Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission désigne tout d'abord M. François Marc rapporteur sur la proposition de résolution européenne n° 87 (2012-2013), présentée par M. Richard Yung, au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur l'Union bancaire (E 5512, E 7417, E 7684 et E 7685).
La commission procède ensuite à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 69 (2012-2013) de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (M. François Marc, rapporteur).
Article 6
Alors que l'article 6 du projet de loi prévoit une stabilisation du plafond d'emplois de l'Etat et de ses opérateurs, l'amendement n° 3 prévoit à l'inverse que le plafond d'emplois soit supérieur ou égal à son niveau initial, au début de la période de programmation. Cet amendement est incompatible avec l'objectif poursuivi par le projet de loi, qui est de stabiliser les emplois de l'Etat et de ses opérateurs, en gageant ainsi les créations d'emplois dans les domaines prioritaires par des suppressions d'emplois dans les autres domaines. L'avis est défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.
Article 7
L'avis est défavorable pour l'amendement n° 4 qui est incompatible avec l'objectif poursuivi par le projet de loi, soit la réduction du déficit public.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
Article 8
Article 9
On comprend la logique de l'article 9, tel qu'il est actuellement rédigé : dès lors que les caisses d'assurance maladie contrôlent, dans une certaine mesure, leurs dotations, c'est en pratique ces éléments de l'ONDAM qui sont le plus susceptibles d'être mis en réserve. Toutefois l'amendement n° 1 de la commission des affaires sociales semble pertinent : soit il n'est pas possible en pratique de mettre en réserve autre chose que des dotations, et alors il ne change rien ; soit cela est possible, et alors cet amendement instaure une nouvelle possibilité. Je propose que nous demandions l'avis du Gouvernement.
La commission décide de demander l'avis du gouvernement sur l'amendement n° 1.
Article 12
En supprimant tout chiffrage de l'évolution de l'enveloppe normée, l'amendement n° 6 vide de son sens l'article 12 du projet de loi et exclut de l'effort de redressement des finances publiques les collectivités territoriales. L'avis est défavorable.
Nos amendements aux articles 8 et 12 visent le même objectif. Selon nous, toute décision sur le financement des collectivités territoriales ou sur leur participation à la réduction du déficit public doit se faire en collaboration avec elles et non à partir d'une définition de principe.
Je propose une demande de retrait de l'amendement n° 11 qui propose de préciser que les modalités de répartition de l'enveloppe normée ont pour objectif de favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales, à travers des dispositifs de péréquation. Cet amendement n'a pas de portée pratique.
Article 14
L'avis est défavorable pour l'amendement n° 7 : il n'y a pas lieu de supprimer cet article, qui indique clairement comment il conviendra d'appliquer, pendant la période de programmation, le 10° de l'article 34 de la LOLF.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7.
Article 16
L'article 16 propose une évaluation des projets d'investissements publics (dont ceux des hôpitaux) en deux temps : une évaluation socio-économique préalable pour tous les projets et une contre-expertise indépendante pour les projets les plus importants. L'amendement n° 2 de la commission des affaires sociales propose de supprimer la première phase pour les investissements hospitaliers, considérant que cette procédure existe déjà. Il maintient en revanche la contre-expertise. L'amendement de la commission des affaires sociales soulève l'une des difficultés pratiques que pose cet article : comment s'articule la nouvelle procédure introduite avec celles qui existent déjà aujourd'hui dans différents secteurs (transport, culture,...) ? Cet amendement pourrait être l'occasion de demander au Gouvernement des précisions sur ce point. Je suggère donc de demander son avis.
L'amendement n° 10 propose de supprimer, lui, la seconde phase de l'évaluation des investissements publics, à savoir la contre-expertise indépendante. La contre-expertise peut être importante dans certains cas ; c'est même l'un des apports de l'article qui suit une préconisation de la Cour des comptes. Mais, cet amendement pointe également certaines questions pratiques posées par ce dispositif : comment interviendra le commissariat général à l'investissement en la matière, est-il « outillé » pour... Je propose de demander l'avis du Gouvernement. Suite aux explications de ce dernier, nous pourrons, sans doute, demander le retrait.
L'amendement n° 12 propose de préciser que les évaluations préalables sont non seulement socio-économiques, mais aussi environnementales. Il n'est, sans doute, pas facile de mesurer l'impact environnemental d'un investissement public... On peut, là aussi, demander au Gouvernement s'il dispose de la « boîte à outils » nécessaire...
Article 20
L'avis est défavorable à l'amendement n° 8 qui propose de soustraire du champ d'application de ce rapport les réseaux consulaires, c'est-à-dire les trois réseaux relevant des chambres de commerce et d'industrie, des métiers et de l'artisanat et, enfin, de l'agriculture.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.
La commission procède ensuite, lors d'une réunion conjointe avec la commission des affaires économiques, à l'audition de M. Louis Gallois, commissaire général à l'investissement, à l'occasion de la remise de son rapport sur la compétitivité de l'industrie française.
Présidence de M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, et de M. Philippe Marini, président de la commission des finances -
Les deux commissions, des affaires économiques et des finances, entendent aujourd'hui M. le commissaire général à l'investissement, sur le rapport qu'il a remis lundi au Premier ministre. Au « Pacte pour la compétitivité de l'industrie française » que propose M. Louis Gallois, le gouvernement a déjà réagi en annonçant 35 mesures regroupées en 8 catégories.
M. Louis Gallois, votre parcours professionnel a fait de vous un véritable capitaine d'industrie : vous avez été président de la Snecma entre 1989 et 1992, président-directeur général de L'Aérospatiale pendant quatre ans, puis président de la SNCF de 1996 à 2006, où vous avez accompli un travail remarquable avec les partenaires sociaux. Enfin, vous avez présidé EADS entre 2006 et 2012. Votre rapport puise sans nul doute à l'expérience ainsi accumulée et aux nombreux travaux de réflexion sur la croissance et l'industrie française auxquels vous avez participé. Nous souhaitons avoir un éclairage sur les éléments qui ont structuré vos propositions et entendre vos réactions aux annonces faites hier au cours du séminaire gouvernemental.
Nous avons en effet le plaisir d'auditionner M. le commissaire général, que nous avions déjà accueilli en juillet dernier. C'est aujourd'hui en sa qualité de missionnaire de la compétitivité qu'il s'adresse à nos deux commissions - ce qui est en soi un premier succès, car nos périmètres respectifs semblent difficiles à réconcilier : tandis que l'économie a trait aux cycles de moyen terme, les finances s'attachent à l'immédiateté des choses, au rythme des marchés, aux résultats d'un exercice budgétaire. Or, votre réflexion s'efforce de tracer des pistes pour réconcilier court, moyen, et long termes. Nous sommes en outre sensibles au fait qu'il s'agit de votre première audition publique depuis la remise de votre rapport et les annonces, inattendues, du Premier ministre hier. Cet après-midi en séance publique, nous examinerons le projet de loi de programmation des finances publiques que les annonces d'hier modifient substantiellement.
Y a-t-il un problème de compétitivité-prix en France ? Nous avons entendu sur ce sujet de nombreuses thèses ces derniers mois. Comment vous situez-vous dans ce débat ?
Ensuite, vous préconisez un transfert de 30 milliards d'euros. Comment êtes-vous parvenu à ce chiffre ? Sous le mandat précédent, j'en étais venu à considérer que la TVA sociale n'aurait d'impact significatif qu'à partir d'un transfert de 30 milliards d'euros également, mais je souhaiterais savoir sur quelles données ou analyses macroéconomiques ou empiriques vous vous fondez pour calculer les effets de ce transfert sur la croissance, le commerce extérieur, l'emploi. Que ce transfert ait lieu à partir des cotisations patronales, salariales, ou les deux, et qu'il aille vers la fiscalité indirecte ou la CSG : en quoi cela constitue-t-il le meilleur choix possible pour l'intérêt général - qui reste notre objectif commun ?
Je suis honoré d'être entendu par vos deux commissions réunies. L'exercice auquel je me livre n'est pas facile : j'ai remis mon rapport avant-hier, le gouvernement a pris des décisions hier. J'essaierai par conséquent de naviguer, aussi adroitement que possible, entre les deux...
La logique d'ensemble du rapport est fondée sur un diagnostic sévère : le décrochage industriel de notre pays est non seulement avéré, mais il s'accélère depuis une dizaine d'année. Les 22 mesures principales que je propose visent d'abord à stopper ce dérapage. Soutenir l'investissement est le plus urgent ; il y faut un choc de compétitivité, autrement dit un choc de confiance. Il s'agit ensuite de procéder à une reconquête industrielle. Celle-ci demandera du temps, de la persévérance, et l'appui indispensable des Français, puisque ce magnifique projet collectif porte sur notre modèle économique et social. Ce rapport a au moins le mérite de faire naître un débat. Personne ne conteste plus la réalité, ni la nécessité d'agir. Engager les efforts nécessaires imposera enfin de renouveler le dialogue social à tous les niveaux : celui des entreprises, des branches, comme au niveau régional et national. Nous devons rebâtir un pacte social analogue à celui que les Français ont su nouer à la sortie de la seconde guerre mondiale, mais qui est aujourd'hui à bout de souffle.
L'industrie française, sauf exceptions, n'a pas réussi sa montée en gamme. Par conséquent, elle se trouve prise en étau entre d'une part les industries qui sont parvenues, par leur montée en gamme, à se dégager de la pression mortifère des prix - Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Danemark, Suède, Italie du Nord - et d'autre part celles qui bénéficient d'une structure de coûts plus avantageuse, dans les pays émergents ainsi qu'en Europe de l'Est, ou en Espagne. Celle-ci devient en effet un pays à bas coût, comme en témoigne l'amélioration rapide de sa balance commerciale.
Il n'y a pas de modèle. J'observe toutefois que l'industrie automobile s'installe en Espagne, pas en France...
Le modèle allemand ne serait pas non plus applicable en France. Le problème de l'industrie française, c'est qu'elle est confrontée à ces divers compétiteurs. Pour continuer à exporter, nos entreprises ont dû baisser leurs prix. Cet alignement vers le bas a rogné leurs marges, qui ont chuté de manière catastrophique ces dix dernières années, passant, dans le cas de l'industrie manufacturière, de 30 % à 21 %, contre une hausse de 7 points en Allemagne. L'écart de taux de marge entre nos deux pays atteint 15 %, soit 105 milliards d'euros. Par conséquent, la capacité d'autofinancement des entreprises françaises a plongé : à 64 %, elle se situe à un niveau historiquement bas depuis une trentaine d'années.
Soulignons le paradoxe, selon ce schéma, qui veut que l'Italie gagne en compétitivité par rapport à nous, alors qu'elle est en détresse financière. Cette contradiction apparente souligne, s'il en était besoin, la différence entre le financier et l'économique.
L'Italie est compétitive sur le plan industriel. Elle connaît un excédent primaire de son budget et un excédent de sa balance industrielle. En valeur absolue, l'industrie italienne est plus importante que l'industrie française. L'Italie du Nord est la première région industrielle d'Europe ! Mais la dette contractée depuis de nombreuses années l'a placée dans une situation financière dégradée.
Cette question dépasse mes compétences. La baisse de notre capacité d'autofinancement empêche le décollage de l'investissement en France : celui-ci stagne depuis dix ans, nuisant à la montée en gamme. Cette situation est due à de nombreuses faiblesses structurelles. D'abord, le niveau élevé des dépenses publiques alourdit la fiscalité qui pèse sur nos entreprises.
Oui, d'une manière générale. Ensuite, l'empilement administratif, la sur-réglementation, l'instabilité réglementaire brouillent l'horizon des entreprises. Ce point a été analysé par la commission Attali, mon rapport ne le détaille donc pas. Notre appareil de recherche et de formation n'est pas assez articulé avec le secteur industriel. L'épargne des Français n'est pas suffisamment dirigée vers le financement de celui-ci. Notre tissu industriel est trop éclaté, avec de nombreuses PME, mais trop peu d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) : si nous en avions une proportion équivalente à celle de l'Allemagne ou de l'Italie, elles seraient deux fois plus nombreuses ! Ajoutons à cela que la solidarité de notre tissu industriel est insuffisante : interrogez nos équipementiers sur les rapports qu'ils entretiennent avec les entreprises françaises et allemandes, ils vous confirmeront le manque de solidarité dont font preuve les donneurs d'ordre français avec leur chaîne de fournisseurs.
Notre dialogue social est peu productif et le marché du travail fonctionne mal. Dans 80% des embauches, le contrat à durée déterminée (CDD) ou l'intérim sont préférés au contrat à durée indéterminée (CDI), jugé trop rigide. Le marché du travail accuse alors une dualité qui oppose les salariés protégés sous CDI à des salariés à statut précaire dont les liens avec leur entreprise se distendent. Pôle emploi, malgré tous ses mérites, est submergé par la masse des demandeurs d'emploi qu'il ne peut accompagner correctement, et cette institution demeure trop éloignée d'un appareil de formation dont ne bénéficient que 9 % des chômeurs.
Le fatalisme n'est cependant nullement de mise car notre industrie a de nombreux atouts. De nombreux pays ont montré leur capacité à redresser une situation difficile : la Suède ; l'Italie, dont on pouvait croire l'industrie perdue en 2008-2009 ; le Canada, quoique la présence d'importantes ressources naturelles ait contribué au rétablissement. Nous avons des atouts sectoriels de premier plan : l'aéronautique, le luxe, la pharmacie, le nucléaire...
Je vois de nombreuses pépites dans tous ces secteurs. Nous avons des groupes mondiaux puissants, plus nombreux, en proportion, qu'en Allemagne ou en Italie : l'Air Liquide, Safran, Total, Danone... En matière de recherche, nous faisons partie des quatre ou cinq nations au monde présentes sur l'ensemble du spectre, bien que notre recherche soit insuffisamment articulée avec le secteur industriel. Notre productivité du travail est forte, mais croît à un rythme insuffisant ; et la productivité globale des facteurs de production, elle, stagne. Nous avons 35 000 robots, lorsque l'Italie en a 62 000, l'Allemagne 150 000. La génération des robots français est plus ancienne que celle des robots italiens. Le robot n'est pas l'ennemi de l'emploi, il contribue au contraire à le fixer en France.
Nous bénéficions de prix de l'énergie compétitifs, c'est un atout à préserver. L'Allemagne nous montre la voie : en dépit d'une facture énergétique plus élevée que celle de la France, elle assure aux industries électro-intensives des prix inférieurs à ceux pratiqués en France.
Oui. Enfin, nous avons des infrastructures et services publics de qualité, à l'exception de nos ports.
Notre ambition industrielle est claire : il faut monter en gamme. Nous ne gagnerons pas la bataille des coûts contre la Chine. Nous devons parier sur l'innovation, la compétitivité, les secteurs d'avenir, en nous appuyant sur ce qui marche. Il nous faut reconstituer le club France. C'est un véritable appel au patriotisme. Nous n'y parviendrons pas sans développer les liens entre l'appareil de recherche et l'industrie, entre les grandes entreprises et les PME, entre les territoires. Voici le principal avantage comparatif allemand : le soutien inconditionnel à son industrie, quelles que soient les positions sur l'échiquier politique ou syndical.
Pas du tout. Je dis que nous avons besoin de ce type de cohésion. Il nous faut avancer de manière ordonnée et cadencée et nous attaquer à la question cruciale, celle de l'investissement. C'est pourquoi je plaide pour une politique de l'offre. En tant que vieux keynésien, j'ai quelques difficultés à l'admettre, mais une politique de demande n'est plus en mesure de fonctionner sans mettre en péril notre commerce extérieur. En effet, lorsque la demande intérieure augmente de 1 %, nos importations augmentent de 1,4 %, et même 1,6 % à court terme...
Pour relancer la machine, il faut que les industriels aient envie d'investir. Or, ce sont les chefs d'entreprise qui prennent de telles décisions. Pour restaurer un écosystème favorable à l'investissement, mes préconisations tiennent en trois mots : reconnaissance, stabilité et visibilité.
Reconnaissance d'abord : les entrepreneurs doivent être reconnus comme des acteurs économiques essentiels, ils le méritent au même titre que les salariés. Stabilité ensuite : sur le plan réglementaire...
Oui, aussi. Sur les huit premiers mois de l'année 2012, 41 textes relatifs à la gestion des déchets sont entrés en vigueur. Je connais une entreprise de taille intermédiaire qui a mis en place une cellule spéciale d'étude de la réglementation applicable...
Je le lui souhaite ! La stabilité suppose également que les actionnaires n'entraînent pas les industriels dans la recherche de performance à court terme. Je propose deux mesures pour y faire obstacle : d'une part, un double droit de vote au bout de deux ans de détention des actions, sauf opposition de l'assemblée générale à la majorité des deux tiers ; d'autre part, l'entrée avec voix délibérative de quatre représentants du personnel aux conseils d'administration des entreprises de plus de 5 000 salariés, afin d'y équilibrer les points de vue.
La prévisibilité, enfin : l'État doit donner des repères aux entreprises, leur fournir des horizons de développement. Je propose la création d'un commissariat à la prospective pour coordonner les différents conseils existants, tels la conférence nationale de l'industrie...
Justement, je propose aussi que toute création d'une administration s'accompagne de la suppression d'une autre. Ce dont nous avons besoin, c'est d'une structure permettant aux acteurs de se parler, hors négociations formelles. Le commissariat général du plan avait le mérite de permettre aux gens de dialoguer sans enjeu, sans négocier.
J'ai proposé, pour créer ce choc de compétitivité, un transfert des charges sociales sur la fiscalité. Les charges sociales financent en partie un système assurantiel : il est normal qu'elles reposent sur le travail. Une telle assise se justifie moins s'il s'agit de financer des dépenses de solidarité. La fiscalité doit prendre le relai du financement des allocations familiales, d'une partie de la CMU, etc. Même si le plan du Gouvernement ne s'engage pas dans ce sens, pour des raisons compréhensibles, la réflexion devra être conduite par le Haut conseil du financement de la protection sociale. La France est l'un des rares pays européens qui fait supporter l'essentiel du financement de sa protection sociale sur le facteur travail dans les entreprises. Ce n'est bon ni pour l'emploi, ni pour les entreprises elles-mêmes.
Au risque de décevoir le président Philippe Marini, j'ai obtenu ces 30 milliards en additionnant en quelque sorte des choux et des carottes. Les 20 milliards de cotisations patronales sont un véritable transfert de nature à soulager les entreprises.
J'y viens. Les 10 autres milliards, des cotisations salariales, sont destinées à diminuer l'impact sur le pouvoir d'achat des mesures fiscales que je propose. Ces 30 milliards représentent la moitié de la perte de marge des entreprises depuis 2001 et le tiers de l'écart avec l'Allemagne. Nous faisons, de la sorte, la moitié du chemin. Est-ce suffisant ? Qu'il s'agisse des 20 milliards que propose le gouvernement ou de mes 20 milliards de transfert de charges sociales - seul le mécanisme diffère -, l'important est de créer un choc de confiance. Nous disons aux entreprises : voilà ce que la collectivité fait pour vous, le climat vous est favorable, la balle est dans votre camp.
Ce transfert est partiellement financé par l'augmentation du taux intermédiaire de TVA, qui rapporte environ 6 milliards d'euros. Je n'ai pas proposé de toucher au taux normal, sachant que le gouvernement y était hostile. J'ai retenu la CSG en raison de son caractère modulable, qui peut épargner les plus démunis. Je ne suis pas hostile à la TVA, qui présente l'avantage de s'appliquer aux importations, mais elle ne présente pas la même souplesse que la CSG. Soit dit en passant, je sais que je rends la CSG indisponible pour financer la sécurité sociale. Le gouvernement semble l'avoir anticipé : le relais sera pris par la réduction de la dépense publique.
Il l'a annoncé... Mais entre les annonces et la réalisation, il y a parfois un monde.
Je connais votre vigilance, monsieur le président, je ne doute pas qu'elle s'exercera. L'intention du gouvernement reste louable, et à ce stade, je m'en satisfais.
Je trouve le dispositif du gouvernement assez astucieux, et à certains égards, meilleur que le mien. Il n'est pas absurde de laisser la question des charges sociales à la négociation. Mais sur les 20 milliards, une partie revient à l'État par l'intermédiaire de l'imposition des bénéfices des entreprises. Or, les entreprises peuvent mettre à profit ces 20 milliards pour réduire leurs prix, embaucher ou encore investir. Je raisonnais donc sur 20 milliards bruts. Dans le dispositif du gouvernement, il s'agit de 20 milliards après impôt. Quoi qu'il en soit, les entreprises peuvent inclure ces montants dans leurs comptes pour 2013 et bénéficier d'un effet en trésorerie, renvoyant l'impact le plus important sur la fiscalité de 2014-2015.
Je propose également des mesures sur l'énergie. Je ne parle pas du coût du travail, non car je pense qu'il n'existe pas, mais parce qu'il faut regarder l'ensemble des coûts supportés par les entreprises. Or les coûts de l'énergie sont un atout français qu'il est indispensable de préserver. Les énergies renouvelables doivent être encouragées - et le commissariat général à l'investissement s'y emploie - mais nous devons veiller à ce qu'elles n'entraînent pas de hausse de la facture énergétique à moyen et long termes - nous savons que ce sera le cas à court terme. S'agissant du parc nucléaire, c'est à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) de décider si une centrale doit fermer ou non, en fonction du danger que son exploitation représente. Si une centrale, même vieillissante, n'est pas dangereuse, pourquoi s'en priver ?
C'est insupportable ! Nous sommes venus pour entendre M. Gallois et il est sans cesse interrompu !
Cela dépendra entièrement de l'évolution de la consommation d'énergie dans les prochaines années.
Mon rapport est en outre favorable à la poursuite de la recherche relative aux techniques d'exploitation des gaz de schiste. Actuellement, la fracturation hydraulique telle que pratiquée aux Etats-Unis présente des risques. Des programmes de recherche sur les techniques sont engagés par les Américains, par les Anglais également. L'Allemagne a pris une décision en ce sens : la France pourrait s'associer à ce projet, voire proposer un programme européen !
La montée en gamme requiert aussi de l'innovation. Nous devons améliorer l'articulation entre l'appareil de recherche et l'industrie. Il ne s'agit pas de mettre celui-là à la remorque de celle-ci - ayant été directeur de cabinet du ministre de la recherche, je connais la sensibilité des chercheurs à ce sujet - mais d'ouvrir le dialogue avec l'industrie. Le mouvement est en train de s'engager, nous devons l'accélérer. L'innovation nécessite une forte collaboration entre les différents acteurs, pôles de compétitivité, instituts de recherche technologique, sociétés d'accélération des transferts technologiques...
J'en viens aux solidarités du tissu industriel. Il n'y a pas de miracle pour faire grandir les entreprises. Les obstacles à leur croissance sont nombreux. Mon rapport ne fournit pas une liste exhaustive des mesures pour les lever, mais donne des pistes, montre la direction. Transmission d'entreprise, financement des entreprises innovantes, lissage des seuils sociaux et fiscaux, soutien aux chefs d'entreprises par leurs pairs ou par des organismes dédiés... J'ai proposé que tout ceci fasse l'objet d'un small business act.
Une idée qui figure dans les programmes de tous les candidats depuis dix ans ! Small is beautiful...
Non, small doit grandir !
Deuxième aspect : les filières. L'État ne peut pas tout. Aux entreprises de prendre leurs responsabilités. Je propose que l'État accorde son soutien à des programmes de recherche lorsqu'ils sont menés par une grande entreprise en lien avec ses sous-traitants. Le soutien de l'État doit engager les filières dans leur ensemble. Le commissariat général à l'investissement applique déjà ce principe. Il faut en outre faire appel au patriotisme des chefs de grandes entreprises françaises : au-delà de leur engagement citoyen, il est dans leur intérêt d'avoir en France une chaîne de fournisseurs compétitive.
J'ai proposé que les grandes entreprises élaborent des chartes relatives aux relations avec leurs fournisseurs. L'expérience de l'industrie aéronautique est assez remarquable, bien qu'un peu isolée en France : elle est due au Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas), syndicat professionnel actif, qui réunit tous ses patrons une fois par mois. La conférence nationale de l'industrie est utile, mais les syndicats professionnels doivent néanmoins se structurer, ce qui implique que les entreprises leur versent davantage de cotisations. Les solidarités régionales sont essentielles. L'engagement croissant des régions dans le soutien à l'appareil productif est positif : celles-ci ont en effet une vision plus concrète et plus proche des entreprises de taille moyenne et intermédiaire.
La formation initiale est insuffisamment valorisée dans les métiers techniques, mal articulée avec les besoins de l'industrie. Je propose que les entreprises soient présentes dans la gouvernance du système éducatif technique et professionnel, et à l'inverse, que les entreprises s'engagent dans les formations en alternance. J'ai proposé le doublement de celles-ci sur cinq ans.
La formation continue représente, elle, 31 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien. Un audit de l'efficacité du système serait du reste le bienvenu. Les durées de formation se réduisent. L'accent est davantage mis sur l'adaptation au poste de travail que sur l'employabilité globale des salariés. Au surplus, les moins qualifiés sont ceux qui bénéficient le moins de la formation continue. J'ai donc proposé la création d'un compte individuel de formation sur toute la vie active, avec un droit quantifié. Chaque salarié devrait gagner au moins une qualification durant l'ensemble de sa carrière.
Le crédit interentreprises pose un vrai problème : il représente en volume cinq fois le crédit bancaire. Il est utilisé par les grands donneurs d'ordre comme un outil de pression sur les fournisseurs. La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 (LME) n'est pas respectée. Le fournisseur produit sur simple engagement de commande. La commande proprement dite est passée au dernier moment, juste avant réception des produits, afin de retarder le déclenchement du délai de paiement de soixante jours. Des sanctions administratives doivent être prises, car aucune entreprise n'ira se plaindre devant les tribunaux des agissements d'un gros client.
Depuis la LME, les commissaires aux comptes doivent rédiger un rapport sur les crédits clients et fournisseurs, mais ils ne le font jamais. Les chambres de commerce et d'industrie devront imposer aux commissaires aux comptes de procéder à ce contrôle.
Bon courage ! Elisabeth Lamure et moi avons été rapporteurs de la LME. Déjà en 1978, jeune inspecteur des finances au commissariat au plan, j'avais rapporté sur le crédit interentreprises...
Si on ne règle pas la question, notre industrie agro-alimentaire, soumise à la dictature des grandes centrales d'achat, continuera à péricliter.
L'épargne de long terme devra être placée dans les entreprises.
Elle devra encourager ces placements. Il serait normal que les contrats d'assurance-vie en unités de compte aient une fiscalité plus favorable puisqu'il s'agit de contrats en actions, non en obligations.
La future banque publique d'investissement (BPI) est intéressante pour son effet de levier sur le financement de l'économie, en une période où l'argent va se faire rare pour les entreprises, du fait des contraintes prudentielles, Bâle III notamment.
Si, elle le sera, mais elle conservera un effet de levier. France Investissement a soutenu le capital investissement, qui s'est effondré depuis 2008, passant de 12,5 à 6 milliards d'encours. Le commissariat général à l'industrie devrait faire travailler tous les acteurs ensemble, sur l'innovation et les technologies génériques, la santé, les sciences du vivant et la transition énergétique.
La politique industrielle européenne reste trop générale. Au moins l'Union européenne a-t-elle une stratégie industrielle, mise à jour en août dernier. Malheureusement, celle-ci n'est pas déclinée dans des politiques, à l'exception de la politique du marché intérieur et de la politique de recherche. Le budget européen de la recherche va considérablement augmenter lors du prochain programme-cadre de recherche et de développement (PCRD). En revanche, l'Union européenne n'a aucune politique en matière d'énergie ou de matières premières. Cela me paraît très grave, d'autant que les choix énergétiques de l'Allemagne auront pour conséquence de relever le prix de l'énergie dans toute l'Europe. Pour les matières premières, la Chine, les Etats-Unis et certains pays émergents mènent une politique extrêmement affirmée. Si l'Europe ne se mobilise pas, elle sera bientôt dans la main de ses fournisseurs.
Quelques entreprises européennes en possèdent, mais elles ne travaillent pas de manière coordonnée.
Enfin, la politique monétaire extérieure, la politique de la concurrence et la politique du commerce extérieur posent problème. L'euro fort renforce les forts et affaiblit les faibles, ce qui accroît les inégalités entre les pays membres.
Vous n'êtes pas mon professeur. Cessez donc d'intervenir sans cesse, ce n'est pas vous que nous sommes venus entendre !
Je suis pour un euro qui soit à sa parité de pouvoir d'achat, soit 1,15 euro pour un dollar.
J'en viens au pacte social. Nous sommes dans une période qui peut devenir historique : trois négociations sont en cours, l'une sur le financement de la protection sociale, l'autre sur les instances représentatives du personnel et la dernière sur la sécurisation de l'emploi. Sécurité sociale, représentation syndicale et contrat de travail, tous trois créés par le Conseil national de la Résistance ! Il convient de renouveler le pacte social de 1946 qui est à bout de souffle, ce qui implique une vision large pour aboutir à des compromis d'ensemble. Les chefs d'entreprise recherchent souplesse, capacité d'adaptation et sécurité juridique. Les personnels veulent pouvoir s'exprimer, avoir du poids dans les décisions et être mieux protégés face à un monde instable. Voilà les composantes de l'équilibre à trouver. Et aucune politique de compétitivité ne réussira si la nation ne se rassemble pas autour des objectifs de la reconquête industrielle. (Applaudissements)
Je remercie M. Louis Gallois pour la qualité de son exposé et son rapport synthétique, 60 pages seulement mais qui fourmillent de propositions fort utiles. Je rends hommage à son expérience de chef d'entreprise, à sa hauteur de vue : ses propositions sont ambitieuses, pragmatiques. Il a établi un diagnostic sans fard concernant l'industrie française. Il a su s'affranchir des querelles d'écoles et insister sur l'urgence à agir. Le gouvernement envisage déjà des dispositions sur lesquelles nous reviendrons cet après-midi. Ce qu'il propose ne modifie pas la trajectoire de redressement des finances publiques.
La mesure phare consiste en 30 milliards d'euros d'allègements de cotisations sociales. Quel en sera l'impact économique ? Comment en mesurer les effets ? Selon les simulations disponibles, si l'on veut créer des emplois, il faut plutôt concentrer les baisses de charges sur les bas salaires ; si l'on veut améliorer la compétitivité, il faut plutôt les concentrer sur des salaires plus élevés, comme ceux versés dans l'industrie. Pourquoi avoir proposé que les transferts de charge portent sur les salaires jusqu'à 3,5 fois le smic ? Quel serait l'effet de cette mesure sur le PIB et sur la balance commerciale ? En outre, son impact macro-économique sur les investissements dépendra de la manière dont les entreprises répercuteront la baisse des cotisations sur les prix, les investissements ou la distribution des bénéfices. Pourquoi ne pas avoir conditionné le bénéfice des allègements de cotisations aux investissements réalisés ?
Des fiscalités alternatives ont été évoquées : que faut-il entendre par fiscalité écologique ? Quel dynamisme en attendre ?
Dans son rapport de septembre 2012 sur la sécurité sociale, la Cour des comptes proposait d'intégrer les allègements généraux de charges dans le barème des cotisations sociales - cela aurait pour vertu de mettre fin à l'affichage d'une forte ponction sur les salaires bruts, qui fausse l'appréciation des coûts et noircit le tableau...
Votre rapport préconise de ne pas modifier le crédit d'impôt recherche (CIR), qui bénéficie pour les deux tiers à l'industrie alors que les allègements de cotisations sociales que vous proposez ne lui profitent que pour un tiers. Pourquoi dès lors avoir écarté une réforme du CIR ? N'aurait-on pu le renforcer ?
Vous souhaitez que l'on recherche de nouvelles techniques d'exploitation des gaz de schiste. Mais l'Amérique du Nord dispose de 60 % des réserves connues, l'Europe de seulement 3%. Cela provient sans doute en partie d'une moindre prospection en Europe, mais est-on sûr que les réserves en Europe aient une importance analogue ?
Parmi les causes structurelles de décrochage de l'industrie française, vous dénoncez une mauvaise articulation entre la recherche, l'innovation, la formation et l'industrie. Les investissements d'avenir n'ont-ils pas amélioré la situation ? Une part de ceux-ci n'a pas encore été engagée : pourquoi un tel retard quand on clamait, en 2009, l'urgence de la situation ? L'enveloppe résiduelle sera-t-elle réservée aux filières industrielles ? Si oui, sous quelle forme ?
Je remercie également M. Louis Gallois pour la qualité de ses propos et de son rapport, qui ne doit pas rester lettre morte. Je me suis réjoui que le gouvernement, sur la base de ce rapport, présente dès hier ses mesures pour améliorer la compétitivité. Mais ne nous y trompons pas, ce sont avant tout les mentalités qui provoquent l'échec français. Pourquoi un tel échec ? Nous avons rédigé, Alain Chatillon et moi-même, un rapport sur la désindustrialisation et les chiffres que vous citez révèlent une nette aggravation de la situation. L'idéologie post-industrielle a été funeste : à chaque fois qu'une société fermait, on croyait qu'une entreprise de service prendrait le relais. L'industrie était présentée comme une nuisance avec son cortège de pollutions, jamais comme un atout essentiel. Les pays qui ont surmonté la crise de 2008-2009 sont ceux qui avaient une véritable politique industrielle.
Vous sonnez le tocsin et vous avez raison. Les relations entre donneurs d'ordre et sous-traitants sont malsaines. Les PME de l'agro-alimentaire sont presque dans une situation d'esclaves par rapport à leurs maîtres de la grande distribution. M. Jean-Claude Volot a accompli un travail extraordinaire lui aussi. Il faudra une évolution législative pour simplifier la loi LME et pour que les commissaires aux comptes soient contraints de mettre en relief les problèmes rencontrés avec les sous-traitants.
Vous proposez un choc de compétitivité : le glissement de la fiscalité des entreprises vers les ménages pouvait provoquer un choc de récession. Du reste les Etats-Unis et le FMI craignent que l'Europe ne s'enlise dans la récession en menant des politiques presque déflationnistes. Ne faudrait-il pas restaurer une taxe carbone ? Les propositions du gouvernement contournent le problème, mais ne faudrait-il pas encourager une fiscalité européenne sur le carbone, ce qui ne serait ni une mesure frileuse, ni une marque de défiance à l'égard de l'Asie ?
Essayez d'écouter, M. le Président, et arrêtez d'intervenir à tout propos. Pendant une heure, vous avez gêné M. Louis Gallois.
Je l'ai gêné ? La prochaine fois, j'éviterai de vous gêner et il n'y aura plus d'audition conjointe avec la commission de l'économie. Ce sera plus simple. Vous serez ainsi entre vous : il y a quatre socialistes à la tribune, je suis différent et vous avez du mal à l'accepter !
Vous n'avez pas le droit de me classer ainsi ! Je n'ai la carte d'aucun parti et je ne peux accepter ces propos ! (Applaudissements sur divers bancs)
Et vous parlez d'une taxe carbone qui ne pèserait que sur l'industrie : bravo !
En Allemagne, l'industrie est une priorité, quelles que soient les alternances politiques.
Le pays bénéficie également d'un facteur de compétitivité important à travers le prix des logements. Le prix du mètre carré construit y est de 1 300 euros, contre 3 500 euros en France, ce qui pèse terriblement sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Une question demeure : un allègement de charge induira-t-il systématiquement de l'investissement productif ? Dans la restauration, certaines entreprises ont tiré parti de la baisse de la TVA pour investir, d'autres n'ont fait qu'engranger des bénéficies supplémentaires. Comment faire pour traduire ces allègements de charge en investissements ?
M. François Marc m'a demandé comment centrer sur l'industrie les 30 milliards d'euros. Il n'y a pas de miracle. J'ai proposé d'aller jusqu'à 3,5 smic, car plus on monte dans les salaires, plus la mesure profite à l'industrie et aux services à haute valeur ajoutée - l'industrie est bénéficiaire de 35% de la mesure. En y ajoutant les services de transport, de nettoyage, de gardiennage, on arrive à 50%. Le dégrèvement sur les charges sociales que je propose, comme le CIR, ne cible pas uniquement l'industrie mais il a un impact direct ou indirect sur elle.
Le rapporteur général m'a également interrogé sur l'impact macro-économique de mes propositions. J'ai été très déçu par les modèles économiques que nous avons fait tourner car... ils n'intègrent pas l'investissement ! Celui-ci n'est pris en compte que par le biais des consommations intermédiaires qu'il engendre. Quand l'investissement a diminué de 14% dans les entreprises en 2009, la perte de PNB a été de 1,5%. Quoi qu'il en soit, il faudrait rebâtir une modélisation, en incluant l'investissement. Les modèles actuels, je n'y crois pas, ils sont trop frustes.
Si j'ai proposé 30 milliards d'allègements de charges, c'est que nous risquons d'assister à l'effondrement de l'investissement industriel dès 2013 et l'impact sur la croissance en serait aussi important qu'en 2009. C'est un changement de climat qu'il faut créer.
Elles se retrouveront dès cette année dans les comptes des entreprises, comme pour le CIR.
Pour évaluer l'impact macroéconomique, il faut faire tourner les modèles, je ne suis pas capable de me prononcer.
J'ai manqué de courage sur la fiscalité écologique : j'ai parlé de taxe carbone, mais il aurait fallu s'attaquer au diesel. Faut-il maintenir les avantages fiscaux ? Cela me démangeait d'en proposer la suppression. Cependant, 80 % du parc français d'automobiles roule au diesel et le coût de l'essence est déterminant pour de nombreuses personnes qui travaillent...
Il n'est pas sûr que les allègements de charges bénéficient aux investissements. D'abord, il faudra que les financements externes - notamment la BPI et l'épargne longue - viennent relayer les investissements internes. Mais si le climat est favorable, l'investissement repartira. Tous les chefs d'entreprise disent vouloir investir en France.
Noircir le tableau sur les coûts salariaux ? Pour ma part je ne parle pas du coût du travail, mais des marges, qui prennent en compte tous les coûts et les prix, orientés à la baisse sous la pression internationale. A 20 % de marge, les entreprises n'investissent pas, faute d'autofinancement.
Le CIR est un bon instrument et ses effets sont globalement positifs : c'est pourquoi je propose de ne pas y toucher, même s'il peut être amélioré.
Personne ne sait ce qu'il en est des réserves de gaz de schiste : j'entends dire tout et son contraire, mais seuls trois pays européens semblent avoir un potentiel : la Grande-Bretagne, la France et la Pologne. Le seul moyen de le confirmer est de procéder à des forages, mais nous n'en sommes pas là : les techniques d'exploitation devront s'améliorer, ce qui n'exige d'ailleurs pas des investissements particulièrement importants. Les Américains surestiment probablement les réserves françaises pour obtenir des permis d'exploration.
Je veux rendre hommage à mon prédécesseur au commissariat général à l'investissement, René Ricol, dont le travail a été remarquable et qui a déjà débloqué 27 milliards d'euros sur les 35 milliards prévus pour les investissements d'avenir. Nous ne sommes pas encore au niveau de l'Allemagne avec les instituts Fraunhofer, un appareil de formation professionnelle performant et un apprentissage extrêmement développé, mais un mouvement se dessine : à nous de l'encourager.
Je partage l'avis de M. Martial Bourquin sur les mentalités : les Français ne croient plus suffisamment aux progrès techniques parce qu'on ne leur en montre que les aspects négatifs, jamais les potentialités. Le principal risque pour notre pays n'est pas de prendre des risques, mais de n'en prendre aucun. Pour les sous-traitants, je me suis largement inspiré du rapport Volot dont les remarques sur le crédit interentreprises sont pertinentes : si l'on ne parvient pas à un accord entre les centrales d'achat des grandes surfaces et l'industrie alimentaire, cette dernière sera laminée. J'ai proposé un choc de compétitivité sur deux ans, à raison de 10 milliards par an. Le gouvernement reporte ce choc.
Je ne suis pas un spécialiste de l'immobilier, mais je sais que le coût du logement induit une pression considérable à la fois sur le revenu et sur la mobilité des ménages.
Je salue votre rapport, M. Louis Gallois : peut-être vivons-nous un moment historique. Vous nous invitez à sortir du déni de réalité et à lever un certain nombre de tabous. Il est de notre responsabilité collective d'aller au bout de cette logique. Il y a quelques années, M. Michel Camdessus, chargé d'une commission de réflexion sur la croissance...
J'en étais membre !
avait parlé d'un risque de décrochage sous anesthésie. Il semble qu'on soit enfin sorti de l'anesthésie et que l'on constate le risque de décrochage.
Vous n'hésitez pas à parler d'un choc de compétitivité et vous soulignez l'urgence d'agir. Cependant, vous n'allez pas toujours au bout de votre démarche : les cotisations destinées à financer la politique familiale, pas plus que les cotisations maladie ne doivent reposer sur les entreprises. Mais êtes-vous sûr que 30 milliards suffiront ? Ne faudrait-il pas aller au-delà ? Puisqu'il faut privilégier l'offre, pour créer de l'emploi, l'heure n'est-elle pas venue de taxer la consommation, avec l'accompagnement pédagogique nécessaire, pour mettre un terme à ces débats enflammés qui nous condamnent à ne rien faire et à nous rendre complices du déclin ?
Comment faire pour que les allègements de charges servent bien à réduire le coût des produits et à créer des emplois, non à augmenter les marges des entreprises ?
Il n'y a pas que des manchots en France : certaines entreprises marchent bien, notamment dans les secteurs aéronautique, spatial, électronique, informatique. Vous avez passé sous silence les 35 heures qui plombent la compétitivité et qui coûtent chaque année à la France 21 milliards d'euros. La participation est essentielle au dialogue social, elle sert à faire la paix : les chefs d'entreprise et les syndicats ne sont pas des ennemis, ils doivent travailler ensemble.
Votre rapport rappelle la place essentielle de l'énergie, notamment nucléaire. La demande d'électricité va s'accroître, du fait des nouveaux appareils et des véhicules électriques qui vont se multiplier. Les coûts de l'électricité pourraient s'accroître, en raison de certaines pesanteurs que notre commission d'enquête sur les prix de l'électricité avait soulignées. Notre avantage compétitif risque de disparaître. La transition énergétique voulue par le gouvernement ne risque-t-elle pas de nous dépouiller de l'un de nos atouts majeurs ?
Vous estimez à juste titre qu'il faut renforcer le lien entre industrie et recherche. Le gouvernement ne devrait-il pas regrouper sous un même ministère ces deux domaines ? En 40 ans, seulement deux ministres se sont montrés très volontaristes : Michel d'Ornano avec l'électronucléaire entre 1974 et 1978 et Jean-Pierre Chevènement dont le directeur de cabinet était un certain Louis Gallois...
Enfin, si la question vous était posée dans les quatre ans qui viennent, accepteriez-vous d'être Premier ministre ?
Votre exposé était très intéressant, même si nous ne partageons pas toutes vos conclusions. Vous préférez parler des marges des entreprises plutôt que du coût du travail. Parlons d'un autre facteur : la rémunération des actionnaires, qui a vertigineusement augmenté. Vous avez dénoncé les objectifs à court terme des actionnaires. Pensiez-vous aux leveraged buy-out (LBO) ? Pour bénéficier du CIR, certaines grandes entreprises ont opportunément divisé leurs activités en petites unités filialisées. Les entreprises consacrent-elles suffisamment d'argent à la recherche ?
Notre pays ne devrait-il pas s'appuyer davantage sur ses grands groupes pour développer ses exportations, sachant que les 200 premières entreprises françaises réalisent 50% du total de nos exportations ?
Vous n'avez pas parlé de la durée du travail : une heure de plus dans la semaine serait indolore. Le gouvernement n'aime pas les chocs mais le Premier ministre a ouvert la boîte de Pandore.
Trente milliards, est-ce assez, demande M. Jean Arthuis ? Je crois que nous sommes parvenus à un point d'équilibre pour provoquer un vrai choc tout en prenant en compte la situation financière et économique de notre pays. Lorsque M. Gerhard Schröder a présenté le programme Hartz, la croissance européenne était proche de 3% et l'euro se négociait à moins de 1 dollar. Aujourd'hui, la croissance européenne est nulle et l'euro est à 1,30 dollar alors que sa parité de pouvoir d'achat avec le dollar se situe à 1,15.
Nous n'avons pas d'assurance sur l'utilisation des marges, M. Michel Teston. M. Arnaud Montebourg a beaucoup réfléchi à d'éventuelles conditionnalités, mais la mécanique aurait été infernale : les systèmes trop complexes sont sans impact. J'ai proposé un avantage fiscal aux bénéfices réinvestis, contre une taxation plus lourde des rachats d'actions. Espérons que le climat général portera les entreprises vers l'investissement : la balle est désormais dans le camp des entreprises et des syndicats. A chacun de prendre ses responsabilités.
M. Serge Dassault a raison de le souligner, beaucoup d'entreprises marchent bien. Mais quand on regarde la part de l'industrie dans le PNB, la France est en quinzième position dans la zone euro, avec derrière elle, la Grèce, Chypre, et le Luxembourg ; la part de l'industrie dans notre PNB s'est effondrée.
Je n'ai jamais été fanatique des 35 heures, mais il s'agit désormais d'un fait social établi. Le problème principal est ailleurs, il tient au taux d'emploi de nos concitoyens, qui rentrent particulièrement tard - 28 ans - sur le marché du travail et en sortent tôt - 58 ans - en moyenne. La population active est plus petite qu'ailleurs et les charges sociales qui pèsent sur elle, plus lourdes.
J'ai regretté les mesures fiscales qui ont touché la participation.
M. Jean-Claude Lenoir, je ne crois pas, moi non plus, à une réduction de la consommation d'électricité : il faudra essayer de conserver un prix aussi bas que possible. Dans les 25 prochaines années, le gaz restera une énergie essentielle, mais il s'agit de savoir si on l'achètera à M. Bouteflika, à M. Poutine ou si l'on essayera de trouver d'autres sources d'approvisionnement. La principale énergie renouvelable, c'est l'économie d'énergie : elle est propre, rapporte immédiatement et ne provoque pas d'effets induits.
Un seul ministère pour l'industrie et la recherche ? Je ne peux être contre, mais je ne voudrais pas peiner Mme Fioraso ! Je ne répondrai pas non plus à la dernière question de M. Lenoir. Il oublie que je suis à la retraite.
Pour ceux qui n'ont pas connu des conditions de travail difficiles, pourquoi effectivement ne pas leur permettre de travailler plus tard ?
Mme Marie-France Beaufils a raison : les distributions de dividendes ont été généreuses ces dernières années, du moins dans les grandes entreprises françaises, car cela est moins vrai dans les PME. C'est pourquoi je souhaite favoriser le réinvestissement des bénéfices.
Il ne s'agit pas d'encourager les LBO, mais d'apporter aux entreprises de taille moyenne innovantes les fonds propres dont elles ont besoin pour innover. J'ai proposé de créer des actions sans droit de vote mais avec un dividende préférentiel que puisse accorder la BPI pour éviter de modifier la propriété de l'entreprise. J'ai également proposé que 2% des investissements des compagnies d'assurance soient orientés vers des entreprises non cotées. Il faut avantager ceux qui prennent des risques : la rente immobilière en France existe !
Certaines grandes entreprises ont contourné le plafonnement par la technique du saucissonnage, créant des filiales pour engranger plus de CIR. Il faudra y mettre un terme. La part de la R&D financée par les entreprises n'est pas particulièrement basse par rapport à nos voisins. En revanche, la part de soutien public à l'effort de recherche des entreprises est plus faible qu'en Allemagne, 1,4 % contre 5 %. En France, on privilégie la recherche publique et moins la recherche industrielle. L'objectif européen de 3 % pour la recherche à l'échelle de l'Union européenne doit être tenu : nous sommes à 2,2 % et les Allemands à 2,6 %.
Certes, Mme Elisabeth Lamure, les grands groupes doivent entraîner les entreprises de taille moyenne à exporter : certaines le font très bien, comme Michelin ou Safran.
Vous voulez augmenter la durée du travail, est-ce à rémunération constante ?
Vous risquez de vous heurter à certaines résistances. (Applaudissements)
Présidence de M. Philippe Marini, président -
La commission procède enfin à l'examen des principaux éléments de l'équilibre sur le projet de loi de finances pour 2013 - Tome I du rapport général (M. François Marc, rapporteur général).
Comme l'année dernière, la discussion budgétaire s'ouvre au Sénat alors que des éléments nouveaux et significatifs ont fait leur apparition dans le débat public. L'an passé, la présentation des grands équilibres du projet de loi de finances, le 2 novembre, était intervenue après l'annonce par le Président de la République, le 27 octobre, d'un effort supplémentaire compris entre 6 et 8 milliards d'euros, dont les modalités avaient ensuite été précisées le 7 novembre. Cette année, la discussion en commission d'un projet de loi de finances et en séance d'une loi de programmation intervient à la suite de l'annonce par le Gouvernement d'une importante réforme des prélèvements obligatoires, devant être mise en oeuvre dès l'année prochaine. Toutefois, en l'état actuel de mes connaissances, les mesures annoncées ne devraient pas avoir, cette année, d'incidence significative sur le solde budgétaire de l'exercice 2013, ni sur le partage de l'effort entre recettes et dépenses pour cette même année.
S'agissant tout d'abord du contexte économique et de la programmation des finances publiques, je serai bref, dans la mesure où nous avons déjà largement évoqué ces questions au sein de notre commission des finances.
Le projet de loi de finances pour 2013 repose sur une hypothèse de croissance de 0,8 %. Si l'on peut débattre de cette prévision, l'écart avec le consensus des conjoncturistes est comparable à celui des années passées. Par ailleurs, je rappelle que nous avons modifié au Sénat la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques pour prévoir que, lorsque le Haut Conseil des finances publiques se prononcera sur l'hypothèse de croissance, il se positionne en fonction des prévisions des conjoncturistes, afin de rendre encore plus difficile le recourt à des hypothèses trop optimistes.
La répartition de l'effort entre les recettes et les dépenses dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2012-2017 prévoit un retour progressif à un solde structurel nul, en raison notamment d'une réduction du déficit structurel de 2 points de PIB en 2013.
L'effort structurel correspondant, de 1,9 point de PIB, est de 38 milliards d'euros si l'on considère qu'un point de PIB représente 20 milliards d'euros. Le montant des mesures sur les recettes et les dépenses s'établit, quant à lui, à 37 milliards d'euros en 2013 selon le Gouvernement. Ces mesures proviennent, à hauteur de 32,5 milliards d'euros, du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (répartis entre 10 milliards d'euros d'économies sur les dépenses de l'Etat, 2,5 milliards d'euros d'économies sur les dépenses d'assurance maladie, 10 milliards d'euros de prélèvements sur les entreprises et 10 milliards d'euros de prélèvements sur les ménages), et de 4,4 milliards d'euros d'effets en 2013 des mesures de la loi de finances rectificative de l'été 2012.
J'en viens maintenant à la présentation des grands équilibres du projet de loi de finances pour 2013, suivant une analyse classique des dépenses, puis des recettes et enfin du déficit et de son financement.
Les recettes du budget général enregistrent une progression de plus de 10 %, soit 28,9 milliards d'euros pour s'établir à 299,3 milliards d'euros, à périmètre constant, en 2013. Cette progression s'explique par l'évolution spontanée des recettes fiscales (en hausse de 8,4 milliards d'euros), par l'effet des mesures antérieures à 2013 (lesquelles majorent les recettes de 6,9 milliards d'euros) et enfin par les mesures nouvelles du projet de loi de finances pour 2013, dont l'impact à hauteur de 13,6 milliards d'euros représente près de la moitié de la hausse des recettes.
La présentation détaillée des mesures nouvelles du projet de loi de finances pour 2013 montre que celles-ci proviennent principalement de la réforme de la fiscalité du patrimoine et de l'impôt sur les sociétés. Pour tenir compte de l'ensemble des dispositions fiscales et sociales sur lesquelles se fonde l'équilibre du budget, il faut par ailleurs tenir compte des recettes supplémentaires attendues de la lutte contre la fraude (soit 1 milliard d'euros), du durcissement et de la prorogation du malus automobile (dont l'impact s'élève à + 0,2 milliard d'euros) et des mesures nouvelles figurant au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, soit 4,7 milliards d'euros. Au total, le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoient 19,6 milliards d'euros de recettes supplémentaires.
Il en résulte une amélioration du taux de couverture des dépenses du budget de l'Etat par ses recettes, lequel atteindrait 79,5 % en 2013. Après avoir chuté à seulement 53,3 % en 2010, ce taux retrouverait son niveau de 2008, et serait assez proche de celui des années antérieures, alors qu'il était compris entre 84 % et 85 % jusqu'en 2007.
En ce qui concerne les concours de l'Etat aux collectivités territoriales, ceux-ci sont stabilisés en 2013, alors qu'ils avaient diminué de 200 millions d'euros en 2012. Un effort sera toutefois demandé pour les années 2014 et 2015. Le projet de budget 2013 est fondé sur le strict respect de l'objectif de gel en valeur, pour l'ensemble des transferts financiers de l'Etat aux collectivités territoriales. Par ailleurs, les différents engagements pris sont respectés, puisque le périmètre de l'enveloppe normée exclut le fonds de compensation de la TVA, la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle et la dotation de garantie de reversement des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. L'année 2013 constitue donc bien une période transitoire qui doit être mise à profit pour établir un nouveau pacte entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Le projet de loi de finances pour 2013 augmente de 238 millions d'euros les masses financières de la péréquation verticale, cette hausse s'effectuant parmi l'ensemble des concours de l'Etat, soit entre les diverses composantes de la dotation globale de fonctionnement, soit au sein de l'enveloppe normée par une baisse des variables d'ajustement. La péréquation horizontale est également confortée. Sur ce point, les modifications des règles de fonctionnement du Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) sont bienvenues, en introduisant notamment un critère de charges dans les prélèvements.
Les dépenses du budget général respectent tant la norme « zéro volume », laquelle prévoit une progression au plus égale au rythme de l'inflation, que la norme « zéro valeur » qui exclut les dépenses de pensions et la charge de la dette, sur lesquelles le Gouvernement n'a qu'une marge de manoeuvre limitée. Il faut saluer l'extension du périmètre de la norme de dépenses au plafond des impositions et ressources affectées aux opérateurs de l'Etat et à divers autres organismes. L'assiette du plafonnement des taxes affectées est par ailleurs élargie dans le présent projet de loi de finances, puisqu'elle porte sur des taxes dont le produit est de 4,4 milliards d'euros, contre 3 milliards dans la loi de finances initiale pour 2012.
L'effort d'économies sur les dépenses est évalué à 10 milliards d'euros. Il se répartit entre une économie par rapport à l'évolution spontanée des dépenses de 9 milliards d'euros, et 1 milliard d'euros supplémentaires pour financer les priorités du Gouvernement. Cet effort à hauteur de 10 milliards d'euros permet de respecter la norme « zéro valeur ». Ces économies se répartissent entre les crédits de fonctionnement des ministères, y compris leurs dépenses salariales (2,8 milliards d'euros), les crédits d'intervention (2 milliards d'euros), le report de programmes d'équipement du ministère de la défense (2,2 milliards d'euros), les investissements civils (1,2 milliard d'euros) et la stabilisation en valeur des concours de l'Etat aux collectivités territoriales (1,8 milliard d'euros).
Le schéma d'emplois 2013 fait apparaître les priorités du Gouvernement. Les créations d'emplois dans l'éducation nationale, la justice et la sécurité sont gagées par des suppressions de postes dans les autres ministères. Le schéma d'emplois 2013 est toutefois légèrement négatif (- 2 416 postes), le Gouvernement ayant indiqué que l'objectif de stabilisation des emplois visait l'ensemble du quinquennat. Par ailleurs, il faut tenir compte des 4 278 créations de postes décidées dans la seconde loi de finances rectificative pour 2012. Au total, les effectifs de l'Etat doivent s'élever à 1 915 313 emplois équivalent temps plein travaillé en 2013. La masse salariale de l'Etat est également stabilisée : elle s'établit à 81,1 milliards d'euros dans le projet de loi de finances, en hausse de seulement 0,2 milliard d'euros par rapport à 2012.
La charge des intérêts de la dette s'élève à 46,9 milliards d'euros, en augmentation de 0,2 milliard d'euros par rapport à l'estimation révisée pour 2012, et en baisse de 1,9 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2012. La baisse de la charge de la dette s'explique par des conditions très favorables de taux d'émission : entre mi-septembre 2011 et mi-septembre 2012, les taux moyens d'émission ont baissé respectivement de 0,81 % à 0,11 % pour les titres à court terme, et de 2,80 % à 1,99 % pour les titres à moyen et long termes. Dans un contexte toutefois de remontée attendue des taux d'intérêt, la charge de la dette négociable devrait à nouveau augmenter en 2014 et en 2015 pour atteindre, à cette date, 59,9 milliards d'euros.
J'en viens à présent au déficit budgétaire et à son financement.
L'amélioration du solde budgétaire, de 83,6 milliards à 61,6 milliards d'euros, est l'une des plus fortes jamais enregistrées. Certes, un rétablissement spectaculaire avait été constaté entre 2010 et 2011 à hauteur de 50 milliards d'euros, mais il tenait à des facteurs exceptionnels : les investissements d'avenir, la non-reconduction des dépenses liées au plan Campus, le plan de relance et le contrecoup de la réforme de la taxe professionnelle.
Le solde général s'améliore ainsi de 22 milliards d'euros par rapport à 2012. Les facteurs de dégradation résident principalement dans la dynamique spontanée des dépenses et des événements exceptionnels, tels que l'augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement et les dépenses de contentieux. Les facteurs d'amélioration portent sur les dépenses, à hauteur de 10 milliards d'euros d'économies, et surtout sur les recettes, qui progressent spontanément et enregistrent l'effet des mesures antérieures à 2013 et des mesures nouvelles du projet de loi de finances.
En 2013, le solde primaire, c'est-à-dire le solde budgétaire hors charge des intérêts de la dette, devrait atteindre - 14,7 milliards d'euros, en amélioration de 22,2 milliards d'euros par rapport au révisé 2012 (- 36,9 milliards d'euros), soit une réduction de 60 % du déficit primaire. Sauf pour l'année 2011 où les dépenses exceptionnelles ne permettent pas des comparaisons d'une année sur l'autre, il s'agit de la plus forte réduction du déficit primaire depuis 2000, ce qui illustre l'ampleur de l'effort à consentir pour ramener le déficit sous le seuil des 3 % du PIB en 2013. En 2014, selon la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques, le solde primaire devrait redevenir positif (+ 0,8 milliard d'euros), puis s'élever à + 17 milliards d'euros en 2015.
Le besoin de financement de l'Etat atteindra 171,1 milliards d'euros en 2013, soit une diminution de 6,4 % par rapport au révisé 2012. En 2013, l'Etat empruntera pour un tiers afin de financer son nouveau déficit et pour deux tiers afin de refinancer les déficits passés. L'encours de la dette de l'Etat passerait de 1 387 milliards d'euros à 1 452,4 milliards d'euros (+ 4,7 %). Rappelons que l'encours total en valeur actualisée était de 921 milliards d'euros fin 2007. Il aura donc connu une augmentation de 51 % au cours de la période 2007-2012 correspondant à la précédente législature. La part de l'endettement à court terme continue ainsi à refluer. Après avoir atteint un pic fin 2009 (ils représentaient alors 18,6 % de l'encours total), les bons du Trésor à taux fixe (167,1 milliards d'euros) devraient représenter 11,5 % du stock de dette à fin 2013. Cette évolution diminue l'exposition de la France à un retournement des taux courts.
Pour couvrir le besoin de financement de l'Etat en 2013, les ressources proviennent principalement des émissions nouvelles de dettes à moyen et long termes nettes des rachats, soit 170 milliards d'euros. Il est prévu une variation en baisse des dépôts des correspondants (à hauteur de - 3,6 milliards d'euros), en raison des décaissements anticipés au titre des investissements d'avenir. L'encours des bons du Trésor à taux fixe se réduirait légèrement sur l'année (de - 0,7 milliard d'euros), illustrant la diminution de la part de la dette à court terme dans le total de l'encours.
La Commission européenne va très prochainement rendre publiques ses prévisions de croissance, lesquelles pourraient être ramenées à 0,4 % s'agissant de la France. Cette information est-elle de nature à modifier l'équilibre du budget général de l'Etat, la perte de recettes pour les administrations publiques pouvant être évaluée à 4 ou 5 milliards d'euros ?
Par ailleurs, la diminution des investissements conduira-t-elle l'Etat à recourir éventuellement aux partenariats public-privé et à la conclusion de baux emphytéotiques ?
J'avais préconisé l'an dernier de retenir une hypothèse de croissance inférieure de 0,5 point au consensus des conjoncturistes, par mesure de prudence. Des hypothèses prudentes de croissance permettent d'enregistrer ensuite des bonnes plutôt que des mauvaises nouvelles.
Pour ma part, je suis partisan d'efforts portant davantage sur les dépenses que sur les recettes, et je ne comprends pas que la progression spontanée des recettes fiscales dépasse aussi nettement l'évolution de la consommation des ménages, même s'il faut tenir compte du gel du barème de l'impôt sur le revenu.
S'agissant de la fiscalité des entreprises, celle-ci augmente de 10 milliards d'euros en 2013, après une augmentation analogue en 2012, ce qui est équivalent aux 20 milliards d'euros d'allègements annoncés par le Gouvernement pour renforcer la compétitivité. Cette analyse est-elle correcte ?
En ce qui concerne les transferts de l'Etat aux collectivités territoriales, il n'est pas tenu compte du fait que celles-ci reversent à l'Etat, notamment en TVA, une part des dotations qu'elles perçoivent. Alors que j'ai entendu de nombreuses critiques à l'encontre du Gouvernement l'an dernier quand un effort de 200 millions d'euros avait été demandé aux collectivités territoriales, ce sont 750 millions d'euros qui doivent être demandés en 2014, puis en 2015. L'Etat tend à leur demander d'appliquer des règles plus contraignantes que celles qu'il s'impose à lui-même.
Comment voulez-vous que nous puissions travailler dans des conditions satisfaisantes, quand nous ne disposons des informations qui nous sont présentées qu'à l'ouverture de la réunion de commission ? Dans les conseils d'administration des entreprises, ces éléments sont transmis à l'avance...
Les données qui nous sont fournies proviennent essentiellement de la présentation du projet de loi de finances, déposé par le Gouvernement il y a plus d'un mois.
Vous prétendez réduire les dépenses de fonctionnement, mais sans préciser lesquelles. L'augmentation de la pression fiscale va entraîner le départ du contribuable.
En augmentant les impôts, le Gouvernement diminue les possibilités d'investissement des entreprises et réduit la croissance. Je ne crois pas au Père Noël et je vous donne rendez-vous dans trois ou quatre mois, alors même que le niveau actuel des taux d'intérêt est très favorable.
Quelle est l'articulation entre le projet de loi de finances, le projet de loi de financement de la sécurité sociale et les annonces du Gouvernement ? Le rapporteur général a-t-il pris en compte l'annonce faite hier par le Gouvernement d'économies supplémentaires à hauteur de 10 milliards d'euros, et de mise en place d'un nouveau crédit d'impôt de 20 milliards d'euros ?
Quel sera l'impact de ces annonces sur le solde budgétaire ? Doit-on d'ores et déjà considérer que les hypothèses de construction du projet de loi de finances ne sont plus valides, et que s'annonce un nouveau collectif budgétaire ?
Je suis très interrogatif sur les évolutions de recettes, qui ont toujours tendance à être surestimées par le Gouvernement, quel qu'il soit.
Compte tenu du nombre plus élevé de fonctionnaires d'Etat en France par rapport à d'autres pays, un effort devrait pouvoir être accompli sur les effectifs de la fonction publique.
S'agissant de la charge de la dette, si elle est globalement stabilisée dans les prévisions de la loi de finances initiale pour 2013, elle dépassera 50 milliards d'euros à l'horizon 2015, ce qui n'est pas sans m'inquiéter.
La hausse des taux d'intérêt pour rembourser la dette sera-t-elle propre à notre pays, ou s'inscrit-elle dans un mouvement général ? Quelles sont les hypothèses d'augmentation ? Ces évolutions auront forcément une incidence sur nos prévisions budgétaires.
Je partage l'observation selon laquelle la tendance naturelle est de surestimer les recettes et de sous-évaluer les dépenses.
Par ailleurs, si les transferts de recettes aux collectivités territoriales sont stabilisés par rapport à 2012, en revanche les transferts des collectivités territoriales vers l'Etat ne cessent d'augmenter. Il aurait été bon de présenter ces deux mouvements financiers, et le solde qui en résulte.
On pourrait ajouter les charges indues. Certaines compétences sont transférées mais ne sont pas intégralement compensées, par exemple en ce qui concerne les opérations relatives aux titres d'identité réalisées pour l'Etat, dont la prise en charge n'est que partielle.
Il y a longtemps que les collectivités territoriales sont mises à contribution, et j'aurais aimé que des mesures soient prises pour enrayer cette évolution. Par ailleurs, il faut se donner les atouts nécessaires pour que les dépenses publiques aient une pleine efficacité dans la mise en oeuvre des choix politiques.
Nous avons un rendez-vous prochainement avec le Premier ministre pour voir s'il existe des ouvertures, ce qui nous conduira à rediscuter avec le rapporteur général.
L'encours de la dette négociable progresse de 65,4 milliards d'euros, alors que le déficit budgétaire n'augmente que de 61,6 milliards d'euros. Pouvez-vous nous expliquer cette différence ?
L'évaluation des recettes fiscales est toujours un exercice délicat au stade de l'élaboration du projet de loi de finances, puisqu'elle dépend des hypothèses de croissance et du contexte macro-économique, tout en présumant, pour le chiffrage des mesures nouvelles, une certaine stabilité des comportements des agents économiques. Or l'administration fiscale britannique m'a donné cet exemple : l'augmentation de la tranche marginale supérieure d'impôt sur le revenu n'a eu que le tiers du rendement escompté. S'agissant de l'impact des mesures fiscales nouvelles du projet de loi de finances pour 2013, le rapporteur général a-t-il pu l'expertiser ? Je pense notamment aux mesures dont l'impact est le plus élevé, comme la limitation de la déductibilité des charges financières, qui doit entraîner un surcroît de recettes estimé à 4 milliards d'euros. Enfin, ne faut-il pas prendre en compte d'éventuels changements de comportement des entreprises ?
Les entreprises vont bénéficier d'un allègement de charges sociales sur les salaires versés en 2013, mais le crédit d'impôt annoncé ne produira ses effets qu'en 2014. Constatera-t-on une dette de l'Etat sur les entreprises à due concurrence, à hauteur de 10 milliards d'euros, augmentant d'autant le déficit budgétaire de l'année 2013 ?
Il y aura bien une créance dans le bilan des entreprises, laquelle doit être retracée en termes de dette dans le compte général de l'Etat. Cette opération patrimoniale affectera-t-elle le déficit ?
Les entreprises paieront leurs charges par un prélèvement sur leur trésorerie, et bénéficieront d'un crédit d'impôt qui ne sera remboursable qu'en 2014 sous certaines conditions. Cette pratique est innovante.
Il convient de saluer la réduction du déficit budgétaire de 22 milliards d'euros, grâce à un effort qui engage non seulement l'Etat, mais aussi ses opérateurs et les collectivités territoriales. Le chemin suivi est raisonnable, et je m'inscris dans l'avenir en soutenant le projet de budget qui nous est soumis pour parvenir à l'équilibre budgétaire.
L'opposition devrait faire preuve de davantage de modestie dans son analyse très sourcilleuse de notre dette publique, qui a augmenté de 51 % entre fin 2007 et fin 2012, alors qu'elle était au pouvoir...
Pouvez-vous détailler l'évolution du besoin de financement de l'Etat ? Quelle sont les ressources assurant ce financement, et quelles sont les hypothèses d'évolution des taux d'intérêt à long terme ? Je crains malheureusement l'impact récessif des nouveaux prélèvements obligatoires sur la croissance de notre économie.
Quand les taux d'intérêt de la charge de la dette sont négatifs, l'Etat constate-t-il le gain en produits financiers ou considère-t-il qu'il s'agit d'une moindre charge de la dette ?
Je voudrais revenir sur le crédit d'impôt recherche (CIR) et le crédit impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).
En 2013, le CIR représentera une créance de plus de 5 milliards d'euros qui sera remboursée en 2014 pour les PME, et entre 2014 et 2017 pour les entreprises de taille intermédiaire et les grands groupes. Le préfinancement de cette créance est possible et a d'ailleurs été évoqué pour la première fois par le Premier ministre, mais la loi est trop restrictive. J'envisage de déposer un amendement pour faciliter ce préfinancement.
Un dispositif similaire pourrait être envisagé pour le CICE, dont le montant prévu s'élève à 10 milliards d'euros en 2014, et qui constitue également un crédit d'impôt au titre de l'impôt sur les sociétés. Ce levier fiscal pourrait ainsi être utilisé dès 2013.
Si un tel préfinancement avait un coût budgétaire, il faudrait en tenir compte dans la loi de finances.
Nous avons actuellement à examiner en même temps quatre textes financiers : le projet de loi de programmation des finances publiques, le projet de loi organique, le projet de loi de finances pour 2013 et la création de la Banque publique d'investissement. Certaines des questions abordées entrent dans le champ de compétences des rapporteurs spéciaux et pourront être soulevées à nouveau lors de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances, notamment en ce qui concerne les conditions de financement de la dette, sur laquelle le rapport spécial de la mission « Engagements financiers de l'Etat » apportera des éclairages complémentaires.
En réponse à Jean Arthuis, il est en effet vraisemblable que la Commission européenne propose d'autres estimations de croissance. Je rappelle toutefois que le projet de loi organique, sur l'initiative de notre commission des finances, prévoit que le Haut Conseil des finances publiques, s'appuyant sur les différentes prévisions de croissance, exprime un avis sur celles du Gouvernement. Il s'agit donc d'un changement de pratique qui entrera très prochainement en vigueur.
S'il est retenu une hypothèse de croissance de 0,4 % en 2013, la différence entre le consensus des économistes et la prévision du Gouvernement associée au projet de loi de finances (soit un différentiel de 0,4 %) s'inscrit dans la continuité des écarts moyens observés jusqu'à présent. Si l'estimation de la Commission européenne s'avérait exacte, je conviens que l'effort à accomplir serait différent.
Sur les partenariats public-privé et les baux emphytéotiques, la loi organique apportera, à l'avenir, des informations supplémentaires.
Les dépenses d'investissement dans les ministères civils diminuent de 1,2 milliard d'euros par rapport à leur évolution tendancielle, ce qui conduit à l'abandon ou au report de plusieurs projets dans les domaines des transports et de la culture, ainsi qu'à une diminution du programme de construction de prisons, dans le cadre d'un changement de cap de la politique judiciaire qui vise à réduire le nombre d'incarcérations.
Un différentiel de croissance de 0,5 point représente effectivement un accroissement des administrations publiques de l'ordre de 5 milliards d'euros.
Les éclaircissements que demandera le Haut Conseil des finances publiques sur les écarts entre les prévisions du Gouvernement et celles des conjoncturistes sont de nature à répondre aux interrogations de Vincent Delahaye. Le Parlement disposera d'éléments d'information supplémentaires lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2014, et le Gouvernement aura à s'expliquer sur ses choix.
La croissance spontanée des recettes, de l'ordre de 9 milliards d'euros, est dans la continuité des évolutions observées depuis 2007, toutes choses égales par ailleurs, c'est-à-dire en retenant un taux de croissance économique donné.
Il y a une temporalité différente entre la mise en oeuvre des mesures annoncées pour renforcer la compétitivité de l'économie française et l'objectif premier de redressement des finances publiques. Les mesures nouvelles du projet de loi de finances pour 2013 relatives à la fiscalité des entreprises concentrent les efforts sur les grands groupes pour tenir l'objectif de déficit fin 2013. Puis le pacte de compétitivité, dont l'un des instruments est le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, a vocation à s'exercer dès 2013, tout en n'ayant un impact sur le solde budgétaire qu'à partir de 2014. Il y aura donc bien une inscription dans le bilan de l'Etat, mais sans incidence sur le déficit budgétaire annuel.
Lorsque les parlementaires ont adopté la révision constitutionnelle en 2008, ils ont institué une exigence de sincérité des comptes publics !
Dans le compte général de l'Etat, les produits fiscaux sont estimés en tenant compte des obligations fiscales et des décisions fiscales.
S'agissant du CICE, le traitement comptable est identique à celui du crédit d'impôt recherche, qui n'avait alors guère soulevé d'objections dans les rangs de l'actuelle opposition.
Pour répondre à Serge Dassault et à plusieurs de nos collègues, j'indique un certain nombre d'économies de fonctionnement : le recentrage du rôle des sous-préfectures, la rationalisation des moyens de fonctionnement du ministère de l'intérieur, l'adaptation du réseau du Quai d'Orsay, notamment par une meilleure valorisation de son patrimoine immobilier à l'étranger, la réduction des crédits de fonctionnement de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR), la diminution des subventions versées aux opérateurs pour charge de service public, la mise à contribution des opérateurs culturels comme le Louvre ou le Grand Palais, ou encore le prélèvement sur le fonds de roulement du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC)...
En ce qui concerne le plan d'économies supplémentaires du Gouvernement évoqué par Albéric de Montgolfier, ces mesures ne concernent que pas ou peu l'année 2013. Mais le débat en séance publique cet après-midi offrira au ministre l'occasion d'apporter des explications complémentaires sur les incidences de ces mesures sur la programmation budgétaire en 2014 et 2015. La trajectoire du solde reste confirmée.
Nous partageons certes le même objectif, mais en empruntant un chemin un peu différent...
Le chemin peut varier. Cet après-midi, le Gouvernement présentera un amendement au projet de loi de programmation des finances publiques pour en tirer les conséquences.
Je ne manquerai pas de demander la réunion de la commission pour examiner cet amendement.
Est-il conforme à la Constitution de modifier aussi substantiellement un projet de loi, cette mesure n'étant pas introduite en premier lieu devant l'Assemblée nationale ?
L'adjectif « substantiellement » est de trop, car la mesure ne porte que sur des ajustements en recettes et en dépenses.
Je tiens à rassurer Aymeri de Montesquiou sur les hypothèses de taux d'intérêt retenues : celles-ci sont prudentes et le Gouvernement anticipe une remontée des taux dans un contexte de financement de notre dette qui reste pourtant favorable.
Au sein de la zone euro, pour faire suite aux observations d'Eric Doligé, la politique française est considérée comme crédible. La question se pose de la participation des collectivités territoriales. Le 22 octobre, une déclaration commune entre l'Etat et les départements, lors d'une réunion à laquelle Eric Doligé et d'autres étaient présents...
a conduit à l'engagement suivant lequel, à partir de 2014, les collectivités territoriales disposeraient de ressources pérennes et suffisantes. Des travaux en cours sont également engagés sur les normes. Par ailleurs, le Haut Conseil des territoires aura vocation à examiner cette question.
Pour répondre au président Philippe Marini, ce sera au Haut Conseil des finances publiques d'apprécier le rendement constaté des mesures nouvelles sur les recettes au regard des prévisions, quitte à en tirer les conséquences sur nos outils de simulation en cas de mauvaises surprises trop fréquentes. Louis Gallois a évoqué, lors de la présentation de son rapport, les défauts de nos instruments de modélisation économique.
Les chiffrages dont nous disposons sont établis à partir des comportements observés des acteurs économiques. Quel sera l'impact des mesures nouvelles sur l'investissement des entreprises ? Il convient d'être prudent dans la réponse à cette interrogation. C'est vrai notamment de la limitation de la déductibilité des charges, qui répond à des choix économiques ayant une forte inertie. Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2013 procède à une réévaluation à la hausse de certaines mesures : adoptée dans le cadre de la seconde loi de finances rectificative pour 2012, la contribution de 3 % sur le versement de dividendes a un rendement réévalué de + 0,8 milliard d'euros lors de la préparation du présent projet de loi de finances.
S'agissant du préfinancement des crédits d'impôt évoqué par Michel Berson, de telles mesures coûtent cher, même lorsqu'elles sont limitées aux PME, et doivent ainsi donner lieu à une évaluation précise avant toute modification législative.
En réponse à Francis Delattre sur le besoin de financement de l'Etat qui s'élève à 171,1 milliards d'euros, celui-ci sera principalement assuré par des émissions nouvelles de dettes à moyen et long termes à hauteur de 170 milliards d'euros. Concernant l'évolution des taux, le taux à 10 ans des obligations assimilables du Trésor (OAT) s'établit à 2,9 % dans les prévisions du projet de loi de finances pour 2013, lequel envisage par ailleurs une remontée progressive jusqu'en 2015.
La commission donne acte à M. François Marc, rapporteur général, de sa communication.
Au cours d'une seconde réunion tenue lors d'une suspension de séance l'après-midi, la commission procède à l'examen de l'amendement n° 13 du Gouvernement portant article additionnel après l'article 15 du projet de loi n° 69 (2012-2013) de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (M. François Marc, rapporteur).
Mes chers collègues, nous nous réunissons afin d'examiner l'amendement déposé par le Gouvernement en séance publique sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017. Cet amendement a pour objet d'intégrer les conclusions du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi, présenté par le Gouvernement, hier, mardi 6 novembre.
L'amendement propose de poser le principe d'une modification des articles 2, 2 bis, 3, 5, 9, 10, 11, 12 et 13 du projet de loi de programmation afin de prendre en compte les incidences du pacte de croissance du Gouvernement. Il est indispensable d'être en mesure de préparer rapidement ces nécessaires ajustements, dans mon esprit d'ici la réunion d'une éventuelle commission mixte paritaire, étant entendu que ces dispositions s'inscrivent dans la préoccupation gouvernementale d'une trajectoire globale des finances publiques maintenue.
Tous ceux qui siègent à la commission des finances depuis plusieurs années conservent un souvenir douloureux de la première loi de programmation des finances publiques. Nous l'avions examinée à l'automne 2008 et elle avait été promulguée en février 2009.
Cette loi de programmation reposait sur des hypothèses économiques que la crise de septembre 2008 avait fait voler en éclat. Elle était donc périmée avant même son entrée en vigueur.
Aujourd'hui, nous avons un Gouvernement qui prend la peine d'indiquer dès le lendemain de ses annonces quelles conséquences pourront en être tirées sur les volets dépenses et recettes de la programmation.
Je fais cette précision car il est évident que l'objectif de solde structurel, qui est notre engagement au titre du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG), ne sera pas modifié par les annonces d'hier, de même que notre objectif de solde effectif de 2013, qui correspond à l'obligation qui nous a été fixée dans le cadre de la procédure pour déficit excessif dont fait l'objet la France.
Je vous rappelle qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, les dispositions programmatiques figurant dans les lois de programmation ont valeur d'objectifs et ne sont pas juridiquement contraignantes. Elles ne s'imposent pas aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.
Dès lors, un gouvernement qui profite de la lecture au Sénat pour préciser ses objectifs ne fait que se conformer à l'exigence de sincérité à laquelle il doit toujours s'astreindre.
Pour ma part, il me parait impensable que puisse être promulguée une loi de programmation qui ne prendrait pas en compte l'ensemble des mesures envisagées et publiquement annoncées hier.
Donc je remercie le Gouvernement d'avoir montré son respect du Parlement en déposant cet amendement.
Monsieur le rapporteur général, on ne peut que louer votre à-propos face à une réalité originale. Nous sommes en effet réunis afin d'adopter un amendement qui ne prescrit rien. Il nous est demandé d'introduire dans le projet de loi une « cheville » qui permettrait de réaliser des rectifications ultérieurement.
Cet amendement constitue une lapalissade. Des chiffres figurent dans son objet : pourquoi ne pas modifier directement les articles du projet de loi visés plutôt que d'introduire la possibilité de futures modifications ? Ce procédé s'explique t-il par un risque de censure par le Conseil constitutionnel ?
Monsieur le Président, cette « cheville », ne s'apparente-t-elle pas à une « clause de revoyure » ? ...
Il n'en reste pas moins que nos lois sont envahies par des dispositions qui ne prescrivent rien...
Je souhaite poser une question pratique : pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas proposé de poser une « cheville » sur l'ensemble des articles du texte ?
Pourquoi le Gouvernement a-t-il déclaré l'urgence sur le projet de loi de programmation puisqu'il dépose par la suite un tel amendement ?
En ce qui me concerne, je proposerai un sous-amendement qui permettrait, en plus de prendre en considération les mesures du pacte de croissance, d'actualiser les hypothèses macroéconomiques retenues dans le cadre du projet de loi.
Je tiens par ailleurs à indiquer combien il apparaît surréaliste de demander à des parlementaires d'examiner un texte de loi qui présente le risque d'être sensiblement modifié.
Il faut souligner que le Gouvernement annonce le changement et en donne le cadre. Il me semble difficile de lui adresser des reproches alors qu'il fournit au Sénat toutes les informations nécessaires au débat parlementaire, conformément aux voeux de l'opposition...
Cet amendement ne modifie en rien la philosophie du texte que nous sommes amenés à discuter. Je regrette par ailleurs que ne soit pas mieux explicitée dans l'objet de l'amendement la méthode qui, selon le Gouvernement, permettrait de réaliser des économies importantes tout en préservant et en modernisant notre modèle social...
Monsieur le Président, ne pourriez vous pas évoquer, lors de la réunion de la Conférence des Présidents qui a lieu ce soir, les difficultés auxquelles sont confrontés les parlementaires à propos de ce projet de loi, notamment la question de la gestion du temps de son examen ?
J'aborderai cette question sous l'angle de la procédure parlementaire car nous nous acheminons vers un texte qui sera en réalité mis au point à l'étape de la commission mixte paritaire, en dehors de la séance publique et sans les nécessaires travaux préparatoires qui permettent l'examen serein des textes de loi.
Il me semble que l'adoption de l'amendement du Gouvernement est à la limite des procédures acceptables sur le plan constitutionnel...
Mes chers collègues, attendez vous à voir diminuer l'enveloppe des dotations allouées aux collectivités territoriales...
Pour ma part, je m'interroge sur la nécessité de rejeter ou de s'abstenir sur cet amendement car on peut estimer que ceci relève d'un débat interne au Gouvernement...
Je tiens à préciser la notion de RGPP. Il faut en effet distinguer la nécessaire modernisation de l'Etat de la simple règle suivie par le précédent Gouvernement de baisse des effectifs de la fonction publique.
Chers collègues, nos débats se résument en réalité à un problème de méthodologie. Il n'était pas possible d'intégrer un tel amendement dans le texte initial puisque les mesures qui le rendent nécessaire ont été annoncées hier... Il s'agit de bon sens.
En réponse à Jean Arthuis, la réduction de l'enveloppe des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales aura lieu en 2014 et non en 2013, conformément à ce qui a été annoncé par le Gouvernement.
Je suis conscient du malaise de l'opposition qui est en accord avec la quasi intégralité des mesures figurant dans ce projet de loi de programmation.
La dégradation de l'économie française implique des annonces graves et oblige le Gouvernement à prendre des mesures pour rétablir la confiance, remédier au manque de compétitivité de notre pays et à la mauvaise situation de l'emploi.
Nous n'avons d'autre solution que de prendre acte de cette réalité et des conséquences du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi en termes d'allègement des prélèvements obligatoires et de baisse de la dépense publique. Le Gouvernement fait en sorte d'informer le Parlement de ce changement de paramètres de la trajectoire.
Il s'agit là de la meilleure des solutions, je suis par conséquent favorable au vote de cet amendement.
Si nous sommes en accord avec beaucoup de choses sur le fond, il n'en reste pas moins que, sur la forme, nous observons que c'est l'annonce du « rapport Gallois » qui empêche le débat parlementaire de se dérouler dans de bonnes conditions.
Il est vrai que l'on aurait pu imaginer une révision qui intervienne au moment du vote d'une loi de finances rectificative. En tout état de cause, le Gouvernement est responsable de la méthode utilisée...
La commission des finances émet un avis favorable à l'adoption de l'amendement n°13 du gouvernement portant article additionnel après l'article 15 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, par 12 voix pour, 11 voix contre et 2 abstentions.