Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de MM. Bruno Parent, directeur général des impôts, Jean-Christophe Moraud, sous-directeur à la direction générale des collectivités locales (DGCL), Bruno Soulié, sous-directeur à la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), et Bernard Morel, sous-directeur à l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), au sujet de la transmission au Sénat de données relatives aux finances locales.
M. Jean Arthuis, président, a fait état de la présence de M. Bruno Parent, directeur général des impôts, et indiqué que MM. Jean-Christophe Moraud, Bruno Soulié et Bernard Morel représentaient, respectivement, MM. Edward Jossa, directeur général des collectivités locales, Dominique Lamiot, directeur général de la comptabilité publique, et Jean-Michel Charpin, directeur général de l'Insee. Il a rappelé que la présente audition, eu égard à son objet même, était ouverte aux membres de l'observatoire de la décentralisation du Sénat, et a tenu à saluer son président, M. Jean Puech.
a déclaré que le Sénat envisageait de se doter d'une base de données relative aux finances locales, ainsi que de capacités de simulation en ce domaine, afin que l'adoption de dispositions relatives aux finances locales ne consiste plus à « acheter un lapin dans un sac », comme il a jugé que tel était trop souvent le cas. Il a indiqué qu'afin de déterminer dans quelle mesure cela était possible, le Sénat avait mandaté les cabinets Michel Klopfer et Klee Group afin qu'ils rendent une étude conjointe de faisabilité, qui lui avait été remise en juillet 2006, et qui présentait une analyse des principaux enjeux techniques et financiers d'un tel projet. Il a considéré qu'en tout état de cause, la constitution au Sénat de capacités de simulation relatives aux finances locales exigerait des moyens humains et financiers adaptés, et ne permettrait la simulation que d'une faible partie des amendements déposés lors de la discussion de chaque projet de loi de finances. Il a jugé nécessaire de convenir, avec les administrations, des modalités concrètes selon lesquelles les principales données dont elles disposaient pourraient, dès à présent, être mises à la disposition du Sénat. Il a indiqué que tel était l'objet de la présente audition, qui devait permettre d'obtenir « des engagements fermes et précis des administrations productrices de ces données ». Il a rappelé que la présente audition s'appuyait sur un questionnaire, transmis aux administrations le 27 septembre dernier, et auxquelles celles-ci avaient répondu par écrit le vendredi 13 octobre.
a tout d'abord interrogé M. Bruno Parent, directeur général des impôts. Celui-ci, dans la réponse écrite au questionnaire, considérait ainsi que « la combinaison des règles générales du secret professionnel avec les dispositions des articles 164 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 et 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances n'a[vait] pas de solution juridique immédiate et incontestable », et estimait qu'en conséquence, la direction générale des impôts (DGI) n'était pas en mesure de transmettre au Sénat des informations fiscales non anonymisées. M. Bruno Parent, après avoir rappelé qu'il avait déjà fait parvenir les deux dernières versions du CD-ROM relatif au « recensement des éléments d'imposition » (REI), respectivement en décembre 2005 et en janvier 2006, a estimé que la transmission au Sénat d'informations fiscales non anonymisées posait un problème de compatibilité avec le livre des procédures fiscales, astreignant l'administration fiscale au respect du secret fiscal. Il a souligné que la violation du secret fiscal était passible de sanctions pénales. Il a indiqué son intention de consulter le Conseil d'Etat à cet égard, afin de déterminer si une clarification législative était nécessaire.
a souhaité disposer du CD-ROM relatif au « recensement des éléments d'imposition » (REI) au format Excel, et non PDF (« Portable Document Format »), y compris, sous réserve que soit levée l'ambiguïté juridique évoquée par M. Bruno Parent, dans sa version non anonymisée. En réponse, M. Bruno Parent a indiqué que, si cette ambiguïté était levée, il ne verrait pas d'objection à ce que la version non anonymisée de ces données soit transmise au Sénat. Il a en revanche considéré que, la taille du fichier concerné étant de l'ordre de 80 méga-octets, il risquait d'être difficile de les exploiter sous Excel. Il s'est donc demandé pourquoi les cabinets mandatés par le Sénat privilégiaient ce format.
a indiqué que son rapport d'information sur la taxe d'habitation, qu'il avait présenté au nom de la commission des finances (n° 71, 2003-2004), s'appuyait sur des données non anonymisées.
En réponse, M. Bruno Parent a considéré que le problème du respect du secret fiscal se posait surtout dans le cas de la fiscalité des entreprises. Il a précisé que si le fichier REI n'indiquait pas l'imposition par contribuable, sa version non anonymisée pouvait permettre de connaître indirectement l'imposition d'une entreprise, en particulier dans le cas où une grande entreprise correspondait à la totalité ou à la quasi-totalité des recettes de taxe professionnelle d'une collectivité.
s'est demandé si le « bouclier fiscal » ne risquait pas de susciter un problème analogue dans le cas des impôts reposant sur les ménages.
a estimé qu'il serait « curieux » que le secret fiscal, qui n'était pas opposable aux maires, le soit aux membres du Parlement.
En réponse, M. Bruno Parent a indiqué que le livre des procédures fiscales prévoyait une dérogation explicite dans le premier cas, et non dans le second.
a demandé que les fichiers REI soient systématiquement transmis à la commission dès qu'ils seraient disponibles. M. Bruno Parent a indiqué que tel serait le cas.
Après que M. Bruno Parent eut estimé que le fichier REI ne pouvait pas être efficacement exploité sous le format Excel, M. Jean Arthuis, président, s'est demandé quels étaient les éléments de ce fichier que la direction générale des collectivités locales (DGCL), dans sa réponse au questionnaire écrit, indiquait obtenir de la DGI sous ce format.
En réponse, MM. Bruno Parent et Jean-Christophe Moraud, sous-directeur à la DGCL, ont indiqué qu'il s'agissait des cinq extraits, de taille modeste, dont la DGCL avait besoin pour calculer les attributions de dotation globale de fonctionnement (DGF).
a souhaité obtenir communication de ces fichiers Excel. M. Bruno Parent a déclaré qu'il les transmettrait à la commission.
s'est demandé pour quelles raisons, dans sa réponse au questionnaire écrit, la DGI indiquait que les différents « états » qu'elle mentionnait, à l'exception de l'état 1389, n'existaient que sous « format papier », alors que les documents correspondants étaient, de toute évidence, élaborés à l'aide d'une application informatique. En réponse, M. Bruno Parent a indiqué que si cette application générait bien, pour chacun de ces états, un fichier unique, celui-ci servait seulement à les produire, et n'était pas susceptible d'être consulté.
a demandé que soient transmis à la commission, dès leur disponibilité, les états 1389 et les données relatives aux bases, taux, délibérations et produits. M. Bruno Parent a indiqué que tel serait le cas, précisant que ces fichiers étaient d'ores et déjà publiés sur le site Internet de la DGI.
s'est interrogé sur la possibilité pratique, indépendamment des problèmes éventuels liés au respect du secret fiscal, de transmettre à la commission les « données assujettis », détaillées par contribuable. En réponse, M. Bruno Parent a souligné que, les fichiers comprenant les données individuelles relatives à la taxe professionnelle, à l'impôt sur le revenu, à la taxe d'habitation et aux taxes foncières, ayant chacun une taille comprise entre 1,5 giga-octet et 400 giga-octets, exigeaient pour être exploités des dispositifs informatiques de type « grand système », et étaient conservés sur des disques à grande capacité. Il a considéré que l'investissement nécessaire afin d'exploiter de telles données présenterait un coût considérable.
a demandé quel était le « recensement du revenu des communes » dont la DGCL indiquait, dans sa réponse au questionnaire écrit, qu'il lui était transmis par la DGI.
En réponse, MM. Bruno Parent et Jean-Christophe Moraud ont indiqué qu'il s'agissait d'un fichier agrégé par collectivité, destiné à permettre les calculs de dotations de l'Etat. M. Jean-Christophe Moraud a indiqué que les revenus concernés étaient connus avec un décalage de trois années. En réponse à une observation de M. Jean Arthuis, président, qui s'en étonnait, M. Bruno Parent a précisé que ces données, relatives aux revenus de l'année n, concernaient l'impôt de l'année n+1, de sorte qu'une mise à disposition des données l'année n+2 ne correspondait pas, à ses yeux, à un délai particulièrement long. Il a indiqué que, comme le président en avait exprimé le souhait, ces données seraient transmises à la commission.
a noté qu'alors que la DGCL évoquait, dans sa réponse au questionnaire écrit, des fichiers Excel relatifs aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO), transmis annuellement par la DGI, cette dernière ne mentionnait pas ces fichiers dans sa réponse au questionnaire écrit, censée énumérer l'ensemble des fichiers Excel susceptibles d'être transmis au Sénat. M. Bruno Parent a indiqué qu'il allait se renseigner à ce sujet, et faire rapidement parvenir sa réponse à la commission.
a regretté que la nomenclature des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne soit pas harmonisée entre les différentes administrations.
s'est interrogé sur l'opportunité que le Sénat se dote de sa propre base de données et de son propre système de simulation relatifs aux finances locales, « doublonnant » ainsi ce dont disposait déjà le pouvoir exécutif. Il a jugé plus efficient que ce dernier assure certaines prestations pour le Parlement.
a indiqué ne pas exclure une telle éventualité. Il a demandé à M. Jean-Christophe Moraud de transmettre à la commission les fichiers départementaux indiqués dans sa réponse au questionnaire écrit, convertis au format Excel, dès qu'ils seraient disponibles. En réponse, M. Jean-Christophe Moraud a affirmé qu'un fichier au format TXT (« text ») pouvait être converti au format Excel par « renomination simple », ce dont il lui a été donné acte, sous réserve d'une vérification technique appropriée. Il a par ailleurs jugé qu'il n'était pas utile que le Sénat dispose de ce fichier, dans la mesure où les « fiches DGF » étaient disponibles au début de l'été, sous forme de CD-ROM. Il a rappelé que M. Dominique Schmitt, alors directeur général des collectivités locales, avait fait parvenir à M. Jean Arthuis un exemplaire de ce CD-ROM, en février 2006.
s'est demandé pourquoi les « fiches DGF » étaient diffusées sous le format PDF, alors que jusqu'à récemment elles l'avaient été sous le format Excel, et si la commission pourrait obtenir les « fiches DGF » sous ce dernier format.
En réponse, M. Jean-Christophe Moraud a affirmé que cela venait du fait que le format PDF avait été jugé permettre une meilleure lisibilité, en particulier après la réforme de la DGF réalisée par les lois de finances initiales pour 2004 et pour 2005. Il a estimé que ce fichier PDF pouvait facilement être transformé en fichier Excel, et que certains cabinets de conseils aux collectivités territoriales l'avaient fait, ce dont il considérait que la DGCL était « la première victime ». Il a indiqué que, si le Sénat souhaitait recourir à cette « facilité », la DGCL pourrait lui « vendre un fichier au format TXT renommable au format Excel ». Il a par ailleurs tenu à indiquer qu'un des deux cabinets mandatés par le Sénat, qui avait effectué des prestations de services pour la DGCL, s'était trouvé en situation de « conflit d'intérêt », comme en témoignaient, selon lui, certaines informations contenues dans l'étude précitée réalisée pour le Sénat.
a considéré que la mise en oeuvre de la LOLF rendrait de plus en plus nécessaire, pour le Parlement, de disposer d'informations fiables relatives aux administrations publiques. Il a estimé qu'en conséquence, il était souhaitable que le pouvoir exécutif se dote de structures destinées à garantir l'accès du Parlement à ces informations. Il a envisagé qu'une telle obligation soit prévue par la loi organique.
a jugé que le fait d'anticiper, lors de la discussion des projets de loi de finances initiale, l'adoption des dispositions relatives aux dotations, permettrait à la DGCL d'indiquer plus rapidement aux collectivités le montant de leurs attributions.
En réponse, M. Jean-Christophe Moraud a estimé que l'une des principales difficultés auxquelles la DGCL était confrontée à cet égard était l'obtention de certaines données, comme celles relatives aux logements sociaux, recensées par le ministère de l'équipement et son réseau des directions régionales auprès des organismes et opérateurs concernés.
s'est interrogé sur la fiabilité des informations relatives aux logements sociaux, et au nombre de personnes handicapées.
a indiqué que ces dernières données ne provenaient pas de la DGCL, mais du ministère des affaires sociales.
a demandé à M. Bruno Soulié, sous-directeur à la direction générale de la comptabilité publique, de confirmer que seul le premier des trois fichiers indiqués en réponse au questionnaire écrit, dénommé « agrégats et ratios définitifs », était détaillé par collectivité. M. Bruno Soulié a indiqué que tel était effectivement le cas. Il a estimé que si les données synthétiques, actuellement publiées, respectivement, en mars et en novembre-décembre de chaque année, pourraient être « rafraîchies » annuellement en juin-juillet à partir de l'année 2007, les délais nécessaires à la publication des « agrégats et ratios définitifs » étaient en revanche difficilement compressibles.
M. Jean Arthuis, président, a considéré que les dates limites fixées par le code général des collectivités territoriales en matière de vote des taux devaient être modifiées.
a jugé que les comptes de gestion étaient communiqués trop tard aux collectivités territoriales.
En réponse, M. Bruno Soulié a indiqué que si, chaque année, 90 % des « comptes de gestion sur chiffres », concernant la seule balance comptable des collectivités, étaient présentés aux collectivités à la date du 15 mars, l'intégralité de leurs comptes de gestion n'était transmise que plus tard.
a regretté que les budgets annexes ne soient pas systématiquement consolidés par la DGCP, en particulier dans le cas des EPCI.
a indiqué que ces consolidations s'effectuaient de manière « manuelle », ce qui obligeait la DGCP à ne présenter de comptes consolidés que pour les plus grandes collectivités, mais que la mise en oeuvre progressive de la nouvelle application informatique HELIOS, utilisée par la DGCP pour les collectivités territoriales, allait permettre d'opérer automatiquement les consolidations pour l'ensemble des collectivités.
Interrogeant enfin le représentant de l'Insee, M. Jean Arthuis, président, a indiqué qu'à la question qu'il avait posée lui demandant de « remplir (un) tableau », concernant chacun des « fichiers relatifs aux finances locales (fiscalité, dotations, charges...) », dont disposait l'Insee, celui-ci avait donné une réponse unique, selon laquelle « l'Insee ne produit pas de fichier relatif aux finances locales reprenant un détail par collectivité ». En réponse, M. Bernard Morel, sous-directeur à l'Insee, a indiqué avoir compris que cette question ne concernait pas les données utilisées pour le calcul des dotations et élaborées par l'Insee. Il a confirmé que l'Insee produisait, bien évidemment, de telles données, en particulier dans le cas de la population. Il a indiqué que l'Insee transmettrait sans problème à la commission les données qu'elle pourrait demander.
a demandé aux représentants de la DGI, de la DGCL et de la DGCP quelles informations relatives aux finances locales en provenance de l'Insee leurs directions respectives utilisaient. En réponse, MM. Jean-Christophe Moraud et Bruno Soulié ont indiqué ne recourir qu'à la population, alors que M. Bruno Parent déclarait ne pas utiliser de telles données. M. Jean Arthuis, président, a souligné que les dotations de chaque commune étaient déterminées en fonction de plusieurs centaines de critères. Il a jugé cette complexité excessive. M. Yves Fréville a estimé que, seuls, 5 ou 6 critères étaient vraiment utiles. Après que M. Jean-Christophe Moraud eut souligné que les critères utilisés étaient prévus par la loi, M. Jean Arthuis, président, a considéré que la législation en la matière pouvait vraisemblablement être simplifiée.
En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, M. Bernard Morel, sous-directeur à l'Insee, a indiqué que l'Insee ne publiait pas de données relatives au RMI, qui devaient être obtenues auprès du ministère des affaires sociales. MM. Bruno Parent et Jean-Christophe Moraud ont par ailleurs évalué le nombre de personnes effectuant des travaux de simulation dans le domaine des finances locales à six dans le cas de la DGI et douze dans celui de la DGCL, ces dernières correspondant aux effectifs du bureau des concours financiers de l'Etat. MM. Bruno Soulié et Bernard Morel ont respectivement indiqué que la DGCP et l'Insee n'effectuaient pas de telles simulations.
s'est interrogée sur la fiabilité des nouvelles modalités de recensement de la population. M. Bernard Morel a affirmé que celles-ci présentaient toute la fiabilité requise.
a jugé que les équations servant à calculer le montant des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales étaient souvent trop complexes. M. Jean-Christophe Moraud a approuvé ce point de vue, estimant néanmoins que le recours à des critères complexes pouvait être nécessaire pour bien prendre en compte les différences de situation. Il a souligné, en outre, que ces critères étaient souvent introduits à l'initiative du Parlement.
a remercié les personnes auditionnées. Il a estimé que la commission devait poursuivre ses réflexions sur la mise en place éventuelle, par le Sénat, d'une base de données et d'un outil de simulation relatifs aux finances locales.