La commission auditionne M. Jean-Claude Lenoir, sénateur, et M. Christian Bataille, député, sur le rapport fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).
Mes chers collègues, avant d'écouter nos deux premiers rapporteurs au nom de l'OPECST, je vous rappelle qu'une saisine de cet office sur les risques connexes à la numérisation de la société et de l'économie est en cours, et que notre collègue, Mme Delphine Bataille, souhaiterait que notre Commission saisisse l'Office sur l'intérêt stratégique et économique des terres rares.
Mes chers collègues, permettez-moi, tout d'abord, de remercier notre hôte, M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, qui a saisi l'Office à de nombreuses reprises, et notamment en amont des deux rapports présentés ce jour.
Le règlement intérieur de l'OPECST prévoit une présentation des rapports adoptés par l'Office devant la commission à l'origine de sa saisine, même si je ne suis pas certain que cette séance ait toujours eu lieu dans le passé.
C'est pourquoi je me réjouis que votre commission renoue avec cette pratique bien logique, puisque les investigations très poussées de l'Office ont pour objet de répondre exactement aux préoccupations de la saisine après avoir eu soin d'entendre toutes les personnes concernées de la manière la plus équilibrée possible.
Je sais qu'il y a déjà d'autres idées de saisines à l'étude, que nous devrions recevoir prochainement de votre part. À cet égard, permettez au président de l'Office de souhaiter que les thèmes d'investigations retenus se distinguent bien de ceux traités d'habitude par les commissions permanentes ou encore par les missions d'information ou les commissions d'enquête, afin de permettre à l'OPECST d'être le plus efficace dans le cadre de la mission extrêmement spécifique qui est la sienne.
Je veux dire par là que chaque type de structure répond à un rythme et à un type d'investigation particuliers. Une commission permanente travaille en quelques semaines sur un projet de loi ; une mission d'information ou une commission d'enquête dispose de six mois pour élaborer son rapport, tandis que l'Office ne peut rendre un travail satisfaisant en moins d'une année.
Pourquoi ? Parce que cette durée est indispensable pour s'imprégner d'un thème scientifique ou technologique complexe nécessitant en général une centaine d'auditions ; parce qu'une étude de faisabilité précède l'élaboration du rapport ; parce que ces auditions doivent s'insérer dans le calendrier des rapporteurs de l'OPECST, qui sont évidemment, par ailleurs, des parlementaires à part entière et, enfin, parce que les effectifs du secrétariat de l'Office sont plutôt modestes, pour ne pas dire très réduits.
Sans vouloir prolonger cette présente intervention liminaire, qui n'avait pour objet que de rappeler quelques évidences institutionnelles, je me réjouis de la bonne coopération existant entre la commission des affaires économiques du Sénat et l'OPECST.
Je voudrais tout d'abord souligner le plaisir que j'ai à venir devant vous, tant sont nombreux dans notre pays les rapports non publiés ou insuffisamment valorisés.
Avec le président de l'Office, M. Bruno Sido, nous avons remis en septembre dernier un rapport sur la transition énergétique, peu avant que ne se tienne la conférence environnementale.
C'est également dans cette perspective que s'inscrivent les deux rapports que nous vous présentons aujourd'hui. De façon générale, ils mettent l'accent sur le renforcement indispensable de la recherche, notamment sur le stockage de l'énergie, ainsi que sur la nécessité de disposer d'un socle énergétique solide, à la fois nucléaire et fossile, avant de pouvoir développer le champ des énergies renouvelables.
Le premier rapport, relatif aux gisements d'hydrocarbures non conventionnels, concerne des énergies déjà largement utilisées. Le contenu en a été recentré sur l'objet initial de la saisine, soit les techniques alternatives à la fracturation hydraulique. Nous y insistons sur l'importance de la science comme préalable à une prise de décision qui, elle, revient au seul politique.
Le second rapport, qui concerne l'hydrogène, est d'ordre plutôt prospectif. Il met l'accent sur les problèmes restant à résoudre, tout en faisant état du développement embryonnaire de cette forme d'énergie dans un État comme la Californie.
Je rappelle que la présentation de rapports de l'OPECST devant la commission a déjà eu lieu, par exemple en ce qui concerne les lignes électriques à très haute tension. Il est logique que l'Office vienne présenter ses travaux devant la commission lorsque cette dernière l'a saisie. Pour autant, nous prenons soin de limiter dans les lois les demandes de rapports lorsque ceux-ci sont voués à rester rangés dans des placards, tout comme nous veillons d'ailleurs à limiter le nombre de décrets, qui amoindrissent le rôle du Parlement.
Je vous avais saisi à propos du premier rapport, sur les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des gisements d'hydrocarbures non conventionnels. Après un point d'étape, au mois de juin 2013, je vous avais fait remarquer que vos travaux ne correspondaient pas au champ de la saisine, car ils ne traitaient que de la fracturation hydraulique.
Le premier rapport que j'ai présenté pour l'Office portait sur les déchets nucléaires ; il a été suivi par l'adoption, dans les deux ans, de la loi sur la gestion des déchets radioactifs. J'espère que ce rapport connaîtra la même issue !
Le rapport d'étape que nous avons rendu en juin 2013 était calé sur le calendrier du débat sur la transition énergétique. Il faut désormais juger notre travail dans sa version finale, que nous vous présentons aujourd'hui. Le travail d'instruction a donné lieu à quarante-deux auditions et sept déplacements, dont deux à l'étranger, aux États-Unis d'Amérique et en Pologne. Nous avons tenu compte de vos remarques dans cet ultime document.
Ce rapport s'est donc intéressé aux hydrocarbures non conventionnels, et plus particulièrement aux gaz de schiste, ou plutôt aux hydrocarbures de roche mère pour être tout à fait précis. Ceux-ci étant prisonniers de roches dures en profondeur, ces roches doivent être ouvertes en réalisant des mini-explosions et en injectant différents produits. Le terme « non conventionnel », qualifiant ces hydrocarbures, renvoie à deux spécificités : l'utilisation de techniques de forage horizontales, et le recours à des adjuvants.
Différents types de procédés alternatifs permettent d'éviter l'emploi d'importantes quantités de ces fluides : la fracturation par arc électrique, par procédé thermique ou bien pneumatique. Existent parallèlement des techniques de stimulation à partir de gaz liquéfiés ou gélifiés, pouvant être utilisés seuls ou avec des additifs, afin de constituer des mousses. Ces fluides alternatifs ont déjà été utilisés depuis une quarantaine d'années aux États-Unis et au Canada. Des travaux de recherche sont en cours dans plusieurs pays, notamment en Pologne, où des techniques susceptibles d'accroître la productivité des puits sont étudiées ; nous avons d'ailleurs rencontré des chercheurs travaillant sur ces procédés.
Je voudrais dire quelques mots à présent de la stimulation au propane, utilisée depuis cinquante ans par l'industrie, notamment dans le passé pour restimuler des puits conventionnels sous-pressurisés. Entre 2008 et 2013, près de 1 900 opérations de stimulation ont été réalisées par une entreprise en Amérique du Nord, principalement au Canada. Le gel employé nécessite moins d'additifs, et aucun biocide.
La société ecorpStim développe une technologie de stimulation au propane pur, sans additifs. Nous avons pu constater les progrès notables réalisés par cette société au cours de l'année passée, avec la mise au point d'une nouvelle technologie de propane non inflammable. Ne nécessitant ni eau, ni additif, elle ne présente aucun risque pour l'environnement, le gaz étant récupéré quasi entièrement en surface.
Cette innovation a donné lieu à de nombreux articles au cours des derniers jours. Elle met en lumière le développement remarquable de la recherche, entre le début et la fin de nos travaux, dans les pays les plus dynamiques en ce domaine.
Le recours à une méthode sans fracturation, pour la production de gaz de houille, illustre la vigueur de l'économie américaine. Ce gaz a été pendant longtemps perçu comme dangereux par l'industrie minière, étant à l'origine des « coups de grisou ». Toutefois, il est récupéré depuis des décennies en Lorraine et dans le Pas-de-Calais, et constitue aujourd'hui l'une des plus importantes sources d'énergie au niveau mondial. Emprisonné dans des couches profondes de charbon, à 2 000 mètres de profondeur environ, il ne nécessite pas de fracturer le bloc, celui-ci présentant des failles naturelles, mais requiert une phase de vérification préalable.
Les techniques employées pour l'extraction du gaz de houille présentent des différences avec les techniques employées plus généralement pour la production des hydrocarbures non conventionnels ; elles ne rendent pas nécessaire, notamment, le recours systématique au forage horizontal, ni à la fracturation hydraulique. Les États-Unis et l'Australie, dans la région du Queensland, y procèdent. La gestion industrielle est ensuite des plus classiques.
Les perspectives sont prometteuses. La société EGL mène actuellement des expérimentations en Lorraine et, dans une moindre mesure, dans le Pas-de-Calais, où l'on estime que 10 % du charbon a été exploité par le passé et où quatre demandes de forage ont été déposées. Les élus et la population, de par leur culture minière, acquiescent au développement de ces activités.
Nous avons souhaité revenir sur les progrès substantiels réalisés en matière de fracturation hydraulique. Notre pays en est resté à une vision ancienne, celle d'exploitations de gisements par des propriétaires individuels aux États-Unis, mais aussi celle, trompeuse, véhiculée par le film Gasland. Et ce alors que les Américains ont recours aujourd'hui à des techniques de forage qui ne sont pas nocives pour l'environnement.
Les entreprises françaises jouent cependant un rôle éminent dans cette industrie, dont elles fournissent de nombreux équipements. Sur notre territoire, les risques occasionnés seraient variables selon les régions. Nous sommes face à une technique évolutive qui doit être encadrée. Nous encourageons les autorités nationales à l'accompagner, au risque d'être distancées dans le développement d'une industrie source de prospérité.
De quelles ressources dispose-t-on en France ? Le Bureau de recherche géologique et minière (BRGM) et les géologues américains mènent des recherches, mais il faudra aller plus loin en allant inspecter le sous-sol. Des techniques non invasives, telles que la sismique-réflexion, le permettraient. Mais la ministre de l'écologie a signé, en septembre 2012, une circulaire l'interdisant. Il serait également opportun de procéder à des forages-tests. Quarante-cinq puits actuellement en activité dans la région parisienne ont été ouverts par fracturation hydraulique, sans qu'il soit possible, en surface, de percevoir s'ils ont été forés par des moyens non conventionnels.
L'impact économique de ces énergies est majeur. Les Américains estiment entre 800 000 et un million d'emplois les besoins générés par l'exploitation de gaz et pétroles non conventionnels. Si leur approche n'est pas transposable en France, il est certain que cette industrie créerait des emplois, de l'ordre de quelques dizaines de milliers au départ.
Par ailleurs, je vous rappelle que la facture énergétique de notre pays est de 68 milliards d'euros, ce qui représente 80 % du déficit de la balance commerciale. Or, nous ne proposons pas de consommer davantage d'énergie fossile, mais de substituer pour partie - environ un quart d'ici à quelques années, ce qui est considérable - notre production à celle aujourd'hui importée. La révolution énergétique qui a lieu en ce moment aux États-Unis va restaurer dans ce pays une économie florissante.
Voici à présent la liste des dix propositions finales que nous formulons dans notre rapport :
- appliquer pleinement la loi du 13 juillet 2011, ce qui signifie à la fois instaurer la Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux ; remettre au Parlement le rapport annuel prévu par la loi et mettre en place le programme d'expérimentations scientifiques sous contrôle public supposé par la loi ;
- poursuivre rapidement l'exploration, puis l'exploitation du gaz de houille ;
- abroger la circulaire du 21 septembre 2012, qui empêche à l'heure actuelle tous travaux de recherche ;
- encourager la mise en place du cadre européen pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels qui a été défini il y a une quinzaine de jours, sans la participation de la France ni de la Bulgarie ;
- faire de la connaissance de notre sous-sol une priorité de la recherche.
Et encore :
- établir un programme de recherches sur les techniques d'exploitation des hydrocarbures de roche-mère et leurs risques ;
- procéder à des expérimentations sur sites sous le contrôle des administrations compétentes ;
- maintenir les compétences existant en France en envoyant de jeunes chercheurs à l'étranger et en encourageant la coopération interuniversitaire ;
- mettre en place un véritable « contrat social » avec les populations, y compris au stade de l'expérimentation ;
- imaginer des mécanismes permettant d'utiliser d'éventuelles ressources en hydrocarbures non conventionnels pour faciliter la transition vers les énergies renouvelables.
Je soulignerai, pour finir, la rapidité des évolutions dans ce domaine : nos conclusions du mois de novembre 2013 devraient déjà être actualisées. Il ne faut pas obérer la recherche, afin de pouvoir rejoindre le groupe des pays les plus en pointe. Rester à l'écart serait dangereux pour l'avenir de notre industrie.
Merci, messieurs les rapporteurs, vos travaux finalisés apportent enfin des éléments de précision sur les techniques alternatives. Ce rapport a une autre tonalité que votre rapport d'étape, à propos duquel j'avais réagi.
Vous évoquez l'heptafluoropropane, qui n'est pas inflammable, contrairement au propane, et dont l'usage paraîtrait prometteur. Toutefois, cet usage ne remet pas en cause la nécessité de procéder par fracturation. Il s'agit bien de faire éclater la roche-mère mais vous n'évoquez pas les risques géologiques.
Le débat sur les gisements d'hydrocarbures non conventionnels doit faire l'objet d'éclairages de ce type. Je me demande d'ailleurs pourquoi la recherche sur ces sources d'énergie est bloquée dans notre pays ! En Pologne, où des réserves considérables nous étaient annoncées, les projections les plus récentes ont divisé les estimations par cinq ou six. Il nous faut donc mieux connaître notre sous-sol, et favoriser pour ce faire la recherche. La réalité a suscité la déception et le retrait d'un certain nombre d'entreprises. Cet exemple doit nous inciter à favoriser la recherche sur notre sous-sol, ce que nous pouvons faire dans le cadre de la réforme du code minier.
Si des techniques d'extraction propre, selon des risques et à des conditions socialement acceptables, se font jour, encore faudra-t-il évaluer l'opportunité économique d'une telle exploitation. Notre pays présente, à cet égard, une densité de population et des caractéristiques géologiques très différentes de celles des États-Unis où le sous-sol appartient aux propriétaires du sol, alors qu'en France, il appartient à l'État.
Si notre industrie nucléaire nous assure encore le recours à une électricité décarbonée, l'exploitation de gisements d'hydrocarbures non conventionnels dans notre pays permettrait certes de réduire nos importations.
S'agissant de l'article de Mme Maud Fontenoy, paru récemment dans la presse, il me semble qu'il ne porte pas de jugement sur la finalité mais plaide pour la recherche, pour que nous puissions savoir si nous possédons réellement des gisements. Si une technique d'extraction propre, sans risques et socialement acceptable apparaît, il restera encore à évaluer l'opportunité économique de l'exploitation. Du point de vue économique, il existe donc des différences considérables avec les États-Unis.
À l'heure actuelle, nous bénéficions encore d'une électricité largement décarbonée car d'origine nucléaire. En définitive, l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, à supposer que nous en possédions et que cette exploitation soit viable économiquement, viendrait simplement limiter les importations et améliorer la balance commerciale.
Vous avez évoqué un impact économique potentiellement important. Or, selon une étude du cabinet Roland Berger, l'exploitation des hydrocarbures de roche-mère en France n'aurait pas d'impact sur le prix de gaz et, donc, pas d'effet pour l'industrie française. Cette étude indique qu'il n'est pas possible de conclure de manière certaine à l'existence d'un manque à gagner lié à l'interdiction de la fracturation hydraulique. S'agit-il de conclusions fiables ?
Qu'est-ce qui vous permet d'affirmer qu'il y aurait plus de tolérance en Lorraine que dans le Languedoc pour l'exploitation des énergies fossiles ?
Concernant les paysages et les conséquences de l'exploitation du gaz de schiste sur l'environnement immédiat, la question de la multiplication du nombre de puits dans un même secteur se pose. Pensez-vous qu'en l'état actuel des techniques, ces impacts puissent être limités ? Les sols peuvent-ils être mieux protégés ?
Enfin, quels sont les additifs introduits lorsqu'on utilise du propane ? Ces additifs sont-ils de même nature que ceux utilisés dans le cadre de la fracturation hydraulique ?
D'après le rapport, l'utilisation de l'heptafluoropropane ne nécessite pas d'additifs.
Je remercie les rapporteurs pour leurs explications et leurs propositions. L'approche doit être rationnelle et pragmatique, plutôt qu'émotionnelle, pour toutes les parties, qu'elles soient favorables ou défavorables à l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Il est nécessaire de faire oeuvre de pédagogie pour convaincre une opinion publique dont les comportements sont de plus en plus irrationnels.
Je suis très favorable à vos propositions visant à faire de la recherche une priorité. Il conviendrait, avant tout, que nous sachions de quoi nous parlons. Notre sous-sol recèle-t-il des ressources ? Pour le savoir, il est indispensable d'autoriser a minima les recherches. Ces recherches sont, par ailleurs, nécessaires pour rassurer l'opinion publique.
C'est pourquoi votre sixième proposition, tendant à l'établissement d'un programme de recherche sur les techniques d'exploitation, m'apparaît fondamentale. La Commission européenne s'est déclarée récemment favorable à ces recherches, pour ne rien exclure a priori. Les apports de la science sont nécessaires pour éclairer les décisions politiques.
Quelle est, d'après vous, l'attitude de l'entreprise Total, au-delà de la position exprimée récemment à Davos par son PDG, M. Christophe de Margerie ?
Je souhaiterais également féliciter les deux rapporteurs qui ont effectué un travail de fond. Tant que nous ne connaissons pas nos ressources, nous pouvons difficilement nous prononcer. Il faudrait pouvoir connaître ces ressources, ce qui nécessite de modifier la circulaire de 2012.
Quelles suites comptez-vous donner à votre rapport, notamment au Parlement ? Ce rapport est de très grande qualité. Je crois qu'aujourd'hui notre pays a besoin de savoir, et non de supprimer avant de savoir.
Je souhaiterais aussi féliciter les rapporteurs. Je rejoins ce qui vient d'être dit. J'ajoute que, si l'on veut connaître nos ressources, il faut aussi mettre en oeuvre les préconisations tendant à ce que la loi du 13 juillet 2011 soit pleinement appliquée et à ce que la circulaire du 21 septembre 2012 soit retirée.
Il serait souhaitable de hiérarchiser les techniques en fonction des difficultés que présente l'extraction. Dans le Nord-Pas-de-Calais, l'extraction du gaz de houille est facilitée par la fracturation naturelle de la roche. Ce type d'exploitation ne devrait pas subir de blocages résultant du débat existant sur le gaz de schiste.
L'exploitation du gaz de houille n'est pas interdite.
Par ailleurs, effectivement, les préconisations tendant à favoriser la recherche supposent que celles relatives à l'application de la loi et au retrait de la circulaire soient mises en oeuvre.
L'usage de propane non inflammable doit être clairement distingué de la fracturation hydraulique, qui utilise de l'eau sous pression. Lorsque nous recommandons d'étudier la fracturation au propane, nous proposons bien l'étude d'une technique alternative.
Le prix du gaz ne baisserait sans doute pas en France, si le gaz de schiste était exploité. Mais cette exploitation créerait une activité industrielle et nous procurerait un gaz non importé. Aux États-Unis, le gaz de schiste coûte un tiers de ce que coûte le gaz en Europe, ce qui suscite un risque de délocalisations industrielles.
Total, qui est une multinationale, ira là où des opportunités se présenteront pour elle, c'est-à-dire aujourd'hui au Royaume-Uni et, peut-être, demain, en Allemagne. Les Allemands font, en effet, le contraire de ce qu'ils préconisent à l'échelle européenne, s'agissant par exemple de l'usage du charbon et du lignite.
Concernant les suites de notre rapport, je rappelle qu'il a été approuvé par l'Office parlementaire par dix-neuf voix contre deux. Cela donne la mesure de l'opposition qu'il y a, au Parlement, à ce que nous avons affirmé. Je souhaite que les commissions s'en saisissent, ainsi que les assemblées et les ministres. M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, a évoqué récemment l'existence d'un rapport secret, mais le nôtre est publié depuis deux mois. Le ministre rebondit sur nos idées, s'agissant de la recherche, et, éventuellement, de l'exploitation. Le débat est ouvert. La circulaire du 21 septembre 2012 peut être retirée aussi rapidement qu'elle a été édictée. Nous sommes au pays de Descartes et céder, ainsi, à une forme d'obscurantisme est inquiétant.
Au sujet de l' « éclatement de la roche », ce sont en réalité des microfissures qui sont ouvertes. Des accidents sismiques ont eu lieu mais ils n'étaient pas liés à ces microfissures. Ils ont été causés par l'injection de liquides de fracturation dans des failles. L'incident le plus ressenti en Europe s'est produit dans le cadre de travaux de géothermie. En Alsace, la géothermie, fait d'ailleurs appel à la fracturation hydraulique et utilise des additifs. Elle emploie des méthodes qui sont décriées lorsqu'il s'agit d'extraire des huiles ou du gaz.
Le ministre en charge de l'énergie a déclaré, au cours de l'été dernier, que les conséquences de la fracturation hydraulique étaient effroyables pour l'environnement, entraînant un bouleversement des paysages. Or nous n'avons rien observé de tel aux États-Unis, où nous avons assisté à des opérations de fracturation hydraulique. L'empreinte au sol est faible ; une fois que les travaux sont terminés, la nature reprend ses droits. L'idée d'une forêt de derricks ne correspond à aucune réalité. J'ajouterai, concernant les paysages, qu'il conviendrait d'examiner aussi les modalités de l'exploitation du charbon en Allemagne. L'Allemagne est considérée par certains comme un modèle. Or l'exploitation des gisements de charbon et de lignite nécessite d'ouvrir le sol et de déplacer des maisons - voire des villages.
Enfin, s'agissant des suites à donner à notre rapport, nous n'allons pas voter une loi pour qu'une loi soit appliquée. Il faut donc que soit mise en place la Commission de suivi prévue par la loi du 13 juillet 2011 ; pour que l'autorité publique s'exprime dorénavant sur ces sujets et que la connaissance progresse.
En tant qu'élu de la région Lorraine, je souhaite apporter quelques précisions au sujet du gaz de houille. Le gaz de mine est exploité depuis 1975. Le gaz de couche fait l'objet de deux permis en Lorraine. Ces permis ont été accordés à l'entreprise EGL avant que n'apparaisse la controverse sur le gaz de schiste. Depuis lors, un troisième permis a été refusé. Les réticences à l'exploitation du gaz de schiste ont donc une influence néfaste s'agissant de l'exploitation du gaz de houille.
Je vous remercie. La présentation à la commission des rapports réalisés à sa demande par l'Office parlementaire me paraît bienvenue.
La commission auditionne M. Jean-Marc Pastor, sénateur, et M. Laurent Kalinowski, député, sur le rapport fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).
Mes chers collèges, nous allons à présent écouter deux rapporteurs sur le rapport fait au nom de l'OPECST sur « L'hydrogène : vecteur de la transition énergétique ? ». Ce rapport a pour intérêt de montrer la diversité des usages de l'hydrogène.
On parle beaucoup de l'hydrogène comme vecteur d'énergie renouvelable - et non comme source d'énergie, sauf dans le cas de l'hydrogène stocké dans le sol, mais dans les faits, l'hydrogène est aujourd'hui produit essentiellement à partir d'énergies fossiles et il a de multiples utilisations dans l'industrie. Son développement passera forcément par son association avec les énergies nouvelles.
Le manque de stratégie clairement identifiée en ce domaine paraît vraiment dommageable alors que la France dispose de capacités industrielles et de recherches de premier plan dans les technologies de l'hydrogène.
Il est important à cet égard que le ministre du redressement productif, M. Arnaud Montebourg, après avoir reçu votre rapport, ait annoncé une « feuille de route » pour structurer la filière française de l'hydrogène et des piles à combustible.
Avec M. Jean-Marc Pastor, nous allons aujourd'hui vous présenter le rapport final de notre étude sur les usages énergétiques de l'hydrogène. Je voudrais d'abord revenir sur la saisine du président Raoul qui nous demandait d'étudier avec le plus grand soin les nombreuses questions posées par le développement d'une filière hydrogène allant de la production de ce gaz à son utilisation, en passant par son stockage et son transport. C'est en priorité ce que nous nous sommes attachés à réaliser au cours de notre étude, en suivant scrupuleusement la démarche d'investigation qui est celle de notre Office. Nous avons procédé à une large consultation, au travers d'auditions privées et d'une audition publique, ainsi que de plusieurs déplacements sur le terrain, en France comme à l'étranger. Au total, nous avons ainsi rencontré près de deux cents acteurs directement impliqués dans les usages énergétiques de l'hydrogène ou, plus largement, les questions énergétiques.
L'hydrogène est un gaz aux propriétés singulières. C'est de loin l'élément le plus répandu sur Terre et pourtant il est presque impossible de l'y trouver sous une forme autre que combinée avec de l'oxygène ou du carbone. Il présente une densité énergétique très élevée par unité de poids mais très faible par unité de volume. Ces caractéristiques expliquent les difficultés qu'a pu poser - et pose encore - son utilisation industrielle.
J'en viens d'abord à sa production. L'hydrogène est rarement présent à l'état naturel sous la forme pure, le dihydrogène. Des sources d'hydrogène existent néanmoins sur notre planète. IFP Énergies nouvelles s'emploie depuis quelques mois à les identifier et à évaluer la faisabilité de leur exploitation. Toutefois, l'essentiel de l'hydrogène produit aujourd'hui - environ un million de tonnes en France destinées en priorité à la chimie et à la pétrochimie - l'est à partir de gaz naturel ou d'autres hydrocarbures. Les technologies correspondantes : vaporeformage, vapocrackage etc., sont bien maîtrisées et sans cesse optimisées. En sortie d'usine, le prix moyen de l'hydrogène obtenu, de l'ordre de deux euros le kilo, est tout à fait compétitif. Pour autant, utiliser cet hydrogène comme substitut aux hydrocarbures n'aurait que peu d'intérêt, puisque sa production est émettrice de CO2. Il en va tout autrement si l'on remplace le gaz naturel par du biogaz ou le charbon par des matériaux ligneux.
Mais c'est l'électrolyse de l'eau qui est aujourd'hui le mode de production de l'hydrogène le plus prometteur pour les applications énergétiques. Il existe à ce jour trois techniques principales : les électrolyseurs alcalins, à membrane à échange de protons (en anglais PEM) et à électrolyte céramique solide. Malheureusement, chacune de ces trois technologies présente des inconvénients.
Compte tenu de ces limites, nous pensons avec M. Jean-Marc Pastor que le domaine de l'électrolyse reste un champ d'investigation scientifique et de développement industriel assez largement ouvert. L'extension des applications énergétiques de l'hydrogène devrait conduire à un accroissement de la demande en électrolyseurs de toutes tailles. Nos centres de recherche et nos industriels sont plutôt bien placés dans ce domaine. Il s'agit donc d'un axe de développement à soutenir. Aussi proposons-nous une première mesure : la détaxation de l'électricité destinée à l'électrolyse de l'eau. Elle n'est que l'inversion, dans un sens vertueux, de celle prévue aujourd'hui par le code des douanes en faveur des installations de production d'électricité à partir d'hydrocarbures.
Je vais dire à présent quelques mots du transport, du stockage et de la distribution de l'hydrogène, qui, du fait de sa très faible densité, s'avèrent plus difficiles que pour les carburants liquides. Grâce aux progrès réalisés dans le domaine du stockage, sous pression à 350 ou 700 bars, ou sous forme solide, notamment dans les hydrures, la palette de solutions disponibles, même dans le cas d'applications exigeantes comme les transports automobiles, devrait permettre de répondre aux besoins, à des coûts potentiellement acceptables, après industrialisation.
Il en va tout autrement concernant le transport de l'hydrogène, qui reste et restera sans doute à l'avenir coûteux. Pour cette raison, nous estimons que les solutions permettant de produire l'hydrogène au plus près des lieux de consommation, de façon décentralisée, doivent être privilégiées.
Quant à la distribution de l'hydrogène, cette question se pose d'abord dans le secteur automobile. Est-il possible de mailler le territoire avec des stations à hydrogène, comme cela a été fait dans le passé pour l'essence et le diesel, ou pour le gaz naturel véhicule dans certains pays ? Faut-il le faire avant ou après le déploiement d'un parc de véhicules à hydrogène et à quel rythme ? Certains pays, comme le Japon, la Corée, mais aussi l'Allemagne ou les pays d'Europe du nord, prévoient d'installer, par avance, plusieurs dizaines ou centaines de stations à hydrogène. Dans ces pays, ce sont les constructeurs automobiles qui prendront en charge la plus grande part des investissements nécessaires. En France, ce n'est, bien entendu, pas envisageable. Aussi un certain nombre d'acteurs industriels français proposent-ils une solution alternative consistant à déployer de petites stations à hydrogène avec des parcs de véhicules utilitaires électriques dotés d'un système de prolongation d'autonomie à hydrogène. Au départ réservées à certains parcs, ces stations pourraient par la suite être ouvertes au public. Si cette proposition devait se concrétiser, nous pensons qu'il faudra très vite mettre en place une incitation à l'ouverture au public de ces stations.
J'en viens au dernier maillon de la chaîne de la filière hydrogène : celui de l'utilisation. La quasi-totalité des utilisations énergétiques de l'hydrogène passent par un dispositif permettant de produire directement de l'électricité : c'est la pile à combustible qui fait appel à un principe inverse à l'électrolyse.
Comme pour les électrolyseurs, il existe plusieurs catégories de piles à combustibles, dont deux principales : les piles à basse température à membrane d'échange de protons, bien adaptées aux applications de mobilité, et les piles à oxydes solides qui fonctionnent à très haute température, mieux adaptées aux applications stationnaires.
Ce sont les progrès réalisés dans ces deux catégories de piles à combustible, concernant le prix, la fiabilité et la durée de vie, qui expliquent la multiplication des applications énergétiques de l'hydrogène, même si elles se limitent pour l'instant à des marchés de niche. En 2012, 46 000 piles à combustible ont été commercialisées dans le monde, soit une croissance de 86 % en un an.
Comme l'a montré notre audition publique du 30 octobre 2013, ces marchés de niche concernent actuellement des applications telles que l'autonomie énergétique des sites isolés ou les chariots élévateurs, dans le cadre desquelles la pile à combustible et l'hydrogène parviennent progressivement à s'imposer face aux technologies existantes. Ces marchés devraient précéder des applications à destination du grand public, dans des domaines tels que l'aide à la mobilité, le rechargement des téléphones et ordinateurs, l'automobile ou la micro-cogénération, c'est à dire la production d'électricité et de chaleur à l'intérieur des bâtiments.
En ce qui concerne l'automobile, étant donné les choix des grands constructeurs nationaux, ce sont des acteurs de plus petite taille qui essayent d'identifier des applications de mobilité pour lesquelles le véhicule à hydrogène pourrait devenir concurrentiel face aux autres solutions disponibles sur le marché. L'un de ces marchés est celui des véhicules utilitaires qui représentent 15 % des véhicules légers mais roulent et polluent plus que les voitures de tourisme. C'est pourquoi nous préconisons de favoriser le développement de telles solutions en étendant le bénéfice du bonus écologique aux véhicules utilitaires dont le seuil d'émission de CO2 est inférieur à 20 g/km. Afin de ne pas alourdir la fiscalité des entreprises, ce bonus serait uniquement gagé par un aménagement du malus écologique sur les véhicules de tourisme.
À côté de ces applications qui font appel à la pile à combustible s'en développe une autre qui concerne la réutilisation directe de l'hydrogène dans le réseau gazier : c'est ce que nos voisins allemands ou anglo-saxons nomment le « Power to gas ». L'intérêt de cette technologie est de permettre des échanges dans les deux directions entre réseau électrique et gazier. Jusqu'à présent, seule la production d'électricité à partir du gaz était possible. L'électrolyse combinée à l'injection d'hydrogène permet d'orienter vers le réseau de gaz naturel les surplus de production électrique, notamment à partir d'énergies renouvelables intermittentes. D'après une étude présentée par GRTGaz, à l'horizon 2030, ce sont 25 térawatt-heures de production annuelle excédentaire qui pourraient ainsi être convertis pour réduire nos importations de gaz, à un coût final équivalent à celui de ce dernier.
Je vais à présent vous présenter la seconde partie de notre étude, en commençant par un rappel rapide du rôle que l'hydrogène pourrait jouer dans l'intégration des énergies renouvelables intermittentes.
Comme l'ont démontré certains rapports de notre Office, le développement à grande échelle des énergies intermittentes que sont l'éolien et le solaire requiert des solutions de stockage massif de l'énergie, afin de valoriser les investissements. Les pays voisins ont développé les énergies intermittentes de façon conséquente et se trouvent aujourd'hui en situation de rupture : l'Allemagne doit parfois vendre de l'électricité à un prix négatif.
Associer moyens de stockage de l'énergie et énergies renouvelables intermittentes permet de réduire de façon très sensible l'impact de ces dernières sur le réseau électrique. Le réseau peut en effet absorber un volume d'électricité limité. En cas de pointe, il faut lisser la production et donc stocker ou arrêter la production d'électricité d'origine renouvelable.
Par rapport à d'autres solutions, l'intérêt de l'hydrogène est double. D'une part, il n'impose aucune contrainte en termes de localisation géographique ou de dimensionnement. D'autre part, l'hydrogène n'est pas seulement un moyen de stocker l'électricité pour la restituer un peu plus tard. Sa principale utilité est de permettre un usage direct de l'énergie stockée pour des applications diversifiées : comme combustible pour véhicules ou pour la cogénération, pour être injecté directement dans le réseau gazier dans des pourcentages de 5 % à 20 %, pour enrichir des biocarburants, pour créer des carburants de synthèse ou encore comme composant pour la chimie. A ce propos, en 1950, le réseau de gaz était, dans certaines grandes villes, alimenté à 50 % par de l'hydrogène pur ; on vise aujourd'hui un pourcentage beaucoup plus faible parce que les équipements ménagers ne sont pas adaptés. Nos voisins européens ont montré la voie pour la transformation d'hydrogène en gaz par méthanation, ce qui améliore l'indépendance énergétique et réduit la facture énergétique : au-delà des enjeux techniques, n'oublions pas les enjeux politiques et économiques ! La biomasse peut aussi constituer une source importante de matière première pour fabriquer de l'hydrogène.
Je vais maintenant vous présenter nos recommandations qui visent à créer les conditions du développement d'une filière hydrogène nationale.
D'abord, je tiens à souligner que le potentiel scientifique et industriel de notre pays dans ce domaine nous semble incontestable. La France dispose d'entreprises parmi les plus compétentes du monde, mais elles se développent hors de nos frontières.
Nous avons identifiés deux freins majeurs à l'innovation pour cette filière. Le premier frein concerne l'absence de position claire du Gouvernement sur le rôle qu'elle pourrait jouer dans l'avenir énergétique du pays alors qu'il met l'accent sur la voiture électrique, dont l'autonomie est limitée. Le second frein est le poids de la réglementation, qui décourage l'innovation. Par exemple, les réponses de l'administration pour le positionnement d'une unité d'hydrogène peuvent varier d'un endroit à un autre.
Nous avons donc défini cinq grandes orientations pour la structuration de la filière hydrogène.
Première orientation : mettre en place un triptyque organisationnel, comme au Japon ou en Allemagne :
- le Gouvernement doit affirmer, au plus haut niveau, l'importance du vecteur énergétique hydrogène et celle du développement d'une filière industrielle nationale ;
- il doit aussi fédérer les acteurs de la filière hydrogène autour d'un projet cohérent de développement à moyen terme. On peut faire, en cinq ans et grâce aux savoir-faire dont disposent déjà les industriels, ce que d'autres ont fait en dix ans ;
- un comité national d'orientation de la filière hydrogène, placé sous l'égide du ministère du Redressement productif, doit assurer la coordination et le suivi.
La deuxième orientation vise à lever les freins à l'innovation d'ordre réglementaire. D'autres pays ont harmonisé les règles dans les gaz énergétiques, sans prévoir de spécificité pour l'hydrogène, alors que nous avons des réglementations séparées pour chaque type de gaz.
Nous proposons la création d'un groupe de travail pluraliste pour l'instruction des demandes d'autorisation, ainsi que l'instauration d'un délai maximum de trois mois pour la réponse initiale sur la faisabilité d'une nouvelle demande d'installation dans le domaine de l'hydrogène énergie et de douze mois maximum pour l'instruction complète de ce type de dossier. Aujourd'hui, cela prend plusieurs années.
La troisième orientation concerne des mesures plus ciblées, principalement fiscales, destinées à faciliter l'émergence de cette nouvelle filière. Outre les mesures déjà évoquées par M. Laurent Kalinowski, il faudrait exonérer l'hydrogène d'origine renouvelable de toute taxation, pendant une période d'au moins cinq ans. Cette mesure serait gagée par une taxation des hydrocarbures utilisés pour produire de l'hydrogène, notamment à des fins de raffinage des produits pétroliers.
La quatrième orientation concerne le rôle des territoires dans la nouvelle gouvernance énergétique. La gouvernance centralisée a produit des effets positifs, qu'il faut préserver, mais l'hydrogène, qui récupère le potentiel énergétique non exploité, doit être produit sur place, en raison des coûts de transport élevés. Nous plaidons donc pour un lien direct entre l'unité de production et l'utilisation locale, ce qui implique une nouvelle gouvernance de l'énergie. Des opérateurs privés doivent se placer aux côtés des collectivités.
Enfin, il faut établir un partenariat européen de l'hydrogène et travailler ensemble pour harmoniser les règlements et les règles d'utilisation des réseaux.
Je suis convaincu que le développement des énergies renouvelables suppose le stockage de l'électricité produite et le développement d'une filière hydrogène. Mais cette technologie est-elle vraiment mature ? Peut-on donner une fourchette de coûts de production, en fonction de la technique employée ? Enfin, je lis dans votre rapport qu'il existerait des sources d'hydrogène naturel en Italie, en Grèce et dans le sud-est de la France : est-il possible de les exploiter dans des conditions écologiques satisfaisantes et où sont-elles situées plus précisément ?
La technique de l'hydrolyse, utilisée pour stocker l'électricité produite par les éoliennes, est connue depuis deux cents ans. Une dizaine d'industriels produisent des hydrolyseurs de toutes tailles. S'agissant du prix, je rappelle que le prix de l'électricité éolienne résulte aujourd'hui de la réglementation et non du jeu du marché ; or le législateur ne s'est pas penché sur le potentiel de la production d'électricité avec stockage. On arrive à produire de l'hydrogène à deux euros le kilo, ou six à huit euros si on inclut les coûts de stockage et de transport.
Enfin, je rappelle que l'hydrogène constitue les trois quarts de la matière de la planète. Il est souvent associé à d'autres atomes, par exemple dans l'eau, mais il est parfois présent sous forme de dihydrogène dans des « poches ». Il peut s'agir d'endroits difficilement accessibles et l'extraction peut être coûteuse.
Nous pourrions être en avance grâce aux brevets détenus par les entreprises françaises. Le Japon et l'Allemagne, qui avaient des besoins en énergie spécifiques, ont ainsi choisi de privilégier la filière hydrogène. Nous pourrions mettre l'accent sur les flottes captives et associer les collectivités territoriales en cohérence avec la politique nationale. Ces filières doivent d'ailleurs s'ouvrir sur l'Europe, car les véhicules à hydrogène se déplaceront. Rappelons que ce chantier a retenu l'attention du ministère du Redressement productif.
La commission nomme M. Alain Fauconnier sur la proposition de loi n° 331 (2013-2014) relative à l'interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON810.