La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 250 (2010-2011), présentée au nom de la commission des affaires européennes par M. Jean Bizet, sur la proposition de directive relative aux droits des consommateurs (E 4026).
J'ai demandé la parole, monsieur le président, en raison des dépêches de l'AFP d'hier sur la position de la commissaire Neelie Kroes, toujours affectée de son fameux « TOC », son trouble obsessionnel de la concurrence: Bruxelles menace la France de sanctions en cas d'introduction d'un commissaire de la République à l'Arcep. La position de compromis de M. Retailleau ne trouve pas non plus grâce à ses yeux, et les réflexions de son porte-parole sur la lettre de M. Eric Besson, restée sans réponse, sont tout à fait désagréables. Je demande que ces éléments nouveaux soient pris en compte dans la discussion en séance de l'article 13 du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.
Je m'inquiète du retard pris dans l'examen du projet de loi relatif à l'immigration, qui aura des effets sur celui de ce texte de transposition, dont nous devions aborder l'examen toute la journée de demain. Des dispositions ont-elles été prises ?
Il est difficile de prévoir avec exactitude le déroulement de la séance publique. Le texte reste inscrit à l'ordre du jour de demain. La déclaration de la Commission européenne, Daniel Raoul, a du moins le mérite de nous faire connaître clairement la position de Bruxelles.
Ce deuxième communiqué confirme que la position du gouvernement n'est pas eurocompatible, ni sur un plan juridique, ni sur un plan économique, et c'est bien pourquoi j'avais tenté de trouver un compromis. Or, je découvre que le gouvernement revient à la charge en déposant un amendement destiné à rétablir son texte initial. Je m'y opposerai avec des arguments juridiques et économiques. Nous verrons ce qu'il adviendra en séance.
En tant que président de la commission et européen convaincu, je soutiens la position de M. Bruno Retailleau. Nous ne pouvons déroger aux directives communautaires.
Je comprends mal, de fait, les motivations du gouvernement : pourquoi remettre en cause une règle bien établie concernant les autorités de régulation ? Peut-être a-t-il besoin, dans la ligne de l'épisode du CSA, d'exfiltrer encore un parlementaire ?...
EXAMEN DU RAPPORT
M. Bizet a déposé une proposition de résolution, adoptée par la commission des affaires européennes le 19 janvier dernier, sur la proposition de directive relative aux droits des consommateurs. Nous sommes saisis de l'examen au fond.
Alors que les traités fondateurs n'en faisaient pas mention, les intérêts des consommateurs ont été progressivement pris en compte par l'Union européenne, jusqu'à devenir, en 1993, l'un de ses objectifs, avec l'insertion d'un nouveau titre consacré à la politique de protection des consommateurs dans le traité de Rome. C'est ainsi que l'article 169 de l'actuel traité sur le fonctionnement de l'Union européenne fixe une exigence de protection élevée, à concilier avec l'objectif de l'article 114 - rapprocher les législations pour l'approfondissement du marché intérieur - ce que l'on a longtemps fait en retenant un principe d'harmonisation minimale, laissant les États membres libres de retenir des mesures plus protectrices.
C'est en rupture avec cette approche que la commission a adopté, le 8 octobre 2008, une proposition de directive tendant à « l'harmonisation maximale totale », dont l'examen reste en cours, puisqu'en vertu de la procédure de codécision, elle doit encore être adoptée en séance plénière par le Parlement européen. La proposition initiale interdisait aux États membres de maintenir des règles différentes de celles posées par ses cinquante articles, y compris quand elles étaient plus protectrices. Le postulat de départ sur lequel s'appuie la Commission européenne est clair : la multiplicité des législations, outre qu'elle est génératrice de coûts, constitue un obstacle à la pleine réalisation du marché intérieur et au développement des échanges commerciaux transfrontaliers. Pour y remédier, la proposition de directive initiale fixe ainsi des standards destinés à faire émerger un droit européen unique pour un certain nombre de dispositions comme les informations précontractuelles obligatoires, les modalités harmonisées pour les obligations d'information renforcées pour les contrats de vente à distance et les contrats hors établissement, les modalités d'exercice du droit de rétractation ou encore pour certaines clauses contractuelles, comme en matière de clauses abusives par exemple.
Un certain nombre de pays membres, dont la France, ont jugé ces dispositions difficilement acceptables en l'état. La France aurait vu par ce texte son droit de la consommation amputé de dispositions protectrices essentielles. J'ai pu moi-même constater, lors des auditions que j'avais alors menées, que la directive suscitait chez nous l'opposition de l'ensemble des acteurs. Le Sénat avait d'ailleurs adopté dans ce contexte le 29 juillet 2009, à l'initiative de M. Haenel, alors président de la commission des affaires européennes, une résolution demandant au gouvernement de s'opposer à toute mesure qui signerait un recul dans la protection du consommateur français.
Les termes du dossier ont évolué sous la présidence belge de l'Union. Mme Viviane Reding, vice-présidente et commissaire en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté a repris le dossier - initialement conduit par la commissaire en charge de la consommation, Mme Kuneva - a fait prévaloir une approche pragmatique qui a abouti, lors de la réunion du Coreper du 8 décembre 2010, à un compromis fondé sur un principe d'harmonisation maximale ciblée sur certaines dispositions du texte. Cette position, adoptée par le Conseil agriculture et pêche du 24 janvier dernier, n'a cependant pas été reprise telle quelle par la commission parlementaire du marché intérieur et de la protection des consommateurs, lors de sa réunion du 1er février.
Le texte du Conseil recentre le champ de la directive à la phase précontractuelle des contrats de vente à distance et contrats hors établissement. Les chapitres IV et V sont supprimés, à l'exception des articles 22 et 23 du chapitre IV, relatifs aux modalités de livraison et au transfert de risque. Trois clauses minimales ont été introduites, à l'initiative de la France et de l'Allemagne, pour permettre aux États membres de conserver ou d'introduire des dispositions plus protectrices dans trois domaines éminemment sensibles : l'interdiction des paiements pendant la période de rétractation, la confirmation écrite de toute offre commerciale faite par téléphone à l'initiative du professionnel, le renvoi aux règles nationales pour la sanction du retard de livraison lorsque la date est essentielle.
Au vu de cette position du Conseil, le sentiment de tous les acteurs que j'ai pu rencontrer - associations de consommateurs, représentants de la distribution ou du commerce électronique - a été le soulagement. Nous revenons de loin : je crois que nous sommes tous d'accord, quelle que soit notre appartenance politique pour dire que la proposition initiale n'était pas acceptable en l'état car préjudiciable au consommateur français. Au reste, si l'on peut comprendre le souci de la Commission de supprimer les obstacles au développement du commerce transfrontalier, il demeure que l'harmonisation maximale ne les lèvera pas tous, notamment ceux qui résultent des barrières linguistiques et de la réticence des consommateurs devant le paiement en ligne.
Si l'on peut considérer que la position de compromis du Conseil ne règle pas tout, il faut garder présent à l'esprit qu'elle est le fruit d'un long processus de négociation à vingt-sept. Face aux échéances, nous devons rester vigilants, d'autant que la position du Parlement européen n'est pas fixée : la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs a adopté à une faible majorité le rapport de M. Schwab qui, contrairement à la position du Conseil, maintient les chapitres IV et V, tout en laissant aux États membres une marge de manoeuvre dans l'harmonisation.
J'en viens désormais à la proposition de résolution qui nous occupe. Je souscris à l'ensemble des conclusions formulées par M. Bizet, qui demande au gouvernement de soutenir l'équilibre général de cet accord. Les modifications que je vous proposerai, de précision, visent à :
- faire clairement mention des conclusions du Conseil agriculture et pêche du 24 janvier 2011, d'orientation conforme au compromis adopté par le Coreper, dont l'équilibre, fondé sur l'harmonisation maximale ciblée et un champ d'application clairement circonscrit aux contrats de vente à distance et hors établissement, mérite d'être mis en avant, dans la mesure où il permet de concilier harmonisation du marché intérieur et protection des consommateurs ;
- préciser que les autorités françaises souhaitent s'en tenir au principe d'harmonisation ciblée, qui préserve les dispositifs protecteurs de notre droit interne ;
- mentionner, enfin, les avancées que comporte la directive, notamment en matière de délai de rétractation, qui passerait de sept à quatorze jours, et d'informations obligatoires du consommateur.
Je pense que le Parlement européen prendra en compte la position du Conseil agriculture et pêche, qui rappelle que l'on ne saurait envisager le consommateur sous le seul angle du marché intérieur. Nous connaissons tous la position de la Commission européenne sur le libre échange. J'avais déposé, lors de la discussion sur le Grenelle II, un amendement visant à imposer la norme du chargeur USB universel. On m'a objecté qu'il n'était pas possible d'imposer unilatéralement une norme. Le problème, c'est que la Commission ne tient pas compte de l'article 169 du traité, relatif aux droits des consommateurs, et c'est pourquoi j'ai déposé un amendement afin qu'il soit clairement visé dans la proposition de résolution.
Je sais, monsieur le président, ce que sont les difficultés du calendrier, mais n'aurait-il pas été judicieux d'attendre, avant de nous prononcer, de connaître la position du Parlement européen ? La position de la Commission est radicale : seul le marché est pris en compte. Ce qui nous est depuis proposé, c'est bien une harmonisation maximale, à l'exception de quelques îlots. Que reste-t-il du principe de subsidiarité ? Je ne suis donc guère optimiste.
Faire connaître notre position avant que le Parlement européen ne se soit prononcé n'est pas de mauvaise politique. Le principe de subsidiarité est d'application générale : il laisse latitude aux États membres de légiférer dans le respect des directives européennes.
Je souscris aux propos de Daniel Raoul. Les choix de la Commission sont fâcheux : ils ne respectent pas les principes posés, non seulement par l'article 169, mais par l'article 12, qui précise que les exigences de la protection des consommateurs sont prises en considération dans la définition et la mise en oeuvre, des autres politiques et actions de l'Union. Devant la levée de boucliers suscitée par le texte initial dans de nombreux États membres, un compromis a été mis sur pied - accepté par le Conseil agriculture et pêche, ce que l'on peut comprendre, chaque pays ayant le souci de trouver des débouchés à sa production - mais pas au détriment du consommateur. C'est pourquoi l'harmonisation a minima avait ses vertus : j'espère que le Parlement européen s'en souviendra à l'heure du vote.
Le bureau européen des unions de consommateurs redoute le pire : un nivellement par le bas. Il salue certes quelques aspects positifs de la directive, sur les contrats de vente à distance, le délai de rétractation de 14 jours, le renvoi à la charge du vendeur pour les produits de plus de 40 euros, mais s'inquiète en revanche du sujet sensible de la vente en porte à porte. Pouvez-vous nous apporter là-dessus un éclairage ?
Nous préférons tous l'harmonisation a minima, qui laisse ouverte la possibilité de conserver ou d'adopter des mesures plus protectrices. On peut aussi comprendre la position du Conseil, qui souhaite une harmonisation maximale pour garantir un socle minimal à chaque consommateur au sein de l'Union. De fait, le risque avec l'harmonisation minimale, c'est la disparité des législations, qui laisse le consommateur sans repères. En revanche, l'inconvénient de l'harmonisation maximale c'est qu'elle ne permet d'aller plus loin que par un accord à 27...
La Commission, quant à elle, veut un marché global sur l'ensemble des pays de l'Union, c'est pourquoi elle s'arcboute sur le marché transfrontalier. Mais à mon sens, il est d'autres barrières que réglementaires : la langue, et la réticence du consommateur sur les paiements à distance : on n'en craint pas l'usage quand c'est un fournisseur français, mais s'il s'agit de l'Estonie ou de la Pologne...
Nous revenons de loin, Odette Herviaux. Nous nous sommes tous battus pour refuser le projet initial, inacceptable pour la France comme pour l'Allemagne, qui ont su le faire évoluer en s'appuyant sur leurs parlements nationaux. Un compromis n'est jamais totalement satisfaisant, mais grâce aux trois dérogations qui ont été introduites, et qu'on saluées les associations de consommateurs, il est acceptable pour la France.
La question des ventes en porte à porte n'a pas été soulevée, Roland Courteau, lors des auditions.
Le bureau européen des unions de consommateurs estime que les résultats obtenus sont décevants, et qu'il est primordial que le Parlement européen fasse progresser encore le droit des consommateurs dans les contrats hors établissements commerciaux, en imposant, notamment, une information sur papier.
En toute logique, le porte à porte est concerné par l'interdiction de paiement en période de rétractation, de même que par la sanction en cas de retard de livraison à une date essentielle - les cadeaux de Noël, par exemple. Où peut être la spécificité ?
Le porte à porte étant intégré dans les délais de rétractation, le problème tient peut être à la troisième dérogation, qui exige un consentement écrit exprès pour les seules ventes par téléphone ?
Il faut tout de même que les ventes puissent se faire ! Si l'on doit obtenir confirmation écrite pour toutes les ventes au porte à porte ou dans les foires et salons, où va-t-on ? Les PME, et c'est là sans doute un point de désaccord avec les associations de consommateurs, estiment qu'avec les technologies modernes, il devrait y avoir moyen d'éviter la paperasserie. Il y a un équilibre à trouver : évitons de pénaliser les 98 % de PME vertueuses sous prétexte de faire la chasse aux 2 % qui ne le sont pas.
Voilà ce que c'est que le compromis : le bureau européen se prononce clairement contre ce texte, qu'il considère comme cavalier ; les PME réagissent contre le délai de rétractation de 14 jours - on sait d'ailleurs, Élisabeth Lamure ne me démentira pas, ce qu'il en est de leur capacité de réaction, qu'on a pu mesurer sur la loi de modernisation de l'économie. Bref, le compromis ne satisfait personne, et les consommateurs n'y gagnent pas : la norme maximale sera pour eux une régression.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Mon amendement de précision n° 2 devrait satisfaire Daniel Raoul. Il vise à faire directement mention, dans les visas de la résolution, aux articles 114 et 169 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).
Une remarque de forme : viser individuellement chaque article aurait plus de force.
J'accepte cette proposition rédactionnelle. Quant à l'amendement n° 1 de Daniel Raoul, il va dans le bon sens, mais sa seconde partie sera probablement satisfaite par mon amendement n° 8. Je vous propose ainsi, cher collègue, de rectifier votre amendement afin de ne conserver que votre première partie qui tend à ajouter le visa de l'article 169 du TFUE. Mon amendement n° 2 est par ailleurs modifié pour ne viser que l'article 114 du TFUE et venir ainsi compléter votre initiative.
Les amendements n° 2 rectifié et n° 1 rectifié sont adoptés.
L'amendement rédactionnel n° 3 est adopté, ainsi que l'amendement de coordination n° 4.
Mon amendement n° 5 vise à souligner que le recentrage de la proposition de directive sur les contrats de vente à distance et les contrats hors établissement, délimite le champ d'application du texte dans un souci de sécurité juridique, et d'harmonisation maximale ciblée ...
et en conciliant approfondissement du marché et protection du consommateur.
L'amendement n° 5 est adopté.
Mon amendement n° 6 précise que l'harmonisation maximale est bien une harmonisation ciblée.
L'amendement n° 6 est adopté.
Mon amendement n° 7 vise à souligner les avancées de la directive - délai de rétractation à 14 jours et information plus complète du consommateur.
Soit, mais n'est-ce pas aller un peu loin que de s'en « réjouir », sachant qu'il n'y a rien de réjouissant dans ce texte. Les « reconnaître » suffirait.
La rectification me va.
L'amendement n° 7 rectifié est adopté.
La Commission européenne a publié, le 1er juillet 2010, un Livre vert relatif aux actions envisageables en vue de la création d'un droit européen des contrats pour les consommateurs et les entreprises. Elle y fait notamment une série de propositions sur l'instrument le plus adéquat - harmonisation ou instrument alternatif optionnel. S'agit-il de mettre en place, au sein de l'Union, un vingt-huitième droit des consommateurs ? En tout état de cause, il faudra y être attentif, afin que la technique retenue ne se traduise pas par un recul de notre droit interne. D'où mon amendement n° 8, qui devrait satisfaire le n° 1 de Daniel Raoul.
Nous y serons « attentifs », fort bien. Mais qu'arrivera-t-il si recul il y a ? Ne serait-il pas opportun de retenir une expression plus forte, comme le fait Daniel Raoul, qui retient le verbe s'opposer ?
S'arc-bouter sur une opposition, c'est prendre le risque de se faire battre, et de se trouver isolé. Il faut une formulation qui rassemble.
Je comprends la réaction du rapporteur : il n'est pas bon de s'isoler dans la négociation. Je propose d'écrire « veillera » : c'est une position de compromis.
Nous sommes d'accord.
L'amendement n° 8 rectifié est adopté.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Les membres de mon groupe s'en tiendront, sur cette proposition de résolution, à une abstention positive : cette proposition va dans le bon sens, mais elle intervient à propos d'un compromis que nous n'approuvons pas. Nous ne souhaitons pas qu'un vote positif soit interprété comme une approbation de la proposition de directive visée.
La proposition de résolution européenne est adoptée dans la rédaction de la commission.
La commission qui, la semaine dernière, s'est prononcée sur la candidature de M. de Ladoucette par 7 voix pour et 4 abstentions, va maintenant entendre MM. Jean-Christophe Le Duigou et Frédéric Gonand, candidats aux fonctions de membres du collège de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Cette audition se situant dans le cadre de l'article 28 de la loi du février 2000, modifiée par la loi NOME du 7 décembre 2010, et non dans celui du cinquième alinéa l'article 13 de la Constitution, il s'agit de donner un simple avis.
Je propose aux deux candidats de se présenter avant de répondre à vos questions.
Ma carrière professionnelle a connu trois phases : dans la première, j'ai travaillé à l'administration centrale de la direction générale des impôts, où j'ai eu la responsabilité de l'élaboration de la première maquette du dossier fiscal informatisé, une innovation qui a abouti une dizaine d'années plus tard. Mon élection, en 1982, au secrétariat général de la fédération CGT des Finances (et des institutions financières semi publiques telles que la Caisse des Dépôts ou le Crédit national) a ouvert une deuxième phase. Je suis devenu membre de la direction de la confédération, où j'ai traité de la fiscalité et des finances publiques. A partir de 1992 enfin, j'ai intégré à plein temps la confédération où j'ai assumé la responsabilité du centre confédéral d'études économiques et sociales ; je me suis occupé presque jusqu'au bout des retraites et j'assume différents mandats dans la confédération européenne des syndicats et notamment dans la seule instance de dialogue macroéconomique entre les syndicats, le patronat, le Conseil, la Commission et la Banque centrale européenne. J'ai siégé, durant cette période, au Conseil économique et social ainsi qu'au bureau du Conseil national de l'information économique, à la Commission des comptes de la nation ; j'ai participé à la création de l'Agence pour l'innovation industrielle, dont je suis vice-président du comité de surveillance. J'ai publié sept à huit ouvrages et participé à des volumes collectifs.
J'ai été nommé à la CRE en avril 2008 et j'y ai siégé pendant deux ans et demi. Le double statut des membres permanents et non permanents associait des expériences diverses, mais ne favorisait guère un travail approfondi pour les membres non permanents, dont j'étais, et qui manquaient de temps pour se saisir de sujets très techniques.
Le défi est de trouver un chemin viable entre les intérêts du consommateur final, le bon fonctionnement de la filière énergétique, le renouvellement des investissements et l'intégration des projets nouveaux. La concurrence est un moyen, pas une fin en soi.
La question du prix de l'énergie, intimement liée à la qualité de l'investissement, suscite toute mon attention. Le souci d'une électricité au meilleur prix avait conduit le législateur à instaurer le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (Tartam). La loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie a confié à la CRE la surveillance des marchés de gros de l'électricité et du gaz. Je partage cette préoccupation, qui inclut le développement du parc de production, y compris dans sa composante nucléaire.
Le prix du gaz est affecté par la décorrélation des prix de marché et des contrats à long terme, ce qui a conduit la CRE à inclure 9 % du prix de marché dans les tarifs, afin de mieux refléter les coûts d'approvisionnement de GDF-Suez. Ce n'est certes pas parfait - nous devons rester vigilants.
Les tempêtes ont mis au premier plan la question de la sécurité et de la qualité des réseaux. Le rapport de la CRE sur ce sujet est équilibré mais sans concession.
Je ne conteste pas la norme d'indépendance des gestionnaires de réseaux de transport vis-à-vis des maisons-mères. La Commission avait prôné une organisation patrimoniale ; la France a défendu avec l'Allemagne le modèle ITO, et la CRE aura à la mettre en oeuvre et à certifier.
Selon le nouveau paquet climat et le Grenelle de l'environnement, la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité devra atteindre 20 % en 2020 : cela passe par le photovoltaïque, l'éolien et l'off-shore ; cela renvoie au débat sur le coût de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) et le moyen le plus efficace de développer une filière cohérente.
Du passé récent découlent les grands sujets à traiter. Après la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité et la troisième directive, la mission de la CRE est de concourir au bon fonctionnement des marchés, mais la loi intègre l'intérêt collectif et des objectifs de service public. D'où un triple objectif de sécurité des systèmes et de l'approvisionnement, d'amélioration de la qualité dans l'offre pour tous et partout ainsi que de fourniture de gaz et d'électricité à l'utilisateur final au meilleur prix.
Cette audition fait suite à l'annonce, le 25 janvier, par un communiqué, que la présidence de la République envisageait de nommer M. Jean-Christophe Le Duigou et moi-même au sein du collège des commissaires de la CRE. J'ai donc l'honneur de me présenter devant vous pour l'audition prévue par l'article 28 de la loi du 10 février 2000. Je me plierai avec d'autant plus de plaisir à l'usage qui veut que l'on commence par se présenter, que vous me connaissez peut-être moins bien que les quatre autres personnes pressenties pour ce collège.
Voilà quatre années que je travaille aux côtés de Mme Christine Lagarde en qualité de conseiller économique. Au sein de son cabinet, j'ai travaillé de façon transversale sur la plupart des sujets importants pour la politique macroéconomique et la trajectoire des finances publiques - la crise économique sans précédent et le besoin d'un retour à l'équilibre des finances publiques ont alimenté une actualité chargée. Ma culture professionnelle est donc (mais pas uniquement) celle d'un collaborateur ministériel issu des administrations de l'État et des organisations internationales - j'ai travaillé plusieurs années à l'OCDE. Cette culture peut être utile à la CRE dont les nouvelles attributions ménagent une certaine place à la coordination avec les administrations d'État : certaines décisions resteront pendant quelques années encore prises par les ministres en charge de l'économie et de l'énergie sur l'avis public de la CRE ; c'est le cas de la fixation du tarif de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (Arenh). Connaître les administrations est utile pour un commissaire sans être incompatible avec la nécessaire indépendance de la CRE. Comme l'a souligné le président Philippe de Ladoucette, des échanges plus fluides avec les administrations auraient peut-être amélioré les conditions de développement de certaines filières énergétiques soutenues par les pouvoirs publics.
Mon parcours est un peu atypique dans la mesure où j'ai parallèlement mené une activité de recherche en sciences économiques : un doctorat, une quinzaine d'articles scientifiques dans les années 2000 et deux ouvrages, dont un de vulgarisation. Ce double profil me paraît utile parce que l'activité de la CRE porte sur des domaines économiques techniques aux implications directes pour la vie quotidienne des Français.
Je voudrais maintenant évoquer trois éléments structurants pour l'évolution des marchés de l'électricité et du gaz et la problématique des prix, d'une particulière acuité. Premièrement, dans un contexte mondial qui pousse les prix de l'énergie à la hausse, il est utile de renforcer la concurrence sur certains segments des marchés de l'énergie. J'en veux pour preuve l'envolée des prix du pétrole, passés de 9 dollars le baril en 1999 à 102 dollars aujourd'hui. Cela reflète une tension probablement durable entre l'offre et la demande de ce qui reste, avec 33 %, la première source d'énergie primaire utilisée en France.
Le choc macroéconomique mondial et la tendance à la hausse du prix du pétrole ont profondément influencé les marchés du gaz car les grands contrats d'importation européens sont étroitement liés au prix du pétrole. Le gaz est passé de 17 euros par MWh en 2009 à 25 euros fin 2010. Les prix payés par les consommateurs ont augmenté de façon plus contenue (+ 6 % en 2010). Mais la tendance reste à la hausse et il est trop tôt pour savoir si l'exploitation de gisements non conventionnels aux Etats-Unis aura un effet sensible et durable sur le prix du gaz en France.
La hausse du prix du pétrole a bouleversé le marché de l'électricité depuis dix ans. Le prix du marché pour l'électricité de base était de 42,8 euros par KWh au troisième trimestre 2010 (+ 14,6 % sur un an) et les contrats futures à un an à 54,4 euros par KWh. Les prix de l'électricité pour le consommateur ont augmenté de 2,4 % en moyenne.
L'écart entre le prix de gros et le coût moyen de production de l'opérateur historique étant de l'ordre de 20 euros par KWh, aucun fournisseur n'a pu se développer de manière significative, d'où une absence de concurrence soulignée par la Commission européenne. Si je rejoins les propos de Jean-Christophe Le Duigou sur la concurrence comme moyen et non comme fin, reste qu'elle constitue un pari positif et souhaitable sur le segment de la fourniture d'électricité. La loi NOME devrait conduire d'ici 2015 à mettre les producteurs alternatifs dans des conditions de coût comparables à celles d'EDF, en achetant de l'électricité au prix de production du parc nucléaire existant. Elle impose aux fournisseurs alternatifs une obligation de capacité de production et d'effacement en période de pointe. A travers un équilibre « donnant-donnant », elle partage le fardeau d'EDF qui était jusqu'ici le fournisseur d'électricité de dernier ressort.
Après l'intérêt, dans un contexte de prix hauts, de renforcer la concurrence là où cela est possible, je voudrais évoquer l'influence sur les prix de la lutte contre le réchauffement climatique et contre les émissions de gaz à effet de serre. La production d'électricité représente 40 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Or l'une des conséquences du Grenelle de l'environnement est l'application du principe pollueur payeur. Le législateur a fait du développement des énergies renouvelables un objectif prioritaire. L'objectif de 25 000 MW en 2020 pour les énergies éolienne et marine représente l'équivalent d'une quinzaine de tranches nucléaires, soit le quart du parc actuel.
Le soutien aux filières de production électrique plus respectueuses de l'environnement est susceptible de modifier les prix. Le coût associé au rachat obligatoire d'électricité produite par les services d'énergie renouvelables a contribué à relever la CSPE de 4,5 à 7,5 euros par MWh au début de l'année ; la CSPE représente 4 % du prix de détail, soit un effet tarifaire de 3 %.
Nous assisterons d'ici à 2013 au basculement vers les quotas d'émission de CO2 de phase III, qui seront vendus aux enchères. Le relèvement subséquent du prix pourra influer sur les coûts de production. La CRE développera une action de surveillance en collaboration avec l'autorité des marchés financiers (AMF).
Les prix de l'énergie devront continuer à refléter l'évolution de la rémunération et de l'amortissement des actifs de production, de transport et de distribution. C'est au coeur de la construction des tarifs règlementés de vente comme de la tarification de l'Arenh, qu'examine la commission Champsaur, avec la question de la valorisation du parc nucléaire, soit au coût historique, soit au coût courant, ce qui n'est pas neutre pour l'évolution des tarifs.
La CRE, enfin, va devoir naviguer par gros temps. La loi NOME lui confie de nombreuses attributions nouvelles. Je n'oublie pas qu'elle est là pour appliquer et non pour définir une politique - je ne confondrai pas l'un et l'autre. Je n'oublie pas non plus que l'application de la loi se fait sous le sceau de la collégialité entre les commissaires et le président ; j'y veillerai scrupuleusement. Je garderai aussi à l'esprit que l'application de la nouvelle organisation du marché de l'électricité demandera beaucoup de pédagogie. Je n'ignore ni les craintes qui lui sont associées, ni les incertitudes du contexte international.
Ma première remarque s'adresse à M. Jean-Christophe Le Duigou. La concurrence est un moyen et non une fin, avez-vous dit. C'est essentiel car, pour nous, la concurrence n'est pas souhaitable dans le secteur de l'énergie. Mais, puisqu'une loi a été récemment adoptée, que pensez-vous tous deux des nouvelles attributions de la CRE ?
Les liens de M. Frédéric Gonand avec l'administration ne sont-ils pas de nature à porter atteinte à l'indépendance de la CRE ? Et, puisqu'il a évoqué la CSPE, je rappelle que la part des énergies nouvelles n'y a jamais dépassé celles de la cogénération gaz et de la péréquation. Or l'on invoque trop souvent les énergies renouvelables pour justifier l'augmentation de cette contribution.
J'ai déjà donné mon sentiment sur le premier point. La CRE exerce ses missions dans le cadre de la loi. Aucune autorité administrative indépendante n'a vocation à mettre celle-ci en cause. Je l'ai dit aux députés, la question de l'énergie reste politique parce qu'elle recouvre des enjeux stratégiques, elle touche aussi à ce que l'on appelle aujourd'hui la cohésion sociale et fait l'objet de choix différents en France et en Allemagne.
Les attributions de la CRE sont clairement renforcées. Cela conduit à rediscuter des principes fixés aux autorités administratives indépendantes. Pour reprendre une distinction connue, il y a la hard law, la décision, et puis la soft law, c'est-à-dire l'arbitrage et la discussion avec les acteurs du secteur. Ne confondons pas ces deux aspects, surtout pour une autorité administrative qui ne s'inscrit pas dans la tradition du droit public français.
Oui, la CSPE additionne plusieurs postes, dont celui, très important, de la cogénération.
J'ai un profil de technicien et d'économiste. Mes publications montrent une indépendance du chercheur. Dès que je serai nommé à la CRE, je démissionnerai du cabinet de Mme Lagarde.
L'expertise de l'économiste sera un atout dans l'appréciation des dossiers.
Comme l'a relevé Roland Courteau, la concurrence n'est pas une fin mais un moyen - je ne partage pas l'obsession de Mme Nelly Kroes pour la concurrence... Il convient de distinguer l'électricité et le gaz. Compte tenu de la spécificité de notre parc nucléaire, nous ne comprenons pas la création artificielle d'une concurrence - nous l'avons réaffirmé dans les débats de la loi NOME. Sans revenir sur la spoliation des usagers, qui ont payé pour ce parc, votre raisonnement sur la concurrence et les producteurs alternatifs ne nous va pas très bien.
Parmi les nouvelles missions de la CRE, il y aura les tarifs règlementés - un transfert que nous dénonçons. L'électricité n'est pas stockable et constitue un bien de première nécessité ; elle ne doit pas relever d'une autorité administrative indépendante.
La présentation des deux concurrents a fait ressortir la différence de leur profil. Il me semble de bonne stratégie que le collège soit riche de ses diversités. J'aurais pour ma part souhaité que vous parliez davantage de déontologie et d'intérêt général. Nous traitons en effet d'une fourniture stratégique ; notre pays ne doit pas être pieds et poings pliés et il est essentiel de défendre à tous les niveaux l'idée que l'État ne peut abandonner le sujet.
Un peu de dialogue pour fluidifier les relations ? Certes, mais on a manqué de crédibilité sur le photovoltaïque. Enfin, si l'on s'est trompé, c'est bien sur le marché de CO2. Son évolution m'effraie : les malversations et les traces de la mafia que l'on y découvre signent l'échec du marché comme outil de transformation politique. Raison de plus pour parler de déontologie et d'intérêt général.
Je n'ai connu la CRE que pendant deux années et demie, mais je sais que ses membres ont le souci de combattre ces dérives et le président s'est exprimé sur le sujet. Puisqu'il y a débat sur la présence d'un commissaire du gouvernement au sein d'une autre autorité de régulation, j'avouerai que j'aurais préféré que celui qui participe à notre collège soit plus présent, car un dialogue approfondi avec la puissance publique est nécessaire et bénéfique.
Comment concilier la concurrence et l'intérêt général ? J'ai été trop allusif sur les caractéristiques du marché de l'énergie, le caractère stratégique de celle-ci, perceptible aux choix différents de l'Allemagne et de la France, ce qui, d'ailleurs, ne facilite pas une politique européenne cohérente. C'est aussi le besoin d'investissement à long terme et l'exigence de cohésion sociale, dont les tarifs expriment le souci.
Je suis d'accord avec vous, madame, pour ne pas tout laisser au marché. Beaucoup, d'ailleurs, ne lui est pas laissé : le transport, la distribution, qui sont des monopoles naturels. Sur les autres segments, l'opérateur historique représente jusqu'à 95 % de l'ensemble du marché : reconnaissons que la place de la concurrence n'est pas considérable. C'est une question de pragmatisme. Alors que les prix de l'énergie restent élevés, pourquoi ne pas se servir de ce levier ? Je vous suis sur la question du marché des émissions de CO2, qui a besoin de régulation. Le rapport Prada en parle de bonne manière. Les dysfonctionnements récurrents posent problème. Ils relèvent de la responsabilité des régulateurs. Ce sera, pour la CRE, un chantier fondamental.
Avant de procéder au vote, je rappelle que nous ne sommes pas dans le cadre de l'article 13 de la Constitution.
Je vous concède que les procurations sont licites, mais l'usage en matière d'auditions est que seuls les présents votent : comment se prononcer sans avoir entendu les candidats ?
Il est procédé successivement à deux votes à bulletin secret.
Voici les résultats des scrutins.
Pour la candidature de M. Jean-Christophe Le Duigou : 22 voix pour, 3 bulletins blancs ;
Pour celle de M. Frédéric Gonand : 18 voix pour, 1 contre, 7 bulletins blancs.