdire le trading haute fréquence.
La question est bien de déterminer dans quelle mesure on peut contrôler les opérations.
Tout à fait. Mais nous ne pouvons pas surveiller toutes les opérations qui se réalisent en une fraction de seconde. Récemment, la Commodities and Futures Trading Commission (CFTC), l'autorité américaine de surveillance des produits dérivés, qui dispose d'une longue expérience et dont il n'existe pas l'équivalent en Europe, n'a elle-même pas été en mesure de détecter une anomalie sur le marché du gaz naturel avant un délai de trois jours ! Une éventuelle interdiction du trading haute fréquence devrait cependant être prononcée au niveau international et serait très difficile à obtenir.
Sur les ventes à découvert, je crois que les progrès sont réels. On dispose désormais d'une meilleure traçabilité des titres, l'AEMF a beaucoup travaillé sur le futur règlement européen, et il reste à trouver un accord sur un règlement des transactions en J + 2, ce qui sera probablement difficile.
S'agissant du marché parisien des dérivés sur matières premières, Reto Francioni, président de Deutsche Börse, a été clair et je suis assez confiant sur l'absence de délocalisation d'un marché qui fonctionne et prend de l'importance. Le marché du blé à Paris est, en effet, devenu un véritable marché international et connaît une forte croissance. Je souligne cependant que ce marché, bien que de droit français, est géré et régulé depuis Londres.
Le post-marché constitue l'aspect le plus complexe de l'opération de fusion entre NYSE-Euronext et Deutsche Börse. L'importance des volumes traités par Eurex n'incite pas à l'optimisme sur le maintien d'activités à Paris, mais les questions de concurrence et de risque systémique peuvent limiter le processus. On peut penser que les autorités européennes de la concurrence seront soucieuses de maintenir au moins deux grandes chambres de compensation en Europe, en particulier pour les dérivés de gré à gré appelés à être de plus en plus compensés. Politiquement, l'Allemagne doit également donner des gages à la France. Tout cela peut créer une dynamique positive pour le maintien à Paris d'activités de compensation des actions, y compris celles traitées à Francfort, et le développement de capacités de traitement des dérivés de gré à gré. En revanche, il est clair que la compensation des dérivés cotés se fera à Francfort ; c'est d'ailleurs la raison industrielle de ce rapprochement.
L'espoir n'est donc pas perdu, loin de là, mais tout dépendra des banques françaises qui, semble-t-il, ne jouent pas complètement le jeu...
C'est scandaleux ! Elles sont parties en courant après avoir réalisé leurs plus-values, et à présent s'en lavent les mains !
Je souhaite insister sur le MATIF. Il ne serait pas absurde que dans le cadre d'une négociation, cette plate-forme soit logée dans une structure ad hoc, dans laquelle un acteur comme la Caisse des dépôts pourrait prendre une participation du quart ou du tiers du capital, pour peser sur les décisions futures.
En effet. Soit on trouve une alliance avec des opérateurs pour conforter le MATIF, soit on envisage une autre solution, telle que celle que suggère le rapporteur général.
Il faudrait avant tout demander à la Caisse des dépôts de ne pas se désintéresser du marché Bluenext, car il y a aujourd'hui un risque.
En tout cas, notre commission considère comme stratégique la consolidation de la place de Paris, et je tiens à stigmatiser l'attitude honteuse des banques son égard au début des années 2000 !
Vos travaux sur les matières premières agricoles ont-ils éveillé vos soupçons sur le rôle de la spéculation dans la volatilité des cours, et quelles sont vos préconisations pour mieux superviser ces marchés et lisser les variations excessives des cours ? Que vous inspire l'évolution des dividendes versés par les sociétés françaises ? Est-elle soutenable financièrement ? Par ailleurs, disposez-vous d'éléments sur l'exposition des intermédiaires financiers aux risques souverains en Europe ? Interdit-elle toute perspective de restructuration de ces dettes ? Enfin, je rappelle que j'avais déposé l'année dernière une proposition de loi sur la taxation des transactions financières, initiative qui avait été considérée comme « prématurée ». Cette idée est-elle toujours d'actualité ?
La taxe Tobin est déjà inscrite dans notre droit fiscal, qui prévoit qu'elle ne sera applicable que dès lors qu'un accord international aura été trouvé.
L'AMF coopère-t-elle avec l'OCDE pour renforcer la transparence des juridictions non coopératives ? Le financement des PME présente de grandes carences dans notre pays, en particulier par rapport à l'Allemagne et l'Italie. Peut-on imaginer d'orienter davantage l'épargne vers ces entreprises ? Concernant l'approvisionnement en matières premières, les contrats à long terme sont-ils contraires aux règles de l'OMC ? Enfin peut-on faire des prévisions sur l'avenir de la Grèce ?
Le rapport annuel de l'AMF évoque l'indemnisation du préjudice des épargnants et investisseurs, mais ne se prononce pas sur l'opportunité de la mise en place d'une action de groupe. Les documents préparatoires du G 20 n'y font pas non plus référence. L'AMF compte-t-elle faire des propositions ?
En matière de gouvernance des entreprises et d'encadrement des rémunérations, la transposition en France de la directive CRD III a donné lieu à quelques polémiques, et l'AMF a pris des mesures sur la politique de rémunération des sociétés de gestion. Quelle est votre appréciation sur le rapport « équilibré », que mentionne la directive, entre les parties fixe et variable de la rémunération ?
Enfin s'agissant des agences de notation, j'aimerais recueillir vos commentaires sur le rapport du député européen Wolf Klinz, qui propose notamment une double notation et la création d'une fondation européenne, en parallèle de l'AEMF.
Quelles sont vos éventuelles difficultés de coordination avec votre homologue britannique ? En matière de protection de l'épargne, l'AMF effectue-t-elle depuis sa création un suivi spécifique des fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI), qui comportent davantage de risques que les fonds classiques ? Concernant l'encadrement des rémunérations, qui relève notamment du code de l'AFEP et du MEDEF, l'AMF s'est-elle rapprochée de l'Agence des participations de l'Etat pour établir une meilleure transparence des rémunérations dans les entreprises à capital public ?
Je me fais le porte-parole de Joël Bourdin, qui a dû s'absenter et s'interroge sur le cumul des mandats des administrateurs. Y-a-t-il aujourd'hui une réflexion et des textes en préparation sur ce sujet ?
Je pense qu'il faudra attendre deux ou trois ans pour tirer un vrai bilan des orientations du G 20 et faire la part des décisions réelles, optiques et cosmétiques. Il est souhaitable que, lors de chaque sommet, il soit précisément fait le point sur l'avancement des décisions et que l'on ne se contente pas d'aborder de nouveaux sujets, mais j'ai l'impression qu'on ne prend aujourd'hui pas suffisamment en compte cette dimension du bilan.
Ma question, peut-être hors sujet, a trait à vos fonctions actuelles et antérieures. MM. Trichet et Barnier ont proposé la création d'un poste de ministre des finances de l'Union européenne, sorte d'équivalent pour les finances de Mme Ashton. Que pensez-vous d'un tel saut qualitatif dans l'organisation des pouvoirs de l'Union européenne ?
Arthuis, président. - La mission première de l'AMF est de protéger les épargnants, et vous avez constitué en 2010 un pôle commun avec l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), qui dispose d'un coordonateur mais pas de personnels propres. Quelle a été son activité en 2010 et quelles sont ses perspectives pour 2011 ? Ce pôle ne devrait-il pas, à terme, reprendre les fonctions de médiation et de protection des épargnants actuellement dévolues à l'ACP et à l'AMF ?
La loi de finances pour 2011 a accordé de nouveaux moyens financiers à l'AMF. Les pertes de 2009 et 2010 sont-elles absorbées et les comptes de 2011 seront-ils équilibrés ? Quels sont les effectifs dont vous disposez actuellement et les perspectives pour cette année ?
Je vais reprendre rapidement vos nombreuses questions. Sur les marchés de matières premières agricoles, mon sentiment est qu'il existe une dimension spéculative, qui émane tant des opérateurs physiques que financiers, mais qu'on ne peut attribuer à la financiarisation toutes les variations des cours. Les phénomènes climatiques actuels suscitent à la fois des comportements de couverture et de spéculation des opérateurs physiques, la difficulté pour nous étant de bien distinguer les deux dimensions. En revanche, ma grande crainte réside dans la spéculation à venir et les stratégies de certains grands fonds et banques d'investissement, qui vont être propriétaires de stocks et récoltes susceptibles d'être utilisés comme sous-jacents de produits distribués au grand public. On pourrait alors assister à une réédition des subprimes.
Je souhaite donc que le G 20 se saisisse de cette question pour que les établissements financiers puissent être contrôlés. Il faudrait que l'Europe dispose de règles analogues à celles en vigueur aux Etats-Unis, qui prévoient des limites de position à 10 % sur certains marchés.
Concernant le lissage des variations de cours, il faut saisir l'occasion de la nécessaire réforme de la politique agricole commune pour créer un observatoire ou une véritable agence européenne de régulation des matières premières agricoles, qui couvre les dimensions des stocks physiques, financière et commerciale.
En matière de dividendes, il n'y a à ma connaissance pas de réel problème de soutenabilité.
Les entreprises cotées françaises se portent plutôt bien et ont maintenu des dividendes assez élevés pendant la crise, ce qui a notamment permis de soutenir la performance du marché des actions sur le moyen terme.
Nous n'avons pas relevé d'anomalies ou de réels excès.
S'agissant des expositions à la Grèce, je serai prudent car je ne suis pas en charge du Trésor ni de la Banque de France. Nous oeuvrons en faveur d'une plus grande transparence des expositions au risque souverain, et le collège de l'ACP, auquel j'ai participé hier, a d'ailleurs examiné au cas par cas les engagements des banques françaises. Il faut également renforcer les stress tests européens pour asseoir leur crédibilité internationale.
Je suis favorable à une taxation des transactions financières, même si je ne crois pas qu'elle puisse vraiment réduire la volatilité. En tout état de cause, il ne serait pas inutile qu'une telle taxe puisse renchérir le coût de certaines transactions, en particulier du trading algorithmique, car il y a là un véritable gisement pour financer d'autres actions ! Une telle taxe serait utile même si elle n'était pas mise en place au niveau international ; l'Europe est en soi un grand bassin et les risques liés à l'arbitrage réglementaire me paraissent réduits.
Cela me paraît difficile.
Certes, mais l'opinion évolue aussi au Royaume-Uni, compte tenu de sa difficile situation économique et financière. Si la France ne porte pas une telle idée, aucun autre pays ne le fera.
Pour répondre à la question de M. de Montesquiou, je relève que l'AMF était il y a quelques années assez mal équipée sur les centres offshores et la lutte anti-blanchiment. Mais sous l'impulsion du secrétaire général, nous avons développé nos compétences et moyens dans ces domaines et coopérons avec l'OCDE.
La coopération boursière fonctionne beaucoup mieux qu'en matière fiscale, y compris avec les pays réputés les plus opaques au plan bancaire. La seule juridiction qui nous pose encore des problèmes est l'Andorre.
Les échanges d'informations avec le Luxembourg ne suscitent pas de difficultés. Celles-ci ont plutôt trait à l'application des règles européennes.
C'est un peu la même chose pour la coopération avec les Britanniques. Nous avons des divergences en matière de régulation, mais les échanges d'information et la coopération lors des enquêtes fonctionnent bien. En revanche, nous rencontrons à nouveau des problèmes avec la Suisse.
Je crois que cette situation est conjoncturelle et liée au déménagement de l'autorité de régulation. Concernant le Royaume-Uni, la coopération sur le terrain est bonne, et nous avons encore eu un exemple récent sur une affaire d'escroquerie.
En ce qui concerne l'orientation de l'épargne vers les PME, j'avais la crainte que le rapprochement avec Deutsche Börse ne produise une réduction du nombre d'entreprises accédant au marché car les opérateurs de bourse considèrent que ce n'est pas rentable. Bien au contraire, les Allemands ont une culture du financement des PME par le marché. Peut-être retirerons de cette coopération quelque chose de bon pour nos entreprises d'autant plus qu'ils ont l'habitude d'une collaboration décentralisée ?
S'agissant des contrats à long terme et de leur compatibilité avec les règles de l'OMC, j'admets ne pas être compétent. Il me semble qu'il faut garder des contrats à long terme pour les matières premières car ils permettent une sécurité d'approvisionnement.
Le Président Nazarbayev avait proposé des contrats à long terme pour certains produits et on lui a répondu que ce serait contraire aux règles ou, du moins, à l'esprit des règles de l'OMC. Il serait intéressant de savoir ce qu'il en est réellement.
Pour répondre à Mme Bricq, il est vrai que nous ne nous sommes pas prononcé sur la question de l'action de groupe car il n'y avait pas d'accord au sein du groupe de travail de l'AMF entre les émetteurs et les représentants des épargnants. Nous avons tout de même dit que nous souhaitions que les mécanismes juridiques français existants soient renforcés.
Je crois que la question se reposera dans le cadre des échéances nationales de 2012. Nous serons amenés à trancher cette question.
S'agissant du G 20, depuis Séoul, sont inscrits à son agenda la protection et l'information des épargnants et des consommateurs. Il me semble que c'est un sujet de préoccupation commune car les opinions publiques ont été échaudées.
En matière de gouvernance d'entreprise, la rémunération, notamment son équilibre entre partie fixe et partie variable, doit être corrélée avec les équilibres à moyen terme de l'entreprise. La part fixe peut être importante mais il faut éviter les détournements consistant à abaisser la part variable pour fortement augmenter la part fixe.
Vous m'avez interrogé sur l'idée de créer une fondation européenne de notation. A partir du moment où elle serait indépendante et supervisée, l'idée peut être envisagée. Mais il faut faire attention à ce qu'elle reste indépendante et objective. Autant la notation est nécessaire tant sur la dette privée que sur la dette souveraine - je ne crois que l'on puisse l'interdire sur ce dernier segment - mais, en revanche, ce qui n'est pas normal, c'est la tendance actuelle selon laquelle les agences préfèrent davantage refléter les rumeurs de marché plutôt que d'établir une notation objective.
Ce sont aussi ceux qui prennent connaissance de leurs notes qui sont moutonniers.
Oui, comme l'AMF a déjà eu l'occasion de dire : les investisseurs doivent se « désintoxiquer » des notations et effectuer leurs propres diligences.
Sur la question des FCPI, il faut admettre qu'il s'agit d'un objet assez difficile à réguler pour nous, notamment parce que nous ne pouvons voir leur résultat qu'au moment de leur liquidation. Nous sommes particulièrement vigilants sur la question des conflits d'intérêts. Nous avons mené plusieurs contrôles récemment et je pense que des procédures de sanction vont être lancées. Ce sont des produits risqués et il est important de montrer que le superviseur est présent parce qu'il y a eu des performances très négatives. Certains fonds ont perdu 99 % de leur valeur. Il est également difficile de faire de la pédagogie sur la prévention des risques lorsque l'avantage fiscal est très élevé, ce qui faire perdre le bon sens à nombre d'investisseurs.
Sur ce type de produits, vous ne faites que vendre l'avantage fiscal.
Nous recevons tous des publicités scandaleuses, vous devriez lister les plus calamiteuses et les sanctionner !
Nous les surveillons dans le cadre de notre partenariat avec l'autorité de régulation professionnelle de la publicité. Mais je retiens votre idée de faire du « name and shame » sur les mauvaises pratiques publicitaires...
Autant nous avons du pouvoir sur les fonds, autant sur les holdings, nous en avons très peu. Or c'est dans les holdings que nous voyons des schémas où il est tout à fait clair que l'avantage fiscal vient essentiellement financer des commissions aux personnes qui montent ces schémas.
En ce qui concerne le pôle commun AMF-ACP, le bilan est contrasté. S'agissant de l'information des épargnants, il est plutôt positif. De même, sur l'obligation de coopération qui découle du pôle, il y a des avancées : nous pouvons maintenant prendre des mesures communes conjointes sur des produits qui sont autant des unités de compte d'assurance que des fonds. J'ai une perception plus mitigée du contrôle conjoint car les deux processus restent autonomes et l'ensemble est lourd et compliqué. Nous avons mené trois contrôles conjoints l'année dernière et ambitionnons d'en réaliser une dizaine, mais je reste assez sceptique sur cette perspective.
En outre, le paysage de la médiation n'est pas homogène et se révèle difficile à comprendre pour les épargnants, car les outils sont distincts selon les produits. Ainsi en matière d'assurance, elle est assurée par la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA). Le rapport de Jacques Delmas-Marsalet et Martine Ract-Madoux appelle à progresser dans la voie de l'harmonisation.
Je retiens néanmoins des aspects très positifs de ce pôle commun, qui a joué un rôle déterminant pour écarter les produits les plus complexes de la commercialisation.
On aurait pu aller plus loin dans la rationalisation, mais on a fait preuve de pragmatisme et il faut que ce pôle continue de fonctionner.
La position de l'AMF est claire sur le cumul des mandats des administrateurs : il faut une limitation de leur nombre, un bon équilibre entre la durée et la diversification des administrateurs, et éviter les conflits d'intérêt, notamment avec les banquiers. L'AMF doit clairement disposer du pouvoir de s'assurer qu'il n'y a pas d'interférences, car la gouvernance des entreprises françaises doit encore progresser.
Concernant le G 20, il importe effectivement de conserver les acquis plutôt que de multiplier les idées nouvelles à chaque sommet. Cela suppose d'assurer la continuité de cette instance, par un secrétariat ou via le Conseil de stabilité financière.
S'agissant du risque que constituent les dettes souveraines en Europe, on constate une réelle rupture qualitative entre le projet de l'euro et l'organisation correspondante. Il est nécessaire d'imposer une plus grande discipline économique et financière et d'accepter des transferts au niveau européen. D'une certaine façon, le président de l'Eurogroupe incarne le ministre des finances de la zone euro, mais il importe de ne pas inverser l'ordre des priorités, c'est-à-dire de fixer les règles avant de désigner une personne et de ne pas reproduire le schéma appliqué pour la politique extérieure.
Le pôle commun à l'AMF et l'ACP ne dispose pas de moyens ni d'effectifs en propre, mais les directions des contrôles des deux autorités sont plus particulièrement impliquées, soit environ une trentaine d'équivalents temps plein à l'AMF, où d'autres directions sont également sollicitées, et le double à l'ACP.
Nous pourrions adresser à la commission des finances un récapitulatif du fonctionnement et des moyens de ce pôle.
Le pôle commun établit d'ailleurs un rapport annuel, qui comporte peu d'éléments sur les moyens car ce pôle est un mécanisme de coordination et non une institution.
Sur les comptes de l'AMF, notre budget pour 2011 vise l'équilibre en trésorerie, donc un bénéfice de l'ordre de 1,8 million d'euros.
L'AMF dispose en fait d'une importante trésorerie, avec 46 millions d'euros de titres ! Vous pourriez les céder...
Nous regardons plutôt le bilan et la trésorerie que le compte d'exploitation, pour mieux évaluer les moyens des nombreux opérateurs !
Je me suis engagé devant le comité d'audit et le Collège à ce que les comptes soient au moins équilibrés cette année. Nous aurions pu tirer plus tôt la sonnette d'alarme sur notre déficit structurel, mais nous avons retardé l'échéance car nous avions conscience que le niveau de la trésorerie était trop élevé. En termes de bonne gestion, le comité d'audit considère néanmoins que l'autorité doit disposer à tout moment d'une demi-année de fonctionnement en trésorerie, car nous n'avons pas d'activité commerciale. Compte tenu des textes applicables, l'Etat ne pourrait sans doute pas nous apporter une aide temporaire et nous partons du principe que nous devons fonctionner de manière autonome.
Il y avait en effet trop de trésorerie. Cette situation était liée au fait qu'une des autorités qui a précédé l'AMF était propriétaire d'un de ses immeubles, ce qui n'est plus le cas, et aux « années fastes » des opérations de marché, notamment en 2007 et 2008.
Fin mai de cette année, l'AMF employait 434 personnes, y compris les contrats à durée déterminée, et notre plan stratégique vise un plafond de 469 collaborateurs à la fin de l'année. Nous n'y parviendrons sans doute pas car nous faisons face à un important renouvellement, compte tenu de la reprise du marché du travail dans les secteurs de la finance et de l'informatique. Nous sommes donc confrontés à des difficultés non négligeables de recrutement.
Enfin, concernant le Luxembourg, les nouveaux mécanismes européens permettent désormais de contraindre les Etats membres à appliquer sérieusement les réglementations. Je ne serais pas étonné que l'AMF soit la première autorité nationale à s'en saisir.
Nous vous remercions de nous avoir éclairés lors de cette audition. Nous avons bien noté que les infrastructures de marché pouvaient constituer un investissement stratégique. S'agissant des dividendes, Jean-Pierre Fourcade faisait récemment remarquer que l'Etat et la Caisse des dépôts était trop exigeants à l'égard de certaines de leurs participations...
C'est un travers ancien !