Mes chers collègues, nous allons commencer cette réunion par une communication de Nicole Bonnefoy, qui va nous présenter le bilan des auditions qu'elle a menées en tant que référente « Situation du transport aérien » de notre commission.
La semaine dernière, nous avons conclu notre cycle d'auditions relatif aux répercussions de l'épidémie de Covid-19 sur le transport aérien. Après deux auditions, dont une plénière, du groupe Air France-KLM, des auditions de la Fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM), d'Aéroports de Paris (ADP) et de l'Union des aéroports français (UAF), ainsi que des échanges avec la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), le temps est donc venu pour moi de vous présenter le bilan de nos travaux. Avant de vous détailler les propositions qui structurent mon rapport, je voudrais vous rappeler quelques rapides éléments de contexte, désormais bien connus de tous. En quelques semaines, c'est la quasi-intégralité des activités du secteur qui a été interrompue. Aujourd'hui, le trafic français s'élève à 2 % de son niveau habituel. Inédite par son ampleur, la crise pourrait aussi l'être par sa durée. Le discours du Premier ministre d'hier confirme que la reprise réelle du trafic n'est clairement pas pour demain : rien n'a été dit sur la réouverture des frontières. Quant aux vols internes, ils seront dans un premier temps restreints aux déplacements familiaux et professionnels impérieux. Selon les organismes et personnes entendues par la commission, il ne faut pas s'attendre à un retour à la normale avant fin 2021 ou 2022. Malgré les mesures de soutien à la trésorerie des entreprises, et notamment au report des taxes et redevances aériennes, les faillites seront inévitables et la concentration sur le marché des compagnies - déjà à l'oeuvre avant le début de la crise - devrait être considérablement accélérée.
J'en viens maintenant à mes axes de recommandations qui se déploieront dans quatre directions.
Le premier axe porte sur les règles sanitaires qui doivent être instaurées pour restaurer la confiance des passagers. Les annonces faites hier par le Premier ministre soulèvent plus de questions qu'elles n'apportent de réponses. On a bien compris que le port du masque serait rendu obligatoire à bord, ce qui correspond aux demandes de nombreux acteurs. Le Premier ministre a également affirmé que dans les transports urbains, il faudrait libérer un siège sur deux. Ce dispositif s'appliquera-t-il au transport aérien ? Le Premier ministre n'a pas apporté de précisions à ce sujet. Si cette règle venait à s'appliquer, cela condamnerait de fait le siège du milieu dans des avions organisés en travées de trois fauteuils. Il y aurait donc, au mieux, des taux de remplissage de ces appareils de 66 %. Or, Air France a affirmé devant nous que sa marge deviendrait négative, à - 25 %, si un siège sur trois n'était plus commercialisé. Les compagnies estiment de surcroît que cette règle serait inutile, les avions bénéficiant de systèmes de régénération de l'air très performants. Je considère que la capacité des régénérateurs d'air à empêcher les contaminations à bord doit très vite être expertisée. La stratégie à adopter en dépendra. Des questions se posent également sur les contrôles sanitaires qui pourraient être effectués au sol. Faut-il instaurer systématiquement des tests avant l'envol des passagers ? Le cas échéant, faudrait-il les rendre obligatoires avant l'arrivée à l'aéroport, ou sur place, au risque de créer d'interminables files d'attentes ? Des contrôles doivent-ils être mis en place à l'arrivée des passagers ? Certains acteurs ont esquissé des solutions, qui pourraient s'organiser autour d'un triptyque : mise en place de caméras thermiques à l'arrivée des passagers ; test systématique des personnes suspectes par du personnel qualifié ; isolement des personnes testées positives. Mais ce système pourrait poser des difficultés : comment s'assurer que suffisamment de personnel qualifié, habilité à faire des tests, sera mis à disposition des aéroports ? Quoiqu'il en soit, des règles précises, au sol comme en vol, devront être précisées par le Gouvernement avant le 11 mai. Il est également indispensable qu'elles fassent l'objet d'une concertation européenne. Une réflexion devra en outre être menée très rapidement pour garantir un financement équitable des mesures de contrôle sanitaire qui pourraient être mises en place dans les aéroports. À court terme, un financement intégral des dispositifs par la taxe d'aéroport, prélevée sur les billets, ne semble pas réellement envisageable, en raison du faible niveau de trafic. Une avance de l'État, avec un remboursement dans le temps des compagnies via la taxe d'aéroport, sera a minima nécessaire ; une répartition de la charge entre la puissance publique et les compagnies pourrait également être actée.
Mon deuxième axe portera sur le nécessaire soutien de la puissance publique au secteur aérien afin d'éviter une asphyxie générale du secteur. Beaucoup de choses ont déjà été faites. Je pense notamment à l'octroi à Air France-KLM de prêts de 7 milliards d'euros, dont 4 milliards d'euros de prêts bancaires garantis à 90 % par l'État et 3 milliards de prêt direct. Cette aide à la trésorerie, aussi nécessaire qu'elle soit, pourrait cependant ne pas être suffisante pour le groupe qui devra faire face à d'importantes échéances. Il semble donc nécessaire, qu'à moyen terme, l'État participe à la probable recapitalisation d'Air France-KLM. La montée en capital, plutôt que la nationalisation, me paraît préférable : elle permettrait à l'État d'accompagner Air France dans le transport aérien de demain, tout en laissant à l'équipe dirigeante l'autonomie nécessaire à la reconstruction. Par ailleurs, le soutien de l'État à la trésorerie des compagnies aériennes devra être complété, très rapidement, par une révision du règlement européen relatif au remboursement des vols annulés, afin de permettre, de manière dérogatoire, un dédommagement des consommateurs par la remise d'avoirs valables plusieurs mois. Afin de trouver un équilibre satisfaisant entre protection du pavillon français et respect du droit du consommateur, je préconise également la mise en place d'un fonds de garantie, afin d'assurer le remboursement par la puissance publique des billets en cas de faillite d'une compagnie. Enfin, des mesures de soutien de court terme sont sans doute nécessaires pour accompagner les aérodromes. En dépit du gel du trafic, certaines activités de sécurité et de sûreté ont dues être maintenues sur les sites. Or, ces activités sont normalement financées par la taxe d'aéroport, prélevées sur les billets d'avions. Il me semble donc juste et logique que les déficits des aérodromes au titre de ces missions régaliennes soient évalués par la DGAC et que les pertes soient compensées, au cas par cas, lorsque la situation financière de l'aérodrome l'exige et tant que la taxe d'aéroport ne permettra pas d'apporter les ressources nécessaires.
J'en viens maintenant à mon troisième axe de recommandations, qui portera sur l'indispensable verdissement du transport aérien français. J'estime que l'épidémie de Covid-19 constitue une occasion historique de rebâtir notre modèle. Les circonstances appellent aujourd'hui à un retour de l'État stratège, pour accompagner le secteur, et tout particulièrement le pavillon national, vers le transport aérien de demain, plus durable, compatible avec les objectifs climatiques de notre pays. Le Gouvernement l'a annoncé, les aides directes de l'État à Air France auront une contrepartie : la publication d'un plan de réduction des émissions de CO2 du groupe. Il me semble qu'il pourrait être attendu du plan d'Air France plusieurs éléments, qui pourraient être transmis par l'entreprise à l'État d'ici la fin de l'année. À court terme, et avant même la publication du plan, le groupe pourrait par exemple s'engager à une remise en service prioritaire de ses avions les plus sobres. Le plan pourrait également prévoir un volet relatif au renouvellement des flottes et l'incorporation de biocarburants durables, en fixant des objectifs et trajectoires ambitieux. Le plan devrait enfin définir les modalités de restructuration du réseau intérieur d'Air France et de ses filiales, en envisageant un déclin progressif des lignes radiales (reliant Paris), concurrencées avant la crise par l'offre ferroviaire, moins polluante. Cette voie semble d'autant plus inévitable, que la crise pourrait ancrer durablement le recours au télétravail. Par ailleurs, il me semble que la crise actuelle constitue l'occasion de renforcer l'ambition de la France en matière de biocarburants durables. Les objectifs de court et moyen terme fixés par le Gouvernement - incorporation de biocarburants de 2 % en 2025 et de 5 % en 2030 - pourraient être accrus. Il est également primordial que l'appel à manifestation d'intérêt lancé par le Gouvernement pour soutenir la construction d'une filière de biocarburants soit maintenu en dépit de la crise sanitaire et qu'il puisse aboutir, le plus rapidement possible, à des projets d'investissement, qui pourraient faire l'objet d'un soutien spécifique à la relance. Enfin, la France doit faire de la redéfinition du modèle aérien mondial une priorité absolue de sa diplomatie climatique dans les mois et années à venir. Aucune piste ne doit être écartée. À court et moyen terme, la priorité doit être donnée au maintien du programme CORSIA, qui obligera, dès 2021, les compagnies aériennes à compenser les émissions de CO2 supérieures aux niveaux enregistrés en 2020. Des voix se sont déjà levées pour que les seuils de référence soient fixés en fonction des niveaux d'émissions d'avant la pandémie. Cela reviendrait à vider CORSIA de son contenu. Au contraire, en maintenant 2020 comme année de référence, le programme se doterait d'une ambition nouvelle, contraignant le secteur à compenser une partie importante de ses émissions. Les États européens doivent donc défendre les règles actuelles de CORSIA auprès des autres puissances internationales, en agitant, s'il le faut, le spectre d'une intégration de l'ensemble des vols internationaux dans le marché européen des droits à polluer, pour l'heure limité aux seuls vols intra-européens.
Il me reste enfin un dernier axe de réflexion à vous présenter : celui relatif à l'aménagement du territoire par l'aérien, qui devra s'adapter à la crise sanitaire et à ses conséquences. Premièrement, il convient dès à présent d'adapter et d'accroître, si nécessaire, le soutien aux lignes d'aménagement du territoire, qui jouent un rôle essentiel de désenclavement dans des territoires ne disposant pas d'une offre ferroviaire satisfaisante. À ce titre, la continuité territoriale impose une reprise progressive de l'activité des compagnies. Les obligations de service public doivent donc rapidement être modifiées par l'État, en concertation avec les collectivités, afin de calibrer le service à la demande, nécessairement réduite en cette période de crise sanitaire et ce, d'autant plus, que le Premier ministre a annoncé hier que les déplacements interrégionaux et interdépartementaux seraient dans un premier temps restreints aux déplacements familiaux et professionnels impérieux. Par ailleurs, l'affaiblissement du réseau intérieur d'Air France pourrait rendre nécessaire l'ouverture de nouvelles lignes d'aménagement du territoire. À cet égard, il est donc nécessaire que l'État maintienne et le cas échéant, accroisse, le soutien financier à ces lignes prévu par la Stratégie nationale du transport aérien. Enfin, il reviendra à l'État et aux collectivités territoriales d'adapter le maillage aéroportuaire français à la reconstruction du réseau qui suivra la crise sanitaire. Les compagnies aériennes vont largement modifier leur stratégie à la sortie de la crise : certaines liaisons pourraient ainsi être remises en cause et l'avenir de structures aéroportuaires pourrait être bouleversé. Les régions, cheffes de file en matière d'aménagement du territoire et de développement économique, devront adapter leur stratégie aéroportuaire à cette nouvelle donne. Pour les régions n'ayant pas encore adopté une telle stratégie, il convient qu'elles se saisissent, plus que jamais, de leur compétence en la matière. Ces schémas régionaux permettront de développer des synergies, d'éviter des concurrences non optimales entre plateformes, et d'envisager des reconversions d'aérodromes vers des activités autres que le transport de passagers. Les collectivités territoriales pourront ainsi accompagner, à l'échelle locale, le secteur vers le transport aérien de demain.
Voilà, mes chers collègues, les principales propositions que je souhaitais vous présenter. De nombreuses questions restent aujourd'hui en suspens, concernant notamment les règles de sécurité sanitaire qui devront être respectées au sol comme dans les avions. Les recommandations que j'ai formulées n'ont donc pas la prétention d'être exhaustives. Il me semble néanmoins qu'elles donnent le cap de ce que pourrait être notre ambition dans les mois à venir : rebâtir un modèle aérien plus durable, autour de quelques acteurs nationaux indispensables à l'exercice de notre souveraineté.
Comme nous avons eu l'occasion de le dire la semaine passée lors de l'audition du groupe Air France-KLM, il faut que l'État apporte un soutien fort au pavillon français, qui est vital. Il faut aussi affirmer que le redressement d'Air France ne doit pas de faire au détriment de l'ambition environnementale ni de l'aménagement du territoire. Je rappelle néanmoins que ce n'est pas à l'entreprise de supporter les coûts de l'aménagement du territoire, c'est à la puissance publique de s'assurer du respect de ces obligations.
Il sera difficile de maintenir les gestes barrières dans les avions. Il faudra rapidement expertiser l'efficacité des régénérateurs d'air. Les passagers doivent être rassurés et avoir la certitude que les régénérateurs offrent des conditions de sécurité sanitaire suffisantes.
Le Premier ministre a annoncé hier que les déplacements interrégionaux et interdépartementaux seraient dans un premier temps restreints aux déplacements familiaux et professionnels impérieux. Air France sera-t-il concerné par cette annonce ?
Concernant la sécurité des employés dans les aéroports et les avions, un plan de formation a-t-il été engagé et présenté ?
L'offre aérienne intérieure est déjà considérablement réduite. Elle va probablement demeurer réduite dans les semaines à venir, en raison des annonces du Premier ministre.
Quant au plan de formation du personnel, nous n'avons pas abordé ce point directement durant les auditions que nous avons menées. Néanmoins, les acteurs auditionnés nous ont affirmé avoir déjà adapté leurs méthodes, au sol comme en vol.
Une aide a logiquement été accordée à Air France. D'autres compagnies françaises sont aujourd'hui en difficulté : je pense notamment à Corsair et à Air Caraïbes. Ce sont des compagnies qui assurent pourtant la continuité territoriale avec l'outre-mer.
Il y a donc un risque qu'Air France se trouve seule sur ces liaisons et, qu'à terme, les prix augmentent. L'intérêt de la France n'est-il pas également de soutenir des compagnies qui assurent la concurrence et la continuité territoriale pour nos territoires ultra-marins ?
Je partage cette inquiétude et l'intérêt de ne pas avoir uniquement une seule compagnie pour la desserte ultra-marine. Nous devons porter une attention particulière aux autres compagnies françaises, en particulier celles qui desservent l'outre-mer.
Néanmoins, je crois qu'il faut, quoi qu'il en soit, s'attendre à une augmentation du prix des billets, en raison des règles sanitaires qui devront être mises en place.
Comme chaque année, il nous appartient de dresser le bilan de l'application des lois suivies par notre commission, qui porte sur les lois adoptées au cours des dix dernières années jusqu'au 30 septembre 2019. Sont comptabilisées, dans ce bilan, les mesures d'application prises jusqu'au 31 mars 2020.
Cette année, comme l'a proposé le Bureau de la commission, les rapporteurs des dernières lois adoptées présenteront un point sur leur application, conformément à la récente réforme du Règlement du Sénat qui prévoit que le rapporteur est chargé de suivre l'application de la loi après sa promulgation et jusqu'au renouvellement du Sénat.
Deux lois importantes ont été définitivement adoptées après le 30 septembre 2019 et ne sont donc pas comptabilisées dans le bilan statistique d'application des lois cette année, même si leur rapporteur nous feront un premier bilan de leur application : la loi d'orientation des mobilités et la loi relative l'économie circulaire.
Quatre lois examinées au fond par notre commission sont entrées en vigueur au cours de l'année parlementaire 2018-2019 : la loi du 22 juillet 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et la loi organique relative à la nomination de son directeur général, ainsi que la loi du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité et la loi organique portant sur la nomination de son directeur général.
Seules les lois ordinaires nécessitaient des mesures d'application. Au 1er avril 2020, une majorité des mesures d'application attendues avaient déjà été publiées : la loi sur l'ANCT est applicable à 73 % et la loi créant l'Office français de la biodiversité à 62 %.
Parmi les vingt-cinq lois adoptées avant la dernière année parlementaire au cours des dix dernières années relevant des domaines de compétence de la commission et prévoyant des mesures d'application, neuf nécessitent encore une ou plusieurs mesures d'application au 1er avril 2020, ce qui est encore beaucoup trop.
Seize mesures d'application de ces lois ont été adoptées entre le 1er avril 2019 et le 31 mars 2020, faisant ainsi progresser leur taux d'application ; mais en regardant dans le détail, on se rend compte que certaines mesures concernent des textes adoptés depuis plus de six ans. C'est le cas par exemple de la loi du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable, pour laquelle un décret a été publié le 4 septembre 2019.
Le taux d'application de lois importantes adoptées en 2016 n'est pas satisfaisant, plus de trois ans après leur adoption. C'est le cas de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, pour laquelle quatre mesures d'application sont encore attendues. C'est également le cas de la loi du 20 juin 2016 pour l'économie bleue - trois mesures d'application sont encore attendues ; la loi est applicable à 88 % - et de la loi du 28 décembre 2016 sur la montagne - quatre mesures d'application sont encore attendues et de ce fait la loi n'est applicable qu'à 73 %.
Enfin, le taux d'établissement des rapports demandés au Gouvernement est toujours en dessous de 50 % : sur les 55 rapports attendus depuis le 1er octobre 2009, seuls 25 ont été à ce jour transmis.
J'aimerais pour terminer évoquer un sujet important : la ratification des ordonnances prévues par la loi pour un nouveau pacte ferroviaire. Les ordonnances prises sur le fondement des habilitations prévues dans la loi ont été publiées et les projets de loi de ratification ont été déposés. Néanmoins, aucun de ces textes n'a fait l'objet d'une ratification, faute d'inscription à l'ordre du jour des projets de loi de ratification. Nous avions pourtant insisté sur ce point lors de l'examen du projet de loi, en indiquant qu'il serait indispensable que l'examen des mesures de ratification s'accompagne d'un véritable débat sur les choix retenus, afin d'examiner leur adéquation aux objectifs fixés par la loi. Force est de constater que tel n'a pas été le cas et que le Parlement n'a pas eu l'occasion de débattre des choix faits par le Gouvernement.
L'exemple le plus frappant est celui de l'ordonnance sur la gouvernance de la SNCF. Publiée en juin dernier, elle a fait l'objet de sévères critiques par le régulateur quant à l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure. Or ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2020 et le Parlement est mis devant le fait accompli, sans avoir eu l'occasion de débattre des choix proposés.
Lors de notre déplacement au Conseil d'État, celui-ci avait en outre souligné que le Gouvernement prenait parfois des libertés par rapport au périmètre des habilitations à légiférer par ordonnance.
La loi pour un nouveau pacte ferroviaire, que nous avons adoptée il y a bientôt deux ans, a acté une profonde réforme du système ferroviaire français en prévoyant notamment son ouverture à la concurrence, à compter de 2021 pour les services librement organisés, et de décembre 2019, de manière facultative, puis de décembre 2023, de manière obligatoire, pour les services conventionnés.
Comme nous l'avions évoqué à l'occasion de la table ronde sur les enjeux du nouveau pacte ferroviaire l'année dernière, la réussite de cette ouverture à la concurrence est en grande partie tributaire d'un certain nombre de textes d'applications prévus. Ces textes, qu'il s'agisse d'ordonnances ou bien de décrets, sont également de nature à donner de la visibilité aux différentes parties prenantes en amont de l'ouverture à la concurrence.
À ce jour, 96 % des mesures attendues ont ainsi été publiées, dont des textes particulièrement structurants dans la perspective des futures échéances. Je pense par exemple au décret concernant la transmission des données relatives aux services faisant l'objet d'un contrat de service public, à celui relatif à aux redevances d'infrastructures liées à l'utilisation du réseau ferré, ou encore à l'ordonnance relative à la gouvernance de la « nouvelle SNCF ».
Le contenu de certains de ces textes suscite toutefois des inquiétudes. Je pense en particulier à l'ordonnance qui définit la nouvelle architecture du groupe SNCF. L'Autorité de régulation des transports (ART) a émis de vives réserves quant à certaines dispositions prévues, notamment sur la composition du conseil d'administration de SNCF Réseau, qui compte un tiers de membres nommés sur proposition de la société nationale SNCF, et sur la capacité de blocage de ces membres sur certaines décisions. Pour le régulateur, ces dispositions sont susceptibles de porter atteinte à l'indépendance de SNCF Réseau, qui constitue pourtant une condition sine qua non de la réussite de l'ouverture à la concurrence.
Au-delà des textes qui ont déjà été publiés, il convient de souligner que certaines mesures d'application doivent encore être prises. À l'approche des futures échéances d'ouverture à la concurrence, et alors que les entreprises ferroviaires rencontrent d'importantes difficultés, il est crucial de leur donner de la visibilité pour l'avenir.
L'achèvement du cadre social de la réforme, en particulier, est nécessaire. La loi pour un nouveau pacte ferroviaire prévoyait à son article 32 une habilitation à légiférer par ordonnance afin de favoriser le développement de la négociation collective au sein de la branche ferroviaire et de tirer les conséquences de l'absence de conclusion d'accords collectifs. À la suite de l'expiration du délai d'habilitation, un article de la loi d'orientation des mobilités a renouvelé cette habilitation. Or, après l'échec de l'accord de branche sur les classifications et les rémunérations en février dernier, le Gouvernement n'a pas encore recouru à cette possibilité.
Un autre texte très attendu - qui ne relève pas directement de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire mais qui est essentiel pour stabiliser le paysage de demain - est le décret sur le transfert de certaines petites lignes aux régions, en vertu de l'article 172 de la LOM.
Enfin, la réussite de la mise en oeuvre de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire est également liée à d'autres facteurs, et notamment à la trajectoire financière de SNCF Réseau. Si un décret d'application de la loi publié en décembre 2019 précise les modalités d'application de la nouvelle « règle d'or » pour le gestionnaire d'infrastructure, le régulateur considère que ce dispositif ne suffit pas, à lui seul, à garantir son redressement économique. Il est en outre important que cette règle d'or ne se traduise pas par une pénalisation du renouvellement, de la modernisation et du développement du réseau ferroviaire. Or, dans le contexte actuel, SNCF Réseau est privée d'importantes ressources liées aux péages ferroviaires.
Lors de son audition par la commission il y a deux semaines, Jean-Baptiste Djebbari a indiqué que sa trajectoire financière devrait être révisée, de même que le calendrier et la priorisation des travaux. Aussi, alors que l'actualisation du contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau devrait intervenir d'ici l'été, nous devrons être particulièrement attentifs à ce que ses recettes soient sécurisées. Il sera en outre important que ce contrat soit cohérent avec le contrat pluriannuel prévu par la loi entre l'État et la filiale chargée de la gestion unifiée des gares.
Contrairement à la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, la LOM, qui a été promulguée il y a quatre mois seulement, n'est encore que très partiellement applicable. 127 mesures d'applications sont attendues au total, dont 18 habilitations à légiférer par ordonnance. Or, à ce jour, n'ont été publiés qu'une ordonnance relative au permis d'armement et aux fouilles de sécurité des navires, ainsi que deux décrets, dont l'un adapte l'organisation et le fonctionnement de la Société du Canal Seine-Nord Europe à son nouveau statut d'établissement public local et l'autre définit un contrat type pour les auto-écoles.
Des volets importants de la loi ne sont donc pour l'instant pas applicables, ou seulement partiellement, qu'il s'agisse du cadre de l'ouverture des données de mobilité, du forfait mobilités durables, de l'encadrement des relations entre les plateformes de mobilité et des travailleurs, du verdissement des flottes de véhicules des entreprises, ou d'un certain nombre de mesures relatives au développement du vélo.
Le Gouvernement visait initialement un objectif de publication des décrets d'application ambitieux, puisque la majorité de ces mesures devait être publiée avant l'été 2020. Comme vous l'imaginez, la crise sanitaire, qui a perturbé l'organisation du ministère et réorienté une partie de ses moyens sur la gestion de l'urgence, engendre un retard dans la préparation de ces mesures d'un à deux mois au moins, d'autant plus que les acteurs des transports qui sont consultés sur leur rédaction sont eux aussi pleinement accaparés par la crise.
Le ministère s'efforce toutefois de maintenir le calendrier de publication de certaines mesures importantes, afin de respecter les échéances prévues par la loi. C'est le cas par exemple du décret relatif aux zones à faibles émission mobilités, qui doit impérativement être pris dans les prochains mois puisque la LOM rend obligatoire la mise en place de telles zones avant le 31 décembre 2020 sur les territoires qui ne respectent pas de manière régulière les normes de qualité de l'air. Un projet de décret a été finalisé et soumis à consultation à la fin du mois de mars.
D'autres projets de décret ont été finalisés, comme ceux relatif au forfait mobilités durables et au transfert de la gestion des petites lignes ferroviaires. Au total, d'après le Gouvernement, une quarantaine de mesures d'application sont actuellement soumises à consultation, en cours d'examen par le Conseil d'État ou en cours de signature.
Je vous informe également de la publication d'un arrêté sur un sujet dont nous avions débattu dans l'hémicycle à l'initiative de notre collègue Patrick Chaize, qui encadre les conditions de transformation des véhicules thermiques en véhicules électriques. Il permet qu'une telle transformation soit réalisée sur les véhicules de plus de cinq ans sans que l'accord préalable du constructeur soit nécessaire, ce qui répond à la demande que nous avions exprimée.
Au-delà du retard de parution des mesures d'application, la crise a deux impacts importants sur la mise en oeuvre de la LOM, qui pourraient mettre à mal son objectif de développer des services de mobilité sur l'ensemble du territoire, et en particulier dans les territoires qui en sont actuellement dépourvus.
Le premier impact concerne la prise de compétence « mobilité » par les communautés de communes. Vous le savez, et c'est l'une des mesures de phare de la LOM, les communautés de communes devaient initialement délibérer sur le transfert de cette compétence avant le 31 décembre 2020.
Afin de tenir compte du report du second tour des élections municipales, et de son incidence sur la constitution des exécutifs locaux, une ordonnance du 1er avril dernier a repoussé cette échéance au 31 mars 2021, sans pour autant reporter l'échéance de la prise effective de compétence, qui reste fixée au 1er juillet 2021.
Malgré ce report, et quand bien même le scrutin municipal pourrait avoir lieu à l'automne, il est à craindre que de nombreuses communautés de communes ne disposeront pas du temps nécessaire pour délibérer en étant pleinement éclairée sur la question avant le 31 mars 2021. Un nouveau report de cette échéance pourrait donc s'avérer nécessaire, sans quoi il est à craindre que les régions deviennent autorités organisatrices par défaut dans un grand nombre de territoires.
Le second impact, qui est étroitement lié au premier, concerne les ressources des autorités organisatrices de la mobilité. La crise impacte en effet fortement les recettes des collectivités, dont le versement mobilité (VM) qui pâtit de la réduction de la masse salariale. La commission des finances du Sénat, en lien avec les acteurs du secteur, a évalué la baisse du VM entre un et deux milliards d'euros, montant auquel s'ajoutent les pertes de recettes commerciales des opérateurs de transport qui s'élèveraient à 400 millions d'euros par mois de confinement, et qui remettent en cause l'équilibre économique des contrats de transport.
Cette baisse de ressources pourrait entraîner une dégradation de l'offre de services de transports. C'est pourquoi les associations de collectivité compétentes en matière de transport ont écrit au Gouvernement pour demander que cette baisse soit neutralisée. C'est une demande que je soutiens bien entendu : il est impératif que le prochain projet de loi de finances rectificatives comporte des dispositions permettant de sécuriser les ressources des AOM et préserver l'offre de transport public.
J'ajoute pour terminer que la crise ne doit pas remettre en cause et retarder la mise en oeuvre des nombreuses dispositions favorables à l'environnement de la LOM, notamment celles qui ont été introduites par le Sénat.
J'ajoute que nous attendons la mise en oeuvre du schéma national des services de transport, prévu par la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, qui n'a toujours pas été élaboré, malgré nos nombreuses relances.
La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire n'entre pas à proprement parler cette année dans le cadre de notre exercice de contrôle de l'application des lois puisqu'elle est très récente et donc que les textes réglementaires d'application n'ont pas encore été pris.
Il était néanmoins difficile de ne pas en dire un mot au regard du travail considérable que notre commission a effectué sur ce texte important depuis juillet dernier.
En ma qualité de rapporteure, je voudrais donc aujourd'hui rappeler quelques points importants, qui guideront le suivi rigoureux que je compte faire de l'application de cette loi dans les mois qui viennent.
À titre liminaire, je souhaite rappeler la qualité du travail transpartisan qui a été mené ici au Sénat sur ce texte et qui a permis de lui donner une plus grande envergure et une véritable ambition environnementale. Vous vous en souvenez, nous avions mis l'accent sur la lutte contre l'ensemble des déchets plastiques, sur la lutte contre le gaspillage, sur le développement du réemploi et de la réparation, ou encore sur l'amélioration de la gestion des déchets du bâtiment et la lutte contre les dépôts sauvages. Ces avancées exigeantes, nous devons veiller à ce que la mise en oeuvre de la loi les conforte.
La crise sanitaire sans précédent que nous traversons actuellement ne doit en aucun cas conduire à amoindrir la portée de cette ambition, que nous avons collectivement construite et votée. En revanche, elle doit conduire le Gouvernement à accompagner les acteurs industriels du secteur et les collectivités territoriales, à leur donner tous les moyens pour qu'ils soient en mesure d'atteindre ces objectifs, et aussi à leur donner de la souplesse pour mettre en oeuvre les transformations attendues et appliquer la loi. Je crois ainsi que les modalités de consultation et de concertation requises pour la préparation de certains décrets doivent pouvoir être assouplies afin de permettre aux acteurs concernés d'y être associés dans les meilleures conditions possibles : j'ai écrit à la ministre de la transition écologique et solidaire et les contacts que j'ai pu avoir avec son cabinet semblent indiquer que ces difficultés seront prises en compte.
Mon deuxième point concerne le sujet spécifique de la consigne pour recyclage des bouteilles en plastique. C'est grâce au Sénat que le texte initial du Gouvernement, qui prévoyait la possibilité d'une mise en place immédiate et sans conditions d'un système de consigne, a finalement évolué afin de laisser aux collectivités territoriales le temps et l'opportunité de montrer qu'elles peuvent atteindre les objectifs ambitieux fixés au niveau européen sans mettre en place de système de consigne, notamment grâce à l'extension des consignes de tri. Nous devrons être très vigilants sur les moyens qui seront donnés aux collectivités pour atteindre ces objectifs. Mon courrier à la ministre portait également sur ce point.
La mise en place des nombreuses filières de responsabilité élargie du producteur (REP) créées et parfois étendues par la loi constituera un autre enjeu important du suivi de l'application du texte. Certains acteurs se sont déjà prononcés pour le report des échéances en raison de l'épidémie de Covid-19. Si ce discours peut parfaitement s'entendre pour les REP devant être créées dans quelques mois, il conviendra d'étudier au cas par cas les demandes des acteurs. Je le rappelle, l'ambition que nous avons fixée devra être maintenue pour tous les secteurs, et ce d'autant plus que repousser l'entrée en vigueur des filières impliquerait un surcoût pour les collectivités.
Autre enjeu : la réforme des filières REP. De nouveaux objectifs visant à prévenir la constitution des déchets en amont doivent notamment être pris par les éco-organismes et arrêtés par l'État : les acteurs devront se montrer à la hauteur de l'ambition qui a été celle du législateur, en matière de réemploi ou de réparation. Une vigilance particulière devra être portée à la mise en place de la REP bâtiment et au maillage territorial en points de collecte qui devra l'accompagner.
Enfin, le Parlement a maintenu, dans l'article 125 de la loi, plusieurs habilitations à légiférer par ordonnance, bien qu'ayant fortement réduit le champ des habilitations. Un premier projet d'ordonnance a été publié. Il conviendra de s'assurer que le point de vue des territoires soit bien pris en compte dans ce projet d'ordonnance et dans celui ou ceux qui pourraient suivre.
En ma qualité de rapporteur de ce texte pour notre commission, je souhaite vous faire un point sur l'état de l'application, au 31 mars, de la loi du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement.
C'est la première fois que nous nous penchons sur l'application de cette loi promulguée il y a neuf mois. Depuis pourtant, elle a donné lieu à un changement majeur : la mise en service, le 1er janvier dernier, d'un nouvel établissement public, l'Office français de la biodiversité (OFB), devenu le principal pilote en matière de biodiversité et de nature dans le paysage administratif français.
Il y avait là une vraie gageure, vous vous en souvenez : mettre à flot une nouvelle agence d'État en à peine cinq mois et moins de trois ans après la création de sa prédécesseure, l'Agence française pour la biodiversité (AFB), qui se retrouve ainsi fusionnée dans le nouvel établissement avec l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).
Pour rappel, outre la création de ce nouvel établissement public, la loi du 24 juillet 2019 comprenait un volet renforçant les pouvoirs de police judiciaire donnés aux inspecteurs de l'environnement ainsi qu'un volet visant à mettre en oeuvre la réforme de la chasse et le plan biodiversité de juillet 2018.
Vous vous en souvenez certainement, ce volet a notamment inscrit dans la loi l'engagement des fédérations de chasseurs d'amplifier leurs actions en faveur de la biodiversité, ainsi que la mise en place d'un dispositif de gestion adaptative, qui permettra d'adapter à l'état de conservation de certaines espèces le nombre de spécimens pouvant être prélevés.
Au 31 mars 2020, soit environ huit mois après son entrée en vigueur, dix mesures réglementaires d'application ont été prises sur les seize prévues, soit un taux global d'application de 63 %. Comme le ministère nous l'a indiqué et comme nous pouvons le comprendre, la crise sanitaire actuelle liée à l'épidémie de coronavirus est venu perturber le calendrier de publication des textes d'application de la loi. En effet, tant les services du ministère que le Conseil d'État ont été depuis plusieurs semaines pleinement mobilisés sur de nombreuses urgences.
À ce jour, six décrets doivent encore être pris, principalement relatifs à la réforme de la chasse.
En ce qui concerne le premier volet relatif à l'OFB, toutes les mesures réglementaires prévues par la loi ont été prises, permettant ainsi au nouvel établissement de voir le jour le 1er janvier dernier et de tenir son premier conseil d'administration le 3 mars dernier. Le décret n° 2019-1580 du 31 décembre 2019 relatif à l'Office français de la biodiversité rassemble toutes ces mesures. L'arrêté du 30 décembre 2019 a nommé Pierre Dubreuil à la tête de l'établissement et onze arrêtés prévus par le décret que je viens de vous citer ont été pris pour permettre le bon fonctionnement du nouvel établissement - fixation du siège de l'OFB à Vincennes, désignation du commissaire du Gouvernement, modalités de la contribution financière de l'OFB aux parcs nationaux, contribution financière des agences de l'eau à l'OFB. En outre, la décision interministérielle du 1er janvier 2020 a fixé le budget initial de l'établissement pour 2020 : 423,39 millions d'euros en recettes et 433,39 millions d'euros en dépenses, une autorisation de prélèvement sur fonds de roulement de 10 millions d'euros ayant été accordée.
En revanche, ni le conseil scientifique ni le comité d'orientation prévus par la loi n'ont été mis en place. S'agissant du conseil scientifique, la liste fixant sa composition est en cours de finalisation et devrait être publiée fin avril ou mi-mai 2020 selon les informations qui nous ont été transmises par le ministère. Quant au comité d'orientation, l'objectif semble être une première réunion de cette instance d'ici la fin de l'année.
Il convient de noter que le projet de décret prévu par l'article 3 de la loi et qui doit préciser les missions d'intérêt général par l'État aux conservatoires botaniques nationaux, n'a en revanche pas encore été pris. Il a été soumis à la consultation du public et à celle du Conseil national de protection de la nature (CNPN) en décembre 2019, qui a émis un avis favorable.
Il est apparemment toujours en cours d'examen par le Secrétariat général du gouvernement en vue de sa soumission au Conseil d'État.
Je regrette en revanche que les deux rapports prévus par la loi relatifs aux carrières des personnels de l'OFB n'aient toujours pas été transmis, alors qu'ils devaient l'être dans un délai de six mois suivant la publication de la loi. Ce retard est d'autant plus regrettable que l'installation de l'OFB s'est faite en urgence dans un climat social tendu pour une grande partie des agents de terrain.
J'en viens à la réforme de la chasse. Sur ce volet, moins de la moitié des mesures d'application ont été publiées à ce jour - six sur les treize prévues par la loi. La plupart de ces décrets devant être pris devant le Conseil d'État, leur calendrier de publication est aujourd'hui soumis à l'incertitude liée à l'épidémie de coronavirus, qui entraîne un grand nombre de textes urgents à examiner par le Conseil d'État.
Trois décrets ont été pris visant principalement à renforcer le rôle des acteurs du monde cynégétique à la protection de la biodiversité : le décret n° 202087 du 5 février 2020 relatif à l'autorisation de chasser accompagné et aux procédures de rétention et suspension administratives du permis de chasser, le décret n° 202092 du 6 février 2020 relatif à certaines ressources et charges de la Fédération nationale et des fédérations départementales des chasseurs et le décret n° 20191432 du 23 décembre 2019 relatif aux missions de service public des fédérations départementales des chasseurs concernant les associations communales de chasse agréées et les plans de chasse individuels.
Concernant ce dernier décret, je signale que alors que l'article 13 de la loi prévoit une intervention obligatoire du préfet en cas de défaillance grave dans la prise en compte par le plan de chasse des orientations du schéma départemental de gestion cynégétique ou d'augmentation importante des dégâts de gibier lorsqu'il est établi qu'elle résulte de prélèvements insuffisants, la mesure réglementaire publiée ne prévoit dans ces cas qu'une simple faculté pour le préfet. L'intention du législateur n'a donc pas été respectée sur ce point.
Les services du ministère que j'ai interrogés m'ont indiqué qu'il s'agissait d'une erreur et qu'une modification du décret était prévue afin de la rectifier. J'y serai attentif.
Cinq mesures réglementaires restent à prendre, pour certaines dans un calendrier relativement incertain étant donné la surcharge actuelle du Conseil d'État. C'est le cas du décret relatif au fichier national du permis de chasser ou encore du décret définissant les modalités de la gestion adaptative des espèces, qui a fait l'objet d'un premier examen par le Conseil d'État très récemment, le 20 avril 2020.
Le rythme de publication des mesures réglementaires de cette loi est globalement satisfaisant, moins d'un an après son entrée en vigueur et malgré les difficultés actuelles qui ont ralenti certaines procédures requises pour la publication de ces mesures. Nous serons attentifs à la poursuite de la mise en application de la réforme de la chasse.
La loi portant création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a été promulguée le 22 juillet 2019, son décret d'application est paru le 18 novembre 2019 et le décret nommant son directeur général, M. Yves Le Breton est paru le 23 décembre 2019.
Le processus de création de cette agence a été long : la mise en place d'un point d'entrée unique dans les services déconcentrés de l'État pour soutenir les collectivités territoriales dans la définition et la mise en oeuvre de leurs projets avait été évoquée par le président du Sénat en 2017. Nous l'avions également demandée dans notre rapport « Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité » avec le président Hervé Maurey, avant que le Président de la République ne fasse sienne cette idée et que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) dépose une proposition de loi pour créer cet opérateur.
Je rappellerai d'abord les points saillants de l'examen du texte au Parlement, avant de présenter l'état d'application de cette loi et de donner des informations pratiques sur sa mise en place. J'évoquerai enfin les projets du Gouvernement actuel s'agissant du soutien aux territoires ruraux.
S'agissant du premier point, l'une des spécificités du processus d'élaboration de cette loi est que le président du Sénat avait demandé l'avis du Conseil d'État sur le texte initial de la proposition de loi. Autre fait notable : c'est à l'initiative de notre commission que l'audition du directeur général pressenti de l'ANCT par les commissions compétentes du Parlement a été prévue en application de l'article 13 de la Constitution, avant que le pouvoir de nomination du Président de la République ne puisse s'exercer.
Enfin, je rappelle que si un consensus a pu être trouvé avec les députés au sujet des missions et du champ d'intervention de l'ANCT, nous ne sommes pas parvenus à nous accorder sur la question de la gouvernance : le Sénat souhaitait que les élus locaux et nationaux disposent de la majorité des voix au conseil d'administration de l'agence. Les députés et le Gouvernement ont refusé cette proposition. Nous avons ensuite proposé une procédure de minorité de blocage si une part importante des élus s'opposait à une décision du conseil d'administration mais la contre-proposition des députés lors de la commission mixte paritaire n'était pas satisfaisante.
Deuxième sujet : la loi portant création de l'ANCT est aujourd'hui applicable à 75 %. Onze mesures d'application étaient prévues, huit ont pu être traitées grâce au décret du 18 novembre 2019 notamment : la tutelle de l'ANCT, qui est exercée par les ministres chargés de l'aménagement du territoire, des collectivités territoriales et de la politique de la ville ; l'intégration de l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux (Epareca) et de l'Agence du numérique ; la composition du conseil d'administration, qui comprend 33 membres dont 16 représentants de l'État, 1 représentant de la Caisse des dépôts, 10 élus locaux, 2 représentants du personnel de l'agence et 4 parlementaires ; la composition et le fonctionnement du comité local de la cohésion territoriale et le rôle du préfet de région.
À l'heure actuelle, il manque encore trois mesures d'application : une convention entre le ministre chargé de l'aménagement du territoire et le ministre chargé des communications électroniques et du numérique est prévue pour définir la reprise des missions de l'ancienne Agence du numérique par l'ANCT - elle est en cours d'élaboration et sera présentée au conseil d'administration de l'ANCT dans les prochains mois ; les conventions pluriannuelles liant l'ANCT et ses opérateurs partenaires (Anru, Anah, Cerema, Caisse des dépôts, Ademe) et prévoyant les conditions de leur participation financière aux missions de l'ANCT manquent encore. Il sera difficile de rattraper le retard. La convention avec le Cerema est prête, de même que celle avec l'Anru. Pour l'Ademe, l'Anah et la Banque des territoires, l'élaboration des conventions devrait aboutir en juin. Je rappelle que ces conventions devront être transmises au Parlement lorsque les organes délibérants des établissements concernés les auront adoptées, comme le Sénat l'avait prévu.
Il manque également un décret d'application pour prévoir les catégories de personnes pouvant entrer dans la « réserve citoyenne pour la cohésion des territoires », la durée et les clauses du contrat d'engagement. Il s'agit d'une disposition introduite par les députés.
Enfin, le ministère de la cohésion des territoires m'a indiqué qu'une circulaire et un vademecum seront adressés aux préfets, pour clarifier la doctrine d'intervention de l'ANCT.
D'un point de vue concret et une fois ces étapes indispensables franchies, l'ANCT sera pleinement opérationnelle en octobre 2020. Elle rassemble près de 380 agents publics ou contractuels répartis sur quatre sites principaux - Paris, Lille, Lyon et Marseille - et son budget s'élève à environ 75 millions d'euros pour l'année 2020. Il est évident que la crise sanitaire actuelle ne permet pas aux projets locaux d'émerger et d'être soutenus par l'agence de façon aussi fluide qu'en temps normal. Nous devrons donc rester attentifs, localement, aux éventuelles situations de blocage avec les préfets pour intervenir en appui et faire remonter des problématiques au ministère, le cas échéant. Il serait également nécessaire que le Gouvernement indique s'il compte prioriser certains types de projets par rapport à d'autres, je pense par exemple à la mobilité, aux ouvrages d'art, aux circuits courts alimentaires ou au télétravail et à l'aménagement numérique du territoire, qui démontre ses forces et ses faiblesses pendant la crise.
Dernier point : quelle politique le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour les territoires ruraux ? Deux initiatives ont été mises en place : d'une part, une mission inter-inspections a été lancée pour faire des propositions sur l'évolution des dispositifs de zonage concernant les territoires ruraux, notamment les zones de revitalisation rurale. D'autre part, le directeur général de l'ANCT a saisi l'Insee le 10 mars dernier pour engager un travail de redéfinition de « l'espace rural » associant des critères démographiques, morphologiques et économiques.
Sur ces deux sujets, j'ai proposé à notre collègue Rémy Pointereau, rapporteur de la mission sur les zones de revitalisation rurale, de rédiger un courrier à l'attention de la ministre Jacqueline Gourault pour que nous soyons tenus informés et associés à ces travaux. Nous ne devons pas être mis devant le fait accompli sur ce sujet essentiel pour l'avenir de la ruralité.
Avant de conclure, je vous indique que le prochain conseil d'administration de l'agence se tiendra le 17 juin prochain et que vous pouvez me faire part de situations locales si vous le souhaitez.
Il est en effet important que vous puissiez faire le lien entre notre assemblée et l'ANCT, et que vous puissiez continuer à suivre la mise en place de cette agence, qui présente encore de nombreuses incertitudes.
Ces interventions rappellent l'importance du suivi de l'application des lois, qui n'est pas toujours un exercice « naturel » pour le Gouvernement, comme l'attestent les délais parfois longs de publication de certaines mesures d'application et l'existence de dispositions anciennes qui ne sont pas appliquées. Il est important que les rapporteurs réalisent un travail de suivi, afin de s'assurer que lois sont appliquées dans des délais raisonnables, et en conformité avec la volonté du législateur. Quand cela est possible, il convient également que nous soyons associés ou du moins consultés le plus en amont possible sur la rédaction des mesures d'application.
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Madame la secrétaire d'État, nous souhaiterions faire le point avec vous sur la situation du service public de traitement des déchets. Beaucoup d'élus locaux ont dû faire des choix durant la crise - arrêt de la collecte sélective, fermeture des déchetteries et des points d'apport volontaire - et ont rencontré des difficultés : augmentation des dépôts sauvages, problèmes de sécurité sanitaire pour les salariés du secteur, avec parfois une pénurie de masques FFP2 et FFP3. Sur le plan économique, toute la filière des déchets est déstabilisée, avec des tensions sur la collecte et le traitement, mais également des problèmes de débouchés pour les entreprises de recyclage.
Nous voudrions aussi connaître votre vision de « l'après », notamment du rôle de l'économie circulaire dans la relance. On le sait, certaines entreprises sont tentées de profiter de la nécessaire relance économique pour assouplir les règles environnementales. Nous souhaitons au contraire que la relance s'appuie principalement sur la transition énergétique et écologique. Nous l'avons dit notamment aux responsables d'Air France : nous veillerons à ce que les engagements de l'État soient suivis d'efforts importants de la compagnie en termes de protection de l'environnement et d'amélioration de son bilan carbone.
Le 2 avril dernier, Élisabeth Borne a eu l'occasion de faire devant vous un premier point sur la gestion environnementale de la crise. L'audition d'aujourd'hui va nous permettre de mettre l'accent sur la problématique complexe de la gestion des déchets et de l'économie circulaire.
Je veux tout d'abord m'associer aux remerciements formulés par Mme la ministre à l'égard de tous les agents du service public de traitement des déchets, qui ont admirablement tenu la « deuxième ligne ». Les acteurs de terrain ont été exemplaires.
Les activités de traitement et de gestion des déchets ont été déstabilisées dans les premiers jours de la crise sanitaire, mais la remarquable mobilisation du Gouvernement, des collectivités locales et des professionnels du secteur a permis le retour à une activité adaptée à la satisfaction des besoins prioritaires.
Premier constat : notre système de gestion des déchets a tenu. Malgré la crise, la collecte et le traitement des déchets ménagers ou infectieux ont été assurés, et la salubrité publique a été préservée. Nous nous sommes très tôt assurés de la mise en oeuvre de conditions sanitaires suffisantes pour les professionnels du secteur, notamment par la rédaction d'un guide méthodologique s'appuyant sur différentes recommandations du Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Nous avons veillé à approvisionner les salariés en masques lorsque cela était indispensable ; aucune rupture n'a été constatée.
Deuxième constat : malgré une situation assez hétérogène, on observe depuis plusieurs jours une tendance à la reprise de l'activité. Plus de 75 % des centres de tri et 70 % des déchetteries privées sont ouverts ; 40 % des déchetteries publiques assurent un service minimum. L'ouverture des points de collecte des déchets sous filière à responsabilité élargie du producteur (REP) représente un enjeu important de la reprise d'activité. Les déchetteries, les points de collecte volontaires et les bornes textiles sont en voie de réouverture progressive.
Troisième constat : les éco-organismes sont déstabilisés par cette crise sanitaire, qui est aussi une crise économique. Beaucoup d'émetteurs sous REP en France subissent une perte nette de chiffre d'affaires. Dans le même temps, certains déchets doivent continuer à être traités et collectés pour éviter une accumulation ou un risque de dépôts sauvages. Les déchets d'aujourd'hui correspondent à des produits achetés avant la crise. En revanche, le flux d'écocontributions diminue en même temps que la consommation des Français. De leur côté, les collectivités comptent sur le financement des éco-organismes pour assurer la continuité de leurs actions.
Plusieurs pistes sont actuellement à l'étude par les services du ministère pour assurer la continuité de l'activité des éco-organismes et le financement des collectivités locales.
Nous avons adressé voilà quinze jours un courrier aux éco-organismes pour leur rappeler qu'ils exerçaient une mission d'intérêt général prioritaire et que le maintien d'un service minimum de collecte auprès des collectivités était nécessaire pendant la crise.
Les acteurs préparent actuellement l'après-11 mai, dans le cadre de la mission Castex. Nous consultons l'ensemble des acteurs de la filière et les aiderons à relever les nombreux défis qui les attendent.
La chute des prix du pétrole entraîne une perte de compétitivité des matières recyclées au profit des matières premières vierges. Faut-il craindre cette nouvelle donne ?
Des acteurs économiques et des personnalités politiques appellent à revenir sur certaines ambitions de la loi relative à l'économie circulaire. Y a-t-il un risque de voir certains objectifs ou échéances remis en cause ?
Quels doivent être les principaux points d'attention lors du déconfinement ? Avez-vous élaboré des scénarios avec les différents acteurs ? Pouvez-vous nous en dire plus ?
Cette crise exceptionnelle ne remet nullement en cause les grands principes qui ont été fixés dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Elle nous conforte au contraire dans nos orientations. On voit en particulier l'importance de réduire notre dépendance à l'importation de matières premières et de renforcer les métiers du recyclage, pourvoyeurs d'emplois non délocalisables.
Le Medef et l'Association française des entreprises privées (AFEP) ont en effet plaidé en faveur d'un moratoire sur l'ensemble de la loi. Le président Bruno Retailleau nous a également adressé un courrier pour suggérer un moratoire sur certains articles de la loi, en particulier sur le décret fixant des objectifs d'interdiction des emballages en plastique jetables pour la période 2021-2025. Je rappelle que la loi fixe l'objectif d'une prohibition totale de ces emballages d'ici à 2040. Bien conscients des difficultés rencontrées par les acteurs économiques, nous allons examiner la situation au cas par cas, secteur par secteur, mais nous ne reviendrons pas sur l'ambition que nous avons fixée ensemble dans ce texte.
Ma conviction est que la réponse à cette crise ne pourra en aucun cas se traduire par moins d'écologie. La transition écologique est porteuse d'une croissance durable, qui a du sens, et l'économie circulaire permet d'allier justice sociale et création d'emplois.
Les activités de recyclage sont fortement impactées par la crise. Nous travaillons sur un mécanisme de bonus-malus pour favoriser les comportements vertueux et sur un taux d'incorporation minimum de matière recyclée par produit ou matériau, des leviers rendus opérants grâce à la loi que vous avez votée. Les services du ministère travaillent également sur d'autres pistes permettant de soutenir les filières du recyclage.
Comme je l'ai dit en introduction, les activités essentielles au maintien de la salubrité publique ont été maintenues pendant la crise. Quant au plan de déconfinement plus large du secteur, il se décline en quatre volets principaux : redémarrage des centres de tri des déchets économiques, réouverture des déchetteries, redémarrage des activités des éco-organismes et redémarrage des activités industrielles à risque. Des groupes de travail ont été constitués sur chacun de ces sujets pour s'assurer que la reprise se ferait dans le respect des préconisations sanitaires.
En tout état de cause, le dispositif d'activité partielle, l'un des plus généreux d'Europe, restera en vigueur jusqu'au 1er juin, comme l'a annoncé le Premier ministre. Il nous faudra ensuite l'adapter pour accompagner la reprise d'activité.
Nous sommes rassurés sur le fait que la relance ne se fera pas au détriment des objectifs environnementaux de la loi relative à l'économie circulaire. Nous devons toutefois veiller à ce qu'ils soient mis en oeuvre dans les meilleures conditions, en laissant aux acteurs des délais de consultation et d'évaluation suffisants.
Le plan de relance du « jour d'après » permettra-t-il de financer la modernisation de tous les centres de tri, de soutenir l'extension rapide des consignes de tri et de traduire un soutien fort au réemploi ? Si oui, comment ?
Certains acteurs réclament la création d'un fonds de transition pour accompagner la modernisation des outils de production vers l'utilisation de matériaux durables. Que pensez-vous de cette demande ?
Beaucoup de collectivités font valoir la double peine qui consisterait pour elles à payer un surcoût pour l'incinération ou le stockage de déchets qui n'auraient pu être recyclés pendant la crise. Mme Borne nous avait dit le 2 avril qu'il n'y aurait pas de TGAP-sanction sur les déchets valorisables enfouis ou incinérés pendant l'épidémie. Pouvez-vous nous confirmer qu'il sera possible de déroger aux limites administratives concernant la quantité et la qualité des déchets réceptionnés en unités de valorisation énergétique et en installations de stockage ? Pour combien de temps et selon quelles modalités ?
Enfin, comment organiser concrètement la reprise des activités des éco-organismes ? J'avais évoqué le 2 avril l'idée d'un fonds de compensation de la crise pour chaque éco-organisme. Où en sont les réflexions sur ce sujet ?
Une quinzaine de filières REP organisent la collecte et la valorisation des déchets autour des éco-organismes, financées par les écocontributions des fabricants et distributeurs de produits neufs. Or la situation économique de ces derniers risque de fragiliser le financement des éco-organismes pour plusieurs mois, voire plusieurs années.
Dans la filière textile, les acteurs de l'économie sociale et solidaire sont très dépendants de la capacité d'Eco TLC à maintenir son soutien. La situation n'est pas homogène selon les filières. Pour les équipements électriques et électroniques, ainsi que pour les meubles, des impacts importants sont attendus, mais leur ampleur dépendra du rythme et du volume de la reprise des activités économiques. Dans le secteur des emballages, la situation est plus contrastée, logiquement plus favorable dans le secteur agroalimentaire. Nous sommes en train d'évaluer ces difficultés et de réfléchir à plusieurs pistes pour maintenir les éco-organismes à flot.
Pour l'instant, la baisse de l'activité économique a entraîné une diminution de la quantité de déchets mis en décharge. Il n'y a donc pas à ce stade de raison d'augmenter les autorisations en termes de capacités. Les autres demandes devront faire l'objet d'un examen au cas par cas. Chaque situation est spécifique, et je ne voudrais pas que l'on prenne de mauvaises habitudes sur lesquelles il serait ensuite très difficile de revenir. Nous serons pragmatiques dans les réponses à apporter, mais vigilants sur l'opportunisme de certains exploitants.
Le programme d'extension des consignes de tri à l'ensemble des emballages est maintenu. Il doit s'achever à la fin de 2022. D'ici là, de nouveaux appels à projets lancés par Citeo doivent permettre de moderniser tout le parc des centres de tri en France.
Parallèlement, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire prévoit de nouvelles obligations pour les filières REP, notamment le développement de la collecte des emballages hors foyers et le traitement des dépôts sauvages.
L'application de ces mesures est en cours de discussion avec les différentes parties prenantes. Notre ambition reste intacte ; les dates d'application de la loi ne sont pas modifiées, mais il faudra bien entendu prendre en compte les difficultés liées à la crise sanitaire et économique. Le calendrier d'application de certaines mesures réglementaires pourrait ainsi être revu.
J'ai aussi entendu les inquiétudes portant sur un risque de transmission du virus par la vente en vrac. Certaines enseignes ont préventivement retiré ce mode de distribution. Je suis très attachée à ce mode de distribution, qui permet véritablement de réduire notre consommation d'emballages jetables, mais aussi souvent de consommer des produits locaux. J'ai échangé récemment avec le leader européen de la production de machines de distribution de vrac sec : ce mode de distribution ne constitue pas un risque particulier de propagation des maladies. Dans les magasins qui ont maintenu ce mode de distribution, on ne constate d'ailleurs pas d'impact majeur de l'épidémie sur les ventes de vrac sec.
Selon l'avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) du 9 mars dernier, rien n'indique au demeurant que les aliments soient une voie de transmission du virus. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande simplement de bien laver les fruits et légumes et de les peler au besoin avant consommation. Enfin, le consommateur de vrac est invité à apporter son propre contenant, ce qui semble plutôt un moyen hygiénique de transporter ses aliments. J'ai proposé au réseau vrac de produire un guide de bonnes pratiques pour consommer en toute sécurité. Pour toutes ces raisons, nous devons continuer, me semble-t-il, à promouvoir ce mode de distribution.
Concernant la mise en place d'un fonds de compensation, la réflexion a-t-elle été engagée ? J'avais déjà posé cette question à Mme Borne.
Vous évoquez un point clé, qui fait partie des éléments que nous étudions. Nous récoltons actuellement des informations pour comprendre l'impact de la crise sur les éco-organismes et sur les collectivités, et nous travaillons à différentes mesures afin qu'aucun acteur de la chaîne de l'économie circulaire ne soit impacté négativement.
Le règlement du Sénat prévoit désormais explicitement que les rapporteurs sont chargés du suivi de l'application des lois. Mme de Cidrac sera donc votre interlocuteur sur la mise en oeuvre de ce texte ; la commission souhaite qu'elle soit associée à l'élaboration de ses décrets d'application.
Je vous propose, madame la sénatrice, que nous échangions de manière bilatérale pour vous fournir plus d'informations sur le suivi de la mise en oeuvre de la loi. Je suis à votre disposition.
Où en sommes-nous de l'approvisionnement en masques pour les travailleurs du secteur des déchets ? Les acteurs nous ont fait part de la confusion qui régnait dans les premières semaines, s'agissant en particulier des masques FFP2 et FFP3. En ont-ils suffisamment aujourd'hui ? Qu'en est-il des autres salariés, dont beaucoup sont inquiets ?
Nous avons reçu un courrier de l'éco-organisme Dastri, qui traite les déchets infectieux, exprimant le souhait que les personnels chargés de la collecte soient prioritaires pour l'obtention de masques et demandant des clarifications sur l'article 62 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire concernant cette consigne de tri.
Sur ces questions, les collectivités territoriales ont souvent été livrées à elles-mêmes et ont été obligées d'improviser. Le ralentissement des services de gestion des déchets emportera, en outre, beaucoup de conséquences pour elles, avec la multiplication des dépôts sauvages, l'augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), les difficultés de reprise des activités industrielles, etc. Durant le confinement, les usagers ont fait beaucoup de tri et les apports, dont se nourrit l'économie circulaire, vont être importants. Or les éco-organismes sont en mode silence et les ressourceries, comme Emmaüs, sont en difficulté. Vous évoquiez un fonds de soutien, qu'en est-il ? Sachez qu'aujourd'hui certains organismes envisagent d'engager des vigiles pour éviter les dépôts. Il ne faudrait pas que nos vieux réflexes reprennent le dessus : ces lieux ne doivent pas devenir des déchetteries.
Vos propos nous rassurent, vous ne voulez rien concéder sur l'avenir du secteur et vos objectifs sont ambitieux, même s'ils sont accompagnés de peu de moyens. Un des piliers du secteur est le fonds déchets, opéré par l'Agence de la transition écologique (Ademe), qui reste plafonné depuis deux ans à 160 millions d'euros. Envisagez-vous de le relever à son niveau précédent ? La loi prévoit dorénavant que l'Ademe devrait superviser les secteurs REP, grâce à une redevance fixée par les éco-organismes. Quand son conseil d'administration sera-t-il saisi de la création de cette instance et du budget correspondant ?
La protection des ripeurs, des éboueurs, a toujours été une préoccupation de mon ministère. Ils constituent en effet la deuxième ligne, et leur travail, qui est difficile, est indispensable. Ces agents disposent des équipements de protection individuelle (EPI), qui sont nécessaires à leurs activités en dehors de la crise actuelle et qui étaient déjà prévus. Le souci de sécurité de ces agents est général, en dehors de la pandémie, c'est une question de protection au travail.
Nous avons demandé un avis scientifique pour savoir si le contexte imposait de changer les protections habituelles. Le HCSP a rendu un avis sur la gestion des déchets d'activités de soins à risque infectieux (Dasri) et un autre sur les déchets ménagers. Le premier recommande que les Dasri soient traités par la filière classique ; le second préconise, en matière de collecte des déchets ménagers, l'application aux agents des mesures barrières pour éviter la contamination, ainsi que le maintien des protections habituelles. Selon lui, le port du masque pour la collecte et le tri des déchets n'est pas nécessaire. Je vous l'ai dit, un guide de bonnes pratiques a été élaboré sur la base de ces recommandations, et le ministère du travail dispose de fiches métiers, parmi lesquelles une fiche dédiée à la collecte des déchets. Par ailleurs, certains acteurs du secteur fournissent des masques anti-projections en sus des dispositions prévues par le cadre réglementaire.
Pour assurer la continuité de l'activité, nous avons proposé de prêter aux entreprises du secteur des masques FFP2 et FFP3 ; 18 000 masques ont ainsi été prélevés sur les stocks stratégiques de Santé publique France (SPF), sous réserve que la filière soit solidaire, afin que chaque entreprise et certaines collectivités locales puissent en bénéficier et qu'elle rende à SPF un nombre équivalent de masques quand ses approvisionnements seront assurés. Il n'y a donc pas de tension sur ces produits. Nous travaillons pour garantir la disponibilité des stocks, par exemple en groupant les commandes avec celles d'autres filières industrielles.
Le risque de recrudescence des dépôts sauvages est lié à la fermeture de certaines déchetteries publiques, dans lesquelles il était parfois difficile de faire respecter les gestes barrières et dont le personnel a dû être réaffecté à d'autres services. Le Gouvernement a été vigilant et a permis aux particuliers de porter leurs déchets dans les points d'apport restés ouverts en se munissant d'une attestation dérogatoire - je vous rappelle que 40 % des déchetteries publiques et 75 % des déchetteries privées sont ouvertes. Lorsque cela n'est pas possible, les particuliers doivent stocker leurs déchets à domicile. La tendance est néanmoins positive : de plus en plus de déchetteries publiques rouvrent, car les collectivités locales savent que c'est impératif pour préserver les boucles vertueuses de l'économie circulaire. La Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (Federec) a mis en place une carte des déchetteries ouvertes, à destination des artisans du BTP qui reprennent certains chantiers dans des conditions permettant le respect des gestes barrières. Nous recommandons donc aux collectivités qui le peuvent le maintien de l'activité des déchetteries, dans le respect des consignes sanitaires, en permettant, par exemple, la prise de rendez-vous en ligne. Il s'agit de faciliter la reprise de l'activité des artisans et de garantir un gisement de déchets verts, nécessaire pour composter les boues des stations d'épuration. La situation est hétérogène, mais on est en phase de reprise ; un plan plus global est en cours de discussion avec les collectivités territoriales, car d'autres matériaux doivent être récupérés rapidement.
Le secteur du papier et du carton n'a pas connu de problème d'approvisionnement, l'industrie agroalimentaire en est particulièrement consommatrice, mais des stocks avaient été accumulés avant la crise, et la demande a baissé. Certains acteurs redoutent toutefois une tension et une hausse des cours, mais il n'y a pas de risque de rupture d'approvisionnement, car l'offre et le stock permettent de répondre à la demande.
S'agissant du textile, la plupart des points d'apport n'ont plus été collectés, en raison du ralentissement de l'activité de l'économie sociale et solidaire. Des opérateurs comme le Relais ont même demandé de ne plus trier les flux. Nous travaillons à un plan de reprise d'activité.
En ce qui concerne l'impact de cette crise sur l'économie sociale et solidaire, il faut relever que celle-ci est très présente dans le secteur du déchet : textile, réparation, collecte des encombrants ou encore ressourceries. Or ces activités ont subi un très fort ralentissement : la quasi-totalité des ressourceries a fermé, la collecte et le tri des déchets textiles ont cessé. Beaucoup d'acteurs de l'économie sociale et solidaire ont mis en place des mesures de chômage partiel, mais celles-ci ne sont pas toujours durables. Il y a quinze jours, Emmaüs a ainsi dû lancer un appel aux dons pour la première fois. Ces acteurs ont besoin de visibilité sur la reprise d'activités des partenaires - entreprises, collectivités, éco-organismes - dont ils dépendent. Ils participent au point quotidien du secteur, sous la forme d'un appel entre les services du ministère, mon cabinet et toute la filière déchets. Nous travaillons collectivement à un plan de reprise et nous identifions les mesures complémentaires qui pourraient être nécessaires.
S'agissant de la mission de pôle de suivi des REP confiée à l'Ademe, prévue par la loi, nous souhaitons que ses effectifs ne soient pas compris dans le plafond d'emplois de l'Ademe. Ce point doit faire l'objet d'un arbitrage interministériel, qui aboutira sans doute cet été. Mon cabinet a des échanges nourris avec les autres ministères sur ce sujet crucial.
Je salue les personnels de l'ensemble des structures du secteur des déchets, qui exercent des métiers qui restent à valoriser ; ils sont inquiets quant à la hausse du volume des déchets infectieux et aux moyens de protection dont ils disposent.
Sur l'augmentation du nombre de dépôts sauvages, savez-vous quel est le niveau de verbalisation de ces infractions ?
L'économie sociale et solidaire occupe une place essentielle dans l'économie circulaire et dans la gestion des déchets. À ce titre, la situation d'Emmaüs est préoccupante : un tiers des communautés souffrent d'importantes difficultés de trésorerie et doivent être soutenues. Vous avez évoqué la nécessité de travailler avec les acteurs du secteur sur un plan de reprise, mais y aura-t-il un plan de relance ? Quelle est la place de l'économie sociale et solidaire dans vos réflexions à ce sujet ? Quelles actions fortes devront être menées dans le domaine de l'environnement et de la préservation de la biodiversité ? Vous avez indiqué que seule une loi pourrait remettre en cause cette ambition, inscrite dans la loi, mais le précédent malheureux de l'écotaxe nous appelle à la vigilance.
Vous avez évoqué les demandes de remise en cause de certaines dispositions inscrites dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire émanant du Medef ou du président Retailleau. Vous avez indiqué que vous ne reviendrez pas sur l'ambition de ce texte, mais votre ministère envisage des ajustements au cas par cas : pouvez-vous nous en dire plus ? Quelles mesures, concernant en particulier l'économie sociale et solidaire, sont susceptibles d'être retardées ?
Vous avez répondu à la question sur la sécurité des personnels du secteur des déchets, sur les masques, en reprenant les déclarations de Mme Borne, selon lesquelles il n'est pas nécessaire de porter des masques lors de la collecte. Pourtant, les ripeurs en sont fortement demandeurs ; c'est important pour eux sur le plan psychologique.
La recrudescence des dépôts sauvages nous inquiète dans le Doubs, où, comme dans le reste de la région Bourgogne-Franche-Comté, les déchetteries sont fermées depuis plusieurs semaines et commencent seulement à rouvrir, sur réservation. De tels dépôts sauvages comportent des risques sanitaires, ils mobilisent les agents municipaux : avez-vous des données nationales sur cette recrudescence ? Avez-vous des échanges avec les exploitants des déchetteries pour identifier les auteurs de ces dépôts sauvages et sanctionner ces infractions ? Cette situation ne doit pas perdurer.
La question des déchets est aussi internationale. Voyez le rôle des plastiques contre la biodiversité à l'échelle mondiale. L'arrêt du tourisme en Afrique remet en cause les politiques de conservation de la faune, qui sont adossées à l'économie des grands parcs ; le braconnage se développe. Constatez-vous, parmi vos homologues européens, une volonté de continuer les grandes politiques environnementales à l'échelon européen ? Préparez-vous de nouvelles initiatives en ce sens ou bien l'action est-elle suspendue par la crise du Covid-19 ?
La verbalisation des dépôts sauvages relève des collectivités territoriales, l'État ne dispose pas de statistiques nationales. Notre priorité est d'assurer la réouverture des déchetteries et de communiquer sur les bons gestes en matière de déchets. Les déchetteries rouvrent ; j'ai bon espoir que leur réouverture limitera les dépôts sauvages qui se manifestent partout en France.
La crise démontre l'utilité des mesures de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, en particulier l'urgence de créer une filière REP dans le BTP. Certains profitent de cette crise sanitaire pour reprendre leurs vieilles lunes contre l'ambition de la loi - c'est le sens du courrier que Bruno Retailleau vient de m'adresser -, avec des arguments auxquels je me suis opposée à de nombreuses reprises avant même le débat législatif. Notre ambition, cependant, ne bougera pas d'un iota. La rédaction des décrets pourra faire l'objet de certaines adaptations compte tenu de la situation : il faut, par exemple, tenir compte des conditions inédites de consultation du public, ce qui pourra avoir des conséquences sur le calendrier de certaines mesures, mais l'ambition et la mise en oeuvre de la loi elle-même ne sont nullement remises en cause.
Cette crise sanitaire appelle à repenser en profondeur la mondialisation, le rôle des États et la coopération internationale : face au Covid-19, la recherche est internationale - c'est essentiel pour trouver un vaccin -, et le besoin de coopération reste entier en matière environnementale comme pour la préservation de la biodiversité. Je travaille activement à l'échelle européenne comme internationale avec mes homologues pour définir des mesures de soutien aux pays en voie de développement et pour accélérer la préservation de l'environnement et de la biodiversité ; les chantiers sont nombreux. Je compte bien parvenir à des avancées d'ici au Congrès mondial de la nature, reporté à janvier 2021. L'action continue donc : vous avez vu que j'ai participé hier au dialogue de Petersberg en Allemagne, sur la mise en oeuvre de l'accord de Paris et la préparation des prochains rendez-vous pour le climat.
Les dépôts sauvages de déchets nous mobilisent. Je suis en relation avec les responsables de déchetteries, et vous savez que la loi confie aux maires de nouvelles responsabilités pour sanctionner ces dépôts.
Le président Bruno Retailleau a demandé non pas un moratoire, mais que les professionnels soient associés à l'élaboration des mesures réglementaires. Son propos était très clair, j'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec lui.
La crise sanitaire retarde l'application des mesures que nous avons prises pour la consigne des bouteilles en plastique et des canettes. La collecte collective dans le hors foyer n'est pas effective - je pense en particulier aux fast-food et aux distributeurs dans les gares. Des automates de récupération sont programmés sur des parkings de supermarchés, des appels d'offres sont en cours. L'ensemble du dispositif résulte d'un compromis, assorti d'un calendrier : ne faut-il pas reporter ce calendrier de quelques mois, pour tenir compte de la crise sanitaire ?
Je m'inquiète des effets du suremballage plastique liés à l'augmentation des livraisons par colis. Dans le cadre de la mission sur la pollution par les plastiques, que je conduis avec mon collègue député Philippe Bolo pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, nous avons été alertés sur le fait qu'à Banyuls-sur-Mer, le polystyrène expansé est devenu le premier polluant sur les plages catalanes : il faudra examiner comment faire face.
Pour ce qui concerne « l'après », l'incorporation du plastique recyclé est préconisée, plutôt que le recours au plastique vierge. Or la résine de plastique vierge, à la faveur de la baisse du prix du pétrole, se négocie à 700 euros la tonne, contre 1 100 euros pour celle de plastique recyclé. Ne faut-il pas tenir compte des externalités du plastique vierge ?
Sur la REP « mégots », il me semble que l'effort porte essentiellement sur le recyclage. Ne faudrait-il pas davantage de moyens pour la protection de l'eau, afin que les mégots arrivent moins dans les rivières et en mer ?
Il faut également améliorer la collecte des biodéchets. Cela réduirait les volumes des ordures ménagères collectées.
Enfin, nous serions heureux, avec Philippe Bolo, d'assister à des réunions sur le plan Plastiques.
Les déchetteries rouvrent, mais avec des disparités territoriales : l'offre de services varie selon les sites, au point que l'on se demande si les protocoles sont assurés partout. Ne faut-il pas un plan d'ouverture à l'échelon départemental, en lien avec le régional ? Nous constatons également une forte variation du prix de l'incinération des déchets entre la métropole bordelaise et le reste de la Gironde. Vous paraît-il normal que Veolia, qui n'a pas de concurrent, fasse payer plus cher les territoires ruraux et périurbains, en se justifiant par les investissements nécessaires ?
Devant les difficultés liées à la crise sanitaire et à la faveur de la baisse du prix du pétrole, comme de l'exigence de la reprise économique, nous assistons effectivement à des pressions pour que l'on en rabatte sur nos ambitions et nos exigences environnementales. Voyez les propos du Medef ou le courrier de Bruno Retailleau ! On regrettera à ce titre l'absence de contreparties environnementales dans le plan de 22 milliards d'euros déjà mobilisés.
Vous dites qu'il faudra tenir compte des difficultés des entreprises. Qu'entendez-vous par là plus précisément, et comment comptez-vous associer le Parlement aux prochains arbitrages ?
Alors que nos concitoyens demandent une parole forte sur la transition écologique, comment allez-vous prendre en compte les travaux de la convention citoyenne pour le climat ?
Pour soutenir l'économie sociale et solidaire, nous avons créé un fonds pour l'emploi solidaire. N'est-ce pas un outil à mobiliser ? Comptez-vous le mettre en place et selon quels contours ?
Enfin, au-delà des baisses annoncées aujourd'hui par Élisabeth Borne, peut-on envisager une exonération totale de TGAP pour les collectivités territoriales, qui ont assuré une continuité du service public ?
Lors de la commission mixte paritaire sur la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, vous avez adopté une méthode pour retenir le meilleur dispositif de collecte des bouteilles en plastique. Elle demeure, même si nous devrons prendre en compte l'impact de la crise sanitaire. Des acteurs souhaitent aller plus vite et installent des automates sur les parkings, c'est leur initiative.
Sur le polystyrène expansé, il faut regarder de plus près la situation ; nous y travaillons.
Certains d'entre vous ont été saisis par des filières, notamment maraichères, pour faire la promotion des emballages plastiques et pour que le Gouvernement revienne sur les interdictions votées l'an passé. Nous refusons cette demande de retour en arrière, nous en avons débattu fréquemment. Dans son avis du 9 mars, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) précise que les aliments ne sont pas des vecteurs de transmission du Covid-19. Un suremballage ne se justifie donc pas. L'OMS va dans le même sens, en estimant que sont indispensables les règles habituelles : laver et peler les aliments avant de les consommer. Dans son avis sur les déchets, le Haut Conseil de la santé publique précise que des souches du Covid-19 peuvent rester actives sur le plastique pendant deux à six jours. Le plastique n'est donc pas une barrière contre le virus. J'ai demandé à mes services des études complémentaires sur le sujet.
Même si c'est contre-intuitif, les plastiques ne protègent pas contre le virus ; au contraire, puisqu'il y reste actif plus longtemps que sur d'autres matières. Il n'y a donc pas de raison à trouver dans cette crise sanitaire pour revenir sur les interdictions que nous avons prises, quand bien même des consommateurs privilégient, par réflexe, des produits suremballés, d'autant que le plastique a un impact majeur à l'échelle planétaire, contre la biodiversité. Notre interdiction du suremballage plastique s'appliquera donc en 2022, délai qui laisse le temps aux professionnels de s'adapter.
Nous examinerons les réductions de TGAP au cas par cas - ce sont les exploitants des décharges et des incinérateurs qui sont redevables, pas les collectivités. Le recyclage coûte cependant plus cher que la mise en décharge : il faut garder de la cohérence, dès lors que l'on veut soutenir le recyclage.
Les déchetteries publiques sont gérées par les collectivités territoriales, l'État n'a pas à s'ingérer dans les décisions locales. Nous discutons, nous partageons nos informations, nous encourageons les bonnes pratiques, mais les modalités concrètes d'ouverture, de contrôle et de poursuites des infractions sont propres à chaque collectivité responsable. Quant aux déchetteries privées, leur maillage est très inégal, ce qui démontre encore l'utilité d'une REP déchets du BTP, car elle conduira à compléter le maillage de ces déchetteries - c'est une motivation supplémentaire pour ne pas faillir dans l'ambition ni dans l'application de la loi.
La REP « mégots » sera mise en oeuvre l'an prochain. Elle ne visera pas seulement le recyclage, mais aussi la performance de la collecte : nous voulons qu'elle finance la collecte sur la voie publique, dans les établissements recevant du public, mais aussi chez certains professionnels, comme les buralistes. Nous devons agir de façon préventive, travailler en amont, pour que diminue le nombre de mégots qui arrivent dans la nature.
Nous sommes bien d'accord sur les méfaits du polystyrène expansé. Nous avons pris des mesures pour l'interdire dans les contenants utilisés dans les fast-food et la vente à emporter. La France est à l'initiative dans le cadre de la directive européenne sur les plastiques à usage unique, nous reviendrons à la charge bientôt avec le bonus-malus dans la REP « emballages ménagers ».
Avec la crise sanitaire, les habitudes de consommation ont changé. Les professionnels nous disent que le mix produit comporte plus de corps creux et moins de corps vides, provoquant des pertes financières pour les centres de tri privés qui ont continué de fonctionner, au point que certains regrettent de l'avoir fait. Pensez-vous prendre des mesures spécifiques pour les entreprises qui ont joué le jeu, mais qui n'ont pas d'outils modernes, automatisés ?
La crise sanitaire a des conséquences sur les finances des syndicats d'ordures ménagères, qui voient leurs dépenses augmenter alors que leurs charges fixes sont importantes. Comment comptez-vous les aider ?
Dans le plan de relance, comptez-vous utiliser le levier de la TGAP, comme certains le demandent, pour l'affecter plus directement à l'extension des biodéchets, au tri et à l'économie circulaire ?
La crise sanitaire heurte de plein fouet l'économie circulaire et la gestion des déchets, de la collecte au traitement. Nous travaillons pour relancer et même accélérer la boucle vertueuse de l'économie circulaire, et je me réjouis de voir combien c'est important aussi pour les collectivités, combien vous vous mobilisez sur ces sujets.
Le plan de relance fait l'objet d'une discussion interministérielle. Le Président de la République a dit souhaiter que « l'après » ne soit pas la reproduction de l'avant-crise sanitaire, il a souligné que la transition écologique devrait être au coeur de la relance. La mobilisation de l'argent public est conditionnée à des mesures environnementales, Élisabeth Borne et Bruno Le Maire l'ont dit pour Air France-KLM. Nous avons besoin d'un bond en avant écologique et de justice sociale, les Français nous le demandent plus que jamais - le secteur de la gestion des déchets en est évidemment partie prenante.
Je vous remercie de ces réponses. Nous sommes attachés à ce que la transition écologique soit placée au coeur du plan de relance, à ce que celui-ci comprenne des avancées plutôt que des renoncements dans la lutte contre le changement climatique : d'accord pour des ajustements du calendrier qui s'avèreront nécessaires, mais pas pour des renoncements !
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Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.