Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission examine le rapport de M. Christian Cambon sur le projet de loi n° 445 (2009-2010) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc sur l'assistance aux personnes détenues et sur le transfèrement des condamnés.
Depuis novembre 2005, la France et le Maroc modernisent leurs relations en matière judiciaire, comme le montrent les deux conventions sur la refonte des dispositifs en matière d'extradition et d'entraide judiciaire en matière pénale, sur lesquelles j'ai eu l'honneur de rapporter au nom de notre commission, soumises à la ratification parlementaire en 2010.
Aujourd'hui, le Sénat est saisi d'un projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc sur l'assistance aux personnes détenues et sur le transfèrement des condamnés, signée à Marrakech le 22 octobre 2007. Il s'agit d'un avenant à la convention bilatérale du 10 août 1981 sur l'assistance aux personnes détenues et sur le transfèrement des condamnés, qui constitue le cadre juridique des relations bilatérales en matière de transfèrement des personnes condamnées.
Lors des discussions sur la refonte des dispositifs en matière d'extradition et d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et le Maroc, la partie marocaine a fait part de son souhait d'apporter des modifications également à la convention de 1981. Au final, à l'issue des négociations, c'est un avenant à la convention de quatre articles qui nous est présenté. En particulier, deux changements étaient au coeur des négociations.
Le premier est de rendre facultatif le motif de refus fondé sur le fait que l'intéressé a la nationalité de l'État de condamnation. Dans la version initiale de la convention, le transfèrement est refusé du moment où le condamné a la nationalité de l'État de condamnation. La nouvelle rédaction, dans son article 1, indique que ce paragraphe est désormais supprimé. L'ajout à la convention initiale de la mention d'un paragraphe selon lequel « le transfèrement pourra être refusé si le condamné a la nationalité de l'État de condamnation » (article 2 de l'avenant), supprime de fait l'obligation de refus fondé sur la nationalité. Cette modification pourra permettre l'application de la convention aux personnes possédant la double nationalité française et marocaine.
Le second est de permettre, dans des cas exceptionnels, le transfèrement, lorsque la durée de la peine restant à subir est inférieure à douze mois (article 3 de l'avenant). Ce seuil de douze mois est défini dans le texte initial à l'article 12 qui dispose qu'au moment de la demande de transfèrement, le condamné doit avoir encore au moins un an de peine à exécuter. Dans la nouvelle rédaction, cet article est complété par un paragraphe selon lequel, « en cas de reliquat de peine à exécuter inférieur à un an, les Parties pourront convenir d'un transfèrement dans des cas exceptionnels ». La mention « cas exceptionnels » n'est explicitée ni dans l'avenant, ni dans l'exposé des motifs.
L'article 4 de l'avenant, quant à lui, est un article administratif classique, relatif à la notification par chacune des Parties de l'accomplissement des procédures constitutionnelles permettant l'entrée en vigueur de l'avenant.
Les autres éléments prévus par la convention initiale (principes et conditions, règles de procédure) restent inchangés.
En 2010, on dénombrait 298 détenus français au Maroc, dont 235 détenus pour cause de trafic de drogue. Sur la période 1999-2010, 173 demandes de transfèrement ont été instruites, dont 152 émanant de détenus français, et 21 à l'initiative de la partie marocaine. Sur ces 173 demandes, 52 ont abouti au bénéfice de 3 Marocains et 49 Français.
En élargissant les possibilités de demande de transfèrement, l'entrée en vigueur de cet avenant va de fait permettre d'accroître annuellement le nombre de transfèrements. En effet, sur les 298 détenus français incarcérés au Maroc, 72 possèdent la double nationalité franco-marocaine, soit près d'un quart. L'entrée en vigueur aura donc pour conséquence d'élargir potentiellement le champ de la convention bilatérale de transfèrement. L'impact effectif reste toutefois difficilement quantifiable, le refus de transfèrement dans ce cas restant toujours une possibilité pour l'État de condamnation.
De même, concernant la deuxième modification apportée par l'avenant, l'impact effectif dépendra aussi de l'interprétation qui sera associée aux termes « cas exceptionnels », mais qui, selon toute vraisemblance, devrait être limité.
Les conséquences de la mise en oeuvre de cet accord ne peuvent être que positives. En effet, le transfèrement des personnes condamnées vise à rapprocher les personnes détenues de leur environnement familial, professionnel et social, ainsi qu'à mieux préparer leur réinsertion à l'issue de leur peine, notamment pour les détenus français, qui pourront ainsi bénéficier de tous les dispositifs d'accompagnement et d'individualisation prévus par le droit français. Cet avenant, en assouplissant les conditions du transfèrement, permettra d'en faire bénéficier un nombre plus élevé de personnes. Il contribuera également à assurer une meilleure égalité de traitement de l'ensemble de nos ressortissants détenus au Maroc, même si le refus reste facultatif en cas de double nationalité.
Financièrement, les coûts liés au transfèrement et à la garde des détenus en France sont pris en charge par le budget de l'administration pénitentiaire du Ministère de la Justice et des Libertés (ce qui représente environ 70 euros par jour et par détenu). Par ailleurs, le transfert de l'exécution des peines prononcées à l'encontre de ressortissants marocains en France allègera d'autant les coûts liés à leur détention en France.
En matière administrative et pratique, la transmission des demandes de transfèrement se fait entre ministères de la justice, qui instruisent la demande et vérifient que les conditions prévues par la convention applicable sont remplies. Le plus souvent, dès lors que les conditions juridiques du transfèrement sont remplies, l'accord est donné.
Sur le plan matériel, les transfèrements sont assurés par le service national des transfèrements, qui dépend de la Direction de l'administration pénitentiaire. Cette procédure n'est pas modifiée par l'avenant.
Enfin, d'un point de vue strictement juridique, les modifications apportées à la convention de 1981 restent mineures et correspondent dans une très large mesure à la pratique habituelle. S'agissant de la question de l'assouplissement tenant au reliquat de peine restant à subir, la solution retenue est conforme à celle adoptée par la convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées, qui reste le cadre juridique et international de référence en la matière.
C'est pourquoi je vous recommande d'adopter le présent projet de loi, qui pourrait faire l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique.
r - Est-ce que cet accord s'applique de façon réciproque entre les deux pays ?
Il est dommage que, dans certains cas, le transfèrement ne soit pas obligatoire. Je pense particulièrement au cas des enlèvements d'enfants, quand le parent qui a kidnappé est condamné par les autorités de son propre pays, mais qu'il refuse tout de même de restituer l'enfant, il est dommage qu'il ne puisse être transféré obligatoirement pour pouvoir aider au règlement d'un cas aussi tragique.
Le transfèrement est-il obligatoire dès lors qu'un condamné en a fait la demande ?
Non, il n'y a aucune obligation d'accepter le transfèrement d'un détenu.
Puis la commission adopte le projet de loi et recommande son examen en séance publique sous forme simplifiée.
La commission entend M. Serge Smessow, ambassadeur chargé du Partenariat oriental et de la mer Noire.
Je suis très heureux de vous accueillir aujourd'hui, Monsieur l'ambassadeur, devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, pour évoquer un sujet qui est relativement peu connu en France, alors qu'il concerne pourtant les frontières orientales de l'Union européenne et des pays proches, comme l'Ukraine, la Moldavie ou la Biélorussie, ainsi que les pays du Caucase : l'Arménie, la Géorgie et l'Azerbaïdjan.
En avril dernier, vous avez été nommé ambassadeur chargé du Partenariat oriental et de la mer Noire. A ce titre, vous représentez la France au sein des différentes instances du Partenariat oriental et au sein des forums traitant de la coopération régionale autour de la mer Noire. Je rappelle que vous êtes un très bon connaisseur de cette zone, puisque vous avez été successivement Ambassadeur en Moldavie, au Kazakhstan et au Kirghizstan, puis en Arménie.
Le Partenariat oriental, qui est inclus dans la politique de voisinage, résulte d'une initiative polono-suédoise lancée en 2008, et s'adresse aux voisins orientaux de l'Union européenne.
La Synergie Mer Noire concerne, quant à elle, les pays riverains de la mer Noire.
Depuis la dissolution de l'URSS et l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale, l'Union européenne semble chercher la meilleure formule pour établir des relations avec ses nouveaux voisins à l'Est.
Or, il existe une certaine ambiguïté car, pour certains pays membres, comme la Pologne par exemple, ces pays ont vocation à rejoindre un jour l'Union européenne, alors que pour d'autres, comme la France, le Partenariat Oriental ne préjuge pas des relations futures de ces pays avec l'Union européenne.
Au moment où la Commission européenne a lancé une réflexion sur l'avenir de la politique de voisinage, il nous a donc semblé intéressant de vous entendre sur le bilan et les perspectives du Partenariat oriental et de la synergie Mer Noire.
Quels ont été les résultats concrets de ces initiatives et quelle est la position de la France concernant leur avenir, notamment dans le contexte des négociations sur les prochaines perspectives financières ?
Quel est le rôle des différentes institutions - Commission européenne, Service européen pour l'action extérieure, Etats membres, Parlement européen et parlements nationaux- ?
Qu'en est-il de l'équilibre entre la politique de voisinage à l'Est et la politique au Sud de la Méditerranée ?
Enfin, comment s'articule le partenariat oriental et la politique extérieure de l'Union européenne ?
Est-ce que cette politique permet réellement à l'Union européenne d'avoir une influence sur son voisinage immédiat, notamment en ce qui concerne le respect de la démocratie, notamment en Ukraine et surtout en Biélorussie, l'approvisionnement énergétique ou encore le règlement des conflits gelés, comme en Transnistrie par exemple ?
En outre, comment faire en sorte que le Partenariat oriental ne soit pas perçu comme une menace par la Russie ?
Le renforcement des relations avec les voisins à l'Est est-il contradictoire avec le renforcement des relations entre l'Union européenne et la Russie, notamment sur le plan énergétique ?
Voilà plusieurs questions, mais mes collègues auront certainement d'autres questions à vous poser.
Je tiens d'abord à vous remercier de votre invitation. Le grand nombre de sénateurs présents à cette réunion est un signe encourageant. On reproche souvent à la France de ne pas porter un intérêt suffisant aux voisins orientaux de l'Union européenne et au partenariat oriental. Je voudrais dire ici que ce reproche n'est pas fondé.
Avant de répondre à vos questions, je voudrais rappeler l'historique du partenariat oriental.
Les événements récents en Afrique du Nord et au Moyen Orient, ainsi que la perspective du Sommet des chefs d'Etat ou de gouvernement de l'Union européenne et du Partenariat oriental, qui aura lieu en septembre prochain à Varsovie sous présidence polonaise de l'Union européenne, ont eu pour effet de relancer le débat sur la politique de voisinage et sur le partenariat oriental.
La politique de voisinage, dans sa dimension européenne, mise en place à partir de 2004, résultait du changement de perspective radical provoqué par l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale de mai 2004, confirmé par l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie en janvier 2007. Le partenariat oriental, qui a été lancé lors du Sommet de Prague en 2009, constitue le prolongement de la politique de voisinage à l'Est de l'Union.
Ce changement de perception est fondamental. En effet, avec le déplacement des frontières de l'Union européenne vers l'Est, les pays de la région n'ont plus été perçus uniquement comme des pays issus de l'ex-URSS et sous l'angle des relations avec la Russie, mais avant tout comme des voisins immédiats de l'Union européenne, avec lesquels six Etats membres partagent des frontières communes.
Les questions sécuritaires propres à la région ont dès lors suscité un intérêt accru de la part de l'Union européenne, qu'il s'agisse des « conflits gelés », des crises internes et régionales, des questions énergétiques, de la sécurité nucléaire, de la criminalité organisée ou du risque migratoire.
D'emblée la barre a été placée très haut, puisque l'objectif de la politique de voisinage était de favoriser la transition démocratique et de contribuer à la stabilité et au développement économique sur le continent.
Si les objectifs fondamentaux de la politique de voisinage ont été repris parmi les objectifs du Partenariat oriental, lancé en 2009 on peut néanmoins parler d'un véritable « saut qualitatif ».
La déclaration commune, adoptée lors du premier Sommet des chefs d'Etat ou de gouvernement de l'Union européenne et des voisins orientaux, qui s'est tenu à Prague le 7 mai 2009, évoque, en effet, l'établissement d'une association politique et l'approfondissement de l'intégration économique entre l'Union européenne et ces pays, le soutien aux réformes politiques et socio-économiques des pays partenaires, de manière à faciliter le rapprochement avec les valeurs communes et les normes de l'Union européenne. Les objectifs visent aussi un renforcement des relations bilatérales, avec la conclusion d'accords d'association, l'instauration de zones de libre-échange, une amélioration de la mobilité, avec comme perspective à long terme la libéralisation des visas de court séjour, ainsi que la sécurité énergétique. Enfin, une coopération multilatérale diversifiée est mise en place pour favoriser le dialogue politique et la convergence en matière législative et réglementaire. La coopération régionale entre les pays concernés est également encouragée, sur le modèle de ce qui a été fait en Méditerranée et dans les Balkans occidentaux.
Il s'agit donc d'une « feuille de route » ambitieuse dont la mise en oeuvre demandera plusieurs années.
On ne peut que se féliciter de la mise en oeuvre rapide du Partenariat oriental, qui a beaucoup progressé, même si le potentiel de la coopération multilatérale n'est pas encore pleinement exploité.
Des initiatives sont cependant en cours de réalisation dans ce cadre, qui portent sur des sujets prioritaires, tels que la gestion intégrée des frontières ou les petites et moyennes entreprises.
La coopération bilatérale, qui s'est le plus développée, a permis de réaliser des avancées. Des négociations sur un accord d'association ont été engagées avec cinq des six partenaires et ont dans l'ensemble bien progressé.
Cette perspective, comme le bénéfice de la coopération bilatérale en général, dans le cadre du partenariat oriental, restera fermée à la Biélorussie tant que ce pays ne sortira pas de la régression politique actuelle.
Des progrès ont également été réalisés dans le domaine énergétique et sur la mobilité.
Des négociations sur des accords de réadmission devraient être lancées avec les trois pays qui n'en bénéficient pas encore : l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Biélorussie.
Un plan d'action, pouvant déboucher à terme sur la libéralisation des visas de court séjour, a été octroyé à l'Ukraine fin 2010 et, en début d'année, à la Moldavie.
L'Union européenne négocie avec l'Ukraine un accord de libre-échange, qui pourrait être paraphé prochainement si les dernières divergences sont surmontées.
Sans vouloir entrer dans les détails, les principales demandes de l'Union européenne portent sur les indications géographiques, sujet important notamment pour la France, la suppression des barrières tarifaires, notamment sur l'automobile, les taxes à l'importation, qui sont un élément important du point de vue budgétaire pour l'Ukraine, et l'accès au secteur de la distribution de l'énergie. Concernant l'Ukraine, la principale demande porte sur l'ouverture du marché européen à ses exportations de produits agricoles.
Des négociations sur un accord de libre-échange pourraient aussi s'ouvrir prochainement avec la Géorgie et la Moldavie, qui est sans doute le partenaire de la région le plus avancé dans son rapprochement avec l'Union européenne.
Dans le domaine des droits de l'homme et de la gouvernance, les progrès ont été plus inégaux. A cet égard, la Moldavie se distingue nettement par son volontarisme en matière de réformes, depuis l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement pro-européen il y a deux ans.
Certains partenaires orientaux mettent en avant le coût de la reprise immédiate d'une partie significative de l'acquis communautaire, par rapport au bénéfice attendu sur le long terme, pour justifier la lenteur, voire l'arrêt des réformes. C'est un argument que l'on entend souvent.
Nous restons attachés, comme nos partenaires européens, au principe de différenciation. Ce principe permet d'accompagner les pays partenaires qui souhaitent aller plus vite et plus loin dans les réformes.
Certains Etats membres ou pays partenaires voient dans le Partenariat oriental une sorte d'« antichambre » à l'adhésion à l'Union européenne.
Il est vrai que le Partenariat oriental reprend ou s'inspire de certains instruments de la politique d'élargissement, en particulier la conclusion d'accords d'association, d'accords de libre-échange ou de libéralisation des visas, et qu'elle comporte également des exigences similaires, toute proportion gardée, en termes de reprise de l'acquis communautaire. Ces pays font également valoir qu'en l'absence de perspective d'adhésion, les sacrifices nécessaires à court terme seront difficiles à réaliser, sans le bénéfice des soutiens financiers liés au processus d'adhésion à l'Union européenne.
Ce n'est évidemment pas la position de la France, qui considère, comme d'autres Etats membres, que la perspective d'adhésion à l'Union européenne des pays du Partenariat oriental n'est pas d'actualité.
Pour la France, la politique de voisinage est un processus distinct de l'élargissement, qui ne saurait constituer une « antichambre » à l'adhésion.
Alors même que le processus d'adhésion des pays des Balkans occidentaux à l'Union européenne sera long et difficile, il ne semble pas raisonnable de fixer une telle perspective.
Cette position est d'ailleurs partagée par plusieurs de nos principaux partenaires européens.
Il n'existe donc pas de consensus entre les Etats membres de l'Union européenne sur ce point.
Bien que les financements consacrés par l'Union européenne au partenariat oriental progressent de manière constante, puisqu'ils doivent augmenter de 60 % entre 2007 et 2013, les nouveaux Etats membres et la Commission européenne pourraient demander une augmentation des crédits qui lui sont consacrés, en faisant valoir les progrès importants réalisés par ces pays dans leur rapprochement avec l'Union européenne, par rapport aux pays méditerranéens.
La position de la France n'est pas fermée à l'examen de projets sectoriels concrets, mais nous ne souhaitons pas préempter les négociations sur les perspectives financières.
Surtout, nous sommes très attachés à conserver l'actuelle clef de répartition, deux-tiers pour le voisinage au Sud, un tiers pour le voisinage à l'Est, reflet des équilibres démographiques notamment.
Les récents événements au Sud de la Méditerranée ont montré l'importance et l'urgence des besoins et confirmé la pertinence de cette approche.
Le Partenariat oriental constitue l'une des priorités de la future présidence polonaise de l'Union européenne, au deuxième semestre 2011, qui organisera le deuxième Sommet du Partenariat oriental à Varsovie, les 29 et 30 septembre 2011.
La France veillera à ce que la déclaration qui sera adoptée lors de ce sommet ne fixe pas de nouveaux objectifs irréalistes au Partenariat oriental mais confirme les objectifs ambitieux adoptés lors du Sommet de Prague, objectifs qui n'ont été mis en oeuvre que partiellement et qui conservent leur pertinence.
Certains de nos partenaires estiment que la France porte un moindre intérêt au renforcement des relations avec les pays du Partenariat oriental, par rapport au Sud de la Méditerranée. Ce reproche n'est pas fondé. La France reste très engagée dans le renforcement des relations de l'Union européenne avec les pays du Partenariat oriental, comme en témoigne notamment notre implication dans les négociations communautaires. De plus, l'action de la France lors du conflit russo-géorgien à l'été 2008, sous présidence française de l'Union européenne, au sein du groupe de Minsk, sur le règlement de la question du Haut-Karabagh, ou encore lors du Sommet entre l'Union européenne et l'Ukraine de 2008, témoigne de l'intérêt de notre pays pour cette région.
Notre vision est globale. L'objectif est d'aboutir à un espace économique et humain commun sur tout le continent européen, dans un juste équilibre entre le voisinage au Sud et à l'Est de l'Europe.
Le Partenariat oriental ne préjuge pas des évolutions futures des relations avec les pays qui ont formulé des aspirations européennes. Cela est clairement mentionné dans la déclaration adoptée lors du Sommet de Prague.
Qu'en est-il des relations entre l'Union européenne et la Moldavie, dont une partie du territoire, la Transnistrie, a fait sécession, après des affrontements armés et avec le soutien de la Russie ? Où en sommes-nous dans le règlement de ce conflit, qui remonte à 1991 ?
La question de la Transnistrie n'a toujours pas été réglée. Les négociations sont bloquées depuis 2006. En 2003, la Russie, avait proposé un projet de règlement, le plan Kozak, du nom de son auteur, qui avait été rejeté par la Moldavie.
La Russie a donné récemment des signaux positifs qui restent toutefois à confirmer, concernant la reprise des négociations bloquées depuis plusieurs années.
L'Union européenne, comme le reste de la communauté internationale, n'a pas reconnu la sécession de la Transnistrie, qui est partie intégrante de la Moldavie. Cela n'exclut cependant pas que des arrangements techniques puissent être passés entre la Moldavie et la Transnistrie. Pour citer un cas récent, le transport ferroviaire à travers la Transnistrie a pu être rétabli.
La solution à ce problème est en partie liée au renforcement de l'attractivité de la Moldavie par rapport à la Transnistrie. Lorsque la Moldavie aura progressé dans la voie de son rapprochement avec l'Union européenne, mais aussi dans son développement économique, la question de la Transnistrie ne se posera plus de la même manière.
Pour prolonger la question de notre collègue, comment l'Union européenne peut-elle contribuer au règlement des « conflits gelés » dans cette zone, comme l'Ossétie du Sud ou l'Abkhazie, entre la Russie et la Géorgie, ou encore le Haut-Karabagh, entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan ?
Une approche globale, comme le Partenariat oriental, à l'égard de pays très différents et avec des « conflits gelés » sur leur territoire, est-elle la plus pertinente et l'Union européenne peut-elle faire abstraction de ces « conflits gelés » en renforçant ses relations avec les pays de la région ?
Votre question est légitime mais je n'ai pas de réponse définitive. Ces « conflits gelés » sont des questions très difficiles à résoudre. L'Union européenne, et la France, encouragent les parties en présence à négocier et à trouver un accord, que ce soit entre la Moldavie et la Transnistrie, la Géorgie et la Russie, ou encore entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
Dans le même temps, ces pays ne peuvent pas être les « otages » de situations de fait. Il existe une forte attente de ces pays à l'égard de l'Union européenne. L'Union européenne, pour sa part, ne peut pas renoncer, du fait de l'existence de ces conflits, à projeter son modèle, politique et économique, dans son voisinage immédiat et à rechercher le développement économique et la stabilité du continent européen.
Ma question porte sur les aspects migratoires. Lors d'un déplacement en Slovaquie, nous avions pu vérifier sur place les progrès importants réalisés par ce pays pour renforcer les contrôles aux frontières avec l'Ukraine, dans la perspective de l'adhésion de ce pays à l'espace Schengen. Dans le même temps, on nous avait fait part de fortes interrogations à propos de l'efficacité des contrôles des frontières et des flux migratoires à l'Est, en Ukraine ou en Moldavie.
Je souhaiterais donc avoir des précisions sur les objectifs de la démarche engagée par l'Union européenne concernant les aspects migratoires et notamment la libéralisation à terme des visas avec ces pays, compte tenu de la sensibilité de cette question dans les opinions publiques, notamment en France.
La libre circulation des personnes ou, pour le dire autrement, la libéralisation du régime des visas constitue une des principales attentes des pays du Partenariat oriental. De notre côté, une certaine prudence s'impose, pour les raisons que vous connaissez.
Concrètement, l'Union européenne négocie des accords de réadmission avec ces pays. Nous avons également pris en compte certaines de leurs demandes qui peuvent sembler légitimes, mais que nous avons soumis à certaines conditions. Nous avons proposé aux plus avancés un accord de facilitation des visas de court séjour, avec des délais plus courts pour la délivrance de visas à un coût réduit. La libéralisation, c'est-à-dire la suppression des visas de court séjour, est une perspective de long terme, qui devra s'accompagner de garanties, législatives et réglementaires, mais inclure également un mécanisme de vérification par l'Union européenne des modalités pratiques de mise en oeuvre.
La question du contrôle des frontières se pose avec une acuité particulière entre la Roumanie et la Moldavie, étant donné la proximité culturelle entre les deux pays.
Dans un espace de libre circulation des personnes, tel que l'espace Schengen, le contrôle des frontières extérieures présente une importance particulière.
Les pays des Balkans occidentaux se sont vus reconnaître une perspective d'adhésion à l'Union européenne et constituent une priorité. N'est-ce pas là un handicap pour les pays du Partenariat oriental ?
L'Union européenne a pris des engagements à l'égard des Balkans occidentaux. Il serait donc difficile de s'engager aujourd'hui sur d'autres fronts, sur des questions qui concernent l'avenir et les frontières de l'Europe. Chaque chose en son temps.
La question des contrôles aux frontières extérieures de l'Union européenne est essentielle.
Dans le même temps, il faut bien voir que l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale ainsi que leur entrée dans l'espace Schengen, se sont traduits par un durcissement des règles de circulation et des contrôles pour les ressortissants des pays du Partenariat oriental. Cela a été vécu comme une régression. Ainsi, il est plus difficile aujourd'hui pour les Ukrainiens de se rendre en Pologne qu'avant l'entrée de la Pologne dans l'Union et dans l'espace Schengen. Plus généralement, l'un de nos objectifs depuis l'effondrement de l'Union soviétique est d'éviter que ne se crée une nouvelle division, un nouveau fossé sur le continent européen. Il est donc important de veiller à améliorer certaines situations, tout en tenant compte des réalités.
Quelle est la place de la Russie, qui continue de jouer un rôle majeur dans cette région ?
Le rôle de la Russie dans la région et la manière dont la politique de voisinage et le Partenariat oriental sont perçus par la Russie sont des questions importantes qui se posent de manière concrète, notamment en ce qui concerne les conflits dits gelés. La diplomatie russe a toujours été active sur ces dossiers. Les Russes se sentent directement concernés et ne manquent pas de le rappeler.
La question du rôle de la Russie dans la région est bien sûr pertinente en ce qui concerne l'Ukraine. On voit bien, en effet, aujourd'hui, la concurrence entre une offre européenne de rapprochement dont les bénéfices sont sur le long terme, à laquelle l'Ukraine dit accorder sa préférence, et une offre russe pressante de rejoindre l'Union douanière Biélorussie, Russie, Kazakhstan, qui comporte des avantages économiques immédiats. L'Ukraine est donc à la croisée des chemins.
Je souhaiterais avoir des précisions sur le montant et la nature de l'aide française et de l'aide européenne à ces pays ?
Notre aide bilatérale, relativement limitée, porte principalement sur le soutien institutionnel et sur l'éducation. Notre action s'inscrit également dans un cadre européen, à travers la réalisation de certains projets sur financements communautaires.
Je citerai, à titre d'exemple, notre participation à deux jumelages -avec le Parlement moldave et avec l'Ombudsman arménien. Le montant de l'aide européenne, très diversifiée, est de 4 milliards d'euros pour la période 2007-2013.
A la lumière des dernières élections présidentielles en Ukraine et de la victoire de Viktor Ianoukovitch, j'ai plutôt le sentiment que l'Ukraine a fait le choix d'un rapprochement avec la Russie, plutôt qu'avec l'Union européenne.
Dans tous les entretiens avec les responsables ukrainiens, ceux-ci nous confirment que l'Ukraine reste attachée au rapprochement avec l'Union européenne. A cet égard, la conclusion, que l'on espère prochaine, des négociations sur l'accord de libre-échange sera un signal important.
L'arrivée au pouvoir de Viktor Ianoukovitch s'est traduite par un changement de position radical sur les questions de sécurité. L'Ukraine a renoncé simultanément à adhérer à l'OTAN et à l'Organisation du Traité de Sécurité collective patronné par Moscou. Elle s'est déclarée « hors blocs ».
S'agissant des libertés politiques, on ne peut que déplorer les régressions, notamment en ce qui concerne les droits de l'opposition et la liberté des médias.
La Biélorussie est aujourd'hui la dernière dictature en Europe et les derniers événements, avec les fraudes lors des élections et la répression des manifestants et des membres de l'opposition, démontrent l'absence de progrès de ce pays, et même des reculs, dans la voie vers la démocratie. Dans ces conditions, quelle peut être la réponse de l'Union européenne ? La Biélorussie peut-elle continuer à faire partie du Partenariat oriental ?
Le Partenariat oriental, dans son volet bilatéral, est fermé à la Biélorussie. Celle-ci ne peut donc bénéficier des mesures qui s'appliquent aux autres pays partenaires, tant qu'elle n'aura pas progressé sur la voie de la démocratie. En revanche, le cadre multilatéral est ouvert. Il concerne des questions comme la gouvernance, la mobilité et l'éducation. A la suite des derniers événements, l'Union européenne a adopté de nouvelles sanctions à l'égard des autorités biélorusses et pris des mesures restrictives en matière de visas et de gel des avoirs à l'encontre des responsables de la répression contre l'opposition. Il est toutefois important de faire la distinction entre les autorités biélorusses, qui, en tournant le dos aux valeurs démocratiques, ont refusé la main tendue par l'Union européenne, et la société biélorusse qui, dans son ensemble, ne paraît pas fermée à ces valeurs.
Dans une dictature, comme la Biélorussie, peut-on réellement parler d'une « société civile » et comment distinguer les proches du pouvoir et les opposants ? Quelles sont les initiatives concrètes que pourrait prendre l'Union européenne à l'égard de la société biélorusse ?
Des initiatives ponctuelles ont été prises, comme la création d'une université en Lituanie pour accueillir les étudiants biélorusses victimes de la répression. D'autres actions, en Biélorussie même portent sur le soutien aux ONG, aux victimes de la répression et aux étudiants.
La commission entend une communication de M. Josselin de Rohan sur le déplacement d'une délégation de la commission au Brésil du 11 au 15 avril 2011.
Une délégation de notre commission s'est rendue au Brésil du 11 au 14 avril dernier. Elle était composée de Jean Besson, Bernard Piras, Yves Pozzo di Borgo et moi-même.
L'objet principal de ce déplacement était double.
Il s'agissait tout d'abord d'apprécier la situation du Brésil quelques mois après l'entrée en fonction de sa nouvelle présidente, Dilma Rousseff, en s'intéressant plus particulièrement à la place croissante que ce grand pays est appelé à occuper sur la scène internationale, du fait de son développement économique rapide et de sa diplomatie très active.
Nous souhaitions également évaluer la mise en oeuvre de l'un des volets majeurs du partenariat franco-brésilien : les relations dans le domaine de la défense et de l'armement. Nous avons visité le principal salon de défense latino-américain qui se tenait dans la périphérie de Rio, et auquel participaient près de 35 sociétés françaises. A cette occasion, nous avons pu rencontrer le ministre de la défense brésilien, M. Nelson Jobim, ainsi que les chefs d'état-major.
Nous avons également abordé les questions de défense, mais aussi plus largement les dossiers de politique internationale, à Brasilia, avec des contacts au Sénat, à la Chambre des députés, à la Présidence de la République et au ministère des affaires étrangères. Enfin, plusieurs entretiens ont permis d'évoquer les relations transfrontalières, en particulier la lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane.
Tout au long de ce séjour, nous avons bénéficié des éclairages très précieux de notre ambassadeur Yves Saint-Geours et de l'ensemble de ses collaborateurs.
Je commencerai ce compte-rendu par quelques éléments de contexte en rappelant pourquoi le Brésil fait aujourd'hui figure de puissance émergente. Par sa superficie, sa population (191 millions d'habitants), ses ressources naturelles et son dynamisme économique, il fait incontestablement partie des tous premiers pays qui pèseront de plus en plus à l'échelle mondiale.
Selon les classements, le Brésil représente aujourd'hui le 8ème ou 9ème PIB mondial. Il pourrait accéder au 5ème rang d'ici cinq ans, dépassant notamment le Royaume-Uni et la France, grâce à une croissance soutenue, qui a été à peine affectée par la crise en 2009, avant de repartir de 7,5 % en 2010.
Le service économique de notre ambassade nous a exposé les cinq grandes séries de facteurs qui entretiennent cette dynamique positive.
Premièrement, une population active plus nombreuse, dont le niveau de vie s'élève. Le Brésil bénéficie aujourd'hui d'un véritable « bonus démographique ». Le nombre d'actifs vient de dépasser celui des inactifs. Cette situation favorable pour la production comme pour la consommation va perdurer pendant une trentaine d'années au moins. La société brésilienne demeure certes très inégalitaire, mais durant les huit années de la présidence Lula, 30 millions de personnes sont sorties de l'extrême pauvreté. La classe moyenne représente désormais plus de la moitié de la population. L'expansion du marché intérieur et la vigueur de la demande ouvrent donc des perspectives de croissance soutenue et durable.
Deuxièmement, le Brésil peut compter sur d'abondantes ressources naturelles et énergétiques. Il est d'ores et déjà autosuffisant en produits pétroliers. Il deviendra exportateur grâce à l'exploitation de vastes gisements off-shore sur son plateau continental, qui feront de lui la 8ème puissance pétrolière mondiale. Sur le modèle norvégien, le Brésil envisage la constitution de fonds de réserve lui permettant de réinvestir dans ses programmes économiques et sociaux. Le Brésil dispose aussi de nombreuses ressources minières. Enfin, il assure plus de 90 % de son électricité grâce à l'énergie hydraulique. Le barrage d'Itaipu, sur le fleuve Parana, est le deuxième au monde, après celui des Trois-Gorges, en Chine, et le Brésil représente à lui seul 12 % des réserves hydriques mondiales.
Troisièmement, le Brésil est aussi une grande puissance agroalimentaire. Sa balance agricole affiche un excédent de 63 milliards de dollars. C'est le 1er exportateur mondial de biocarburants.
Quatrièmement, il n'est pas dépourvu d'atouts industriels, avec de grands groupes biens positionnés au plan mondial, dans des domaines où l'offre est durablement inférieure à la demande. C'est le cas dans l'énergie, les mines, l'agroalimentaire, la sidérurgie.
Cinquièmement enfin, le Brésil engrange les bénéfices de la continuité de sa politique économique. Depuis plusieurs années, celle-ci vise à préserver les grands équilibres en réduisant l'endettement public et en maîtrisant l'inflation, mais également à attirer les capitaux étrangers et à renforcer les investissements publics dans de grands programmes d'infrastructure.
Bien entendu, ce tableau comporte des zones d'ombres. J'ai déjà évoqué les inégalités, que ce soit en termes de revenus, d'accès à l'éducation ou de disparités régionales. Il faut également mentionner la criminalité dans les zones urbaines, mais aussi des faiblesses structurelles persistantes liées à l'insuffisance des infrastructures ou à la lourdeur du cadre légal. Enfin, la croissance s'accompagne de fortes tensions inflationnistes - près de 6 % en 2010 - et de taux d'intérêt très élevés, actuellement de 11,75 %. En conséquence, la monnaie brésilienne, le real, est largement surévaluée, de l'ordre de 25 % selon le FMI, ce qui pénalise les exportations et freine le développement des industries locales.
C'est dans ce contexte que la nouvelle présidente Dilma Rousseff, élue fin octobre 2010 avec 56 % des voix, a pris ses fonctions le 1er janvier dernier.
Vous le savez, Dilma Rousseff a été durant cinq ans la plus proche collaboratrice du président Lula. C'est une économiste, au profil de technicienne, mais chacun s'accorde à dire que dès ses premiers mois de mandat, elle s'est pleinement investie de sa nouvelle fonction, s'émancipant de son prédécesseur et imposant sa propre marque.
Elle accorde très clairement la priorité aux problèmes intérieurs, et en tout premier lieu à la consolidation de l'économie brésilienne et de ses perspectives de croissance.
Afin d'enrayer le risque de surchauffe inflationniste, sa première décision aura été d'arrêter un plan d'économies de 30 milliards de dollars, soit 1,2 % du PIB. Ces coupes budgétaires épargnent les programmes sociaux, la lutte contre la pauvreté restant la priorité de la politique gouvernementale. Au contraire, l'une des mesures emblématiques de la présidence Lula, la bolsa familia, qui consiste à verser une allocation mensuelle aux familles les plus pauvres satisfaisant aux obligations de scolarisation et de vaccination des enfants, a bénéficiée d'une réévaluation de 19%. Dans le même ordre d'idée, une augmentation du salaire minimum a été programmée pour les quatre prochaines années. Les économies n'affecteront pas non plus les grands travaux d'infrastructure et les programmes de construction de logements.
Ce freinage des dépenses publiques s'efforce donc de ne pas fragiliser les ressorts de la croissance que sont la consommation des classes moyennes et les investissements nécessaires au développement économique.
Plusieurs de nos entretiens à Brasilia, notamment au ministère des affaires étrangères et à la Présidence de la République, ont été consacrés aux questions de politique internationale.
La politique étrangère du Brésil a pris une nouvelle dimension sous la présidence Lula. L'intégration régionale en reste un axe fondamental. Mais Lula s'est surtout fortement investi dans la construction d'une véritable stature internationale pour son pays, à travers la multiplication des contacts et des partenariats avec les pays du Sud et un rôle actif dans le G20. L'accession au statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies reste plus que jamais un objectif majeur de la diplomatie brésilienne.
Selon M. Guilherme Patriota, l'un des conseillers diplomatiques de Mme Rousseff qui a reçu notre délégation, la politique étrangère brésilienne entre désormais dans une « période de consolidation », après huit années extrêmement actives au plan international. On peut en déduire que la nouvelle présidente s'inscrira dans les lignes directrices établies par son prédécesseur, ce qui ne signifie pas qu'elle renoncera à imprimer sa marque.
Dilma Rousseff accorde clairement la priorité aux questions économiques, à la résorption de la pauvreté et à la poursuite d'un développement équilibré. Ce développement sera plus que jamais l'un des principaux vecteurs de l'affirmation croissante du Brésil au plan international, tout comme un déterminant important de sa politique étrangère.
Dès ses premières semaines de présidence, Dilma Rousseff a en effet mis les questions économiques au premier plan des discussions avec les grands partenaires du Brésil que sont les Etats-Unis ou la Chine, qu'il s'agisse des parités monétaires, car les sous-évaluations du dollar et du yuan pénalisent les exportations brésiliennes, ou de l'accès des produits brésiliens au marché nord-américain.
Sur un autre registre, M. Patriota nous a également précisé que les questions énergétiques joueraient un rôle croissant dans les relations extérieures du Brésil. Celui-ci souhaite nouer des partenariats internationaux pour financer les investissements indispensables à l'exploitation des gisements pétroliers off-shore, situés à plus de 2 000 mètres de profondeur.
Outre ces préoccupations économiques marquées, Dilma Rousseff a également souhaité donner un relief particulier au thème des droits de l'homme, auquel elle est particulièrement attachée du fait de son expérience personnelle, puisqu'elle a été arrêtée et torturée durant la période de la dictature. Il s'agit là sans doute d'une inflexion importante, par rapport à son prédécesseur, moins engagé sur cette question au nom du principe de non-ingérence. La première illustration en a été donnée fin mars, au Conseil des droits de l'homme des Nations unies, lorsque le Brésil a voté en faveur de la nomination d'un rapporteur spécial sur l'Iran, alors qu'il s'était jusqu'alors montré beaucoup plus conciliant avec Téhéran.
Au-delà de ces premières observations sur les premiers mois de la nouvelle présidence, la politique étrangère du Brésil devrait témoigner d'une grande continuité, en s'appuyant sur les acquis de la présidence Lula.
Le premier axe fondamental de cette politique, qui est également le plus ancien, reste la promotion de l'intégration régionale.
Cette intégration régionale relève aujourd'hui davantage du discours et du projet que de la réalité concrète. Les organisations régionales se sont multipliées sur le continent américain, avec des résultats limités au plan politique, en raison des divergences notables de points de vues entre les gouvernements, et encore moins tangibles au plan économique.
Le Brésil est membre de plusieurs organisations, allant du Mercosur, marché commun qu'il a institué avec l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay, à l'Organisation des Etats américains, qui regroupe comme son nom l'indique tous les Etats d'Amérique du Sud, d'Amérique centrale et d'Amérique du Nord.
Au cours de ces dernières années, et par delà les aléas qu'ont pu connaître ces différentes organisations, le Brésil a poursuivi deux objectifs avec une grande constance.
Le premier a été de contenir l'influence des Etats-Unis en Amérique latine, notamment au plan économique. A ce titre, le Brésil a joué un grand rôle dans l'échec du projet de zone de libre-échange des Amériques, qu'il jugeait trop favorable aux intérêts de Washington. Cela n'empêche pas les deux pays de chercher à trouver, à titre bilatéral, des terrains d'intérêt mutuel.
Le deuxième objectif aura été de rendre plus cohérente l'organisation politique des pays latino-américains, en jouant un rôle fédérateur, en s'affirmant progressivement comme leur porte-parole naturel et en veillant à ne pas donner prise, à son tour, à des accusations d'hégémonie. Ces efforts trouvent leur traduction dans le traité signé en 2008 à Brasilia instituant une Union des Nations d'Amérique du Sud, l'UNASUR, englobant tous les pays du sous-continent, alors que doit être lancée en juillet prochain la Communauté des Etats d'Amérique latine et des Caraïbes qui réunira tous les Etats d'Amérique excepté les Etats-Unis et le Canada. Ces organisations constitueront avant tout des forums politiques. Leur degré d'intégration restera limité.
Il est sans doute encore prématuré de parler de véritable leadership régional pour le Brésil. Les limites de son influence sont apparues lorsqu'il a tenté d'arbitrer certains conflits, par exemple entre le Venezuela et la Colombie. Force est de constater cependant que le Brésil est parvenu à désarmer une grande partie des préventions qui pouvaient s'exprimer à son encontre. Il entend également démontrer que son statut de géant économique en devenir n'exclut pas une certaine solidarité continentale. M. Patriota nous a parlé d'une « vision généreuse » des relations avec les pays voisins. Ainsi, le Sénat brésilien vient de ratifier un traité qui donne en partie satisfaction à une vieille revendication du Paraguay sur les bénéfices du barrage d'Itaipu, frontalier entre les deux pays. Le Paraguay va pouvoir tripler le prix auquel il revend au Brésil une partie de l'électricité produite par ce barrage.
L'un des faits marquant de la présidence Lula aura été de dépasser l'horizon régional traditionnel pour déployer une diplomatie à vocation mondiale.
En Afrique, où il entretient des liens avec les pays lusophones, le Brésil a ouvert 18 ambassades en 2 ans. Au Moyen-Orient, le Brésil a noué une relation forte avec le Liban et s'est rapproché de la Turquie. Il a reconnu l'Etat palestinien fin 2010. Enfin, il se tourne également vers l'Asie, notamment la Chine et l'Inde.
Il y a dans cette politique active en faveur des liens sud-sud des motivations politiques : accroître l'influence du Brésil et contrebalancer celle des grandes puissances occidentales. Il y a également un objectif commercial, puisque 56 % des exportations brésiliennes vont vers des pays émergents ou en développement.
Le mois dernier, le groupe des BRIC - Brésil, Russie, Inde et Chine - s'est ouvert à un cinquième membre : l'Afrique du Sud. Ces pays ont en commun leur croissance économique soutenue et leur volonté affichée de refonder l'ordre international en faveur des grands pays émergents. Ils peuvent se retrouver sur des convergences ponctuelles et peser sur certains débats. Mais on peut se demander si, au sein de ce groupe, les intérêts divergents ne sont pas plus forts que le désir affiché de coopération. Ainsi, le modèle économique brésilien diffère profondément de celui de la Chine, et l'expansion des échanges entre les deux pays s'effectue de manière déséquilibrée au détriment du Brésil. Le sommet des BRIC n'a pas permis à Dilma Rousseff d'obtenir la moindre avancée sur le cours du yuan, alors que l'industrie brésilienne se sent menacée par l'invasion de produits chinois à bas coûts et se plaint de ne pouvoir accéder au marché chinois. De même, les autorités brésiliennes manifestent une certaine préoccupation face au flux soutenu des investissements chinois au Brésil, dans des secteurs comme l'agriculture, les mines ou le pétrole.
L'obtention d'un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies demeure un des objectifs fondamentaux du Brésil, qui s'est associé avec l'Inde, l'Allemagne et le Japon au sein du G4. La France et le Royaume-Uni ont soutenu cette démarche qui heurte cependant les intérêts d'autres pays, d'où un enlisement de la réforme de l'ONU. Lors de sa visite au Brésil, au mois de mars, le président Obama n'a pas clairement soutenu cette revendication, alors qu'il l'avait fait pour l'Inde. Pour des raisons inverses, la Chine, hostile à l'arrivée de l'Inde au Conseil de sécurité, reste également sur la réserve quant à la demande du Brésil.
En développant son activité diplomatique sur tous les continents, le Brésil souhaite évidemment démontrer la légitimité de sa revendication. Dans le même esprit, il contribue traditionnellement aux opérations de maintien de la paix de l'ONU. Il assure le commandement de la mission des Nations unies en Haïti. Depuis février, il a également pris le commandement de la composante maritime de la FINUL au Liban.
Notre entretien à la Présidence de la République a toutefois montré que tout en souhaitant assumer de plus larges responsabilités internationales, le Brésil reste très critique à l'égard de ce qu'il considère être un interventionnisme excessif des grandes puissances occidentales. Son abstention sur la résolution 1973 relative à la Libye traduit sa réticence à déléguer des mandats pour l'usage de la force.
Je voudrais maintenant évoquer l'un des volets importants de notre mission : la politique de défense et les relations avec la France en matière d'armement.
Nous avons rencontré le ministre de la défense, Nelson Jobim, et plusieurs responsables de haut niveau lors de notre passage au salon de l'armement de Rio. Nous nous sommes également entretenus de ces questions à Rio avec le ministre de la sécurité institutionnelle, le général Siqueira, qui assure le secrétariat des conseils de défense, et M. Carbonar, conseiller défense du ministre des affaires étrangères.
Le président Lula a fait de la défense l'une des priorités fortes de son mandat, en agissant simultanément dans quatre directions.
Premièrement, le Brésil s'est efforcé de mieux définir et hiérarchiser ses objectifs de défense. Il s'est doté d'une stratégie nationale de défense en 2008 et envisage l'élaboration d'un Livre blanc plus détaillé, sur le modèle français. Le Brésil ne se sent pas menacé, mais il est soucieux de préserver sa souveraineté sur l'ensemble de son immense espace terrestre et maritime, en renforçant la surveillance de l'Amazonie et celle de sa zone économique exclusive, riche en ressource pétrolière, qu'il a dénommée « Amazonie bleue ». A plus long terme, le Brésil voit également dans le renforcement de ses capacités militaires un corollaire de la stature et du rôle international auxquels il aspire.
Le deuxième objectif est une réorganisation profonde de la conduite de la politique de la défense. Traditionnellement, la défense restait le domaine exclusif des militaires. La création d'un ministre de la défense ne date que de 1999. En outre, chaque armée jouissait d'une autonomie de décision quasi-absolue en matière d'organisation, d'opérations ou d'équipement. Lula a totalement remis en cause ce mode de fonctionnement, en renforçant la direction politique de la défense, sous l'autorité du ministre. Celui-ci détient désormais, en matière de nominations ou de préparation du budget, des pouvoirs précédemment exercés par les chefs d'état-major. Le dispositif est complété par la nomination d'un secrétaire d'Etat aux produits de défense et d'un chef d'état-major conjoint des forces armées, que nous avons également rencontrés, et qui sont respectivement chargés de la politique d'acquisition et de la conduite des opérations.
Troisième objectif de cette nouvelle politique de défense : un vaste renouvellement des équipements. La marine sera la principale bénéficiaire de cet effort. Son plan de modernisation, particulièrement ambitieux, prévoit une augmentation des effectifs de 35 % sur les vingt prochaines années pour accompagner l'arrivée de nouveaux bâtiments. Le Brésil veut se doter d'une vraie marine océanique, avec le renouvellement de ses sous-marins et, à l'horizon 2025, la mise en service de sous-marins à propulsion nucléaire, la construction de deux porte-avions et le développement d'une flotte surface moderne de frégates, de bâtiments de soutien et de patrouilleurs côtiers ou fluviaux. L'armée de l'air doit également renouveler l'ensemble de ses composantes : l'aviation de combat, l'aviation de transport, les hélicoptères et les drones. C'est dans ce cadre qu'est conduit le programme FX-2 visant à acquérir un premier lot de 36 avions de combat multirôles pour un objectif final de 120 avions. Mais il faut également mentionner l'acquisition d'avions de transport et de ravitaillement KC-390, réalisés par la société brésilienne Embraer, celle d'hélicoptères Caracal à la France et d'hélicoptères de combat à la Russie. Pour l'armée de terre, les objectifs sont moins spectaculaires. Il s'agit de redéployer ses effectifs du sud du pays, où ils sont concentrés, vers les frontières nord et ouest, en Amazonie, et d'accroître la mobilité des forces, avec le renouvellement du parc de blindés légers et l'acquisition d'hélicoptères.
Enfin, la politique de défense du Brésil comporte une quatrième dimension très importante. Le renouvellement des équipements obéit à une stratégie industrielle. Les acquisitions auprès de pays étrangers sont systématiquement conditionnées à des partenariats locaux et à des transferts de technologies permettant au Brésil de constituer sa propre base industrielle et technologique de défense. Le Brésil voit dans cette politique un élément de son autonomie stratégique, mais également, très concrètement, une source de développement économique à travers son marché national de défense et, à terme, un potentiel à l'exportation vers les marchés sud-américains et internationaux.
Bien entendu, l'attention portée à la défense par le président Lula a trouvé une traduction budgétaire. Sous sa présidence, le budget de la défense a progressé de 10 % par an en valeur réelle. Aux deux-tiers, les crédits supplémentaires ont été consacrés au rattrapage des rémunérations, mais près de 20 % d'entre eux sont allés aux équipements, la part des dépenses d'investissement dans le budget de la défense étant passée de 4 % en 2004 à 12,7 % en 2010, année au cours de laquelle ils ont atteint 3,2 milliards d'euros.
Nous avons eu confirmation que Dilma Rousseff pérenniserait les réformes de structures engagées par son prédécesseur dans le sens d'un renforcement de l'autorité du ministre de la défense et d'une généralisation de l'approche interarmées. En revanche, le ministère de la défense a été affecté par les coupes budgétaires décidées en début d'année à hauteur de 2 milliards d'euros, soit 8 % par rapport au montant initialement prévu pour 2011. Ce contexte a conduit à repousser la décision sur l'achat du futur avion de combat.
La France est historiquement un partenaire important du Brésil en matière d'armement. Dans le contexte de modernisation des équipements que je viens d'évoquer, ces relations ont pris une nouvelle dimension avec l'établissement d'un partenariat stratégique entre les deux pays le 23 décembre 2008. Ce partenariat repose sur un engagement politique de la France sur les transferts de technologies.
Le Brésil est devenu en 2009 le premier client de la France en matière d'armement, grâce à deux grands contrats.
Le premier, baptisé ProSub, porte sur les sous-marins. Il prévoit la vente de 4 sous-marins à propulsion conventionnelle Scorpène qui seront en partie assemblés au Brésil grâce à un partenariat entre DCNS et le groupe brésilien Odebrecht. La coopération portera également sur le projet de construction d'un sous-marin nucléaire planifié pour 2025, à l'exclusion des technologies directement liées à la propulsion nucléaire, la chaufferie nucléaire devant rester de conception totalement brésilienne.
Ce contrat inclut une coopération sur la construction d'un chantier naval et d'une nouvelle base sous-marine au sud de Rio, ainsi que l'ouverture à Lorient, pour les ingénieurs brésiliens, d'une école de conception de sous-marins axée sur la partie non nucléaire du futur sous-marin à propulsion nucléaire. Il s'agit du plus gros contrat jamais signé à l'international par DCNS, la part française s'élevant à 3,85 milliards d'euros.
Le second grand contrat signé en 2008 porte sur 50 hélicoptères de manoeuvre Caracal EC-725 pour les besoins des trois armées, en partenariat avec la firme brésilienne Helibras.
S'agissant du programme FX-2 d'avions de combat, le Rafale, vous le savez, est en concurrence avec le F18 Super Hornet de Boeing, en service dans l'US Navy, et le Gripen NG du suédois Saab. Tout dernièrement, à l'issue du sommet des BRICS, le président Medvedev a indiqué avoir reçu l'assurance de Dilma Rousseff que le Su-35 de Sukoi serait également examiné, mais les autorités brésiliennes ne se sont pratiquement pas exprimées sur le sujet.
Le Président Lula avait marqué sa préférence pour le Rafale en septembre 2009 et l'armée de l'air avait remis son rapport sur les dernières offres quelques semaines plus tard. La décision a été repoussée tout au long de l'année 2010, pour être finalement laissée à la nouvelle présidente. Du fait des restrictions budgétaires, aucun engagement ne devrait intervenir en 2011, année au cours de laquelle Dilma Rousseff souhaite pouvoir se forger sa propre opinion.
Au cours de nos différents entretiens avec des responsables de l'exécutif ou au Parlement, nous avons insisté sur les points forts de la proposition française, qui se distingue par des transferts de technologies et des coproductions dans de très nombreux domaines, ce qui permettrait à l'entreprise aéronautique brésilienne Embraer d'acquérir la capacité de développer elle-même un avion de combat moderne.
Nous avons confirmé l'engagement politique sans restriction pris, en cette matière, par les autorités françaises, et le caractère bipartisan de notre délégation a permis d'assurer nos interlocuteurs de la continuité de cette ligne politique indépendamment des échéances électorales de 2012. Il faut rappeler que les engagements de même nature que prendrait l'exécutif américain seraient extrêmement tributaires des réticences traditionnelles du Congrès à autoriser de tels de transferts de technologies.
Ce que nous retenons de notre visite c'est que nos atouts sont connus et appréciés par le ministre de la défense et son entourage, particulièrement intéressés par les retombées industrielles potentielles. La compétition se poursuit cependant, d'autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte, mais il n'y a pas de raison particulière d'être pessimiste.
Nous avons également pris conscience que la mise en oeuvre du contrat obtenu par DCNS sur les sous-marins revêt une importance particulière. Elle témoignera, de manière concrète, de notre politique en matière de transferts de technologies, puisque les partenaires brésiliens nous ont adressé quelques 300 demandes d'information sur lesquelles ils attendent des réponses.
L'attention portée à la compétition sur les avions de combat ne doit pas occulter les marchés à venir, eux aussi très importants, sur lesquels les entreprises françaises sont bien entendu déjà positionnées. Je pense en particulier au projet de « package global » pour la flotte de surface, qui porte sur 5 frégates multi-missions, 5 patrouilleurs de haute mer et un bâtiment de soutien logistique, au projet de porte-avions, aux missiles, aux systèmes de surveillance, aux satellites ou encore à l'équipement des fantassins.
Notre visite au salon LAAD à Rio nous a permis de constater à la fois la motivation des entreprises françaises, qu'il s'agisse des grands groupes ou de PME, la qualité de leur offre et leur volonté de nouer de véritables partenariats avec des entreprises brésiliennes, mais également l'acuité de la concurrence sur un marché offrant un grand potentiel de développement.
Dans ce contexte, il importe plus que jamais de faire fructifier le partenariat stratégique que nous avons établi il y a maintenant deux ans et qui va au-delà des relations industrielles. Il s'appuie en effet sur des contacts réguliers entre armées, sur des actions de formation et des échanges à tous les niveaux, alors que nous constatons de grandes similitudes entre le modèle de défense que le Brésil cherche à mettre en place et nos propres préoccupations, que ce soit en termes d'organisation ou de volonté d'autonomie stratégique.
Je terminerai ce compte rendu en précisant que nous avons abordé la question des relations transfrontalières avec plusieurs de nos interlocuteurs, en particulier les parlementaires de l'Etat de l'Amapa. Nous avons fait part de nos préoccupations en matière de contrôle des frontières et de lutte contre l'orpaillage clandestin. L'accord bilatéral qui a été signé à ce sujet fin 2008 a été adopté par l'Assemblée nationale début avril et il est désormais en instance devant notre assemblée. Au Brésil, il est toujours au stade de l'instruction en commission à la Chambre des députés. Nous avons rencontré le rapporteur de ce texte et souligné la nécessité de mettre rapidement en place les mesures prévues par l'accord, notamment le contrôle des activités d'orpaillage et celui du transport fluvial sur l'Oyapok.
Nos interlocuteurs ont reconnu la réalité des problèmes liés à l'orpaillage, et plus globalement à l'immigration illégale, mais ils ont insisté sur la situation économique de l'Amapa et les perspectives de développement limitées de ce territoire isolé sur la rive gauche de l'Amazone, constitué à près de 80 % de zones protégées. Il y a, de ce point de vue, une forte attente de coopération avec la France dans le domaine des transports, de la formation, de l'environnement et du tourisme.
Nous avons émis l'idée d'une commission mixte entre élus des collectivités de la Guyane et de l'Amapa pour examiner en commun tous les problèmes transfrontaliers, ceux du développement comme de la lutte contre l'immigration clandestine. J'ai encouragé nos collègues de Guyane à développer les contacts avec leurs homologues de l'Amapa, afin d'améliorer un dialogue qui est toujours plus difficile lorsqu'il se situe au niveau des capitales.
Pour conclure, je crois pouvoir dire que notre délégation est revenue de son bref séjour au Brésil convaincue de la nécessité de développer et d'approfondir nos relations avec ce pays dans tous les domaines.
De tous les grands pays émergents, c'est sans doute celui dont nous nous sentons le plus proche, du fait de sa latinité, de l'ancienneté de nos liens et de notre présence.
Grâce à ses perspectives prometteuses, le Brésil ne manque pas de partenaires potentiels. Nous devons donc accentuer l'attention que nous portons à ce pays et entretenir un dialogue régulier, notamment au niveau parlementaire.
Je souscris pleinement au compte rendu effectué par le président. A titre personnel, j'ai été très impressionné par cette puissance émergente qu'est le Brésil. Ce pays n'a pas connu de guerre sur son sol. Sa démographie va lui permettre d'accroître la part de sa population active dans les prochaines années. C'est aussi un pays immense, qui couvre l'équivalent d'un territoire qui s'étendrait de la Norvège au Tchad et de la Bretagne à l'Oural. Soyons aussi conscients que le Brésil constitue pour la France un concurrent potentiel, particulièrement en matière agricole, où ses exportations sont considérables. Mais j'adhère totalement à l'idée qu'il nous faut nouer avec lui des liens plus forts. J'ai constaté avec satisfaction que les entreprises françaises étaient présentes.
Je crois qu'il faut également souligner un phénomène nouveau qui, selon moi, va s'accentuer : l'émergence des BRICS. Certes, comme l'a dit le président de Rohan, ce n'est pas un ensemble homogène et il existe des divergences entre les cinq pays de ce groupe. Néanmoins, le renforcement des BRICS est un objectif important de la politique étrangère du Brésil et un levier d'influence. Il s'agit d'une puissance qui monte.
Enfin, la visite sur le salon de l'armement nous a permis d'apprécier une initiative très intéressante, avec le regroupent de PME de la région Rhône-Alpes du secteur de la défense qui bénéficient d'un soutien mutualisé pour se placer sur les marchés internationaux.
Le président de Rohan a rendu compte de manière fidèle et objective de nos entretiens. L'initiative prise en Rhône-Alpes est en effet à saluer. La région Rhône-Alpes a elle-même mis en place de nombreuses implantations à l'étranger, au Brésil, en Argentine, mais aussi aux Etats-Unis, à Philadelphie, ou encore en Chine, à Shanghai, pour soutenir le développement des entreprises rhônalpines.
Le Brésil est incontestablement un partenaire très intéressant pour la France. C'est un pays latin avec lequel nous avons des affinités culturelles. On ne mesure d'ailleurs pas très bien ce que peut être l'impact culturel de la France et de la langue française dans un pays comme le Brésil.
Le Brésil est un concurrent dans le secteur agricole. S'il ne tenait qu'à lui, les fragiles barrières mises en place par la politique agricole communes seraient démantelées, l'impact serait très rude pour notre agriculture.
Comme tous les grands pays émergents, le Brésil est également un pays nationaliste.
Dans le cadre de nos exportations de défense vers le Brésil, nous envisageons des transferts de technologies substantiels à son profit. Cette politique a-t-elle été bien évaluée ? A-t-on mesuré l'impact potentiel de tels transferts, à terme, sur la concurrence dont nos industries pourraient faire l'objet ?
Les industriels français sont pleinement conscients des implications des transferts de technologies. Il faut en effet bien mesurer ces implications. Ce sont en général des technologies éprouvées qui sont transférées. Le transfert de technologies est une condition essentielle pour toute exportation au Brésil dans le domaine de la défense. Les entreprises françaises ont opté pour un partenariat avec des entreprises brésiliennes. Ces entités communes permettent d'accéder au marché brésilien et, potentiellement, au marché sud-américain. Lors de la visite du salon LAAD, nous avons été impressionnés par la mobilisation des entreprises françaises et la qualité des relations qu'elles ont nouées avec leurs partenaires brésiliens.
Enfin, comme cela a été dit, le « cluster » Eden, qui regroupe une quarantaine de PME de la région Rhône-Alpes du secteur de la défense et de la sécurité, constitue une initiative exemplaire. Il est extrêmement important que les PME soient présentes sur ces marchés. Ce n'est pas facile et des regroupements de ce type sont très utiles.
Vous n'avez pas évoqué les relations entre le Brésil et le Japon. Elles étaient me semble-t-il très étroites. Qu'en est-il ?
Nous n'avons pas abordé ce point particulier, mais ces relations sont effectivement étroites, ne serait-ce que par la présence d'une très importante communauté d'origine japonaise, d'ailleurs très intégrée, notamment dans la région de Sao Paulo.
Je voudrais également revenir sur la compétition dans laquelle est engagé le Rafale. La décision de reporter la décision est liée à des mesures d'ordre budgétaire, et en aucun cas à la volonté d'avantager ou d'exclure telle ou telle offre.
De manière plus générale, nos convergences avec le Brésil sont fortes dans le domaine de la défense. L'organisation que souhaite mettre en place le Brésil repose sur des principes proches des nôtres.
En conclusion, je voudrais à nouveau souligner l'intérêt, au plan parlementaire, de continuer à entretenir un flux soutenu de contacts et d'échanges.
A l'issue de ce débat, la commission donne acte au président Josselin de Rohan de sa communication et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.