Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 28 juin 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

Source

La commission entend une communication de MM. Jean Faure et André Vantomme sur le déplacement d'une délégation de la commission au Kosovo du 2au 8 juin 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Nous sommes réunis aujourd'hui pour entendre la communication de nos collègues Jean Faure et André Vantomme à la suite de leur mission au Kosovo, du 2 au 8 juin dernier.

Cette communication témoigne de l'intérêt constant de notre commission pour la région des Balkans occidentaux.

Je rappelle que nos collègues André Trillard et Didier Boulaud avaient déjà effectué un déplacement au Kosovo en 2008, qui avait donné lieu à un rapport d'information.

Nos collègues René Beaumont et Bernard Piras se sont rendus en Serbie en décembre dernier et René Beaumont nous avait présenté un rapport sur l'accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et la Serbie.

Plus récemment, nos collègues Jacques Blanc et Didier Boulaud ont effectué une mission en Croatie, qui avait fait l'objet d'un rapport d'information, publié peu avant la clôture des négociations d'adhésion de ce pays à l'Union européenne.

Avec cette communication sur le Kosovo, qui donnera lieu, si vous en êtes d'accord, à un rapport d'information, notre commission disposera ainsi d'une vue assez complète sur la région des Balkans occidentaux.

Cette région, qui reste encore marquée par les conflits meurtriers des années 1990, et dans laquelle la France et l'Union européenne se sont beaucoup investies, demeure, en effet, une source potentielle de tensions en Europe et représente aussi de nombreux défis en termes de démocratie, de respect des droits des minorités et de coopération régionale.

A cet égard, le Kosovo, qui a déclaré son indépendance il y a seulement trois ans, et dont l'indépendance demeure contestée par cinq des vingt-sept Etats membres de l'Union européenne, reste sans doute le cas le plus difficile.

Je laisse donc la parole à nos deux collègues pour qu'ils nous présentent les principaux enseignements qu'ils retirent de leur mission au Kosovo.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

Du 2 au 8 juin, nous nous sommes rendus, avec notre collègue André Vantomme, au Kosovo, dans le cadre d'une mission de la commission.

Cette mission avait un double objectif :

- d'une part, étudier la situation intérieure et géopolitique du Kosovo, trois ans après la proclamation de l'indépendance en 2008 ;

- et, d'autre part, rencontrer les militaires français déployés dans le cadre de la KFOR de l'OTAN et les gendarmes et les personnels civils français participant à la mission EULEX de l'Union européenne.

Afin de préparer ce déplacement, nous avons eu plusieurs entretiens au ministère des affaires étrangères et européennes, à l'état-major des armées et avec la direction générale de la gendarmerie nationale. La commission a également auditionné l'ambassadeur du Kosovo en France le 4 mai dernier.

Au cours de notre visite, nous avons eu de nombreux entretiens avec des responsables kosovars, dont la vice-premier ministre chargée du dialogue avec la Serbie, le ministre de la Justice et le ministre de l'intérieur.

Nous avons également rencontré les représentants de la communauté internationale, notamment le chef de la mission EULEX, notre compatriote Xavier Bout de Marnhac, général en deuxième section et ancien commandant de la KFOR, le conseiller politique du commandant de la KFOR, l'adjoint du représentant civil international et le Chargé d'affaires du bureau de liaison de la Commission européenne.

Nous nous sommes aussi rendus à Mitrovica et dans plusieurs enclaves serbes du Sud, notamment à Gracanica, où nous avons rencontré le maire et la députée, tous deux d'origine serbe, et nous avons visité plusieurs monastères orthodoxes, protégés par la police kosovare ou par des militaires de la KFOR.

Enfin, nous avons rencontré les militaires et les gendarmes français, visité le camp français de Novo Selo et accompagné les militaires et les gendarmes français dans leurs patrouilles sur le terrain.

Tout au long de notre séjour, nous avons bénéficié du soutien très précieux de notre ambassadeur, M. Jean-François Fitou, et de ses collaborateurs, notamment le Premier conseiller, M. Philippe Dupont.

Ce déplacement a témoigné de l'intérêt porté par notre commission à la région des Balkans occidentaux, marquée par les conflits meurtriers des années 1990 et située à proximité immédiate de l'Union européenne.

Ainsi, je citerai la mission effectuée en Serbie par nos collègues René Beaumont et Bernard Piras, en décembre dernier, puis le récent déplacement en Croatie de nos collègues Jacques Blanc et Didier Boulaud.

Je rappelle également que nos collègues Didier Boulaud et André Trillard avaient déjà effectué un premier déplacement au Kosovo, en octobre 2008, peu après l'indépendance, qui avait donné lieu à un excellent rapport d'information.

Trois ans après la proclamation de l'indépendance, il paraissait utile de faire à nouveau le point sur la situation de ce pays, qui est confronté à de nombreux défis et qui bénéficie encore d'un soutien important de la communauté internationale, notamment de l'OTAN et de l'Union européenne.

Avant de vous présenter les principaux enseignements que nous retirons de la présence internationale au Kosovo et de notre mission auprès des militaires et des gendarmes français déployés dans le cadre de la KFOR de l'OTAN et de la mission EULEX de l'Union européenne, je laisserai la parole à notre collègue André Vantomme, afin qu'il vous présente la situation du Kosovo, tant sur le plan intérieur, qu'au niveau international.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

Le Kosovo a proclamé son indépendance le 17 février 2008, au terme d'un long processus.

Ce petit territoire enclavé de plus de 10 000 km2, d'une taille comparable au département de la Gironde, est peuplé de 2,1 millions d'habitants, en grande majorité des Albanais, mais avec une minorité d'environ 100 000 Serbes (5 %), qui vivent pour un tiers (40 000) au nord de la rivière Ibar, autour de Mitrovica, et pour les deux tiers (60 000) dans des enclaves isolées au sud.

Le Kosovo fut pendant quatre siècles sous domination ottomane avant d'être intégré à la Serbie en 1913, puis à la Yougoslavie.

Le Kosovo est considéré comme le berceau de la civilisation serbe depuis la défaite des armées du Prince Lazar contre les Ottomans en 1389, lors de la bataille du Champ des Merles, dont nous avons visité le monument, ce qui explique la présence de très nombreux monastères orthodoxes, alors que les Albanais sont en grande majorité de confession musulmane, même si on compte également des communautés catholiques.

Bien que n'étant pas reconnue comme une république autonome dans le cadre de la Yougoslavie, à la différence par exemple de la Croatie ou de la Macédoine, le Kosovo a bénéficié d'une certaine autonomie, qui a été remise en cause en 1989 lors de l'arrivée au pouvoir de Slobodan Milosevic, qui a supprimé l'autonomie de cette province, le bilinguisme et licencié les fonctionnaires d'origine albanaise, y compris de l'enseignement ou de la santé.

La majorité albanaise organise alors une protestation pacifique avec la création d'une véritable société parallèle, dotée d'écoles et d'hôpitaux, et même d'un gouvernement, dirigé par l'écrivain Ibrahim Rugova.

Avec l'intensification de la répression par les autorités serbes, certains kosovars albanais changent de stratégie et, à compter de 1998, constituent l'armée de libération du Kosovo (UCK), qui lutte contre l'armée serbe.

Les mois de février et mars 1998 sont marqués par de violents combats et la destruction de nombreux villages albanais par l'armée et la police serbes, de violentes représailles de l'UCK, notamment contre les serbes et les monastères orthodoxes, et un flot massif de réfugiés.

Afin de mettre un terme au conflit, et après l'échec des négociations avec la Serbie, l'OTAN intervient par des bombardements aériens en mars 1999, qui contraignent Slobodan Milosevic à retirer ses troupes en juin 1999.

Le Kosovo est placé, par la résolution 1244 du Conseil de sécurité, sous administration de l'ONU, dirigée par notre compatriote Bernard Kouchner, et qui comprend le déploiement d'une force de l'OTAN.

L'envoyé spécial des Nations unies au Kosovo, le Finlandais Marti Ahtisaari, prix Nobel de la paix, présente en 2007 un plan préconisant l'accession à l'indépendance sous supervision internationale, accompagné d'un statut protecteur pour les minorités et des mesures de protection du patrimoine religieux, mais ce plan a été rejeté par la Serbie.

Le 17 février 2008, le Kosovo proclame alors son indépendance.

A ce jour, le Kosovo est reconnu par 76 Etats, dont les Etats-Unis et 22 des 27 Etats membres de l'Union européenne, c'est-à-dire tous les pays membres, dont la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, à l'exception de l'Espagne, de la Roumanie, de la Slovaquie, de la Grèce et de Chypre.

Les réserves de ces cinq Etats membres ne portent pas tant sur le Kosovo mais s'expliquent par la crainte d'un précédent concernant certaines régions (comme la Catalogne pour l'Espagne ou la partie Nord de l'île pour Chypre) ou minorités (comme les minorités hongroises en Slovaquie et en Roumanie).

La Serbie n'a pas reconnu l'indépendance du Kosovo, qu'elle considère comme faisant toujours partie de son territoire, de même que la Russie.

Saisie à la demande de la Serbie, la Cour internationale de justice a rendu, le 22 juillet 2010, un avis consultatif qui confirme la conformité au droit international de la déclaration d'indépendance du Kosovo.

Le Kosovo reste toutefois, comme nous avons pu le constater sur place, un pays coupé en deux, à la fois sur le terrain, mais aussi dans les esprits.

Au sud de la rivière Ibar, le territoire, majoritairement albanais, comporte des enclaves serbes, à l'image de la ville de Gracanica, dont nous avons rencontré le maire-adjoint et la députée, qui coopèrent avec les autorités de Pristina, mais on constate néanmoins un repli identitaire des deux communautés, qui vivent très cloisonnées et dans la peur l'une de l'autre.

En particulier, les églises orthodoxes et les monastères, parfois très isolés, doivent en permanence être protégés, soit par les militaires de la KFOR, soit par la police kosovare, par crainte de dégradations de la part des Albanais.

A cet égard, il ne s'agit pas réellement d'un conflit à caractère religieux, même si les Albanais sont majoritairement musulmans et les Serbes orthodoxes, mais d'un conflit à caractère national, car le Kosovo connaît un Islam très modéré.

On rencontre moins de femmes voilées à Pristina et dans les villes du Kosovo qu'à Paris ou en banlieue parisienne !

Le principal problème reste la partie située au nord de la rivière Ibar, dont le secteur nord de la ville Mitrovica, qui est principalement peuplée de serbes, qui ne reconnaissent pas l'autorité de Pristina et dont les « structures parallèles », c'est-à-dire les institutions municipales, les tribunaux, les écoles ou les hôpitaux, sont financées et appliquent les lois de Belgrade, avec une forte présence de réseaux criminels de type mafieux.

Le Kosovo a connu une grave crise politique à l'automne 2010, avec l'invalidation successive par la Cour constitutionnelle de deux présidents de la République. En définitive, une jeune femme de 36 ans, ancienne chef de la police, a été élue présidente de la République par le Parlement le 7 avril 2011.

L'essentiel du pouvoir se concentre toutefois dans les mains du Premier ministre M. Hashim Thaçi, dont le parti issu de l'UCK (PDK) est arrivé en tête lors des dernières élections législatives de décembre 2010, qui ont été marquées par des fraudes flagrantes.

De manière générale, le climat politique reste tendu, notamment entre le PDK, issu de l'UCK, et la LDK, fondée par Ibrahim Rugova, et avec une montée du parti d'autodétermination, qui est favorable au rattachement du Kosovo à l'Albanie.

Le Kosovo connaît aussi une situation économique et sociale délicate. Avec un taux de chômage de 45 %, touchant principalement les jeunes, un territoire enclavé, une agriculture délaissée et entravée par des constructions immobilières anarchiques, une absence presque complète d'industries, l'économie du Kosovo ne survit que grâce à l'aide de la communauté internationale et de la diaspora albanaise, surtout présente en Suisse et en Allemagne.

Le PIB par habitant, de l'ordre de 1 700 dollars par an, représente seulement 7 % de la moyenne communautaire.

Si le Kosovo dispose de richesses minières (notamment en lignite), le pays importe la quasi-totalité des produits (y compris alimentaires) et les besoins, en termes d'infrastructures et d'investissements, sont considérables. Notre collègue Jean Faure a ainsi visité la station de ski de Brezovica, dont les équipements sont totalement obsolètes.

Alors que l'aide internationale est cruciale, le Fonds monétaire international a récemment suspendu son aide, notamment en raison des soupçons de corruption concernant un coûteux projet d'autoroute vers l'Albanie.

En matière de politique étrangère, malgré une très forte américanophilie, qui s'explique par le fort soutien des Etats-Unis à l'indépendance, la priorité du gouvernement kosovar est le rapprochement avec l'Union européenne. Toutefois, si l'Union européenne a affirmé la perspective européenne de l'ensemble des pays des Balkans occidentaux, ce rapprochement est freiné par la non-reconnaissance du Kosovo par cinq Etats membres. Ainsi, le Kosovo est le seul pays des Balkans occidentaux à ne pas bénéficier de la libéralisation des visas de court séjour avec l'Union européenne.

Dans ce contexte, les autorités du Kosovo fondent beaucoup d'espoirs sur le dialogue avec Belgrade, lancé le 8 mars 2011, sous l'égide de l'Union européenne, comme nous l'a indiqué la ministre chargée de ces négociations.

Les premières discussions ont porté sur des sujets techniques, importants pour la vie quotidienne des citoyens, tels que les documents d'état-civils (dont les originaux sont toujours détenus à Belgrade), le cadastre, les douanes, l'électricité, les télécommunications ou encore le survol du territoire.

A terme, le Kosovo souhaiterait obtenir de Belgrade, sinon une reconnaissance, du moins une normalisation des relations, qui permettrait, notamment, l'adhésion du Kosovo à l'ONU et dans d'autres organisations internationales, ainsi qu'un rapprochement avec l'Union européenne.

Ce dialogue n'a pas été remis en cause par les graves accusations portées par le député suisse Dick Marty, dans le cadre du Conseil de l'Europe, concernant un trafic d'organes prélevés sur des prisonniers serbes par les combattants de l'UCK, dont l'actuel Premier ministre kosovar.

S'il faut rester prudent sur ces allégations qui ne reposent sur aucune preuve et qui proviennent d'une personnalité qui s'était fortement opposée à l'intervention de l'OTAN et à l'indépendance, EULEX a été chargé d'une enquête sur ces allégations.

Ce dialogue suscite toutefois de fortes inquiétudes au Kosovo, en raison des déclarations de certains responsables politiques serbes, qui évoquent une partition du Nord du Kosovo ou un échange de territoires.

Or, une telle partition, qui serait contraire au principe de l'intangibilité des frontières, risquerait de provoquer de nouvelles tensions dans toute la région, notamment en Bosnie-Herzégovine et en Macédoine (où vit une importante minorité albanaise).

Pour notre part, nous considérons qu'il faudrait que l'Union européenne dise clairement à la Serbie que l'idée d'une modification des frontières n'est pas acceptable et que la normalisation des relations avec le Kosovo est une nécessité pour son rapprochement avec l'Union européenne.

Avant d'être un grand marché, l'Union européenne est d'abord une construction fondée sur la réconciliation entre les peuples.

Par ailleurs, le précédent chypriote montre que l'Union européenne devrait éviter d'importer des conflits en son sein. Elle se doit au contraire d'encourager la coopération régionale.

Nous pensons également qu'il faudrait inciter les cinq Etats membres qui ne l'ont pas encore fait à reconnaître l'indépendance du Kosovo. Certes, la décision de reconnaître ou non un Etat est une décision souveraine de chaque Etat membre. Mais, comment expliquer que, sur un sujet de cette importance, qui la concerne directement, l'Union européenne ne parvient pas à parler d'une seule voix ? Au moment où l'Union européenne s'efforce de renforcer sa politique étrangère, avec le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et le service européen pour l'action extérieure, créés par le traité de Lisbonne, il serait souhaitable de progresser sur cette question.

Nous estimons aussi que la France devrait se montrer plus ouverte à la perspective d'une suppression des visas, étant donné que, le Kosovo est le seul pays des Balkans avec lequel l'Union européenne a maintenu cette contrainte.

Enfin, nous pensons que, dans un contexte de diminution des militaires et des gendarmes français, la France pourrait utilement renforcer sa présence au Kosovo en matière économique et d'expertise.

Alors qu'il existe un marché pour nos entreprises, comment expliquer que notre ambassade soit dépourvue de conseiller économique ou d'attaché commercial ?

De même, notre pays dispose de nombreux experts ou organismes qui pourraient apporter une expertise, par exemple en matière agricole, de protection de l'environnement, de traitement des déchets ou de gestion de l'eau.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

Après cette présentation de la situation du Kosovo, je voudrais maintenant aborder l'action de la communauté internationale, de l'OTAN et de l'Union européenne, et la place et le rôle des militaires et des gendarmes français.

Trois ans après l'indépendance et malgré une situation sécuritaire calme (les derniers incidents remontent à 2004, avec des heurts violents entre Albanais et Serbes autour du Pont d'Austerlitz de Mitrovica), la communauté internationale occupe encore une place très importante, ce qui n'est pas sans soulever des questions en ce qui concerne cette « tutelle » internationale.

Cette supervision internationale est très complexe, car elle fait intervenir plusieurs acteurs, dont les objectifs ne sont pas toujours identiques.

On trouve d'abord un bureau du Représentant civil international, dont nous avons rencontré l'un des représentants, de nationalité américaine, qui est chargé de mettre en oeuvre « le plan Ahtisaari » et de rendre l'indépendance du Kosovo irréversible. Ainsi, ce bureau est chargé de conseiller les autorités et peut même s'opposer à certaines décisions qu'il estimerait contraires au « plan Ahtisaari ». Il finance notamment l'installation au Nord, d'institutions kosovares formées de Serbes ayant accepté de reconnaître le gouvernement de Pristina, et dont nous avons rencontré des représentants.

On trouve également un Représentant spécial de l'Union européenne, ainsi qu'un bureau de la Commission européenne, qui gère l'aide financière très importante apportée par l'Union européenne au Kosovo, et dont le mandat s'appuie sur la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies et qui est neutre à l'égard du statut. Je rappelle à cet égard que le Kosovo est l'un des premiers pays au monde en termes d'aide financière par habitant.

L'aide de l'Union européenne et de ses Etats membres est évaluée à 800 millions d'euros entre 2008 et 2011.

L'Union européenne est aussi présente par l'intermédiaire d'EULEX, qui constitue la plus grande mission de gestion civile des crises de l'Union européenne jamais déployée et qui est dirigée par le Français Xavier Bout de Marnhac.

EULEX est chargée, depuis décembre 2008, d'accompagner les autorités kosovares dans le domaine de la justice, de la police et des douanes. Elle comprend près de 2 000 policiers, gendarmes, magistrats et douaniers, et 1 200 agents locaux, soit plus de 3 000 personnes. Elle a vocation à remplacer progressivement la KFOR de l'OTAN, dont les effectifs sont en diminution.

Le volet policier, qui comprend 1 400 policiers et gendarmes, est déployé sur l'ensemble du territoire et joue un rôle d'appui à la police kosovare.

La composante judiciaire compte, quant à elle, 300 personnes, dont plusieurs magistrats français, et est chargée d'assister et de conseiller les juges kosovars et d'enquêter sur certaines affaires, comme les crimes de guerre. Nous avons ainsi rencontré une juge française siégeant au sein de la nouvelle Cour de Mitrovica, située au nord de l'Ibar.

Enfin, la composante douanière, qui comprend une centaine de personnes, est notamment chargée de la surveillance des postes-frontières avec la Serbie.

EULEX est souvent critiquée, notamment par les autorités kosovares et par les Etats-Unis, pour sa très grande timidité à l'égard des Serbes du Nord et pour la faiblesse de ses résultats, notamment dans la lutte contre la criminalité organisée.

L'action d'EULEX et, plus généralement, celle de l'Union européenne est toutefois surtout entravée par la non-reconnaissance de l'indépendance du Kosovo par cinq des vingt-sept Etats membres.

En effet, faute de consensus suffisant entre les Etats-membres, les responsables de l'Union européenne ne semblent pas en mesure de faire preuve d'une réelle volonté politique et de s'accorder sur des directives claires, ce qui explique largement la prudence dont EULEX fait parfois preuve.

Dans ce contexte, la France, qui s'était fortement investie au sein de la mission EULEX de l'Union européenne et qui exerçait par ce biais une forte emprise, semble avoir beaucoup perdu de son influence, avec la décision prise par le ministère de l'intérieur, en février 2011, de retirer l'escadron de gendarmes mobiles et de le rapatrier en France.

L'escadron de 120 gendarmes était notamment chargé du maintien de l'ordre sur le pont Austerlitz, situé en plein centre de Mitrovica, qui sépare les quartiers albanais au sud de l'Ibar, et les quartiers serbes au nord, et principal lieu des violents affrontements entre les deux communautés.

Il constituait le principal « fer de lance » en matière de maintien de l'ordre d'EULEX au nord de l'Ibar.

Même si notre pays a conservé une unité d'une quarantaine de gendarmes et quatre véhicules blindés à roue de gendarmerie au camp de Novo Selo, auxquels s'ajoutent trente gendarmes répartis sur l'ensemble du territoire, ce dispositif semble largement insuffisant pour faire face à des affrontements.

Certes, les gendarmes français pourraient compter sur le renfort de carabiniers italiens, de gendarmes roumains ou polonais, mais, à la différence de nos gendarmes, les autres ne sont pas regroupés en unités constituées et n'ont pas la même expertise, ni la même expérience en matière de maintien de l'ordre.

De plus, les gendarmes français étaient les seuls à être disponibles en permanence (notamment de nuit ou le week end) et étaient très appréciés à la fois des Albanais et des Serbes, ce qui est moins le cas des Américains ou des Allemands, qui hésitent de surcroît à se rendre au Nord.

Le rapatriement de l'escadron de gendarmes mobiles s'explique principalement par la diminution des effectifs et la suppression de quinze escadrons de gendarmes mobiles dans le cadre de la RGPP, par le coût des opérations extérieures supporté par la gendarmerie, ainsi que par la volonté de donner la priorité à la sécurité sur le territoire national.

Toutefois, le retrait de l'escadron de gendarmes mobiles a d'autant moins été compris par les Kosovars et par nos partenaires européens qu'il coïncidait avec la diminution de moitié de notre présence militaire au sein de la KFOR.

La KFOR de l'OTAN occupe encore une place importante au Kosovo, même si elle a connu une diminution de ses effectifs ces derniers mois. Le mandat de la KFOR est de participer à la sécurisation du Kosovo dans le cadre de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies. Ses missions recouvrent la préservation du cessez-le-feu, le maintien de l'ordre public, le déminage, la protection de la présence internationale, et même la protection du patrimoine culturel et des églises orthodoxes.

Nous avons ainsi rencontré une section de militaires français de la brigade franco-allemande, qui garde en permanence le monastère orthodoxe serbe de Devic et protège ses nonnes. Ce monastère, entièrement isolé et entouré de villages albanais, avait été entièrement brûlé par des Albanais en 1999.

Alors qu'en 1999, la KFOR comptait jusqu'à 45 000 hommes, dont 7 000 militaires français, elle a connu, depuis 2001, une nette diminution de ses effectifs, qui s'est poursuivie ces derniers mois. Cette réduction de la KFOR s'explique principalement par la situation sécuritaire, qui reste calme, mais aussi par les contraintes opérationnelles liées aux engagements des pays de l'OTAN en Afghanistan.

Ainsi, alors qu'en janvier dernier, le contingent de la KFOR comptait encore 13 000 militaires, ce contingent a été réduit de moitié à 6 200, avec le passage de la phase active à la posture dite de « présence dissuasive », qui est censée précéder le « désengagement » complet. Dans cette deuxième phase, la KFOR est censée intervenir en troisième recours, après la police kosovare et après les policiers et gendarmes d'EULEX au sud de l'Ibar, mais intervient souvent en premier au nord, en raison de l'absence de la police kosovare.

La KFOR est une « force robuste » et fait preuve d'une très grande efficacité. La KFOR reste aussi très populaire chez les Albanais à la différence d'EULEX, qui est souvent critiquée pour sa timidité à l'égard des Serbes. Le contingent français a été réduit de moitié, passant de 700 à 320 militaires.

La France figure au 7e rang des pays contributeurs, après l'Allemagne (1 200), les Etats-Unis (800), l'Italie (620), la Turquie (480), l'Autriche (470) et la Slovénie (330). La Grande-Bretagne a, quant à elle, retiré toutes ses troupes.

Dans le cadre de la réorganisation du dispositif sur le terrain, la France a rétrocédé le camp militaire du Belvédère à la municipalité de Mitrovica. Elle conserve le camp de Novo Selo, que nous avons visité.

Avec la diminution du nombre de ses hommes et la réorganisation du dispositif de la KFOR, par la suppression des cinq commandements régionaux au profit de deux commandements, l'un à l'Est, attribué à un officier américain, l'autre à l'Ouest, attribué à un italien, la France a toutefois perdu le commandement de la région de Mitrovica Nord.

Notre contingent, placé sous commandement américain, doit assurer le soutien logistique au profit des militaires d'autres nationalités présents sur ce camp. Comme me l'a confié un officier français, un peu désabusé, « la France est passée d'une politique d'influence à une logique de contributeur ».

Le coût de la participation française est passé de 16,5 millions d'euros en 2010 à 13,5 millions d'euros en 2011, mais pourrait s'alourdir si aucune solution n'est trouvée pour la remise en état du camp de Novo Selo.

L'état-major des armées espère que le passage à la phase de désengagement, qui devrait entraîner le rapatriement complet des militaires français, pourra intervenir au printemps de l'année prochaine.

Des tensions liées aux prochaines élections en Serbie ou à une reprise des tensions à Mitrovica pourraient toutefois ralentir ce calendrier. Ainsi, au cours de notre visite, des manifestations avaient été organisées par des Serbes pour protester contre l'arrestation par EULEX au Nord d'un Serbe, qui est soupçonné d'être le trésorier d'un groupe mafieux.

Pour conclure, le sentiment que nous retirons de notre déplacement est que, trois ans après l'indépendance, le Kosovo est confronté à de nombreux défis et qu'il lui reste encore d'importants progrès à accomplir sur la voie de l'Etat de droit, de la viabilité économique et de la réconciliation entre les communautés qui le composent.

L'Union européenne devrait donc continuer de soutenir et d'accompagner le Kosovo, mais l'efficacité de son action sera d'autant plus grande qu'elle parviendra à mettre un terme à ses divisions internes et à parler d'une seule voix, et qu'elle pourra offrir au Kosovo des perspectives de rapprochement à l'image des autres pays des Balkans occidentaux.

Seule la perspective du rapprochement avec l'Union européenne me semble de nature à permettre, sinon une reconnaissance, du moins une normalisation des relations entre Pristina et Belgrade et un règlement pacifique de la situation du nord du Kosovo.

Or, la clé du développement économique du Kosovo tient en grande partie au rétablissement des relations avec Belgrade et à son désenclavement. La France, qui entretient des relations d'amitié à la fois avec la Serbie et avec le Kosovo, a de ce point de vue un rôle particulier à jouer, à condition qu'elle reste présente et attentive à la situation de ce pays et de cette région.

Toutefois, il faut aussi s'interroger sur les limites de l'action de la communauté internationale, qui a investi beaucoup d'efforts et d'argent ces dernières années, sans toujours obtenir les résultats espérés. Alors que le Kosovo a bénéficié d'une importante aide internationale, les infrastructures demeurent délabrées, l'agriculture délaissée et la protection de l'environnement absente.

Le temps du protectorat semble aujourd'hui dépassé et il est grand temps pour les autorités du Kosovo de prendre leur destin en main.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Le constat que vous nous avez présenté ne paraît pas très rassurant.

Si la communauté internationale a apporté son soutien au jeune Etat Kosovar, et que la France y a pris toute sa place, il reste encore beaucoup à faire aux autorités de ce pays pour construire un Etat, progresser vers l'Etat de droit et en matière de viabilité économique.

De plus, la réconciliation entre les communautés n'a pas avancé et le souvenir douloureux des affrontements communautaires causés par la folie nationaliste de Milosevic demeure entier.

Le Kosovo semble être devenu aujourd'hui un pays très albanophone, alors qu'il accueille sur son sol des hauts lieux de l'orthodoxie serbe et qu'il comporte des enclaves peuplées de Serbes isolées au milieu de territoires peuplés en majorité d'Albanais.

Enfin, la partie située au Nord, majoritairement peuplée de Serbes qui ne reconnaissent pas l'autorité du gouvernement de Pristina, représente une source d'instabilité et de tensions.

Face à cette situation, que pensez vous de la capacité du gouvernement kosovar à construire un Etat solide et viable ? Et comment, selon vous, améliorer l'action de la communauté internationale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

La communauté internationale n'est pas unie mais divisée, ce qui nuit à l'efficacité de son action. Elle occupe une place très importante, puisque l'on compte plus de 15 000 fonctionnaires internationaux pour un pays d'une taille comparable à un département français. Elle reste toutefois divisée. Alors que le bureau du représentant civil international est chargé de la mise en oeuvre du « plan Athisaari » et de rendre l'indépendance du Kosovo irréversible, le mandat des autres organisations internationales repose sur la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui est neutre à l'égard du statut.

Par ailleurs, l'efficacité de ces organisations est freinée par les divisions entre les Etats membres, dont certains ont reconnu l'indépendance et d'autres non, par les intérêts divergents entre les Etats et par l'absence de réelle volonté politique, à l'image de la mission EULEX de l'Union européenne qui est chargée de faire respecter l'Etat de droit, mais qui se heurte à des obstacles tant de la part des autorités de Pristina que des Serbes du Nord.

Les différentes attitudes de ces organisations à l'égard des « structures parallèles » du Nord, soutenues par Belgrade et plus ou moins contrôlées par des organisations criminelles, est symptomatique de ces divisions.

Alors que le bureau du représentant civil international cherche à les éradiquer et qu'EULEX les considère comme illégales, la KFOR et l'OSCE les tolèrent tandis que la MINUK leur reconnaît même une certaine légitimité.

On trouve également de fortes différences culturelles entre ces organisations et entre les différentes nationalités qui les composent.

Ainsi, certains de nos interlocuteurs se sont montrés critiques sur l'image donnée par le nombre très élevé de fonctionnaires internationaux et leur niveau de vie dans un pays relativement pauvre.

La longue présence de l'ONU, et son mode de fonctionnement, qui aurait déteint sur les autres organisations, ont également été souvent critiqués par nos interlocuteurs.

Si les Français semblent très appréciés, à la fois par les Kosovars albanais, et par les Serbes, cela semble moins vrai pour d'autres nationalités, qui n'entretiennent pas les mêmes rapports et hésitent à se rendre au Nord. De plus, les militaires et les gendarmes français sont souvent les seuls à être disponibles en permanence, y compris la nuit et le week-end, ce qui n'est pas toujours le cas des autres.

Dans ce contexte, il faut s'interroger sur l'efficacité de la présence internationale, et notamment du soutien financier très important qu'elle apporte à ce pays. Il me semble que cette aide financière engendre une certaine forme d'assistanat, qui n'est pas propice au développement des initiatives et à la responsabilisation des autorités kosovares. Je pense en particulier au développement économique. La population kosovare est très jeune : 50 % a moins de 25 ans. Mais, avec un taux de chômage de 45 %, le pays n'est pas en mesure de répondre aux attentes de cette jeunesse.

Il me semble donc indispensable de réfléchir à une évolution de la présence internationale, afin de la rendre plus efficace.

Ainsi, la police kosovare est aujourd'hui une institution efficace et crédible. Est-il toujours nécessaire d'avoir autant de policiers ou de gendarmes internationaux pour remplir des fonctions que les policiers kosovars sont en mesure d'assumer ? Ne serait-il pas plus utile de réduire le nombre d'agents internationaux mais de recruter certains spécialistes, notamment en matière de lutte contre la criminalité organisée ou l'immigration illégale ? De même, la présence de l'OSCE est-elle toujours justifiée ?

Si l'indépendance est désormais acquise, il reste à construire un véritable Etat.

Le dialogue entre Pristina et Belgrade est très positif. Il devrait permettre de résoudre un certain nombre de difficultés pratiques rencontrées par les citoyens dans leur vie quotidienne, par exemple en matière d'état civil ou de droits de propriété. Il pourrait également permettre de désenclaver le pays et de développer l'économie du Kosovo qui reste très dépendante de l'aide financière de la Communauté internationale et des transferts de fonds de la diaspora albanaise. A terme, ce dialogue devrait déboucher sur la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo. Pourquoi l'Union européenne ne pourrait-elle pas dire clairement à la Serbie qu'il est nécessaire qu'elle reconnaisse l'indépendance du Kosovo pour adhérer à l'Union européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

Le Kosovo ne dispose pas de sa propre armée. Or, sans armée, un Etat n'est pas en mesure d'assurer la protection de ses ressortissants. Certes, la police kosovare est une institution reconnue et il existe également une force de protection civile, qui pourrait devenir à l'avenir une armée. Mais, la situation politique ne le permet pas encore.

Si les Albanais sont en majorité de confession musulmane, le Kosovo connaît un Islam très modéré. On ne peut pas parler d'un conflit à caractère religieux mais plutôt d'un conflit à caractère national. Ainsi, les attaques des Albanais à l'encontre des églises ou des monastères orthodoxes, comme nous avons pu l'observer au monastère de Devic par exemple, s'expliquent surtout par le fait que ces lieux sont le témoignage de la présence serbe. Il faut rappeler que les Albanais ont connu une longue répression sous le régime de Slobodan Milosevic. Si ces lieux doivent être placés en permanence sous protection, la KFOR transfère progressivement cette responsabilité à la police kosovare. Pour autant, il n'existe aucune politique de la part des autorités pour mettre en valeur ce patrimoine historique et culturel.

Malgré certaines ressources minières, notamment en lignite, le Kosovo importe la quasi-totalité de ses besoins, y compris alimentaires. L'économie du pays reste donc fortement dépendante de l'aide financière internationale et de la diaspora albanaise.

Alors que le Kosovo dispose de terres agricoles, l'agriculture est délaissée et son avenir est menacé par des constructions immobilières anarchiques sur les terrains les plus fertiles de maisons individuelles financées par la diaspora albanaise.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Je voudrais remercier nos deux collègues pour leur communication sur un pays que je connais bien pour m'y être rendu à de nombreuses reprises.

On ne peut comprendre le ressentiment des Kosovars d'origine albanaise à l'égard de l'Eglise orthodoxe sans prendre en compte le fait que la hiérarchie de l'Eglise orthodoxe serbe a été un fervent soutien du régime de Slobodan Milosevic. Lors d'une précédente mission au Kosovo, l'ancien évêque de Gracanica avait ainsi formellement interdit aux religieuses de nous accueillir dans son monastère. Cet évêque a depuis été limogé et son successeur est, semble-t-il, plus modéré.

En ce qui concerne les Serbes du Nord du Kosovo et l'idée d'une partition, je voudrais faire observer que la majorité des Serbes du Kosovo vivent au Sud et que c'est au Sud, dans des enclaves, que l'on trouve la plupart des églises et des monastères orthodoxes.

Enfin, en matière de criminalité organisée, il semble qu'il existe une très bonne entente et une réelle coopération entre les différentes communautés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Berthou

Nous venons d'effectuer une mission en Afghanistan, avec le président Josselin de Rohan et notre collègue Michèle Demessine et je suis frappé par les similitudes qui existent entre ces deux pays, même s'ils ne sont pas comparables.

Bien que la situation en matière sécuritaire soit totalement différente, on constate que, dans ces deux pays, la forte présence de la communauté internationale n'a pas produit les résultats espérés, que les forces de l'OTAN et les militaires français ont engagé un retrait et que ces deux pays doivent faire face à des défis semblables, comme la criminalité organisée, la viabilité économique ou la réconciliation entre les communautés.

A l'image de la stratégie de transition en Afghanistan, la solution ne réside-t-elle pas dans le transfert du pouvoir aux autorités du Kosovo ? S'agissant de l'agriculture, quels sont les obstacles qui empêchent sa mise en valeur ? Enfin, qu'en est-il du risque d'un rattachement du Kosovo à l'Albanie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

En tant qu'ancien agriculteur, j'ai été très frappé, au cours de notre déplacement, par la situation dégradée de l'agriculture dans ce pays. Alors que le Kosovo dispose de vastes étendues de terres agricoles, ce pays importe la quasi-totalité de ses produits alimentaires et l'agriculture y est délaissée. Les terres les plus fertiles sont menacées par les constructions immobilières anarchiques de maisons individuelles de la diaspora albanaise et les terres sont laissées le plus souvent à l'abandon. On ne perçoit pas une réelle volonté du gouvernement de mettre en valeur ce potentiel agricole. L'absence de cadastre, la question non réglée des droits de propriété, les lacunes en matière d'urbanisme et d'architecture expliquent également cette impression d'abandon.

Plus généralement, le Kosovo connaît une situation économique très fragile. Il existe très peu d'industries. Il existait, certes, une usine qui employait environ 20 000 travailleurs, mais celle-ci a été fermée par la MINUK pour des raisons liées à la protection de l'environnement. Dans un pays qui compte 45 % de chômage, on peut s'interroger sur les conséquences d'une telle décision.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

Ce pays manque cruellement d'expertise dans des domaines tels que l'énergie, la gestion des eaux, le traitement des déchets.

La France qui dispose d'une expertise reconnue dans ces domaines, et d'entreprises performantes, pourrait ainsi apporter son soutien aux autorités de ce pays. Or, notre représentation diplomatique ne dispose pas de conseiller ou d'attaché économique et la présence des entreprises françaises est très limitée.

Par ailleurs, je m'interroge sur l'absence de l'Agence française de développement au Kosovo. L'AFD dispose pourtant d'instruments et d'une expertise en matière de reconstruction et de développement économique. Elle pourrait apporter une expertise précieuse à ce pays.

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

Au cours de notre déplacement en Serbie, avec notre collègue Bernard Piras, en décembre dernier, et de nos entretiens avec les représentants des autorités de Belgrade, nous avons ressenti une réelle volonté de rapprochement avec l'Union européenne, qui a été confirmée depuis, avec l'arrestation et la remise par la Serbie de Ratko Mladic au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.

Nous avons également perçu une très grande ouverture en ce qui concerne le dialogue avec Pristina, même si la Serbie n'est pas disposée à reconnaître l'indépendance du Kosovo. Plusieurs responsables politiques serbes nous ont déclaré que la Serbie était disposée à aller de l'avant et à faire preuve d'une ambigüité constructive à l'égard du statut. Je pense donc que le dialogue entre Belgrade et Pristina devrait permettre de réaliser des avancées et qu'il pourrait déboucher à terme sur une normalisation des relations. Le rapprochement avec l'Union européenne devrait en effet constituer un puissant levier pour favoriser cette normalisation.

Enfin, si la France entretient des relations anciennes d'amitié et de coopération avec la Serbie et qu'elle a joué un rôle important dans les Balkans, sur les plans politique et militaire, j'ai également constaté une faible présence économique et une place très réduite de nos entreprises en Serbie, notamment par rapport à l'Allemagne.

Il me semble donc que la présence économique française pourrait être encore renforcée dans toute la région des Balkans occidentaux car il est dommage que notre pays n'occupe pas une place plus importante en matière économique au regard du rôle politique et militaire qu'il joue dans cette région.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

Les Kosovars d'origine albanaise sont proches culturellement des Albanais du nord de l'Albanie alors que les Albanais du sud, et notamment de Tirana, présentent des différences culturelles, notamment linguistiques.

L'Albanie, qui est elle-même confrontée à une crise politique et au défi du développement économique, ne revendique pas le rattachement du Kosovo.

En revanche, au Kosovo, il existe un mouvement politique, le mouvement pour l'autodétermination, qui revendique le rattachement du Kosovo à l'Albanie, et qui a connu une forte progression lors des dernières élections législatives, même s'il n'est pas majoritaire dans le paysage politique.

La perspective d'un tel rattachement, qui pourrait être encouragé par la partition du Nord ou le maintien du statu quo, risquerait de provoquer de fortes tensions dans la région des Balkans, en Bosnie-Herzégovine et en Macédoine notamment. A cet égard, le ministre des affaires étrangères et européennes, M. Alain Juppé, s'est exprimé clairement contre l'idée d'une modification des frontières ou d'une partition, lors de la récente visite du ministre des affaires étrangères kosovar à Paris.

Il serait souhaitable à mes yeux que l'Union européenne s'exprime également en ce sens, notamment vis-à-vis de Belgrade, dans le cadre du rapprochement de la Serbie avec l'Union européenne.

Enfin, concernant la situation économique, je voudrais rappeler les conséquences désastreuses pour l'image du pays de la suspension des financements du FMI, en raison des décisions irresponsables du gouvernement kosovar et des soupçons de corruption qui pèsent sur les projets d'infrastructure, comme le projet d'autoroute vers l'Albanie.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Gautier

Je souhaiterais vous interroger à propos des graves accusations portées par le député suisse Dick Marty, dans un rapport du Conseil de l'Europe, concernant un trafic d'organes prélevés sur des prisonniers serbes par des combattants de l'UCK. Les autorités kosovares sont-elles disposées à coopérer dans l'enquête sur ces accusations ? EULEX dispose-t-elle des moyens pour mener une enquête sur ces accusations particulièrement graves ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

Les accusations portées par Dick Marty dans son rapport sont en effet très graves. La position de l'Union européenne est qu'il revient à EULEX d'enquêter sur ces allégations. EULEX dispose, avec des centaines de policiers et de magistrats internationaux, des moyens pour enquêter sur ces faits, comme sur d'autres crimes de guerre, et les autorités kosovares se sont déclarées disposées à faire preuve d'une totale coopération. Je voudrais simplement préciser que ces graves allégations ne reposent sur aucune preuve et qu'elles proviennent d'une personnalité politique qui s'était fortement opposée à l'intervention de l'OTAN et à l'indépendance du Kosovo. Il faut donc faire preuve d'une très grande prudence concernant ces allégations.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

Il est certain que, comme dans toute guerre civile et de libération, des atrocités ont été commises des deux côtés, tant de la part de l'armée et de la police serbes, que de l'UCK. Il ne faut pas non plus oublier les autres crimes de guerre et la question des disparus.

La question des normalisations des relations avec le Kosovo devrait figurer en bonne place dans le rapprochement de la Serbie avec l'Union européenne. L'Union européenne devrait dire clairement à la Serbie que la normalisation de ses relations avec Pristina et, à terme, la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo, sont une nécessité politique et pratique pour son rapprochement avec l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Boutant

Pour connaître ce pays et des ressortissants kosovars, il est certain que le conflit entre les Serbes et les Albanais a été marqué par des crimes de guerre et des atrocités des deux côtés. Comme nous le savons tous, le régime de Slobodan Milosevic a commis des crimes de guerre et des crimes contre les populations civiles. Les combattants de l'UCK ont pour leur part également commis des exactions. Il me semble que ces atrocités expliquent le profond ressentiment qui continue de subsister entre les deux communautés.

Si EULEX a été chargée d'enquêter sur les accusations de trafic d'organes, il n'est pas certain que les anciens combattants de l'UCK, qui sont aujourd'hui à la tête du pays, notamment au sein du PDK, soient réellement disposés à coopérer et à faire la lumière sur ces graves accusations.

Je souhaiterais vous interroger sur l'influence des grandes puissances et d'autres pays sur le Kosovo. Ainsi la Russie est proche des Serbes, qui sont des Slaves orthodoxes, et a toujours soutenu la Serbie, alors que l'on constate une forte influence des Etats-Unis parmi les Kosovars d'origine albanaise.

La Turquie semble également avoir une influence importante dans ce pays et dans cette région, qui fut autrefois une province de l'Empire ottoman.

Plus généralement, quelle est l'influence de l'Arabie Saoudite, des pays du Golfe et du monde musulman, notamment en matière religieuse. Lors de mon dernier déplacement, j'avais été frappé par l'augmentation de la construction du nombre de mosquées. Comment ces mosquées sont-elles financées ?

Enfin, quelle est l'influence réelle de l'Union européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

La Russie a effectivement soutenu la Serbie dans son opposition à la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo, par solidarité slave et orthodoxe, et s'était fortement opposée à l'intervention de l'OTAN, sans autorisation du Conseil de sécurité des Nations unies. Toutefois, depuis l'arrivée au pouvoir à Belgrade du président Boris Tadic et d'une coalition pro-européenne, la Russie a déclaré à plusieurs reprises qu'elle ne se montrerait pas plus serbe que les Serbes en ce qui concerne le dialogue entre Belgrade et Pristina.

Comme nous avons pu le mesurer lors de notre déplacement, les Etats-Unis continuent d'exercer une forte influence au Kosovo et les kosovars d'origine albanaise restent très reconnaissants aux américains pour leur soutien à l'indépendance de leur pays. Il semblerait ainsi que la nouvelle présidente de la République ait été fortement soutenue par les Etats-Unis. Aux côtés des nombreux drapeaux albanais, et plus rarement kosovars, on voit d'ailleurs beaucoup de drapeaux américains au Kosovo, et moins de drapeaux européens.

Comme l'illustre la place qu'elle occupe au sein de la KFOR ou en matière économique, la Turquie est également très présente au Kosovo.

Si de nombreuses mosquées ont été construites ces dernières années, sans doute grâce à des financements en provenance d'Arabie saoudite et des pays du Golfe, le Kosovo connaît toutefois un Islam très modéré. La plupart des mosquées restent vides et on rencontre peu de femmes voilées.

Enfin, l'Union européenne est présente, notamment avec EULEX, mais son influence est entravée par la non reconnaissance par cinq des vingt-sept Etats membres de l'indépendance du Kosovo et par l'absence d'une forte volonté politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Je rappelle que le député suisse Dick Marty s'était fortement opposé à l'intervention de l'OTAN et à l'indépendance du Kosovo.

Alors que l'Union européenne vient d'apporter une aide financière très importante à la Grèce, je regrette que les responsables européens n'aient pas dans le même temps fait pression sur les autorités de ce pays pour qu'elles fassent preuve d'une plus grande ouverture concernant la reconnaissance du nom de la Macédoine ou l'indépendance du Kosovo. Ainsi, l'attitude de la Grèce à l'égard de la Macédoine est incompréhensible.

Il serait parfois utile que l'Union européenne fasse de la politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Les Balkans ont toujours constitué le terrain privilégié d'une lutte d'influence entre les grandes puissances, notamment au XIXe siècle ou au début du XXe siècle, notamment entre l'Empire ottoman, la Russie, l'Autriche et l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France.

Ces influences sont toujours présentes aujourd'hui. La « plume » de Marti Athisaari a ainsi été le secrétaire général du ministère des affaires étrangères d'Autriche. Or, l'Autriche comme l'Allemagne ont toujours encouragé les aspirations à l'indépendance du Kosovo.

La position des cinq pays membres de l'Union européenne opposés à l'indépendance du Kosovo s'explique par des arrières-pensées, notamment par la crainte d'un précédent qui pourrait encourager les aspirations séparatistes de certaines régions, comme le Pays basque ou la Catalogne pour l'Espagne, la partie Nord de l'île pour Chypre et la Grèce ou encore les minorités hongroises pour la Roumanie et la Slovaquie.

Or, il est indispensable d'encourager la coopération régionale et la réconciliation, car l'Union européenne ne peut se permettre d'importer en son sein des conflits territoriaux, à la lumière du précédent chypriote.

Il est donc indispensable d'encourager une normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo. Le Kosovo est désormais un Etat indépendant et la Serbie doit accepter de faire le deuil du Kosovo car il serait illusoire de vouloir rétablir sa souveraineté sur ce territoire. Ainsi, il n'est pas acceptable que Belgrade continue de financer les structures parallèles du Nord du Kosovo et l'Union européenne devrait se montrer ferme sur ce point.

La perspective de rapprochement à l'Union européenne devrait donc constituer un levier pour inciter les pays des Balkans occidentaux à mettre un terme à leurs différends et à engager une réelle coopération régionale. Les nationalismes, qui ont produit tant de haines et de conflits, doivent aujourd'hui être relégués aux oubliettes. Seule la perspective du rapprochement avec l'Union européenne permettra réellement d'établir la paix, la sécurité et la stabilité et de favoriser le développement économique de cette région. L'Union européenne est donc la plus à même de jouer un rôle au Kosovo et il est donc souhaitable que les autres organisations internationales lui passent le relais.

Debut de section - PermalienPhoto de Joseph Kergueris

L'Union européenne devrait aussi faire preuve d'une plus forte volonté politique au Kosovo et dans les Balkans occidentaux, notamment en mettant un terme à ses divisions internes, afin de ne pas faire de ce pays et de cette région, une source de tensions et de déséquilibre, qui pourrait menacer la paix et la stabilité.

Puis la commission procède à un échange de vues avec une délégation de parlementaires israéliens, conduite par M. Shaul Mofaz, président de la commission des affaires étrangères et de la défense de la Knesset (Kadima), et composée de MM. Ronnie Bar-On (Kadima), Zeev Bielski (Kadima), Moshe Mutz Matalon (Ysrael Beitenu), Mme Einat Wilf (Haatsma'ut), députés, M. Shmuel Letko, directeur de la commission des affaires étrangères et de la défense, et M. Daniel Halevy-Goetschel, ministre conseiller aux affaires politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Nous avons le plaisir d'accueillir une délégation de la commission des affaires étrangères et de la défense de la Knesset. Soyez les bienvenus au Sénat.

Je rappelle à nos collègues qu'après une brillante carrière militaire qui vous a conduit jusqu'au poste de chef d'état-major de l'armée israélienne, vous avez été nommé ministre de la défense en 2002. Vous appartenez au parti Kadima.

Afin d'entrer rapidement dans le vif du sujet et je vous propose de commencer nos échanges autour de deux sujets fondamentaux : le processus de paix et les mouvements dans les pays arabes. Ces deux sujets sont du reste liés tant il est évident qu'à l'heure du « printemps arabe », le statu quo est de moins en moins tenable.

La récente initiative prise par notre diplomatie pour relancer le processus de paix s'inscrit dans le contexte d'une éventuelle reconnaissance d'un État palestinien par l'assemblée générale de l'ONU. Nous sommes persuadés qu'un vote en septembre serait l'occasion d'un mélodrame dont les radicaux dicteraient les termes. Personne n'en sortirait grandi : l'Union Européenne étalerait ses divisions, les Etats-Unis et Israël leur isolement, les Palestiniens leur fuite dans la rhétorique et les Nations unies leur impuissance à peser sur la réalité du conflit. Et rien de concret n'en sortirait, chaque partie revenant à son ornière, Israël à son obsession obsidionale et les Palestiniens à leur position de victimes.

Revenir à la table des négociations est donc indispensable.

La France a pris une initiative sur la base de paramètres reprenant ceux présentés par le Président Obama. Je les rappelle brièvement : une frontière fondée sur les lignes de 1967 avec des échanges agréés de territoires et des arrangements de sécurité garantissant tant la sécurité d'Israël que la souveraineté du futur Etat palestinien.

D'autres principes prennent pleinement en compte les préoccupations d'Israël (renonciation à la violence, reconnaissance mutuelle, deux Etats pour deux peuples, fin de toutes les revendications) et des Palestiniens (pas d'actions unilatérales, référence à la colonisation, et mécanisme de suivi international des négociations).

Les questions les plus délicates du statut final (Jérusalem et les réfugiés) auraient vocation à être traitées dans un second temps, l'ensemble de la négociation devant avoir lieu dans un délai d'une année.

Soyons clairs, cette initiative constitue l'une des dernières chances, sinon la dernière, pour éviter la prolongation du blocage actuel, laquelle aboutirait immanquablement à nous placer face à des choix difficiles aux Nations unies en septembre. Choix dont le président de la République a indiqué que nous les assumerions le moment venu.

Le second sujet que je vous propose d'aborder porte sur les «printemps arabes ».

Comme vous le savez, notre pays et notre diplomatie sont particulièrement engagés dans le suivi de mouvements qui sont sans doute l'équivalent de ceux qu'ont connu les pays d'Europe centrale et orientale après la chute du mur de Berlin.

Je suis persuadé que les régimes qui vont survivre à ces les événements seront ceux qui auront su engager les réformes que les peuples réclament. Israël est concerné au premier chef par ce mouvement ne serait-ce que parce qu'ils ont profondément modifié l'image de l'homme arabe dans le monde. Les régimes arabes ne sont pas systématiquement condamnés à la dictature et au sous-développement. La seconde conséquence est que les opinions publiques arabes seront sans doute plus exigeantes vis-à-vis de leurs gouvernements quant à la résolution de la question palestinienne. Les changements en cours pourraient également avoir une incidence significative sur les soutiens qui étaient jusqu'à présent apportés au Hezbollah et au Hamas notamment par la Syrie et l'Iran.

Nous sommes donc particulièrement intéressés à vous entendre sur ces questions. Je vous passe immédiatement la parole.

Debut de section - Permalien
Shaul Mofaz, président de la commission des affaires étrangères et de la défense

Les transformations actuelles des régimes politiques au Maghreb et au Moyen-Orient très rapides, avec un effet domino et sans limites territoriales ou géopolitiques, sont parmi les événements les plus importants des soixante dernières années. Ces événements peuvent constituer une chance pour la démocratie et le développement économique de la région, mais également un danger si la situation venait à se dégrader au profit de forces extrémistes. Je pense en particulier aux frères musulmans.

Cette situation nouvelle impose aux pouvoirs publics israéliens de rester en veille, de s'assurer que les accords de paix avec l'Égypte et la Jordanie soient bien maintenus et de faire avancer un projet d'accord de paix avec les Palestiniens. Ces changements tectoniques dans la région vont avoir un effet sur le conflit. Ils auront un impact sur la politique israélienne. J'estime que le gouvernement israélien doit prendre des initiatives pour faire avancer le processus de paix en prenant des garanties en matière de sécurité, sans doute plus importantes qu'auparavant, afin de pouvoir faire face à une situation marquée par de nombreuses incertitudes.

Ces changements ont-ils eu des conséquences sur les positions palestiniennes ? Ils ont sans doute favorisé l'apparent rapprochement entre le Hamas et le Fatah. Cette réconciliation ne semble cependant qu'un rapprochement de façade destiné à montrer à la communauté internationale un front uni.

Je pense personnellement que l'État d'Israël doit déclarer qu'il est prêt à la négociation si les Palestiniens acceptent les conditions fixées par le Quartet. Nous estimons que la question de la création d'un État palestinien ne doit pas être traitée de façon unilatérale. Nous croyons que la création de cet État de façon unilatérale aura des effets néfastes pour les Palestiniens eux-mêmes. Les accords d'Oslo de 1993, ainsi que l'ensemble des négociations engagées depuis, dont l'accord intérimaire de 1995, partent du principe qu'un État palestinien ne pourra voir le jour qu'après négociations avec l'État d'Israël et un accord.

Les positions des présidents Obama et Sarkozy sont justes. Le parti Kadima croit à la possibilité d'un compromis territorial tout en veillant à la sécurité d'Israël.

La position française à l'égard du conflit israélo-palestinien et vis-à-vis de l'Iran est appréciée en Israël. La fermeté de la France dans le dossier iranien constitue un point important. Nous devons être prudents à l'égard de l'évolution des armements iraniens dont les essais balistiques montrent que les missiles pourraient aussi bien toucher l'État d'Israël que des capitales européennes. Il faut être conscient que l'Iran se rapproche très vite de la capacité nucléaire.

Le processus avec les Palestiniens est très important. Dans ce contexte actuel, Israël doit prendre des initiatives d'ici septembre sur la base du respect de l'ensemble des conditions fixées par le Quartet, même si la situation dans le monde arabe est très instable. Une déclaration unilatérale constituerait un vrai danger.

Il n'y aura pas pour nous de « printemps arabe » tant que des autocrates tirent sur leur population. La jeunesse, les peuples ont fait tomber des anciens pouvoirs sans avoir encore mis en place de nouveaux pouvoirs stables. L'Egypte et la Syrie vont avoir à prendre des décisions très graves. Ces périodes transitoires sont très dangereuses. J'espère néanmoins que ces changements apporteront à nos régions de bonnes nouvelles. Après la Syrie, d'autres pays connaîtront encore des changements.

Debut de section - Permalien
Ronnie Bar-On

Les changements dans le monde arabe sont une bonne nouvelle à long terme, mais, à court terme, un facteur d'inquiétude. Lorsque la révolution des officiers a fait tomber le régime du roi Farouk en Égypte, en 1952, une période de quatre ans d'instabilité s'est ouverte. Il faut s'attendre à ce que le « printemps arabe » ouvre une période d'incertitude et d'instabilité.

En Égypte le problème n'est pas seulement politique, il s'agit avant tout d'un problème économique. La population égyptienne rassemble 85 millions d'habitants, dont 50 % ont moins de 32 ans. 35 % de ces jeunes n'ont pas d'emplois, et ceux qui travaillent vivent avec 1,5 à 2 dollars par jour. Les recettes du tourisme ainsi que les transferts des travailleurs égyptiens dans les pays du Maghreb, de Libye en particulier, sont en chute libre. La situation économique et sociale est donc préoccupante et ne se résoudra pas seule.

L'éventuelle création de façon unilatérale d'un État, en septembre à l'ONU, n'aidera pas les Palestiniens. Une proclamation par l'ONU n'a aucune portée. C'est le Conseil de sécurité qui décide. Pourtant, si cela arrive, cela portera tort à Israël. Quelle serait la validité morale de cette reconnaissance ? J'espère que la France adoptera une position responsable en septembre. La France joue en effet un rôle de leader dans ce domaine. Il convient d'insister sur le respect scrupuleux de l'ensemble des conditions du Quartet. Le nouveau gouvernement palestinien peut donner l'apparence d'une réconciliation entre le Hamas et le Fatah, mais il faudra veiller à ce que l'ensemble de ses composantes accepte les conditions du Quartet, qui sont les conditions d'un véritable dialogue.

Debut de section - Permalien
Moshe Mutz Matalon

La France a contribué, dans les siècles précédents, à façonner les institutions démocratiques telles qu'elles sont pratiquées dans le monde. De ce fait, les Français sont bien placés pour savoir combien la démocratie est à la fois une question d'institutions et de pratiques, de règles et de culture. Ces pratiques et cette culture seront longues à se mettre en place dans les pays arabes. De ce fait, le processus en cours dans les pays arabes sera long.

De même, la réconciliation entre les Israéliens et les Palestiniens sera un processus de long terme, fondé sur une compréhension mutuelle. Pour cela, il faut éduquer les peuples et les jeunes, faire en sorte que les écoles et les universités enseignent une histoire qui puisse être comprise et admise par tous.

Cela ne se fera pas en un jour. Sans doute faut-il tendre vers une démarche progressive et prudente qui puisse, étape par étape, conduire à un accord global.

Le gouvernement israélien a invité les Palestiniens à la table des négociations -il a gelé pendant 10 mois la colonisation- sans que viennent les Palestiniens.

Debut de section - Permalien
Zeev Bielski

Je souscris à ce que mes collègues ont exprimé sur le « printemps arabe » et sur le conflit israélo-palestiniens. Je voudrais évoquer la situation particulière de Gilad Shalit, emprisonné depuis cinq ans. Ce garçon est privé de sa liberté et de ses droits les plus fondamentaux depuis des années sans que les gens qui le détiennent ne soient véritablement inquiétés. Je souhaite que toutes les personnes, et notamment les personnes qui ont des enfants, puissent mesurer la tragédie qu'endurent les parents de Gilad Shalit. Ces derniers ont quitté leur domicile et vivent actuellement sur le trottoir devant les bureaux du Premier ministre. Je souhaite, pour eux et pour leurs enfants, qu'il soit libéré le plus rapidement possible.

Debut de section - Permalien
Einat Wilf

Je souscris également à tout ce qui vient d'être dit. Je voudrais remercier le président de votre commission de nous recevoir et souligner combien la position de la France est importante pour Israël et pour les nombreux francophiles dont je fais partie.

S'agissant du « printemps arabe », je voudrais souligner qu'il constitue un véritable espoir pour la paix dans la région. Nous étions, nous Israéliens, fiers de posséder la seule démocratie de la région, mais nous serions heureux que de nombreux pays nous rejoignent. Notre objectif est d'être la meilleure démocratie parmi d'autres.

Ce qui est en jeu dans les bouleversements actuels n'est pas seulement de confrontation entre les valeurs démocratiques et une forme de fondamentalisme religieux, entre un Israël démocratique et l'extrémisme, ce sont également des antagonismes identitaires tribaux et régionaux dont les origines sont bien antérieures à la détermination des frontières issues de la Première Guerre mondiale. De ce point de vue, il faut souligner la très forte cohérence d'Israël qui constitue une communauté politique forte malgré son hétérogénéité.

J'ai été toute ma vie engagée à gauche, partisane de la paix. J'ai toujours pensé que, le jour où les Palestiniens auraient un Etat, ils auraient la possibilité de signer un accord de paix, ils le feraient. On se doit de constater qu'ils ne sont pas toujours prêts à faire les sacrifices nécessaires. À la création de l'État d'Israël, les sionistes affirmaient qu'ils se contenteraient d'un État de la taille d'un mouchoir, pourvu que ce soit l'État d'Israël. Ils envisageaient la partition. Or je ne trouve pas chez les Palestiniens la même hauteur de vue. Pour avoir la paix, les Palestiniens doivent faire des concessions. Ils doivent admettre le droit d'Israël à avoir un Etat souverain.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

La diversité des points de vue que vous venez d'exprimer souligne qu'Israël est une vraie démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

En effet, de nombreux aspects de la politique israélienne viennent d'être abordés. Je vais revenir sur certains d'entre eux. Des négociations préalables ont été évoquées comme indispensables à toute reconnaissance par Israël d'un Etat palestinien. Je m'interroge sur les points qui pourraient être évoqués lors de ces éventuelles négociations, puisque les Palestiniens ont successivement cédé à toutes les exigences israéliennes depuis l'accord de paix conclu à Oslo en 1993. La Cisjordanie a été démembrée par les colonies et les camps militaires. Que peuvent-ils céder de plus que ce qu'on leur a déjà pris ? Par ailleurs, j'observe que l'Etat d'Israël lui-même ne respecte pas les conditions posées par le Quartet : c'est notamment le cas de l'édification du mur de séparation, des conditions de vie imposées aux Palestiniens vivant dans la zone C, et la continuelle extension des colonies de peuplement en territoires occupés. Certes, le Hamas ne veut pas reconnaître l'Etat d'Israël, mais, au sein même de cet Etat, existent des extrémistes aussi radicaux dans leurs points de vue que le Hamas. Je pense notamment aux colons établis à Hébron et dans sa région. Entre ces deux extrémismes, n'y a-t-il pas place pour une discussion entre modérés des deux camps ? Il a été dit que la proclamation à l'ONU d'un Etat palestinien ne rapportera rien : je vous demande à laquelle des deux parties en présence cette déclaration peut s'appliquer. C'est tout le sens de la résolution qui est proposée au Sénat et que j'ai signée. Enfin, s'agissant du cas de Gilad Shalit, j'ai rencontré son père et j'ai plaidé sa cause auprès d'un responsable du Hamas à Gaza. Celui-ci m'a répondu que des milliers de prisonniers palestiniens ne peuvent plus être visités par leur famille du fait du blocus depuis plusieurs années.

Debut de section - Permalien
Shaul Mofaz, président de la commission des affaires étrangères et de la défense

Vos positions me semblent peu équilibrées, et certaines d'entre elles doivent être totalement récusées.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Mes positions sont tout simplement anti-colonialistes.

Debut de section - Permalien
Einat Wilf

Israël n'est pas colonialiste, sa terre est notre maison.

Debut de section - Permalien
Shaul Mofaz, président de la commission des affaires étrangères et de la défense

Il est incontestable qu'Israël est la démocratie la plus libre au sein du Moyen-Orient, et la France elle-même considère comme terroristes certaines organisations que vous venez de soutenir dans vos propos. Je vous rappelle que 40 % du territoire de Cisjordanie est aux mains des Palestiniens. En Judée et Samarie, chacune des trois zones A, B et C est gérée de façon différenciée, mais, au total, moins de 10 % du territoire est occupé par Israël. C'est sur ce territoire que portera la négociation. Enfin, la majorité des partis politiques israéliens admet la plupart des conditions posées par le Quartet. La reconnaissance d'un Etat palestinien serait négative et pèserait sur la possibilité d'un accord à l'avenir.

Debut de section - Permalien
Ronnie Bar-On

Votre comparaison entre le Hamas et les partis extrémistes israéliens et votre exemple d'actes isolés à Hébron sont totalement inacceptables ; en effet, le Hamas s'est emparé par la force de Gaza alors que la Knesset compte onze de ses membres qui sont arabes : c'est la démonstration que notre pays est une démocratie forte, qui n'a pas d'égal dans la région. Dans aucun pays voisin une minorité juive ne pourrait s'exprimer comme la minorité arabe à la Knesset. Le Hamas n'est pas un parti élu démocratiquement. C'est une organisation terroriste. Nos partis sont élus démocratiquement. Je rappelle qu'il y a seulement six ans, le Gouvernement d'Ariel Sharon a évacué les 9 000 habitants israéliens de Gaza et, qu'en échange de ce sacrifice, les Israéliens n'ont obtenu que 8 000 tirs de mortier visant, non des cibles militaires, mais des populations civiles, dont des enfants. Israël est un Etat de droit : tout prisonnier est incarcéré après avoir bénéficié d'un procès, ce qui constitue une grande différence avec le cas de Gilad Shalit. J'ai été personnellement juge et je peux vous affirmer que nous prenons un soin extrême à ne pas envoyer en prison des personnes non coupables. Nous n'empêchons pas les prisonniers issus du Hamas de recevoir la visite de leur famille. C'est la position du Hamas qui a obligé Israël à instaurer le blocus de Gaza. Enfin, la reconnaissance d'un Etat est soumise à des règles internationales, et ce n'est pas l'assemblée générale, mais le Conseil de sécurité de l'ONU qui peut y procéder. Une reconnaissance aura pour effet de permettre à certains, en Israël, de ne pas respecter les accords et le processus. Nous sommes ouverts à des compromis pour l'établissement d'un Etat palestinien aux côtés d'Israël, ce qui n'était pas la position initiale de la droite à laquelle j'appartiens, mais il ne doit pas constituer une menace pour notre patrie, et je tiens à souligner qu'il n'existe qu'un seul Etat juif dans le monde, à la différence des Etats arabes ou musulmans qui sont nombreux. Je vous rappelle que c'est pour nous une question de vie ou de mort. A certains endroits, Israël n'a que 16 km de large.

Debut de section - Permalien
Zeev Bielski

Je tiens à rappeler que, à la différence de la situation dramatique dans laquelle se trouve Gilad Shalit, la Cour suprême d'Israël a reconnu des droits de visite aux enfants de moins de 6 ans des prisonniers palestiniens, de manière à ce qu'ils puissent embrasser leurs parents. Ce n'est pas le cas pour la mère de Gilad Shalit !

Debut de section - Permalien
Einat Wilf

Vous n'aidez pas les Palestiniens en traitant Israël de colonialiste, car cela les ancre dans la conviction que le sionisme serait appelé à disparaître, comme ont disparu, dans les années 60, les colonies dépendant des Etats européens. Or le peuple juif est chez lui en Israël. Si les Palestiniens n'ont pas d'Etat, c'est parce qu'ils attendent toujours la disparition d'Israël. C'est une réalité que les Palestiniens devraient reconnaître au plus vite, ce qui leur permettrait d'adopter une attitude adaptée à la situation.

Debut de section - Permalien
Moshe Mutz Matalon

Madame Cerisier-ben Guiga, reconnaissez-vous l'Etat d'Israël ? Avez-vous une position sur le droit au retour ? Avez-vous entendu le Premier ministre israélien déclarant récemment le droit des Palestiniens à avoir un Etat ? On ne peut comparer le sort de Gilad Shalit à des prisonniers palestiniens qui peuvent suivre les cours de l'université et qui ont la télévision.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

Dissipons tout de suite un malentendu : vous m'attribuez des propos que je n'ai pas tenus ; en effet, j'ai cité les paroles d'un responsable du Hamas, mais ne les ai pas reprises à mon compte. Par ailleurs, j'approuve totalement les résolutions de l'ONU qui ont établi l'Etat d'Israël, qui devrait avoir des frontières reconnues par tous, ce qui suppose une négociation avec les Palestiniens.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Nous ne mettons pas en question le droit du peuple israélien à avoir un Etat sûr, et sa situation ne saurait être comparée avec le phénomène colonial évoqué. En revanche, l'occupation croissante de terres palestiniennes et la construction de logements sont des phénomènes mal compris en Europe. Leur progression continuelle, notamment, apparaît en contradiction avec le geste politique qu'a constitué le retrait de Gaza : quel est votre point de vue sur cette question ?

Debut de section - Permalien
Shaul Mofaz, président de la commission des affaires étrangères et de la défense

Les opinions sont diverses en Israël et au sein des partis politiques, comme dans les pays européens. Les principaux blocs d'habitations qui occupent 8 à 10 % du territoire cisjordanien, et regroupent 250 000 de nos compatriotes, ne seront abandonnés par aucun gouvernement de notre pays. En revanche, certaines agglomérations et des implantations isolées pourraient être échangées dans le cadre d'une négociation territoriale avec les Palestiniens. Il y aura nécessairement des compromis dans ce domaine, les points de vue existant au sein de la commission que je préside sont divers.

Debut de section - Permalien
Zeev Bielski

Des échanges territoriaux de cette nature sont effectivement envisagés, mais il faudra du courage pour venir à la table des négociations et pour y procéder. Je souhaite de tout coeur que mes petits-enfants puissent enfin vivre dans une zone de paix grâce à des décisions inspirées par ce courage, mais il y a peu de gens qui en sont capables. Nous avons déjà conclu des accords de paix avec l'Egypte et la Jordanie.

Debut de section - Permalien
Ronnie Bar-On

S'agissant des blocs d'habitation, il existe un accord tacite entre les parties depuis la Lettre du Président Bush de 2004. Les responsables palestiniens sont informés de ces possibles concessions, et approuvent d'éventuels échanges territoriaux. Je rappelle qu'Ariel Sharon a créé le parti Kadima pour avoir la base politique nécessaire à l'évacuation de Gaza. Ayant été son ministre des finances, j'ai eu des échanges fréquents avec Salam Fayyad, lui-même ministre des finances puis Premier ministre de l'autorité palestinienne. Je souligne que 85 % des points de contrôle israéliens ont été démantelés ces dernières années, et que les territoires palestiniens ont bénéficié d'une croissance annuelle de 12 % grâce à l'économie libre que nous y avons suscitée. 80 % des membres de la classe politique israélienne sont favorables à de futurs compromis, et Salam Fayyad, tout comme Abou Mazen le sont également. Mais on ne peut se suicider et faire des concessions à ceux qui veulent jeter Israël à la mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

L'évacuation des colons de Gaza a donné lieu à des scènes très dures. Comment demander à des Israéliens établis en Cisjordanie depuis près de deux générations de quitter les territoires où ils ont vécu ? Ne craint-on pas les mêmes scènes de violence ? Le mieux ne serait-il pas d'éviter la création de telles implantations ?

Debut de section - Permalien
Ronnie Bar-On

Nous avons édicté des règles pour prévenir les implantations sauvages, mais s'agissant des blocs d'habitation visés par la Lettre de 2004, nous devons tenir compte de la croissance démographique naturelle des implantations déjà réalisées. Je rappelle que le Premier ministre israélien vient de déclarer, devant le Congrès américain, qu'il était prêt à des décisions douloureuses pour parvenir à la paix, au nombre desquelles le départ des colons installés dans des territoires qui seraient échangés. Les colons auront à faire un choix : rester ou partir. Dès que les Palestiniens seront prêts aux mêmes décisions douloureuses et que la communauté internationale assurera Israël que ce n'est pas un suicide, nous discuterons. Je crois que nous allons réussir mais il faut le faire de manière précautionneuse.

Debut de section - Permalien
Shaul Mofaz, président de la commission des affaires étrangères et de la défense

Votre question témoigne de beaucoup de bon sens. Pourquoi s'implanter quand on sait qu'on en devra partir ? J'estime que le gel de neuf mois de toute extension en Cisjordanie exigé par le Président Obama a constitué une erreur stratégique, car il s'est inscrit dans ces pré-conditions qui renforcent le refus palestinien de négocier. Pour ma part, j'ai proposé, en 2009, un plan de paix prévoyant la création d'un Etat palestinien dans des frontières provisoires, ce qui renverrait à un stade ultérieur la discussion sur les problèmes subsistants. La paix réclame la sécurité mais, dans les zones qu'il faudra rendre aux Palestiniens, il convient d'observer un arrêt total des constructions.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Je vous remercie pour la franchise de vos propos. Quelles que soient les orientations politiques qui se sont exprimées, soyez assurés que nous voulons des frontières sûres et reconnues pour Israël. Nous souhaitons tous qu'Israël vive en paix et, selon la phrase du prophète Isaïe : « Que les épées soient transformées en charrues ».