Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 5 octobre 2007 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • APE
  • EADS
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La réunion

Source

La commission a procédé à l'audition de MM. Thierry Breton, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Luc Rémont, ancien directeur-adjoint du cabinet du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Denis Samuel-Lajeunesse, ancien directeur général de l'Agence des participations de l'Etat (APE), de Bruno Bézard, directeur général, et de M. Jean-Yves Leclercq, sous-directeur, sur les conditions d'évolution de l'actionnariat d'EADS.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

après être brièvement revenu sur le contexte et les délais très brefs dans lesquels cette audition avait été organisée, a rappelé la teneur des informations récemment publiées, relatives à l'actionnariat d'European aeronautic defence and space company (EADS) et à l'enquête en cours de l'Autorité des marchés financiers (AMF) sur les conditions entourant des opérations réalisées en 2006 sur des titres de cette société.

Il a justifié l'initiative de la commission par le fait que l'Etat était actionnaire indirect et minoritaire d'EADS, puis précisé que l'objet de l'audition se limitait aux rôles joués par l'Etat et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) dans l'évolution récente de la structure de l'actionnariat d'EADS, sans concerner les transactions réalisées par des actionnaires privés, ni l'enquête de l'AMF. Il a ainsi fait valoir que la commission entendait éclairer le débat à propos d'une question de « gouvernance publique ».

est revenu sur la composition et les grandes étapes de l'évolution du capital d'EADS durant le premier semestre 2006. Il a ensuite rappelé que le groupe Lagardère avait procédé, en avril 2006 et par l'intermédiaire de la banque d'investissement Ixis CIB, à la cession de 7,5 % du capital qu'il détenait, avant de préciser que cette cession s'était opérée au travers d'un mécanisme d'obligations remboursables en actions EADS.

Il a alors fait observer que cette cession s'était déroulée sur la base d'un cours de référence de 32,60 euros l'action, correspondant au cours autour duquel évoluait l'action jusqu'en avril 2006, puis a souligné que le titre avait perdu 26 % de sa valeur, le 14 juin 2006, au lendemain de l'annonce d'un retard important dans la livraison de l'A380.

Après avoir rappelé la composition de l'actionnariat d'EADS au 3 juillet 2007, M. Jean Arthuis, président, a souhaité que la commission soit successivement éclairée sur les raisons pour lesquelles il avait été recouru à une émission d'obligations remboursables en actions plutôt qu'à une cession d'actions vives, ainsi que sur les motifs qui avaient conduit la CDC à accroître substantiellement sa participation au capital d'EADS. Il a enfin souhaité savoir dans quelle mesure les représentants de l'Etat au conseil d'administration de la société de gestion de l'aéronautique, de la défense et de l'espace (SOGEADE) avaient eu à se prononcer sur le principe et les modalités de la cession des titres détenus par le groupe Lagardère.

a conclu son propos liminaire en souhaitant que le destin de l'entreprise soit isolé de celui des actionnaires mêlés au soupçon qu'avait fait naître le pré-rapport de l'AMF, et en rendant hommage au travail accompli par M. Louis Gallois, ses collaborateurs et les sous-traitants du fleuron de la technologie et de l'industrie européennes qu'était Airbus.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

a fait valoir qu'il avait souhaité répondre sans délai à la convocation de la commission. Après avoir indiqué qu'il mesurait l'émotion immense qui pouvait saisir l'opinion, les salariés et les clients d'EADS, il s'est engagé à apporter toute la clarté et la transparence sur le rôle de l'Etat. Il a ajouté que son ministère avait tenu une conduite irréprochable et s'est dit choqué du traitement infligé à l'Etat dans ce contexte.

Il a souhaité évoquer successivement les modalités de la participation indirecte de l'Etat au capital d'EADS, les conditions de cessions des titres détenus par le groupe Lagardère, ainsi que la nature de ses relations avec la CDC.

a rappelé que la négociation du pacte d'actionnaires menée en 1999 et 2000 par ses prédécesseurs, MM. Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius, s'était déroulée dans le cadre de relations difficiles avec la partie allemande, le groupe Daimler ne souhaitant pas que l'Etat français participe au capital du nouveau groupe aéronautique. Il a expliqué qu'il en était résulté un mécanisme complexe où l'Etat ne constituait qu'un actionnaire indirect, agissant via la holding SOGEADE.

Il a ainsi fait valoir que l'Etat était privé de la capacité d'influencer la gestion du groupe et que ses prérogatives étaient limitées à la seule sauvegarde de sa participation patrimoniale. Il a ajouté que les quatre administrateurs représentant SOGEADE au conseil d'administration d'EADS ne pouvaient être des fonctionnaires en exercice et étaient proposés par le groupe Lagardère, l'Etat ne disposant que d'un droit de veto. Il a enfin affirmé s'être plaint, à l'époque, de ce que l'Etat ne puisse constituer un actionnaire direct, situation qu'il a jugée sans précédent.

a rappelé que le groupe EADS n'avait communiqué les retards affectant le programme A380 qu'en juin 2006. Il a fait valoir que MM. Manfred Bischoff, Arnaud Lagardère et Noël Forgeard lui avaient toujours assuré que ces retards étaient habituels et que le management du groupe se mobiliserait pour les résorber. Il a précisé à la commission que MM. Manfred Bischoff et Arnaud Lagardère lui avaient annoncé, au mois de novembre 2005, leur intention éventuelle de céder conjointement une partie de leur participation, et qu'il leur avait fait immédiatement part de sa très grande réserve quant à cette cession, qui ne manquerait pas d'avoir des répercussions négatives pour les salariés, les clients, les fournisseurs et les marchés.

a indiqué que la démarche de MM. Manfred Bischoff et Arnaud Lagardère résultait du pacte d'actionnaires, aux termes duquel les parties devaient s'informer mutuellement de leur intention de céder des titres, afin de permettre aux autres actionnaires de les préempter ou d'opérer des cessions similaires. Il a fait valoir, alors, que l'Etat français ne serait pas en mesure de préempter les titres cédés, dans la mesure où le pacte lui interdisait de détenir plus de 15 % du capital d'EADS.

a déclaré qu'à l'issue de cet entretien, il n'avait pas eu le sentiment que la décision des actionnaires industriels était prise. Il a ajouté que, dans ce contexte, l'Etat ne pouvait accroître sa participation pour les raisons qu'il avait précédemment évoquées, mais qu'il ne souhaitait pas non plus la diminuer, à la fois pour des raisons stratégiques et parce qu'il ne convenait pas de donner le sentiment de se désengager du groupe. Après avoir rappelé que l'Etat n'avait finalement cédé aucune de ses actions, il a qualifié son attitude d'exemplaire.

a ensuite indiqué avoir reçu une note datée du 20 janvier 2006 de M. Denis Samuel-Lajeunesse, alors directeur général de l'APE, précisant que celle-ci étudiait l'opportunité d'une cession d'actions du groupe EADS par l'Etat sur la base de l'évolution du cycle du secteur de l'aéronautique et des rumeurs de désengagement des actionnaires industriels. Il a souligné qu'il n'était fait aucune mention, dans cette note, des retards du programme de l'A380. Il a affirmé avoir réitéré sa position de maintien de la participation de l'Etat dans le capital d'EADS, de même qu'en mars 2006, lorsqu'il a été informé par M. Luc Rémont, qui était alors son directeur-adjoint de cabinet, que les groupes Lagardère et DaimlerChrysler allaient céder 7,5 % des actions du groupe quelques jours plus tard.

Puis M. Thierry Breton a évoqué l'acquisition d'actions d'EADS par la CDC. A cet égard, il a expliqué que le ministre des finances n'a aucun pouvoir sur les décisions d'investissement de la Caisse, celle-ci ne rendant compte qu'à sa commission de surveillance, et qu'en conséquence il n'avait jamais donné à la CDC la moindre instruction en la matière quand il était ministre.

Il a indiqué avoir appris la décision de la CDC d'acquérir 2,25 % du capital d'EADS par M. Luc Rémont en avril 2006, celui-ci tenant lui-même son information de la presse. Il a déclaré ne « vraiment pas avoir été content », non pour des raisons patrimoniales mais par crainte que les partenaires allemands d'EADS n'y voient un contournement de l'esprit du pacte d'actionnaires.

a enfin affirmé avoir été prévenu des retards du programme de l'A380 la veille de l'annonce publique du groupe EADS, soit le 12 juin 2006.

Debut de section - Permalien
Bruno Bézard

a remercié la commission d'avoir associé l'APE à cette audition, ce qui lui permettrait de rétablir quelques vérités malmenées depuis 48 heures. Il a rappelé que l'APE est une agence placée sous l'autorité du ministre des finances et chargée de veiller aux intérêts patrimoniaux de l'Etat dans les entreprises au capital desquelles il est présent. Il a souligné qu'EADS échappait à toutes les règles de gouvernance habituelles de l'APE du fait des procédures mises en place par un pacte d'actionnaires dont le but est précisément, selon lui, de tenir l'Etat à distance du contrôle du groupe. Pour illustrer son propos, il a expliqué que l'APE avait participé, en 2006, à plus de 500 réunions de conseils d'administration ou de comité d'audit, dont aucun concernant EADS. Compte tenu de cette situation particulière de l'entreprise vis-à-vis de l'APE, il a dès lors fait état de sa surprise à la lecture d'articles de presse selon lesquels l'Etat aurait pu détenir des informations privilégiées et agir sur leur fondement.

Revenant ensuite sur la chronologie des événements, il a confirmé que l'APE avait rencontré EADS, notamment M. Noël Forgeard, alors co-président d'EADS, le 2 décembre 2005, et relaté qu'aucune information sur un possible retard du programme de l'A380 ne lui avait alors été livrée. Il a par ailleurs indiqué que l'APE n'avait appris pour la première fois la possibilité de « difficultés industrielles » sur le programme A380 que le 18 mai 2006, lors d'une réunion avec des dirigeants français d'EADS, qui n'en avaient toutefois précisé ni l'ampleur ni les conséquences.

S'agissant de la note rédigée à l'attention de M. Thierry Breton, alors ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qu'il a remise aux sénateurs présents, M. Bruno Bézard a expliqué qu'il relevait de la mission de l'APE de veiller à la bonne valorisation des participations de l'Etat et de faire des recommandations au Ministre lorsqu'elle juge que les marchés valorisent bien ces entreprises, le ministre étant le seul décideur. Il a résumé cette note en indiquant qu'elle expliquait que le secteur aéronautique se situait, selon le sentiment général des analystes du secteur, en haut de cycle et que, le marché anticipant un ralentissement, il pouvait être opportun pour l'Etat de céder une partie de ses actions. Il a de nouveau exprimé avec force qu'aucun élément concernant un possible retard du programme A380 n'y figurait, l'APE n'en ayant alors aucune connaissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

En réponse à M. Jean Arthuis, président, qui l'interrogeait sur la connaissance par l'APE du tissu des sous-traitants d'Airbus, il a déclaré qu'ils n'étaient évidemment pas dans le périmètre de l'APE, mais que cette dernière s'efforçait, pour EADS comme pour les autres entreprises suivies par l'APE, de suivre le secteur dans lequel elle opère.

Debut de section - Permalien
Bruno Bézard

En conclusion, M. Bruno Bézard a estimé que certaines allégations étaient à la fois mensongères et potentiellement diffamatoires à l'égard de l'APE, et il a rappelé que l'Etat n'a pas accès au conseil d'administration et est tenu à l'écart des flux d'information, et que par ailleurs il n'a procédé à aucune cession de titres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

a souhaité avoir des précisions sur les deux lignes manuscrites ajoutées à la fin de la note du 20 janvier 2006, signée par M. Denis Samuel-Lajeunesse, alors directeur général de l'APE : « Il me paraît important que les actionnaires se déterminent rapidement, les bruits actuels risquant de peser sur le cours du titre ».

Debut de section - Permalien
Denis Samuel-Lajeunesse

a regretté le procès d'intention fait à l'APE. Rappelant les relations spécifiques de l'agence avec EADS, il a précisé que les réunions avec les dirigeants s'inscrivaient davantage dans le cadre de visites de courtoisie que dans un processus formalisé de « reporting ». Il a affirmé que, lors de la réunion qui s'était tenue avec M. Noël Forgeard, ancien coprésident exécutif d'EADS, le 2 décembre 2005, aucune difficulté d'industrialisation de l'A380 n'avait été mentionnée. Il a fait observer, par ailleurs, qu'il n'avait jamais rencontré le directeur financier d'EADS, le travail de l'APE s'appuyant principalement sur la lecture des rapports d'analystes et de la presse. Faisant part de sa volonté de défendre l'intégrité des équipes de l'agence, il a également estimé que la présente affaire portait préjudice à l'image de la France auprès des investisseurs internationaux.

S'agissant de la note du 20 janvier 2006, il a expliqué qu'il était du devoir de l'APE de s'interroger périodiquement sur l'évolution de la participation de l'Etat en fonction de l'évolution des marchés. Il a précisé que ladite note revêtait un caractère extrêmement technique, basé sur l'analyse des marchés. Il a indiqué avoir ajouté cette phrase manuscrite, car il était de notoriété publique que les actionnaires industriels, qui s'étaient exprimés en ce sens dans la presse, réfléchissaient à une éventuelle cession, ce qui pouvait influencer le cours du titre et impacter négativement la valorisation de l'entreprise. Il a ajouté que de nombreuses banques d'investissement avaient approché l'APE au cours des mois précédents, en lui faisant part des réflexions en cours, selon elles, de la part des actionnaires industriels.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

a souhaité se faire confirmer que « les bruits » mentionnés dans ladite note ne concernaient pas des difficultés d'industrialisation mais des éventuelles cessions de titres.

Debut de section - Permalien
Denis Samuel-Lajeunesse

a confirmé l'interprétation du président, précisant qu'aucune difficulté d'industrialisation n'avait été portée à la connaissance de l'APE avant la réunion du 18 mai 2006.

a insisté sur le fait que la note du 20 janvier 2006 était abordée sous un angle patrimonial, et prenait en compte les contraintes afférentes au pacte d'actionnaires. Il a indiqué, à cet égard, que la réponse du ministre, c'est-à-dire le maintien à un même niveau de la participation de l'Etat, avait été rapide.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

a tout d'abord souhaité rappeler le calendrier des différents événements. Il a, en premier lieu, fait état de la réunion tenue en novembre 2005 entre le ministre de l'économie et les industriels au cours de laquelle les conditions du désengagement desdits industriels auraient été actées.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

a souhaité corriger le terme employé par M. Philippe Marini, dans la mesure où les éventuelles cessions d'une partie du capital par les industriels n'avaient été qu'évoquées, aucune décision n'ayant été prise au cours de cette réunion qui, selon lui, s'apparentait à une réunion de sensibilisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

a souhaité savoir précisément à quelle date les conditions de sortie des investisseurs industriels avaient été actées par l'Etat et, plus précisément, à quelle date la SOGEADE, lieu d'exercice du pacte d'actionnaires, avait délibéré sur ces conditions.

Debut de section - Permalien
Luc Rémont

a noté que les modalités de cession avaient été abordées, pour la première fois, au cours d'un entretien au cabinet le 8 mars 2006 avec un représentant de Lagardère, une réunion formelle s'étant ensuite tenue le 20 mars 2006 en présence de l'APE pour instruire les modalités présentées par les investisseurs industriels. Il a ensuite indiqué que le conseil d'administration de la SOGEADE s'était réuni le 3 avril 2006 afin de prendre acte de la notification d'intention de cession de parts du capital par les industriels. Il a ajouté que les représentants de l'Etat au sein de ce conseil d'administration avaient fait valoir que l'Etat ne préempterait ni ne cèderait des actions.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

a demandé à M. Luc Rémont si l'Etat avait la possibilité de s'opposer ou non à cette cession, question à laquelle M. Luc Rémont a répondu par la négative.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

a ensuite abordé les conditions techniques de la sortie des deux actionnaires industriels, constatant que celles-ci avaient été dissymétriques :

- d'une part, le choix complexe du groupe Lagardère ayant privilégié une émission d'obligations investies en actions, pour préserver le droit de vote du groupe pendant la période de transition, et permettant également un traitement fiscal optimisé, ainsi qu'une opération sans risque, quelle que soit l'évolution du cours des titres d'EADS jusqu'en juin 2009 ;

- d'autre part, le choix du groupe DaimlerChrysler d'une sortie par cession pure et simple des titres sur le marché.

Il a souhaité savoir à quelle date ces modalités avaient été approuvées et si un service particulier du ministère de l'économie et des finances, la direction de la législation fiscale (DLF) ou la direction générale des impôts (DGI) par exemple, avait été mobilisé.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

a répondu que les modalités de sortie des actionnaires n'avaient pas été portées à sa connaissance, ni, selon lui, instruites par un quelconque service du ministère.

Debut de section - Permalien
Bruno Bézard

a indiqué que le travail de l'APE avait consisté à examiner les termes de l'opération au regard du pacte d'actionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

s'est interrogé sur l'étalement dans le temps de la cession du groupe Lagardère. En réponse, M. Luc Rémont a indiqué qu'il n'avait pas à examiner les motivations des conditions de cession mais seulement la compatibilité des cessions proposées avec le pacte d'actionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

a ensuite donné acte aux différents intervenants de l'absence de mention de difficultés d'industrialisation dans la note du 20 janvier 2006, qui est une note d'analyse financière et stratégique. Toutefois, il a relevé, page 2 de ladite note, que l'APE avait précisé « que d'un point de vue patrimonial, il paraît dans ces conditions opportun d'envisager - comme semblent le faire les autres actionnaires de référence - une réduction de l'exposition de l'Etat au titre EADS ». Il s'est félicité de cette approche patrimoniale qui nécessitait d'être développée dans notre pays.

a rappelé qu'il siégeait au titre du Sénat à la Commission de surveillance de la CDC et, qu'à ce titre, il avait cherché les différents procès-verbaux de leurs séances. Il a relevé que :

- le 26 avril 2006, lors d'un point d'actualité, M. Francis Mayer, alors directeur général de la CDC, avait informé les membres de la Commission de surveillance de l'augmentation de la participation de la CDC dans le capital d'Eiffage et d'EADS ;

- le 21 juin 2006, M. Philippe Auberger, alors président de la Commission de surveillance de la CDC a évoqué les turbulences touchant le groupe EADS ayant conduit l'AMF à ouvrir une enquête, et a souhaité confier une mission d'étude à M. Pierre Hériaud, président du comité d'examen des comptes et des risques, concernant l'opération d'acquisition par la CDC de 2,25 % du capital d'EADS antérieure auxdites turbulences ;

- le 12 juillet 2006, une réunion de travail s'était tenue sur la note demandée, au cours de laquelle il a été dit, comme l'atteste le procès-verbal, que « dans le cadre des dispositions prévues dans le pacte d'actionnaires, l'Etat avait autorisé la CDC à procéder à cette acquisition ».

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

a souhaité rectifier les propos de M. Philippe Marini, rapporteur général, en précisant que les opérations de cession n'avaient pas été approuvées par l'Etat et n'avaient pas à l'être. Il a indiqué qu'il était important de mentionner que M. Dominique Marcel, alors directeur financier du groupe CDC, avait expliqué, au cours de cette réunion du 12 juillet 2006, que l'Etat n'avait « à aucun moment demandé à la Caisse des dépôts et consignations de se porter acquéreuse des titres concernés [d'EADS] pour préserver l'équilibre franco-allemand », comme le mentionne le procès-verbal. Il a répété que cette prise de participation supplémentaire par la CDC l'avait placé dans une situation embarrassante au regard du pacte d'actionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

a confirmé ce fait dans la mesure où certains observateurs étaient convaincus qu'il s'agissait d'une « intervention en sous-main » de l'Etat. Il s'est ensuite interrogé sur le caractère paradoxal d'une situation où étaient constatées, d'une part, la préconisation d'une réduction de l'exposition de l'Etat au sein d'EADS et, d'autre part, un investissement à hauteur de 600 millions d'euros par la CDC dans le capital de cette même entreprise. Il a estimé que ces faits soulevaient des questions et témoignaient d'une certaine ambiguïté qui était au coeur du débat actuel. Il a interrogé précisément M. Bruno Bézard afin de savoir si, au cours de ces mois de l'année 2006, il avait eu des contacts avec la CDC, question à laquelle M. Bruno Bézard a répondu par la négative.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

a relevé que la Commission de surveillance de la CDC ne s'était pas réunie avant la cession des titres, mais trois semaines après celle-ci. Il a jugé que cela posait un problème de gouvernance, d'autant plus qu'au cours de cette réunion M. Francis Mayer, alors directeur général de la CDC, n'avait fait qu'informer la Commission de l'augmentation de la participation de la CDC au capital d'EADS, arguant d'une sous-pondération de celle-ci. A cet égard, M. Thierry Breton a plaidé pour une information préalable du ministre de l'économie et des finances à l'avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

a confirmé que la gouvernance de la CDC, à la lumière de la présente affaire, constituait une vraie question.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

a considéré que la gravité de la situation comme l'importance des enjeux industriels et stratégiques d'EADS justifiaient pleinement cette audition, dont il a salué la mise en place. Evoquant l' « écoeurement » des salariés confrontés à la rigueur du plan Power 8 face aux soupçons de délit d'initié, il s'est demandé pour quelles raisons M. Thierry Breton, en tant que ministre chargé de l'industrie, n'avait pas été tenu davantage informé de l'évolution d'un des plus grands groupes industriels français. Il a estimé que les membres de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations avaient également manqué de réactivité. Il a fait référence aux dispositions du projet de loi de finances pour 2008 qui tendaient, selon lui, à assouplir les conditions de détention de titres.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

a, de nouveau, déclaré partager l'émotion des salariés et que l'Etat avait eu, à ses yeux, un comportement irréprochable dans un contexte difficile. Il a rappelé avoir plaidé pour qu'EADS dispose des moyens financiers de son développement et que l'Etat s'était dit prêt à accompagner le développement de l'entreprise lors d'une éventuelle augmentation de capital, et avait, de ce fait, tenu un discours très différent de celui d'autres partenaires industriels.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Après avoir remercié M. Jean Arthuis, président, pour sa réactivité dans l'organisation de cette audition, M. Thierry Breton pour avoir opportunément rappelé le contexte politique qui avait présidé à la conclusion du pacte d'actionnaires avec la partie allemande, et M. Bruno Bézard pour avoir communiqué la note de l'APE du 20 janvier 2006, Mme Nicole Bricq a demandé s'il était possible d'obtenir communication du procès-verbal du conseil d'administration de SOGEADE qui s'était tenu le 3 avril 2006. Elle a jugé que les représentants de l'Etat n'étaient certes pas fondés à donner leur accord à une diminution de la participation de Lagardère SCA, mais que pour autant, ils auraient au moins dû tenter, dans le cadre du fonctionnement normal d'un conseil d'administration, de dissuader cette société de vendre une partie de ses titres.

Evoquant les clauses contractuelles de préemption et de plafonnement à 15 % de la participation indirecte de l'Etat dans EADS, elle s'est demandé si M. Thierry Breton avait engagé des discussions avec DaimlerChrysler pour renégocier le pacte d'actionnaires et permettre à l'Etat d'exercer son droit de préemption. Puis, se fondant sur l'analyse économique et financière figurant dans la note de l'APE du 20 janvier 2006, et en particulier aux mentions de la « nécessité de maintenir un niveau de R&D plus élevé que prévu » et de « l'incertitude sur l'évolution du résultat d'exploitation à partir de 2008 », elle a déduit que l'Etat avait vraisemblablement, début 2006, une certaine connaissance des difficultés du programme de l'Airbus A380.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

a indiqué qu'il avait proposé une évolution du pacte d'actionnaires à la partie allemande, qui l'avait écartée. Il a ajouté que l'acquisition de la CDC n'avait certes pas contribué à conforter la perception, par l'actionnaire allemand, du respect de l'esprit du pacte par les actionnaires publics français.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Leclercq

a indiqué avoir participé, en sa qualité de représentant de l'Etat, au conseil d'administration de SOGEADE le 3 avril 2006, et a précisé que l'objet de cette réunion n'était pas d'autoriser la cession décidée par le groupe Lagardère, mais de « purger » les droits de préemption et de sortie conjointe dont disposait l'Etat, conformément aux statuts de la holding SOGEADE. Il a indiqué qu'à compter du moment où ces droits étaient purgés, les statuts de SOGEADE imposaient de droit la cession des titres par la société au profit de Lagardère, qui revêtait ainsi un caractère automatique.

Après que M. Jean Arthuis, président, eut demandé à pouvoir disposer d'une copie du procès-verbal de cette réunion, M. Jean-Yves Leclercq a ajouté que le président du conseil d'administration de SOGEADE, M. Pontet, avait exprimé le souhait que la cession de la moitié de la participation de Lagardère SCA ne puisse être interprétée par le marché comme un signal de défiance de la part des actionnaires industriels.

Debut de section - Permalien
Bruno Bézard

En réponse à une question de Mme Nicole Bricq relative à la référence aux frais de R&D figurant dans la note considérée, M. Bruno Bézard a indiqué que les appréciations portées dans la note de l'APE du 20 janvier 2006 sur le niveau de recherche et développement étaient motivées par une analyse unanime du marché sur, notamment, le besoin de renouvellement des gammes et les imperfections du « mix-produits ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

s'est référé aux termes de la note, exposant les motivations d'optimisation fiscale susceptibles d'animer les actionnaires Lagardère et DaimlerChrysler et de les inciter à recourir à une émission d'obligations remboursables en actions pour céder leurs titres. Une telle opération, selon lui, requérait dès lors une contrepartie acheteuse « compréhensive ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

a ajouté que les explications, figurant dans la note du 20 janvier 2006, sur une possible optimisation fiscale des coactionnaires témoignaient d'un niveau d'information élevé de l'APE. Il s'est ensuite demandé s'il était possible qu'une opération telle qu'une émission d'obligations remboursables en actions puisse être structurée sans disposer concomitamment d'un acheteur et d'un vendeur.

Debut de section - Permalien
Bruno Bézard

a précisé que ce type de produit « hybride » était fréquemment proposé par les banques d'affaires, que c'était un compartiment du marché des capitaux et qu'à cet égard, l'APE avait été régulièrement sollicitée pour émettre de tels instruments, sans toutefois y donner suite.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

a ensuite indiqué que, selon une boutade d'un haut responsable d'Airbus lors du premier vol de l'A380, Airbus risquait alors de bientôt perdre de l'argent à chaque avion construit. Bien que reconnaissant que ces propos avaient été tenus du fait de l'évolution de la parité euro / dollar, il a cependant estimé que certains signes laissaient alors craindre des difficultés imminentes quant à la santé financière d'EADS. Il a donc interrogé M. Thierry Breton sur les questions que celui-ci avait posées aux dirigeants de Lagardère et de DaimlerChrysler venus lui signifier leur intention de vendre des actions d'EADS. Il lui a demandé si la note rédigée deux mois après par l'APE était la réponse aux interrogations qu'il aurait pu avoir sur l'avenir d'EADS, après l'annonce des intentions de vente de deux des principaux actionnaires.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

En réponse, M. Thierry Breton a rappelé que la note rédigée par l'APE relevait du devoir de cette agence. Il a précisé que M. Denis Samuel-Lajeunesse, alors directeur général de l'APE, savait que, en sa qualité de ministre, il voyait un intérêt stratégique dans la participation de l'Etat dans EADS, et ne souhaiterait donc pas que celui-ci réduise sa participation. Il a ensuite reconnu que l'évolution de la parité euro/dollar avait une influence forte sur les résultats d'Airbus et d'EADS. Il a enfin rappelé qu'il avait émis, lors de la réunion précitée de novembre 2005 avec les dirigeants de DaimlerChrysler et de Lagardère, de fortes réserves quant à leur souhait de céder une part de leur capital.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

a remercié M. Jean Arthuis, président, d'avoir ouvert cette audition aux sénateurs non membres de la commission. Il a précisé qu'il ne souhaitait pas que l'Etat se voie reprocher ce qui ne devait l'être qu'aux investisseurs privés, et a pris acte des déclarations de MM. Thierry Breton, Luc Rémont, Denis Samuel-Lajeunesse et Bruno Bézard. Il s'est toutefois étonné de ce que, lors de la rencontre précitée entre M. Thierry Breton et les dirigeants des groupes Lagardère et DaimlerChrysler, ceux-ci n'aient justifié leur intention de céder des participations que par la volonté de recentrage de leurs maisons-mères, et non par les difficultés rencontrées par EADS. Il a estimé que, dans le cas où l'instruction de l'AMF actuellement en cours révèlerait leur connaissance, à cette époque, des difficultés d'EADS, cela montrerait qu'ils avaient menti à M. Thierry Breton lors de cette rencontre.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

a objecté que son rôle n'avait pas consisté à « instruire » la décision des dirigeants de Lagardère et de DaimlerChrysler, qui relevait selon lui des stratégies privées de ces groupes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

a observé qu'il lui aurait semblé naturel que M. Thierry Breton, mis au courant de la décision de vente de deux actionnaires stratégiques d'EADS, pose la question des motivations de cette vente.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

a précisé que l'intention des groupes Lagardère et DaimlerChrysler de réduire leur participation dans EADS était conforme par le pacte d'actionnaires, dont une renégociation n'avait donc pas été nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bertrand Auban

s'est félicité de ce que la commission ait organisé aussi rapidement la présente audition. Il a reconnu que le pacte d'actionnaires avait eu pour avantage de permettre à l'Etat de conserver une participation dans EADS. Il a estimé que les difficultés d'Airbus étaient largement connues à Toulouse au premier trimestre 2006, alors que les tronçons d'avions originaires d'Allemagne n'arrivaient plus, ce qui nécessitait de ralentir l'arrivée des autres tronçons. Il a affirmé avoir été prévenu de ces difficultés par les syndicats. Il s'est donc étonné de ce que, bien que lié par le pacte d'actionnaires, l'Etat ne se soit pas davantage préoccupé de la gestion d'Airbus.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

s'est jointe aux interrogations de M. Bertrand Auban, en ajoutant que le conseil d'administration d'EADS avait discuté des retards de l'A380 et des difficultés de l'A350 dès le mois de juin 2005. Elle s'est donc émue du fait que l'Etat se soit cantonné à son rôle dans le pacte d'actionnaires, sans surveiller une entreprise aussi stratégique pour la France et pour l'Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

a estimé que ces questions mettaient plus largement en cause la gouvernance du groupe EADS, et qu'à ce titre elles ne rentraient pas directement dans le champ de la présente audition.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

En réponse, M. Thierry Breton a considéré que la seule personne ayant une vue globale de la situation d'Airbus en était son président. Il a ensuite fait valoir que lorsque les difficultés d'Airbus avaient été évoquées lors de ses rencontres avec MM. Arnaud Lagardère et Manfred Bischoff, alors co-présidents du conseil d'administration d'EADS, ceux-ci avaient à chaque fois manifesté leur plus grande confiance dans l'efficacité des plans de rattrapage mis en place chez Airbus. Enfin, il a mis en évidence la difficulté pour l'Etat à la fois de respecter le cadre du pacte d'actionnaires d'EADS, et d'intervenir malgré l'existence de ce cadre contraignant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

a alors regretté le montant des indemnités de départ dont certains dirigeants d'EADS avaient pu bénéficier, et qui demeuraient, selon lui, trop peu encadrées par les dispositions de la récente loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. Il a interrogé M. Thierry Breton sur sa réaction, en tant que ministre, au fait qu'un dirigeant réalise une première plus-value de 600.000 euros en novembre 2005 puis une autre de 3,5 millions d'euros en mars 2006, à l'issue de l'exercice de ses stock-options.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

a estimé que cette intervention ne rentrait pas dans le champ de l'audition en cours.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

a toutefois affirmé partager l'émotion suscitée par cette question, qu'il jugeait très importante. Il a observé qu'il avait été à l'origine, en juillet 2005, d'une loi qui encadrait le régime des « parachutes dorés » en les soumettant au vote de l'assemblée générale, mais qu'elle n'avait pas pu trouver à s'appliquer au cas d'EADS dans la mesure où cette société était une entreprise de droit néerlandais.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Enfin, M. Jean Arthuis, président, a souligné être conscient que de nombreux opérateurs agissaient hors du territoire français et a rappelé, au sujet des stock-options, que les principes énoncés par un rapport d'information de la commission, publié en 1994, demeuraient toujours actuels. Il a remercié les participants à cette audition pour leurs réponses et leur présence dans des délais aussi brefs, et a réaffirmé l'importance pour MM. Thierry Breton, Luc Rémont, Denis Samuel-Lajeunesse et Bruno Bézard de s'exprimer ainsi publiquement sur leurs responsabilités dans la période allant de l'automne 2005 au 5 mai 2006.