La commission auditionne M. Alain Juppé, ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, et M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, sur la situation en Côte d'Ivoire et en Libye.
Je vous remercie, Messieurs les ministres, de venir commenter pour nous les évènements graves qui se déroulent actuellement. La situation évolue d'heure en heure sur deux théâtres d'opération, la Libye et la Côte d'Ivoire. Je veux exprimer notre solidarité à l'égard de nos compatriotes de Côte d'Ivoire qui vivent des moments d'angoisse. Nous espérons que leur sécurité sera assurée et je rends hommage aux soldats français qui remplissent leurs missions périlleuses avec compétence et courage.
Je m'associe à l'hommage rendu au sang-froid de nos compatriotes qui vivent en Côte d'Ivoire, à Abidjan surtout, ainsi qu'au professionnalisme de nos soldats sur tous les fronts. Il y a quarante-huit heures, dés que le président de la République, à la demande du secrétaire général de l'ONU, a décidé que Licorne apporterait son soutien à l'ONUCI, le gouvernement s'est mis à disposition du Parlement pour l'informer de la situation. M. le Premier Ministre a écrit aux présidents des assemblées pour leur préciser que les ministres compétents étaient à disposition de vos commissions.
En Côte d'Ivoire, la crise a été ouverte par les élections du 28 novembre dernier, intervenues avec des années de retard. A ce sujet, je voudrais, ayant entendu un journaliste de l'émission télévisée « C dans l'air » louer Laurent Gbagbo d'avoir organisé ces élections, rappeler que l'ancien président ivoirien est demeuré dix ans au pouvoir sans élections ; on le pressait, depuis cinq ans d'en organiser...
La victoire de M. Alassane Ouattara a été reconnue par les Nations Unies et par l'ensemble de la communauté internationale. Mais Laurent Gbagbo s'accroche au pouvoir et n'a pas hésité à risquer la guerre civile : à Abidjan où il lancé ses milices contre la population, dans le reste du pays où de violents affrontements ont lieu. Il a également commis un hold up sur la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest à Abidjan et sur les succursales des banques. Ces violations sont de la responsabilité de Laurent Gbagbo. Elles n'ont cessé de se multiplier au fil du temps : je songe aux crimes des « escadrons de la morts», aux 120 opposants abattus par les forces de l'ordre le 2 mars 2004 lors d'une manifestation demandant l'application des accords de Marcoussis, à la disparition de Guy-André Kieffer, dont le corps n'a jamais été retrouvé, au bombardement du camp de Bouaké, qui a coûté la vie à 9 de nos soldats, à celui du marché d'Abobo, où Laurent Gbagbo a fait tirer sur des femmes désarmées. A cela s'ajoutent les attaques contre les communautés étrangères, les nombreuses exactions commises contre des Français et les communautés ouest-africaines, les menaces contre les diplomates occidentaux - la semaine dernière un véhicule de notre ambassadeur a été mitraillé, la « résidence des palmes » attaquée ; cette nuit même, nous sommes intervenus pour assurer la sécurité des diplomates japonais et Israël a souhaité que les éléments de Licorne exfiltrent ses diplomates.
Face à ces violations et ces crimes, les Nations Unies et la communauté internationale ont appelé M. Gbagbo, dés le mois de décembre, à quitter le pouvoir pacifiquement. Cela fait déjà quatre mois ! Quand on entend demander aujourd'hui que nous laissions du temps à la médiation, mais nous l'avons donné, à de multiples médiations ! Je vous rappelle la décision du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine le 10 mars dernier, le sommet extraordinaire des chefs d'Etat de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) le 24 mars.
Les Nations unies et la communauté internationale se sont également mobilisées pour mettre en oeuvre une politique de sanctions, afin de priver Laurent Gbagbo et ses proches de leurs moyens de nuisance. Fin janvier, le président Ouattara a appelé à un gel des exportations de cacao. L'Union européenne a adopté des sanctions individuelles contre ceux qui s'opposaient à l'installation de M. Ouattara au pouvoir et des sanctions contre les entités économiques participant au financement du camp Gbagbo. Les Etats-Unis et le Canada ont adopté des sanctions individuelles, l'Afrique du Sud vient d'annoncer la même intention. Enfin, les Nations Unies et la communauté internationale ont entendu protéger les civils et faire respecter l'embargo sur les armes. C'est le mandat très clair confié à la force des Nations unies en Côte d'Ivoire (ONUCI) et renouvelé fin décembre par la résolution 1962. Les effectifs de l'ONUCI ont été renforcés et sont désormais de 10.500 hommes. Les résolutions successives ont été votées à l'unanimité. Dès janvier, l'ONUCI avait le mandat et les moyens de protéger les populations.
Mais l'usage de la force par le camp Gbagbo était tel que la communauté internationale a dû préciser et renforcer ce mandat. La résolution 1975 du 30 mars - présentée par la France et par le Nigeria, lequel assure la présidence de la CEDEAO - donne mandat à l'ONUCI de neutraliser les armes lourdes utilisées contre les civils. Cette résolution a elle aussi été adoptée à l'unanimité.
Il y a une semaine, les Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), alliées à. Alassane Ouattara, ont lancé une offensive-éclair contre les partisans de l'ancien président, qui résistent pourtant sur quelques positions : palais présidentiel, résidence présidentielle, camps militaires d'Agban et d'Akouédo et Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI). La situation était gelée, marquée par l'usage d'armes lourdes et par la multiplication des pillages. Les FRCI sont passées à l'action. Le 3 avril, le Secrétaire général des Nations unies a adressé un courrier au président de la République indiquant que, conformément à la résolution 1975, il était « urgent de lancer les opérations militaires nécessaires pour mettre hors d'état de nuire les armes lourdes (...) utilisées contre les populations civiles et les casques bleus », demandant que « la force Licorne, mandatée par le Conseil de sécurité pour appuyer l'ONUCI » soit « de façon urgente» autorisée « à exécuter ces opérations conjointement avec l'ONUCI ». Le président de la République lui a donné son accord.
Nous avons fait le choix de regrouper nos ressortissants qui en faisaient la demande sur plusieurs points : l'aéroport, que nous avons sécurisé, le camp de Port-Bouët, à l'extrême-sud d'Abidjan, l'hôtel Wafou au sud et l'ambassade au nord. A Paris, dès samedi, une cellule de réponse téléphonique a été ouverte et nous avons envoyé deux agents au camp Port-Bouët. Une seconde équipe de renfort consulaire de 13 agents a rejoint le camp mardi. Plusieurs centaines de Français et d'étrangers, en particulier des Libanais, ont ainsi pu être menés à Lomé et Dakar. Plusieurs Etats ont sollicité l'aide de la France pour faciliter l'évacuation de leurs ressortissants.
A Abidjan, l'ex-président et ses proches sont réfugiés dans les sous-sols de la résidence présidentielle. Le chef d'état major des forces de Laurent Gbagbo, le général Mangou, a annoncé un cessez-le-feu. Une négociation de la dernière chance a été tentée pendant tout l'après-midi de mardi. Je veux vous donner à ce sujet quelques précisions. Qui négociait ? Pas la France. C'est le président Ouattara qui a posé ses conditions au nom du peuple ivoirien et M. Choi, représentant du secrétaire général des Nations unies, a mené les discussions. Laurent Gbagbo a affirmé qu'il « rejetait les demandes faites par Paris » mais la France n'intervenait que dans un rôle de facilitation. Notre ambassadeur à Abidjan, Jean-Marc Simon, dont je salue le courage, était en contact permanent avec M. Choi. Quel était l'objet de la négociation ? Pour le président Ouattara, la reconnaissance publique de son autorité, autrement dit sa reddition, par M. Gbagbo est un préalable non négociable. Nous partageons cette position, comme toute la communauté internationale. Défait par les urnes, coupé de son peuple par les atrocités qu'il a commises, abandonné par la plupart de ses soutiens, M. Gbagbo est totalement isolé. Il s'est « bunkerisé ». Seules les modalités de sa reddition peuvent faire l'objet d'une discussion. J'ai demandé à M. Ban Ki-Moon de faire prendre toutes mesures pour préserver l'intégrité physique de M. Laurent Gbagbo, de son épouse, de ses enfants. La négociation a échoué.
Les combats ont repris, y compris à l'arme lourde. Hier soir, des miliciens pro-Gbagbo ont investi la résidence de l'ambassadeur du Japon et installé des armes lourdes sur les toits. Sur requête des autorités japonaises, et en plein accord avec le président Ouattara, le Secrétaire général des Nations unies a demandé à la France de protéger les vies humaines et d'évacuer le personnel diplomatique. Au même moment, la résidence de notre ambassadeur faisait l'objet d'attaques répétées. La force Licorne a exfiltré l'ambassadeur japonais et ses collaborateurs, dont l'un était blessé. Tous sont en sécurité au camp de Port-Bouët. Cette intervention répond parfaitement aux attentes formulées par l'Union africaine dans son communiqué du 5 avril. Un redéploiement de l'ONUCI dans le quartier diplomatique est prévu ce matin, pour répondre aux appels à l'aide de plusieurs ambassades, notamment indienne et israélienne.
Le recours à la force est imputable à l'obstination de Laurent Gbagbo et, après quatre mois de médiations sans succès, le président Ouattara a été bien patient. La chute de Laurent Gbagbo est inéluctable. Après, il nous faudra appuyer la politique de pardon, de réconciliation nationale et d'ouverture politique. Le président Ouattara fera bientôt des déclarations à ce sujet. Nous sommes déjà au travail avec lui pour examiner les voies de notre aide politique et économique.
J'en viens à la situation en Libye. La guerre qui y est menée est d'abord celle d'un dictateur contre son propre peuple. Je veux redire, alors que certains s'interrogent, que si la résolution 1973 n'avait pas été adoptée par l'ONU, in extremis, Bengazhi aurait connu un bain de sang. Face aux violences et aux menaces, la communauté internationale a décidé d'intervenir, avec un seul objectif : protéger les civils. Ce fut le but de l'opération lancée le 19 mars. Le mandat de l'ONU est clair. La France ne fait pas la guerre, contrairement à ce qu'on répète, elle participe à une opération internationale pour protéger la population libyenne.
Le colonel Kadhafi a perdu toute légitimité et son camp enregistre chaque jour de nouvelles défections, mais l'affrontement se poursuit sur le terrain sans qu'une partie l'emporte sur l'autre. Il est plus nécessaire que jamais de rechercher une solution politique. Le Royaume-Uni et la France ont organisé la conférence de Londres, le 29 mars dernier. Elle a été un succès. Plus de 30 pays y ont participé, ainsi que plusieurs grandes organisations comme l'ONU et la Ligue arabe. Un groupe de contact été créé à cette occasion, il assure la gouvernance politique de·l'intervention militaire et la mise en oeuvre des résolutions 1970 et 1973. Aujourd'hui, le monde arabe est hostile à Kadhafi, qui méprise son peuple en s'accrochant au pouvoir. Il convient de renforcer le Conseil national de transition (CNT), qui n'est contesté par personne dans les zones sous contrôle des révolutionnaires. Son président, Mustafa Abdeljalil, ancien ministre de la justice, est très respecté. Benghazi n'a pas sombré dans le chaos une fois les kadhafistes chassés de la ville... Le CNT a rédigé une Charte qui affirme la nécessité de respecter les droits de l'homme et les libertés publiques.
J'ai rencontré à plusieurs reprises ses représentants, qui confirment cet engagement. Je bataille pour que le Conseil des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne entende son représentant lundi prochain, car il y a encore quelques résistances. Mes homologues américain, britannique et allemand, qui ont rencontré les membres du CNT, en ont tiré des conclusions positives. J'ai donc proposé que M. Mahmoud Jibril, le Premier ministre du CNT, vienne à Luxembourg présenter ses idées devant les 27 ministres des affaires étrangères. Un règlement durable passe par un processus politique, un dialogue entre tous les représentants de la société civile libyenne qui adhèrent aux grands principes posés dans la résolution 1973. Nous sommes prêts à accompagner la Libye. J'espère entraîner l'Union africaine dans cette entreprise et obtenir sa présence au Qatar la semaine prochaine, lors de la réunion du groupe de contact à Doha, le 13 avril.
Il faut amorcer un règlement politique et un dialogue. Les choses paraissent aujourd'hui désordonnées. Des transfuges arrivent de Tripoli en Grèce, en Turquie, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en France. Un peu de cohérence sera bienvenue. Nous y travaillons avec le représentant de l'ONU en Libye, M. al-Khatib. Le groupe de contact a aussi cette vocation.
Ces deux théâtres sont d'abord politiques et diplomatiques. La France mène des actions militaires en application de décisions des autorités internationales et d'abord de l'ONU.
Les effectifs militaires en Côte d'Ivoire demeurent modestes même si une déstabilisation prolongée aurait des conséquences humanitaires terrifiantes. Après quatre mois de médiation infructueuse, les forces pro-Ouattara sont parvenues récemment de la ligne de confrontation à Abidjan. Elles ont conquis sans difficulté les villes réputées sous l'autorité du camp Gbagbo. Mais arrivées devant la capitale, elles ont rencontré des difficultés : allongement des lignes de communication, fatigue, regroupement des fidèles de l'ancien président sur un très petit nombre de positions - deux camps militaire, la présidence de la République, la résidence personnelle, les studios de la RTI, une base navale et une école de gendarmerie. Ce statu quo militaire est très dangereux pour la population. Les forces de Gbagbo n'ont pas hésité à utiliser des armes lourdes, mortiers de 81 en particulier, pour bombarder à l'aveuglette des quartiers dépourvus d'objectifs militaires. Abidjan comptait 5 millions d'habitants, il en reste 4. Le camp Gbagbo a mené une stratégie de neutralisation de la population par la terreur au moyen d'armes lourdes.
Dimanche dernier, alors que la tension atteignait son comble, la France a renforcé les troupes du dispositif Licorne, passé en trois jours de 980 à 1.700 hommes. Les relèves n'ont pas été effectuées, les troupes nouvelles venant s'ajouter à celles maintenues sur place. Des unités sont venues du Tchad et de Libreville, pour organiser les points de ralliement ouverts à nos ressortissants, un au nord des deux ponts, à l'ambassade, l'autre à l'hôtel Wafou. La base de Port-Bouët et l'aéroport sont au sud, la zone de combat au nord. Les expatriés français et les franco-ivoiriens avaient l'impression que les choses allaient s'arranger : 12.000 Français sont recensés sur place, mais seulement 1.200 personnes ont été accueillies à Port-Bouët, dont la moitié appartiennent à d'autres communautés, notamment libanaise. Peu souhaitaient partir en avion militaire vers Dakar ou Lomé, où ils seraient pris en charge par les services extérieurs des Affaires étrangères.
Une opération militaire a eu lieu le 4 avril en fin de journée et cette nuit, à la demande expresse de l'ONU, dont le secrétaire général et le représentant local ont estimé que les forces de l'ONUCI avaient besoin de l'appui de la force Licorne. Deux hélicoptères MI 24 de l'ONUCI à équipages ukrainiens ont détruit des blindés et des mortiers de 81 ; une heure après, quatre de nos hélicoptères Gazelle, deux antichars et deux d'appui-protection armés de canons de 20 leur ont prêté main-forte, ainsi qu'un hélicoptère Puma, issus du 1er régiment d'hélicoptères de combat de Phalsbourg. Au total, trois véhicules lance-roquettes ont été détruits, de ceux qui arrosent la population à longue distance, quatre blindés, deux blindés légers, 20 pick-ups porteurs de mortiers, quatre canons anti-aériens et des stocks de munitions. L'antenne de la RTI a été détruite à cette occasion, ce qui a mis fin aux appels à la haine et à l'agression des étrangers diffusés par cette station.
Lundi, la situation s'est paralysée dans un très petit quadrilatère autour de la résidence personnelle de Laurent Gbagbo ; les militaires qui soutenaient l'ancien président et leurs familles ont évacué les camps militaires de cette zone pour se fondre dans la population. L'ONUCI dispose à Abidjan de 2.250 hommes, sur 10.000 répartis dans le pays, la France en a 1.700, les groupes de combat du président Ouattara 2.000. En face, Gbagbo aurait un petit millier d'hommes dont 200 dans sa résidence personnelle. Celle-ci étant située dans le quartier des ambassades, chaque bâtiment autour devient un enjeu tactique, en raison des positions de tir à conquérir...
A la demande du gouvernement japonais relayée par l'ONUCI, nos forces ont hier à 23 heures, heure de Paris, exfiltré par hélicoptère l'ambassadeur du Japon et sept de ses collaborateurs. Il a fallu éliminer deux blindés sur le site et deux pick-ups armés qui tentaient de pénétrer dans la résidence de France en tirant.
La situation est particulièrement difficile. Les deux ponts sont contrôlés par l'ONUCI, en particulier des soldats jordaniens suffisamment aguerris pour les tenir et ainsi protéger les quartiers sud, qui ne comptent pas de combattants. Mais au nord, la situation ne permet plus l'extraction terrestre des personnes, sauf à engager des combats, ce que nous ne voulons pas. Beaucoup de familles sont isolées à Yopougon, au Plateau. Heureusement les communications téléphoniques fonctionnent. Mais il est devenu très compliqué d'aller chercher nos compatriotes. Or ceux qui hier ne voulaient pas partir souhaitent aujourd'hui rallier Port-Bouët.
En Libye, la situation ne peut se comprendre que si l'on prend en considération l'étendue du territoire : Tripoli et Benghazi sont distants de 800 kilomètres, les lignes logistiques sont interminables, les populations éparpillées ; et à aucun moment Kadhafi n'a dégarni Tripoli, si bien que les forces lancées contre les insurgés comptent rarement plus d'un régiment. Mais il faut mobiliser des moyens importants pour maintenir face à ces attaques des zones de liberté autour du port de Misrata ou à Zintan, situé dans un désert montagneux.
On observe des basculements spectaculaires successifs, à Ras Lanouf, à Ajdabiya : les forces de Kadhafi ont compris que les attaques frontales avec des moyens lourds étaient désormais impossibles, mais elles procèdent avec des moyens légers rapides à des mouvements de déstabilisation de l'adversaire. L'action de la coalition est gérée aujourd'hui par le commandement de l'Otan. La participation des Etats-Unis est déclinante mais continue, ils sont présents même si ces trois derniers jours c'est la France qui a mené l'essentiel des actions aériennes d'attaque au sol, qui sont la meilleure sécurité pour les insurgés en neutralisant les convois logistiques qui soutiennent les unités de Kadhafi.
Elément nouveau, les insurgés s'organisent, le CNT semble capable d'organiser une force militaire et un soutien logistique. Dans la lecture que nous faisons de l'embargo - et c'est celle qui prévaut - il n'est pas possible d'alimenter la Libye mais il n'est pas interdit de ravitailler Misrata à partir de Benghazi, par bateaux circulant dans les eaux territoriales. C'est ainsi qu'un soutien a pu être apporté à ceux qui s'opposent courageusement à Kadhafi depuis quarante jours. Le colonel s'accommoderait d'un front éloigné, mais il est déstabilisé par des forces hostiles proches.
Les difficultés techniques sont indéniables : il n'y a plus de forces aériennes ni d'artillerie antiaérienne mais l'identification absolue des cibles et les règles de tir à juste titre très contraignantes, combinées à l'absence de lien avec le sol, compliquent notre action. Les responsables militaires que j'ai rencontrés sur le Charles-de-Gaulle me l'ont expliqué : nos appareils peuvent faire des missions de reconnaissance et d'attaque au sol, et la surveillance aérienne par les Awacs, l'interception des communications radio et la surveillance maritime, avec les moyens d'écoute dont elle dispose, permettent des tirs à bon escient et sans risque. Mais peu d'armées disposent de tels équipements aussi certaines participations généreuses ne sont-elles pas très utiles pour l'attaque au sol, qui est le première demande des insurgés. Entendre voler des avions fait se sentir moins seul, les voir frapper des cibles désignées est quand même plus rassurant - or sans lien avec le sol, seules les aviations américaine, française et britannique en sont capables.
Les relations militaires avec les autres forces se déroulent sans aucun problème à travers l'état-major opérationnel de l'Otan ; le débat politique, qui relève du ministre d'Etat, avec le secrétaire général de l'Otan est un débat, dirai-je, de tous les instants...pour être certains que les objectifs de la coalition représentée par le groupe de contact sont bien assimilés par ceux qui doivent les mettre en oeuvre.
Un conseil de l'Atlantique nord est réuni en ce moment même.
Si les Français n'apportaient pas le soutien de Licorne, l'efficacité de l'ONUCI serait bien contestable. Toutes les extractions ont été réalisées par nos troupes. Les opérations de maintien de l'ordre de l'ONU sont-elles efficaces ? Elles sont coûteuses et il me semblerait normal que les contingents mobilisés aient un rendement un peu meilleur. Heureusement que les hommes de Licorne sont là ! La sécurité de nos compatriotes serait-elle assurée s'ils pouvaient compter uniquement sur l'ONUCI ?
Il y a un danger sérieux d'enlisement en Libye. Sur le plan militaire, la résolution 1973 interdit tout appui terrestre. Or « l'armée » insurgente manque d'expérience, d'encadrement, d'armement. En face, l'armée de Kadhafi est organisée, solide et retranchée au milieu des populations. L'action de l'Otan est rendue plus difficile. La situation peut perdurer : que pourra-t-on faire alors ? Est-il exact que les Américains ont retiré les avions chasseurs de chars ? Cela serait fâcheux pour la protection de la population...
Sur le plan politique, le groupe de contact doit piloter la recherche de solutions. Or la Ligue arabe est très prudente - il est vrai que certains potentats ne sont guère à l'aise et craignent pour eux-mêmes. Bachar el-Assad et d'autres monarques ont peut-être du souci à se faire... La Ligue n'est donc guère allante, même si le Qatar a engagé des avions. Et il y a la désunion européenne, l'abstention allemande ; et la volonté du secrétaire général de l'Otan de faire plus que fournir un état-major. Cela fait beaucoup de monde ! La tâche du groupe de contact, censé mettre au point une stratégie de sortie de crise, n'en est-elle pas compliquée ?
M. le ministre d'Etat dit que la France « ne fait pas la guerre ». Elle est en tout cas impliquée sur trois fronts militaires de haute intensité, en Afghanistan, en Libye, en Côte d'Ivoire, dans le cadre de résolutions de l'ONU.
Plusieurs caractéristiques sont identiques : des opérations prévues pour durer peu de temps s'installent dans la durée, les objectifs et les scenarios de sortie de crise ne sont pas toujours clairement énoncés, explicités. Un flottement est manifeste. Et quelle est la place du Parlement dans ces affaires ? Il est informé, comme en ce moment. Mais les informations lui sont distillées au compte-gouttes, au gré des évènements, et il n'est pas appelé à se prononcer.
Nos moyens militaires nous autorisent-ils à mener ces trois opérations ? Pendant combien de temps ? Nos forces sont-elles dimensionnées pour ces conflits longs et difficiles ?
Je veux d'abord exprimer notre solidarité à l'égard de nos soldats et de leurs familles ; et indiquer que nous n'avons pas de désaccord formel sur ces engagements de la France. Mais nous sommes sur le fil du rasoir ! A Abidjan, expliquez-vous, nous réagissons aux tirs de mortiers de 81 sur la population. Est-il certain que cela se passe ainsi ? Les résultats électoraux à Abidjan ont été très favorables à Laurent Gbagbo. Ne s'agit-il pas de justifier une intervention de Licorne ? Quant aux relations entre la France et l'ONUCI, M. de Rohan souligne que les 10.000 hommes de la force internationale ne sont pas en mouvement. Nous intervenons en appui de cette force. Parlons rugby : si j'interviens en appui d'un ami qui porte un ballon et se déplace, je sais ce que cela signifie ; mais s'il est en piqué-planté, je ne sais comment l'appuyer...
Autre question : comment voulez-vous que la ville de Benghazi alimente Misrata sans être elle-même alimentée ?
Enfin, quelle est la stratégie de sortie ? Pourquoi ne pas associer le Parlement à cette réflexion ? Je préférerais que la présidence du Sénat se batte pour définir des perspectives plutôt que pour préserver je ne sais quels équilibres constitutionnels...
J'évoquerai pour ma part l'aspect humanitaire. Les populations civiles sont martyrisées. La Côte d'Ivoire est dans l'anarchie, la misère se développe, on parle à présent de choléra. La France envisage-t-elle l'après-guerre ? Quelles missions humanitaires peut-on mener ? Aujourd'hui tout est désorganisé. L'image de la France, écornée depuis plusieurs années par la politique étrangère menée, pourrait y trouver une occasion d'amélioration. Montrons quelles sont nos valeurs !
Ce n'est pas la première fois que les forces de l'ONU rencontrent des difficultés sur le terrain mais lorsque trente pays participent à une opération, il en résulte forcément une fragilité, l'efficacité n'est pas toujours celle que l'on souhaiterait. L'ONUCI est sous le chapitre 7, elle peut mobiliser tous les moyens d'intervention, y compris la force, mais constatant que sa capacité d'action était un peu faible, nous avons multiplié les interventions auprès du secrétaire général de l'ONU, du directeur des opérations militaires, qui est un Français, M. Leroy, auprès de M. Choi, et auprès du commandant des forces, pour que l'ONUCI s'engage. Mais ne laissons pas croire qu'elle est inefficace ! Elle patrouille dans les rues d'Abidjan, c'est elle qui a protégé pendant des semaines l'hôtel du Golfe où était installé Alassane Ouattara. Et ce sont deux hélicoptères de l'ONUCI qui ont engagé les opérations avant-hier.
En Libye, le président Bel a cité toutes les raisons d'être pessimiste. Je citerai les raisons d'être optimiste. La résolution n'autorise pas de contingents au sol. Cela signifie-t-il un enlisement ? Nos interventions n'ont-elles servi à rien ? Outre la protection de Benghazi, nous avons déstabilisé Kadhafi ! Aujourd'hui la question est de savoir comment il partira et pas comment il se maintiendra au pouvoir.
La Ligue arabe n'est pas si prudente : la liste des pays qui apportent une participation active comprend le Qatar, les Emirats arabes unis, la Jordanie, le Maroc. Reste à travailler davantage avec l'Union africaine, à la persuader de participer davantage. Quant à l'Otan, nous avons cadré le dispositif, l'Otan en est le bras séculier, mais la gouvernance politique est du ressort de la coalition internationale et de son groupe de contact. Le partage des rôles est clair, même s'il n'exclut pas certaines tentations.
Impuissance européenne ? J'ai dit que l'Union agissait plus comme une ONG humanitaire que comme une puissance politique capable d'organiser une intervention : je l'ai répété au dernier Conseil. Mais hormis l'aspect militaire, elle a tout de même adopté une position unanime contre Kadhafi, qui s'est discrédité lui-même par les traitements infligés à sa population.
Les divergences portent sur les modalités d'action. Les sanctions apparaissaient suffisantes à certains, mais elles ne montrent leur efficacité qu'après quatre ou cinq mois, et que serait devenue Benghazi entre temps ? Le 11 mars, le 24 mars, dans les conseils européens « affaires étrangères », nous avons exprimé une position commune. Beaucoup de pays européens recherchent une solution politique en prenant des contacts avec ceux qui, à Tripoli, quittent le navire. Et ils sont nombreux.
La France ne fait pas la guerre en Côte d'Ivoire. La situation est bien différente de ce qu'elle est en Afghanistan, nous ne sommes pas engagés dans des combats contre une armée hostile, nous soutenons l'ONUCI. Le cas de la Libye est intermédiaire. Je suis surpris par votre remarque sur nos objectifs diplomatiques. Ils n'ont rien de flou, ils sont très clairs : en Côte d'Ivoire, nous voulons que le président régulièrement élu, Alassane Ouattara, puisse s'installer au pouvoir pour mener une politique de pardon et d'ouverture, former un gouvernement d'union nationale, voire avec d'anciens partisans de Laurent Gbagbo prêts à l'aider, travailler à la reconstruction du pays.
Nos objectifs sont clairs aussi en Libye, avec un élément d'incertitude. Nous voulons que le peuple libyen accède à la démocratie après quarante années sous la coupe d'un dictateur. Une réconciliation nationale doit réunir le CNT, les autorités tribales, qu'ont dit influentes, et, à Tripoli, tous ceux qui veulent se séparer du régime actuel. Cela sera difficile, oui, mais la ligne est claire. Il demeure certes une petite ambiguïté : avec ou sans Kadhafi ? La résolution de l'ONU ne mentionne pas qu'il soit écarté. Tous les alliés sont d'accord pour penser que son maintien n'est plus acceptable. En revanche, à Tripoli, certains sont prêts à s'en débarrasser mais pas tous et tel est l'objet des tractations, certains formulant une proposition intermédiaire.
Quant au rôle du Parlement, à vous de juger de la qualité de l'information qui vous est transmise mais que faisons-nous d'autre ici que de définir des objectifs en commun ?
Je préfère cela à une suite de déclarations suivies d'un vote en séance publique - je me demande si elles seraient aussi utiles. Le Premier Ministre a adressé un courrier aux assemblées à la minute même où l'intervention a été déclenchée : nous étions prêts à venir à toute heure, du jour ou de la nuit !
S'agissant de l'aspect humanitaire, la Commission européenne a porté à 30 millions d'euros son assistance à la Côte d'Ivoire ; la France a augmenté son versement au HCR au titre des contributions volontaires et elle a débloqué une aide alimentaire de 1,5 million d'euros via le programme alimentaire mondial. Je pourrais vous citer de nombreuses autres initiatives.
Nous travaillons d'arrache-pied sur les priorités de l'après Gbagbo. Il n'est pas question de laisser tomber Alassane Ouattara, il n'y arrivera pas tout seul, il aura besoin du soutien de l'Union européenne, de la France, de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest, etc. Il faudra ranimer l'activité économique, remettre sur pieds le système bancaire, organiser une aide humanitaire européenne... Tout un plan d'action est actuellement l'objet de discussions avec Alassane Ouattara et son équipe.
Notre armée est capable d'être présente sur ces trois fronts, et sur d'autres territoires comme le Liban ou le Kosovo. Le Livre blanc de 2008, la loi de programmation militaire, le contrat capacitaire avec l'armée de terre prévoient une capacité de projection à l'extérieur de 30.000 hommes, durablement. Nous en avons 4.000 en Afghanistan ; en Côte d'Ivoire, des forces prépositionnées en Afrique au titre d'accords de défense ont été redéployées depuis le Gabon ou Djibouti, au titre des accords de défense. Ces forces sont en nette diminution au Sénégal. Nous avons aussi des militaires en République centrafricaine, au Tchad, en vertu d'accords bilatéraux.
Nous disposons de 4.800 hommes dans les forces permanentes : c'est du reste une compagnie positionnée à Libreville qui est venue renforcer Licorne. Nous avons 2.160 hommes dans les forces de souveraineté stationnées sur le territoire national, orientées vers l'Afrique, à La Réunion ou à Mayotte. Et en permanence, soumis à renouvellement trimestriel, 2.530 soldats se trouvent au Tchad, en Centrafrique ou participent à l'opération Atalante dans l'océan indien. Au total, ce sont 9.700 militaires, hommes et femmes, qui sont disponibles en Afrique. Sommes-nous « au taquet » ? Non, fort heureusement ! Les forces stationnées en Afrique, en Afghanistan, au Kosovo et au Liban représentent 22.000 hommes, appartenant essentiellement à l'armée de terre. Pour l'aviation et l'arme navale, les calculs sont plus compliqués puisque ces forces sont par nature mobiles. En Libye, si l'on excepte les six avions basés en Crète, les avions proviennent de bases françaises, Saint-Dizier, Nancy, Dijon, Istres, et un groupe aéronaval en permanence embarqué. Solenzara est un relais métropolitain. Hormis les 120 aviateurs détachés en Crète, à Souda, il ne s'agit pas de troupes engagées à l'extérieur.
Nous sommes dans la phase supérieure de mobilisation, nous ne nous trouvons pas « au taquet ». Les dépenses sont à imputer sur les crédits « opex » du budget de la défense et en cas de dépassement la solidarité ministérielle jouera, puisqu'il ne peut s'imputer sur les crédits d'équipement - c'est un engagement pris en contrepartie de la baisse des effectifs.
Au sein de l'ONUCI, les complicités, les affinités jouent leur rôle. Quand le commandement échoit à un général togolais, il s'agit normalement d'un saint-cyrien... La France compte des siècles de tradition militaire, avec leur gloire et leur malheur. Il serait injuste d'en vouloir à des pays jeunes, qui apportent leur concours à une force internationale mais n'ont ni notre expérience ni notre maîtrise de l'intervention militaire. Quant à l'aide humanitaire, Monsieur Carrère, un bateau de la Croix-rouge française est arrivé directement à Misrata. En outre, la solidarité arabo-musulmane s'exerce et le Qatar ravitaille Benghazi, qui alimente Misrata.
Comme M. le président de Rohan, je salue le courage et le professionnalisme de nos soldats. Je remercie aussi MM. les ministres d'être venus parmi nous, mais une discussion en commission n'est pas le débat public qu'exige l'article 35 de la Constitution. Certaines questions doivent être débattues devant l'opinion publique.
En Côte d'Ivoire, j'admire la réactivité de notre pays, mais je m'interroge sur la planification. Les forces de M. Ouattara se sont déplacées du nord vers le sud, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté le 30 mars sa résolution 1975, notre Gouvernement a été forcément en relation avec MM. Ban Ki Moon et Alain Le Roy, tout cela a été remarquablement rapide, je n'en dis pas plus. La résolution de l'ONU est parfaitement claire. Il faut préparer la réconciliation : Laurent Gbagbo, lors de la dernière élection, était majoritaire dans les grandes agglomérations du sud. Félix Houphouët-Boigny me disait en 1985 qu'il remerciait la France d'avoir fait de soixante ethnies une nation, mais la réalité ivoirienne est complexe. Comme disait le stratège chinois Sun Tzu, il faut toujours laisser un pont derrière l'ennemi... Nous agissons en tant que bras armé de la légalité internationale ; aller au-delà serait s'engager sur une pente glissante.
J'ai dit à la tribune du Sénat qu'un philosophe autoproclamé, exploitant l'émotion suscitée par les images, avait engagé de Benghazi le Président de la République à venir en aide aux insurgés. Il a court-circuité les parlementaires...
M. Juppé a été dépêché à New York, où il a très efficacement obtenu l'adoption de la résolution 1973, par 10 voix et 5 abstentions. Les Nations unies n'ont jamais reconnu le droit d'ingérence, mais seulement la responsabilité de protéger. Certes la différence est parfois ténue, de la protection des populations civiles au soutien à une rébellion armée. On entend dire que « la légalité a changé de camp », mais qui est là pour en décider ? La France reconnaît les Etats, non les gouvernements. Vous avez dit, monsieur le ministre d'Etat : « La question ne se pose plus que de savoir quand Kadhafi va partir. » On peut le souhaiter et Khadafi est certes déstabilisé mais la résolution 1973 n'a fixé nulle part comme objectif le changement de régime. Qu'a fait Kadhafi que n'ont pas fait Ali Saleh du Yemen, Bachar el-Assad en Syrie ou le roi de Bahrein ? Au plan du droit, jusqu'où peut-on interpréter la résolution 1973 ? Avons-nous d'ailleurs les moyens militaires et financiers de notre intervention, et pour combien de temps ? N'est-il pas temps de revenir devant le conseil de sécurité ?
La construction d'une défense européenne, prétendait-on, justifiait le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan. Le résultat est-il à la hauteur des attentes ? M. Juppé parlait de l'Union européenne comme une « grande ONG humanitaire ». Si seulement elle l'était ! Si seulement, après avoir démontré qu'elle était incapable d'agir militairement, elle se montrait capable de lancer un plan d'aide aux pays du sud de la Méditerranée et à la Cote d'Ivoire !
Je remercie moi aussi MM. les ministres, tout en m'associant aux remarques de M. Chevènement sur la nécessité d'un débat public.
Bien que je reconnaisse l'opportunité de l'intervention de la force Licorne en Côte d'Ivoire, je m'interroge sur ses conséquences diplomatiques à moyen terme pour notre pays, en Afrique et dans le monde. Répondre à la demande de M. Ban Ki Moon était légitime, mais notre empressement à le faire laisse penser que la France avait grande envie d'intervenir. Avait-on mené auparavant les consultations nécessaires avec les pays africains ? La France risque d'apparaître de nouveau pour longtemps comme une puissance néocoloniale, malgré les progrès accomplis sur ce terrain-là au cours des dernières années.
J'ai eu l'honneur de participer avec le président Larcher à une entrevue avec le président Zuma : il n'était pas sur la même ligne que nous, loin s'en faut. Mais je ne veux pas être polémique, tout en relevant que d'autres grandes puissances n'approuvent pas. Quelles initiatives prend notre pays pour promouvoir la réconciliation en Côte d'Ivoire ? Je rappelle que Laurent Gbagbo a obtenu 46 % des suffrages.
En Libye, quel débouché diplomatique à la crise peut-on envisager ? Il faut mettre fin aux souffrances des civils, et avancer dans la discussion politique, quelle qu'en soit la difficulté. Vous avez parlé de la « cohérence » de notre politique, monsieur le ministre, mais quelle est-elle ?
Que le débat ait lieu en séance publique ou en commission, qu'importe pourvu qu'il soit franc. Mais il est difficile d'en juger : vous disiez en séance, monsieur le ministre d'Etat, que la France ne souhaitait pas que la direction des opérations en Libye fût confiée à l'Otan ; ce fut pourtant chose faite dès le lendemain... Peut-être la franchise est-elle difficile en séance publique : espérons qu'il n'en sera pas de même ici.
Je me réjouis que l'on ait substitué à la notion de droit d'ingérence celle de responsabilité de protéger. Mais il est plus facile d'intervenir que de trouver une issue politique à la crise. Nous avons pour mandat, dites-vous, de neutraliser la soldatesque de Laurent Gbagbo, mais seule sa reddition peut mettre les populations civiles durablement à l'abri. Les limites de notre intervention méritent un débat public.
Les médias font état de massacres perpétrés par les soldats de Laurent Gbagbo, mais aussi ceux d'Alassane Ouattara. Qu'en est-il ? Nos soldats réunissent-ils des éléments susceptibles de justifier des poursuites devant la Cour pénale internationale ?
Le conseil de sécurité a saisi la Cour pénale internationale fin février au sujet des crimes commis en Libye. Ne faudrait-il pas faire de même pour les massacres de Deraa, Duma et Lattaquié en Syrie ?
L'intervention de M. Chevènement fut comme toujours très pertinente. Mais je rappelle qu'Abidjan a voté à 48 % pour M. Ouattara : le clivage entre le nord et le sud du pays n'est donc pas si net qu'on le dit, et l'on assiste plutôt à une polarisation plus proche des usages démocratiques que les scores de 99% affichés ailleurs.
En Libye, vous avez raison de dire que nous n'avons pas pour mission de favoriser un changement de régime, un regime change comme disent les Anglo-Saxons. Mais je dois rappeler le sens de la notion de responsabilité de protéger : les gouvernements ont le devoir de protéger leur population contre les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les génocides, faute de quoi la communauté internationale est fondée à se substituer à eux. La faillite du gouvernement Kadhafi dans ce domaine n'est-elle pas suffisante pour mettre en cause sa légitimité ?
J'ai parlé de l'Union européenne comme d'une ONG humanitaire ; au moins est-elle efficace sur ce terrain-là. Un couloir humanitaire doit être mis en place vers Misratah par la mer, en collaboration avec l'Otan. Quant à la politique européenne de sécurité et de défense, les ministres du triangle de Weimar ont récemment écrit à Mme Ashton pour qu'elle soit relancée.
M. Hue s'inquiète des suites de l'intervention en Côte d'Ivoire pour l'image de la France, mais les chefs d'Etat africains l'approuvent presque unanimement. M. Zuma, initialement très réticent, a été convaincu par M. Sarkozy que M. Ouattara devait être considéré comme le président légitime. Même l'Angola, longtemps fidèle allé de Laurent Gbagbo, a évolué. Imaginez d'ailleurs que nous ne soyons pas intervenus. L'élection présidentielle a eu lieu dans des conditions qui n'étaient certes pas parfaites, mais convenables et contrôlées par une commission indépendante ; après le différend avec le Conseil constitutionnel, M. Ouattara a été reconnu comme le président légitimement élu par l'ONU, la CEDEAO et l'Union africaine. Comment les Africains pourraient-ils avoir confiance en la démocratie si le résultat de l'élection ivoirienne n'est pas respecté ? La démocratie progresse dans le continent, au Niger, en Guinée, et il faut la soutenir.
En Libye, notre politique est la même : voilà la cohérence. La France soutient l'aspiration des peuples à la démocratie. Certes, c'est avec quelque retard qu'elle a compris l'enjeu des révoltes arabes, mais quel autre pays l'a compris plus tôt ? On dit le Conseil national de transition infiltré par les islamistes. Cela rappelle furieusement les arguments de ceux qui appelaient à soutenir MM. Moubarak et Ben Ali ! La démocratie présente des risques. A certains égards, la dictature en présente moins à court terme, mais elle conduit tôt ou tard à la catastrophe. Il y a au sein du Conseil des personnalités de grande quantité. Sans doute certaines d'entre elles ont-elles jadis travaillé pour Kadhafi, mais cela ne suffit pas à les discréditer : ce genre de choses se produit lors de toutes les révolutions. Le problème est plutôt de savoir qui, à Tripoli, est prêt à jouer le jeu démocratique.
Madame Voynet, si nous avons finalement confié à l'Otan la direction des opérations, c'est que le traité de défense entre la France et le Royaume-Uni n'a pas encore produit tous ses effets, et que nous deux pays n'ont pas à eux seuls les moyens de piloter une intervention d'une telle envergure. Mais des pays extérieurs à l'Otan, comme le Qatar, y sont associés.
Nous demandons que toute la lumière soit faite sur les massacres en Côte d'Ivoire, et M. Ouattara a déjà promis des enquêtes. Mais il n'est pas sûr que le rôle des soldats français, qui sont d'ailleurs déployés à Abidjan, soit de recueillir des informations à ce sujet.
Nous condamnons toutes les violences perpétrées en Syrie : on ne met pas fin à des manifestations populaire par la répression armée, mais par le dialogue et la négociation. J'ai dit ma déception devant le discours trop peu réformateur du président el-Assad.
M. Hue a parlé de néocolonialisme, mais la réalité est tout autre : la France a renégocié ses accords bilatéraux avec six pays africains sur huit, et sa présence militaire en Afrique recule. Nous privilégions désormais le conseil, la formation, l'entraînement. D'ailleurs cette coopération n'est pas exclusive : le Canada aussi est lié au Mali par un accord militaire. Les pays africains coopèrent entre eux : la République centrafricaine a aidé le Tchad confronté à des difficultés.
Nous sommes présents au Niger au titre de la coopération. Les militaires avaient pris le pouvoir, mais le candidat victorieux à l'élection présidentielle ne devrait pas être le leur. Or les choses se passent convenablement. Une bonne dizaine d'élections présidentielles doivent se tenir l'an prochain sur le continent africain. Faire aboutir le processus électoral ivoirien, après quatre mois de médiation, constituerait un précédent heureux. Une élection est la rencontre d'un peuple avec son avenir, et ne doit pas être un simulacre destiné à confirmer un pouvoir acquis par d'autres moyens. Nos soldats seront de plus en plus des coopérants, de moins en moins des intervenants. Mais Rome ne s'est pas faite en un jour. Nos forces basées à Djibouti et au Gabon relaient le souhait des dirigeants africains que nous fassions évoluer notre coopération vers le conseil et la formation, sans toutefois le faire trop rapidement.
Madame Voynet, nos troupes sont déployées à Abidjan, mais l'Onuci est aux trois quarts hors de la ville et transmet des informations à la Cour pénale internationale. Nos soldats tiennent les documents qu'ils possèdent à la disposition de la Cour, mais ils ne sont déployés qu'occasionnellement à Abidjan, et n'y sont pas chargés d'une mission de police générale.
Je m'associe à l'hommage rendu à nos soldats, et en particulier à nos légionnaires. Le gaulliste que je suis est peu enclin à s'immiscer dans les affaires intérieures d'autres pays. La France a hébergé l'imam Khomeiny et l'a soutenu dans sa lutte contre le shah, avec quel résultat ! Or, en Tunisie, où l'on cherche à réunir les « forces républicaines » pour former un gouvernement, les tensions sont fortes. Des exilés revenus de Londres exigent des ministères. J'ai appris en lisant un grand journal du matin que la famille du jeune homme dont l'immolation avait provoqué la révolte avait été obligée de quitter son village. Veillons à ce que l'affaire Khomeiny ne se reproduise pas, et ne soyons pas dupes ! Aujourd'hui le peuple iranien souffre, et je ne serais pas surpris qu'une révolution ait lieu, emmenée par les femmes iraniennes.
Qui paiera les frais de nos interventions ? Ceux qui nous y ont encouragés participeront-ils aux dépenses ?
Au nom des Français de l'étranger, je remercie le Gouvernement de son action en Côte d'Ivoire : malgré quelques doléances amplifiées par la télévision, nombreux sont ceux qui m'ont fait part de leur satisfaction. Mais les Français d'Abidjan s'inquiètent des pillages, de la destruction d'entreprises et de biens. Lors d'une première évacuation de nos ressortissants, il a fallu exhumer un décret de 1962 pour les indemniser. Au Koweit, l'ONU a remboursé une partie des frais. Cette fois-ci nos compatriotes sont très inquiets. Projette-t-on de les indemniser ? Il y a quelques années, un projet avait échoué parce que le Gouvernement refusait sa garantie aux fonds d'assurance.
Une dernière question : Laurent Gbagbo négociera-t-il son départ contre l'immunité vis-à-vis de la Cour pénale internationale ?
Je salue moi aussi le professionnalisme de nos soldats. Leur intervention se borne strictement à protéger les populations. Le Livre blanc a fait la preuve de sa pertinence : nos moyens humains et matériels et leur prépositionnement correspondent à nos besoins, en Afghanistan, en Libye comme en Côte d'Ivoire. Le choix du Rafale Omnirole au standard F3 était le bon : contrairement à d'autres pays, nous nous sommes dotés d'un appareil adapté à la protection des populations, à des missions de reconnaissance, d'appui au sol ou de suprématie aérienne. En Côte d'Ivoire, où nos soldats doivent venir en aide à nos ressortissants mais aussi aux Ivoiriens, nous n'avons mené que deux frappes très circonscrites, preuve que nous avons su nous adapter. Des unités seront-elles prochainement rappelées au Gabon et au Tchad ?
En Libye, aucune issue diplomatique ou même humanitaire n'est possible sans un rapport de force favorable sur le terrain. La France avait imaginé de doter les insurgés d'un minimum de moyens militaires. Qu'en est-il ?
Je comprends l'inquiétude de M. le président Poncelet. Mais au nom du principe de précaution, aurait-il fallu soutenir Moubarak, Ben Ali et consorts ? La démocratie est un pari. Le Président de la République a d'ailleurs décidé que la diplomatie française soutiendrait les mouvements démocratiques. Khomeiny était un islamiste déclaré, qui prêchait la révolution religieuse depuis Neauphle-le-Château. Ce n'est pas du tout le cas des membres du Conseil national de transition : sa charte promet de respecter les droits de l'homme et les libertés publiques.
Je ne suis pas sûr qu'il en aille de même des exilés revenus de Londres...
Je n'ai pas encore de réponse à la question soulevée par M. del Picchia : une indemnisation des Français d'Abidjan doit être expertisée. Le mieux serait de relancer l'économie locale, ce qui suppose la levée des sanctions. Quant à l'immunité dont M. Gbagbo pourrait bénéficier, c'est au gouvernement de Côte d'Ivoire de déterminer les modalités du départ de l'ancien président. Mais comment pourrait-on s'opposer aux procédures lancées par la CPI ?
Pour répondre à M. le président Poncelet, en 2010 ont été dépensés 861 millions d'euros pour les opérations extérieures (Opex) : à la provision initiale de 570 millions se sont ajoutés un remboursement de l'ONU pour 50 millions et 247 millions ouverts par le collectif budgétaire. En 2011, la provision initiale a été portée à 900 millions d'euros, pour tenir compte des besoins. Les Opex ne seront pas financées par des crédits d'équipement.
Le Rafale, comme l'a dit M. Gautier, a fait la preuve de son efficacité. Nous sommes engagés dans des opérations très diverses, où nous avons besoin de moyens de renseignement, de reconnaissance, d'instruments pour mener des attaques au sol plutôt que des combats aériens - en Libye, le seul véritable combat a consisté à détruire les batteries sol-air de Kadhafi. La polyvalence du rafale est un élément extrêmement important. Certains Etats européens et arabes disposent d'excellents avions de chasse mais qui ne servent qu'à cela ; on va leur montrer comment les améliorer par la customisation car, heureusement, on sait faire...
Nos troupes seront reconduites au plus tôt vers les points d'appui permanents, notamment à Libreville - mais pas au Tchad, où nous ne sommes présents que pour une coopération ponctuelle.
Faut-il armer les rebelles libyens ? L'embargo sur les armes ne vise que « la Grande Jamahiriya libyenne » ; certains pays considèrent que seul le gouvernement de Kadhafi est concerné, d'autres pensent que les particuliers le sont aussi. Mais s'agit-il ici de particuliers ? Le Conseil national de transition a été reconnu comme un interlocuteur politique, mais cela ne suffit pas à lui donner le statut d'Etat. Aujourd'hui, il n'y a pas de position formelle à ce sujet. Aucun acteur ne nous demande d'ailleurs des armes : les rebelles n'attendent qu'un soutien aérien et politique. Ils ont entre leurs mains des dépôts d'armes non négligeables, mais rendus inutilisables par leur situation géographiques dans des enclaves comme Zintan ou Misrata, ou par le manque de formation des soldats volontaires.
Je partage les inquiétudes de M. Hue. La résolution de la crise en Côte d'Ivoire aura une grande incidence sur l'image de la France en Afrique. On l'a dit, de nombreuses élections doivent se tenir prochainement sur le continent, et elles pourraient être l'occasion de crises internes. Notre double objectif est de favoriser la réconciliation et la reconstruction. De quels points d'appui disposons-nous dans le pays pour ce faire ? Comment les ressortissants français sont-ils associés à nos choix diplomatiques ? Les entreprises françaises ont longtemps cohabité avec le régime de M. Gbagbo.
Appeler celui-ci à la reddition n'est peut-être pas très heureux, sur un continent où le poids des mots et le sens de l'honneur ne sont pas les mêmes qu'ailleurs.
Cette crise sera-t-elle l'occasion de revoir en profondeur la politique africaine de notre pays ? De quels moyens dispose pour ce faire le ministère des affaires étrangères ?
Monsieur le ministre d'Etat, vous avez dit que nous commencions déjà à oeuvrer avec M. Ouattara pour la reconstruction de la Côte d'Ivoire. Nos liens politiques, économiques, culturels et surtout affectifs avec ce pays sont tels que nous y sommes appelés à y jouer un rôle essentiel. Mais c'est une partition difficile à jouer, car on nous accusera d'interventionnisme, voire de néocolonialisme, et l'on entendra de nouveau parler de la « Françafrique »...
Je m'associe à M. del Picchia pour me faire l'écho des préoccupations des Français de l'étranger.
Que le Gouvernement prenne garde à sa communication, car on entend dans les médias que les soldats français sont en Côte d'Ivoire pour y défendre nos ressortissants. Or une vie africaine vaut une vie française !
Entre 1986 et 1988, le colonel Kadhafi avait envahi le Tchad avec 300 chars, mais les Tchadiens, avec 150 pickups, les ont mis en déroute, faisant ainsi la preuve de leur valeur guerrière. Or on entend aujourd'hui que le colonel emploie des mercenaires tchadiens. Est-ce vrai ?
Ne va-t-on pas dégarnir l'opération Atalante pour renforcer nos moyens en Libye ?
La production et la distribution de pétrole sont-elles arrêtées ?
Quel rôle la CPI est-elle appelée à jouer en Côte d'Ivoire, selon vous ? Faut-il que le conseil de sécurité la saisisse, ou est-il préférable d'attendre que l'autorité légitime du pays, c'est-à-dire M. Ouattara, le fasse ? Les crimes visés, je le rappelle, sont imprescriptibles. Je veux bien que l'on ménage une porte de sortie à Laurent Gbagbo, mais celle-ci doit déboucher sur une cellule !
Je terminerai par une interrogation. Au Conseil national de transition siègent des personnalités de grande qualité. Mais la Libye, dit-on, est un pays très divisé ethniquement, entre la Cyrénaïque et la Tripolitaine, où le sentiment d'appartenance commune n'est pas aussi profond qu'ailleurs. Or le CNT est composé presque exclusivement de gens de Cyrénaïque. Sa reconnaissance ne risque-t-il pas de susciter des réactions négatives en Tripolitaine, qui serviraient les intérêts du colonel Kadhafi ?
Oui, madame Tasca, une dizaine d'élections doivent avoir bientôt lieu en Afrique : ce n'est pas un risque, mais une chance ! Dans certains cas l'organisation des élections est critiquable, et il faut mettre en place des systèmes d'observation : l'Organisation internationale de la francophonie y consacre 1,2 million d'euros.
Sur l'association de la communauté française de Côte d'Ivoire à nos choix diplomatiques, vous me prenez de court. Mais nos ressortissants ont des élus, et l'ambassade est bien sûr en liaison avec eux, ainsi qu'avec nos entreprises qui doivent retrouver un niveau d'activité suffisant.
Quant au mot « reddition », je ne l'ai pas inventé. C'est à M. Ouattara de fixer les conditions du départ de M. Gbagbo.
Non, cette crise n'entraînera pas de révision de la politique africaine de la France. Celle-ci a été définie par le discours du Cap du Président de la République et par le Livre blanc. Au plan militaire, nous renégocions nos accords de défense et revoyons nos implantations ; au plan politique et diplomatique, nous souhaitons voir progresser la démocratie.
Pour répondre à M. Ferrand, la France et le gouvernement ivoirien sont en train de bâtir, avec l'Union européenne et la communauté internationale, un plan d'action en faveur de la réconciliation en Côte d'Ivoire.
Monsieur Pozzo di Borgo, la première mission de la force Licorne est de protéger, et éventuellement d'évacuer les ressortissants français. Il est vrai qu'elle appuie l'Onuci dans le cadre d'une mission décidée par les Nations unies.
Le pétrole continue à couler en Libye ; l'enjeu est d'ailleurs de financer le CNT par ce biais. Le Qatar s'est porté volontaire.
En ce qui concerne la CPI, monsieur Badinter, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de réunir le conseil de sécurité : le procureur a annoncé des investigations pour déterminer s'il y a lieu de lancer des poursuites.
Le CNT a été clair : il ne souhaite pas la scission de la Libye, que pourrait favoriser un cessez-le-feu.
La composition du Conseil national de transition (CNT) va-t-elle dans le bon sens ? Une partie de ses membres sont tripolitains, mais leurs noms n'ont pas fait l'objet de publication, pour de simples raisons de sécurité.
En ce qui concerne Atalante, l'opération se poursuit.
Vous m'avez interrogé sur les mercenaires : la situation est un peu compliquée. Les populations évoquées ne ressentent pas forcément les frontières comme des réalités intangibles : il s'agit en effet de nomades qui circulent librement entre le Tchad et la Libye. Ces tribus ont une position prudente, attentiste : elles attendent de voir d'où va souffler le vent...
Enfin, je confirme que seul le port de Tobrouk a recommencé à exporter du pétrole, ce qui reste marginal.
Je vous remercie pour ce débat large, ouvert et enrichissant. Vous avez répondu avec beaucoup de précisions aux questions qui vous ont été posées. Je vous demanderai, messieurs les ministres, de bien vouloir revenir devant nous si les évènements l'exigeaient. Je rends hommage au Gouvernement car il tient la représentation nationale très précisément informée de la situation en Libye et en Côte d'Ivoire. (Applaudissements à droite)