La réunion

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Photo de Françoise Dumont

L'amendement COM-82 tend à supprimer l'article 40 ter, qui prévoit la remise d'un rapport annuel au Parlement sur le dispositif de réduction d'impôt applicable aux entreprises mettant à disposition des sapeurs-pompiers volontaires sur les horaires de travail. Or ce champ est déjà couvert par la demande de rapport prévue à l'article 40 bis. Il est préférable de ne pas superposer deux demandes de rapport sur les mêmes sujets et de retenir le rapport dont le périmètre est le plus important.

L'amendement COM-82 est adopté.

La proposition de loi est adoptée, à l'unanimité, dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

La réunion est close à 11 h 05.

 - Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 13 h 30.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Nous auditionnons le garde des sceaux, sur le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire. L'examen de ce texte interviendra en septembre prochain, d'abord en commission le 15 septembre, puis en séance publique les 28, 29 et 30 septembre. Agnès Canayer et Philippe Bonnecarrère comme rapporteurs. Nous sommes donc très intéressés à vous entendre, Monsieur le ministre, d'autant que ce texte arrive alors que vous engagez les États généraux de la justice - comment, en particulier, articulez-vous les deux démarches ?

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est un honneur de vous présenter un projet de loi longuement nourri de mes 36 années de barreau et qui vise l'un des principaux objectifs que je me suis fixé en venant à la Chancellerie : renforcer la confiance de nos concitoyens dans leur justice.

Nous le constatons tous, cette confiance, qui est pourtant au coeur de notre pacte républicain, se délite progressivement : aujourd'hui, dans la plupart des sondages, moins d'un Français sur deux dit avoir confiance dans la justice de son pays.

J'ai amplement exposé devant les députés mon analyse sur les causes de la défiance des Français envers l'autorité judiciaire : lenteur des procédures, insuffisance des moyens mais aussi méconnaissance du fonctionnement de la justice.

En plus du renforcement sans précédent des moyens donnés à la justice en 2020, ce projet de loi constitue le second pilier de mon action, à une époque où désinformation et opportunisme politique se conjuguent pour déstabiliser l'institution judiciaire, et à travers elle notre démocratie.

Ma première conviction, c'est qu'il faut que la justice se donne à voir pour être mieux comprise par nos concitoyens. Les débats récents sur la justice de notre pays nous ont montré à quel point cela était désormais indispensable. Pour apprécier leur justice, les Français doivent la connaître un minimum.

Pour cela, j'ai souhaité par ce projet de loi ouvrir les prétoires aux caméras, dans un double souci de transparence et de pédagogie. L'objectif est simple et clair : faire entrer la justice dans le salon des Français. Il ne s'agit en aucune manière d'une justice spectacle qui ne dirait pas son nom. Pour garantir l'utilité pédagogique et publique de ces enregistrements, la rédaction initiale prévoyait de nombreuses garanties, que vos collègues de l'Assemblée nationale ont renforcées. Par exemple, le texte dispose désormais expressément que la diffusion sera accompagnée d'explications pédagogiques sur le fonctionnement de la justice. De même, en amont de l'enregistrement, son autorisation, donnée par les responsables des juridictions, sera subordonnée à la démonstration d'un motif d'intérêt public.

Cette possibilité de filmer et de diffuser les débats doit aller de pair avec des garde-fous en temps réel lors du procès, afin de faire respecter la sérénité des débats, la présomption d'innocence, la sécurité des personnes, le droit à l'oubli, le respect de la vie privée, ou encore l'intérêt supérieur des mineurs ou des majeurs protégés. Tous ces motifs pourront justifier l'interruption de l'enregistrement à la demande du président de l'audience.

Parce que ces enregistrements ont vocation à être diffusés, il était important d'établir un certain nombre de garanties en aval. Leur diffusion ne pourra donc intervenir qu'après que la décision juridictionnelle est devenue définitive, et l'enregistrement des audiences non publiques ne pourra avoir lieu qu'avec l'accord des parties.

Toujours au stade de la diffusion, les personnes enregistrées feront l'objet d'une anonymisation automatique, que l'audience soit publique ou non, sauf si elles donnent leur consentement écrit qu'elles pourront également rétracter. Je tiens à préciser que les mineurs, les majeurs protégés et les membres des forces de l'ordre, dont les missions exigent pour des raisons de sécurité le respect de l'anonymat, seront quant à eux obligatoirement anonymisés, sans exception possible.

Par ailleurs, pour garantir le respect de ces règles, un délit spécifique a été créé en cas de violation de l'une d'entre elles par le diffuseur.

Nous avons veillé à ce que ce régime concilie le droit à l'information de nos concitoyens et la préservation des principes fondamentaux de la justice, tout en restant opérationnel pour les diffuseurs sans lesquels nous ne parviendrons pas à atteindre l'objectif ambitieux que nous nous sommes fixés : démocratiser la connaissance de notre justice.

Deuxième axe de la reconquête de cette confiance, je souhaite le renforcement des droits que la justice offre aux citoyens

Tout d'abord, les enquêtes préliminaires seront mieux encadrées afin d'offrir des garanties supplémentaires aux justiciables.

Je vous propose que la durée des enquêtes préliminaires de droit commun soit par principe limitée à deux ans, avec la possibilité, sur autorisation du procureur de la République, de la prolonger d'une année supplémentaire.

Un tel délai couvre 97 % des enquêtes de droit commun et cet encadrement permettra au ministère public d'exercer pleinement son rôle de directeur d'enquête, en contrôlant les investigations mais aussi leur rythme, comme il permettra à terme de réduire les stocks d'enquêtes qui restent en souffrance faute d'être traitées assez rapidement. L'introduction de ces délais ne concernera pas les stocks actuels et le recrutement massif de fonctionnaires, de contractuels ainsi que le développement de la politique pénale numérique seront autant de moyens pour réduire les délais.

Par exception, les délais d'enquête pourront être étendus à cinq ans pour tenir compte des affaires nécessitant des investigations particulièrement complexes ou portant sur les faits les plus graves, s'agissant du terrorisme et de la criminalité organisée.

Autre innovation proposée : l'enquête préliminaire pourra, en cas d'audition ou de perquisition, être ouverte au contradictoire après un délai d'un an. Les parties pourront ainsi avoir connaissance des investigations qui les concernent puisqu'on sait que la mise en cause médiatique attend rarement l'issue du jugement. Parallèlement, les sanctions encourues en cas de violation du secret de l'enquête ou de l'instruction seront renforcées afin de mieux protéger la présomption d'innocence.

Ensuite, pour améliorer le droit des justiciables et parce que c'est la marque d'une grande démocratie, il faut renforcer ce que j'ai souhaité appeler le secret professionnel de la défense. Il sera consacré dans le code de procédure pénale : les actes d'enquête diligentés à l'encontre d'un avocat seront plus strictement encadrés, avec l'intervention du juge des libertés et de la détention.

Enfin, c'est ma conviction profonde : il est indispensable que le peuple français ne soit pas seulement spectateur, mais acteur dans le jugement des crimes les plus graves.

Cela concerne les cours d'assises composées, comme vous le savez, à la fois de magistrats et de citoyens tirés au sort. Pour consacrer leur rôle et restaurer la souveraineté populaire, une décision de culpabilité ne pourra être prise qu'à la majorité du vote des jurés.

Pour que les cours d'assises jouent pleinement leur rôle dans les affaires les plus graves, il faut leur permettre de juger dans de meilleurs délais. La généralisation des cours criminelles départementales, dont magistrats et avocats soulignent la qualité, apportera cette plus-value.

D'après le rapport issu de la mission des députés Stéphane Mazars et Antoine Savignat mais aussi de l'évaluation réalisée par mes services, les cours criminelles départementales réduissent les délais d'audiencement, passant de treize à huit mois en moyenne, tout en permettant de reconnaître la véritable nature criminelle des faits poursuivis en n'ayant plus recours à leur correctionnalisation.

Je souhaite également expérimenter la participation de l'avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles dans la composition de la cour d'assises ou de la cour criminelle. Un court projet de loi organique est adossé au présent texte afin de définir les règles statutaires de cette nouvelle catégorie de juges non professionnels apportant toutes les garanties notamment d'indépendance.

Troisième ligne forte : il faut que nos concitoyens aient le sentiment qu'on a restauré le sens de la peine. Comme je l'ai constaté et dit à de multiples reprises, le dispositif actuel des réductions de peine est devenu incompréhensible pour nos concitoyens. La réforme que je vous propose vise à supprimer le caractère automatique des remises de peine et à s'appuyer sur le mérite, et par là j'entends la bonne conduite en détention ainsi que les efforts de réinsertion.

Ces réductions seront désormais accordées par un juge de l'application des peines, avec l'avis des personnels pénitentiaires qui voient leurs missions enrichies dans la charte que nous avons conclue avec les trois organisations syndicales les plus représentatives.

Ensuite, il s'agit également de repenser la détention provisoire en matière correctionnelle en favorisant l'assignation à résidence sous surveillance électronique pour les situations où elle est la plus pertinente. Le texte vise également à éviter les fins de peine sèches, ces sorties de prison sans aménagement de peine qui augmentent le risque de récidive.

Ainsi, la libération sous contrainte à trois mois de la fin de peine permettra de soumettre les personnes détenues à des obligations renforcées et à un suivi plus étroit pour, là encore, réduire le risque de récidive.

Dans cette même logique de prévention, je vous propose de créer un contrat entre le détenu qui travaille, les entreprises et l'administration, et de l'assortir d'un certain nombre de droits sociaux mobilisables dès la libération tels que l'assurance-chômage ou l'accès à l'assurance-vieillesse.

Enfin, comme l'a indiqué devant le Sénat le Premier ministre, la mesure de rappel à la loi a trop longtemps affaibli l'autorité de l'État. C'est pourquoi j'ai proposé de supprimer cette mesure et je vous proposerai de la remplacer par une mesure d'avertissement pénal probatoire, qui permettra une mise à l'épreuve et ne sera ainsi plus source d'un sentiment d'impunité.

Enfin, redonner confiance dans la justice, c'est redonner confiance dans les hommes et les femmes qui la font et y concourent. Or, la diversité et la complexité des régimes disciplinaires des professions du droit ont conduit à un traitement insatisfaisant des réclamations des usagers quand ils rencontrent une difficulté et à un contrôle disciplinaire défaillant. La refonte du système disciplinaire passe par la modernisation de l'échelle des peines et par la création de nouvelles juridictions disciplinaires composées de manière échevinale, c'est-à-dire de magistrats professionnels et de représentants des professions juridiques concernées.

Enfin, dès lors que les actes sont contresignés par les avocats des deux parties, le projet prévoit que le greffe pourra apposer une formule exécutoire sur les accords issus d'une conciliation ou d'une médiation, par exemple en matière de reconnaissances de dettes. Cela permettra une accélération majeure de nombreuses procédures aujourd'hui trop longues bien que pourtant simples et peu litigieuse.

Je vous sais particulièrement attachés à la qualité de la justice de notre pays et à l'amélioration de son fonctionnement, comme en témoignent les nombreux travaux déjà menés par votre commission mais aussi ceux à venir dans le cadre des États généraux de la justice.

Si la confiance est une idée noble, au fondement de notre contrat social, elle n'a de valeur que dans la pratique et le concret, au quotidien, lorsqu'elle améliore le fonctionnement de nos juridictions et change la vie de nos concitoyens. C'est pour ces raisons que la confiance ne se décrète pas, elle se construit patiemment, pas à pas, à force d'efforts conjugués et de moyens, dans la proximité et le quotidien. Vous le savez, il revient à mon ministère de tout mettre en oeuvre pour la faire vivre, c'est ce que je m'attache à faire depuis mon arrivée à la Chancellerie.

Une justice que l'on donne à voir à tous nos concitoyens, qui rend ses décisions plus rapidement, qui renforce la souveraineté du jury populaire, qui donne des garanties renforcées pour le respect des droits des justiciables, qui redonne tout son sens à la peine, une justice qui réinsère autant qu'elle punit, et qui renforce la discipline des professions du droit : voilà ce qui sous-tend cette réforme pour reconstruire, et j'assume le mot, l'indispensable lien de confiance entre l'institution judiciaire et nos concitoyens. Voilà l'ambition de ce texte, inscrite dans son titre même - et je ne doute pas que nos débats l'enrichiront encore de façon substantielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Ce texte affiche une ambition, mais il demeure assez flou sur la cohérence des mesures qu'il additionne, et sur la question des moyens. Sur sa mesure phare, l'enregistrement et la diffusion des audiences, nous avons entendu des interprétations variées. Le texte est rédigé en termes suffisamment généraux pour ouvrir toutes les possibilités d'enregistrement à visée pédagogique, ce qui s'entend. Cependant, ces enregistrements posent la question de l'accompagnement des professionnels de la justice face à des sociétés de production qui, pour faire de l'audimat, voudront faire ressortir les aspects émotionnels des procès, plutôt que pédagogiques : comment pensez-vous accompagner les professionnels de la justice dans cette situation ? Pourquoi, aussi, choisissez-vous d'inscrire la possibilité de l'enregistrement dans la loi alors que des autorisations sont déjà accordées au cas par cas par le ministère ?

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Quels procès pourra-t-on filmer ? Tous, parce que c'est important que nos concitoyens connaissent la justice dans son ensemble. Lors d'audiences, j'ai vu maints témoins répondre « votre honneur » au président qui les interrogeait, ce qui démontre une méconnaissance de la matière pénale et de la matière civile. L'écueil du spectacle que vous évoquez, nous y avons songé, et il n'est pas question de faire du trash. Nous posons des garde-fous. D'abord, la diffusion n'interviendra qu'une fois l'affaire définitivement jugée, pour éviter toute surenchère entre les médias et le tribunal. Je serai très attentif à la qualité du diffuseur, avec une préférence pour le service public. Il y aura un cahier des charges, une contrepartie financière, j'espère que l'audimat sera au rendez-vous, pour que la justice se fasse mieux connaitre.

Ensuite, toute diffusion d'images d'audience sera accompagnée d'une séquence pédagogique : il y aura sur le plateau un magistrat, un avocat, un policier, pour expliquer comment cela fonctionne. On pourrait envisager des thématiques, par exemple l'expertise ADN, avec des témoignages sur ce qu'on a appelé « la reine des preuves ». Autre exemple, la tutelle, qui est tout à fait méconnue.

Nous voulons éviter tout ce qui est spectaculaire, des précautions sont prises pour offrir une pédagogie de haute qualité. Du reste, les institutions sont nombreuses à rendre leurs débats publics, et non des moindres : le Conseil constitutionnel, la Cour pénale internationale, la Cour européenne des droits de l'homme, nous en étudions la possibilité pour la Cour de cassation et pour le Conseil d'État pour les questions sociétales - et, bien sûr, le Parlement lui-même rend ses débats publics, c'est une exigence de la démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Pourriez-vous par exemple conclure une convention avec France Télévisions ? Envisagez-vous également une diffusion des captations de procès sur le site du ministère ?

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Une convention avec France 2 pourrait être concevable. Je ne veux pas d'une émission juridique qui soit diffusée à la suite des « Marseillais » ou des « Anges de la télé-réalité », avec tout le respect que j'ai pour ces programmes. La justice, c'est sérieux. Aujourd'hui, tout cela se fait sans encadrement.

Je préfèrerais que soient diffusés des procès qui n'intéressent pas la presse d'ordinaire ; car les grands procès sont déjà couverts par les professionnels que sont les chroniqueurs judiciaires. Il serait bon de s'intéresser aux régions : la justice, en effet, est territorialisée, et chaque territoire a une criminalité spécifique.

Prenons l'exemple d'une émission consacrée à la détermination de la peine : je puis vous garantir que ceux qui la verront apprendront quelque chose sur les difficultés que cela présente, et se détourneront des caricatures habituelles sur le laxisme de la justice. Nous y gagnerons tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Merci d'avoir placé vos propos sous l'égide du pacte républicain.

Sur les causes du manque de confiance dans la justice, deux éléments ressortent des échanges avec les magistrats et nos concitoyens : les délais en matière de justice civile, et un sentiment - je dis bien un sentiment - d'impunité au sein de la population. Votre texte va-t-il contribuer à l'amélioration de la confiance, alors qu'il ne traite pas ces deux causes ?

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je ne partage pas votre avis. Ainsi, le texte prévoit que des accords entre avocats pourront recevoir force exécutoire. Pas moins de 186 000 décisions contentieuses sont rendues après les divorces. Beaucoup de ces affaires pourraient être réglées par un simple accord entre les parties. Un exemple : l'ex-mari partant à Bordeaux demande une garde alternée de deux semaines. Le droit en vigueur impose de saisir le juge. Le projet de loi autorisera un accord entre avocats, validé par le greffier, et d'application immédiate.

Nous y gagnerons du temps, de la confiance, et nous désengorgeons le contentieux civil, un des thèmes qui seront évoqués dans les États généraux de la justice.

De même, chaque acte pris dans le cadre de la protection des majeurs - signature de chèque, achat de machine à laver - nécessite une autorisation du juge. Ne peut-on pas simplifier tout cela ? Ce texte est une première marche, même si nous y reviendrons dans les États généraux de la justice.

Au titre de la justice de proximité, nous avons procédé au doublement des effectifs des délégués du procureur et redonné la priorité au traitement de la petite délinquance qui insupporte nos compatriotes. J'ai adressé aux juridictions une circulaire - dont le ton a pu être jugé comminatoire - définissant 350 infractions de proximité. Sur les rodéos urbains, nous sommes passés de 90 à 1 000 condamnations. J'ai également lancé un millier d'embauches supplémentaires, soit le plus grand plan en matière d'effectifs depuis au moins 25 ans.

Avec un taux de vacances de postes devenu presque nul, je commence à entendre un discours, certes minoritaire, qui met l'accent non plus sur le nombre de magistrats, mais sur l'équipe autour du juge. Un assistant permet au juge de rendre deux fois plus de décisions. J'ai fait expertiser la question par le président du tribunal judiciaire de Bobigny, qui avec les bâtonniers des grandes villes et les magistrats, a travaillé sur 47 mesures techniques de simplification, pour rendre des jugements rapides et ainsi satisfaire le justiciable.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Pourquoi avoir subitement supprimé le rappel à la loi lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale ? C'est pourtant une première réponse pénale largement utilisée par les parquets.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

C'est d'ailleurs pour procéder à ces rappels à la loi que les délégués du procureur avaient été recrutés.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il y avait un sentiment généralisé de son inefficacité. Lors du Beauvau de la sécurité, les syndicats de police ont expliqué, avec leurs mots parfois excessifs, la frustration qu'engendrait le fait d'arrêter trois, quatre fois la même personne qui s'en sortait avec un rappel à la loi. J'ai donc demandé aux procureurs, dans une circulaire, de ne plus l'utiliser. Il faut conserver une première réponse pénale, mais le rappel à la loi est devenu inadapté. Je préfère une sanction probatoire, ou un travail non rémunéré.

La loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale du 8 avril dernier repose sur le principe : « tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies », avec l'objectif d'une réponse instantanée. Le rappel à la loi, c'était plutôt « Même pas mal »... Ma ligne de conduite, c'est le pragmatisme et le bon sens.

Les élus sont satisfaits : j'ai reçu des témoignages en ce sens. Le rappel à la loi a vécu, il faut trouver d'autres modalités. J'écouterai vos propositions, car je suis avide de contradictoire et de co-construction.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Vous avez souligné l'augmentation du budget de la justice, dont nous vous donnons acte. Mais en même temps que les postes sont créés, que les tableaux des effectifs sont enfin complets, vous prévoyez de nouvelles réformes alors que les précédentes ne sont pas encore appliquées, que les logiciels métier ne seront pas en place, et vous remettez en tension le monde judiciaire.

Nous ne sommes pas opposés, sur le principe, à une limitation de la durée de l'enquête préalable à deux ans. Mais le nombre d'enquêtes en attente est de 200 000 à Marseille, 100 000 à Nanterre, 40 000 à Nice. Nous ne partageons pas les éléments fournis par le ministère de l'intérieur : il nous semble que beaucoup plus d'enquêtes se prolongent au-delà de deux ans, d'autant qu'il y a de moins en moins d'enquêteurs judiciaires. Après cette échéance, il faudra soit renvoyer devant la juridiction de jugement des dossiers pas forcément aboutis, soit plus probablement ouvrir des instructions, d'où de nouveaux besoins de postes. En considérant le détail de la réforme, nous constatons qu'elle implique des moyens, de la complexité supplémentaires. Il faudra ainsi de nouveaux postes de juges d'application des peines (JAP), les commissions de l'application des peines (CAP) dureront plus longtemps.

Ce texte porte des intuitions pertinentes, mais nous ne sommes pas certains que les moyens seront disponibles ; à tout le moins, leur déploiement sera décalé dans le temps. Pourquoi ne pas ménager un temps d'apaisement pour que la justice bénéficie de la montée en puissance du budget, plutôt que de remettre le système en tension, donnant au monde judiciaire l'impression que son destin est d'avoir la tête sous l'eau ?

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce monde judiciaire n'est pas d'un seul bloc... Pour ma part, j'entends aussi d'autres échos. Mes services - la direction des services judiciaires (DSJ), la direction des affaires civiles et du Sceau (DACS), la direction de l'administration pénitentiaire (DAP), la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) - ont conscience des conséquences des réformes, et peuvent m'en avertir.

D'abord, nous avons augmenté les effectifs des JAP. Ensuite, il y aura une seule CAP. Enfin, les JAP seront aidés par le « surveillant-acteur », conformément à une charte signée par les trois principales organisations syndicales - une première depuis vingt ans.

Les applicatifs seront mis en oeuvre au moment où nous aurons le sentiment que la réforme est applicable. Le contraire n'aurait aucun sens.

Sur les enquêtes préliminaires, nous avons la même source : le ministère de l'intérieur. En réalité, 3 % des enquêtes sont concernées, voire moins. Jusqu'en 1959, l'enquête préliminaire était appelée enquête officieuse. Elle n'est assortie ni de délais, ni de droits ; elle est à mes yeux contraire aux droits de l'homme. Un suspect peut rester jusqu'à quatre ans et demi - je puis vous en donner des exemples - sans savoir quel sera son sort, sans avoir accès à un procès-verbal ; il est parfois victime de fuites feuilletonnées dans la presse, sans pouvoir s'exprimer. C'est insupportable.

Nous avons réuni une commission sur la question, avec des représentants des forces de sécurité intérieure, des parquetiers, des juges du siège, des avocats, pour trouver un compromis acceptable. J'aurais souhaité aller plus loin, mais je suis pragmatique.

Une enquête préliminaire, ce n'est pas rien. Il est temps de dire qu'elle ne peut pas s'éterniser - avec des exceptions pour la criminalité organisée et le terrorisme. Elle basculera vers l'information judiciaire si cela se révèle nécessaire.

Je rappelle que les affaires en stock, pour reprendre la terminologie utilisée au ministère, resteront sous le régime de la loi en vigueur.

Lors d'un récent déplacement à Troyes pour présenter la procédure pénale numérique, j'ai assisté à une présentation de l'applicatif. Le temps gagné est considérable. La recherche dans un dossier sous forme papier se fait au doigt mouillé : il faut tourner les pages... Avec la procédure numérique, on utilise un moteur de recherche et un mot-clé. Les enquêteurs m'ont confirmé le temps gagné.

Nous allons ainsi améliorer les conditions de travail des policiers. Mes services n'ont aucune crainte : nous avons anticipé la question. La plus belle loi du monde n'a aucun intérêt si elle n'est pas applicable. Nous serons prêts.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Alors que vous nous présentez ce projet de loi qui porte un beau nom, vous fêtez votre première année de présence à la Chancellerie. Trois mois après votre arrivée, un premier décret paraissait, vous interdisant de connaître des actes de toute nature relevant des attributions du garde des sceaux, ministre de la justice, relatifs à la mise en cause du comportement d'un magistrat à raison d'affaires impliquant des parties dont vous auriez été l'avocat.

Le 17 décembre, un deuxième décret élargissait ce périmètre à l'entraide judiciaire internationale et à l'exécution des peines.

Le 8 janvier le procureur général près la Cour de cassation annonçait une ouverture d'information judiciaire à votre encontre, ouverture effective le 13 janvier.

Je vous avais alors demandé à quel stade de la procédure cela pourrait devenir un problème pour l'exercice de vos fonctions. Vous vous disiez, et vous vous dites toujours, serein.

Vous avez été mis en examen le 16 juillet, et je rappelle que la mise en examen suppose l'existence d'indices graves et concordants. Ceux qui l'ont fait ne sont pas d'affreux gauchistes tout juste sortis de l'école, puisqu'il s'agit de Mme Drai, qui préside la commission d'instruction à la chambre criminelle de la Cour de cassation, et de ses collègues.

Vous êtes en train de réaliser une performance artistique, de celles dont l'auteur est aussi l'objet de la performance. Les faits auraient été commis pendant que vous exerciez vos fonctions. En tant que ministre de la justice, vous avez une autorité hiérarchique sur les membres du parquet. Et pourtant, vous n'y voyez aucune difficulté. Vous dites : je tiens ma légitimité du Président de la République et du Premier ministre.

Je vous répète donc ma question : à quel stade cela deviendra-t-il problématique pour l'accomplissement de vos fonctions ? Cela le deviendra-t-il si vous êtes condamné ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L'expression est libre au sein de cette commission ; mais avez-vous des questions sur le texte ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Quelques jours après sa mise en examen, il n'est pas incongru d'interroger le ministre dans le cadre d'une audition parlementaire.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je m'attendais à votre question, que vous m'avez déjà posée. Voici quelques instants, nous parlions d'un principe cardinal, celui de la présomption d'innocence que, semble-t-il, vous avez oubliée...

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est vous qui donnez l'exemple parfait du hors-sujet !

Mais je vous répondrai courtoisement, en saisissant cette occasion pour remercier tous les parlementaires de la majorité, de l'opposition, qui m'ont apporté leur soutien en rappelant des principes élémentaires de notre démocratie.

Qu'il me soit permis de vous dire que ma responsabilité pénale n'est pas engagée dans cette affaire. Je conteste m'être rendu coupable de quelque infraction que ce soit.

En revanche, je vous dois, comme aux parlementaires, au Président de la République et au Premier ministre, de m'expliquer sur ma responsabilité politique. J'ai scrupuleusement suivi les indications du bureau de déontologie de la DSJ, qui m'a demandé de saisir l'inspection générale de la justice pour qu'il soit procédé à deux enquêtes administratives, dont le Conseil d'État rappelle constamment qu'elles ne font pas grief. C'est ce que tous les gardes des sceaux auraient fait avant moi, et ce que feront tous ceux qui me suivront.

Souffrez que je vous rappelle non pas les mots du Président François Hollande, trop désobligeants pour la magistrature, mais ses écrits. J'ai amélioré le budget de la justice, et l'ai défendue de toutes mes forces quand elle était attaquée - pas de manière corporatiste, à cela je ne pourrai jamais me résoudre, mais de manière républicaine. Je le ferai chaque fois que cela sera nécessaire.

Je n'ai pas grâce à vos yeux, vous qui cherchez la polémique ; mais j'ai fait ce que n'importe quel garde des sceaux aurait fait à ma place.

Vous attribuez aux magistrats que vous avez cités les qualités permettant de mieux stigmatiser les actes que j'aurais commis. Non seulement j'ai reçu des recommandations du bureau de déontologie, mais aussi de l'un des plus hauts magistrats de ce pays.

Je pensais vous avoir répondu ; vous avez trouvé l'occasion trop belle pour faire de la politique politicienne. Je vous répondrai à nouveau de la même façon. Je ne reviendrai pas sur les détails, je l'ai fait quand j'ai été entendu par les magistrats.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Nous avons été informés que les enquêteurs financiers, qui dépendent certes du ministère de l'intérieur, ne sont pas assez nombreux, particulièrement en province. Ne faudrait-il pas en conséquence prévoir des règles spécifiques pour ces enquêtes ? De plus, les délinquants sont plus mobiles que les policiers, qui perdent souvent beaucoup de temps lorsqu'ils doivent interroger des témoins en dehors de leur ressort. N'est-il pas possible de faciliter ces auditions ?

Étant très attachée au traitement criminel des violences sexuelles, je salue le travail des cours criminelles départementales en cours d'expérimentation, que vous souhaitez généraliser. Mais les magistrats ne pourront siéger à la fois aux assises et dans les cours criminelles. Celles-ci, qui jugent plus vite, ne risquent-elles pas de remplacer, à terme, les cours d'assises ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Nous allons bientôt examiner à nouveau le projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, dont l'article 15 serait, d'après certains procureurs, insuffisamment robuste, en particulier dans le cadre des enquêtes contre la criminalité organisée, au regard de la récente décision de la Cour de justice de l'Union européenne sur la possibilité de faire des réquisitions sur la base de liens de connexion. Après le vote de cet article 15, faudra-t-il y revenir au niveau européen ?

Par ailleurs, ne pensez-vous pas, au vu du manque de confiance des Français dans la justice, que l'enseignement des principes généraux du droit devrait être intégré dans les programmes dès le collège ? Il est impossible de construire la confiance sans compréhension du fonctionnement de l'institution.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Lherbier

Les enregistrements d'audiences seront-ils archivés, et pour combien de temps ? Je suis persuadée que les enseignants et les universitaires sauront utiliser avec profit ces documents visuels.

Le manque de confiance des Français dans la justice vient aussi du fait que les plus vulnérables sont mal protégés. La justice n'est par exemple pas toujours assez réactive contre les violences intrafamiliales. Il faut y faire attention, parce que les associations de protection de l'enfance ont besoin, pour travailler efficacement, de pouvoir s'appuyer sur les décisions d'un juge. Une convention conclue entre avocats ne peut se substituer à l'intervention du juge pour cette mission de protection.

Les rappels à l'ordre par les élus pourraient être généralisés : les adjoints à la sécurité, bien au fait de ce qui se passe dans leur ville, et qui travaillent avec la police et la gendarmerie dans les cellules de veille, savent reprendre un enfant avant qu'il ne dérive.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Le projet de loi envisage des réductions de peine plus faibles lorsque la victime est une personne dépositaire de l'autorité publique. Cela pourrait-il aussi être envisagé pour les auteurs de violences conjugales ou sur mineur ?

En outre, passer à une majorité de six à sept sur neuf pour prononcer la culpabilité aux assises ne risque-t-il pas de faire augmenter le nombre d'acquittements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dany Wattebled

Nous ne sommes pas en commission d'enquête, et je suis attaché à la présomption d'innocence. Clouer une personne au pilori est une entrée en matière assez regrettable quand on discute d'une réforme.

Comment accélérer les délais de procédure ? Le problème, c'est la ligne sinueuse jusqu'au tribunal, qui peut prendre deux, trois, jusqu'à dix ans par le jeu des appels et des pourvois. Nos concitoyens attendent simplement une justice rendue dans des délais raisonnables.